20.11.2024 à 20:12
Human Rights Watch
(Taipei) – Le 19 novembre, un tribunal de Hong Kong a sévèrement condamné 45 éminents activistes pro-démocratie, sur la base d’accusations sans fondement liées à la sécurité nationale qui mettent en évidence la situation déplorable des droits humains à Hong Kong, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Le gouvernement de Hong Kong devrait annuler ces condamnations, et libérer immédiatement toutes les personnes condamnées.
Trois juges choisis par le chef de l’exécutif de Hong Kong ont condamné 37 hommes et 8 femmes à des peines allant de 4 ans et deux mois à 10 ans de prison. Les accusés avaient été précédemment reconnus coupables de « complot en vue de commettre un acte de subversion » en en vertu de l’article 22 de la loi sur la sécurité nationale. Ils avaient aidé à organiser une élection primaire informelle en 2020 visant à remporter des sièges au Conseil législatif, qui était alors semi-démocratique, et certains s’étaient présentés comme candidats.
« Tenter de se présenter comme candidat et de remporter une élection à Hong Kong est désormais un crime passible d’une peine pouvant aller jusqu’à 10 ans de prison », a déclaré Maya Wang, directrice adjointe pour la Chine à Human Rights Watch. « Les peines cruelles infligées à des dizaines d’activistes pro-démocratie illustrent la forte érosion des libertés civiles et de l’État de droit à Hong Kong au cours des quatre années depuis que le gouvernement chinois y a imposé à la draconienne loi sur la sécurité nationale. »
Les personnes condamnées représentent un large éventail de mouvements pro-démocratie de Hong Kong recouvrant plusieurs générations, notamment des anciens députés, des leaders de manifestations, des syndicalistes, des activistes et des universitaires. Leurs âges sont compris entre 26 ans et 68 ans.
En mai, les juges ont déclaré 14 accusés coupables à l’issue d’un procès de 118 jours, et ont acquitté deux personnes ; 31 autres accusés avaient plaidé coupable plus tôt, dans l’espoir de bénéficier de peines réduites.
Le tribunal a jugé que l’ancien professeur de droit de l’Université de Hong Kong, Benny Tai, 60 ans, était un « contrevenant principal ». Il a été condamné à 10 ans de prison, la plus longue peine prononcée parmi les accusés et la plus longue peine jamais prononcée depuis que Pékin a imposé la loi sur la sécurité nationale à Hong Kong en 2020.
Trois autres accusés ont également été considérés comme des « principaux contrevenants » : l'ancien député Au Nok-hin et les anciens conseillers locaux Andrew Chiu Ka-yin et Ben Chung Kam-lun. Le tribunal a réduit leurs peines à 6 ou 7 ans, pour avoir témoigné à charge et avoir plaidé coupable plus tôt.
Les accusés qui selon le tribunal ne faisaient pas partie des « principaux contrevenants », et qui avaient plaidé coupable plus tôt, ont été condamnés à des peines de prison allant de 4 ans et 2 mois à 5 ans et 7 mois. En comparaison, 14 accusés qui n'ont pas plaidé coupable mais ont été reconnus coupables lors du procès ont été condamnés à des peines de prison allant de 6 ans et 6 mois à 7 ans et 3 mois.
De nombreux aspects des conditions de détention et du procès ont violé les normes internationales de procédure régulière, notamment la détention provisoire prolongée et le refus d’envisager une libération sous caution. Plusieurs accusés sont en détention provisoire depuis plus de trois ans. Les autorités de Hong Kong ont également refusé à plusieurs reprises à Gordon Ng Ching-hang, un citoyen australien, l’accès aux fonctionnaires consulaires australiens qui aurait dû lui être accordé selon le droit international. Le refus du tribunal d’accorder un procès devant jury aux accusés a constitué une rupture avec la tradition pour les affaires pénales entendues par les tribunaux de première instance de Hong Kong.
Depuis que le gouvernement chinois a imposé la loi sur la sécurité nationale à Hong Kong en juin 2020, les autorités y appliquent arbitrairement cette loi d’une vaste portée pour réprimer le mouvement démocratique, a déclaré Human Rights Watch. Les autorités ont arrêté des personnalités pro-démocratie et forcé des médias indépendants, des syndicats et des partis politiques à fermer.
Les autorités ont transformé le Conseil législatif semi-démocratique en un simple organe d’avalisation en disqualifiant les législateurs pro-démocratie, et en modifiant les règles électorales de sorte que seuls les candidats fidèles au Parti communiste chinois puissent remporter un siège aux élections de Hong Kong.
En mars 2024, le gouvernement de Hong Kong a promulgué une autre loi sur la sécurité nationale, l’Ordonnance de sauvegarde de la sécurité nationale, qui criminalise un eventail encore plus large de propos et d’activités pacifiques. La Loi et l’Ordonnance sur la sécurité nationale, ainsi que la Loi sur la sédition de l’époque coloniale et l’Ordonnance sur l’ordre public, consituent un ensemble d’outils juridiques qui servent à piétiner les droits fondamentaux.
La répression du mouvement démocratique par les gouvernements chinois et hongkongais viole leurs obligations en vertu du droit international des droits humains. Ils devraient protéger l’exercice pacifique des droits fondamentaux garantis par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui est intégré dans le cadre juridique de Hong Kong par le biais de la Loi fondamentale de Hong Kong et l’Ordonnance sur la déclaration des droits.
« Au-delà de simples propos critiquant ces condamnations scandaleuses fondées sur de fausses accusations, les gouvernements étrangers devraient mettre en place des sanctions ciblées contre les fonctionnaires responsables et prendre d’autres mesures concrètes », a conclu Maya Wang. « Ces gouvernements devraient adopter à l’égard de la Chine une stratégie globale intégrant les droits humains au cœur de leurs relations avec le gouvernement chinois. »
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20.11.2024 à 07:00
Human Rights Watch
(La Haye) – La Syrie n’a pas respecté une ordonnance émise il y a un an par la Cour internationale de justice (CIJ), qui exigeait que le gouvernement syrien prennent toutes les mesures en son pouvoir pour empêcher les actes de torture dans ce pays, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Le 16 novembre 2023, a Cour internationale de justice avait ordonné la mise en place de mesures conservatoires dans le cadre de l’affaire portée par les Pays-Bas et le Canada, qui alléguaient que la Syrie violait la Convention internationale contre la torture.
Les recherches de Human Rights Watch montrent que les Syriens demeurent exposés aux risques de disparition forcée, de torture aux effets parfois fatals, et de détention dans des conditions abjectes. Un an après l’ordonnance de la CIJ, Human Rights Watch a mis en ligne un dossier web (en anglais) mettant en lumière les efforts de nombreux Syriens afin que les individus responsables des abus, qui se poursuivent, soient tenus de rendre des comptes.
« Les autorités syriennes continuent d’incarcérer des personnes dans les centres de détention du pays, qui sont tristement connus pour la torture », a déclaré Balkees Jarrah, directrice adjointe du programme Justice internationale à Human Rights Watch. « Malgré les difficultés, les familles et les survivants syriens restent déterminés dans leur lutte pour la justice, que ce soit par le biais de la plus haute cour du monde ou d’autres voies. »
La plainte, déposée en juin 2023, citait le traitement illégal des détenus, les conditions de détention inhumaines, les disparitions forcées, les violences sexuelles et sexistes, les violences contre les enfants et l’utilisation d’armes chimiques comme preuves que la Syrie violait la Convention contre la torture. Il ne s'agissait pas d'une procédure pénale visant des individus, mais plutôt d'une demande de détermination juridique quant à la responsabilité de l'État syrien pour des actes de torture.
Des récents rapports publiés par Human Rights Watch, par d’autres organisations de défense des droits humains, et par la commission d’enquête mandatée par les Nations Unies, indiquent que les autorités syriennes continuent de se livrer à des pratiques abusives en violation de l’ordonnance de la Cour internationale de justice.
En août 2024, le Réseau syrien pour les droits humains (Syrian Network for Human Rights, SNHR) a publié un rapport documentant la mort d’au moins 43 personnes suite à la torture depuis que la CIJ a émis son ordonnance. Dans ses deux derniers rapports (publiés en février 2024 et en août 2024), couvrant la période de fin 2023 à fin juillet 2024, la Commission d’enquête internationale indépendante des Nations Unies sur la République arabe syrienne a indiqué que le gouvernement syrien continue « de soumettre des personnes placées sous la garde de l’État à des actes de torture et à des mauvais traitements, y compris à des pratiques donnant lieu à des décès en détention ».
Par ailleurs, en juillet dernier, la Rapporteuse spéciale de l’ONU sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a déclaré que « les informations disponibles indiquent que la torture continue d’être largement pratiquée […] dans les centres de détention gérés par le gouvernement syrien ». En juin, l’experte de l’ONU avait adressé au gouvernement syrien une demande d’informations sur les violations en cours et les mesures prises pour exécuter l’ordonnance de la CIJ ; elle a par la suite décrit la réponse du gouvernement syrien comme étant « totalement inadéquate » et « ne répondant spécifiquement à aucune des allégations ».
L’ordonnance de la CIJ enjoignait aussi la Syrie de prendre des mesures pour « assurer la conservation de tous les éléments de preuve » liées à la torture ou à d’autres actes interdits. Toutefois, des groupes non gouvernementaux syriens et la Commission d’enquête de l’ONU ont fait part de leurs inquiétudes au sujet d’une récente mesure législative des autorités syriennes portant sur la dissolution des tribunaux militaires de campagne du pays, ce qui pourrait être une tentative de supprimer ou de dissimuler les preuves d’une longue liste d’abus, y compris la torture.
Le Canada et les Pays-Bas ont jusqu’au 3 février 2025 pour achever le « dépôt des pièces de la procédure écrite » dans le cadre de leur plainte portée contre la Syrie. L’ordonnance de mesures conservatoires précédemment émise par la Cour ne préjugeait pas du bien-fondé des allégations selon lesquelles la Syrie a violé les dispositions de la Convention contre la torture.
La Syrie a régulièrement nié les allégations de torture, malgré les preuves documentées depuis plusieurs années par des organismes des Nations Unies et des organisations non gouvernementales indépendantes, dont Human Rights Watch, qui ont constaté que les crimes commis dans les centres de détention syriens constituent des crimes contre l’humanité.
De nombreux Syriens, y compris ceux qui ont décidé ou ont été contraints de revenir après avoir quitté d’autres pays où ils avaient trouvé refuge, sont exposés aux risques de disparition forcée, de détention arbitraire dans des conditions abjectes, et de torture.
Bien que des gouvernements européens aient affirmé que certaines régions de Syrie présentent actuellement des conditions sûres pour le retour de Syriens qui s’étaient réfugiés à l’étranger, les recherches menées par Human Rights Watch et d’autres organisations montrent que ce n’est pas le cas. Les pays ayant accueilli des réfugiés syriens devraient immédiatement mettre un terme à tout retour forcé ou sommaire de ces personnes vers la Syrie, ainsi qu’à tout projet visant à faciliter ou à encourager de tels retours, a déclaré Human Rights Watch.
Les politiques migratoires de certains pays qui poussent des réfugiés syriens à retourner en Syrie sont en contradiction avec les décisions de justice rendues dans des États membres de l’UE, selon lesquelles les autorités syriennes sont responsables de tortures et d’autres abus constituant des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre. Ces affaires ont été rendues possibles grâce à des lois qui reconnaissent le principe de compétence universelle, et son applicabilité pour certains des crimes les plus graves selon le droit international.
Le principe de compétence universelle permet d’enquêter sur de tels crimes et d’engager des poursuites, quel que soit le lieu où ils ont été commis et quelle que soit la nationalité des suspects ou des victimes. Ce principe demeure l’une des rares voies viables pour obtenir justice pour les crimes commis en Syrie.
« Les douze derniers mois ont été marqués par la poursuite du plan d’action horrible que le gouvernement syrien utilise depuis plus d’une décennie : détenir, faire disparaître, torturer et tuer », a conclu Balkees Jarrah. « Les autres gouvernements devraient d’urgence utiliser leur influence pour s’assurer que la Syrie respecte l’ordonnance de la Cour internationale de justice, et soutenir tous les efforts visant à obtenir justice pour les abus qui continuent. »
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20.11.2024 à 06:00
Human Rights Watch
(Beyrouth) – Le fonds souverain de l’Arabie saoudite, le Fonds d’investissement public (Public Investment Fund, PIF), a facilité des violations des droits humains et a tiré profit de divers abus, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui.
Le rapport de 95 pages, intitulé « The Man Who Bought the World: Rights Abuses Linked to Saudi Arabia’s Public Investment Fund and Its Chairman, Mohammad bin Salman » (« L’homme qui acheta le monde : Violations des droits humains liées au Fonds d’investissement public de l’Arabie saoudite présidé par Mohammed ben Salmane »), a révélé que l’immense richesse de l’État saoudien provenant des combustibles fossiles est contrôlée de facto par une seule personne, le prince héritier Mohammed ben Salmane. Human Rights Watch a constaté que le prince héritier exerce cet énorme pouvoir économique de manière largement arbitraire et hautement personnalisée plutôt que dans l'intérêt du peuple saoudien, et que le fonds PIF est utilisé pour blanchir les abus de son gouvernement.
20 novembre 2024 The Man Who Bought The World« Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane exerce un pouvoir sans contrôle sur le Fonds d’investissement public du pays, d’une valeur de près de mille milliards de dollars », a déclaré Joey Shea, chercheuse sur l’Arabie saoudite à Human Rights Watch. « Le prince héritier a utilisé le pouvoir économique du fonds souverain saoudien pour commettre de graves violations des droits humains et blanchir la réputation du pays entachée par ces abus. »
Les fonds souverains sont des fonds d’investissement gouvernementaux provenant généralement de recettes publiques, d’excédents commerciaux et de réserves, et investis dans le pays concerné ainsi qu’à l’étranger. Dans plusieurs pays, les fonds souverains ont été constitués grâce aux revenus pétroliers.
Le rapport s’appuie sur l'examen de déclarations gouvernementales, de documents judiciaires saoudiens, de lois et décrets gouvernementaux saoudiens, de documents publiés lors de procédures judiciaires au Canada et aux États-Unis, de dossiers et rapports d’entreprises, d'enquêtes et d'analyses menées par des journalistes, des experts financiers et des universitaires, ainsi que des entretiens avec des activistes et des dissidents saoudiens, des journalistes, des experts et des avocats ayant une longue expérience en Arabie saoudite.
Le fonds PIF a bénéficié directement de graves violations des droits humains commises sous l’autorité de son président, le prince héritier Mohammed ben Salmane (parfois surnommé « MBS »). Il s’agit notamment de la répression « anti-corruption » menée par le prince héritier en 2017, marquée par des détentions arbitraires, des mauvais traitements infligés aux détenus et l’extorsion de biens appartenant à des membres de l’élite saoudienne.
Le fonds PIF a aussi facilité, par l’intermédiaire d’entreprises détenues et contrôlées par Mohammed ben Salmane, de graves violations des droits humains dans lesquelles il serait impliqué. Parmi ces violations figure l’assassinat en 2018 du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, l’un des principaux opposants ayant critiqué la répression « anti-corruption ». Sky Prime Aviation, l’une des sociétés transférées au fonds PIF lors de cette vague de répression, était propriétaire des deux avions utilisés en 2018 par des agents saoudiens pour se rendre à Istanbul, où ils ont assassiné Khashoggi.
Mohammed ben Salmane a remanié le cadre de gouvernance du fonds PIF et a concentré un immense degré de contrôle et de surveillance de ce fonds entre ses mains, ce qui lui a permis de diriger unilatéralement d’énormes sommes de la richesse de l’État vers des « mégaprojets » qui ne contribuent guère à la réalisation des droits économiques, sociaux ou culturels en Arabie saoudite.
Les populations les plus marginalisées d’Arabie saoudite – les travailleurs migrants, les communautés rurales et les habitants pauvres et de la classe ouvrière – ont été les premières victimes des abus liés aux projets du fonds. Le capital du fonds PIF a été utilisé pour des projets pour lesquels des résidents ont été expulsés de force, des travailleurs migrants ont été soumis à de graves abus et des communautés ont été réduites au silence.
Human Rights Watch a recueilli des preuves de violations liées à certains des « mégaprojets » phares financés par le fonds PIF, notamment la région NEOM, une zone économique et nouvelle ville futuriste sur les rives de la mer Rouge, ainsi que Jeddah Central, un projet de développement urbain à Djeddah.
Les autorités saoudiennes ont expulsé de force des membres de la tribu Huwaitat, qui habitent depuis des siècles la province de Tabuk, où est prévue la construction de NEOM, ont arrêté ceux qui protestaient contre leurs expulsions et ont tué un habitant qui manifestait. Deux résidents ont été condamnés à 50 ans de prison et trois à la peine de mort pour avoir résisté aux expulsions forcées.
La Jeddah Central Development Company, détenue à 100 % par le fonds PIF et chargée de la réalisation du projet Jeddah Central, a expulsé de force de nombreux Saoudiens des classes moyennes et inférieures, d’étrangers et de travailleurs migrants de leurs logements dans les quartiers ouvriers autrefois dynamiques de Djeddah pour transformer la zone en un quartier commercial et touristique de luxe.
En vertu des normes internationales en matière de droits humains, le gouvernement saoudien devrait progressivement réaliser les droits économiques, sociaux et culturels au maximum des ressources disponibles, y compris celles contrôlées par le fonds PIF. Selon la Commission économique et sociale des Nations Unies pour l’Asie occidentale, l'Arabie saoudite affiche un taux de pauvreté de 13,6 % – le taux le plus élevé parmi les six pays membres du Conseil de coopération du Golfe (Gulf Cooperation Council, CCG) – ce qui signifie que la pauvreté touche près d’« un citoyen sur sept en Arabie saoudite ». Ce chiffre n’inclut pas tous les résidents saoudiens, en particulier les travailleurs migrants qui représentent environ 42 % de la population.
Le fonds PIF, sous la présidence de Mohammed ben Salmane, fonctionne avec peu de transparence et de responsabilité, ce qui suscite des préoccupations quant à la manière dont ces fonds sont investis et gérés dans le respect de ces normes internationales.
L’existence d'une source de revenus centralisée, comme les revenus pétroliers, peut exacerber les abus et la mauvaise gouvernance d’un dirigeant non démocratique ou d’une élite dirigeante en lui fournissant les moyens financiers de consolider son pouvoir et de s’enrichir sans rendre de comptes. Ces problèmes sont clairement présents en Arabie saoudite et augmentent le risque important que Mohammed ben Salmane utilise le fonds PIF pour consolider son autorité de facto en lui fournissant un accès direct et un contrôle sur près de mille milliards de dollars de la richesse saoudienne, a déclaré Human Rights Watch.
Human Rights Watch n’a trouvé aucune preuve que les projets financés par le fonds PIF aient fait progresser les obligations du gouvernement de respecter les droits économiques, sociaux et culturels de la population saoudienne. Le gouvernement saoudien ne définit ni ne divulgue de données de base sur la pauvreté, ni ne fixe de seuil de pauvreté, ce qui laisse penser que le taux de pauvreté est bien plus élevé que celui rapporté par l’ONU, affectant particulièrement les groupes économiquement marginalisés et vulnérables aux abus systématiques en matière de travail.
Les investissements du fonds PIF aux États-Unis, au Royaume-Uni et ailleurs dans le monde ont été utilisés par l'Arabie saoudite comme un outil de pouvoir et d’influence à l'international. Ces investissements, notamment dans des événements sportifs comme le circuit de golf LIV, la Coupe du monde FIFA 2034 et le club de football de Premier League Newcastle United, au Royaume-Uni, constituent un élément central des opérations d’influence de l’Arabie saoudite à l’étranger. Ces investissements visent à obtenir un soutien étranger sans réserve au programme de Mohammed ben Salmane, à diffuser de fausses informations sur le bilan du gouvernement saoudien en matière de droits, à prévenir toute surveillance de la situation, à faire taire les critiques et à saper les institutions qui ont pour mandat d'assurer la transparence et la reddition de compte, a constaté Human Rights Watch.
En tant qu’entité étatique, le fonds PIF a l’obligation de respecter les engagements internationaux de l’Arabie saoudite en matière de droits humains. Les entreprises ont, quant à elles, la responsabilité d’éviter de causer ou de contribuer à des atteintes aux droits humains. Conformément à ces responsabilités, les entreprises devraient procéder à une étude d'impact approfondie et indépendante en matière de droits humains avant toute collaboration avec le fonds PIF et devraient s’abstenir de toute activité susceptible de renforcer la réputation d’entités gouvernementales ou de dirigeants accusés de graves abus récemment et de manière crédible. Lorsque des atteintes graves aux droits humains découlant de la collaboration avec le fonds PIF sont inévitables, les entreprises devraient suspendre cette collaboration.
« Les entreprises ayant des liens avec le Fonds d’investissement public saoudien ont la responsabilité de mettre fin à cette collaboration si de graves violations des droits humains liées au fonds PIF sont inévitables », a conclu Joey Shea.
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