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14.11.2025 à 10:21

La concentration des médias en Allemagne : l'audiovisuel (3/4)

Jean Pérès
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Texte intégral (6331 mots)

Décentralisation, indépendance vis-à-vis des groupes industriels et de l'État : le paysage médiatique allemand permet, par comparaison, de montrer que la situation française n'est pas une fatalité. Mais est-ce pour autant un modèle à suivre ? On fait le point. Cette troisième partie se focalise sur le cas de l'audiovisuel.

Impossible de parler des concentrations dans l'audiovisuel allemand sans évoquer le service public, qu'il s'agisse de la radio ou de la télévision, qui capte plus de la moitié de l'audience. Mais il s'agit d'un service public décentralisé, à l'opposé de la centralisation à la française. Quant au secteur privé, il est dominé par deux groupes, RTL et P7S1, autrement dit Bertelsmann et Berlusconi.

Introduite en 1923 en Allemagne, la radio fut l'instrument-roi de la propagande nazie. En 1933, Goebbels, le ministre nazi de la propagande, déclarait que « la mobilisation générale des esprits […] est l'une des principales missions de la radiodiffusion » et que celle-ci est « le plus moderne et le plus important des instruments pour influencer les masses » [1]. Elle est alors écoutée à travers 4 millions de récepteurs (Volksempfänger, soit Récepteur du peuple, qui fut à la radio ce que la Volkswagen fut à l'automobile), puis 16 millions en 1943 (récepteur encore plus performant et moins onéreux, le DKE38, appelé ironiquement par la population « La gueule de Goebbels », qu'on y entendait très souvent). Seul média à même de s'adresser à l'ensemble de la population (la télévision est alors balbutiante), la radio est contrôlée et utilisée par les forces d'occupation de 1945 à 1955. Elle est animée par de jeunes journalistes, mais aussi, faute de personnel qualifié, par d'anciens partisans du nazisme. Le modèle, inspiré de la BBC, dessinait une radio indépendante de l'État et des partis politiques [2] – alors qu'en France, dès la Libération et malgré le projet du CNR, la radio et la télévision furent sous monopole d'État (jusqu'en 1986).

Un audiovisuel public fort, décentralisé et indépendant

En fait, c'est aux Länder que les Alliés vont confier le monopole de la diffusion radiophonique. Dès 1950, la création de l'ARD [3] définissait pour la radio un statut de droit public régional indépendant de l'État fédéral. En 1955, sept ans après les journaux, la radio passe à son tour sous souveraineté allemande, et y restera, de même que la télévision par la suite, sous cette forme de service public régional où chaque Land apporte sa contribution à la conception et la réalisation des programmes et émissions diffusés. Même les programmes à diffusion nationale sont assurés par les 9 instituts régionaux de l'audiovisuel qui produisent aussi des programmes régionaux (appelés Troisième chaîne : Dritten Programme). Cette structuration fut confirmée en 1961, par le jugement du Tribunal constitutionnel fédéral sur le projet de « télévision Adenauer ». C'est à la suite de ce jugement que fut créée la deuxième chaîne publique, ZDF [4], gérée et contrôlée de la même façon que l'ARD, par les régions, mais sans la radio et centralisée.

Ainsi, « pendant plus de vingt ans [en fait, 30 ans, ndlr], la télévision et la radio furent exclusivement organisées par des institutions de droit public. Il n'y avait de place ni pour une radio privée – comme par exemple Radio Luxembourg ou les chaînes de télévision anglaises –, ni pour une radio contrôlée par l'État ou le gouvernement comme en France ou en Italie. » [5]

Jusqu'en 1986, les auditeurs et téléspectateurs allemands ne connurent que les télévisions et radios publiques gérées au niveau des Länder. Pendant la même période, en Allemagne de l'est, la radio de propagande nazie était devenue la radio de propagande du SED, le parti communiste unique au pouvoir.

Contrairement à la France qui a vendu, scandale unique au monde, sa première chaîne publique au privé (au bétonneur Bouygues), les deux premiers groupes audiovisuels allemands (ARD-La Première pour la radio et la télévision, ZDF-La Deuxième pour la seule télévision) sont demeurés publics jusqu'à aujourd'hui. Bénéficiant d'une redevance due par chaque habitant et parmi les plus élevées au monde [6], l'audiovisuel public allemand capte une part d'audience record : 50,5 % pour la radio ARD contre 31,9 % pour Radio France, 55,4 % pour les chaînes de télévision publiques allemandes, contre 29 % pour France Télévisions (chiffres 2024) [7]. La redevance est révisée tous les quatre ans par les Länder réunis. Elle contribue pour 85 % du budget des deux chaînes, la publicité pour autour de 6 % [8].

Une mission démocratique

Dans son jugement de rejet de la « télévision Adenauer », le Tribunal constitutionnel fédéral déclare que la télévision « est plus qu'un simple "medium" dans la formation de l'opinion publique ; elle en est bien plutôt un "facteur" éminent », et pas seulement dans les émissions politiques, car « la formation de l'opinion se fait également par le biais des pièces radiophoniques, des concerts, des retransmissions de spectacles de café-concert et de chansonniers, jusqu'à la mise en forme même d'une émission » [9]. On ne saurait mieux dire. La radio et la télévision publiques se trouvent ainsi investies d'une véritable mission démocratique et doivent pour cela demeurer à bonne distance de l'État et des partis politiques. C'est du moins ce qu'affirme le Tribunal constitutionnel : « L'art. 5 […] exige que cet instrument moderne de la formation de l'opinion ne soit livré ni à l'Etat, ni à un seul groupe social. »

Dès lors, chaque Land dispose d'un système public de diffusion – qui doit rester indépendant de l'État fédéral et être administré par des conseils de l'audiovisuel (Rundfunkrat) où siègent des représentants des « groupes importants pour la société » dont les principaux partis politiques, syndicats, fédérations professionnelles, églises, associations, etc., choisis par les parlements des Länder [10]. Ces représentants sont élus ou nommés par leur organisme. Ce système s'est également peu à peu imposé dans les Länder issus de la RDA.

Ainsi par rapport à la France, l'Allemagne possède un audiovisuel public fort (en termes de financement et d'audience), décentralisé (la législation sur l'audiovisuel étant de la compétence exclusive des Länder) et en principe « indépendant » ou « distant » de l'État par un financement sous forme de redevance fixée par les Länder réunis, et une gestion assurée par la société civile. La presse allemande use d'ailleurs du terme plutôt péjoratif Staatsrundfunk (« audiovisuel d'État ») pour désigner les médias publics d'autres pays du monde, dont la France, perçus comme plus dépendants de l'État.

Hélas, la pratique n'a pas été à la hauteur de ces beaux principes. On se doute que les acteurs politiques n'ont pas apprécié d'être mis à l'écart par les Alliés des instances de décision de l'audiovisuel public. Ils n'eurent de cesse de chercher à influencer, à noyauter les organes de décision, c'est-à-dire les conseils de l'audiovisuel de l'ARD et le conseil de télévision de ZDF. Les partis politiques dominants, SPD et CDU-CSU, les représentants du gouvernement ou du parlement des Länder (considérés comme partie de l'État) et même l'État fédéral prennent une place prépondérante au sein des conseils de l'audiovisuel, au point qu'un arrêt du Tribunal constitutionnel de 2014 limite la place des partis à un maximum d'un tiers des membres des conseils. Mais il ne semble pas que cela ait suffi à résoudre le problème, car les autres représentants de la société civile aux conseils sont souvent associés aux partis politiques. Le système rôdé des « proporz » perdure, où le SPD et la CDU/CSU se partagent les sièges de direction, ce qui a pour effet de réduire considérablement l'influence de la société civile en tant que telle, et de marginaliser l'influence des autres forces politiques. Sans parler d'une certaine sélectivité dans le choix par les parlements des « groupes importants pour la société ». Le schéma d'indépendance vis-à-vis des partis et de l'État serait plutôt, selon Valérie Robert, un mythe professionnel [11].

Il n'empêche que le succès des chaînes publiques est constant et suscite bien des convoitises. L'Alternative für Deutschland (AfD), parti d'extrême droite en pleine ascension, souhaite leur privatisation (tout comme le RN en France) et le parti libéral Freie Demokratische Partei (FDP), celle de la seule deuxième chaîne. Une certaine usure d'un service public de quelque 70 ans, et quelques scandales aidant, notamment sur le montant des salaires et les abus de pouvoir des dirigeants, une réforme importante est en cours depuis plusieurs années : rationalisation, modernisation, numérisation, coopération, mais sa mise en œuvre est assez laborieuse, étant donné le succès persistant des chaînes publiques et la résistance des Länder, peu tentés de céder sur leur compétence médiatique.

Des médias privés indépendants de l'État mais régulés

Les médias audiovisuels privés allemands sont également sous la surveillance d'une autorité de régulation (Landesmedienanstalten) dans chaque Land, également composée de représentants de la société civile (de 30 à 60 personnes) qui sont élus par le parlement du Land. Bien que ce soit souvent à la majorité des deux tiers, le rôle des partis peut être ici important, comme dans le cas des conseils de l'audiovisuel. L'autorité de régulation élit son président qui est son représentant légal pendant six ans. Au total, il existe 14 autorités régulatrices qui veillent au respect du pluralisme, à l'affectation des stations de radio et des chaînes de télévision, à la protection des jeunes, etc. Ces autorités sont néanmoins regroupées dans des commissions centrales, dont une est chargée spécifiquement du contrôle des concentrations : la KEK [12], qui s'ajoute à l'autorité de la concurrence qui intervient en cas de rachats dans le secteur des médias. Ces commissions centrales réunissent 6 présidents des autorités régionales des médias élus par leurs pairs, et 6 experts des médias, souvent des juristes, choisis par les présidents des Länder. A priori, elles semblent très différentes d'une institution comme l'Arcom française, organisme de composition très politique [13], chargée notamment du contrôle des concentrations des médias audiovisuels.

L'ouverture des ondes au secteur privé, en 1986, a provoqué une forte mobilisation des groupes de presse très intéressés à l'idée de se faire une place dans l'audiovisuel. Ceux qui éditent surtout de la presse quotidienne, déjà fortement implantés localement, ont investi les entreprises radiophoniques à vocation locale, tandis que les groupes de presse à dominante de magazines, à vocation nationale et plus sensibles à l'image, ont plutôt investi la télévision [14].

Le dispositif de contrôle des concentrations : le « pouvoir d'opinion »

Comme pour la presse écrite, la concentration des médias audiovisuels allemands est limitée. Depuis 1976, des contrôles interviennent pour des opérations de concentration dont les parties ont un chiffre d'affaires cumulé inférieur au 1/8e du plafond de 500 millions d'euros appliqué aux autres entreprises, soit 62,5 millions d'euros (2021). C'est moitié moins de ce qui est exigé pour les opérations des entreprises de presse. Cette disposition, plus restrictive que pour la presse écrite, s'inscrit dans une évaluation de ce que les Allemands appellent le « pouvoir d'opinion », plus important selon eux dans les médias audiovisuels que dans la presse, et de ce fait à contrôler davantage.

La loi française prévoit des seuils de concentration par type de média, presse, radio, télévision. Ces seuils ne sont pas très contraignants, c'est le moins qu'on puisse dire. Par exemple, un seul propriétaire ne peut posséder que 49 % maximum d'une chaîne de télévision dont l'audience dépasse 8 %, sans limite supérieure. En Allemagne c'est la limite de 30 % d'audience qu'un seul propriétaire de chaîne de télévision ne peut pas dépasser. Mais de plus, et c'est là toute l'originalité du système allemand, cette audience est calculée sur l'ensemble des intérêts médiatiques dudit propriétaire, tous types confondus.

Par exemple, en 2006, lorsque le groupe Springer a voulu acquérir le groupe audiovisuel P7S1, la KEK a refusé le rachat : en additionnant les parts d'audience du groupe Springer dans la presse écrite (notamment le Bild) et les parts d'audience télévisuelles du groupe P7S1, la fusion des deux groupes aurait représenté une part d'audience de 42%, supérieure au seuil maximal de 30 % défini dans l'accord entre les Länder. La KEK a ainsi évalué le « pouvoir d'opinion » total du groupe en prenant en compte les différents types de médias détenus, ici presse et TV (concentration horizontale) [15]. Mais elle peut aussi, du fait de l'importante marge d'appréciation qui lui est laissée, prendre en compte tout « marché lié aux médias » y compris en amont et en aval de la chaîne de production ou de distribution de programmes (concentration verticale) ou encore ses éventuelles participations dans des sociétés avec lesquelles elle n'a pas de relations client-fournisseur (concentration diagonale). En France, en revanche, aucune loi n'aurait empêché une telle fusion : la seule qui règlemente les concentrations horizontales pluri-médias (la règle dite des « deux sur trois ») définit des seuils tellement élevés qu'elle n'empêche aucune concentration [16].

Une autre disposition originale de la loi allemande en faveur du pluralisme : la règle des « tiers indépendants » (Drittanbieter). Lorsqu'une entreprise de médias détenant une chaîne généraliste ou spécialisée détient une part d'audience annuelle de plus de 10 %, elle doit accorder, à ses frais, un temps d'antenne à des tiers indépendants, c'est-à-dire d'autres groupes audiovisuels qui ont une audience faible. Cette « fenêtre » ne peut être inférieure à 260 minutes dont 75 à une heure de grande écoute (entre 19h et 23h30). Des programmes régionaux sont éligibles à ces fenêtres à raison de 150 minutes par semaine. Actuellement, ces fenêtres sont ouvertes par RTL, P7S1, et Vox (filiale de RTL). Bien sûr, cette disposition a fait l'objet de vives protestations, mais elle a fonctionné et fonctionne toujours, même si on peut trouver contestable que RTL diffuse ainsi Spiegel.tv, alors que le propriétaire de RTL, Bertelsmann, l'est aussi en partie (à 25 %) de Spiegel.tv. Il n'empêche que le dispositif permet à des programmes de petites chaînes et de chaînes régionales de toucher un large public.

Transparence sur la concentration des médias

Les autorités régulatrices des Länder publient conjointement, tous les trois ans, un rapport sur le développement de la concentration dans les médias et sur les mesures visant à assurer le pluralisme dans l'audiovisuel privé. Pour ce faire, elles tracent précisément les structures de propriété des groupes de médias dans une base de données publique – tout changement devant obligatoirement leur être notifié – puis elles calculent un « pouvoir d'opinion » pour chaque groupe en agrégeant les parts d'audience des différents médias détenus, pondérées par le poids du support (TV, radio, presse…) dans l'influence sur l'opinion [17]. Enfin, un tableau de bord de la concentration des médias est mis à jour régulièrement pour permettre à quiconque de suivre graphiquement la plupart des groupes et des médias, leurs détenteurs, leurs pouvoirs d'opinion respectifs... Bref, un travail comparable, moins beau graphiquement mais plus détaillé, à celui que font Le Monde diplomatique et Acrimed avec la carte « Médias français, qui possède quoi ? », est réalisé outre-Rhin par des autorités publiques mandatées pour cela.

On notera que l'évaluation du « pouvoir d'opinion », même si son calcul est relativement complexe, est tout à fait pertinente pour mesurer l'influence, non pas d'un ou plusieurs médias, mais d'un groupe médiatique entier, avec toutes ses ramifications. Ce que le dispositif français ne permet de toute évidence pas.

Selon le critère du « pouvoir d'opinion », tous médias confondus, les dix plus gros groupes de médias concourent pour 64,8 % à la formation de l'opinion allemande. Dans l'ordre : ARD (20,3%), Bertelsmann (11 %), ZDF (7,4%), Springer (6,8%), P7S1 (5,1%), Burda (3,5%), Funke (3,1 %), Madsack (2,9%), Medien Union (2,4%) et Bauer (2,3). Soit 27,7 % pour le public et 37,1 pour le privé. Ainsi, les médias hors des dix groupes majeurs contribuent-ils pour 35,2 % à la formation de l'opinion.

En résumé, la concentration des médias privés est du même ordre en Allemagne qu'en France dans le domaine de la presse, c'est-à-dire très forte ; elle est inférieure en Allemagne dans l'audiovisuel, surtout dans la radio, où elle est relativement faible, et aussi dans la télévision, à un degré moindre, alors que le service public de la radio et de la télévision attire plus de la moitié de l'audience.

Jean Pérès


Annexe : Panorama des concentrations

- Concentrations dans la radio [18]

Cela donne, pour la radio, un grand éparpillement des unités de diffusion et des propriétaires, parmi lesquels on retrouve les Springer, Madsack, Funke, SWMH (Südwestdeutsche Medien Holding), etc., mais chacun pour un pourcentage minime de la diffusion (entre 0,8 et 2%) dominée, rappelons-le, à plus de 50 % par le groupe public régional ARD.

Le plus gros propriétaire privé à ce jour est le groupe Regiocast (6,5 %), qui possède 4 radios et participe à une douzaine d'autres dans divers Länder. Ses principaux actionnaires viennent du Nouveau journal d'Osnabrück (Basse Saxe) et sont accompagnés d'une flopée de petits actionnaires parmi lesquels on retrouve les grands groupes de presse ou leurs propriétaires à titre individuel. Le deuxième groupe est Bertelsmann (5,1 %), et le troisième Müller Medien (4,7 %), groupe familial fortement implanté en Bavière et en Autriche.

La radio la plus importante est Radio NRW de la Rhénanie du Nord-Westphalie (6 % de l'audience), qui alimente 45 stations de radio du Land. Son actionnaire principal à 59 % est Pressefunk Nordrhein Westfalie, lui-même possédé par le groupe Funke (21,7 %) suivi de Springer (12,4 %) suivi de DuMont Schauberg (9,9 %), et parmi les petits actionnaires, on retrouve la société d'édition du SPD ; son deuxième actionnaire est RTL, c'est-à-dire Bertelsmann, à 12,6 %. Radio NRW possède aussi, avec Antenne NRW, elle-même filiale à 100 % d'Antenne Bayern Gmbh, société bavaroise, une radio privée diffusée sur tout le pays : NRW1.

Dans la partie privée du paysage radiophonique allemand, les 4 premiers groupes (Regiocast, Bertelsmann, Müller, Nordwest Medien) occupent 19,2 % de l'audience, soit bien moins que les 4 premiers français qui en recueillent 46 %. Le paysage radiophonique privé allemand, relativement peu concentré en lui-même, peut être considéré comme une extension des groupes de presse, surtout quotidienne, dont la présence se manifeste par une véritable toile d'araignée de participations croisées.

- Concentrations dans la télévision [19]

Pour ce qui est de la télévision, le 1er janvier 1984, sous l'impulsion de la CDU (parti démocrate chrétien) et du chancelier Kohl, la première télévision privée, SAT1, est créée par une association d'une dizaine de groupes de presse, et surnommée pour cela « La chaîne des patrons de presse » [20]. On y reconnaît, entre autres, Springer, Burda, Holzbrinck, Bauer, Funke. Mais le SPD, partisan du monopole public, bloque la chaîne dans les Länder où il domine. En retour, la CDU bloque la perception de la redevance dans ses Länder. Situation pour le moins tendue, d'autant plus qu'à la concurrence public-privé et SPD-CDU s'ajoute celle entre groupes privés avec la diffusion dès le 2 janvier 1984 (lendemain du lancement de la première), d'une deuxième chaine privée, RTL+, chaîne luxembourgeoise émettant en Allemagne, dont Bertelsmann possède 40 % des actions.

Les deux chaînes privées, SAT1 et RTL+, très déficitaires dans les premiers temps, se disputent farouchement les canaux analogiques distribués par la Bundespost, et les opportunités ouvertes par le satellite et le plan câble, alors que les foyers allemands s'équipent en récepteurs de télévision. La Convention d'État pour la réorganisation des médias, signée en 1986 par les représentants des 11 Länder apaise les tensions en répartissant les canaux entre les chaînes [21]. Mais la guerre continue de faire rage dans le secteur privé, principalement entre les deux dominants, Bertelsmann et Springer.

La période de 1987 à 2002 où sera mise en place la télévision que nous connaissons aujourd'hui, sera dominée par l'ascension et la chute de Léo Kirch, surnommé le « nouvel Hugenberg », que nous avons évoquées dans un article précédent, en raison de l'immensité de son empire médiatique.

Les années qui suivent sont marquées par l'échec de Springer, qui rêvait d'un groupe de médias associant presse et télévision. Sa tentative de racheter la deuxième chaîne privée, ProSiebenSat1, ex propriété de Kirch, a été retoquée par la Commission de contrôle des concentrations (KEK) en 2005 pour la raison que cette chaîne lui aurait conféré une position dominante. Par la suite, cette deuxième chaîne privée, après un parcours chaotique entre fonds d'investissement anglais et américains, tombe en 2014 dans les bras de Berlusconi et sa société Mediaset. Laquelle, rebaptisée MediaForEurope (MFE) en 2021, devient l'actionnaire principal de la chaîne avec 29,9 % du capital. MFE ambitionne de devenir un acteur européen capable d'affronter les Gafam, notamment Netflix et Amazon. Avec 7 041 salariés (2024), P7S1 affiche un CA de 3,9 milliards d'euros (2024).

Quant au groupe Bertelsmann, après son développement dans plusieurs domaines, édition, librairie (France Loisirs), musique (Ariola), presse magazine et quotidienne (Grüner + Jahr), cinéma (UFA), en 1997 il fusionne sa filiale l'UFA Film avec la Compagnie Luxembourgeoise de Télédiffusion (CLT), dont il est devenu l'actionnaire principal. Ensuite, la fusion de CLT-UFA avec l'anglais Pearson TV en 2000 marque le début de RTL Group. Malgré la crise d'endettement qui frappe les entreprises de médias au début des années 2000 (pour rappel, Vivendi et Kirch se sont effondrés en 2002), Bertelsmann, alors qu'il prend des mesures de sauvegarde de son empire, continue de monter au capital de RTL Group. En 2013, ses parts s'élèvent à 75,1 %.

Durant l'exercice 2019, RTL Group a réalisé un chiffre d'affaires de 6,7 milliards d'euros pour un bénéfice de 1,1 milliard d'euros. Les recettes proviennent essentiellement de la publicité (44 % télévision, 4 % radio), des productions audiovisuelles (22 %), des activités numériques (16 %) et des plateformes (6 %). RTL Group a réalisé 32 % de son chiffre d'affaires en Allemagne, 22 % en France, 16 % aux États-Unis, 8 % aux Pays-Bas, 4 % en Grande-Bretagne et 3 % en Belgique.

Springer doit se contenter de deux chaînes de télévision, Welt et N24 réalisant respectivement 0,1 et 0,3 % d'audience, alors que Bertelsmann et Berlusconi dominent largement la télévision privée.

Les deux groupes publics ARD et ZDF, ainsi que les groupes privés Bertelsmann (RTL) et P7S1 sont les principaux groupes de télévision du pays. À eux quatre, ils détiennent 88 % des parts d'audience de la télévision.

Les deux groupes privés, Bertelsmann-RTL et P7S1 détiennent à eux seuls 36,9 % de l'audience TV (contre 39,6 % en France pour Bouygues et Bertelsmann-M6). Tandis qu'en Allemagne, 5 groupes privés détiennent 45,4 % des audiences des chaînes généralistes, ils en détiennent 56,2 % en France. On constate donc une forte concentration des médias audiovisuels privés dans les deux pays, et plus accentuée en France.


[1] Cité dans Isabelle Bourgeois, « La télévision allemande, une indépendance structurelle », Le Temps des Médias, n°13, hiver 2009-2010, p. 29.

[2] Klaus Wenger, « La radio, une contribution à la culture politique », in Matériaux pour l'histoire de notre temps, n°55-56, 1999, p. 78-82.

[3] Arbeitsgemeinschaft der Rundfunkanstalten der BRD - Communauté de travail des organismes radiophoniques de la RFA.

[4] Zweites Deutsches Fernsehen.

[5] Klaus Wenger, op. cit.

[6] 220 euros par an ; France : 138 euros en 2021.

[7] Pour l'Allemagne : Medienvielfaltsmonitor ; pour la France : Médiamétrie.

[8] La publicité est interdite sur les chaînes publiques à partir de 20h, ainsi que les dimanches et jours fériés, et limitée à 20 minutes par jour. Contrairement à la pratique française, les parrainages sont également interdits.

[9] Isabelle Bourgeois, op. cit., p. 31.

[11] Valérie Robert, La presse en France et en Allemagne. Une comparaison des systèmes, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2011.

[12] Kommission zur Ermittlung der Konzentration im Medienbereich - Commission de contrôle de la concentration dans le domaine des médias.

[13] Le collège de l'Arcom comprend neuf membres : trois désignés par le président du Sénat, trois par le président de l'Assemblée nationale, deux respectivement par le Conseil d'État et la Cour de cassation, tandis que son président est nommé directement par le président de la République.

[14] Isabelle Bourgeois, « Les médias dans l'Allemagne unie. De l'unification démocratique à la normalisation du marché », Regards sur l'économie allemande, n°98-99, 2010, p. 63-78.

[15] « La concentration des médias », Étude de législation comparée n°302, juillet 2022, Sénat.

[16] Le rachat de M6 par TF1 aurait porté l'audience cumulée des deux chaînes à 37,5 %, et encore davantage en comptant les autres chaînes des deux groupes sur la TNT. Mais du moment que le nouveau propriétaire, TF1, n'eut possédé que moins de 49 % du capital de la nouvelle chaîne, l'Arcom n'aurait rien eu à dire. C'est l'Autorité de la concurrence qui a opposé son véto pour entrave à la concurrence sur le terrain publicitaire.

[17] Ce poids est évalué chaque année par la KEK sur la base de questionnaires et fait l'objet d'un rapport dédié. En 2024, il est évalué à l'échelle nationale à : 35 % pour les sites d'informations en ligne, 28 % pour la télévision, 17 % pour la radio, 16 % pour la presse quotidienne, et 4 % pour les magazines (chiffres arrondis au plus proche).

[19] Cf. pour les données d'audience : Medienvielfaltsmonitor (Moniteur du pluralisme des médias) pour l'Allemagne et Médiamétrie pour la France.

[20] Jacques Mousseau, « La télévision en République fédérale d'Allemagne », Communication et langages, n°77, 3ème trimestre 1988, p. 94.

[21] Jaques Mousseau, op. cit., p. 97.

12.11.2025 à 10:00

« Entrisme iranien » : l'actualité, ça se façonne

Jérémie Younes
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Texte intégral (1456 mots)

En mai, nous revenions sur la saturation médiatique autour d'un rapport sur « l'entrisme frériste ». Six mois plus tard, c'est un nouveau rapport sur « l'entrisme iranien » qui est mis à l'agenda. Avec, pour le moment, un peu moins de succès…

Les rapports sur « l'entrisme islamiste » se suivent et se ressemblent. Leur promotion médiatique également ! Souvenez-vous : il y a quelques mois, un rapport catastrophiste sur « l'entrisme des Frères musulmans » nous prévenait, à la Une du Figaro, que l'organisation islamique avait infiltré les moindres aspects de notre société afin « d'imposer la charia en France ». Rebelote ces derniers jours avec un nouveau rapport, cette fois sur « l'infiltration en France de la République islamique d'Iran ». Décidément… À nouveau, c'est Le Figaro qui se charge de la promotion de l'œuvre (29/10) : « Espions, agents d'influence, proxies... Ce rapport alarmant qui dénonce l'entrisme iranien en France ».

Ce nouveau rapport, pas plus scientifique que le précédent, est coordonné par un journaliste, le franco-iranien Emmanuel Razavi, qui collabore avec Valeurs Actuelles, Franc-Tireur, Paris Match, Atlantico, et intervient régulièrement sur CNews, Europe 1 et Sud Radio. La commande du rapport est elle aussi bien située : l'exposé de 85 pages a été produit à la demande de « France2050 », un tout nouveau think tank présidé par un maire LR, Gilles Platret : « Le premier rapport du think-tank France2050 est un véritable pavé dans la mare politique et diplomatique », explique ainsi Le Figaro.

Hélas, le pavé va faire « plouf ». Contrairement à son équivalent fonctionnel sur les Frères musulmans, qui s'était retrouvé partout dans la presse en un instant, le « rapport » sur l'infiltration de la République islamique d'Iran ne va pas connaître un immense succès médiatique, et seule la presse de droite et d'extrême droite va s'en faire l'écho. C'est d'abord L'Express (29/10), qui nous apprend que les mollahs « visent particulièrement le milieu étudiant », puis le JDD (30/10), qui évoque un « rapport choc » et une infiltration « d'ampleur qu'on ne veut pas voir ». Dans son papier, le JDD mentionne notamment le président du centre Franco-Iranien de Paris, qui dirigerait selon le rapport un « réseau d'influence » afin de « recruter des agents » [1]. Valeurs Actuelles entre dans la danse le lendemain (31/10) : « "La mécanique du chaos" : l'entrisme iranien en France dévoilé dans un rapport alarmant ». Europe 1 parle elle d'un rapport « extrêmement inquiétant » et invite son auteur Emmanuel Razavi (31/10), quelques jours après son passage sur le plateau de CNews (29/10). Mais nous sommes deux jours après la publication du « rapport », et l'information est déjà en voie d'extinction.

C'était sans compter Le Parisien, qui, le 3 novembre, propulse le sujet en Une.

Dans son papier, le journaliste Thomas Poupeau amalgame dans le même élan le rapport sur « l'entrisme frériste », le dernier rapport sur l'entrisme des mollahs, et la commission parlementaire « sur de potentiels liens entre organisations politiques et réseaux islamistes », pour parler d'une menace globale : « L'islam radical à l'assaut de la France ? » À défaut d'éléments probants, le journaliste est quand même obligé d'indiquer dès le chapô que « la menace est difficile à jauger »…

Comment un obscur rapport d'un obscur think tank a-t-il pu faire la Une du Parisien ? Le curriculum du journaliste et coordinateur du rapport donne sans doute une piste ; les synergies idéologiques entre les médias Bolloré et les médias Arnault en suggèrent une autre. Quoi qu'il en soit, le pouvoir de prescription du Parisien sur les autres médias va jouer à plein… et « l'actualité » connaît une deuxième vie.

CNews en remet une couche le jour même (3/11) : « Islam radical : un rapport alerte sur l'"infiltration" de l'Iran en France pour "exporter la révolution islamique" ». LCI n'est pas en reste, et c'est sa chroniqueuse Abnousse Shalmani qui se charge de nous dire « la vérité sur l'infiltration de l'Iran en France » dans l'émission « 24h Pujadas » (3/11).

Le Point est au rendez-vous le lendemain (4/11), avec un article signé Bartolomé Simon et Erwan Seznec : « L'inquiétante stratégie d'influence iranienne en France dévoilée dans un rapport ». Le papier parle d'« une "pieuvre" iranienne déployant ses tentacules via des réseaux d'influence », mais là encore, les journalistes sont obligés de modérer dès le chapô : « Une mission d'enquête […] alerte sur les ingérences iraniennes. Elles sont difficiles à mesurer. » Peu importe, BFM-TV pose aussi sa pierre à l'édifice en recevant Gilles Kepel. Dans sa première question, Apolline de Malherbe n'indique pas aux téléspectateurs la provenance du rapport, commandé par un think tank de droite à un journaliste de droite, et se contente de dire « qu'il a été remis ce matin au Premier ministre et au président du Sénat » – ce qui, on le comprend, confère à ce travail une forme d'officialité.

Au bout de quelques minutes, l'interview dérive sur « l'islamo-gauchisme », qui serait né en Iran : « C'est quoi l'islamo-gauchisme, qu'est-ce que vous appelez l'islamo-gauchisme ? » relance Apolline de Malherbe, intéressée : « C'est l'alliance entre l'extrême gauche et les militants islamistes. C'est ce qui s'est créé en Iran […] », répond Kepel. Et Malherbe de résumer : « […] les islamistes chercheraient un peu comme les coucous à utiliser les nids politiques pour y mettre leurs propres œufs… » Sur CNews (4/11), c'est le chroniqueur Gilles-William Goldnadel qui complète le tableau : « On connaissait les liens de LFI avec le Hamas et la dictature algérienne, maintenant on accuse certains de ses membres d'être des agents de l'Iran. » L'avocat ne se risquera toutefois pas à lâcher de noms…

***

On l'a vu, si le « rapport » sur l'entrisme iranien n'a pas réussi à « percer » la bulle médiatique droite-extrême droite, il a tout de même connu une belle floraison éditoriale dans celle-ci, et avec elle, son lot de commentaires outranciers. Il est intéressant d'observer sur ce cas les synergies entre les différents titres de la presse des milliardaires : l'actualité fut forgée par la presse Dassault (Le Figaro), martelée par la presse Bolloré (JDD, Europe 1, CNews), puis réanimée par la presse Arnault (Le Parisien) alors qu'elle était en train de s'éteindre, sans avoir réussi à se répandre. Les rapports sur « l'entrisme islamiste » se suivent et se ressemblent, mais leur succès varie en fonction du reste de l'actualité ou du sérieux que peuvent leur conférer les journalistes…

Jérémie Younes


[1] Mais commet une erreur dans son prénom...

10.11.2025 à 12:21

La concentration des médias en Allemagne : la presse écrite (2/4)

Jean Pérès
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Texte intégral (5835 mots)

Décentralisation, indépendance vis-à-vis des groupes industriels et de l'État : le paysage médiatique allemand permet, par comparaison, de montrer que la situation française n'est pas une fatalité. Mais est-ce pour autant un modèle à suivre ? On fait le point. Cette deuxième partie se focalise sur le cas de la presse écrite.

Le marché de la presse allemande est à tous points de vue beaucoup plus important que le marché français. Il est le cinquième mondial et le premier européen. On y compte 319 journaux quotidiens (78 en France) avec un tirage de 12 millions d'exemplaires (7 millions en France). Le réseau de distribution est le plus dense du monde avec 116 000 points de vente (20 000 en France) [1]. Les cinq plus gros groupes de presse figurent parmi les plus prospères du monde avec des chiffres d'affaires dépassant le milliard d'euros, alors que le premier groupe français, le groupe Sipa Ouest-France, affiche en 2022 un CA de 560 millions d'euros. Les magazines allemands ne sont pas en reste, plus nombreux, plus lus et plus rentables que leurs homologues français, surtout en matière d'information politique et générale, avec des publications comme Der Spiegel ou Die Zeit [2].

Les journaux allemands bénéficient d'une forte adhésion de la population à la presse papier et aux informations régionales. De plus, la grande majorité des lecteurs sont abonnés (91 % contre 46 % en France) et reçoivent leur quotidien à domicile par portage, ce qui assure une grande souplesse de gestion aux entreprises de presse et un glissement plus facile vers un abonnement à la version numérique lorsque celui-ci est proposé. Ainsi, sur de telles bases, si la presse allemande connaît, comme les autres, une crise très importante depuis deux décennies, elle résiste mieux. Bien que les ventes de journaux aient été divisées par deux en 27 ans (1995-2022), elles restent très supérieures à celles des autres pays européens.

L'après-guerre et le retour des collaborateurs

À l'issue de la Deuxième Guerre mondiale, les journaux français qui avaient collaboré, c'est-à-dire la grande majorité d'entre eux, furent mis sous séquestre et remplacés par les journaux de la Résistance. Le programme allemand était comparable : « Quiconque s'était politiquement compromis depuis 1933 ne devait plus jouer de rôle dans la presse et, en règle générale, même les noms de journaux en usage avant 1933 ne furent pas réadmis. On voulait voir agir des noms entièrement nouveaux et des hommes neufs. » [3] Sous séquestre également, les journaux allemands furent attribués par les puissances occupantes sous forme de licences accordées à des individus non compromis avec le nazisme. Les Alliés contrôlaient, chacun à leur façon, les publications, tout en éditant aussi leurs propres journaux, dont certains continuèrent de paraître par la suite (Die Welt, notamment, créé par les Britanniques). À la fin 1948, il y avait ainsi 140 journaux tirés à 14 millions d'exemplaires [4].

En 1949, les contrôles cessèrent et la liberté de la presse fut rétablie, ouvrant la voie à 400 publications supplémentaires [5]. Parmi elles, nombre de journaux d'avant-guerre, compromis avec le nazisme, refirent surface. Certains d'entre eux avaient survécu à la fin de la guerre, grâce notamment aux lucratives petites annonces, mais surtout la plupart des imprimeries demeuraient leur propriété, leur conférant, en ces temps de fortes difficultés économiques, un avantage substantiel sur leurs concurrents. D'autant qu'à la fin des années 1940, la lutte contre les résidus du nazisme cédait peu à peu le pas, sur le plan idéologique, à la lutte contre le communisme soviétique, inaugurant la guerre froide [6]. D'où un certain laxisme vis-à-vis des ex-collaborateurs. Quant à la zone occupée par les soviétiques, le contrôle centralisé de la presse passa sans transition des nazis aux nouvelles autorités.

80 ans après, on constate que les détenteurs des 10 plus importants groupes de presse furent (eux-mêmes ou leurs aïeux) membres du NSDAP, le parti nazi, parfois à des postes importants [7] ou bien ont participé à la propagande du régime [8]. En 2006, la plus vieille maison d'édition allemande, DuMont Schauberg, a défrayé la chronique en devenant actionnaire du journal israélien Haaretz, le propriétaire du groupe étant le fils d'un zélé nazi. On constate ainsi, à partir de 1949, un retour en force des anciens propriétaires de journaux, voire anciens partisans des nazis, par un de ces retournements dont la classe dominante a le secret.

Dans les années suivantes, les concentrations dans la presse, comme dans l'ensemble de l'économie allemande (au cours de ce que l'on a appelé « le miracle économique »), se feront à un rythme quasi continu jusqu'à l'année 1976. Selon Manfred Kötterheinrich [9], déjà entre 1954 et 1964 le nombre de quotidiens passe de 1 500 à 1 409 et celui des rédactions autonomes de 225 à 185.

Les rédactions autonomes de moins en moins nombreuses

Une bonne mesure de la concentration des journaux et de ses effets sur le pluralisme réside dans l'évaluation du nombre de rédactions autonomes. Par « rédaction autonome », on entend une rédaction qui couvre par ses propres journalistes l'ensemble des rubriques d'un journal. Les journaux achetés sont la plupart du temps privés de la couverture des questions de politique nationale et internationale, qui leur est livrée pour ainsi dire « clé en main » par le groupe propriétaire [10], et se voient cantonnés aux actualités locales, avec nombre de licenciements à la clé [11]. Même indépendants économiquement, de nombreux journaux achètent à d'autres les articles de politique générale, ne gardant qu'une rédaction locale. Un pluralisme de façade peut ainsi cacher de fortes concentrations internes [12].

Le nombre de rédactions autonomes en Allemagne a chuté de moitié entre 1954 et 1976, période de fortes concentrations [13]. En 1976, pour y mettre un frein, notamment dans la Ruhr où le Westdeutsche allgemeine Zeitung (WAZ) venait d'acheter de nombreux journaux, le gouvernement social-démocrate modifie la loi sur les concentrations.

Les règles anti-concentration dans la presse allemande sont, comme en France, celles du droit commun de la concurrence. Dans les deux pays, l'autorité de la concurrence n'intervient que si les chiffres d'affaires cumulés des entreprises concernées sont supérieurs à un certain plafond : 150 millions d'euros pour la France, 500 millions pour l'Allemagne. Au-dessus de ce chiffre, c'est l'office des cartels (Bundeskartellamt) qui vérifie que le projet d'achat ne met pas une entreprise de presse en position dominante, voire de monopole, dans la ville ou la région concernée.

Mais la loi allemande contient depuis 1976 une disposition spécifique à la presse : le plafond de chiffre d'affaires pris en compte, pour les entreprises de presse, est divisé par 20. D'où une multiplication des contrôles à partir de cette date et une baisse sensible des concentrations pendant les années 1980 et 1990, à l'exception notoire de la phase de réunification, au cours de laquelle les groupes de presse de l'ouest achetèrent la plupart de ceux de l'est. On notera au passage que la régulation par le plafond de chiffre d'affaires est un puissant moyen de contrôle des concentrations.

Ainsi, en 1981, le projet de rachat du plus important groupe du pays (Springer) par le deuxième (Burda), qui aurait conduit ce dernier à une position ultra-dominante, a été retoqué par le Kartellamt [14]. Pour la même raison, le projet de vente, en 2004, du Berliner Verlag à Holzbrinck, un très important groupe de presse, a été refusé. Exceptionnellement, si l'existence de l'entreprise rachetée est menacée, l'achat peut être autorisé, même s'il met l'acheteur en position dominante. C'est ainsi que la Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ) a pu racheter le Frankfurter Rundschau en 2013, bien que cela l'ait placée en position dominante dans le Land de Hesse.

Suite aux mesures anti-concentrations, la baisse du nombre de rédactions autonomes a ralenti. Mais la crise économique que subit la presse dans les années 2000, notamment sur le terrain publicitaire, va provoquer, sous la pression des gros éditeurs, une libéralisation croissante des concentrations. Le plafond de CA n'est plus divisé que par 10 en 2005, puis 8 en 2013, et enfin 4 en 2021. C'est à cette période que, selon Valérie Robert, « les groupes de journaux qui changent de mains sont de plus en plus gros, et [que] la presse suprarégionale n'est plus épargnée ». [15]

Une presse fortement concentrée

Beaucoup plus prospère que la française, la presse allemande était paradoxalement moins concentrée jusqu'à une période récente. Selon une évaluation de Valérie Robert [16] portant sur l'année 2010, les dix premiers groupes de presse quotidienne allemands réalisaient 59 % de la diffusion totale, contre 84 % pour les dix premiers français. Ces dix premiers groupes détenaient 37 % des titres de presse en Allemagne, contre 76 % en France. Pour les magazines, la chercheuse compte, en 2010, que les 5 premiers groupes de presse représentent dans les deux pays 65 % de la diffusion totale, avec une concentration plus intense en France, puisqu'il y a deux fois moins de titres qu'en Allemagne. Mais, selon le Medienvielfalt monitor [17], entre 2010 et 2024 la presse allemande a continué de se concentrer pour atteindre 87 % de la diffusion totale pour les 10 premiers groupes, et 73,5 % pour les 5 premiers groupes de magazines. Bien que plus diverse, la presse allemande est désormais aussi concentrée que la française.

Effet de cette concentration, la presse quotidienne allemande est en position de monopole dans un nombre de plus en plus important de villes et de Länder [18]. Particulièrement dans l'ancienne RDA, où les journaux du parti socialiste unifié (SED) furent achetés dans les premières années 1990 par les groupes de presse de l'ouest, perpétuant ainsi un monopole… devenu capitaliste. Comme le dit Michael Haller, journaliste et chercheur : « C'est l'une des négligences des hommes politiques ayant mené la réunification à bien de ne pas avoir pluralisé les structures monopolistiques de l'époque de la RDA, les confirmant au contraire en appliquant les conditions de l'économie de marché. La conséquence est que, aujourd'hui, presque tous les journaux régionaux des nouveaux Länder sont des monopoles. » [19] Ce faisant, les journaux de l'est se greffaient sur une tendance déjà à l'œuvre à l'ouest depuis de longues années. Car dans l'économie de marché endogame de la presse allemande, la seule solution, toute relative, à la crise de la presse réside dans les concentrations, qui permettent de réduire les coûts par des économies d'échelle et des licenciements, au prix du pluralisme. Une carte dressée par Andrea Czepek [20] des zones de monopole et des zones pluralistes prenant en compte les rédactions autonomes fait apparaître pour l'année 2009 une partition en à peu près deux parties, soit plus de la moitié de l'Allemagne sous monopole, et une partie où les habitants ont deux ou plusieurs sources d'information dans la presse quotidienne. Tendance qui s'est poursuivie avec la progression des concentrations.

Andrea Czepek, op. cit., p. 143.

Jean Pérès


Annexe : Petit panorama de groupes de presse [21]

Assez représentatif des processus de concentration dans la presse, le groupe Madsack s'est construit autour du principal quotidien de Hanovre, le Hannover Anzeiger, fondé en 1893. En 1937, Erich Madsack, propriétaire du groupe, adhère au parti nazi, le NSDAP. En 1943, le gouvernement national-socialiste fait fusionner le Hannover Anzeiger avec le Quotidien de Basse Saxe (Niedersächsischen Tageszeitung), si bien qu'au moment du retour aux affaires de Madsack, en août 1949, il est le premier quotidien de la région. En 1973, deux autres journaux de Basse Saxe sont acquis. Ainsi, pendant 80 années, le groupe Madsack s'étend sur le seul Land de Basse Saxe par achats successifs de plusieurs quotidiens.

Après la chute du mur cependant, Erich Madsack achète à d'autres groupes de presse (Springer, FAZ, Bertelsmann) des quotidiens importants dans le Schleswig Holstein, et aussi dans les Länder d'ex-RDA de Saxe et du Brandebourg. Enfin et surtout, en 2009, il achète la presse quotidienne de Springer (Leipziger Volkes Zeitung, Lübecker Nachrichten, Kieler Nachrichten, Segeberger Zeitung), devenant ainsi un acteur majeur de la presse également dans le Land de Schleswig Holstein. Il poursuit encore son extension en 2011 en pénétrant le Land de Brandebourg par le rachat du Märkische Allgemeine, quotidien le plus lu de la région, au Frankfurter Allgemeine Zeitung. Et in fine, Madsack achète à Bertelsmann en 2024 le DDV Medien Gruppe, avec notamment le Sächsische Zeitung et le Morgenpost Sachsen, lui assurant une position dominante en Saxe. Une vingtaine de quotidiens répartis sur cinq Länder lui appartiennent désormais. Parallèlement, Madsack a acheté des journaux d'annonces, fait développer des applications numériques, fait produire des films et des reportages pour la télévision, proposé des services : portage, logistique, centres d'appel, publicité, et même du co-voiturage. En 2024, il compte 900 000 abonnés aux quotidiens pour un chiffre d'affaires de 780 millions d'euros (2022). Un des principaux actionnaires du groupe Madsack, pour 23,5 %, est la Deutsche Druck und Verlagsgesellschaft (DDVG), groupe de presse dont le propriétaire se trouve être le SPD, parti socialiste allemand. La DDVG, 8e groupe de presse du pays, possède aussi ses propres journaux et imprimeries. En 2004, son rachat du Frankfurter Rundschau, quotidien d'audience nationale, fit grand bruit. Le SPD se défend de toute intervention sur la ligne éditoriale de ses publications, mais, en 2005, certains de ses membres auraient incité le Frankfurter Rundschau à une critique plus féroce de son concurrent de la gauche radicale, Die Linke.

Le groupe Funke (Funke Medien Gruppe) a une évolution très comparable à celle de Madsack à partir d'un autre land, la Rhénanie du Nord Westphalie. Journaliste, Jakob Funke adhère au NDSAP en 1941, et devient chef de bureau à l'agence de presse nazie. En 1948, à Essen, naît le quotidien Westdeutsche Allgemeine Zeitung (WAZ), qui demeure aujourd'hui le deuxième quotidien allemand, après Bild, avec 20 éditions régionales. Erich Prost, journaliste résistant allemand est son premier propriétaire avec Jakob Funke. Dans les années 1970, quatre autres quotidiens de la même région seront acquis. Après la chute du mur, Funke récupère plusieurs quotidiens de Thuringe qu'il associe dans le Funke Medien Thuringen, un des plus gros groupes de presse dans l'ex-RDA. Sa plus importante opération est l'achat en 2013 à Springer, pour 920 millions d'euros, de deux nouveaux quotidiens, le Berliner Morgenpost, un des principaux quotidiens de la capitale, et le Hamburger Abendblat, ainsi que des magazines de télévision et des féminins. Si bien qu'en 2024, le groupe compte une vingtaine de quotidiens répartis sur cinq Länder. Le groupe Funke dispose également d'un pôle magazines et de prises de participation à l'étranger. Il compte aujourd'hui une quarantaine de magazines dans les domaines de la télévision, du style de vie, de la féminité, de la cuisine, etc., ce qui fait de lui un des premiers groupes européens en la matière. Il s'étend à l'étranger à partir de 1987, lorsqu'il prend 50 % du premier quotidien autrichien, Die Krone (810 000 exemplaires en 2012) et en 1988, 49,4 % dans le Kurier (108 000 exemplaires en 2019), également autrichien. Il est également actif en Hongrie, Albanie, Croatie, et Russie. Comme le groupe Madsack, il s'étend aux marchés connexes des petites annonces et des offres digitales à l'intention des femmes, dans les domaines de la santé et de l'habitat, et anime en outre des stations de radio dans la Westphalie du Nord et un portail de vidéos à la demande (VOD). Avec 5 400 salariés et 1 700 journalistes (et 14 000 livreurs) pour un chiffre d'affaires de 1,13 milliards d'euros (2022), Funke Medien Gruppe ambitionne rien de moins que de devenir le premier groupe de médias allemand.

D'autres groupes de presse se sont constitués à partir de magazines comme le groupe Bauer, né de l'imprimerie à la fin du XIXe siècle. Pendant la guerre, son propriétaire, Alfred Bauer, fut membre du parti nazi, qui lui a permis d'augmenter la diffusion de ses magazines. Le groupe a cumulé au fil du temps quelque 60 magazines en Allemagne, et plus de 500 dans d'autres pays à partir de la fin des années 1980. Par exemple, il achète en 2007 le groupe britannique Emap (magazines et radios) pour 1,58 milliard d'euros, ou encore, pour 407 millions d'euros, le plus important détenteur de magazines en Australie. Il possède également les deux principaux quotidiens de Saxe Anhalt. C'est l'un des plus grands groupes de presse européen, avec 15 000 salariés dans 12 pays et 2,3 milliards d'euros de chiffre d'affaires. En France, Bauer possède quelques publications (Télécâble Sat Hebdo, les magazines féminins Maxi, Maxi Cuisine, Jeux de Maxi).

Le groupe Burda est également issu de l'imprimerie à Offenburg (Bade Wurtemberg), au début du XXe siècle. Il prospère dans l'acquisition de magazines, notamment sous le nazisme, dont Hubert Burda est membre du parti. Actionnaire de Springer en 1983 (25 %), il bénéficie de dividendes très importants, mais échoue à en prendre le contrôle en 1988. Dès lors, il se rabat sur les magazines à forte diffusion (Bunte, Playboy-édition allemande, Elle-édition allemande), et crée Focus, grand concurrent du premier magazine d'information Der Spiegel. À partir des années 2000, le groupe étend son domaine aux activités digitales, dont il tire aujourd'hui plus de la moitié de ses revenus. Comme le groupe Bauer, il développe son activité dans 12 pays, dont la France avec Le Nouveau détective, et 6 autres magazines de la filiale Burda Bleu. Il emploie 12 000 salariés, édite 444 magazines pour un chiffre d'affaires de 2,7 milliards d'euros (2023).

Unique en son genre, le groupe Axel Springer doit l'essentiel de sa prospérité au quotidien à sensation Bild Zeitung, premier journal européen en tirage. Il tire encore, malgré une baisse constante, à presque un million d'exemplaires. Son édition du dimanche (Bild am Sonntag) est le deuxième magazine allemand, et celui dédié aux femmes (Bild der Frau) le 5e, au sport, le 6e. En outre, le groupe Springer possède Die Welt, un des plus importants quotidiens d'information. Après avoir vendu une partie de sa presse à Funke, Springer reste détenteur d'une trentaine de magazines, et de sites comme l'américain Politico (son plus gros investissement, un milliard d'euros) ou le français Marmiton. Le fonds d'investissement KKR (pour « Kohlberg Kravis Roberts & Co »), l'un des plus importants du monde, est devenu en 2019 l'actionnaire majoritaire du groupe qui, en septembre 2024, se divise en deux entités autonomes : KKR récupère les sites d'annonces et Springer reprend toute la partie presse. Il conduit depuis quelques années une conversion de son empire de presse vers le numérique – en particulier les sites d'information en ligne – qui constitue la plus grande part de ses recettes et de ses bénéfices, respectivement de 3,9 milliards et 750 millions d'euros (2023), pour un effectif de 18 000 salariés.

Quant au géant allemand des médias et de l'édition, Bertelsmann (145 000 salariés, CA de 13,8 milliards d'euros en 2021), il est d'abord une maison d'édition née en 1835. Le groupe s'est fortement enrichi au cours de la Deuxième Guerre mondiale grâce à une coopération étroite avec le régime nazi. « Bertelsmann s'était spécialisé dans la publication d'ouvrages à la gloire de la Wehrmacht. Une cinquantaine d'ouvrages littéraires (sur 1 200 publiés à l'époque) contenaient des attaques antisémites massives » [22]. Son activité dans la presse débute en 1970, alors qu'il est déjà un des plus gros groupes de communication du monde. En achetant l'éditeur Grüner+Jahr, il acquiert un certain nombre de magazines, parmi lesquels on compte l'un des plus importants, Stern, dans l'information politique et générale, et Brigitte, magazine féminin qui était alors le plus fort tirage en Allemagne (800 000 exemplaires), ainsi que de nombreux magazines dans d'autres pays. Il devient ainsi un des plus importants groupes de presse magazine d'Allemagne. Il possédait en France le groupe Prisma Presse, une quarantaine de titres (Geo, Gala, Femme actuelle, Voici, Capital…) qu'il a vendus à Bolloré en 2021. D'une manière générale, le groupe veut faire le ménage dans sa presse magazine en ne gardant que les titres les plus importants. En février 2023, Bertelsmann annonce la suppression de 700 emplois dans le pôle magazine, soit le tiers des effectifs.

On aura remarqué la notable quantité d'investissements des groupes allemands dans des entreprises étrangères, y compris en France, alors que les médias français restent, à de rares exceptions près, centrés sur l'hexagone. Une question de capacité capitalistique, sans doute, mais aussi le fait que les médias français qui sont aux mains d'industriels se soucient peu d'exercer une influence politique dans des pays étrangers, alors que les allemands y voient une occasion d'étendre leur empire et d'augmenter leurs profits sans enfreindre les lois allemandes anti-concentrations.


[1] Valérie Robert, La presse en France et en Allemagne. Une comparaison des systèmes, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2011, p. 52-53.

[2] Valérie Robert, op. cit., p. 103-110.

[3] Erhard Becker, « La presse allemande depuis 1945 » in Henri Ménudier, L'Allemagne occupée 1945-1949, Presses Sorbonne Nouvelle, 1989, p. 97-103.

[4] Erhard Becker, op. cit.

[5] Erhard Becker, op. cit.

[6] « Allemagne de l'ouest : naissance d'une presse "alternative" contre les géants », Le Monde diplomatique, mai 1977.

[7] Axel Springer, qui passe pour un des moins compromis, et qui fut un des premiers à recevoir une licence des puissances occupantes, n'était pas membre du NSDAP, mais il était tout de même membre, à partir de 1934, de la NSKK, organisme paramilitaire qui recrutait ses membres sur la preuve de leur origine aryenne, et qui participa à la déportation de juifs.

[8] Pareillement en France : on pense à Prouvost, au trust Hachette, et surtout à Robert Hersant, collaborateurs notoires devenus des magnats de la presse.

[9] Manfred Kötterheinrich, « Die Konzentration in der deutschen Presse », in Harry Pross (dir.), Deutsche Presse seit 1945, 1965, p. 78-79.

[10] C'est ce qu'on appelle la « matrice » dans les années 1950 ou le « manteau » plus tard. Cette politique est également suivie en France par le groupe EBRA.

[11] Cas limite de cette tendance, le Westfalische Rundschau a vu sa rédaction centrale et ses rédactions locales supprimées en 2013 par le groupe Funke, et ses 120 journalistes licenciés. Seul le titre perdure, alimenté par d'autres instances du groupe et d'anciens concurrents locaux.

[12] Andrea Czepek définit les différentes modalités de cette perte d'autonomie des rédactions :
1. Un journal distribue plusieurs « éditions locales » qui ne diffèrent que par le contenu de leurs actualités locales.
2. Une entreprise de presse possède plusieurs journaux portant des noms distincts, mais une salle de rédaction centrale produit les actualités nationales et internationales pour l'ensemble des titres. Seule la couverture des actualités locales est effectuée séparément.
3. Les journaux sont indépendants les uns des autres sur le plan économique, mais ceux de plus petite taille achètent leurs actualités nationales et internationales à un plus grand journal et n'exploitent qu'une salle de rédaction locale.
Andrea Czepek, « La concentration de la presse écrite et le pluralisme en Allemagne », in Franck Rebillard et Marlène Loicq (dir.), « Pluralisme de l'information et media diversity », Culture & communication, 2013, p. 139.

[13] « Allemagne de l'ouest : naissance d'une presse "alternative" contre les géants », Le Monde diplomatique, mai 1977.

[14] Valérie Robert, op.cit., p. 60.

[15] Valérie Robert, op. cit., p. 65.

[16] Op. cit., p. 61-63 et 72-73.

[17] Observatoire du pluralisme, qui publie chaque année des données actualisées sur les médias.

[18] Pour rappel, en France, le monopole régional est la règle, à de rares exceptions près.

[19] Michael Haller, « La presse en Allemagne », Communication & Langages, n°121, 1999, p. 15-26.

[20] Andrea Czepek, op. cit., p. 143.

[21] La plupart des informations sur les groupes de presse sont issues de leurs sites ou des sites des journaux associés et de leurs fiches Wikipédia.

[22] « Le passé nazi de Bertelsmann avéré », Libération, 10 octobre 2002.

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