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18.03.2024 à 05:00

En Macédoine du Nord, face à l'impunité des employeurs et la violation de leurs droits des ouvrières du textile se mobilisent

Louis Seiller

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Bien visibles dans le centre comme à l'entrée de Shtip, des peintures murales interpellent le regard des passants. Du fil, des aiguilles, et surtout des mains se détachent au milieu des habituels tags et slogans footballistiques. Ces mains expertes sont celles des couturières de l'est de la Macédoine du Nord. Leurs représentations artistiques n'apportent pas seulement de la couleur aux murs gris de Shtip.
« Les femmes qui travaillent dans les usines textile sont l'identité même de la région », (...)

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Texte intégral (1918 mots)

Bien visibles dans le centre comme à l'entrée de Shtip, des peintures murales interpellent le regard des passants. Du fil, des aiguilles, et surtout des mains se détachent au milieu des habituels tags et slogans footballistiques. Ces mains expertes sont celles des couturières de l'est de la Macédoine du Nord. Leurs représentations artistiques n'apportent pas seulement de la couleur aux murs gris de Shtip.

« Les femmes qui travaillent dans les usines textile sont l'identité même de la région », explique Kristina Ampeva, la fondatrice de l'organisation Glasen Tekstilec qui est à l'origine de ces fresques militantes. « Il fallait leur rendre hommage, leur rendre leur fierté. »

Depuis 70 ans, la ville de Shtip fait figure de place-forte de l'industrie du textile en Macédoine du Nord. Le secteur est en perte de vitesse, mais il emploie encore près de 30.000 personnes, un chiffre considérable dans ce pays de 2 millions d'habitants.

Chaque matin, des milliers d'ouvrières sont amenées en bus dans les nombreuses usines des banlieues nord-macédoniennes. Kristina Ampeva y a elle-même travaillé neuf ans comme couturière. Cette trentenaire déterminée en garde un souvenir amer, mais il a nourri son engagement. « Il n'y avait personne pour vous expliquer vos droits et vos conditions de travail. Quel doit-être le montant de votre salaire, combien d'heures vous devez travailler et combien sont payées les heures supplémentaires, etc. Qui est censé vous aider si vos droits sont bafoués ? Rien n'était expliqué. C'est pour ça qu'on a lancé Glasen Tekstilec : pour se battre pour les droits des travailleuses du textile. »

En Macédoine du Nord, des centaines d'usines confectionnent vêtements et chaussures pour des grandes marques européennes. La difficulté des conditions de travail dans ces ateliers n'est un secret pour personne, pourtant les violations généralisées du code du travail ont longtemps été passées sous silence.

Depuis son lancement en 2017, Glasen Tekstilec recueille quotidiennement des témoignages édifiants. « Les conditions dans l'usine étaient désastreuses », résume Dimitrinka dans le bureau de l'organisation. Cette ancienne ouvrière d'une soixantaine d'années a travaillé pendant plus de 20 ans dans l'un des principaux ateliers de Shtip.

« Il faisait froid parce qu'il n'y avait même pas de chauffage. On devait amener notre propre matériel de couture. C'était sale, les toilettes étaient toujours fermées. On était payées en dessous du salaire minimum ! »

En 2021, alors que leur entreprise connaît des difficultés, Dimitrinka et ses collègues sont privées de salaires pendant plus de trois mois. « Alors on a cherché de l'aide auprès de Kristina. Pour qu'elle fasse la médiatrice entre nos employeurs et nous. » Grâce à ses passages réguliers sur les chaînes de télévision, Kristina est devenue en quelques mois l'incarnation de la lutte des femmes du textile. Et le porte-voix de leurs doléances : son téléphone sonne en continu.

Décoré d'immenses affiches qui représentent les couturières en superhéroïnes, armées d'aiguilles et de fil à coudre, le local de son organisation accueille chaque jour des ouvrières démunies face à leurs employeurs peu scrupuleux. Elles y obtiennent gratuitement des conseils, mais aussi une aide légale concrète pour faire valoir leurs droits. Horaires de travail non respectés, salaires versés avec des mois de retard, heures supplémentaires non payées, congés maternité non accordés, etc. Les membres de l'organisation se chargent de rédiger leurs plaintes et de les transmettre aux institutions concernées, et notamment à l'inspection du travail.

La classe ouvrière face au moins-disant social

S'il est en déclin continu depuis de nombreuses années, le secteur du textile représente encore plus de 10 % du PIB nord-macédonien. La quasi-totalité de la production est destinée à l'export, et les usines de la région de Shtip travaillent essentiellement pour des marques allemandes, belges ou italiennes.

Avoir un atelier dans le Sud-Est européen est particulièrement avantageux pour ces grandes entreprises. « Vous avez une main-d'œuvre pas chère comme au Bangladesh ou comme en Chine, mais vous êtes dans les Balkans occidentaux », explique Kristina Ampeva. « En une journée, vous pouvez acheminer votre production n'importe où en Allemagne par exemple. C'est ce qui attire ces compagnies qui ont des usines en Albanie, en Serbie, au Monténégro et en Macédoine du Nord. »

Candidate à l'Union européenne depuis 2005, la Macédoine du Nord dispose sur le papier d'un code du travail plutôt protecteur, mais il est rarement respecté loi dans les ateliers. Les institutions du petit pays restent fragiles, et les employeurs influents ont peu de mal à faire valoir leurs intérêts auprès des décideurs. Selon les spécialistes, les mécanismes de contrôle étatique ne fonctionnent pas.

Le syndicat de l'industrie du textile, du cuir et de la chaussure de Macédoine (Синдикат на работниците од текстилната, кожарската и чевларската индустрија - STKC), affirme tenter d'agir. « Pour chaque violation des droits du travail, nous réagissons, par l'intermédiaire de l'inspection du travail, du médiateur public ou d'une action en justice », explique son président Ljupco Radovski, à Equal Times.

Mais ce n'est pas toujours efficace, puisque « les plaintes déposées par les employés sont la plupart du temps ignorées par l'inspection du travail et le pouvoir judiciaire », constate Branimir Jovanovic, économiste auprès de l'Institut de Vienne des études économiques internationales (WIIW) et ancien conseiller du gouvernement social-démocrate macédonien (2017-2019).

« Dans les rares cas où des mesures sont prises, les sanctions imposées aux entreprises sont minimes et les travailleurs concernés reçoivent rarement une compensation. Cela décourage les travailleurs de signaler les violations dont ils sont victimes et, dans le même temps, les entreprises sont encouragées à enfreindre les lois, car elles savent qu'elles ne subiront aucune répercussion. »

Ce fonctionnement clientéliste, qui favorise l'employeur, est l'une des plaies de nombreuses sociétés d'Europe de l'Est, embarquées depuis trois décennies dans une interminable « transition économique ». Les dérégulations et les privatisations ont accompagné la sortie du socialisme, et la classe ouvrière a été confrontée aux affres du moins-disant social, imposé par le néolibéralisme triomphant. L'économie nord-macédonienne souffre encore de la désindustrialisation post-yougoslave et les responsables politiques déroulent le tapis rouge aux investisseurs étrangers.

« La Macédoine du Nord se trouve géographiquement en Europe, mais c'est un pays typique de la périphérie capitaliste, notamment en ce qui concerne les normes de travail », contextualise Zdravko Saveski, sociologue à l'Institut des sciences sociales et humanités de Skopje (ISSHS). « Si une entreprise occidentale a par exemple besoin de conditions de travail plus flexibles, ce qui implique souvent de violer le droit du travail existant, le gouvernement peut l'aider à y parvenir… quitte à modifier la législation. On l'a encore vu récemment avec le projet de Bechtel-Enka. » Au printemps 2023, ce puissant consortium turco-américain aurait poussé le gouvernement social-démocrate à, entre autres, relever la durée légale hebdomadaire du travail à 60 heures.

En réponse, avec d'autres organisations de la société civile, Glasen Tekstilec, le STKC et la Fédération des syndicats de Macédoine (Сојуз на синдикатите на Македонија - SSM) se sont mobilisés et ont réussi à bloquer le projet de loi. Une menace de plus pour les travailleurs, tandis que les scandales de corruption éclaboussent régulièrement la classe politique. Selon une étude du Centre macédonien pour la coopération internationale (CMCI), la corruption est ainsi la première préoccupation des citoyens.

10 % des travailleurs de Macédoine du Nord vivent dans la pauvreté

Forte de son expertise mise au service des ouvrières du textile, Glasen Tekstilec s'est imposée comme un interlocuteur dans le dialogue social. L'organisation a notamment contribué à certaines augmentations du salaire minimum, passé de 130 euros, il y a dix ans, à 320 euros aujourd'hui.

Kristina Ampeva et ses collègues conseillent également les rares employeurs de la région qui respectent le code du travail. C'est le cas de l'usine familiale de Hristian Velkov à Sveti Nikolé, une petite ville située à 30 kilomètres de Shtip. « Ici, on propose des conditions de travail bien différentes de celles des autres entreprises de la région », affirme ce styliste de 22 ans qui compte reprendre la direction de l'usine après son père. « Nos ouvrières travaillent 40 heures par semaine et les salaires varient de 25 000 à 34 000 dinars (400 à 560 €). Deux jours supplémentaires par mois sont payés au taux horaire majoré de 35 %. »

Glasen Tekstilec devrait prochainement se transformer en un véritable syndicat et le jeune patron ne s'oppose pas à son implantation dans son atelier. « Il faut proposer des bonnes conditions pour que les jeunes restent travailler dans notre pays. »

Alors que l'inflation galopante liée aux tensions internationales a exacerbé les inégalités et encore un peu plus précarisé les employés du secteur privé, la question de l'augmentation des salaires est au cœur des revendications ouvrières.

Selon beaucoup d'experts, la filière du textile pourrait ne pas survivre aux bouleversements actuels. « Près de 10 % des travailleurs de Macédoine du Nord vivent dans la pauvreté, l'un des taux les plus élevés d'Europe », s'inquiète l'économiste Branimir Jovanovic. « Dans le même temps, les 1 % les plus riches du pays gagnent 14 % du revenu national total, et ces disparités économiques sont les plus évidentes dans les usines textiles. Personne ne veut travailler dans cette filière quand les salaires sont si bas, le travail dur, les conditions mauvaises et que les ouvriers savent que les propriétaires empochent tous les profits. Si les choses ne changent pas rapidement, l'industrie textile s'éteindra lentement. »

Déjà durement éprouvée par la crise de 2008 et la pandémie de Covid-19, l'industrie textile nord-macédonienne vit-elle ses derniers jours ? Les conditions de travail dans le secteur rebutent la jeunesse qui préfère émigrer en Allemagne, et, faute de main-d'œuvre, de plus en plus d'entreprises européennes délocalisent leurs ateliers en Afrique du Nord.

« Le secteur s'effondre, car personne n'endosse la responsabilité pour toutes ces entreprises qui ne paient pas les salaires de leurs travailleurs », accuse Kristina Ampeva, infatigable. « C'est malheureusement un secteur économique criminel et nos politiques soutiennent ces pratiques criminelles. C'est à cause de ce système que nos jeunes et nos travailleurs en bonne santé quittent le pays. »

15.03.2024 à 05:00

Yaya Coulibali, artiste malien menacé par des djihadistes : « Le théâtre de marionnettes est la somme de tout l'imaginaire collectif humain »

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Né en 1959 dans le village de Koula, à une centaine de kilomètres au nord de la capitale malienne Bamako, le maître marionnettiste vétéran Yaya Coulibali a plus d'un demi-siècle d'expérience dans le théâtre de marionnettes, ce qui lui a valu de voyager dans le monde entier pour présenter son art. Descendant de l'illustre lignée qui a régné sur le royaume animiste bambara de Ségou (1721-1861), son père lui a confié l'apprentissage et la transmission du rôle de marionnettiste qui, dans la culture malienne, (...)

- Entretiens / , , , , , , ,
Texte intégral (1853 mots)

Né en 1959 dans le village de Koula, à une centaine de kilomètres au nord de la capitale malienne Bamako, le maître marionnettiste vétéran Yaya Coulibali a plus d'un demi-siècle d'expérience dans le théâtre de marionnettes, ce qui lui a valu de voyager dans le monde entier pour présenter son art. Descendant de l'illustre lignée qui a régné sur le royaume animiste bambara de Ségou (1721-1861), son père lui a confié l'apprentissage et la transmission du rôle de marionnettiste qui, dans la culture malienne, englobe un large éventail de connaissances dépassant le cadre du théâtre. Et c'est à cette mission qu'il a consacré toute sa vie.

Il en va d'un engagement artistique mais aussi politique, dans la mesure où le théâtre de marionnettes est aujourd'hui la cible des groupes djihadistes qui contrôlent une partie du pays, mais non la capitale, Bamako, où il vit. Celui-ci considère en outre de son devoir de transmettre aux jeunes générations la valeur de la culture autochtone dont la survie est menacée par l'émigration massive vers les pays occidentaux.

Dans le cadre du 24e Festival international de théâtre de Carthage (Tunisie) célébré en décembre dernier, M. Coulibali, qui était au nombre des invités de marque de cet événement, a accordé un entretien à Equal Times, l'occasion de nous faire découvrir la place qu'occupe son art dans le contexte africain.

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Comment définiriez-vous le théâtre de marionnettes ?

Mon père en donnait une définition que j'aime beaucoup : le théâtre de marionnettes est la somme de tout l'imaginaire collectif humain. Il englobe en effet un éventail de disciplines artistiques différentes : parmi elles, le conte, le chant et la danse, et bien d'autres encore. Le théâtre de marionnettes est le premier art vivant de l'humanité. Le reste est venu par après. Il s'agit d'une discipline artistique de portée universelle dont les premières manifestations ont pu être retracées à travers le monde sur une période qui remonte à entre 4.000 et 10.000 ans. Au Mali, le théâtre de marionnettes est un art très ancien, qui touche aux racines de notre culture. Il y a plus de 700 ans, l'explorateur arabe Ibn Battûta évoquait déjà dans ses chroniques de voyage le rôle des marionnettes.

Pourquoi sont-elles si importantes au Mali ?

Traditionnellement, les spectacles de marionnettes ont rempli un large éventail de fonctions sociales, où les marionnettistes ont assumé, tour à tour, le rôle de dramaturge, de guérisseur, de sorcier et de théologien. Une croyance veut par exemple que le théâtre de marionnettes serve de canal pour la résurrection des ancêtres, permettant même à certaines personnes d'entrer en transe et de communiquer avec eux. Le marionnettiste contribuait également à guérir certains problèmes de santé. Il faisait office d'orthopédiste lorsqu'une personne se cassait un os et qu'il fallait lui poser une attelle. Aujourd'hui, des études scientifiques menées en France démontrent l'effet que peuvent avoir les marionnettes sur la guérison d'enfants atteints de maladies psychosomatiques.

Il est parfois question du rôle des marionnettistes dans la cohésion sociale, que pouvez-vous nous en dire ?

Bien entendu, ils contribuent à renforcer le tissu social, le vivre-ensemble. Les marionnettes jouent un rôle fondamental dans la transmission des savoirs, des mythes ancestraux et de l'histoire de la communauté, notamment. En somme, de la culture. Le théâtre de marionnettes constitue un moyen nettement plus efficace de transmettre des messages et des connaissances aux générations de demain. Autrefois, de nombreux festivals étaient organisés dans les villages et permettaient aux enfants d'être au contact de la culture. Ces événements revêtaient une valeur véritablement socialisante. Autre exemple de leur importance en tant qu'outil de cohésion sociale : à l'arrivée de la saison des pluies, les marionnettes sacrées sortaient danser dans la rue pour annoncer la fête des semailles. Venait ensuite le temps des récoltes, c'était l'occasion de remercier le ciel de nous avoir nourris. Tout le monde sortait danser dans une atmosphère de fraternité.

De telles coutumes doivent revêtir une importance d'autant plus grande à l'heure où le Mali est en proie à la violence des djihadistes…

Le djihadisme représente une nouvelle forme de banditisme. Cela n'a rien à voir avec notre peuple. Au Sahel, la bonne entente a toujours régné entre nous. Le problème, c'est qu'après la mort de [Mouammar] Kadhafi, les groupes extrémistes ont essaimé, le désordre s'est installé et la région est devenue un eldorado pour les trafiquants en tout genre. Nous devons être capables de promouvoir l'unité dans la diversité. Nous, les marionnettistes, avons toujours eu un problème avec les religions, et avec le pouvoir en général, parce que nous exprimons la vérité. Et à présent, nous sommes la cible des djihadistes, pour qui la représentation de l'être humain est une hérésie.

Sur le plan personnel, que représentent pour vous les marionnettes ?

Elles sont ma vie. Je suis né un jour consacré à une célébration spirituelle et, selon mon peuple, les Bambaras, j'étais donc destiné à être le dépositaire du savoir ancestral, même si je n'étais pas le fils aîné. Le métier de marionnettiste se transmet de père en fils, une tradition qui, dans ma famille, remonte au 11e siècle. Pour toutes ces raisons, ma famille ne souhaitait pas que je poursuive mes études [secondaires], et surtout pas dans la capitale. Elle craignait que je renonce à cette responsabilité. Ce qui, du reste, ne risquait pas d'arriver car les marionnettes ont toujours été pour moi une passion. Toute ma vie, je me suis battu pour que le théâtre de marionnettes soit reconnu dans la sphère francophone, car il n'y a pas si longtemps, il était encore considéré comme un art mineur. Cette discipline représente un patrimoine culturel central pour l'ensemble du continent africain.

Êtes-vous optimiste quant à l'avenir de l'Afrique ?

Absolument, car l'Afrique est très riche. N'oublions pas que c'est ici qu'est née l'humanité, avant de s'étendre au reste du monde. Je pense que tôt ou tard l'humanité reviendra en Afrique. Nous sommes le berceau de la culture mondiale. Cependant, nous courons aujourd'hui un risque, qui est celui d'une perte de la transmission des connaissances, car les jeunes émigrent en grand nombre. C'est pourquoi, un de mes combats est de donner du courage aux jeunes, de leur servir de référence. Il nous appartient, à nous, Africains, de valoriser davantage ce que nous avons et ce que nous sommes, c'est-à-dire la culture, une valeur qui n'est pas tangible et qui ne peut être achetée et vendue, comme l'argent. En Occident, vous avez un autre problème avec les jeunes, celui des écrans, qui sont nocifs, car ils empêchent les jeunes de se concentrer.

Comment définiriez-vous votre style de fabrication des marionnettes ?

Je m'y suis initié en suivant la méthode traditionnelle, que j'ai toutefois enrichie grâce à mes contacts à l'extérieur. J'ai suivi une formation en France, puis j'ai voyagé dans le monde entier. Nos marionnettes traditionnelles étaient des marionnettes à tige, et celles portées sur les épaules, mais c'est en Occident que j'ai appris à fabriquer des marionnettes à fil. On peut donc dire que mon travail est aujourd'hui le fruit d'une fusion. Chaque pays à sa tradition propre. J'aime beaucoup celles du Laos et de l'Indonésie.

Vos marionnettes ont toutes des couleurs très vives. Que symbolisent ces différentes couleurs ?

Au Mali, nous sommes un pays de couleurs, et dans l'art de la marionnette, celles-ci sont particulièrement importantes du fait qu'autrefois, nous jouions dans la pénombre, au clair de lune, et que les marionnettes devaient pouvoir être vues de loin. Une couleur importante est le jaune, qui symbolise les ancêtres et la vie. Le jaune, après tout, est la couleur de l'aube, du soleil, mais aussi celle des premiers excréments d'un nouveau-né. Le blanc symbolise la déesse de la purification, mais aussi la mort, car il s'agit de la couleur des excréments du crocodile. Alors que le bleu et le vert sont associés à mère nature.

Certaines marionnettes représentent des êtres humains et d'autres des animaux, que nous transmettent-elles ?

[Selon le groupe,] elles portent des noms différents. Celles qui représentent des êtres humains sont appelées manis, et celles qui représentent des animaux sogo. La relation avec les animaux est extrêmement importante à nos yeux. Nous vivons avec eux depuis la nuit des temps et nous avons appris d'eux. Ils sont pour nous une source d'inspiration. Normalement, chaque animal représente un trait de caractère humain. Deux animaux importants dans notre théâtre sont l'hyène et la gazelle.

Quel est le rôle de la femme dans le théâtre de marionnettes au Mali ?

Les femmes occupent une place très importante dans notre culture, elles sont la mémoire de la nation. Selon notre croyance, nous descendons toutes et tous d'une femme dans l'antiquité, qui porte le nom de Pemba. Pour cette raison, la figure de la femme représente Dieu, la création. En effet, dans notre langue, lorsqu'une personne s'éteint, nous disons qu'elle « a rejoint la mère ». C'est aussi pourquoi les défunts sont mis en terre dans la position fœtale. Les femmes assument aussi certaines fonctions particulières lors des festivals de marionnettes. Ce sont, par exemple, elles qui sont chargées de l'accueil des artistes et qui prennent soin des instruments des musiciens.

Quel rêve vous reste-t-il à réaliser ?

Achever la construction de la Maison de la marionnette à Bamako. Celle-ci remplira plusieurs fonctions : elle inclura un théâtre, un musée, ainsi qu'une résidence pour héberger les artistes en formation provenant d'autres régions. Dans le cadre du projet, nous sommes en train de procéder à l'inventaire des quelque 25.000 pièces que je conserve. Un grand nombre d'entre elles font partie de mon héritage familial. Les plus anciennes remontent au sixième siècle. Quant à celles qui m'appartiennent [personnellement], elles doivent être au nombre de quelque 3.000. Les marionnettes doivent être traitées comme des personnes, car il est toujours possible qu'elles assument une nouvelle vie des années plus tard, et qu'elles soient un jour exposées dans un musée.

13.03.2024 à 11:09

Prendre pour cibles les travailleurs essentiels et les infrastructures civiles de Gaza est une attaque contre nous tous et toutes

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Dans toute la bande de Gaza, les agents des services publics sont confrontés à des scènes de dévastation inimaginables : 392 établissements scolaires détruits, 132 puits d'eau hors d'usage, 24 hôpitaux mis hors service et les 11 restants ne fonctionnant que partiellement. L'ensemble du réseau énergétique reste hors d'usage en raison des restrictions d'importation de carburant et des coupures de lignes extérieures. Le manque d'électricité a contraint les usines de dessalement et de traitement de l'eau à (...)

- Opinions / , , , , , , ,
Texte intégral (1625 mots)

Dans toute la bande de Gaza, les agents des services publics sont confrontés à des scènes de dévastation inimaginables : 392 établissements scolaires détruits, 132 puits d'eau hors d'usage, 24 hôpitaux mis hors service et les 11 restants ne fonctionnant que partiellement. L'ensemble du réseau énergétique reste hors d'usage en raison des restrictions d'importation de carburant et des coupures de lignes extérieures. Le manque d'électricité a contraint les usines de dessalement et de traitement de l'eau à fermer, les eaux usées s'écoulant ouvertement dans les rues. Le manque d'installations de lavage oblige de nombreuses femmes à prendre la pilule pour retarder leurs menstruations.

Pourtant, au milieu des décombres et des ruines, on ne renonce pas. Les agents du secteur de l'eau se démènent pour éviter la déshydratation après la destruction des canalisations et des nappes aquifères. Les médecins et les infirmières sauvent des vies tout en craignant pour la leur. Les travailleurs et travailleuses humanitaires sont confrontés à l'impossible tâche de nourrir et de loger une population déplacée de la taille de la ville de Barcelone, dans une « zone de sécurité » de quelques kilomètres carrés.

Gaza est désormais l'endroit le plus dangereux au monde pour exercer la médecine, avec plus de 340 professionnels de la santé décédés. Plus de 150 membres du personnel des Nations unies ont été tués, ce qui représente le plus grand nombre de morts dans un conflit en 78 ans d'histoire de l'organisation.

Comme le dit Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) :

« Dans quel monde vivons-nous lorsque les populations n'ont pas accès à la nourriture et à l'eau, lorsque les travailleurs de la santé risquent d'être bombardés alors qu'ils et elles effectuent leur travail de sauvetage ? »

Les pertes civiles ont été aggravées par des attaques contre des lieux tels que des associations juridiques, des universités, des sièges de syndicats, des télécommunications, des routes, des tours d'habitation et même des bâtiments de l'ONU. Une source des services de renseignement israéliens aurait déclaré que la motivation première de ces attaques était de causer des « dommages à la société civile ». Une autre source déclare : « Rien n'arrive par hasard. Lorsqu'une fillette de trois ans est tuée dans une maison à Gaza, c'est parce que quelqu'un dans l'armée a décidé qu'il n'était pas grave qu'elle soit tuée - que c'était un prix qui valait la peine d'être payé pour atteindre [une autre] cible. »

Il n'est pas nécessaire de répéter que les attaques contre les civils et les infrastructures non militaires sont illégales au regard du droit international des droits humains. Tous les gouvernements et acteurs ont l'obligation, en vertu des Conventions de Genève, de protéger les civils, en particulier celles et ceux qui fournissent des services vitaux dans les zones de conflit. Rendre les droits humains facultatifs ou dépendant du contexte envoie un message dangereux, met en danger les travailleurs travailleuses des services publics et porte atteinte aux droits de chacun et chacune d'entre nous.

Lors de notre 31ème Congrès mondial, qui s'est tenu à Genève du 14 au 18 octobre 2023, l'Internationale des Services Publics (ISP) a condamné les attaques terroristes du 7 octobre 2023 menées par le Hamas, qui ont fait plus d'un millier de morts, et a demandé la libération de tous les otages. Nous avons également noté que la réaction d'Israël de punir collectivement l'ensemble de la population de Gaza pour les actions du Hamas n'était pas justifiée et nous avons appelé à un cessez-le-feu immédiat et à la fin du blocus illégal.

« La situation est catastrophique et ne fait qu'empirer »

En janvier, la Cour internationale de Justice a estimé qu'il était plausible qu'un génocide se produise à Gaza et a ordonné à Israël de prendre des mesures. Pourtant, de hauts fonctionnaires occidentaux déplorent qu'il n'y ait eu que peu ou pas d'améliorations, l'un d'entre eux ayant déclaré, selon The Guardian, que « la situation est catastrophique et ne fait qu'empirer ». Le Rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l'alimentation déclare qu' « Israël détruit les infrastructures civiles, le système alimentaire, cible les travailleurs et travailleuses humanitaires et permet un tel degré de malnutrition et de faim ».

Les témoignages de nos collègues à Gaza reflètent cette évaluation. En décembre, l'ISP a fait entendre la voix d'Ilias Al-Jalda, Vice-Président du Syndicat général des travailleurs et travailleuses de la santé de Gaza, lors d'une réunion d'urgence de l'OMS, afin de garantir qu'ils et elles soient entendus dans ce débat au plus haut niveau. À l'époque, il ne pouvait pas quitter Gaza et se réfugiait avec sa famille et sa mère âgée dans une église sous les bombardements. Il a décrit aux dirigeants mondiaux comment « la bande de Gaza est devenue un lieu où sont régulièrement violés les droits humains ».

Actuellement, 90 % des enfants et des femmes enceintes de Gaza sont confrontés à de graves pénuries de nourriture et d'eau. Les professionnels de la santé signalent que des enfants meurent de déshydratation, de malnutrition et de maladie, et que des centaines de milliers d'autres sont menacés. Le Dr Salama Abu Zaiter nous raconte :

« Même avant la guerre, notre syndicat militait en faveur de la construction d'un hôpital à Rafah, qui faisait cruellement défaut. Aujourd'hui, 1,5 million de personnes s'y trouvent, dont de nombreux enfants souffrant de blessures graves et de maladies que nous sommes tout simplement incapables de traiter. »

Pourtant, 16 pays qui financent l'UNRWA, la principale agence d'aide des Nations unies à Gaza, ont suspendu leurs paiements à la suite d'allégations israéliennes selon lesquelles 12 personnes parmi les 30.000 employés de l'organisation avaient des liens avec l'attentat du 7 octobre. Ces personnes ont été immédiatement licenciées et, bien qu'Israël doive encore fournir à l'ONU des preuves à l'appui de ces allégations, des enquêtes sont en cours.

De nombreux personnels des services publics vous le diront, c'est une tactique courante de la droite réactionnaire que de dénoncer les services publics lorsque des personnes qui y travaillent commettent, ou sont supposées avoir commis, un crime. Il s'agit d'une tactique de manipulation utilisée de manière répétée à des fins politiques par ceux qui veulent saper la fourniture de services publics vitaux et réduire leur financement. Ce n'est pas acceptable dans nos propres pays, et ce n'est pas acceptable à Gaza.

Le Council of Global Unions a clairement déclaré : « La population de Gaza et nos membres dépendent de l'aide vitale apportée par l'UNRWA ». L'UNRWA coordonne 98,5 % de tous les travailleurs et travailleuses humanitaires de l'ONU à Gaza. Sa fermeture serait catastrophique pour les cinq millions de réfugiés qu'elle soutient en Palestine, au Liban, en Jordanie et en Syrie, et risquerait d'alimenter une crise régionale. En Australie, le Conseil australien des syndicats a appelé le gouvernement travailliste à rétablir d'urgence le financement de l'UNRWA. L'Union européenne a déjà rétabli ses contributions à l'UNRWA, et d'autres pays doivent faire de même.

En temps de guerre, les travailleurs et travailleuses essentiels et les services publics sont souvent tout ce qui sépare la vie de la mort. Ce conflit démontre la catastrophe humanitaire causée par leur destruction. Notre mouvement syndical mondial n'acceptera jamais que le meurtre de civils, le bombardement d'infrastructures vitales ou le ciblage de nos camarades soient considérés comme des méthodes de guerre valables - ni à Gaza, ni ailleurs.

NOTE : Vous pouvez faire un don au Fonds de solidarité de l'ISP pour Gaza afin de fournir une assistance humanitaire et un soutien aux travailleurs et travailleuses des services publics.

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