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30.05.2023 à 17:44

Vladivostok, nouvel accès maritime pour la Chine du nord-est

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Vladivostok à l’heure de Chine, selon l’Administration générale des douanes de Chine, les produits transportés des provinces du nord-est vers des destinations du sud de

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Vladivostok à l’heure de Chine, selon l’Administration générale des douanes de Chine, les produits transportés des provinces du nord-est vers des destinations du sud de la Chine pourront être livrés par le port de Vladivostok à partir du 1er juin. Est-ce la première étape d’une influence croissante de la Chine sur ce port russe, notamment dans sa stratégie de route de la soie polaire ?

Vladivostok était une région chinoise jusqu’en 1860, lorsque la dynastie Qing l’a cédée à l’Empire russe suite au Traité de Pékin. Actuellement, Vladivostok est la plus grande ville portuaire russe de la côte du Pacifique, le principal hub de transit maritime de l’Extrême-Orient russe et le siège de la flotte du Pacifique russe. Les provinces chinoises du Heilongjiang et du Jilin, qui bordent Vladivostok, n’avaient pas d’accès maritime direct depuis 163 ans. Les marchandises devaient être transportées par voie terrestre jusqu’au port de Dalian, à plus de 1 000 km de là, puis expédiées par bateau vers le sud du pays. Les médias chinois soulignent que cette décision contribuera à réduire les coûts de transport, car elle signifie que le transport routier sera raccourci d’environ 200 km, ce qui favorisera le développement de ces provinces.

Une demande chinoise ?

Certains analystes soulignent que c’est un “dividende” pour la Chine de la part de la Russie en raison de la guerre en Ukraine.

Des analystes du tabloïd chinois Global Times ont souligné que la participation du port de Vladivostok au système commercial chinois est “une percée dans la coopération économique et commerciale sino-russe dans le contexte de la guerre russe, ainsi qu’une nouvelle percée dans la coopération locale sino-russe”.

Ci-dessus, les lignes de transport de l’opérateur intermodal russe Fesc

James Dorsey de l’École Rajaratnam des études internationales de l’Université de technologie de Nanyang a estimé que l’ouverture du port est un geste de “bonne volonté” envers la Chine. Il a déclaré qu’après le déclenchement de la guerre russo-ukrainienne, le vent des relations sino-russes avait tourné en faveur de la Chine, et que la Russie a besoin de la Chine et est donc plus active dans la promotion de la coopération économique entre les deux pays.

Cependant, Dorsey a noté que même si la Chine deviendra la partie la plus forte dans les relations sino-russes, l’interprétation selon laquelle la Russie deviendra un État vassal de la Chine est une simplification excessive, car la Chine a également besoin du soutien de la Russie.

Le soja sibérien

Vladimir Poutine a déclaré que les plantations de l’Extrême-Orient devraient être entièrement consacrées à la culture du soja pour assurer le marché chinois. “Nos amis chinois sont très favorables à nos producteurs de soja, ils sont prêts à accepter un très grand nombre de livraisons”, a déclaré Poutine.

Dans le même temps, il a ajouté que le commerce n’était pas seulement bénéfique d’un point de vue “de nature stratégique”, mais aussi pratique pour la Chine. Poutine a souligné que les approvisionnements russes étaient bon marché car la route de transport était très courte. Il a également ajouté que grâce à la récolte de soja de l’année dernière, la Russie a pu “commencer à construire des usines”.

Récemment, en 2019, malgré le rapprochement sino-russe, les habitants de l’Extrême-Orient qualifiaient encore la stratégie de la Chine envers ses territoires voisins d'”expansion”. Bien qu’ils aient ajouté que sans les investisseurs chinois, les terres resteraient inutilisées. “Il n’y a personne pour travailler : si les Chinois partent, tout ici sera envahi par la végétation et, comme avant, tout brûlera d’une flamme bleue”, a déclaré un habitant local cité par BBC Russia.

En février, le ministère chinois des Ressources naturelles a publié une réglementation sur le contenu des cartes, exigeant que les anciens noms chinois soient ajoutés aux noms géographiques actuels en russe de huit lieux le long de la frontière russo-chinoise. Cela signifie que Vladivostok, la capitale administrative de la région, doit désormais porter le nom chinois officiel “Haishenwai”.


Par Adrien Mugnier, Directeur de l’OFNRS

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26.04.2023 à 14:42

En Equateur, la Chine supplante les Etats-Unis

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Le 3 janvier 2023, le Président Equatorien Guillermo Lasso tweetait “Bonne nouvelle pour débuter l’année 2023. La négociation de l’accord de libre-échange entre la Chine

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Le 3 janvier 2023, le Président Equatorien Guillermo Lasso tweetait “Bonne nouvelle pour débuter l’année 2023. La négociation de l’accord de libre-échange entre la Chine et l’Équateur a été conclue avec succès. Nos exportations bénéficieront d’un accès préférentiel au plus grand marché du monde, nos industries pourront acquérir des machines et des intrants à moindre coût.”

Ces négociations s’inscrivent dans un contexte plus large de relations économiques et diplomatiques entre les deux pays qui ont connu une intensification depuis le début du millénaire.

Depuis les années 60 les politiques équatoriens ont montré un intérêt pour la Chine. Malheureusement, à cette période-là, les relations n’ont pas pu aboutir car l’Équateur a été marqué par de nombreux coups d’état militaires ayant mis à la tête du pays des chefs d’État foncièrement anticommuniste, pro-impérialisme américain, ne permettant pas, dans un contexte de guerre froide, des relations entre les deux pays.

Le retour des relations avec la République populaire de Chine aura lieu en 1979 avec l’élection de Jaime Roldós Aguilera. Mais c’est réellement au début des années 2000 avec l’élection de Rafael Correa à la tête du pays, que les relations entre la Chine et l’Équateur seront intensifiées.

En effet, homme de gauche foncièrement anti-impérialisme américain, il a choisi de s’éloigner des États-Unis, qui considèrent l’Amérique latine comme leur arrière-cour, afin de se concentrer sur la création de liens économiques et diplomatiques avec une autre puissance de l’autre côté du pacifique : la République Populaire de Chine. Son successeur, Lénin Moreno intégrera officiellement son pays au projet des Nouvelles Routes de la Soie le 11 décembre 2018 lors d’une visite officielle à Pékin et perpétuera ces liens entre l’équateur et la Chine. Le Président actuel de l’Équateur :  Guillermo Lasso, continue d’entretenir la stabilité de ces accords.

Une classe politique équatorienne tiraillée entre Chine et Etats-Unis

Le contexte géographique et historique est très important à prendre en compte dans la situation de l’Équateur. Pendant longtemps les États-Unis ont considéré l’Amérique latine comme leur zone d’influence, la présence de l’acteur chinois dans la zone créé de nouveaux enjeux pour la classe politique nationale.

En Équateur les dirigeants politiques se retrouvent souvent au pied du mur, face à un choix à faire entre la Chine et les États-Unis, aussi bien sur l’aspect économique mais aussi concernant la consolidation des liens diplomatiques. Ce choix peut être, comme pour Rafael Correa, plutôt idéologique, mais il peut aussi être fait pour des raisons économiques. Guillermo Lasso, que l’opinion public décrivait comme un candidat qui allait se rapprocher des États-Unis et mettre fin au partenariat avec la Chine, a effectué des avancées importantes avec la République Populaire de Chine sur la révision de la dette équatorienne et sur le potentiel accord de libre -échange entre les deux pays. Tout en maintenant les relations avec le FMI et les États-Unis que son prédécesseur, Lénin Moreno, avait entrepris.

Les relations commerciales entre la Chine et l’Équateur ont connu une croissance significative au cours de la dernière décennie, avec un commerce bilatéral qui a atteint des niveaux record en 2019. Voici quelques chiffres pour illustrer cette tendance :

En 2019, le commerce bilatéral entre la Chine et l’Équateur s’est élevé à environ 7,3 milliards de dollars, soit une augmentation de 13,7% par rapport à l’année précédente. Les exportations équatoriennes vers la Chine ont représenté environ 4,1 milliards de dollars, tandis que les importations équatoriennes depuis la Chine ont atteint environ 3,2 milliards de dollars.

Les principales exportations équatoriennes vers la Chine comprennent le pétrole brut, le minerai de cuivre, les crevettes, le thon en conserve, les bananes et les fleurs coupées. Les principales importations équatoriennes depuis la Chine comprennent les machines, les équipements électroniques, les textiles, les chaussures et les produits chimiques.

La Chine est devenue le plus grand partenaire commercial de l’Équateur en 2019, dépassant les États-Unis. Les exportations équatoriennes vers la Chine ont représenté environ 27% du total des exportations du pays cette année-là.

Depuis 2022 la Chine est en effet le pays vers lequel l’Equateur exporte le plus, place auparavant réservée aux États Unis, le montant des exportations en 2022 était de 4 millards de dollars, ce qui représente une augmentation de 60% par rapport à 2021 (2.7 milliards de dollars). Les produits exportés en 2022 sont principalement : Les crevettes produit emblématique des exportations équatoriennes : 3.9 millards de dollars. Un chiffre en augmentation en raisons de nouveaux accords et du règlement des différends sanitaires entre les deux pays, le bois et les produits manufacturés pour 136 millions de dollars et les bananes et bananes plantains pour 104 millions de dollars.

Concernant les importations chinoises en Équateur les chiffres disponibles sont ceux de 2021 et font état d’échanges d’un montant de 5,94 millards de dollars. Les principaux produits exportés vers l’équateur sont les voitures qui représentent 4,8% des importations dans le pays d’Amérique latine, les vaccins 3,85% (il faut prendre en compte l’année , en effet en 2021 les vaccins contre le Covid-19 ont été mis en place notamment par des laboratoires chinois ce qui explique ce chiffre) et enfin des équipements de diffusions qui représentent 3,9% des exports vers le pays Andin.

Depuis 2002 les relations commerciales entre les deux pays sont liés à des accords de coopération technique et économique sur différents sujets, comme par exemple en 2016 après la visite de Xi Jinping en Équateur où le président chinois a signé un accord apportant une aide de 77 millions de dollars pour de l’aide humanitaire à la suite de séisme ayant touché le pays. Un autre biais utilisé pour renforcé les relations sont les Mémorandums of understanding (mémorandum d’entente en français) qui est un accord utilisé pour montrer une convergence d’intention entre deux pays qui a valeur de traité aux yeux des Nations Unis. Concernant les relations sino-équatoriennes un MOu a été signé en 2022 par le ministre chinois du commerce : Wang Wentao et Julio José Prado, ministre équatorien de la production, du commerce extérieur, des investissements et de la pêche.

Après la mise en place du Mémorandum of Understanding, qui marque le commencement des négociations pour l’accord de libre échange, un accord préalable a été trouvé et doit être mis en place par les deux pays. Celui-ci permettra à l’Equateur de continuer d’exporter vers la Chine de manière facilité les biens qui le sont déjà notamment les produits issues de l’agriculture ou de l’industrie agro alimentaire, et d’ouvrir de nouveau marché comme le marché de la Pitaya /Fruit du dragon à la Chine après des accords en les deux agences phytosanitaires. De plus pour les produits provenant de la Chine, les deux pays se sont mis d’accord sur l’importation des machines et composants pour l’industrie à des prix préférentiels. D’un point de vue économique cet accord devrait permettre une hausse de plus d’ 1 millard de dollars d’exportations vers la Chine.

Les investissements d’entreprises chinoises et les prêts accordés à l’Equateur par les banques d’investissement Chinoises sont important et touchent de nombreux secteurs. Avant même le projet des Nouvelles Routes de la Soie, la Chine a également été impliquée dans le secteur de l’éducation en Équateur en fournissant des bourses d’études aux étudiants équatoriens pour étudier en Chine, en établissant des programmes d’échanges universitaires et en soutenant la construction d’établissements éducatifs en Équateur.

Voici quelques exemples d’implication de la Chine dans le domaine de l’éducation en Équateur :

Bourses d’études : Depuis les années 1970, la Chine a offert des bourses d’études aux étudiants équatoriens pour étudier en Chine. Environ 1 000 étudiants équatoriens étudient actuellement en Chine grâce à ces bourses, principalement dans les domaines de l’ingénierie, des sciences, de l’économie et de la médecine.

Programmes d’échanges universitaires : La Chine et l’Équateur ont établi des programmes d’échanges universitaires pour promouvoir l’échange d’étudiants et de professeurs entre les deux pays. Par exemple, en 2019, l’Université chinoise de Jinan et l’Université de Guayaquil ont signé un accord de coopération pour établir un programme d’échanges universitaires.

Construction d’établissements éducatifs : La Chine a également soutenu la construction d’établissements éducatifs en Équateur, notamment en construisant une école maternelle à Quito en 2017. Cette école maternelle, baptisée “Ecole de l’Amitié sino-équatorienne”, est le fruit d’un projet de coopération éducative bilatérale entre les deux pays.

De plus, à de nombreuses reprises, le gouvernement chinois a fourni du matériel électronique à des écoles et des lycées en Équateur. Par exemples, en novembre 2012, l’ambassade chinoise de équateur a donné des ordinateurs des imprimantes et d’autres équipements en lien avec l’éducation à plusieurs écoles de la province de El Oro au sud du pays.

Ces dons de matériel électronique concernent aussi les ministères. Par exemple, en 2015, l’ambassade de Chine en Équateur a fait don de 20 ordinateurs au ministère des Affaires Étrangères Equatorien. En 2017, le gouvernement chinois a donné 10,25 millions de dollars au gouvernement équatorien afin de lui permettre de construire un laboratoire pour le système de sécurité ECU911. Ce laboratoire inclut un système de vidéosurveillance et de stockage de data important ayant pour but la réduction du taux de criminalité dans le pays.  Les quartiers généraux du service de surveillance à Quito ont notamment été visités par Xi Jinping en 2016 lors de sa visite en Équateur.

La Chine a su également apporter une aide concrète lors de catastrophes naturelles. En effet, l’Équateur est parfois victime de séismes violents. En avril 2016, après un séisme d’une force de 7,8. Dans la ville de Chone (dans l’ouest du pays), le gouvernement chinois, décida de donner 120 lits d’hôpital modernes, car l’hôpital de la ville avait été détruit. De plus, le gouvernement chinois et l’Équateur ont signé, grâce à l’accord de coopération économique et technique de 2009,  la construction d’un nouvel hôpital, afin de remplacer celui qui avait été détruit.  Le contrat était d’environ 55 millions de dollars et l’hôpital fut ouvert en novembre 2016. Au delà de l’aide matérielle apportée par le gouvernement chinois aux équatoriens lors des différents séismes, le pays envoie aussi des équipes de médecins militaires sur place après les catastrophes, 8 équipes au total, cela fait suite à l’Accord international de coopération médicale, humaine et professionnelle entre les ministères de la défense nationale de l’Équateur et de la Chine signé en 2009.

Les infrastructures de transport

Plusieurs projets d’infrastructures liés au transport menés par la Chine dans le pays, peuvent être identifiés comme des classiques des nouvelles routes de la soie.

Le projet de modernisation de l’aéroport de Quito : en 2012, la China National Aero-Technology International Engineering Corporation a remporté un contrat de 370 millions de dollars pour moderniser l’aéroport international Mariscal Sucre à Quito. Le projet comprenait la construction d’un nouveau terminal et la modernisation des pistes et des installations. Construit sur une période de sept ans, le nouvel aéroport dispose d’un terminal de 38 000 m², avec une capacité de 5 millions de passagers par an.

Nouvel aéroport de Quito

Le projet de train Quito-Guayaquil : il s’agit d’un projet de chemin de fer à grande vitesse reliant les villes de Quito et Guayaquil, qui devrait réduire considérablement le temps de voyage entre les deux villes. La China Railway Construction Corporation (CRCC) est responsable de la construction de ce projet.

En 2016 la création d’un accès à la route pour la ville de Bahia de Caráquez (sur la côte ouest du pays) fut entreprise, indiquant une volonté d’investir dans le domaine des infrastructures du transport. L’objectif principal de cette construction est de permettre à plus de 57 000 personnes qui vivent dans le canton de Sucre, de pouvoir se rendre dans cette ville, mais aussi d’augmenter le tourisme dans la région. Au-delà du prêt de 5 millions de dollars de la banque de développement chinoise, le projet a été mis en œuvre par China Gezhouba Group company et le Ministère du Transport et des Travaux Publics équatorien.

Le secteur énergétique, la priorité

C’est bien dans le secteur de l’énergie que les entreprises telles que PétroChina sont le plus impliquées. En effet avant même le projet des Nouvelles Routes de la Soie, les deux pays avaient des accords concernant le pétrole notamment. En 2009, par exemple, PétroChina et PetroEcuador avaient conclu un contrat d’un milliard de dollars pour 69 millions de barils de pétrole sur 2 ans. Il est important aussi de noter que les investissements de PétroChina ne se limitent pas au pétrole d’amazonie équatorienne, le côté péruvien est également ciblé, afin de se fournir des deux côtés de la frontière en pétrole amazonien. Le pétrole et l’énergie, en général, est un élément important des relations entre l’Équateur et la Chine car au-delà des investissements faits pour la construction d’infrastructures en lien avec les énergies, il est important de noter que la garantie de beaucoup d’investissements et de prêts effectués par l’Équateur à la Chine, aux entreprises chinoises et aux banques d’investissement se fait en barils de pétrole.

Concernant le pétrole, une des ressources les plus importantes de l’Equateur, la Chine en est l’un des principal bénéficiaire mais aussi et depuis 2022 un acteur du pétrole équatorien. En effet, en raison d’un changement législatif en Équateur et afin d’attirer les capitaux étrangers, le pays a mis en place des enchères et des contrats d’exploitation de forage, raffinement et extraction du pétrole, le premier contrat de forage dans le gisement pétrolier d’Ishpingo, près du parc national Yasuni en Equateur, a été attribué à la China National Petroleum Corp (CNPC) en février 2022. Au delà des tarifs préférentiels auxquels avait accès la Chine (tarifs mis en place en compensation à la dette équatorienne envers la Chine) ce contrat permet à la puissance asiatique de bénéficier de ce pétrole en l’exploitant directement.

Beaucoup de projets ont débuté et ont été financés avant même l’annonce des nouvelles routes de la soie. Ils ont été considérés et présentés comme des réalisations majeures.

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Centrale hydroélectrique Coca Codo Sinclair en Equateur

Le plus connu en Équateur est le projet du barrage et de la centrale hydroélectrique de Coca Codo Sinclair. Sa construction a été menée par l’entreprise chinoise Sinohydro et a débuté avant les nouvelles routes de la soie en juillet 2010. Le barrage se trouve à l’est de Quito la capitale équatorienne. Le barrage a été financé en partie par un prêt de la banque d’exportation et d’importation de Chine et le coût final de celui-ci s’est élevé à environ 2,6 milliards de dollars dont 1,6 milliards provenant de la banque. Ce projet a été fortement critiqué car le barrage a été construit dans une zone où l’érosion est forte, abîmant le barrage alors que celui-ci n’a été mis en fonction qu’en 2016. L’ancien Président Lenin Moreno, est au cœur d’un scandale de corruption concernant celui-ci en raison des pots de vins reçus en lien avec la construction du barrage.

Un autre projet phare des nouvelles routes de la soie lié à la centrale et au barrage hydroélectrique de Coca Codo Sinclair est le réseau de transmission à haute tension de 500KV. Ce dernier a pour objectif de relier la centrale hydroélectrique aux sous stations d’Inga, de Tisaleo et de Chorillos situées dans différentes régions équatoriennes afin de distribuer l’électricité issue de la centrale. Ce projet a vu le jour le 29 octobre 2014 lorsque la China EXIM Bank a fourni un crédit de 490 millions de dollars à l’Équateur pour sa construction. L’accord de prêt a été signé par le directeur des négociations publiques et des finances du ministère équatorien des finances, Luis Villafuerte, et par le directeur général adjoint du département des affaires de l’EXIM Bank, Yu Wen. Le projet a été inauguré le 19 Mai 2017 par le gouvernement équatorien.

Projet de contrôle d’inondation de Cañar et de Naranjal en Equateur

En juillet 2013 l’équateur a obtenu un prêt de 290 millions de dollars de la Bank of China Limited et la Deutsche Bank (China) pour un projet de contrôle d’inondation de Cañar et de Naranjal. Ce système de contrôle d’inondation permettait de mettre en place un système qui empêcherait la rivière de Cañar de déborder afin de protéger les terres environnantes. De plus, il visait à la création et la réhabilitation de ponts et de tunnels afin d’acheminer l’eau vers les turbines chinoises pour produire de l’électricité suffisante pour 1/3 du pays. Le projet a été mené par la CWE, sa construction débuta en avril 2015 et fut inauguré en 2016.

La banque chinoise de développement a aussi financé par un prêt, la centrale électrique hydroélectrique de Delsitanisagua. Pour ce projet l’Équateur a fait appel à HydroChina Huadong Engineering Corporation afin de construire la centrale. De plus CELEC (Corporation électrique de l’équateur) aurait un contrat d’ingénierie d’approvisionnement et de construction avec HydroChina. Le coût final du projet s’élève à 335 millions de dollars et la construction du projet a débuté en 2011, son inauguration eu lieu le 21 décembre 2018.

Lancement expérimental de la centrale hydroélectrique de Delsitanisagua en Equateur

Le dernier projet important est la centrale hydroélectrique de Sopladora dont la construction a démarré en 2011 et a été inauguré en 2016. La China Gezhouba Group en est le fournisseur principal des turbines. D’après le site officiel du gouvernement, la centrale bénéficierait à 15 000 habitants.

Mines et agriculture

La mine de cuivre MIRADOR dans la province de Zamora-Chinchipe est un autre projet important des relations sino équatoriennes. Ce projet vise à extraire du cuivre du gisement Mirador qui se trouve le long de la vallée Rio Zamora. En 2014, un regroupement de banque Chinoises composés de la China Development Bank, de la Bank of China et de l’Agricultural Bank of China ont accordé un prêt de 1,29 milliard de dollars à la China Railway Construction Corporation pour ce projet. Le projet a été entrepris par China Gezhouba Group. Ce projet a été lancé le 21 décembre 2015 et a été achevé le 18 juillet 2019. Le projet a eu un impact positif sur l’emploi, d’après les chiffres 3000 emplois auraient été créés.

La Chine s’est impliquée dans le secteur de l’agriculture en Équateur en fournissant des prêts et des investissements pour aider à moderniser les infrastructures agricoles du pays et promouvoir la coopération agricole bilatérale. Voici quelques exemples d’implication de la Chine dans le domaine de l’agriculture en Équateur :

L’Equateur domine le commerce international de la banane

Financement de projets agricoles : La Chine a fourni des prêts à l’Équateur pour soutenir des projets agricoles tels que la modernisation des infrastructures d’irrigation, l’amélioration de la production de bananes et la promotion de la production agricole écologique. Par exemple, en 2019, la Chine a accordé un prêt de 100 millions de dollars à l’Équateur pour la modernisation des infrastructures d’irrigation dans la province de Guayas, qui est un important producteur de bananes.

Promotion des exportations agricoles équatoriennes vers la Chine : La Chine est devenue un marché important pour les exportations agricoles équatoriennes, en particulier les bananes et les crevettes. En 2020, l’Équateur a exporté plus de 950 000 tonnes de bananes vers la Chine, faisant de la Chine le deuxième plus grand marché pour les bananes équatoriennes après les États-Unis.

Coopération agricole bilatérale : La Chine et l’Équateur ont établi un mécanisme de coopération agricole bilatérale pour renforcer leur échange d’expériences et de technologies dans le domaine de l’agriculture. En vertu de ce mécanisme, la Chine a envoyé des experts agricoles en Équateur pour fournir une assistance technique et a organisé des formations pour les agriculteurs équatoriens dans des domaines tels que la culture de la banane et la production de riz. L’Équateur a également envoyé des délégations en Chine pour explorer de nouvelles opportunités de coopération agricole.

Des limites

Certains projets ne sont pas une réussite, par exemple, le barrage hydroélectrique de Toachi Pilaton, datant d’avant le projet de nouvelles routes de la soie (environ une quinzaine d’années). La construction de ce barrage a été assurée par des entreprises chinoises, brésiliennes et russes. Cependant, en mars 2022, le CWE a poursuivi le pays pour obtenir un dédommagement de plus de 100 millions de dollars, pour rupture unilatéral de contrat coté équatorien. Depuis cet événement, le projet du barrage hydroélectrique est complètement à l’arrêt.  

Au-delà des critiques concernant le temps de construction et l’arrêt de certains projets en cours de route, de nombreuses critiques viennent frapper le pays concernant les investissements chinois d’une part car certains préféraient voir les États-Unis à la place de la Chine dans le pays mais d’autres critiquent aussi le fait que les présidents équatoriens endettent le pays de manière démesurée. De plus, l’affaire de corruption qui vient frapper l’ancien président Lenin Moreno concernant le barrage hydroélectrique de coca coco Sinclair vient renforcer la méfiance de la population envers ses propres dirigeants.

L’Equateur est un exemple des relations commerciales gagnant-gagnant que souhaitent mettre en place la Chine à travers les nouvelles routes de soie. En échange de prêts, investissements et accords favorables à l’Equateur et aux projets menés par les gouvernements équatoriens, la Chine obtient un accès préférentiel au pétrole équatorien, ainsi qu’à certains produits alimentaires comme les crevettes et le fruit du dragon ou pitaya depuis le 11 avril 2023. Malgré la position géographique qui a laissé présager à de nombreuses reprises un retour des américains dans les partenariats les plus importants du pays, la Chine s’est aujourd’hui bien installée comme le premier partenaire et l’accord de libre échange va venir renforcer cette position.


Par Mélanie Gariglio, Analyste stagiaire Amérique Latine

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26.04.2023 à 11:17

ECRL – East Coast Rail Link, 665km à pleine vitesse

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Le 9 août 2017, le premier coup de pelle était donné sur le chantier du plus important projet d’infrastructure de Malaisie ; l’East Coast Rail

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Le 9 août 2017, le premier coup de pelle était donné sur le chantier du plus important projet d’infrastructure de Malaisie ; l’East Coast Rail Link (ECRL). Cette liaison ferroviaire reliera la côte Ouest et Est de la Malaisie péninsulaire. Le premier ministre malaisien de l’époque, Najib Razak, a ainsi déclaré que l’ECRL sera achevé en 2024 et apportera un changement considérable pour le pays. La présence du conseiller d’État chinois Wang Yang ce jour-là rappelle également que ce projet est une composante essentielle des Nouvelles Routes de la Soie. Liant deux zones géographiques hautement stratégiques, à savoir le Port Klang (face au détroit de Malacca) à Kuantan et Kota Baru (faisant face à la mer de Chine Méridionale), cette ligne de 665 kilomètres réduira à 4 heures le temps de trajet entre ces deux parties de Malaisie contre 7 heures aujourd’hui.

Le pays a pour ambition de devenir un hub commercial et logistique capable de concurrencer Singapour. Mais alors quelle est la portée de ce projet pour la Chine, la Malaisie et l’ASEAN ? Et en quoi fait-il de la Malaisie un acteur de premier plan dans le cadre des Nouvelles Routes de la Soie en Asie du Sud-Est ?

Présentation du projet

L’East Coast Rail Link est un projet ferroviaire à double voie conçu pour améliorer la connectivité entre les États de la côte ouest et est de la Malaisie péninsulaire pour le transport de voyageurs et de marchandises. À l’extrémité ouest de ce chemin de fer se trouve le port de Klang situé non loin de Kuala Lumpur. Il s’agit du premier port de Malaisie et du deuxième d’Asie du Sud-Est en termes de volume. À l’extrémité est du tracé, la ville de Kota Bharu au nord-est du pays non loin de la frontière thaïlandaise.

Composé de 20 gares dont 1 gare de voyageurs, 5 gares mixtes voyageurs et fret et 1 gare de fret, il dessert la côte est du pays avec notamment le port de Kuantan et sa zone industrielle. Sur le trajet de Kota Bharu, à Port Klang, le trajet prendra moins de quatre heures contre sept heures par la route. D’ici 2030, le tonnage de fret à bord de l’ECRL est estimé à 53 millions de tonnes, tandis que 5,4 millions de voyageurs devraient être transportés chaque année pour un ratio de 70 : 30 de fret par passager.

Avec un coût estimé à 13 milliards de dollars en 2016, le projet est principalement financé par un prêt de la Export-Import Bank of China (EXIM) à hauteur de 85%. La durée de ce prêt est de 20 ans avec un taux d’intérêt de 3,25%. Les 15 % restants sont financés par un programme sukuk (dans le droit musulman c’est un certificat d’investissement conforme à la loi islamique) géré par des banques d’investissement locales.

Le propriétaire de cette liaison ferroviaire est la Malaysia Rail Link Sdn Bhd (MRL) entièrement détenue par le ministère des Finances malaisien. L’exploitation et l’entretien seront effectués par la coentreprise MRL et la China Communications Construction Company (CCCC) à hauteur de 50% chacune.

Chronologie du projet

Ce projet fait partie des 30 accords bilatéraux signés par les gouvernements et entreprises de Malaisie et de Chine en 2016. Cette signature fait suite à l’adoption du protocole d’accord des Nouvelles Routes de la Soie par la Malaisie en 2015.

C’est donc en juillet 2016 que le gouvernement malaisien annonce que la CCCC a remporté le contrat de construction de l’ECRL. Au moment de l’annonce initiale du projet sous le Premier ministre Najib Razak, le coût du projet était de 13 milliards de dollars. Les travaux ont ainsi débuté en août 2017.

En mai 2018, le bouleversement politique en Malaisie (à la suite de l’implication de Najib Razak dans des détournements de fonds liés à de nombreux projets dont l’ECRL), Mahathir Mohamad devient Premier ministre et prévoit d’annuler le projet. C’est finalement une renégociation qui a lieu avec une modification du tracé et une réduction des coûts à 10,6 milliards de dollars.

Après un second changement de pouvoir, et l’arrivée au pouvoir de Muhyiddin Yassin et la nouvelle administration Perikatan Nasional (PN), le projet est rétabli selon le plan initial en avril 2021. L’annonce la plus récente estime que la ligne de chemin de fer sera longue de 665 kilomètres. Le coût de construction estimé du projet est de 15,9 milliards de dollars depuis le début de l’année 2019. En mars 2021, 21,4% du projet aurait été achevé et la mise en service est prévue pour 2027.

L’intérêt du projet dans la relation sino-malaisienne

Pour la Malaise, l’intérêt est de désenclaver et développer économiquement la côte est du pays. Au cours de la dernière décennie, le gouvernement accorde plus d’intérêt au secteur ferroviaire. La Malaisie entame de nombreux projets afin de remplacer les voies ferroviaires unidirectionnelles actuelles en voies bidirectionnelles. Le but est de dynamiser l’ensemble du pays avec un réseau ferroviaire plus efficace et plus rapide. C’est donc dans cette logique que s’inscrit le projet de l’ECRL. Le ferroviaire sera amené à devenir un mode de transport privilégié dans un avenir proche, il est nécessaire d’assurer son développement. Car le secteur des transports est actuellement une infrastructure importante pour améliorer le développement économique de la Malaisie au niveau mondial, un système de transport public est essentiel à une économie comme la Malaisie.

Pour la Chine, le projet de l’ECRL s’avère curial. Il est un élément important pour la poursuite des projets ferroviaires chinois en Asie du Sud-Est continentale, il est essentiel à la constitution d’un réseau trans-asiatique reliant la Chine aux pays de l’ASEAN. De plus, la Malaisie s’avère être un acteur crucial dans le cadre de la BRI. Compte tenu de son emplacement stratégique entre le détroit de Malacca et la mer de Chine Méridionale, l’amélioration des connexions en Malaisie permet d’ouvrir d’autres perspectives au niveau du transport dans cette zone stratégique.

L’ECRL apparaît comme l’un des éléments pouvant permettre à la Malaisie de se constituer comme un hub commercial alternatif à Singapour et de devenir une porte d’entrée de l’ASEAN. À terme, en plus de transporter des voyageurs, l’ECRL a pour objectif de transférer des conteneurs du port de Klang, situé face au détroit de Malacca, au port de Kuantan face à la mer de Chine méridionale, offrant un tracé alternatif à la route maritime existante passant par Singapour. Ainsi en combinant la voie maritime avec l’ECRL, le temps de trajet peut être réduit de 30 heures (soit 18% de moins que le trajet maritime qui est de 165 heures). Mais le coût par conteneur est de surcroît plus important (13). Ce trajet alternatif plus rapide peut donc être utile pour le transport de marchandises périssables comme les produits bio-médicaux. Cependant, cette route pourrait contourner Singapour et offrir aux exportateurs de nouvelles options pour atteindre les marchés de l’Asie du Nord-Est. De même, les exportations de l’Asie du Nord-Est pourraient également atteindre le détroit de Malacca sans passer par Singapour.

Quels impacts pour l’économie et les populations locales ?

L’ECRL devrait ainsi considérablement changer le paysage économique des États de l’est de la Malaisie péninsulaire (Kelantan, Terengganu et Pahang). Cette région deviendrait alors un pôle commercial, une destination touristique et une nouvelle zone d’investissement dans le pays.

C’est également tout le corridor traversé par le chemin de fer qui connaîtra de nouvelles opportunités économiques avec création d’emplois et de centre de croissances dans les zones rurales. Le projet de l’ECRL a permis de construire plus de 300 sites sur la côte est, ce qui a augmenté les possibilités d’emplois et les revenus des résidents le long du tracé. Les écarts de développement entre la côte ouest et est pourront également être réduits du fait des nouveaux avantages et possibilités logistiques. Ce projet a également été pensé avec l’objectif de fournir au plus grand nombre de villes de l’est un meilleur accès aux débouchés commerciaux, non seulement en Malaisie, mais aussi en Asie du Sud-Est.

C’est également le commerce international qui sera à terme stimulé avec la connexion trans-asiatique en développement dans la région. Le développement de la logistique qu’offre l’ECRL laisse place à de nouvelles perspectives dans un pays relativement congestionné, déjà par le transport routier, mais aussi par l’augmentation d’usagers des transports ferroviaires. L’augmentation de la population se traduit nécessairement par un besoin de transport plus grand, d’autant que dans le cadre de l’ECRL cela s’accompagne d’un gain de temps

Cependant il est important de noter que ce projet a un impact important sur l’environnement. Bien qu’il permettra la réduction du trafic routier entre les côtes ouest et est de la Malaisie, son tracé a suscité des préoccupations. Il traverse en effet des zones forestières et des habitats naturels importants, notamment des zones humides et des zones protégées. Ces risques de perte de biodiversité ainsi que de pollution de l’eau ont fait l’objet de mesures de la part du gouvernement qui a mis en place des zones de conservation de la biodiversité le long de la voie.

Une liaison ferroviaire qui permettra de relier les côtes ouest et est de la Malaisie péninsulaire changera la donne en offrant des avantages logistiques et de transport nouveaux. Avec ce projet, c’est tout une nouvelle zone de croissance qui se dessine afin de réduire l’écart de développement entre les États de la Malaisie péninsulaire.

Une fois achevé, le projet de l’ECRL fera partie du réseau ferroviaire pan-asiatique qui augmentera considérablement la connectivité avec les pays de l’ASEAN. Favorisant le commerce, ce projet contribuera en moyenne à une croissance annuelle supplémentaire de 1,5 % du PIB dans la région de la côte est au cours des 50 prochaines années.

C’est en effet un projet entrepris avec l’objectif de permettre à un plus grand nombre de villes dans les quatre États de la côte est (Kelantan, Terengganu, Pahang et Selangor) d’avoir un meilleur accès aux débouchés commerciaux non seulement en Malaisie, mais aussi par les grandes régions d’Asie du Sud-Est et d’Asie.


Par Théo Banse, Analyste stagiaire Asie du Sud Est

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26.04.2023 à 11:11

Pipeline Niger Bénin, un axe majeur de la coopération sino-béninoise

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Annoncé en septembre 2019, avec une fin des travaux initialement prévu pour fin 2022, mais ralentie en raison de la pandémie de Covid-19, le projet

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Texte intégral (2349 mots)

Annoncé en septembre 2019, avec une fin des travaux initialement prévu pour fin 2022, mais ralentie en raison de la pandémie de Covid-19, le projet de construction d’un pipeline Niger-Bénin, est l’un des projets les plus ambitieux que le partenariat sino-béninois ait envisagé. Le taux de réalisation est aujourd’hui à 77,09 % et le projet devrait être finalisé d’ici juillet 2023.

Station terminale Pipeline Niger-Bénin Sèmè Kraké | Site officiel du Gouvernement de la République du Bénin

Notons que depuis le renouvellement de ses relations avec le Bénin, la Chine poursuit ses engagements à renforcer sa coopération bilatérale avec ce pays d’Afrique de l’Ouest dans le but de l’accompagner dans son développement économique. Et elle le fait en investissant dans plusieurs infrastructures. C’est notamment le cas avec le projet de construction d’un oléoduc qui permettra de relier les puits pétroliers du gisement d’Agadem au Niger, au port pétrolier en eau profonde de Sèmè-Kpodji au Bénin, d’où sera évacué pour la première fois du pétrole brut nigérien vers l’international. S’étendant sur un total de 2 000 kilomètres du Niger au Bénin, il s’agira du plus long pipeline d’Afrique selon le Ministre béninois de l’Eau et des Mines, Samou Seidou Adambi, avec un investissement privé direct de 600 milliards de francs. A terme, le pipeline a pour objectif de transporter 4,5 millions de tonnes de pétrole par an, c’est-à-dire environ 35 millions de barils.

Projet d’oléoduc d’exportation Bénin-Niger

Le territoire béninois est donc hautement stratégique puisqu’il constitue un point de passage d’environ 680 kilomètres. Le pipeline traversera les départements de l’Alibori, du Borgou, des Collines, du Plateau et de l’Ouémé, dix-sept communes et cent cinquante-deux villes et villages.

Le réseau Niger-Tchad-Cameroun était initialement envisagé pour ce projet mais n’a pas été retenu. En effet, la CNPC aurait choisi de renoncer au tracé Niger, Tchad Cameroun bien qu’il s’agissait de la solution la moins coûteuse et la plus rapide. Cela s’expliquerait notamment par les relations assez compliquées entre l’entreprise chinoise et les autorités tchadiennes. Par ailleurs, notons que le port de Cotonou sert déjà à exporter l’uranium nigérien. De ce fait, le Bénin et le Niger ont le souci d’approfondir leur coopération qui est notamment d’ordre sécuritaire. Ce sont d’ailleurs, les questions sécuritaires qui ont grandement influencé le Niger, étant donné que les frontières du Bénin sont relativement stables contrairement à la région du Lac Tchad qui est en permanence menacée par les groupes djihadistes.

Du côté de la Chine, il ne faut pas manquer de relever que les relations avec le Bénin sont excellentes. En effet, ce sont des relations d’amitié comme les deux pays les qualifient d’ailleurs eux-même.

Tracé Niger-Tchad-Cameroun initialement prévu pour l’exportation en provenance d’Agadem et tracé Niger-Bénin finalement privilégié

Les travaux sont réalisés par la West African Oil Pipeline Company-Bénin (WAPCO-Bénin) une filiale du groupe chinois China National Petroleum Company (CNPC) qui finance le projet d’un coût total de 4,5 milliards d’euros. Ces travaux comprennent, sur la partie terrestre, la réalisation de deux stations de pompage à Gogounou et à Tchaourou, ainsi que vingt-quatre vannes et une station terminale et d’exportation à Sèmè. D’une superficie totale d’environ 250.000m2, les installations se divisent en six zones dont celle de production des auxiliaires, celle de magasinage, de maintenance, de bureau, d’habitation et de réserves. Sur la partie maritime de 15 km, il s’agit de l’installation d’un système d’amarrage à point unique dont la fonction sera de charger les navires pour l’exportation. Par ailleurs, le Président nigérien s’est montré satisfait de l’avancement des travaux lors d’une visite officielle à Sèmè le 14 mars dernier.

Pipeline Niger – Bénin : Mohamed BAZOUM séduit par l’évolution des travaux du côté de Sèmè | Gouvernement de la République du Bénin

L’oléoduc revêt également une importance stratégique pour le Bénin puisqu’il génère 3 000 emplois pendant la période de construction et environ 500 emplois permanents dès sa mise en exploitation. Dans ce cadre, le Bénin a fait le choix du numérique en lançant une plateforme web de recrutement pour le projet afin de faciliter l’accès à l’emploi.

“Le Pipeline Export Niger-Bénin, un projet régional qui fera du Bénin, un hub en matière d’exportation de pétrole brut. “ Ministère de l’Eau et des Mines du Bénin.

De plus, la société chinoise WAPCO-Bénin a initié des formations professionnelles concernant les techniques d’échafaudage à destination des jeunes des communes traversées par l’oléoduc. En effet, les communes et villes concernées par ce projet, sont grandement impactées puisque sa mise en œuvre nécessitant le déguerpissement de certaines populations dans des zones clés. Cependant, les parties concernés et principalement le gouvernement béninois ont mis un point d’honneur à dédommager ces populations. Ainsi, cette initiative à portée sociale a pour volonté d’améliorer les compétences des populations locales résidant le long de la ligne de construction du pipeline au sein du Lycée technique d’Amitié sino-béninoise d’Akassato.

Enfin, le Bénin pourra bénéficier de près de 300 milliards de francs CFA (environ 460 millions d’euros) comme droits de transits et recettes fiscales durant les vingt premières années d’exploitation du pipeline qui devrait avoir une durée de vie estimée à quarante ans. Grâce à cette infrastructure, le pays pourra ainsi devenir un acteur important du secteur pétrolier africain, bien qu’il ne soit pas un producteur.


Par Raïnath Sylla, Analyste stagiaire Afrique de l’Ouest

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21.04.2023 à 17:48

En République tchèque, de Zeman à Pavel, la relation avec la Chine s’assombrit

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Fin janvier 2023, Petr Pavel, ancien chef du comité militaire de l’OTAN, a remporté l’élection présidentielle tchèque. Il remplace donc Milos Zeman, dont le mandat

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Texte intégral (2255 mots)

Fin janvier 2023, Petr Pavel, ancien chef du comité militaire de l’OTAN, a remporté l’élection présidentielle tchèque. Il remplace donc Milos Zeman, dont le mandat a pris officiellement fin en mars 2023. Alors président depuis 2013, Milos Zeman avait fait de la promotion des Nouvelles Routes de la Soie un axe phare de ses deux mandats et avait qualifié l’initiative chinoise de “projet le plus important de l’histoire moderne”. Cet article analyse à quel point l’initiative chinoise a été adopté par la République Tchèque et dans quelle mesure l’élection de Petr Pavel pourrait changer les relations entre la Chine et la République Tchèque.

Visite de Xi Jinping à Prague en 2016

Sous la présidence de Milos Zeman, avec comme Premier ministre Bohuslav Sobotka de 2014 à 2017, la République Tchèque rejoint officiellement les Nouvelles Routes de la Soie en 2015. Alors que la République Tchèque possède un réseau de transport étendu et avancé, reliant le pays à d’autres pays membre du marché unique européen, avec des liaisons routières directes vers l’Allemagne, la Pologne et la Slovaquie, un dense réseau ferroviaire et des vols directs vers de nombreuses villes européennes et internationales, s’en suit l’aspiration pour le président Zeman de transformer son pays en porte d’entrée de la Chine pour les marchés d’Europe centrale et occidentale. Au total, ce sont 17 accords qui sont signés entre les deux pays. L’attente de la République Tchèque était alors d’augmenter ses exportations vers la Chine et de recevoir 3 milliards d’euros d’investissements en 2016, et 7 milliards d’ici à 2020.

Milos Zeman avait alors multiplié les visites à Pékin en 2014, 2015, 2017 et plus récemment en avril 2019 pour participer à la seconde édition du Belt and Road Forum. Prague avait aussi accueilli divers forum d’investissements chinois et le président Zeman avait fait en 2017 de Ye Jianming, alors Président du conglomérat chinois CEFC, son conseiller particulier aux affaires chinoises.

Zeman au second forum de l’initiative la Ceinture et la Route à Pékin

Néanmoins plusieurs limites à la coopération entre les deux pays apparaissaient déjà, et ce avant l’élection de Petr Pavel fin janvier 2023. Déjà depuis décembre 2017, Andrej Babis est subséquemment nommé Premier ministre après la victoire de son parti ANO aux élections législatives. Babis remplace ainsi Bohuslav Sobotka et adopte une posture plus sceptique à l’égard de l’initiative chinoise. Aussi, le rôle apparent de la CEFC en tant qu’agent de diplomatie économique de la Chine a tourné court lorsque Ye Jianming, alors conseiller de Milos Zeman, s’est vu confondre en Chine pour faits de corruption. De ce fait, malgré la signature du Memorandum of Understanding en 2015, le partenariat entre les deux pays dans le cadre des nouvelles routes de la soie reste limité, le fait de ne pas avoir rejoint la Banque Asiatique des investissements pour les infrastructures (BAII) en est aussi un exemple concret. La réticence à devenir l’un des membres-fondateurs a empêché la République Tchèque de mieux s’impliquer dans cette institution financière clé des Nouvelles Routes de la Soie, et au final, peu de projets ont été concrétisés en République Tchèque.

Aussi, les investissements chinois à destination de la République Tchèque restent limités et en dessous des espoirs de Milos Zeman. En 2016, les investissements chinois en République tchèque ont été estimés à 631 millions d’euros par la Banque nationale tchèque, inférieur aux attentes initiales de 3 milliards d’euros. Lorsque l’on considère les statistiques de l’OCDE sur les investissements étrangers directs à destination de la République Tchèque de 2015 à 2019, il apparaît notamment que l’Allemagne a investi 2 fois plus sur cette même période, que les 751 millions de dollars qui proviennent de Chine. De plus, en 2017 et en 2018, les investissements directs en provenance de la Chine sont de valeur négative, indiquant des sorties d’investissements supérieures aux entrées. Si les pays européens restent la principale source des flux d’investissements vers la République Tchèque, en provenance de l’Asie sur la période 2015-2019, les IDE en provenance de la Corée du Sud s’élève à 1 milliard de dollars, soit environ 57 % de plus que ceux de la Chine.

Au regard du commerce, en 2020, la balance commerciale de la République Tchèque est positive. Le pays exporte au total plus qu’il n’importe et met en avant un modèle de croissance économique basé sur les exportations. Avec l’Allemagne, son principal partenaire commercial, la balance commerciale s’élève à 22 milliards de dollars en faveur de la République Tchèque. À l’inverse, la Chine est le pays avec lequel la République Tchèque a le plus gros déficit commercial. Ce déficit s’élève à 28 milliards de dollars en 2020.

Néanmoins, il convient de souligner que la République Tchèque est le deuxième partenaire commercial de la Chine en Europe centrale et que les exportations de la République Tchèque vers la Chine sont quasiment en constante progression comme l’illustre ce graphique :

Malgré les efforts de promotion des nouvelles routes de la soie par Milos Zeman et l’espoir de devenir un partenaire clé pour la Chine en Europe, les retombées de l’adhésion dès 2015 à l’initiative chinoise restent limitées.

Par ailleurs, d’autres difficultés viennent compromettre les relations entre les deux pays. En 2021, un rapport de l’agence de renseignement de la République Tchèque (BIS) met en lumière l’influence grandissante de la Chine dans diverses activités en République Tchèque. Le rapport pointe du doigt des activités de renseignement, d’espionnage et de cyberattaque. Ce n’est pas la première fois que de telles inquiétudes sont soulevées. En décembre 2018, l’agence nationale tchèque de la cybersécurité (NUKIB) avait déjà averti que Huawei représentait une menace pour la sécurité du pays, ce qui avait suscité la surprise du président Zeman et de son gouvernement. Depuis lors, malgré l’enthousiasme du président Zeman à l’égard des investissements chinois, la République Tchèque a adopté une approche plus mesurée en ce qui concerne la sécurité de ses télécommunications, en renforçant sa réglementation et en prenant des mesures pour limiter la participation de Huawei dans le développement de l’infrastructure des télécommunications du pays.

Plus récemment, le 8 mars 2023, le NUKIB a émis un autre avertissement concernant l’application TikTok et son potentiel de menace pour la sécurité nationale. Selon cet avertissement, le NUKIB recommande d’interdire l’installation et l’utilisation de TikTok sur les appareils ayant accès au système réglementé, tels que les appareils d’entreprise et les appareils personnels utilisés à des fins professionnelles.

Il est très probable que la récente élection de Petr Pavel poursuive cette tendance de méfiance envers la Chine. Au cours de sa campagne électorale, Pavel a soutenu une ligne pro-européenne et a souligné l’importance de l’OTAN. Après avoir été élu, Petr Pavel a déclaré à la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen que son pays se tiendrait aux côtés de l’île et que Taiwan était un partenaire fiable pour la coopération dans tous les domaines. Cette déclaration va à l’encontre du principe internationalement reconnue d’une seule Chine, et attise le mécontentement de Pékin qui considère cette déclaration comme une interférence dans les affaires internes de la Chine. Par ailleurs, dans une interview avec le Financial Times, Pavel a soutenu qu’il était important de reconnaître que la Chine ne peut pas être considéré comme un pays ami à l’heure actuelle et ne partageant pas les mêmes objectifs stratégiques et principes que les démocraties occidentales.

L’exemple de la République Tchèque prouve une nouvelle fois qu’en Europe, l’initiative des nouvelles routes de la soie doit convaincre de ses bienfaits. La diplomatie chinoise en Europe fait face à de nombreux défis, devant parfois se repenser pour convaincre et que chaque élection peut remettre en cause le chemin parcouru.


Par Théo LETSIS, Analyste au Pôle Europe de l’OFNRS

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