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21.09.2023 à 23:47

Des enquêtes menées au Nigeria, au Venezuela, en Afrique du Sud et en Macédoine du Nord remportent les Global Shining Light Awards à GIJC23

Aïssatou Fofana

Des enquêtes sur l’exploitation minière illégale au Venezuela, le banditisme systémique dans le nord-ouest du Nigeria, la brutalité policière en Afrique du Sud et l’affairisme autour du COVID-19 en Macédoine du Nord ont remporté les Global Shining Light Award (GSLA), lors de la 13e Conférence mondiale sur le journalisme d’investigation (GIJC23). Le concours Global Shining […]
Texte intégral (3619 mots)

Des enquêtes sur l’exploitation minière illégale au Venezuela, le banditisme systémique dans le nord-ouest du Nigeria, la brutalité policière en Afrique du Sud et l’affairisme autour du COVID-19 en Macédoine du Nord ont remporté les Global Shining Light Award (GSLA), lors de la 13e Conférence mondiale sur le journalisme d’investigation (GIJC23).

Le concours Global Shining Light Award 2023 a suscité un nombre record de 419 candidatures provenant de 84 pays.

Le prix récompense des productions de journalisme d’investigation réalisées, dans les pays en développement ou en transition, dans des conditions périlleuses ou sous une quelconque forme de menace. Ouvertes aux enquêtes publiées ou diffusées en 2021 et 2022, les candidatures mettant en exergue le courage et dont les enquêtes ont eu un impact remarquable, dans des environnements médiatiques hostiles ont été si nombreuses que le jury a choisi de décerner des mentions spéciales à deux projets supplémentaires : une enquête sur une prison secrète au Bangladesh, et une autre sur des charniers en Ukraine.

Les co-lauréats annoncés dans la catégorie Médias de taille petite ou moyenne (pour les organisations comptant 20 employés ou moins, y compris les indépendants) ont été : Bad Blood, de l’Investigative Reporting Lab (Macédoine du Nord), et Above the Law, de Viewfinder (Afrique du Sud). Les co-lauréats pour la catégorie Médias de grande taille sont The Bandit Warlords of Zamfara, de BBC Africa Eye (Nigéria), et Corredor Furtivo, d’Armando.Info (Venezuela) et El Pais (Espagne). Des mentions spéciales GSLA ont été décernées à How Volunteers Buried Civilians en Masse in Izium, de Radio Liberty/Schemes (Ukraine) et Secret Prisoners of Dhaka, par Netra News (Bangladesh).

Les gagnants de ce concours biennal ont été annoncés lors d’un gala de remise des prix le jeudi 21 septembre à GIJC23, à Göteborg, en Suède. Les lauréats ont été félicités par le directeur exécutif sortant du GIJN, David E. Kaplan, et par la directrice adjointe du GIJN, Gabriela Manuli.

Au total, le concours Global Shining Light Awards 2023 a suscité un nombre record de 419 candidatures provenant de 84 pays. Le jury a choisi les quatre gagnants du GSLA et attribué deux certificats parmi une douzaine de finalistes de 11 pays, dans les deux catégories. Les gagnants recevront chacun une plaque et 2 500 dollars US ; Les lauréats du certificat recevront une plaque et 1.000 dollars US.

Le jury était composé de journalistes d’investigation chevronnés représentant cinq régions du monde : Sheila Coronel, professeur de journalisme d’investigation à la Graduate School of Journalism de l’Université de Columbia ; David Leigh, ancien rédacteur en chef d’investigation du Guardian ; Benon Oluka, rédacteur en chef de GIJN Africa ; à noter également, la journaliste mexicaine Marcela Turati ; et Oleg Khomenok, formateur ukrainien en développement des médias.

Les équipes lauréates de cette année se sont concentrées sur des questions telles que la violence perpétrée en toute impunité, l’affairisme au détriment de patients atteints du COVID-19 et les violations cachées sur l’environnement – et les ont poursuivies souvent sous de graves menaces.

« Les lauréats des Global Shining Light Awards renouvellent notre espoir que la tradition du journalisme d’investigation reste vivante, même dans les endroits les plus dangereux et les plus hostiles », a noté Coronel, présidente du jury. « C’est une période dangereuse pour être un journaliste d’investigation et nos lauréats ont montré qu’avec du courage, des compétences et le soutien des citoyens, il est possible de réaliser des enquêtes novatrices et à fort impact malgré les risques. Nous saluons les lauréats de cette année. Ils sont une source d’inspiration pour nous tous. »

M. Kaplan de GIJN a partagé le même enthousiasme. « Malgré tous les obstacles auxquels sont confrontés les journalistes d’investigation du monde entier, nos collègues accomplissent un travail extraordinaire, même dans les conditions les plus difficiles », a-t-il déclaré. « Ce que montrent ces projets impressionnants, c’est que non seulement le journalisme d’investigation refuse de disparaître, mais nous devenons plus nombreux et mettons davantage en lumière certains des endroits les plus difficiles du monde.»

Les équipes lauréates de cette année se sont concentrées sur des questions telles que les violences perpétrées en toute impunité, l’affairisme au détriment de patients atteints de la COVID-19 et les abus cachés sur l’environnement, et les ont poursuivies souvent dans des conditions marquées par de graves menaces.

Les enquêtes gagnantes ont fait pruev d’une grande variété de méthodologies de recherche, depuis la cartographie avancée des données par Armando.Info et le travail de collecte documentaire acharné par l’Investigative Reporting Lab jusqu’aux entretiens en solo avec des milices par un pigiste pour BBC Africa Eye, ou l’utilisation d’une moto tout-terrain pour y accéder.

Catégorie Médias de petite taille

Co-lauréats

Bad Blood —  Investigative Reporting Lab (Macédoine du Nord)

Image : Capture d’écran, YouTube, Investigative Reporting Lab

Équipe : Sashka Cvetkovska, Elena Mitrevska Cuckovska, Maja Jovanovska, Dajana Lazarevska, Lila Karatasheva, David Ilieski, Trifun Sitnikovski, Trajche Antonovski, Atanas Velkovski, Gorjan Atanasov, Mladen Pavleski, Vlatko Vladimirov, Luka Blazev, Denica Chadikovska, Martina Siljanovska, Sergej Sarchevski , Bojan Stojanovski, Aleksandra Denkovska et Ivana Nasteska.

Dans le cadre de l’une des enquêtes les plus ambitieuses sur un affairisme lié au COVID-19, une équipe de journalistes composée exclusivement de femmes, a décidé d’enquêter sur les décès, les traitements et la facturation des patients liés au coronavirus dans l’hôpital privé le plus prestigieux de la Macédoine du Nord.

Après des mois d’enquêtes sous plusieurs angles parallèles, l’Investigative Reporting Lab (une organisation locale, membre de l’Organized Crime and Corruption Reporting Project), a découvert que l’hôpital avait effectué des traitements de purification du sang non autorisés et dangereux sur de nombreux patients, tout en dissimulant des informations vitales sur les patients et aurait manipulé les données d’infection.

Une caractéristique frappante des efforts de cette équipe était que ses journalistes n’ont pas été pas découragées par la profonde complexité technique des traitements contre le COVID-19 et par le déluge de discours médicaux obscurs de la part des dirigeants de l’hôpital. Les journalistes et une rédactrice en chef ont été victimes d’un vaste campagne de harcèlement en ligne, de diffamations sexistes et de menaces de mort. Un membre du jury a déclaré : « Cette enquête a eu un impact, et la façon dont elle a été menée était marquée par une détermination et des recherches en profondeur. » Un autre membre du jury a ajouté : « je pense que certaines personnes n’ont pas pris les demandes de ces journalistes trop au sérieux – et ensuite elles ont marqué le coup ! »

Co-Lauréats

Above the Law (au dessus de la loi) – Viewfinder (Afrique du Sud)

Image : Capture d’écran, Viewfinder

Journaliste : Daneel Knoetze.

Comme beaucoup de d’investigations classiques qui ont un impact durable, cet article met l’accent sur les défaillances institutionnelles plutôt que sur les fautes commises par des fonctionnaires individuels. Cette série d’enquêtes pluriannuelles a révélé un manque stupéfiant de responsabilisation des policiers sud-africains impliqués dans des crimes tels que le viol, la torture, l’agression et même le meurtre, ainsi qu’un système qui permet aux policiers malhonnêtes de récidiver.

Elle a également relevé des responsabilités des individus, malgré le risque constant de représailles. Fait remarquable, Viewfinder – une organisation de presse à but non lucratif de petite taille – a également créé une base de données publique unique et facilement consultable de dizaines de milliers de plaintes enregistrées concernant des abus de la police. Un juge a déclaré : « Cela a été une enquête très intenses : « Cette enquête est très approfondie, la narration est bonne et, dans chaque phrase presque, vous voyez un lien vers les preuves fournies par le journaliste – toutes sortes de documents. »

Mention spéciale

Prisonniers secrets de DhakaNetra News (Bangladesh)

Image : Capture d’écran, YouTube, Netra News

Equipe : Quatre journalistes qui ne peuvent être nommés pour des raisons de sécurité, ainsi que Tasneem Khalil, Nazmul Ahasan, Zulkarnain Saer Khan et David Bergman.

Au bout d’un travail remarquable de journalisme d’investigation, Netra News – une rédaction à but non lucratif en exil, basée en Suède et qui publie à destination du public bangladais – a révélé l’existence d’un centre de détention secret abritant un large éventail de dissidents et de suspects criminels à Dhaka, la capitale du pays. Ce documentaire d’investigation, qui a été visionné plus d’un million de fois, comprend des témoignages d’anciens détenus, des vérifications d’officiers militaires actuels et des photographies des conditions de détention exiguës et inhumaines.

L’un des membres du panel a fait remarquer que Netra News « raconte des histoires non connues dans le pays et est toujours menacée par les autorités. Cet article a révélé l’existence d’une « cellule de torture » de l’armée bangladaise, ce qui est, en tout état de cause, l’exemple le plus courageux du journalisme bangladais ».

Catégorie Médias de grande taille

Co-lauréats

Corredor Furtivo (Corridor furtive) — Armando.Info (Vénézuéla) and El Pais (Espagne)

Image : Capture d’écran, Armando.Info

Equipe : Joseph Poliszuk, María de los Ángeles Ramírez, and María Antonieta Segovia.

Ce projet épique a fait appel à une cartographie de données sophistiquée, à des sources d’information innovantes et à des enquêtes de terrain courageuses pour révéler un vaste réseau d’exploitations minières illégales au Vénézuéla et les menaces qu’elles font peser sur l’environnement et les communautés indigènes.

Publié simultanément par Armando.info et le quotidien espagnol El Pais, avec le soutien du Pulitzer Center, le projet a permis de cartographier 3 718 sites d’exploitation minière illicite sur une zone deux fois plus grande que l’Allemagne, et de mettre en évidence les itinéraires empruntés par les bandes criminelles organisées transfrontalières. L’équipe a utilisé des outils d’intelligence artificielle, des bases de données, un programme de suivi par satellite et des enquêtes physiques sur les routes forestières lointaines pour raconter une histoire qui comprenait également des graphiques puissants.

Un membre du jury a noté que « cette enquête nous emmène là où le journalisme va – et c’était une tâche si immense qu’ils ont utilisé l’IA pour déchiffrer une histoire que nous n’aurions pas connue, autrement ». Un autre membre du jury a noté ce qui suit : « Oui, ils ont utilisé des outils tels que l’intelligence artificielle :  mais il y avait aussi la menace de la guérilla et des gangs de narcotrafiquants – c’était donc un travail difficile et dangereux ; c’était vraiment courageux.

Co-lauréats

The Bandit Warlords of Zamfara (les chefs de milice de Zamfara – BBC Africa Eye (Nigeria)

Image : Capture d’écran, YouTube, BBC Africa

Equipe : Yusuf Anka, Tom Saater, Jamil Mabai, Daniel Adamson, Kai Lawrence, Bulama Bukarti, Tom Roberts.

Il arrive que, de temps en temps, un travail journalistique vienne réveler au monde en entier, un autre monde caché qui devrait profondément nous inquiéter. Au cours d’une enquête de deux ans d’une bravoure stupéfiante, BBC Africa Eye a révélé le conflit et le banditisme omniprésents qui ont embrasé l’État de Zamfara, dans le nord-ouest du Nigeria.

Pour la première fois, elle a également montré les motifs et les causes d’un conflit qui a tué des centaines de personnes en 2022 et en a déplacé des centaines de milliers d’autres. L’enquête était centrée sur l’accès unique aux seigneurs de la guerre et aux victimes obtenu par un journaliste qui a traversé des routes dangereuses à moto pour mener des interviews tout aussi périlleuses.

Selon BBC Africa Eye : « Au péril de sa vie, un jeune journaliste nigérian et étudiant en droit, Yusuf Anka, s’est rendu chez des chefs de milices dans des zones isolées à travers l’État – y compris à l’un des hommes qui, en février 2021, a enlevé près de 300 filles dans un lycée de Jangebe ».

« C’est un excellent travail, avec le journaliste qui va d’un côté à l’autre, nous donnant le contexte – incroyable », a fait remarquer un membre du jury du Global Shining Light Awards. Un autre membre du jury a ajouté : « Il a fait preuve d’un courage extraordinaire en se rendant au cœur du conflit entre les groupes ethniques au Nigeria, et il était sur les lieux presque dès que certains événements se sont produits. Il nous a vraiment emmenés au cœur d’une histoire que je n’ai vu personne d’autre raconter ».

Mention spéciale

Comment des volontaires ont enterré des civils en masse à IziumRadio Liberty/Schemes (Ukraine)

Image : Capture d’écran, Radio Liberty/Schemes

Equipe : Kira Tolstyakova, Valeriya Iegoshyna, Nataliya Sedletska, Kyrylo Lazarevych, Pavlo Melnyk, Maksym Asyka, Heorhii Shabaiev, and Anna Peterimova.

Schemes, un projet d’investigation du service ukrainien de Radio Liberty, a soumis au Global Shining Light Award, un certain nombre d’excellentes sujets sur des crimes de guerre russes présumés, qui ont toutes été réalisées dans des conditions éprouvantes.

Le jury a choisi comme finaliste une investigation de Schemes qui, non seulement a révélé l’origine de charniers dans la région de Kharkiv, mais a également trouvé des preuves de tortures de civils et identifié les brigades d’occupation russes qui se chevauchent et qui sont à l’origine de ces violations systématiques des droits de l’homme.

Les journalistes ont même révélé des conversations dans lesquelles des soldats russes discutaient de leurs crimes. Cette enquête a utilisé des documents et des outils de sources ouvertes, avec une histoire émotionnellement forte, et s’est articulée autour d’entretiens avec des volontaires qui ont dû enterrer des centaines de compatriotes ukrainiens.

« Cette enquête a vraiment montré le drame du meurtre de civils, ce qui est important. Il s’agit d’un groupe de journalistes qui ont travaillé comme une seule salle de rédaction – chargée de couvrir des parties de l’Ukraine désoccupée – et qui ont révélé des crimes et même les unités militaires russes impliquées », a relevé un membre du jury.

Rowan Philp est journaliste au GIJN. Rowan était auparavant Rédacteur en chef pour le Sunday Times d’Afrique du Sud. En tant que correspondant à l’étranger, il a couvert l’actualité, la politique, la corruption et les conflits dans plus d’une vingtaine de pays à travers le monde.

 

 

21.09.2023 à 10:58

Cybersurveillance : Comment les journalistes d’investigation peuvent lutter

Rowan Philp

Lors de la 13ème Conférence mondiale sur le journalisme d'investigation (#GIJC23) à Göteborg, en Suède, le fondateur et directeur de l'unité de recherche sur la cybersécurité Citizen Lab à l'université de Toronto, Ron Deibert, a exposé les menaces de surveillance qui pèsent sur les journalistes d'investigation partout dans le monde, et les leviers pour lutter.
Texte intégral (2168 mots)

Lors de la 13ème Conférence mondiale sur le journalisme d’investigation (#GIJC23) à Göteborg, en Suède, le fondateur et directeur de l’unité de recherche sur la cybersécurité Citizen Lab à l’université de Toronto, Ron Deibert, a exposé les menaces de surveillance qui pèsent sur les journalistes d’investigation partout dans le monde, et les leviers pour lutter.

Le plus grand rassemblement de journalistes d’investigation jamais organisé a lancé l’alerte mercredi 20 septembre 2023 : les journalistes sont confrontés à une épidémie de cyber-espionnage et ils doivent passer à l’offensive pour faire rendre des comptes aux acteurs malveillants qui cherchent à saper la sécurité numérique.

Dans un discours d’ouverture qui a fait autorité lors de la 13ème Conférence mondiale sur le journalisme d’investigation (#GIJC23) en Suède, Ron Deibert, fondateur et directeur de l’unité de recherche sur la cybersécurité Citizen Lab à l’université de Toronto, a exposé une multitude de menaces de surveillance secrète – pilotées par une nouvelle industrie d’espionnage commercial – qui rendent désormais vulnérables pratiquement tous les journalistes indépendants et toutes les sources dans le monde.

Il a également témoigné du travail de police scientifique que Citizen Lab a effectué pour révéler l’espionnage clandestin de nombreux journalistes dans le monde, y compris des cas où les caméras des smartphones des reporters ont été discrètement détournées. La même menace pèse sur les dissidents, la société civile ou toute autre personne ciblée par des attaques.

« Je suis très inquiet de la situation actuelle. La « nouvelle normalité », ce sont des sociétés de surveillance ‘mercenaires’ qui ne sont quasiment pas réglementées et qui vendent leurs services aux pires sociopathes du monde », a averti Ron Deibert en précisant que de nombreux gouvernements démocratiques étaient également des clients enthousiastes de ces sociétés d’espionnage.

Il a qualifié certains outils de piratage et de géolocalisation développés par le secteur privé et déployés par les gouvernements de si puissants qu’il n’y a pas grand-chose à faire pour empêcher qu’un téléphone soit secrètement retourné contre son propriétaire.

Ron Deibert Citizen Lab keynote speech GIJC23

Image: Ron Deibert du Citizen Lab à GIJC23. Image: Rocky Kistner for GIJN

« Alors qu’auparavant, il fallait cliquer sur quelque chose, la dernière version du logiciel espion Pegasus ne nécessitait aucune interaction avec la victime », a-t-il expliqué. « À un instant T, votre téléphone n’est pas infecté et l’instant d’après, un despote écoute vos communications, et vous n’avez aucune idée que c’est le cas ».

Ron Deibert a recommandé aux journalistes d’investigation possédant un iPhone d’activer immédiatement le nouveau « mode verrouillage » (« lockdown mode ») d’Apple, qui permet de protéger les appareils contre des cyberattaques, rares mais sophistiquées, et de demander une analyse plus poussée s’ils reçoivent des notifications d’Apple faisant état de violations présumées.

Avec si peu de possibilités de se défendre, Ron Deibert a estimé que les journalistes feraient mieux de passer à l’offensive : non seulement en dénonçant les développeurs commerciaux et leurs clients gouvernementaux, mais aussi en remettant en question l’écosystème du capital de surveillance dans lequel « nous sommes tous traités comme du bétail pour les fermes à data des entreprises de médias sociaux ».

Faire face à l’industrie de la surveillance numérique

Organisée par le Global Investigative Journalism Network (GIJN), le Fojo Media Institute de l’université Linnaeus et le Föreningen Grävande Journalister, la conférence de Göteborg réunit toute la semaine 2.138 journalistes d’investigation et rédacteurs en chef de 132 pays, ce qui en fait le plus grand rassemblement de journalistes d’investigation jamais enregistré.

Ron Deibert a déclaré à l’auditoire de la session plénière que les smartphones dont dépendent les journalistes sont devenus « votre plus grande source d’insécurité » du fait de l’industrie des logiciels espions mercenaires.

Cette industrie, a-t-il expliqué, va des grandes sociétés d’espionnage – souvent composées d’anciens agents des agences de renseignement nationales et d’experts en logiciels – aux petites sociétés de « piratage à louer » « qui utilisent des méthodes de cybercriminalité traditionnelles pour piéger les gens ».

Citizen Lab s’est imposé comme un acteur de premier plan dans la lutte contre la censure ciblée et la surveillance numérique de la société civile. Ses analyses judiciaires ont mis au jour des attaques menées au Mexique, en Chine, aux Émirats arabes unis et en Ukraine, et ont joué un rôle clé dans la révélation de la prolifération mondiale de systèmes de surveillance clandestins tels que Pegasus et Circles. Leurs chercheurs aident activement les journalistes dans leurs grands projets d’investigation.

Ron Deibert a également donné un compte rendu de l’enquête sur le récent piratage par logiciel espion de Galina Timchenko, cofondatrice du média indépendant russe en exil Meduza. Le 22 juin, Galina Timchenko a reçu une notification d’Apple l’informant que des cyberespions parrainés par l’État avaient peut-être pris son iPhone pour cible. Elle a alors demandé conseil au groupe de défense des droits civiques numériques Access Now, qui a ensuite contacté Citizen Lab.

Ron Deibert parlant de l’espionnage qui a visé la journaliste de Meduza, Galina Timchenko. Image: Rocky Kistner for GIJN

« Nous avons analysé son téléphone et déterminé qu’il avait été piraté par Pegasus un jour avant qu’elle n’assiste à une réunion à Berlin », a révélé Ron Deibert.

« Bien que nous ne puissions pas dire avec certitude qui l’a fait, une agence quelque part sait maintenant que cet espionnage a été partiellement exposé. Seule une véritable enquête indépendante et impartiale, habilitée à exiger la production de documents, permettrait de faire toute la lumière sur cette affaire. Mais ne retenez pas votre souffle pour cela ».

Il ajoute : « Entre-temps, d’autres journalistes russes en exil ont signalé qu’ils avaient, eux aussi, reçu des notifications d’Apple. Nous en saurons probablement davantage dans les semaines et les mois à venir.

Selon Ron Deibert, ce cas en Allemagne souligne le fait alarmant que la surveillance est désormais une menace quasi invisible presque partout. « Les gens fuient les persécutions et la répression pour se réfugier dans un pays démocratique libéral, mais ils découvrent qu’ils ne sont pas pour autant en sécurité », a-t-il averti.

Ron Deibert a expliqué que la surveillance prenait parfois la forme d’attaques massives ciblées. « Une bonne partie de la rédaction d’Al Jazeera a été piratée avec Pegasus, y compris les téléphones personnels de nombreux producteurs et journalistes. « Il y a aussi la rédaction d’El Faro au Salvador, où nous avons découvert 35 journalistes dont les téléphones ont été piratés par l’administration.

Selon lui, l’une des premières attaques Pegasus documentées – visant la journaliste mexicaine Carmen Aristegui en 2015 – illustre à la fois l’acharnement du piratage ciblé et la nécessité déprimante pour les journalistes de s’inquiéter des téléphones de leurs proches.

« Les opérateurs du logiciel espion étaient tellement déterminés à accéder à son appareil qu’ils lui ont envoyé des dizaines de messages pour l’inciter à cliquer sur un lien malveillant », explique-t-il. « Lorsque cela n’a pas fonctionné, ils se sont tournés vers son fils, alors mineur et scolarisé dans un internat aux États-Unis. Ils se sont même fait passer pour l’ambassade des États-Unis afin de l’inciter à cliquer sur le lien. Malheureusement, ce type de ciblage relationnel est assez courant. Vous devez donc également penser à la sécurité de tous les membres de votre réseau familial et de votre réseau social ».

Cependant, Ron Deibert a déclaré qu’il y avait des développements positifs pour contrer cette menace mondiale.

« Tout d’abord, nous devons nous rappeler que le journalisme d’investigation, les révélations et tout ce que nous réalisons ensemble ici peuvent avoir un impact considérable – nos collaborations méritent vraiment d’être célébrées », a-t-il déclaré. « En 2021, nous avons prévenu Apple, qui a publié une mise à jour de sécurité qui était excellente. Mais Apple, à notre grande surprise, est allé plus loin. Ils ont dit qu’ils allaient commencer à notifier les personnes ciblées. Ces notifications ont en quelque sorte secoué l’arbre, et les fruits tombent maintenant dans le monde entier, ce qui nous a permis, ainsi qu’à d’autres, de faire de nouvelles découvertes. Ils ont introduit le « mode verrouillage », et l’installation de cette fonction est la meilleure chose que vous puissiez faire dès maintenant ».

Ron Deibert a déclaré que les gouvernements d’Europe et d’Amérique du Nord commençaient également à prendre des mesures importantes pour limiter le recours au cyberespionnage commercial.

« Cela ne résout pas le problème, mais les mesures positives prises par les gouvernements envoient un signal fort ; nous avons besoin de davantage de mesures de ce type », a-t-il déclaré. « En fin de compte, nous devons nous attaquer à la détérioration des institutions démocratiques libérales et la faire reculer. La propagation de l’autoritarisme est profondément troublante, mais je trouve tout aussi troublante la mesure dans laquelle les institutions démocratiques libérales s’érodent au cœur même des démocraties ».


Rowan Philp est journaliste à GIJN. Auparavant, Rowan a été reporter en chef pour le Sunday Times sud-africain. En tant que correspondant à l’étranger, il a réalisé des reportages sur l’actualité, la politique, la corruption et les conflits dans une vingtaine de pays du monde entier.

07.09.2023 à 17:02

Six techniques pour vérifier l’authenticité d’un document

Marthe Rubio

Il est tout à fait possible de démontrer qu’une image a été manipulée, à condition de connaître les bons outils. GIJN a élaboré un guide méthodologique pour vous expliquer étape par étape comment vérifier la véracité d’une information dans six cas de figure différents : 1. Manipulation d’images – Facile à repérer, en utilisant des […]
Texte intégral (11317 mots)

Il est tout à fait possible de démontrer qu’une image a été manipulée, à condition de connaître les bons outils. GIJN a élaboré un guide méthodologique pour vous expliquer étape par étape comment vérifier la véracité d’une information dans six cas de figure différents :

1. Manipulation d’images – Facile à repérer, en utilisant des outils comme la recherche d’image inversée sur Google. 2. Astuces vidéo – De l’importance d’examiner attentivement la vidéo et de rechercher l’originale. 3. Faits trompeurs – Surveillez les titres trompeurs, les opinions présentées comme des faits, les distorsions, les faits inventés et les détails négligés. 4. Pseudo-experts, experts imaginaires et experts dont la parole est déformée – Comment vérifier leurs qualifications et leurs déclarations. 5. Usage des médias – Surveillez les fausses déclarations qui se réfèrent à des médias grand public. 6. Manipulation des données – Examinez la méthodologie, les questions, les clients et plus encore.

1. Manipulation d’images

La manipulation de photos est le moyen le plus simple de falsifier l’actualité, mais c’est aussi la plus facile à mettre à jour.

Il y a deux techniques particulièrement courantes de manipulation d’images. La première consiste à éditer des photos dans des programmes spécialisés, comme Adobe Photoshop et la seconde à présenter de vraies photos comme ayant été prises à un autre moment ou un autre endroit. Dans les deux cas, des outils peuvent vous permettre de séparer le vrai du faux.

Vous devriez être en mesure d’établir quand et où une photo a été prise et si elle a été modifiée dans un logiciel de traitement photo.

1.1 Retouche photo

Voici un exemple simple d’une fausse photo obtenue en modifiant l’originale dans Adobe Photoshop.

 

L’image ci-dessus est une capture d’écran de la première page de groupes pro-russes sur le réseau social Vkontakte, l’équivalent russe de Facebook. Largement diffusée en 2015, elle montre un nouveau-né avec une croix gammée taillée sur le bras. La photo est accompagnée d’une légende : « Quel choc ! Le personnel de l’une des maternités de Dnipropetrovsk a appris qu’une mère biologique était une réfugiée du Donbass et la femme d’un milicien décédé. Ils ont décidé de tailler une croix gammée sur le bras du bébé. Trois mois plus tard, la cicatrice est encore visible. »

Mais cette photo est truquée. L’original est facile à retrouver sur internet. On découvre alors que le bébé ne porte aucune trace de blessure.

La façon la plus simple de vérifier une photo est d’utiliser la recherche inversée sur Google Images. Ce service propose de nombreuses fonctionnalités utiles, telles que la recherche d’images similaires et de la même image dans différents formats. Saisissez l’image avec votre souris puis faites-la glisser et déposez-la dans la barre de recherche de la page Google Images, ou copiez-collez tout simplement l’adresse URL de l’image. Dans le menu “ Tools ”, vous pouvez choisir les options “ Visually similar ” ou “ More sizes.”

 

L’utilisation de l’option “ Visually similar ” nous mène à un article de 2008. Cet article ne contient pas forcément la photo originale mais il démontre en tout cas que la photo n’a pas pu être prise en 2015, et qu’aucune croix gammée n’y figure.

 

Examinons maintenant un trucage plus sophistiqué. La photo truquée en question représente un soldat ukrainien embrassant un drapeau américain. La photo a circulé avant le jour du drapeau national ukrainien en 2015 et est apparue pour la première fois sur un site web séparatiste avec un article titré Le jour de l’esclave.

 

La manipulation de l’image peut être démontrée en plusieurs étapes.

Tout d’abord, supprimez toute information ajoutée à la photo – légendes, titres, cadre, etc. – car cela peut influencer les résultats de la recherche. Dans ce cas, vous pouvez enlever le mot « Demotivators », dans le coin inférieur droit de l’image, à l’aide de l’outil Jetscreenshot (version Mac), qui est disponible gratuitement.

Dans un deuxième temps, essayez de retourner l’image à l’aide d’un outil d’effet miroir tel que LunaPic, puis sauvegardez le résultat.

 

Vérifiez ensuite cette image sur Google Images ou un autre outil de recherche d’image inversée. Vous saurez alors si l’image est bien l’originale, ou si elle a été modifiée. Vous pourrez aussi découvrir date, le lieu et le contexte réels de la publication de la photo.

 

En réalité, la photo a été prise en 2010 au Tadjikistan et le soldat embrassant le drapeau est un douanier tadjik. Le drapeau ukrainien cousu sur le manche a été ajouté ultérieurement, à l’aide d’un logiciel de retouche photo, et la photo a été retournée en utilisant un effet miroir.

 

Une recherche sur Google n’est pas toujours suffisante pour retrouver la source d’une image. Essayez alors TinEye, un autre outil de recherche inversée.

La principale différence entre TinEye et Google est que TinEye retrouve non seulement les images identiques mais également celles qui ont été modifiées. Cela permet de retrouver des versions de la photo qui sont cadrées autrement. Les sites sur lesquels les photos sont publiées peuvent également fournir des informations supplémentaires sur le contenu de la photo.

 

La photo ci-dessus a été retweetée et likée des dizaines de milliers de fois sur Twitter. On y voit un Vladimir Poutine très sérieux, entouré de chefs d’Etats qui semblent tous suspendus à ses lèvres. Elle est fausse.

Vous pouvez retrouver l’originale en utilisant TinEye. Entrez l’adresse de l’image dans la barre de recherche ou faites glisser l’image depuis votre disque dur. L’option de recherche « L’image la plus grande » peut permettre de retrouver l’originale, puisque chaque modification apportée réduit la taille ainsi que la qualité de la photo.

Nous pouvons voir que la photo provient d’un site turc.

 

Vous pouvez aussi utiliser d’autres options dans la barre d’outils –  » Best Match « ,  » Newest « ,  » Oldest  » et même  » Most Changed  » – pour trouver quelles modifications ont été apportées à l’image.

 

Vous pouvez également filtrer les résultats par site – par exemple, sur Twitter ou sur d’autres sites où l’image est apparue.

 

Une image créée pour se moquer de Donald Trump, en montrant un profil peu flatteur du président américain, est un autre exemple de trucage sophistiqué.

L’image a circulé sur les réseaux sociaux en octobre 2017, avec l’affirmation selon laquelle le président en était mécontent et ne voulait pas qu’elle soit partagée en ligne. En fait, l’image a d’abord été publiée sur Facebook le 14 Juillet 2017, par Vic Berger, un créateur de vidéos virales :

 

Vous pouvez en retrouver l’origine en utilisant un outil d’effet miroir puis TinEye :

 

Vic Berger l’a créée à partir d’une photo prise par le photographe de Getty Images, Matthew Cavanaugh, en 2011. Vic Berger a retourné la photo originale, agrandi la gorge de Donald Trump et foncé la couleur de sa peau.

Pour étudier la photo plus en détail, vous pouvez utiliser des programmes qui analysent si elle a été modifiée. FotoForensics est l’un des meilleurs.

Le 12 janvier 2015, le journal télévisé Vesti, sur Rossiya 1, a rapporté que le parti politique ukrainien Svoboda avait proposé l’impression d’un nouveau billet de 1 000 hryvnia représentant Adolf Hitler.

C’était faux. La personne à l’origine de cette fausse information a apparemment créé l’image du billet sur Photoshop puis l’a publié sur pikabu.ru, où elle l’a étiquetée « humour » et « blague ».

 

Le vrai billet montre l’écrivain ukrainien Panteleimon Kulish.

 

Une analyse détaillée sur FotoForensics montre que la photo avec Hitler a été modifiée. Une partie de l’image d’origine a été effacée, puis ont été ajoutés la photo d’Hitler et la valeur du billet.

 

FotoForensics est un site qui utilise « l’analyse du niveau d’erreur » (ELA, en anglais) pour détecter des morceaux d’image qui ont été ajoutés à l’originale. Après avoir traité une photo, le logiciel fait ressortir les parties modifiées.

Le logiciel fait également ressortir les données EXIF ​​(c’est-à-dire les métadonnées) de chaque photo. Tout fichier image contient en effet une série d’informations supplémentaires, encodées dans un fichier graphique.

Entre autres informations, ces métadonnées révèlent :

La date et l’heure à laquelle l’originale a été prise Les données de géolocalisation Le modèle de l’appareil photo et ses paramètres (temps d’exposition, valeur de l’ouverture, etc.) Des informations sur le droit d’auteur

Par exemple, les journalistes d’investigation de Bellingcat se sont servis des métadonnées pour vérifier les photos d’internautes concernant l’accident du vol 17 de la compagnie Malaysia Airlines (MH17). À 16h20, heure locale, le 17 juillet 2014, l’avion a été abattu en plein vol au-dessus de l’est de l’Ukraine, tuant les 298 passagers et membres d’équipage à bord. Presque exactement trois heures plus tard, la photo suivante est apparue sur Twitter :

 

Le tweet de @WowihaY explique qu’un témoin de la scène lui a envoyé cette photo montrant le nuage de vapeur causé par le lancement d’un missile depuis le sud-est de la ville de Torez, en territoire occupé dans l’est du pays. Les métadonnées de la photo ont montré qu’elle avait été prise à 16h25 (soit cinq minutes après que l’avion ait été abattue), selon l’horloge interne de l’appareil photo.

 

Cette méthode n’est pas pour autant sûre à 100 %. La plupart des métadonnées requises pour authentifier une image disparaissent lors du téléchargement sur internet.

 

Ces résultats n’incluent pas les métadonnées de la photo d’origine car il s’agit d’une capture d’écran. On relève le même problème lorsqu’une photo est publiée sur les réseaux sociaux.

Malgré tout, les métadonnées peuvent vous aider dans vos recherches.

1.2 La publication de vraies photos, mais prises à un autre moment ou à un autre endroit

La manipulation d’image peut servir à déformer des événements.

Une photo prise en Israël en 2014 a récemment été présentée comme ayant été prise dans l’est de l’Ukraine en 2015.

 

C’est Shimon Briman, le journaliste israélien et spécialiste de l’Ukraine, qui a découvert le pot aux roses.

N’importe quel outil de recherche inversée peut vous permettre de vérifier l’authenticité d’une photo, après avoir supprimé tous les éléments ajoutés, dont par exemple le titre. L’option TinEye « Le plus ancien » est très utile dans ce cas précis ; elle génère au moins deux résultats liés à Israël et datant de l’année précédente.

Cette méthode ne permet pas toujours d’identifier la source d’une photo. Mais un tel résultat sert d’indice pour poursuivre ses recherches.

 

Le cinquième résultat de la recherche est une photo d’un journal israélien daté du 27 juillet 2014, qui décrit en détail quand la photo a été prise, et dans quelles conditions. Une fille, Shira de Porto, l’a prise depuis son téléphone portable lors d’un tir de missile à Beer Sheva. Le père et un autre homme ont couvert le bébé de leurs corps.

 

Si une image suspecte apparaît sur les réseaux sociaux, vous pouvez utiliser les outils de recherche TinEye intégrés.

Par exemple, lors de la visite de l’ancien vice-président américain Joe Biden à Kiev, une photo de personnes agenouillées devant les bureaux des ministres ukrainiens est apparue sur les réseaux sociaux et des sites pro-russes. La légende expliquait qu’il s’agissait de résidents de Kiev « faisant appel à Biden pour les sauver de Yatseniuk », se référant au Premier ministre ukrainien de l’époque. La photo est apparue pour la première fois le 6 décembre 2015.

À l’aide de TinEye, StopFake a constaté que la photo originale avait été publiée sur Twitter avec le hashtag #Euromaidan le 18 janvier 2015. Pour vous faire une idée du contexte, vous pouvez utiliser l’outil de recherche Twitter. Choisissez  » Search filters  »  puis  » Advanced search « .

 

Vous pouvez alors entrer n’importe quelle information – dans ce cas, le hashtag et la date du 18 janvier 2015.

 

Le premier résultat fait alors apparaître le tweet original avec la photo initiale. Elle a été prise dans la rue Hrushevsky de Kiev le 18 janvier 2015, quand des milliers de personnes s’étaient rassemblées pour rendre hommage aux premières victimes d’affrontements ayant eu lieu lors des manifestations « Euromaidan » de 2013.

 

TinEye et Google Images ne sont pas les seuls outils disponibles, il y a aussi Baidu (qui fonctionne particulièrement bien pour les contenus chinois), Yandex et des outils de recherche de métadonnées comme FotoForensics.

Si vous comptez utiliser ces outils fréquemment pour vérifier des photos, essayez ImgOps, qui contient les outils mentionnés ci-dessus et auquel vous pouvez ajouter les vôtres. Imageraider.com en est un autre, analogue à TinEye mais avec des fonctionnalités différentes : ce site vous permet entre autres d’analyser plusieurs images à la fois et d’exclure certains sites des résultats de vos recherches.

 

Un bref résumé

Prêtez attention aux images dont la résolution est la plus haute. La résolution diminue à chaque nouvelle modification, donc la photo dont la résolution est la plus haute est également celle qui aura été le moins retouchée. C’est un signe indirect qu’il peut s’agir de la photo originale. Prêtez attention à la date de parution. L’image dont la date est la plus ancienne sera la plus proche de l’original. Relisez les légendes des photos. Deux images identiques peuvent être accompagnées de descriptions différentes. Les photos truquées ne sont pas seulement recadrées ou modifiées, mais peuvent également être renversées par effet miroir. Vous pouvez effectuer des recherches sur un site ou réseau social en particulier.

2. Astuces vidéo

Les vidéos font tout aussi souvent l’objet de manipulations que les photos. Cependant, il est beaucoup plus difficile de révéler qu’une vidéo est truquée, et cela prend beaucoup plus de temps. Dans un premier temps, voyez si la vidéo contient des éléments troublants : un montage qui semble inexact, des proportions déformées ou des moments tout bonnement étranges.

Rentrez dans les détails : les ombres, les reflets et la netteté des différents éléments. Il est possible d’identifier le pays et la ville où une photo a été prise grâce aux plaques d’immatriculation des voitures, aux enseignes de magasin et aux noms des rues. S’il y a des bâtiments inhabituels sur la photo, retrouvez-les dans le mode Street View de Google Maps. Vous pouvez également consulter la météo à l’heure et sur le lieu en question en utilisant les archives des sites de prévisions météorologiques. Si la vidéo montre un soleil radieux, alors qu’il pleuvait toute la journée, on peut mettre en doute sa véracité.

Weather Underground est un site que j’affectionne tout particulièrement.

Les technologies suivantes sont utilisées le plus souvent pour créer de fausses nouvelles en format vidéo.

2.1 L’utilisation de vidéos anciennes pour illustrer des événements nouveaux

De nombreuses photos et vidéos ont été partagées sur les réseaux sociaux montrant des attaques aériennes américaines, françaises et britanniques contre trois cibles syriennes le 14 avril 2018. Par exemple, cette vidéo montre une attaque aérienne matinale contre le Centre de recherche Jamraya à Damas.

Si une vidéo est intégrée à un article d’actualité, il est possible d’accéder au tweet, à la vidéo YouTube ou à la publication Facebook d’où elle provient, et d’y lire les commentaires. Les internautes, en particulier sur Twitter et YouTube, sont très actifs et réactifs. On peut parfois y trouver des liens vers la source de la vidéo et suffisamment d’informations pour réfuter un faux.

En faisant cela, nous pouvons retrouver le lien vers la vidéo YouTube originale. L’emplacement était correct, mais la vidéo a été filmée en janvier 2013 lors d’une attaque similaire attribuée à Israël.

 

Vous pouvez également passer rapidement en revue le compte qui a publié la vidéo qui vous intéresse. Qu’apprend-on sur l’utilisateur ? À quels autres comptes sur les réseaux sociaux est-il lié ? Quel type d’informations partage-t-il ?

Pour trouver une vidéo originale, vous pouvez utiliser le YouTube DataViewer d’Amnesty International. Cet outil vous permet d’établir la date et l’heure exacte du téléchargement et de vérifier si la vidéo YouTube a déjà été publiée sur la plateforme.

Essayons de vérifier l’heure de téléchargement de la vidéo mentionnée ci-dessus. Le DataViewer a confirmé que le téléchargement a bien eu lieu en janvier 2013.

 

L’étape suivante de la vérification des vidéos est la même que pour la vérification des photos : faire une recherche d’image inversée.

Vous pouvez prendre manuellement des captures d’écran des moments clés de la vidéo et les placer dans un moteur de recherche comme Google Images ou TinEye. Vous pouvez également utiliser des outils spéciaux conçus pour simplifier cette démarche. Le Youtube DataViewer génère des vignettes utilisées par une vidéo sur YouTube. Vous pouvez effectuer une recherche d’image inversée sur ces vignettes en un seul clic.

En février 2018, les Observateurs de France 24 ont discrédité une vidéo qui prétendait montrer des escadrons d’avions de chasse turcs lors d’une mission de bombardement sur Afrin, en Syrie. Cette vidéo filmée depuis le cockpit d’un F16 a été publiée sur plusieurs comptes YouTube différents le 21 janvier 2018.

Ils l’ont vérifié avec l’aide de YouTube DataViewer.

 

Dans l’originale, on n’entend pas de voix turque, celle-ci a été ajouté plus tard. En réalité, cette vidéo a été réalisée à l’occasion d’une exposition aéronautique à Amsterdam.

2.2 Placer une vidéo – ou un morceau de celle-ci – dans un autre contexte

Il faut parfois en apprendre davantage sur une vidéo pour pouvoir établir s’il s’agit d’un faux.

Par exemple celle-ci, publiée sur YouTube le 22 août 2015, a été largement diffusée dans huit pays. Elle prétend montrer des migrants musulmans à la frontière entre la Grèce et la Macédoine refusant l’aide alimentaire de la Croix-Rouge parce qu’elle n’était pas halal ou parce que l’emballage était marqué d’une croix.

Pour en savoir plus, vous pouvez utiliser  InVid, un outil puissant de recherche inversée. Il peut vous aider à vérifier les vidéos sur les réseaux sociaux, tels que Twitter, Facebook, YouTube, Instagram, Vimeo, Dailymotion, LiveLeak et Dropbox. Téléchargez le plugin InVid, copiez le lien vidéo, collez-le dans la fenêtre « Keyframes » d’InVid et cliquez sur « Submit ».

 

Cliquez sur les vignettes une par une pour effectuer une recherche d’image inversée, puis étudiez les résultats.

 

En réalité, les migrants refusaient la nourriture qu’on leur offrait pour protester contre la fermeture de la frontière et les mauvaises conditions de leur attente. Des journalistes italiens ont couvert cette actualité pour Il Post après avoir interrogé des travailleurs humanitaires sur place. Le journaliste qui a filmé cette vidéo l’a confirmé. La vidéo a d’abord été publiée sur son site avec la légende : « Les réfugiés refusent de se nourrir après avoir passé la nuit sous la pluie sans pouvoir traverser la frontière. »

 

Un autre exemple de ce genre de fausse information est un article de Gloria.tv sur la chancelière allemande Angela Merkel. Il s’agit d’un clip vidéo de sept secondes dans lequel la chancelière ne prononce qu’une seule phrase. Le titre de la vidéo : « Angela Merkel : les Allemands doivent accepter la violence des étrangers. »

 

En réalité, la phrase a été sortie de son contexte et le titre donne le sens inverse de sa déclaration, selon une analyse de BuzzFeed News. Voici sa déclaration complète :

Il s’agit ici d’assurer la sécurité sur le terrain et d’éliminer en même temps les causes de la violence dans la société. Cela s’applique à tous les membres de notre société, mais nous devons admettre que le nombre de délits est particulièrement élevé chez les jeunes immigrants. Par conséquent, le thème de l’intégration est lié à la question de la prévention de la violence partout dans notre société.

La vidéo s’est avérée faire partie d’un complot en 2011, selon le site allemand de vérification des faits Mimikama.

La meilleure façon de trouver la source de ces vidéos est d’utiliser des moteurs de recherche tels que Google.

2.3 Réaliser une vidéo intégralement fausse

La création de vidéos totalement fausses nécessite beaucoup de temps et d’argent. La propagande russe emploie fréquemment cette méthode.

Un exemple de cela est la prétendue « preuve » que des militants de l’État islamique ont servi au sein du régiment d’opérations spéciales ukrainien « Azov ». Cela a été présenté comme la découverte d’un groupe de hackers pro-russe appelé « CyberBercut ».

Les pirates informatiques de CyberBercut ont affirmé avoir accédé au smartphone d’un combattant d’ « Azov » et y avoir trouvé ces informations. Ils n’ont mentionné ni le lieu où ces images auraient été tournées, ni les moyens de piratage mis en oeuvre. La BBC a pu retrouver le lieu du tournage en utilisant le service géographique de Wikimapia.

Vous pouvez également utiliser d’autres services de cartographie, comme Google Maps, pour comparer le lieu supposé d’une vidéo et le lieu où les images ont réellement été tournées. Le service Google Street View peut également vous être utile. En l’occurrence, la vidéo avait été tournée au Centre artistique d’Isolyatsia dans la zone occupée de l’est de l’Ukraine.

Parfois, ces faux sont grossiers, donc faciles à discréditer. Il suffit d’être attentif. Par exemple, des médias russes ont annoncé que des combattants du parti ukrainien « Secteur droit » dispensaient des « cours de russophobie » dans les écoles de la ville de Kramatorsk, dans la région de Donetsk, dans l’est de l’Ukraine.

La vidéo a circulé sur les réseaux sociaux et sur YouTube, puis a été diffusée par les principaux médias russes. L’un des écoliers aurait filmé ces leçons sur son téléphone. On y voit un homme en uniforme militaire britannique avec une arme à la main obligeant des enfants à lire à haute voix l’article « Qu’est-ce que la russophobie ? » Ces leçons, dit-il, auront lieu dans tous les établissements d’enseignement de territoires libérés de la présence russe.

Les utilisateurs des réseaux sociaux ont remarqué que les écoliers paraissent plus âgés que ce qui était indiqué. Le personnage principal est vêtu d’une veste militaire de style Condor avec un bandeau sur lequel on peut lire « Thor mit uns ». Une telle enseigne, ainsi que les vêtements sur la vidéo, peuvent être achetés dans n’importe quelle boutique en ligne.

En réalité, cette vidéo était une provocation, réalisée par un militant de Kramatorsk pour vérifier si les médias russes la publieraient sans en vérifier l’authenticité. L’auteur de la vidéo, Anton Kistol, a fourni à StopFake des versions préliminaires de la vidéo, ainsi que des photos du tournage.

3. Faits trompeurs

3.1 Publier une véritable nouvelle sous un faux titre

Beaucoup de gens partagent des articles sur les réseaux sociaux après en avoir lu seulement le titre. Mettre un titre trompeur sur de vraies informations est l’une des techniques de fausses nouvelles les plus répandues.

Sortir des citations de leur contexte est une autre astuce courante.

Par exemple, en décembre 2016, des médias russes ont déclaré que le ministère ukrainien des Affaires étrangères avait accusé l’Union européenne de trahison. L’agence de presse officielle russe RIA Novosti, ainsi que Vesti et Ukraina.ru, ont publié des articles affirmant que l’Ukraine soupçonnait l’UE de machinations, voire de trahison.

Ils ont cité une interview d’Olena Zerkal, vice-ministre des Affaires étrangères de l’Ukraine pour l’intégration européenne, dans le Financial Times :

Cela met à l’épreuve la crédibilité de l’Union européenne… Dire cela n’est pas très diplomate. Cela ressemble à une sorte de trahison… surtout si l’on tient compte du prix que nous avons payé pour nos aspirations européennes. Aucun des pays membres de l’Union européenne n’a payé un tel prix.

Bien que les déplacements sans visa pour les Ukrainiens aient en principe été convenus avec l’UE, la mise en oeuvre n’a pas encore officiellement eu lieu. Olena Zerkal exprimait sa frustration face à l’attente imposée, alors que l’Ukraine avait rempli toutes les conditions. Elle n’accusait pas exactement l’UE de trahison.

Un autre exemple est tiré du blog Free Speech Time. Y a paru le 6 mai 2018 un article intitulé : « Regardez : le maire musulman de Londres encourage les musulmans à l’émeute lors de la visite de Trump au Royaume-Uni. » L’article commence ainsi :

Le maire musulman de Londres a incité à la haine islamique contre le président Trump. Chaque fois qu’il l’a pu, il s’en est pris au président américain pour avoir osé critiquer l’islam et pour avoir interdit aux terroristes d’entrer en Amérique. Il prévient maintenant Trump de ne pas venir au Royaume-Uni parce que les musulmans « épris de paix », qui représentent la « religion de la paix », devront manifester violemment lors de sa visite au Royaume-Uni.

Sadiq Khan lui-même a incité à la haine contre le président américain parmi les musulmans britanniques. Honte au maire musulman de Londres.

Comme preuve de ce qu’il avance, l’article inclut cette vidéo. L’article n’apporte pourtant aucun élément corroborant l’information contenue dans le titre. Un extrait d’interview vidéo contient seulement la déclaration suivante du maire Sadiq Khan : « Je pense qu’il y aura des manifestations ; je parle aux Londoniens quotidiennement et je pense qu’ils utiliseront les droits dont ils disposent pour exprimer leur liberté d’expression. »

Lorsque le journaliste a demandé directement à Sadiq Khan s’il « approuvait » de telles manifestations, il a répondu : « L’essentiel est qu’elles soient de nature pacifique, qu’elles respectent la loi. » A aucun moment il n’emploie les mots « musulman », « musulmans » ou « islam », comme le souligne Maarten Schenk dans Lead Stories.

Si vous devez vérifier une citation, vous pouvez en retrouver la source en effectuant une recherche avancée sur Google. Vous pouvez y définir les paramètres horaires et le site qui vous intéresse. L’information est parfois supprimée de la source première, mais se propage par d’autres biais. Vous pouvez localiser le matériel supprimé à l’aide d’une recherche sur Google Cache ou en consultant les archives de la source à une date donnée.

3.2 Présenter une opinion comme un fait

En lisant un article, posez-vous la question suivante : s’agit-il d’informations ou d’une opinion personnelle ?

Certains médias russes ont annoncé que la Turquie serait expulsée de l’Otan en novembre 2015. Ukraina.ru a ainsi rapporté : « La Turquie ne devrait pas être membre de l’Otan et devrait être expulsée de l’Alliance. C’est en tout cas ce qu’a annoncé le major général à la retraite de l’armée américaine et analyste militaire principal pour Fox News, Paul Vallely. »

En fait, comme l’a expliqué Stopfake.org, un officier militaire à la retraite ne peut pas parler au nom de l’Otan ou de ses membres. Paul Vallely était très critique vis-à-vis de la politique américaine et du président américain de l’époque, Barack Obama. Celui-ci a soutenu publiquement la Turquie.

3.3 Déformer un fait

Un reportage sur la chaîne d’information Russia Today a relayé l’information, citations du rabbin Mihail Kapusti à l’appui, selon laquelle des personnes juives avaient fui Kiev en raison de l’antisémitisme du nouveau gouvernement ukrainien.

Mais une recherche toute simple a montré qu’il n’était pas le rabbin d’une synagogue de Kiev, mais plutôt celui d’une synagogue de Crimée. Ayant appelé à la défense de l’Ukraine et de la Crimée face à la Russie, il fuyait la Crimée à cause du nouveau gouvernement russe qui s’y était installé, comme l’a démontré Stopfake.org.

3.4 Présenter des informations entièrement inventées comme des faits

Des recherches toutes simples peuvent révéler qu’une information est erronée.

Un exemple frappant en Ukraine concerne un garçon qui aurait été crucifié. Stopfake.org ne trouvait aucune preuve de ce qu’avançait une femme en 2014 sur Channel One, la chaîne de télévision officielle du Kremlin. Elle s’est avérée être l’épouse d’un militant pro-russe.

De nombreux reportages sur les soi-disant camps d’entraînement de l’Etat islamique en Ukraine ont paru dans des médias espagnols en 2017, mais des recherches avancées sur Google n’ont révélé aucune preuve de cela, a rapporté Stopfake.org.

Les auteurs de fausses nouvelles tentent également de manipuler des citations, voire de les fabriquer.

L’ancien vice-président de Facebook, Jeff Rothschild, aurait appelé à « une troisième guerre mondiale, afin d’exterminer 90 % de la population mondiale ». Mais cette citation, qui est apparue pour la première fois sur le blog d’Anarchadia, n’a jamais été prononcée par Jeff Rotschild, selon le site de fact checking Snopes.com.

3.5 Négliger des détails importants pour déformer le contexte d’une information

En mars 2017, Buzzfeed a publié un article affirmant que le Premier ministre ukrainien Volodymyr Groysman avait décidé d’aider la Turquie en accueillant des réfugiés de Syrie.

Citant un rapport de l’agence de presse étatique Ukrinform, l’auteur du papier dans Buzzfeed, Blake Adams, a écrit que l’Ukraine comptait établir trois centres d’accueil de réfugiés, attribuant cette information au directeur de l’Institut de recherche du Moyen-Orient, Ihor Semyvolos. Mais Ihor Semyvolos n’a rien dit au sujet des réfugiés ou des centres de réfugiés, comme il l’a ensuite expliqué sur Facebook.

Buzzfeed a également inclus un lien vers un message publié sur Facebook par Yuriy Koval, qui se réfère au blog Vse Novosti et à un certain Mykola Dobryniuk. Ces deux sources affirment que l’Ukraine a accepté d’accueillir des réfugiés syriens en provenance de Turquie. Curieusement, ni Yuriy Koval ni Mykola Dobryniuk n’a d’autres publications sur internet.

Suite à cette révélation de StopFake, Buzzfeed a retiré le papier de son site.

4. Pseudo-experts, experts imaginaires et experts dont la parole est déformée

Une autre méthode de falsification consiste à utiliser de faux experts ou à dénaturer la parole de vrais experts.

4.1. Pseudo-experts et think tanks

Les vrais experts sont souvent bien connus localement et dans leur milieu professionnel, et soignent leur réputation. Les pseudo-experts, en revanche, n’apparaissent souvent qu’une seule fois avant de disparaître. Pour vérifier l’authenticité d’un expert, il convient de consulter sa biographie, ses comptes sur les réseaux sociaux, son site web, ses articles, ses citations dans les médias et les commentaires de ses collègues sur son travail.

Le 30 septembre 2014, le journal Vechernyaya Moskva a publié une  interview du politologue letton Einars Graudins, présenté comme un « expert de l’OSCE [l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe] ». Cette personne n’avait pourtant aucun lien avec l’OSCE, ce que la mission de l’organisation en Ukraine a confirmé sur son compte Twitter officiel.

Il faut dans un premier temps rechercher les experts sur le site de l’organisation à laquelle ils sont censés être rattachés. Si leur nom n’y apparaît pas, contactez l’organisation. Le plus simple est de leur écrire via Twitter ou Facebook. Les organisations réputées ont tout intérêt à arrêter la diffusion de fausses nouvelles les concernant ou concernant leurs experts.

Certains pseudo-experts apparaissent fréquemment dans les médias. En Russie, NTV a couvert la « réaction houleuse en Occident » à la déclaration de Vladimir Poutine du 3 mars 2018, selon laquelle les États-Unis n’étaient plus la première puissance militaire. C’était l’opinion d’un certain Daniel Patrick Welch, présenté comme un politologue américain.

Mais une recherche Google effectuée par The Insider a révélé que Daniel Patrick Welch se présente comme « un écrivain, un chanteur, un traducteur et un poète militant ». Il lui arrivait d’écrire des articles traitant de politique pour des médias en ligne peu connues, il y critiquait le militarisme et l’expansionnisme de la politique américaine. Daniel Patrick Welsh a sympathisé avec les militants de l’est de l’Ukraine et a qualifié les autorités ukrainiennes de « junte contrôlée depuis Washington ». En Russie, les plus grandes agences de presse et chaînes de télévision l’ont cité.

Des groupes de réflexion d’apparence crédible peuvent ne pas l’être.

 

Un membre expérimenté du Conseil de l’Atlantique, Brian Mefford, a décrédibilisé l’une de ces organisations, le Center for Global Strategic Monitoring. Ce centre a prétendu à tort sur son site internet que Brian Mefford y travaillait comme expert. Il a cherché des coordonnées en vain sur le site pour demander le retrait de son nom.

A première vue, le site du centre a l’apparence d’un site d’actualité et et d’opinion à la fois impressionnant et réfléchi, a expliqué Brian Mefford. En creusant un peu on voit pourtant très vite que l’organisation est bidon. Premièrement, le site publie des analyses et des tribunes déjà publiées par de véritables instituts de recherche, apparemment sans leur autorisation. Ensuite, ces articles de qualité sont mélangés avec des articles dits « d’actualité » provenant de médias contrôlés par la Russie. Le site publie même de faux articles attribués à d’éminents spécialistes de think tanks.

4.2. Des experts imaginaires

Il arrive que des médias inventent des experts de toute pièce afin de mettre en avant certaines opinions politiques ou d’encourager leur public à prendre certaines décisions.

Par exemple, « le spécialiste haut-placé de la Russie au sein du Pentagone, David Jewberg » avait une page Facebook à succès et s’est vu fréquemment cité dans les médias ukrainiens et russes en tant qu’expert de ces deux pays au sein du Pentagone. Plusieurs personnalités bien connues de l’opposition russe ont souvent cité David Jewberg en tant qu’analyste respecté, et l’ont présenté comme quelqu’un avec qui elles étaient en contact.

Bellingcat a mené l’enquête et découvert que David Jewberg n’était pas une vraie personne, et que ce personnage était lié à un groupe d’individus aux États-Unis proches du financier américain Dan K Rapoport. Plusieurs de ses amis et contacts professionnels ont participé à la supercherie. Des photos d’un ami de longue date de Dan Rapoport ont servi à donner un visage à David Jewberg ; d’autres amis ont écrit à son sujet comme s’il s’agissait d’une vraie personne.

Un autre exemple est Drew Cloud, qui a parfois été cité comme l’un des principaux « experts » sur la question des prêts étudiants aux Etats-Unis. On a depuis appris que cette personne n’existait pas. Elle a proposé ses articles sur les prêts étudiants à des médias et a déclaré être en mesure de réaliser des entretiens par e-mail. Drew Cloud a souvent partagé ses conseils financiers sur des sites spécialisés et lors d’interviews. Il n’a jamais dit où il avait fait ses études mais a déclaré avoir contracté des prêts étudiants. Quand on lui demandait conseil sur les prêts étudiants, il recommandait souvent de les refinancer.

Il aura fallu un papier dans le Chronicle of Higher Education pour révéler que Drew Cloud était un personnage fictif créé par The Student Loan Report, un site géré par une société de refinancement des prêts étudiants.

4.3. Déformer les déclarations des experts ou les fausser

Les manipulateurs déforment souvent la parole d’experts, en particulier en sortant des phrases de leur contexte.

En mai 2018, des tweets et articles de blog sur un passage à la télévision de l’éducatrice en sexualité Deanne Carson se sont multipliés sur les réseaux sociaux. Les internautes ont critiqué avec virulence les conseils qu’elle y aurait prodigué. Elle aurait en effet déclaré que les parents devraient demander l’accord de leur bébé avant de changer sa couche.

Ce n’était pourtant pas exactement ce qu’elle avait dit. Elle avait déclaré que les parents pouvaient demander l’accord des enfants avant de changer leurs couches, pour leur apprendre que « leur réponse a de la valeur », tout en admettant qu’il n’était pas vraiment possible pour les bébés de consentir à un changement de couche, selon un examen de sa déclaration réalisé par Snopes.

Les avis de vrais experts sont parfois complètement faussés. Pour les vérifier, rendez-vous sur le site du groupe de réflexion ou de l’organisation auquel l’expert est affilié. Analysez ses recherches, ses déclarations et ses articles. Sont-ils en adéquation avec les propos qui lui sont attribués ?

L’article « Les victimes américaines du terrorisme demandent justice » sur le site CGS Monitor (supprimé depuis) est un bon exemple de cette pratique. L’article s’en prenait à l’alliance américano-saoudienne et était attribué à Bruce Riedel, le célèbre analyste du Moyen-Orient au sein du Brookings Institute. Mais quand on l’a interrogé sur ce sujet, Bruce Riedel a déclaré ne pas avoir écrit l’article.

L’article semblait ne pas avoir été rédigé par quelqu’un dont la langue maternelle est l’anglais, selon le Conseil de l’Atlantique. Le placement incorrect des noms communs et l’absence répété d’articles définis et indéfinis donnaient l’impression d’un article traduit du russe vers l’anglais.

CGS Monitor avait au préalable republié plusieurs articles qui avaient bel et bien été rédigés par Bruce Riedel, pour que la tribune faussement attribuée à l’analyste puisse passer inaperçue. Ce genre de trucage ne tromperait pas un expert mais peut tromper quelqu’un faisant des recherches en ligne ou qui édite un article sur Wikipedia, comme dans cet exemple.

4.4. Traduire les mots d’un expert de manière à en modifier le sens

Cette méthode est souvent utilisée lors de traductions de l’anglais vers d’autres langues. Contrez-la en trouvant l’article original et en le traduisant vous-même.

Les pays occidentaux, dont l’Allemagne, ont imposé des sanctions économiques contre la Russie après son annexion de la Crimée en mars 2014.

Mais la transcription par le Kremlin d’un discours du 26 octobre 2017 du président allemand Frank-Walter Steinmeier sur la Crimée a modifié son contenu, en remplaçant le mot « annexion » par le mot « réunification ».

Une « erreur de traduction » similaire s’est produite le 2 juin 2015, lorsque l’agence de presse russe RIA Novosti a publié un article faisant référence à un blog du Financial Times. Le papier de RIA Novosti a omis des critiques de la Russie, a traduit le contenu de manière déformée et a décrit l’annexion sous un jour favorable, comme l’a soulevé Stopfake.

5. Usage des médias

Notre tendance à faire confiance aux médias réputés et à prendre leurs informations pour argent comptant est mise à profit par des propagandistes et manipulateurs en tous genres.

5.1. Utilisation de messages provenant de médias marginaux ou de blogs

Des médias marginaux au nom pourtant crédible diffusent souvent des informations douteuses tout en affirmant qu’elles proviennent de médias réputés.

Plusieurs médias populaires russes, dont le journal économique Vzglyad, ont cité « les médias occidentaux » lors de reportages sur un différend concernant le rapatriement des corps de 13 Américains tués lors de combats en Ukraine.

Mais les « médias occidentaux » cités par Vzglyad étaient en réalité un journal en ligne peu crédible, The European Union Times, selon StopFake. Les liens hypertextes redirigeaient les lecteurs vers le site  WhatDoesItMean.com. L’auteur de l’article, Sorcha Faal, était un personnage inventé dans le seul but de répandre de fausses rumeurs.

Pour contrer ce type de manipulation, accédez aux sources de ladite information et évaluez leur crédibilité.

Un autre exemple : des médias russes ont cité ce qui s’est avéré être un article de blog anonyme, a rapporté Stopfake. Le 16 août 2015, le média russe RIA Novosti a publié un article sur le crash du vol 17 de Malaysia Airlines. La source était un portail allemand, Propagandaschau. Le portail a publié une tribune par un certain « Dok » et un article d’un ancien conseiller politique de l’ambassade du Canada en Russie, Patrick Armstrong, qui avaient été publiés sur le site pro-russe Russia Insider. RIA Novosti et RT ont présenté les réflexions de Dok comme celles d’un expert. Les médias russes n’ont pas mentionné l’article de Patrick Armstrong, qui contient des affirmations qui avaient déjà été réfutées.

5.2. Modifier les informations issues de médias réputés

Les informations rapportées par les médias réputés peuvent être déformées par les médias se spécialisant dans les « fausses nouvelles ».

Par exemple, une citation attribuée à la députée californienne Maxine Waters au sujet de la destitution du président Trump a été ajoutée numériquement à une image tirée d’une émission de CNN, ont écrit Snopes et Politifact.

En fait, la citation n’était pas la sienne et l’image provenait d’une interview qu’elle avait accordé sur un tout autre sujet.

5.3. Citer des articles imaginaires de médias réputés

Des sites russes et moldaves ont diffusé une fausse information apparue en décembre 2017, selon laquelle une mine d’or avait été découverte en Crimée. Le site d’actualité moldave GagauzYeri.md a rapporté le 10 février 2016 que des géologues russes avaient découvert la plus grande mine d’or au monde.

Bloomberg était censé être la source de cette information, mais le lien hypertexte ne redirigeait pas les lecteurs vers son site. On pouvait y voir un premier indice que l’information était erronée. Une recherche sur le site de Bloomberg, ainsi que sur Google, n’a pas permis de retrouver l’article, a découvert Stopfake.

Un autre exemple : un message sur WhatsApp vantant une fausse enquête d’opinion électorale en Inde a été rendu plus crédible par l’inclusion d’un lien vers la page d’accueil de la BBC, alors même que la BBC n’avait pas couvert l’enquête, selon une analyse de BOOM.

6. Manipulation des données

Les données d’enquêtes sociologiques et les indicateurs économiques peuvent être manipulés.

6.1 Manipulation méthodologique

Les enquêtes d’opinion peuvent reposer sur des méthodologies peu fiables.

Par exemple, fin mars 2018, les médias russes ont rapporté une recrudescence de l’antisémitisme en Ukraine, que les autorités ukrainiennes « cachent soigneusement ».

Le site russe Ukraine.ru a cité un rapport de 72 pages produit par le ministère israélien des Affaires de la diaspora montrant que les juifs ukrainiens avaient subi plus d’attaques (verbales et physiques) que les juifs dans toutes les autres républiques de l’ex-URSS.

Mais ce rapport n’était pas basé sur une étude systématique, et ses auteurs n’ont pas analysé les données collectées par les organisations qui surveillent la xénophobie en Ukraine. A en juger par les sources citées, les auteurs ont procédé à un calcul mécanique des incidents, quelle que soit la gravité ou la fiabilité des informations. Par exemple, les insultes verbales ont été comptabilisées comme les délits avérés.

Selon l’information la plus frappante contenue dans le rapport, le nombre d’incidents antisémites en Ukraine a doublé par rapport à l’année précédente. Selon les organisations de surveillance, dont le National Minority Rights Monitoring Group, qui surveille les crimes haineux en Ukraine depuis plus de dix ans, le nombre de délits antisémites n’a pourtant augmenté que de 19 à 24 %. En 2017, aucun cas de violence antisémite n’a été enregistré, et en 2016 il n’y en avait qu’un seul, a déclaré son directeur sur Radio Liberty.

Un examen attentif du rapport a montré qu’il ne s’agissait pas d’une évaluation approfondie de la situation sur le terrain. La recrudescence de l’antisémitisme était simplement l’une des cibles privilégiées de la campagne de propagande anti-ukrainienne menée par le Kremlin pour justifier son agression contre l’Ukraine. Cela explique pourquoi les médias de propagande russes ont volontiers repris cette information.

D’autres preuves du contraire ont fait surface dans une enquête du Pew Research Center, qui est basé aux États-Unis, concernant 18 pays d’Europe centrale et orientale. Ce rapport a montré que les opinions antisémites étaient moins répandues en Ukraine qu’ailleurs en Europe. En Russie, selon ce même document, l’antisémitisme est presque trois fois plus courant.

Le site Ukraine.ru a critiqué la méthodologie de Pew en faisant valoir que la question « Souhaitez-vous avoir des juifs comme compatriotes ? » ne permettait pas de démontrer l’antisémitisme des personnes sondées.

L’enquête de Pew, Croyance religieuse et appartenance nationale en Europe centrale et occidentale, contient une section méthodologique expliquant les dessous de la recherche. Il est important d’analyser et de comprendre les méthodes employées.

6.2 Interprétation erronée des résultats

La propagande a pour attribut de chercher à paraître véridique et authentique. Les affirmations propagandistes recourent donc souvent à des résultats de sondage déformés.

Le site russe pro-Kremlin Ukraina.ru a publié un article sur les dernières analyses de Fitch Ratings concernant l’Ukraine, se focalisant exclusivement sur les éléments négatifs et ignorant la prévision d’ensemble, qui était stable. En utilisant uniquement la première phrase du rapport de Fitch, Ukraina.ru a affirmé que l’Ukraine avait la troisième plus importante économie parallèle au monde, derrière l’Azerbaïdjan et le Nigéria.

Le rapport de Fitch commence par ces mots : « Les notations de l’Ukraine reflètent une faible liquidité extérieure, un lourd fardeau de la dette publique et des faiblesses structurelles, dues à la faiblesse du secteur bancaire, à des contraintes institutionnelles et à des risques géopolitiques et politiques. »

Ukraina.ru n’a rien retenu d’autre du rapport de Fitch, ignorant complètement la phrase qui suit : « Ces facteurs sont contrebalancés par le regain de crédibilité et de cohérence des politiques du pays, sa capacité immédiate à rembourser sa dette, et ses soutiens bilatéraux et multilatéraux. »

Pour démentir ce genre de déformation, il est particulièrement utile de retrouver et d’analyser le rapport complet.

Ukraina.ru a publié une autre affirmation erronée selon laquelle la plupart des Ukrainiens ne souhaitent pas du tout pouvoir voyager dans l’Union européenne sans visa.

La source de cette fausse information est un sondage réalisé par la Democratic Initiatives Foundation début juin 2018.

On pouvait y lire la question suivante : « Quelle est l’importance pour vous de l’introduction du régime de voyage sans visa avec les pays de l’UE ? » 10 % des sondés ont répondu « très important », 29 % « important », 24 % « légèrement important », 34 % « pas important » et près de 4 % ont estimé que la question était trop difficile.

 

Seuls 34 % d’entre eux ont déclaré qu’il n’était pas important de pouvoir voyager dans l’UE sans visa.

Mais les médias russes ont décidé d’additionner les résultats de « légèrement important » et « pas important », produisant ainsi le chiffre de 58 %, et ont affirmé que la majorité des Ukrainiens n’étaient pas du tout intéressés par cette perspective.

En additionnant les sondés ayant répondu « très important », « important » et « légèrement important », on obtient pourtant 63 % des réponses. Cela indique que 63 % des Ukrainiens estiment que les voyages sans visa ont une certaine importance.

6.3 Comparaisons caducs

Ukraina.ru a publié un article selon lequel les prix des denrées alimentaires en Ukraine ont rattrapé les prix en Europe en février 2018. Cette affirmation repose sur un post Facebook de l’ancien Premier ministre ukrainien Mykola Azarov. L’affirmation d’Azarov reposait sur des données de RIA Novosti présentées dans une infographie douteuse, bien qu’attrayante.

Selon l’indice du coût de la vie de Numbeo, l’Ukraine est le pays le moins cher d’Europe, avec la Moldavie, la Macédoine et l’Albanie. Le site compare également les prix des denrées alimentaires dans différentes villes du monde, montrant que les prix ukrainiens sont en moyenne bien inférieurs aux niveaux européens. La comparaison des nombres absolus sans tenir compte d’autres indicateurs est donc erronée, a pu établir Stopfake.

Essayez de différencier les vrais chiffres et faits des fausses informations. Très souvent, ces types de contrefaçons incluent des chiffres réels mais aussi des chiffres issus de sources suspectes ou inventées.

Au Canada, par exemple, une information selon laquelle les réfugiés reçoivent plus d’aide de l’Etat que les retraités circule sur les réseaux sociaux depuis 2015.

 

Ce n’est pas vrai, selon les informations du gouvernement canadien. Certains réfugiés pris en charge par le gouvernement reçoivent une somme modique chaque mois pendant leur première année au Canada – environ 800 $ pour une personne seule – et une allocation d’installation unique d’environ 900 $. Ils peuvent également obtenir un prêt de quelques centaines de dollars pour le versement d’un acompte quand ils louent un logement. Il y aussi des fonds disponibles pour les femmes enceintes, les nouveau-nés et les jeunes enfants scolarisés. Mais les réfugiés pris en charge par le gouvernement doivent rembourser le coût de leur voyage au Canada et de leur examen médical initial, et ce avec intérêt.

Les demandeurs d’asile au Canada ne reçoivent aucune aide sociale tant qu’ils ne sont pas le statut de résident permanent ; ils peuvent alors recevoir l’aide sociale provinciale comme n’importe quel citoyen du pays. Les réfugiés parrainés par le secteur privé ne peuvent recevoir aucune assistance sociale – ils sont sous la responsabilité financière de leurs parrains pour la durée du parrainage, généralement environ un an.

Les Canadiens célibataires d’un certain âge et dans la tranche de revenu la plus basse reçoivent au moins 1300 $ par mois grâce aux suppléments de revenu garantis et aux pensions publiques, comme l’indique le site du gouvernement.

De plus, une étude de 2004 montre que la grande majorité des revenus dont disposent les réfugiés au cours de leurs sept premières années au Canada proviennent de leur emploi, non des aides sociales. Ils ont parfois plus de succès que les migrants économiques ou ceux arrivés par regroupement familial.

Mais le mythe persiste. Des variantes de cette rumeur ont vu le jour aux États-Unis, selon Snopes, ainsi qu’en Australie, selon ABC News. La page la plus fréquentée sur le site du groupe du Conseil canadien pour les réfugiés décrédibilise ce mythe.

 

Un bref résumé

Voici ce à quoi il faut faire attention quand vous lisez des sondages d’opinion, ainsi que dans vos recherches en général :

La méthodologie est-elle décrite ? Comment sont formulées les questions ? Elles sont parfois conçues pour inciter certaines réponses. Quel échantillon de la population a été sondé : par âge, lieu de résidence et autres caractéristiques ? L’échantillon est-il statistiquement fiable ? Quelle est la réputation du chercheur ? Est-il connu dans la communauté professionnelle ? Qui a financé la recherche ? Les centres de recherche sérieux ne dissimulent jamais l’identité de leurs clients quand ils publient des données. Comparez les résultats de vos recherches avec d’autres données et résultats. S’ils sont très différents, les résultats doivent être remis en question.

Une trousse de secours

Ces conseils répertorient et décrivent les méthodes de manipulation de l’information les plus courantes et offrent des moyens rapides que chacun peut mettre en oeuvre pour vérifier les faits énoncés. Il s’agit d’une « trousse de vérification de secours » et un point de départ dans vos réflexions sur le traitement des fausses nouvelles.

J’invite tous les lecteurs à me partager leur avis et à enrichir ce guide. Je serai heureuse de répondre à vos commentaires par e-mail, sur Twitter ou sur Facebook.

Pour comprendre plus en profondeur comment vérifier des informations, je vous invite également à visiter la rubrique Outils sur le site StopFake.

Voir également la page outils du GIJN sur la vérification d’informations.

Cet article a été traduit par Olivier Holmey. 

Olga Yurkova est la cofondatrice du projet ukrainien de fact checking StopFake et la cofondatrice de Forbidden Facts, un projet international qui vise à décrédibiliser les fausses nouvelles et à informer sur les mécanismes qui les sous-tendent. StopFake s’intéresse aux médias qui publient dans 13 langues différentes, mène des recherches universitaires sur les fausses nouvelles et propose une formation institutionnelle. Depuis son lancement en 2014, l’organisation a vérifié des dizaines de milliers d’articles, de photos et de vidéos et a révélé plus de 3 000 cas de tromperies.

05.09.2023 à 09:40

Guide d’enquête citoyenne: Chapitre 9 – Retrouver les propriétaires de biens immobiliers

Maxime Domegni

Registres de propriété foncière : utiles mais difficiles à trouver L’enquête sur des registres de propriétaires de biens immobiliers est principalement une affaire locale. Dans certains pays, il est facile de savoir qui est propriétaire d’un terrain ou d’une maison en effectuant une recherche en ligne, mais dans d’autres, vous devrez vous rendre dans les […]
Texte intégral (885 mots)

Registres de propriété foncière : utiles mais difficiles à trouver

L’enquête sur des registres de propriétaires de biens immobiliers est principalement une affaire locale.

Dans certains pays, il est facile de savoir qui est propriétaire d’un terrain ou d’une maison en effectuant une recherche en ligne, mais dans d’autres, vous devrez vous rendre dans les bureaux de l’administration et fouiller dans les registres. Enfin, si les registres existent. Dans la plupart des régions du monde, les registres de propriété ne sont pas conservés. Ou bien ils sont confidentiels afin de protéger les propriétaires.

Les obstacles sont donc nombreux. Pour savoir quels registres sont disponibles, vous devez vous renseigner sur les lois et les règlements régissant les propriétés. Les sources potentielles sont les fonctionnaires locaux, les courtiers en immobilier et les avocats.

Dans de nombreux endroits, les « titres » fonciers sont les documents officiels sur la propriété, conservés dans les registres fonciers. Les limites et l’emplacement des terrains sont décrits dans ce que l’on appelle les registres « cadastraux ». Ces données peuvent être enregistrées combinées ou séparées. Les registres sur la valeur des terrains, les taxes, l’utilisation des terrains et les informations sur les bâtiments existent souvent ailleurs.

Ce que vous pourriez trouver

Malgré toutes les variations et complications, les registres publics gouvernementaux peuvent être des sources riches.

Vous pourriez potentiellement découvrir :

  • le nom du propriétaire ;
  • l’adresse et le numéro de la parcelle
  • la description géographique des limites de la propriété
  • la description des bâtiments et des caractéristiques de la propriété
  • le dernier prix payé pour la propriété
  • les registres des ventes antérieures ;
  • les évaluations fiscales actuelles et passées ;
  • les utilisations autorisées pour le bien et les restrictions ;
  • Les détails sur les droits et les restrictions du propriétaire sur le terrain ;
  • les privilèges placés sur la propriété par un tribunal ;
  • les litiges judiciaires concernant la propriété ;
  • les documents relatifs à la construction sur le bien, tels que les permis de construire ;
  • les prêts hypothécaires sur une propriété ;
  • les servitudes, les charges, les restrictions de droit public.

Il peut y avoir des obstacles à l’obtention d’informations. Dans de nombreux pays, les lois sur la protection de la vie privée limitent l’accès au nom du propriétaire foncier. Des frais peuvent être exigés pour obtenir l’information. L’exactitude et la qualité des informations peuvent être suspectes. La propriété réelle peut être déguisée, peut-être sous le nom d’un parent ou d’une société écran, ce qui pose un autre problème de recherche.

Où chercher ailleurs

Les registres fonciers ne sont pas les seules sources potentielles d’information.

L’examen des archives des tribunaux concernant les litiges relatifs à la propriété peut s’avérer productif.

Certains chercheurs ont eu de la chance avec les journaux officiels et les publications gouvernementales. Ils peuvent révéler des demandes de modification de l’utilisation du site et des permis de construire. Il peut exister des registres de différents types de droits fonciers, comme les droits miniers. Les informations sur l’usage agricole du site peuvent être utiles.

En plus de s’appuyer sur les registres officiels, les chercheurs suggèrent de consulter les rapports et les sites Web des entreprises, les médias, les publicités et les médias sociaux. Des images aériennes peuvent être disponibles.

Les listes de propriétés à vendre peuvent également fournir de bonnes informations. Consultez des sites nationaux tels que Zillow aux États-Unis, Loopnet.com pour les propriétés commerciales américaines, Windeed en Afrique du Sud, Lianjia en Chine, Magic Bricks en Inde, et bien d’autres encore.

Les courtiers en immobilier, les banques, les compagnies d’assurance, les avocats et autres ont tout intérêt à savoir qui achète et vend et peuvent être des sources potentielles. Les organisations non gouvernementales concernées par les questions de droits fonciers peuvent aussi être utiles.

Les visites de sites peuvent également s’avérer payantes. Que pouvez-vous voir ? Demandez autour de vous.

Pour des informations plus détaillées, consultez la page de ressources du GIJN sur la recherche de registres fonciers.

05.09.2023 à 09:35

Guide d’enquête citoyenne: Chapitre 8 – Enquêter sur des politiciens

Maxime Domegni

Enquêter sur des politiciens Il existe de nombreuses façons d’étudier les finances et le bilan politiques d’une personne engagée en politique. Les ressources officielles sont un bon point de départ. Malgré leurs limites en général, vous pouvez trouver : Des déclarations de revenus et d’actifs ; Des déclarations de financement de campagne ; Des dossiers […]
Texte intégral (2059 mots)

Enquêter sur des politiciens

Il existe de nombreuses façons d’étudier les finances et le bilan politiques d’une personne engagée en politique.

Les ressources officielles sont un bon point de départ. Malgré leurs limites en général, vous pouvez trouver :

  • Des déclarations de revenus et d’actifs ;
  • Des déclarations de financement de campagne ;
  • Des dossiers judiciaires ;
  • Des dossiers publics sur les actions en cours.

Ce chapitre se concentrera sur l’utilisation des documents officiels et suppose que vous utiliserez également Internet. Les recherches dans les médias sont évidemment une méthode clé pour se renseigner sur les discours et les interviews, ainsi que sur les articles dans lesquels le fonctionnaire a exprimé ses opinions. Mais tout n’est pas en ligne.

Hors ligne, essayez de parler avec les gens. Conseil: les opposants et les critiques peuvent être les meilleures sources d’informations critiques (mais aussi les plus suspectes).

Les déclarations de patrimoine à rechercher

Les élus d’environ 160 pays doivent divulguer certaines informations sur leurs revenus et leurs actifs financiers.

Ce qui est révélé est souvent incomplet, mais les lecteurs les plus attentifs ont trouvé de nombreuses idées d’enquêtes dans ces documents. Conseil : la comparaison entre les déclarations et la réalité peut être un terrain fertile.

GIJN a compilé les meilleures enquêtes journalistiques dans lesquelles les déclarations de patrimoine ont joué un rôle et a rassemblé certains des outils nécessaires à la recherche d’actifs cachés. Voir la ressource du GIJN sur comment enquêter avec les déclarations de patrimoine.

Malheureusement, il n’existe pas un tableau décrivant où chercher dans chaque pays, il faudra donc effectuer des recherches « locales ».

Cependant, dans une poignée de pays, des journalistes et d’autres personnes ont créé des bases de données pour améliorer les registres officiels de divulgation des avoirs et les rendre plus faciles à utiliser.

Millionaires Among the Nominees (Des millionnaires/milliardaires parmi les candidats) est un article du Centre bosniaque de journalisme d’investigation qui s’est basé sur une enquête sur les biens immobiliers de 121 politiciens locaux. Ses reporters ont compilé des informations sur les biens des candidats à partir des registres fonciers et des déclarations de patrimoine, les combinant dans une base de données des « biens des politiciens ».

Un outil astucieux développé en Australie, DisclosureBot, envoie des tweets lorsque les politiciens modifient leurs déclarations de patrimoine.

Pour en savoir plus sur les systèmes nationaux de déclaration de patrimoine et sur ce qui est disponible, recherchez les groupes de citoyens qui défendent la réforme électorale ou la transparence. Ces défenseurs d’un gouvernement ouvert peuvent être des sources fiables pour savoir qui est couvert par la règlementation autour des déclarations de patrimoine, ce qui est disponible et où le trouver.

Malheureusement, de nombreuses lois laissent la voix ouverte à l’ambiguïté et à la sous-déclaration. Ainsi, une fois que les fiches de divulgation officiels sont trouvées, il est souvent clair que ces documents doivent être considérés comme des points de départ rudimentaires.

Néanmoins, la vérification de la véracité des informations divulguées peut révéler des inexactitudes et des divergences. Vérifiez non seulement ce qui a été divulgué, mais aussi ce qui ne l’a pas été.

Autres endroits à consulter

Il existe d’autres sources qui peuvent aider à vérifier les déclarations financières des politiciens.

Les recherches dans les bases de données juridiques peuvent permettre de trouver des informations pertinentes sur les actifs. Vérifiez les procédures de divorce, les testaments et les litiges fonciers. (Voir plus loin).

Les registres de propriété peuvent également être utiles. (Voir le guide séparé sur ce sujet et les documents connexes).

Les comptes de médias sociaux des membres de la famille se sont parfois avérés utiles.

Examiner le mode de vie d’un politicien de manière plus informelle est une autre façon classique de procéder. Les dépenses excessives d’un politicien asiatique ont été révélées lorsque des observateurs ont noté le défilé de nombreuses montres coûteuses différentes à son poignet. Les photos du poignet ont été recueillies par un journaliste et publiées.

Divulgation du financement des campagnes électorales

Les registres des contributions aux campagnes électorales peuvent révéler non seulement le montant des dons, mais aussi leur origine. Il peut être révélateur de connaître les partisans d’un politicien.

Dans certains pays, la législation impose la divulgation des contributions aux campagnes électorales des candidats.

La base de données sur le financement politique de l’Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale peut fournir le contexte national. Mais elle ne fournit pas de liens vers les sites nationaux de divulgation. L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe décrit les régimes de financement des campagnes électorales dans les rapports d’observation et d’évaluation des élections réalisés par le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme.

Pour les États-Unis, les divulgations se trouvent sur le site de la Commission électorale fédérale, qui dispose d’une base de données.  Les sites opensecrets.org (du Center for Responsive Politics) et FollowtheMoney.org sont également utiles. Le site politicalmoneyline.com est également utile, mais son accès est payant.

Connaître le nom des donateurs peut soulever d’autres questions, comme leur identité et la raison de leur don.

La piste continue donc à être sinueuse. L’une des voies consiste à comparer les contributions aux campagnes avec les déclarations des lobbyistes. Dans certains pays, les lobbyistes doivent s’enregistrer et divulguer certaines informations sur leurs clients et leurs dépenses.

Documents publics sur les actions officielles

Les fonctionnaires élus, et même les fonctionnaires non élus, laissent progressivement des traces.

Celles-ci peuvent être trouvées dans des endroits aussi banals que :

  • Les publications officielles d’archives, telles que les gazettes ;
  • Les comptes rendus des procédures législatives ;
  • Les décomptes de voix ;
  • Les procès-verbaux de réunions ;
  • Les documents détenus par les agences ;
  • Les publications des agences.

Les spécificités de ces ressources varient d’un pays à l’autre. Elles ne seront pas nécessairement en ligne ou à jour. Néanmoins, elles sont substantielles et officielles.

Conseil : demandez l’aide des bibliothécaires, ils en savent beaucoup.

Dans certains pays, les documents officiels sont téléchargés et analysés. Par exemple, voir OpenAustralia.

En déposant une demande d’accès à l’information auprès d’une agence dans laquelle la personne a travaillé, on peut trouver quelque chose. (Voir la ressource sur la recherche des gouvernements).

Dossiers judiciaires et autres

Vérifiez les dossiers judiciaires pour en savoir plus sur :

  • Les litiges dans lesquels les personnes ont pu être impliquées ;
  • Les faillites ;
  • Les privilèges fiscaux ;
  • Les dossiers de divorce ;
  • Les accusations criminelles.

À partir de là, pensez à d’autres endroits où chercher.

Un chercheur vétéran de l' »opposition politique » aux États-Unis, l’ancien journaliste Alan Huffman, a déclaré dans une interview :

« Vraiment tout ce qui est public, nous allons le regarder. Si nous nous rendons au palais de justice, je m’arrête toujours pour consulter le plan du bâtiment et regarder chaque bureau de ce bâtiment. Je pense, y a-t-il quelque chose qu’ils gardent qui pourrait être éclairant ? Le bureau des permis, par exemple, si le type est un grand promoteur ou propriétaire. Nous passons en revue toute la liste à chaque fois. »

Donc, cette liste pourrait inclure :

  • Des biens immobiliers ;
  • Des dossiers militaires ;
  • La propriété de véhicules ;
  • La propriété d’avions et d’embarcations ;
  • Les entreprises possédées ou exploitées ;
  • Les licences professionnelles ;
  • La vérification de l’éducation.

Et bien d’autres choses encore. Faites appel à votre imagination !

Bases de données internationales

Les informations sur les hommes politiques se trouvent principalement dans leur pays d’origine. Il n’existe que quelques bases de données internationales gratuites d’une grande utilité.

EveryPolitician est une base de données téléchargeable sur les représentants élus du monde entier, compilée par l’organisation non gouvernementale britannique mySociety. Elle répertorie plus de 76 800 politiciens de 233 pays. Elle ne fournit que des informations très élémentaires sur les représentants, mais celles-ci comprennent parfois des adresses de médias sociaux et des informations de contact.

Pour comprendre les politiques nationales en matière de financement des campagnes gouvernementales, consultez la base de données sur le financement politique de l’Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale (IDEA). Elle décrit les politiques de financement politique de plus de 180 pays en se fondant sur les réponses à 43 questions fondamentales. Le groupe, basé en Suède, utilise quatre grandes catégories : a) interdictions et limitations des revenus privés, b) financement public, c) réglementations, et d) dépenses et rapports, surveillance et sanctions. La base de données ne renvoie pas aux ressources nationales en ligne, lorsqu’elles existent.

La base de données Investigative Dashboard Database, parrainée par le Organized Crime and Corruption Reporting Project, contient des millions d’éléments pertinents provenant de sources de données du monde entier, y compris de nombreuses informations sur les entreprises.

Il existe des services commerciaux destinés aux institutions financières et à d’autres entreprises qui ont besoin de mener des recherches de « diligence raisonnable » sur les personnes dites politiquement exposées (PPE). Ces services d’abonnement comprennent Dow Jones Risk & Compliance.

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