08.11.2024 à 11:35
Frédérique Cassegrain
L’art, la créativité et le design peuvent contribuer à transformer les milieux du soin et de la santé, au service du mieux-être des personnes en situation de vulnérabilité. C’est ce que défendent Marie Coirié et Antoinette Parrau, deux designeuses agissant au sein de l’hôpital pour rendre l’endroit plus hospitalier et améliorer le quotidien des personnes qui y sont accueillies ou qui y travaillent.
L’article Prendre soin de l’hôpital par l’art et le design est apparu en premier sur Observatoire des politiques culturelles.
Marie Coirié a cofondé en 2016 un espace d’expérimentation unique en son genre dans un hôpital public : le lab-ah, laboratoire de l’accueil et de l’hospitalité, attaché au Groupe hospitalier universitaire Paris psychiatrie & neurosciences. Antoinette Parrau est designeuse associée au Centre régional de lutte contre le cancer (CLCC) Eugène Marquis à Rennes, en jumelage avec l’Hôtel Pasteur. Elles nous racontent ce qui les anime et la manière dont elles travaillent.
Vous venez du monde du design et des beaux-arts, qu’est-ce qui vous a conduit à vouloir intervenir en milieu hospitalier ?
Marie Coirié – Je suis issue d’une formation initiale en design et j’avais envie de travailler sur les enjeux d’hospitalité. Mais je fuyais les milieux qui incluent cette notion dans la transaction (hôtels, restaurants, galeries commerciales…), et qui font appel à des designers. Je voulais m’investir dans des espaces où l’hospitalité ne va pas de soi parce qu’il y a d’autres urgences : soigner, prendre en charge, accéder à des droits… J’ai constaté qu’il n’y avait pas de designers dans ces lieux d’accueil inconditionnels, dont l’hôpital fait partie.
Antoinette Parrau – De mon côté, j’ai fait une école d’art, en section design. J’ai par ailleurs été confrontée très tôt à des expériences d’accompagnement de proches malades, dans un contexte de soins à domicile, ce qui m’a conduit à travailler sur la matière lumière, objet domestique et source de confort émotionnel. Puis j’ai été moi-même en soins oncologiques au Centre Eugène Marquis (Rennes). C’est donc par mon vécu expérientiel que j’ai développé mon métier dans le milieu hospitalier.
La commande est-elle venue directement de l’hôpital ? Quels sont vos liens professionnels avec cette institution ?
A. Parrau – Pour mon premier projet j’ai été sollicitée par le centre d’art contemporain 40mcube dans le cadre du dispositif « Culture et Santé » porté par la DRAC, l’Agence régionale de santé et la Ville de Rennes. Durant deux ans, j’ai travaillé auprès des patients et des personnels autour de la curiethérapie La curiethérapie est une technique particulière de radiothérapie qui consiste à installer des substances radioactives directement au contact de zones à traiter, à l’intérieur du corps.. J’ai ensuite été en lien avec l’Hôtel Pasteur, un tiers-lieu de la Ville de Rennes qui facilite l’émergence d’initiatives citoyennes et notamment artistiques. Un projet de jumelage appelé « Penser les lieux pour transformer le soin » a été mis en place entre Pasteur, le Centre Eugène Marquis et moi-même, en tant que designeuse associée.
M. Coirié – En ce qui me concerne le cadre est différent car le lab-ah est un laboratoire d’innovation intégré au sein de l’institution depuis huit ans, dans un contexte de fusion de trois hôpitaux publics spécialisés en psychiatrie et en neurosciences Saint-Anne, Maison Blanche et Perray-Vaucluse, fusionnés en 2019 dans le Groupe hospitalier universitaire Paris psychiatrie & neurosciences (GHU).. Nous sommes rattachés à la direction générale et avons eu carte blanche pour travailler avec une approche design autour des cultures institutionnelles et des cultures soignantes.
Comment définissez-vous vos fonctions et rôles, qui sont plutôt atypiques au sein de ces structures de soins ?
A. Parrau – À la suite de ma première expérience au Centre Eugène Marquis, j’ai très vite compris que le designer pouvait constituer un « nouvel outil » pour le corps médical. Non pas au sens technique du terme, mais un outil humanisant qui recrée du lien sensible avec l’ensemble des usagers : patients, accompagnants et, évidemment, le corps soignant. Le designer en milieu hospitalier a aussi une place transversale permettant de faire des ponts entre les hiérarchies et les services.
M. Coirié – Effectivement, la position du lab-ah est de se situer entre le terrain (services et équipes de soins) et la stratégie (direction générale et comités de direction). Le but est de créer du lien avec eux et entre eux. Nous nous définissons comme un laboratoire d’expérimentations, partenaire des équipes de soins. Mais nous avons aussi un pied en dehors, en relation avec des organisations et des collègues qui ne viennent pas du secteur de la santé, ce qui nous préserve de l’« hospitalocentrisme » et de ses logiques institutionnelles parfois asphyxiantes.
Quelles sont les particularités de l’approche par le design ? Comment déployer cette démarche dans un établissement de santé ?
A. Parrau – Je dirais que les principes liés à la méthode en design sont l’immersion, la coconstruction, l’expérimentation, pour aboutir à une création. Et je pense que la première caractéristique réside dans la qualité de l’immersion : assurer une présence discrète, suivre les personnes dans leurs déplacements, comprendre leurs pratiques, relever les ressentis. Être en résidence avec les gens, patients et soignants, pour essayer de repérer les zones de manques et les endroits où il y aurait peut-être matière à intervenir.
M. Coirié – Nous avons les mêmes balises avec Antoinette, même si je pense qu’il faut être vigilant, dans un environnement aussi normatif que l’hôpital, à ne pas trop se focaliser sur des méthodologies toutes faites. Mais il est en effet fondamental de s’imprégner profondément du terrain, en empruntant aux pratiques des sciences humaines et sociales. C’est un postulat pour aider à révéler par la forme, matérielle ou immatérielle, les idées, les désirs et les aspirations des personnes.
A. Parrau – Cette étape initiale d’immersion permet de proposer ensuite des expérimentations frugales, ayant valeur de test. Pour vous donner un exemple, je passe dans tous les services du Centre Eugène Marquis avec un questionnaire de cinq minutes, pour discuter et collecter des témoignages, en prenant quelques photos pour apporter un regard plastique, puis j’utilise cette matière pour faire des tests. Par exemple, je pose un petit film à réseau de diffraction sur les vitres des fenêtres, qui provoque un arc-en-ciel lorsque le soleil arrive, dans une salle de traitement en chimiothérapie occupée par des personnes portant un casque réfrigéré… L’idée est de créer des petits espaces d’émerveillement passagers.
L’une des caractéristiques d’un hôpital psychiatrique ou d’un centre de cancérologie est aussi de travailler avec des personnes en grande vulnérabilité. Vous parliez de coconstruction, mais comment inclure les patients qui traversent des moments d’extrême fragilité, ou les soignants qui sont parfois en souffrance dans leur travail ?
M. Coirié – Plus les publics sont vulnérables, plus ils sont réceptifs à l’environnement qui les entoure et à la façon dont on se comporte avec eux. Nous menons des démarches participatives qui demandent beaucoup d’attention, de préparation et de temps, notamment dans la relation entre les usagers (patients ou soignants) et les experts du projet (architectes, designers…). Cela nécessite d’effectuer un travail sur sa propre posture. Il faut être attentif aux détails : la manière dont on aménage la place de chacun, les mots, les règles… Tout ce qui permet à des personnes très éloignées de ce type de démarche de se sentir à leur place. Et la question du feedback est essentielle, pour que les gens qui ont contribué s’estiment considérés, mais aussi pour que le projet évolue.
A. Parrau – Il est très important de prendre soin de celles et ceux qui font le quotidien de cet environnement. Un centre d’oncologie est très fermé, donc il faut créer des liens de confiance et adopter une posture discrète pour assurer le respect des informations confidentielles tout comme celui de la dignité et l’intimité des patients. Du côté des soignants, dont les journées sont chronométrées, le temps qu’ils nous accordent est très précieux. Je pense, comme le dit Marie, qu’il est indispensable – et peut-être plus qu’ailleurs – de leur faire les retours des ateliers coproduits ensemble, de marquer une réciprocité. Et si les soignants se sentent évoluer dans un endroit plus humanisant, cela apporte par incidence un mieux-être aux patients. Le travail que nous menons actuellement avec l’Hôtel Pasteur tend aussi vers une dynamique d’accueil hospitalier dans la ville, en permettant de faire des ponts entre l’hôpital et le domicile pour les patients et les soignants.
Comment vous situez-vous par rapport à des projets plus « classiques » d’interventions artistiques à l’hôpital centrés sur la présentation et la réception d’une œuvre ?
A. Parrau – Pour ma part, je me sens vraiment agir dans un cadre de politique culturelle pour la santé. Une approche par le design est un projet culturel. La différence réside sans doute dans l’aspect idéalement pérenne : on pense les choses pour qu’elles restent, qu’elles deviennent usages, plutôt que reconductibles. Aujourd’hui, grâce à notre jumelage entre Pasteur et Eugène Marquis, nous réfléchissons au développement d’un espace commun, un pop up care, dans lequel on pourrait prendre soin, siester, se poser, discuter… un mobilier en micro architecture assez flexible et adaptable pour chacun des lieux, qu’il soit du soin ou de la ville.
M. Coirié – Comme nous l’avons déjà évoqué, je n’arrive pas à penser la production d’une œuvre sans un travail en amont avec les personnes. Dans le cadre de projets artistiques éphémères, il peut se révéler plein de choses, parce qu’on est extérieur, on porte un regard neuf, on se sent autorisé à « mettre les pieds dans le plat »… Mais j’identifie aussi un phénomène de « lendemain de fête ». Une fois que l’œuvre est reçue, que l’artiste est parti, quid de la pérennité, l’appropriation, la durée ? Qui plus est, si l’intervention artistique a redonné de l’espoir, du ravissement, ça vaut la peine de penser l’après dans ce type de démarche, sinon cela peut être déceptif, voire douloureux dans ces milieux fragiles.
A. Parrau – Il y a aussi, dans nos façons de faire, la volonté de fournir des outils pour donner du pouvoir aux personnes sur elles-mêmes ou sur leur environnement, davantage que dans des logiques de médiation artistique où l’on explique ce qui est proposé. À travers des objets plus ou moins interactifs, l’usager a la possibilité de prendre part à son soin, à son espace, de faire des choix pour lui-même.
M. Coirié – Je partage complètement cette approche. Je pense que lorsque l’objet est beau, doux, attirant, il est le déclencheur de quelque chose, mais il n’est pas central : c’est un prétexte à la relation à soi, à l’autre, et avec l’environnement. Alain Findeli Théoricien du design franco-canadien, professeur honoraire à l’Université de Montréal et professeur émérite à l’université de Nîmes. parle ainsi de « l’éclipse de l’objet » dans les nouvelles pratiques de design, qui déplace aussi la figure du créateur, du concepteur.
Antoinette, pourriez-vous illustrer votre démarche en évoquant votre travail autour du bien-être des patients, à travers l’expérience sensorielle ?
A. Parrau – Oui je peux parler de Ressources, un projet assez ambitieux en chambres de curiethérapie. C’était l’endroit, aux dires des soignants, le plus « déshumanisant » du Centre Eugène Marquis, car c’est une zone radioactive contrôlée.
Je suis partie de ma propre expérience de cure, du ressenti d’autres patients que j’ai interrogés, et du vécu des soignants qui se sentent dans l’incapacité d’accompagner pleinement les patients dans cet espace. Ma démarche était d’apporter de la distraction et de la magie avec une série de dispositifs interactifs. J’ai créé des lumières inspirées de phénomènes naturels sur lesquelles les patients peuvent agir. Nous avons mis en place une boîte avec six objets qui permettent des temps de soins de support Ensemble de soins et de soutiens permettant aux personnes de gérer au mieux les conséquences de la maladie et des traitements, sur les plans physique, psychologique et social., de type yoga, sophrologie, pleine conscience, avec un petit livret et des vidéos tuto. Nous avons aussi produit des objets bijoux, des objets poétiques et ludiques, un jeu vidéo low tech pour les adolescents… Il y a toujours une relation intuitive aux choses que je crée : proposer du possible et laisser le choix. Tout passe par le potentiel esthétique de ce qui est présenté. Ces dispositifs peuvent faire rentrer le patient dans un geste créatif ou dans une forme de concentration, de méditation.
Marie, vous travaillez beaucoup sur le sujet de l’accueil et de l’hospitalité mais aussi des liens avec l’extérieur de l’hôpital, des ponts avec la ville…
M. Coirié – Oui et pour l’illustrer je peux évoquer un projet récent baptisé Autour du livre qui est le fruit d’un partenariat entre le service des bibliothèques et de la lecture de la Ville de Paris et le Groupe hospitalier universitaire Paris psychiatrie & neurosciences (GHU). En travaillant sur les espaces d’attente de l’hôpital, nous avons d’abord observé que la présence des livres dans les services était assez dégradée, au profit des télés avec des chaînes d’information en continu, ou des usages solitaires avec les smartphones. Cela peut provoquer de l’isolement ou de la pollution sonore et ajouter de l’agressivité à un climat qui n’est pas toujours très serein. Nous avons ensuite interrogé les patients qui se disent beaucoup trop fatigués pour la lecture, en revanche ils seraient sensibles aux images (livres de voyages, BD) ou à la possibilité de lire dans leur langue maternelle. Dans ces moments tragiques de l’existence, nous avons la conviction que le livre peut être un vrai compagnon et avons proposé de les réintroduire à l’hôpital, de manière qualitative.
Pour cela nous nous sommes rapprochées du Bureau des bibliothèques et de la lecture de la Mairie de Paris qui a mis à notre disposition de nombreux ouvrages dans toutes les langues, stockés dans leur réserve centrale. Nous avons ensuite dessiné et fait construire des lutrins, pour les présenter, comme en librairie, dans chaque service, afin de rallumer la flamme, le désir du livre.
Cela vous a-t-il permis de construire des échanges plus poussés entre la structure hospitalière et cette institution culturelle ?
M. Coirié – Tout à fait. En dialoguant avec les services culturels, on s’est rendu compte qu’ils ont du mal à animer leur politique d’accès inconditionnel, et notamment en direction de ce que certains appellent du doux nom de « publics empêchés ». Nous avons donc signé une convention de partenariat pour construire ensemble une médiation culturelle de territoire, avec notamment des formations croisées, soignants/bibliothécaires. En bibliothèque, ils ont expérimenté la constitution d’un fonds de livres adaptés, plus inclusifs, ou ont amélioré leur signalétique, notamment dans l’espace petite enfance, parce qu’en pédopsychiatrie, il y a beaucoup de langage visuel.
Du côté du patient, cela permet aussi de préparer le retour à la cité. Quand on est hospitalisé en psychiatrie, quoi de mieux que d’aller fréquenter un lieu de culture ouvert, bien aménagé, et dans lequel il y a une diversité de services gratuits…?
Et à l’hôpital, quand les livres se volatilisent, on est très contents, parce que ça veut dire qu’ils poursuivent leur chemin ailleurs !
Est-ce que cette approche du design dans le champ du soin, de la santé, du social est aujourd’hui enseignée dans les écoles des beaux-arts ou de design ? Les étudiants y sont-ils réceptifs ?
A. Parrau – J’observe qu’il y a une véritable volonté de faire autrement chez les élèves en école d’art, non pas pour répondre à de nouveaux codes sociaux, mais pour faire société. Travailler sur le climat de soin, être à l’écoute, utiliser des matériaux d’éco-conception… Je sens une évolution. Avant, la question du soin n’avait pas autant de place dans les écoles. Aujourd’hui je vois des étudiants et étudiantes s’approprier ces questions dans l’espace domestique, en milieu hospitalier et jusque dans la ville. Développer un climat de soin de l’hôpital à la cité fait partie des utopies que je veux aider à porter, pour un futur désirable.
M. Coirié – Je crois aussi qu’un mouvement est en cours. Nous recevons de plus en plus d’étudiants – principalement des filles – réceptifs, politisés et débrouillards. Autre signe : on compte aujourd’hui une dizaine de designers embauchés dans des hôpitaux en France, et il y a des postes qui se créent. Cela dit ce n’est cependant pas facile d’arriver dans une grosse machine comme l’hôpital. Le designer y est aussi vulnérable. Je pense que les écoles peuvent encore faire un pas de plus à cet endroit pour aider les élèves à s’y préparer.
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23.10.2024 à 11:29
Frédérique Cassegrain
Comment les collectivités territoriales et intercommunalités envisagent-elles l’évolution de leurs dépenses culturelles en 2024 après plusieurs années de crises (Covid-19, crises énergétique et inflationniste, etc.) et alors que les alertes sur leurs finances se font toujours plus nombreuses ? Quelles sont leurs priorités ? Comment s’orientent leurs choix de politique culturelle ?
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[La publication complète du baromètre 2024 est disponible ici.]
Outil annuel de mesure de l’évolution de l’action publique territoriale de la culture, le baromètre s’appuie sur une enquête réalisée auprès d’un échantillon de collectivités territoriales par l’Observatoire des politiques culturelles avec le soutien du ministère de la Culture-DEPS et DG2TDC, et en partenariat avec Régions de France, Départements de France, France urbaine, Intercommunalités de France, Villes de France, FNADAC, FNCC, Culture·Co, Culture & départements.
Le volet national du baromètre2024 repose sur les données déclarées L’enquête a été menée par questionnaire (via emailing et campagne téléphonique auprès des directeurs et directrices des affaires culturelles prioritairement) d’avril à juin 2024. par un échantillon de 202 collectivités (régions, départements, collectivités à statut particulier, communes de plus de 50 000 habitants) et intercommunalités (comprenant une ville de plus de 50 000 habitants) en matière d’évolution des budgets primitifs et de positionnement culturel. Il concerne également des éléments de conjoncture.
Avec un nombre de répondants supérieur à l’enquête 2023, le baromètre 2024 offre des résultats consolidés pour les principales catégories territoriales. Le taux de réponse est de 100 % pour les régions. Il avoisine les 75 % pour les départements, les 55 % pour les communes de plus de 50 000 habitants, ainsi que pour les intercommunalités comprenant une ville de plus de 50 000 habitants (dont 85 % de taux de réponse pour les métropoles) L’échantillon est constitué de : 13 régions ; 68 départements ; 73 communes de plus de 50 000 habitants, dont 23 communes de plus de 100 000 habitants et 50 communes de 50 000 à 100 000 habitants ; 45 intercommunalités comprenant une ville de plus de 50 000 habitants, dont 19 métropoles, 3 communautés urbaines, 23 communautés d’agglomération ; 3 collectivités d’Outre-mer à statut particulier (2 collectivités d’Outre-mer et une collectivité à statut particulier située en Outre-mer)..
Ce qu’il faut retenir : les évolutions déclarées en matière budgétaire pour 2024 s’inscrivent dans la continuité des tendances observées sur la période précédente (2022-2023). Les collectivités territoriales cherchent majoritairement à maintenir leur niveau de soutien à la vie culturelle malgré des marges de manœuvre limitées, voire plus contraintes pour certaines d’entre elles https://www.banquedesterritoires.fr/finances-locales-le-bloc-communal-resilient-departements-et-regions-la-peine. Pour l’ensemble des collectivités territoriales, on constate moins d’augmentations des budgets primitifs culturels de fonctionnement (hors masse salariale) entre 2023 et 2024 qu’au cours de la période précédente, mais cette tendance générale est à relativiser au regard de certaines évolutions plus favorables déclarées par le bloc local (communes et intercommunalités) et de son poids prépondérant dans les dépenses culturelles. La situation budgétaire globalement stable qui ressort du baromètre 2024 n’enlève rien aux difficultés financières éprouvées par les milieux culturels, du fait notamment des flambées inflationnistes de ces dernières années que ne parviennent pas à compenser les évolutions des dépenses des collectivités dans ce domaine. Ajoutons que cette situation pourrait être encore impactée négativement par les efforts budgétaires importants demandés par l’État aux collectivités locales dans le projet de loi de finances 2025.
Concernant les évolutions des budgets (budgets primitifs totaux non uniquement culture, budgets culturels de fonctionnement et d’investissement), des emplois et des subventions culturels des collectivités entre 2023 et 2024, la stabilité (comprenant les évolutions inférieures à 1 %) arrive systématiquement en tête si l’on considère l’échantillon complet. Et le cumul des réponses indiquant une hausse est supérieur à celui des déclarations de baisses. Ces tendances confirment celles constatées dans le baromètre précédent qui traitait des évolutions entre 2022 et 2023.
Plusieurs directeurs et directrices des affaires culturelles (DAC) insistent dans leurs réponses sur le contexte financier dégradé de leur collectivité, avec des perspectives pessimistes pour l’avenir [Le budget est] « stable du fait du maintien de la politique, mais avant des baisses probables au regard du contexte national des départements. » ; « L’arbitrage est de plus en plus complexe, du fait de l’augmentation des demandes et de la baisse des moyens alloués (budgets). » ; « Si les tensions budgétaires n’ont quasiment pas eu d’impact sur l’engagement de la collectivité en matière culturelle, la préparation du budget 2025 laisse entrevoir des baisses de crédits significatives, évaluées à ce stade à plus ou moins 10 %. ». Certains évoquent des adaptations nécessaires face aux contractions budgétaires, notamment à travers la reconfiguration ou l’arrêt de certains dispositifs de soutien : « La légère baisse du budget a été possible de façon assez neutre grâce à des dispositifs qui arrivaient à échéance. » ; « Un grand nombre de dispositifs ont été baissés ou suspendus. L’effet sur l’emploi n’est pas encore tangible, mais devrait se faire sentir au gré des départs (objectif annoncé de baisse de la masse salariale). » Comme le soulignent plusieurs responsables culturels, un maintien du budget revient, avec l’inflation, à faire moins d’actions et ne compense pas la hausse des charges, par exemple dans l’économie du spectacle vivant (cachets artistiques, dépenses énergétiques…).
Indication de lecture : 4 régions indiquent une baisse de 1 à 4,9 % de leur budget culturel de fonctionnement entre 2023 et 2024, etc.
L’examen des budgets primitifs culturels de fonctionnement (hors masse salariale) montre que 49 % des collectivités et intercommunalités de l’échantillon déclarent une stabilité entre 2023 et 2024, contre 43 % l’année précédente. 30 % indiquent une augmentation, en retrait de 8 points par rapport à l’enquête précédente. 21 % déclarent une baisse.
À peine 14 % des collectivités déclarent augmenter leur budget culturel de fonctionnement dans des proportions égales ou supérieures au taux d’inflation 2023 (+4,9 %). Par ailleurs, les hausses déclarées de budgets culturels de fonctionnement sont moins fréquentes que celles des budgets primitifs totaux (non uniquement culture) votés par les collectivités entre 2023 et 2024 (30 % contre 41 %) Cf. graphique p. 22 de la publication complète du baromètre 2024.. À l’inverse, les baisses des budgets culturels de fonctionnement s’annoncent plus nombreuses que celles des budgets primitifs totaux. Cette double tendance pourrait être interprétée comme le signe d’une dépriorisation politique de la culture dans les constructions budgétaires ou encore la conséquence du jeu des dépenses obligatoires, en particulier pour les départements.
La stabilité budgétaire en fonctionnement domine pour l’ensemble des grandes catégories de collectivités (ou de leurs groupements) entre 2023 et 2024. Par rapport à l’enquête précédente, la situation est plus dégradée pour les régions (plus de deux fois plus de baisses) et pour les départements. La part des départements qui baissent leurs budgets de fonctionnement a en effet doublé (de 9 % dans le baromètre 2023 à 20 % dans l’enquête 2024) et celle des départements qui les augmentent est passée de 49 % à 27 %.
Ce sont les intercommunalités qui déclarent le plus d’augmentations entre 2023 et 2024 : 34 % de l’échantillon des communautés urbaines et d’agglomération (contre près de 20 % sur la période précédente) et 42 % des métropoles (contre 39 % sur la période antérieure).
La situation des communes de plus de 50 000 habitants, relativement dégradée sur la période précédente, est plus favorable cette année : la part des communes qui indiquent baisser leur budget primitif culturel de fonctionnement est passée de 34 % dans l’enquête 2023 à 21 % cette année. C’est une indication importante au regard de la structuration budgétaire des politiques culturelles puisque le bloc local représente environ 80 % des dépenses culturelles des collectivités territoriales, devant les départements (12 %) et les régions (9 %).
L’observation de l’évolution des budgets de fonctionnement (hors masse salariale) par domaines de politique culturelle confirme la tendance à la stabilité, pour plus de la moitié des collectivités quel que soit le domaine. Les augmentations les plus fréquentes concernent les festivals/événements, l’action culturelle/EAC, dans la lignée de ce que l’on constatait déjà dans l’enquête 2023. En revanche, les baisses se répartissent de manière plus homogène entre les domaines qu’en 2023 où le spectacle vivant apparaissait particulièrement touché.
Plus de 30 % des régions déclarent augmenter leur soutien à l’action culturelle/EAC ainsi qu’au livre et à la lecture. 38 % des communes indiquent augmenter leur soutien aux festivals/événements. 37 % des métropoles déclarent un soutien à la hausse pour le spectacle vivant et 32 % au livre et à la lecture ainsi qu’aux festivals/événements.
Au niveau des départements, les baisses impactent un peu moins souvent certaines compétences obligatoires (livre et lecture, enseignement artistique), alors qu’au niveau des communes ce sont les enseignements artistiques qui doivent le plus fréquemment composer avec des baisses budgétaires.
42 % des collectivités et intercommunalités de l’échantillon déclarent une stabilité de leur budget primitif culturel d’investissement entre 2023 et 2024 (elles étaient 48 % pour la période 2022-2023), 37 % une augmentation (contre 35 % pour la période précédente) et 22 % une baisse (contre 18 % pour la période précédente).
Les baisses impactent de façon assez homogène les différents échantillons de catégories de collectivités entre 2023 et 2024. Les fortes baisses (supérieures à 10 %) sont plus nombreuses que sur la période précédente. La situation s’est particulièrement dégradée pour les métropoles : elles sont plus nombreuses à baisser leur budget culturel d’investissement cette année et moins nombreuses à l’augmenter qu’entre 2022 et 2023.
Les régions et les communes sont les catégories qui déclarent le plus d’augmentations en investissement.
L’examen des données qualitatives de l’enquête apporte quelques compléments d’information utiles. Plusieurs projets d’équipements – notamment muséaux – y sont mentionnés afin d’expliquer certaines évolutions à la hausse des budgets culturels. Parfois, l’inscription dans une démarche de labélisation avec la candidature à un titre de « Capitale culturelle » peut favoriser un niveau d’engagement budgétaire renforcé. Enfin, plusieurs DAC indiquent également des apports de crédits en 2024 liés à l’année olympique.
Concernant l’évolution du nombre d’emplois culturels dans les collectivités et intercommunalités, la situation est assez proche de celle de la période antérieure, avec une stabilité déclarée par plus de 60 % des répondants Cf. graphiques p. 28 de la publication complète du baromètre 2024.. Le cas des communes de 50 000 à 100 000 habitants se distingue avec une situation plus éclatée que celle des autres catégories territoriales : c’est dans ces communes que l’on trouve à la fois le plus fort taux de baisses et le plus fort taux de hausses déclarées du nombre d’emplois culturels.
La stabilité domine également pour ce qui est des subventions versées aux associations culturelles entre 2023 et 2024 par les collectivités de l’échantillon (près de 60 %). Les hausses déclarées ont augmenté entre 2023 et 2024 par rapport à la période 2022-2023 : 27 % contre 21 %.
La situation s’avère néanmoins assez disparate selon les types de collectivités. Les départements sont ceux qui indiquent le plus grand nombre de baisses de leurs subventions aux associations culturelles entre 2023 et 2024 : ils sont deux fois plus nombreux cette année par rapport à la période 2022-2023 (21 % contre 10 %). À l’inverse, la situation semble s’améliorer – avec plus de hausses – au niveau du bloc local (communes et intercommunalités) ; faut-il y voir le signe d’une proximité plus marquée entre l’exécutif et les acteurs subventionnés ?
Ce qu’il faut retenir : le volet du baromètre qui traite des orientations de politique culturelle et des positionnements en matière de coopération publique montre une certaine continuité par rapport à l’année précédente.
Les registres d’offre et d’accès continuent à dominer l’agenda des exécutifs territoriaux, au côté des logiques territoriales et éducatives de l’intervention culturelle. La philosophie d’action de la démocratie culturelle et les problématiques de transitions du secteur apparaissent plus dynamiques que lors de l’enquête précédente. Du point de vue des nouvelles formes de pilotage des politiques culturelles, une majorité de collectivités applique des critères de conditionnalité à leurs aides financières dans la culture, bien que dans des proportions un peu moindres qu’en 2023.
Comment les DAC perçoivent-ils la place donnée à la politique culturelle ? 67 % considèrent qu’il n’y a pas eu de dépriorisation au cours des deux dernières années et que la politique culturelle est autant une priorité qu’avant pour leur collectivité. 23 % estiment qu’il s’agit encore plus d’une priorité qu’avant (en particulier pour une partie significative des communes de plus de 100 000 habitants) ; ils étaient 30 % à le déclarer dans le baromètre 2023. Si elle reste significative, l’importance politique accordée à la politique culturelle subit une légère érosion.
Quels sont les objectifs politiques qui orientent en priorité les choix culturels des exécutifs ? Les réponses des collectivités et intercommunalités – demandées sous forme de trois mots-clés – sont représentées sur le nuage de mots. En 2024, au niveau de l’ensemble de l’échantillon, plusieurs orientations (les occurrences les plus fréquentes) se dégagent, qui prolongent les résultats du baromètre 2023 et confortent cette priorisation globale de l’action publique culturelle : accessibilité, éducation artistique et culturelle, territoire.
Pour faciliter la lecture et atténuer les effets liés à la pluralité des termes utilisés pour qualifier un même type de positionnement culturel, une thématisation en 14 registres d’action a été élaborée à partir des objectifs politiques qui orientent en priorité les choix des exécutifs des collectivités et intercommunalités répondantes. Chaque thème inclut une série de mots-clés, dont voici les principaux exemples :
– Accès : accessibilité/accès (pour tous), culture pour tous, démocratisation, médiation, publics…
– Création artistique : création, soutien aux artistes, présence artistique…
– Démocratie culturelle : diversité, participation, droits culturels…
– Domaines culturels : patrimoine, lecture publique, arts plastiques, numérique, industries culturelles…
– Éducation-jeunesse : jeunesse, éducation, EAC, jeune public…
– Gouvernance-coopération : partenariats, coopération, mutualisation, réseaux, concertation…
– Impact social : lien social, inclusion, vivre ensemble, mixité, solidarité, cohésion, émancipation…
– Ingénierie : accompagnement, structuration, ingénierie…
– Logiques économiques : budget, modèle économique, économies budgétaires…
– Logiques territoriales : territoire, attractivité, rayonnement, équité, proximité, ancrage territorial, maillage, identité, ruralité, aménagement…
– Offre : diffusion, équipements, événementiel, qualité, exigence, lisibilité…
– Principes d’action publique : continuité, efficacité, innovation, pluridisciplinarité…
– Transitions : transition, environnement…
– Divers : cette catégorie correspond à plusieurs terminologies générales qui ne rentrent pas dans les catégories précédentes.
Les logiques territoriales, d’accès, d’offre et d’éducation-jeunesse continuent à dominer les choix de priorisation de l’action publique culturelle. Les registres de la démocratie culturelle et des transitions apparaissent renforcés par rapport à 2023, manifestant des volontés de changement et de transformation du secteur ; les problématiques de transitions sont particulièrement investies par les politiques culturelles régionales.
On note aussi des variations dans les priorités affichées selon les niveaux de collectivités :
– régions : les registres des logiques territoriales, de l’accès, de la création artistique et des transitions arrivent en tête ;
– départements : les registres des logiques territoriales et d’accès sont prioritaires, devant les registres d’éducation-jeunesse et d’impact social ;
– communes : les registres d’accès, d’offre et d’éducation-jeunesse dominent les choix culturels des exécutifs locaux, bien que la philosophie d’action de la démocratie culturelle y soit plus affirmée que dans les autres niveaux de collectivités. Comme en 2023, il s’agit de la catégorie de collectivité où la palette des registres prioritaires de politiques culturelles investis est la plus large : autrement dit, l’échelon communal apparaît comme étant le plus généraliste et le moins focalisé sur tel ou tel registre d’action ;
– métropoles : les logiques territoriales dominent, souvent autour d’enjeux de rayonnement, avec également une place notable des orientations visant à infléchir les pratiques de gouvernance et de coopération dans le secteur culturel, ainsi que d’y promouvoir des principes généraux d’action publique (développement, intersectorialité, complémentarité…) ;
– communautés urbaines et communautés d’agglomération : les logiques territoriales sont les plus plébiscitées, devant les registres d’offre et d’éducation-jeunesse.
Le baromètre 2024 a également abordé le sujet du soutien aux pratiques artistiques en amateur au cours des deux dernières années Cf. graphiques p. 38 de la publication complète du baromètre 2024. : sur l’ensemble de l’échantillon, 57 % des collectivités et intercommunalités indiquent un maintien de leur effort dans ce domaine, 6 % un affaiblissement et 24 % un renforcement. 57 % des communes de plus de 100 000 habitants déclarent un accroissement de leur appui aux pratiques artistiques en amateur.
La manière dont les collectivités conditionnent (ou non) certaines de leurs aides financières apporte des informations complémentaires sur la conduite de l’action publique et sa (re)politisation à partir de critères exogènes. En 2024, les répondants qui indiquent une absence de critères de conditionnalité sont plus nombreux qu’en 2023 La notion est parfois complexe dans son application et certains répondants précisent ne pas parler stricto sensu de « conditionnalité » pour certaines modalités, mais plutôt d’éléments d’appréciation ou d’une attention portée à certaines dimensions : « Ces éléments font partie de nos critères d’appréciation, mais les subventions, si elles dépendent en partie de ces critères, ne sont pas à proprement parler “conditionnées”. » ; « Sur certains items, des points d’attention dans l’instruction plus que des conditionnalités pures et dures. » : 43 % cette année, contre 34 % l’an dernier. Pour les collectivités qui en déclarent, la promotion de la diversité culturelle est privilégiée (plus d’un tiers des répondants), devant l’égalité entre femmes et hommes et l’impact écologique. Ce critère écologique est étonnamment en net retrait par rapport au baromètre 2023.
Parmi les réponses « autres » figurent des critères autour de la dimension territoriale (équité ou couverture territoriale) et de la laïcité.
Par rapport au baromètre 2023, on ne constate pas de réelle modification dans la perception du système de coopération publique inhérent aux politiques culturelles. Une certaine stabilité partenariale domine : un peu plus de la moitié des DAC estiment que la coopération n’a pas évolué avec l’État et un peu moins de la moitié considèrent qu’elle n’a pas évolué avec les autres niveaux de collectivités territoriales. Et 39 % estiment qu’elle s’est même accrue dans les deux cas.
De façon complémentaire, la majorité des collectivités indiquent ne pas être à la recherche d’une plus grande autonomie dans la conduite de leur politique culturelle par rapport à celle de l’État (57 %) et à celle des autres niveaux de collectivités territoriales (65 %). Ces résultats peuvent être lus comme le souhait, dans un contexte budgétaire contraint, de maintenir les partenariats à l’œuvre et les logiques de mutualisation budgétaire, et comme le signe d’une forte imbrication des politiques culturelles des collectivités territoriales avec les dispositifs de l’État.
Plus des deux tiers des régions déclarent toutefois rechercher une plus grande autonomie (fonctionnelle et/ou politique) dans la conduite de leur intervention culturelle vis-à-vis de l’État : cette tendance s’est nettement accentuée depuis 2023. Faut-il y voir une volonté de leur part de jouer un rôle différent dans la gouvernance des politiques culturelles territoriales, ou un souhait d’une délégation accrue de compétences de l’État ? Par ailleurs, cette tendance est aussi plus prononcée en 2024 pour les communes de plus de 100 000 habitants, dont le poids important dans les financements croisés se double d’une volonté de mobiliser les activités culturelles dans leurs propres logiques politiques et de développement territorial.
La volonté de bénéficier de davantage d’autonomie vis-à-vis des autres niveaux de collectivités territoriales est plus prononcéequ’en 2023 pour les communes et les intercommunalités. Elle est cependant en reflux pour les départements. Seuls 4 % d’entre eux déclarent rechercher une plus grande autonomie dans la conduite de leur politique culturelle par rapport aux autres niveaux de collectivités territoriales. De nombreux départements ont en effet développé un rôle de facilitateur au sein des systèmes territoriaux de coopération publique et se positionnent aujourd’hui comme des partenaires privilégiés des EPCI pour les accompagner dans le déploiement de leurs politiques culturelles (ingénierie, dispositifs territorialisés, projets culturels de territoire, etc.).
Ces évolutions augurent-elles l’émergence de nouveaux équilibres et de nouvelles configurations de coopération entre collectivités dans la culture ? Notons que le nombre de répondants qui indiquent ne pas être en mesure de renseigner l’information sur une éventuelle recherche d’autonomie a augmenté par rapport à l’enquête 2023, renforçant ainsi le sentiment d’une plus grande incertitude quant aux positionnements politiques en matière de partenariat public.
Ce qu’il faut retenir :l’édition 2024 du baromètre a permis d’approfondir les problématiques de transition écologique dans le secteur public de la culture et d’aborder de nouvelles questions conjoncturelles autour des formes de pressions qui impactent la liberté de création/diffusion artistique ainsi que des atteintes matérielles aux biens culturels.
Les DAC ont d’abord été interrogés sur l’importance accordée à la transition écologique dans la politique culturelle de leur collectivité, sur une échelle de 0 (inexistante) à 5 (très importante). Sa place est jugée plus prépondérante pour les communes de plus de 100 000 habitants (note de 3,8) devant les régions (3,2), les métropoles (3), les communes de moins de 100 000 habitants (2,6), les communautés urbaines et d’agglomération (2,4) et les départements (2,1) Cf. graphique p. 48 de la publication complète du baromètre 2024..
Il a également été demandé aux responsables culturels quelles démarches ont été mises en place par leur service en faveur de la transition écologique. 18 % indiquent ne pas avoir mis en place d’action spécifique. Pour les collectivités et intercommunalités qui en déclarent, les mesures de sobriété énergétique (équipements culturels, adaptation du patrimoine…) sont les plus citées (plus de la moitié des 202 répondants ; deux tiers des communes et des métropoles), devant les démarches de concertation avec les acteurs culturels du territoire (notamment citées par 85 % des régions) et les actions de formation des agents.
Quelques responsables culturels évoquent par ailleurs la mise en œuvre d’un plan d’action global au niveau de la direction générale et/ou culturelle de la collectivité.
Enfin, le baromètre 2024 a porté un regard sur les problématiques d’entraves à la liberté de création/diffusion artistique et d’atteintes matérielles contre des œuvres ou des équipements culturels pris pour cible, alors que nombre de débats, tribunes et articles de presse ont relaté des événements de ce type ou se sont emparés du sujet au cours de l’année écoulée.
Une grande majorité de responsables culturels (environ 8 sur 10) indiquent ne pas constater ces phénomènes en 2023-2024 sur leur territoire. Pour plus ou moins 10 % des collectivités et intercommunalités répondantes, ils sont jugés en augmentation.
Les précisions apportées par les responsables culturels montrent qu’une petite moitié des entraves à la liberté de création/diffusion artistique s’apparente à des intimidations et des pressions citoyennes et associatives, liées pour certaines à des convictions religieuses.
Concernant les atteintes matérielles, il s’agit pour moitié de dégradations et d’incendies d’équipements liés aux émeutes de l’été 2023. Et près de 40 % correspondent à des dégradations ou vols d’œuvres et des actes de vandalisme dans l’espace public, dont des tags.
L’ensemble des traitements, notamment par catégories territoriales, est disponible dans la publication complète du baromètre 2024 (à télécharger ci-dessous).
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18.10.2024 à 09:49
Lisa Pignot
C’est avec une profonde tristesse que nous avons appris le décès de Geneviève Gentil, personnalité active et radieuse de notre Assemblée générale pendant de longues années, qui a tant apporté à l’OPC par son esprit vif et son regard bienveillant. Au-delà des moments partagés, reste l'impressionnante collection d’ouvrages sur les politiques culturelles qu’elle a pilotée au sein du Comité d’histoire du ministère de la Culture. Philippe Poirrier lui rend ici hommage.
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La disparition brutale de Geneviève Gentil (1930-2024) a suscité une large émotion chez ceux qui, du Service des études et recherches (SER) devenu Département des études, de la prospective, des statistiques et de la documentation (DEPS) au Comité d’histoire du ministère de la Culture, ont croisé son chemin et ont bénéficié de ses conseils et de son aide.
J’ai rencontré Geneviève au milieu des années 1990. Le petit groupe de chercheurs auquel j’appartenais, issu du séminaire d’histoire culturelle que dirigeaient Jean-Pierre Rioux et Jean-François Sirinelli à l’Institut d’histoire du temps présent du CNRS, avait organisé à l’Institut d’études politiques de Paris, en février 1994, une journée d’études sur l’histoire des politiques culturelles des collectivités locales. À l’issue de cette journée, à laquelle elle avait assisté avec Augustin Girard, Geneviève nous proposa de publier les actes dans la toute jeune collection du Comité d’histoire du ministère de la Culture (CHMC). Une étroite collaboration de plus de vingt ans s’ensuivit. En 1996, Geneviève quittait le DEPS où elle était entrée en 1967 : une fausse « retraite » car elle allait s’engager jusqu’en 2011 dans le fonctionnement du Comité d’histoire, avec Augustin Girard (1993-2007) puis avec Maryvonne de Saint-Pulgent. Ensuite, elle resta officiellement « conseillère » de cette dernière et aidera ses successeurs au secrétariat général du CHMC.
Pendant toutes ces années, Geneviève sera la grande organisatrice des multiples actions entreprises par le CHMC. Celui-ci s’imposa comme un des lieux où se construisait et s’écrivait l’histoire des politiques et institutions culturelles. Séminaires, journées d’études et colloques, campagnes d’histoire orale, actions commémoratives, opérations de sensibilisation destinées aux agents du ministère rythmaient un calendrier d’une grande densité. Je souhaite surtout insister sur l’aide essentielle qu’elle apporta aux (jeunes) chercheurs. Geneviève permettait un luxe comme nulle part ailleurs : travailler sans se soucier des questions matérielles et financières. Sa connaissance des arcanes de l’administration centrale du ministère de la Culture et ses relations personnelles avec ceux et celles qui, depuis les années Malraux, avaient porté cette politique permettaient d’ouvrir bien des portes, d’accéder à des archives, de nouer des relations fructueuses pour la recherche. Surtout, Geneviève accordait une place essentielle à la publication des travaux ; le plus souvent publiés sous la forme de livres diffusés par La Documentation française. L’expérience du DEPS lui avait appris qu’il ne reste pas grand-chose d’un séminaire ou d’un colloque si les actes ne sont pas publiés. Ensuite, elle savait que le livre vivrait sa propre vie, circulerait au sein du ministère, serait approprié par les chercheurs et pourrait toucher un plus large public, celui des acteurs des mondes de la culture, et quelquefois bien au-delà. Deux ou trois générations de chercheurs lui doivent beaucoup.
L’Observatoire des politiques culturelles (OPC) et le Comité d’histoire du ministère de la Culture partageaient certaines valeurs et convictions : que tout ne se passe pas à Paris ; un intérêt non démenti pour la décentralisation et la déconcentration culturelle ; le dialogue entre chercheurs et acteurs des politiques culturelles ; l’écho lointain, mais toujours présent, de l’éducation populaire ; la volonté de transmettre et de partager les connaissances et les expériences. L’Observatoire, revue de l’OPC, accorda toujours une large place aux publications du Comité d’histoire. Geneviève jouait un rôle d’intermédiaire. Elle avait conservé de solides amitiés chez les « Grenoblois » : René Rizzardo bien sûr ; mais aussi Jean-Pierre Saez et Guy Saez. En 2004, René Rizzardo, membre du Comité d’histoire, ancien élu grenoblois et ancien directeur de l’Observatoire des politiques culturelles, suggéra de poursuivre les travaux afin de mieux comprendre la construction historique de la coopération entre l’État et les collectivités locales. En novembre 2005, un premier séminaire se déroula sur trois demi-journées à La Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon. Cette première manifestation a été suivie par des séminaires, des journées d’étude et une campagne de recueils de témoignages oraux. La restitution de ces travaux a fait l’objet de l’ouvrage publié en 2009 (Une ambition partagée ? La coopération entre le ministère de la Culture et les collectivités territoriales, 1959-2009) et d’une journée d’études au Sénat.
Par-delà l’ampleur du travail accompli, c’est la personnalité de Geneviève qui a frappé tous ceux qui ont eu la chance de collaborer avec elle. Une forme d’autorité naturelle était tempérée par une bienveillance de tous les instants ; une écoute et une générosité ; la volonté de vous aider pour que vos projets aboutissent. Geneviève a incarné une haute idée du service public de la culture ; ne ménageant ni son énergie, ni son temps ; avec humilité et modestie. Elle croyait au rôle émancipateur de la culture. Elle nous manque.
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