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02.06.2023 à 15:58

Doxosophie de la pauvreté, pauvreté de la doxosophie

Pensées et conçues depuis toujours comme des défalques des études de consommation ou de satisfaction, il ne fallait guère attendre des « enquêtes » de sondeurs, quand ils s'immiscent dans des affaires autrement plus fondamentales, douloureuses ou complexes que celles qui constituent leur fond de commerce, qu'elles soient subtiles et intelligentes, voire honnêtes. Rien de commun entre le nouveau goût du sirop de fruit X, ce qu'en disent les consommateurs, les nouvelles améliorations à apporter au futur (...)

- L'opinion « ça se travaille » / , , , , , , ,
Texte intégral (1968 mots)

Pensées et conçues depuis toujours comme des défalques des études de consommation ou de satisfaction, il ne fallait guère attendre des « enquêtes » de sondeurs, quand ils s'immiscent dans des affaires autrement plus fondamentales, douloureuses ou complexes que celles qui constituent leur fond de commerce, qu'elles soient subtiles et intelligentes, voire honnêtes. Rien de commun entre le nouveau goût du sirop de fruit X, ce qu'en disent les consommateurs, les nouvelles améliorations à apporter au futur modèle de smartphones Y, ou les appréciations des détenteurs de compte de la banque Z à l'égard de son service clientèle et : la lutte contre la pauvreté ou pour la réinsertion des plus socialement démunis. Sauf donc pour les marchands de QCM.

En annonçant le 27 avril sur France 2 qu'elle souhaitait conditionner le versement du RSA à l'exercice d'une activité de 15 à 20 heures par semaine [1], la Première ministre indiquait que son gouvernement avait entendu les « Français », contrairement à sa réforme des retraites, ou plus exactement ceux qui prétendent être leurs intermédiaires et porte-parole : les sondeurs. C'est bien sûr l'inverse, ce sont les entreprises de sondage qui avaient fini par entendre les politiques qui prônaient depuis longtemps, bien avant même E. Macron lors de la dernière campagne présidentielle, que pour lutter contre la pauvreté ou œuvrer à la réinsertion des plus pauvres il fallait, en échange des allocations qu'ils perçoivent, qu'ils apportent eux aussi, comme le font tous ceux qui travaillent, leur écot à la bonne marche du pays.

Traduit en langage sondagier la forme est on ne peut plus simple, respectant à la lettre la « bonne vieille » logique binaire du Oui/Non, d'accord/pas d'accord sans autre forme de procès (voir image ci-dessous). Aucun sondeur ne se distingue l'un l'autre. Ni Elabe, ni CSA ni l'Ifop (pour ne citer que les dernières entreprises qui se sont mêlées du RSA) ne renient leur raison d'être : le commerce et le marketing [2]. Cinq mois après la présidentielle, sur le thème plus général mais plus flou de « l'assistanat » et « des solidarités envers ceux qui sont dans le besoin » [3] Ipsos obéit à la même conception. « Les Français » des sondeurs sont majoritairement tous favorables à ce conditionnement. Un acquiescement prévisible.

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Sans même présager du résultat que l'on obtiendrait ce faisant, que la faisabilité générale de la mesure envisagée ne soit jamais mentionnée relève quasiment de la forfaiture. Pas la moindre trace d'évocation de son coût en terme d'organisation, de mobilisation des ressources humaines ou financières (plusieurs milliards d'euros d'après les estimations des économistes) [4], et des expert y compris parmi les plus libéraux [5] Aucune traduction même succincte par une rapide référence dans les différents QCM sondagiers. Pourquoi ?

Sans être uniformes ni univoques les articles de presse sérieux (spécialisée ou non) les études académiques, qui traitent des conditions à respecter pour que les politiques publiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale soient autre chose que des objets bureaucratiques sans effet positif tangible, abondent et sont publiés régulièrement. Mais on sait les doxosophes paresseux, ils ne lisent jamais et quand ils lisent, ce n'est guère brillant. On vient encore d'en avoir un aperçu avec l'explication de Norbert Elias d'un sondeur à E. Macron (cf. Décivilisation).

Alors ? Amateurisme ? Au minimum. Parti pris, stigmatisation, voire volonté de nuire, certains pourront le penser. Difficile en effet de pas voir dans ce traitement doxosophique et dans cette paresse une émanation du cliché antédiluvien des pauvres qui ne doivent leur pauvreté qu'à eux-mêmes, sauf bien sûr une minorité. Que s'ils le demeurent c'est par paresse (eux aussi...), qu'ils le veulent bien, qu'il leur « suffirait de traverser la rue » comme dirait E. Macron [6]. Autrement dit leur sortie de la précarité ne couterait rien ou presque à la collectivité s'ils y mettaient du leur. Inutile on le sait aussi de soumettre à la sagacité des photographes amateurs et leur photo du pauvre, parasite indolent et profiteur, la prise de vue autrement plus précise de la Cour des comptes avec ses 3 personnes sur 10 potentiellement éligibles au RSA qui n'en font pas la demande [7]. Car de sagacité ils sont dépourvus. Plutôt que la honte ou la difficulté pour certaines personnes de franchir les étapes administratives requises pour le versement d'une aide ils n'y verraient que la confirmation de leur paresse puisqu'ils ne font même pas l'effort d'aller toucher ce à quoi ils ont le droit.

Le 6 avril 2023 une commission d'enquête parlementaire publiait un rapport accablant sur les politiques publiques menées depuis 30 ans en matière de choix énergétiques, qualifiés entre autres de « divagation politique » et de « lente dérive » [8]. Suite à cette publication l'ancien haut commissaire à l'énergie atomique de 2012 à 2018 Y. Bréchet auditionné par la commission lors de ses travaux déclarait au Figaro :

- « Nous sommes en train de mourir de situations ou on demande de répondre par oui ou non à des questions complexes et que la manière d'éviter la complexité c'est dire oui et non en même temps » (11 avril, 2023).

Les pauvres ne mourront certes pas, dans un avenir proche du moins, de la pauvreté doxosophique. Mais que cette fausse monnaie ne leur permette pas d'être moins pauvres, a fortiori de s'enrichir, semble plus que probable.


[1] Revenu de solidarité active.

[2] Forgée durant la première moitié du vingtième siècle aux Etats-Unis, et son expansion dans les années 1930.

[3] Ipsos Sopra Steria pour Le Monde, la Fondation Jean Jaurès et le CEVIPOF, 4 octobre 2022.

[4] cf. par exemple Michael Zemmour (économiste, Paris I) :« Ce n'est pas une politique publique basée sur la connaissance que l'on a du sujet, il n'y a pas les activités, il n'y a pas la logistique pour mettre 2 millions de ménages d'allocataires du RSA en activité », BFMTV, 18 avril 2023.

[5] Cf. les estimations de l'IFRAP.

[6] « Vous faites une rue, vous allez à Montparnasse, vous faites la rue avec tous les cafés et les restaurants. Franchement, je suis sûr qu'il y en a un sur deux qui recrute en ce moment. Allez-y ». En réponse à un chômeur qui désespérait de ne pas trouver d'emploi dans l'horticulture, 15 septembre 2018. cf. « Je traverse la rue et je vous trouve un travail », Wikipedia

[7] Cf. Cour des comptes, Entités et politiques publiques Le revenu de solidarité active, janvier 2022.

26.05.2023 à 16:25

Décivilisation

Selon une célèbre formule d'Emile Durkheim, « la science ne mériterait pas une heure de peine si elle ne servait à quelque chose ». On aimerait parfois que cette science ne serve à rien. Ainsi quand une idée ou un concept servent à faire de la communication politique à contre sens. Rien d'étonnant dans un univers en panne d'idées. Le Président de la République a invité à un déjeuner des sociologues, après celui des économistes, le 23 mai à l'Elysée. En fait de sociologues il n'y en avait qu'un seul, de Sciences (...)

- Actualité
Texte intégral (501 mots)

Selon une célèbre formule d'Emile Durkheim, « la science ne mériterait pas une heure de peine si elle ne servait à quelque chose ». On aimerait parfois que cette science ne serve à rien. Ainsi quand une idée ou un concept servent à faire de la communication politique à contre sens. Rien d'étonnant dans un univers en panne d'idées. Le Président de la République a invité à un déjeuner des sociologues, après celui des économistes, le 23 mai à l'Elysée. En fait de sociologues il n'y en avait qu'un seul, de Sciences Po, un économiste, un sondeur et un journaliste.

De la conversation, l'Elysée a retenu un « processus de décivilisation » pour expliquer les violences, les incivilités croissantes dans la société française. Les premiers commentaires journalistiques ont situé l'emprunt dans la mouvance d'extrême droite en citant son idéologue Renaud Camus. Heureusement si l'on peut dire, des commentateurs plus instruits ont relié l'expression sociologue classique de Norbert Elias. Le Monde (27 mai 2023) a publié un compte rendu indiscret du déjeuner qui a cet avantage de nommer le passeur d'un concept sans épaisseur et donc réduit à un gadget communicationnel : un sondeur qui a associé le concept au monde de l'opinion. Rien de plus étranger à Norbert Elias. Mais ainsi en va-t-il du succès intellectuel dans la sphère politique. Ce n'est pas la seule appropriation erronée.

Si on étudie Norbert Elias comme de vrais sociologues, on sait que le sociologue, juif allemand et exilé en 1933, penseur du processus long de civilisation s'était arrêté devant son inverse qu'avait constitué la nazification de l'Allemagne. On pourrait résumer en disant qu'il en voyait deux ressorts, la déliquescence de l'Etat incapable d'assumer le monopole de la violence politique légitime face aux milices armées, et à la radicalisation violente des groupes d'extrême droite pour l'essentiel. Autrement dit, c'est une imposture pour l'extrême droite d'accaparer le « processus de décivilisation » puisqu'il les met en cause au premier chef. L'exigence de rigueur intellectuelle n'a il est vrai jamais caractérisé les penseurs, si l'on peut dire, de cette orientation politique. Mais la Présidence de la République ajoute sa propre instrumentalisation en désignant ce qu'on a appelé aussi « brutalisation « (George Mosse, un autre exilé allemand observateur de la république de Weimar) dans l'évolution de la conduite des dominés. C'est en effet l'évolution de l'Etat et sa décomposition qui permettent au premier chef de nourrir un processus de décivilisation. On doute qu'Emmanuel Macron ait conçu l'emprunt sociologique comme un cas de conscience ou une autocritique.

19.05.2023 à 20:13

Ball-trap sondagier : les européennes de 2024 prises à leur tour pour cible

Développement du langage ou apprentissage de la lecture, les vertus pédagogiques des chants, contes et comptines pour enfants sont bien connues. Comme nombre d'aspects de l'éducation ou plus généralement de la connaissance, leur répétition n'est pas non plus sans vertu. c'est même, dit-on, la base de la pédagogie. Malgré quelques ressemblances rien de tel toutefois dans les annonces à longueur de temps de victoires ou de défaites fictives colportées par des sondages de pseudo intentions de vote, produits (...)

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Développement du langage ou apprentissage de la lecture, les vertus pédagogiques des chants, contes et comptines pour enfants sont bien connues. Comme nombre d'aspects de l'éducation ou plus généralement de la connaissance, leur répétition n'est pas non plus sans vertu. c'est même, dit-on, la base de la pédagogie. Malgré quelques ressemblances rien de tel toutefois dans les annonces à longueur de temps de victoires ou de défaites fictives colportées par des sondages de pseudo intentions de vote, produits de simulacres électoraux auxquels des sondés acceptent, mais jamais sans contrepartie (fût-elle maigre), de se prêter. Après la présidentielle de 2022, les municipales de 2026 ou la présidentielle de 2027 [1], les européennes de 2024 étaient donc des victimes toutes désignées d'une nouvelle salve des sondeurs et de la presse. On retrouve sans surprise parmi les premiers tireurs le « couple infernal » Jdd/Ifop, suivi de près par les écologistes de EELV associés pour l'occasion à Harris Interactive qui n'en demandait pas tant [2].

"Un an avant une présidentielle, les sondages sont souvent loin du compte" titrait Le Monde un an avant celle de 2022 [3]. Encore était-il bien "généreux". Sans doute fallait-il ménager le « sondeur maison », Ipsos, et laisser quelque marge éditoriale aux journalistes doxosophes qui monopolisent depuis (trop) longtemps le service politique intérieure. Ils n'ont donc guère apprécié l'enquête critique publiée six mois plus tard [4]. Et plus récemment celle relative à "L'addiction des politiques aux sondages confidentiels" [5]. L'addiction aux sondages publiés est tout autant avérée.

Au Jdd, pas "d'état d'âme", s'il a changé de propriétaire et vu sa rédaction "quelque peu" modifier [6], les latitudes du journal dans ce domaine sont toujours aussi conséquentes. Un an, deux ans, quatre ans...le temps entre les élections ne compte pas. Après avoir annoncé de nouveaux scores au premier tour de la présidentielle de... 2022 [7], la qualification de M. Le Pen et de l'ancien Premier ministre E. Philippe au second tour de la présidentielle de 2027 [8], le quotidien et son compère l'Ifop pensaient-ils passer pour des idiots s'ils ne s'attaquaient pas également à une élection lointaine mais plus "proche". Le narcissisme des professionnels de la doxosophie semble peu compatible avec cette hypothèse (Cf. Comment s'habille la jeunesse ? (version Ifop). Quoi qu'il en soit une telle retenue (maitrise ?) aurait été inhabituelle pour cet important cluster d'artefacts sondagiers. Le RN dépeint en mai 2023 en vainqueur des européennes de 2024 n'est donc pas une surprise éditoriale [9]. "Juste" une aberration. Une "vue de l'esprit", le leur on l'aura compris, qui n'a bien sûr rien en commun avec celui de G. Bachelard (Cf. Piqure de rappel de Gaston Bachelard).

Même les promesses de suffrages faites aux partis de gauche (PS, PC, LFI, EELV), si l'on consent un instant à ne pas trop s'interroger sur leurs chiffrages, n'apportent aucun "enseignement" pour reprendre un mot fétiche des sondeurs et de leurs suppléants pour faire illusion. En cas de liste unique le total serait sensiblement moins important que si chaque parti présentait la sienne, et F. Dabi d'en conclure : "dans une partie certes minoritaire, mais non négligeable, du peuple de gauche, il y a un rejet de la liste unique et de l'hégémonie de LFI [10]. Nul besoin d'être un consommateur compulsif d'infotaintement politique, ni un observateur éclairé de la vie publique pour avoir connaissance des profondes divergences tant idéologiques que stratégiques qui traversent depuis longtemps, bien avant la présidentielle de 2022, les composantes de la gauche, a fortiori de la Nupes. Énième illustration du "double travail" des doxosophes : producteur d'affabulations et enfonceur de portes, ouvertes bien sûr.

Si la misère scientifique et plus généralement intellectuelle de tous les partis ne date pas d'hier et ne procède pas de l'avènement de l'industrie de l'opinion, les effets narcotiques de ses produits appauvrissent la vie politique et publique à un niveau de médiocrité critique. Les réactions des dirigeants, des militants ou de sympathisants, certes souvent les plus motivés ou "croyants" fournissent des indices significatifs de ce processus de dégradation voire de déprédation. A l'image de l'allégresse, certes opportune et passagère, des dirigeants de LFI à la publication d'un sondage du sondeur Cluster17. On se console comme on peut de son impuissance politique ou de la dérive autoritaire d'E. Macron. Celui de l'Ifop et du JDD est pris lui encore au sérieux. A l'extrême droite le temps de la suspicion politique de l'ex FN est de l'histoire ancienne, le RN fait comme tous les autres, quand les sondages lui plaisent il les applaudit. La "réponse" des Verts est aussi un grand classique, un contre-sondage tout aussi biaisé. La qualité de la mesure est secondaire, c'est l'usage qui en est fait qui compte, le sondage est une arme, rarpelait en substance l'ancien directeur de campagne d'A. Montebourg à la présidentielle de 2017 [11]. EELV le sait, le RN, LFI, Le PS, tous les professionnels de la politique le savent même si peu le disent explicitement. En titrant "ce sondage sur les européennes 2024 commandé par EELV ne va rien arranger au débat de la Nupes" Le huffingtonpost, principal diffuseur des QCM de Yougov en France ne s'y est pas trompé. Faut-il en craindre qu'il en soit ainsi pendant un an minimum ?

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Les sondeurs sont donc des marchands d'armes. On nous objectera que les sondages ne tuent personne. Les sondages rendent-ils plus fortes les démocraties (qui n'en n'ont pas le monopole) comme le répète à l'envi ceux qui en vivent ? La réponse est dans la question : non.

Au vu des dégâts on peut espérer que dans les missions pédagogiques dans le cadre de « l'éducation aux médias » des écoliers et lycéens que revendiquent singulièrement les professionnels de l'information ne figure aucun apôtre du journalisme politologique.


[2] Cf. Huffingtonpost, 13 mai, 2023. franceinfo, AFP, 15 mai 2023.

[3] 20 mai 2021.

[4] Cf. « Dans la fabrique opaque des sondages », Le Monde 4 novembre 2021.

[5] Le Monde, 23 mars 2023.

[6] Il appartient maintenant au groupe Bolloré.

[8] 5 avril 2023.

[9] cf. "Sondage. Européennes : le RN confirme sa première place, unie la gauche arrive ex aequo", Jdd, 13 mai 2023.

[10] DG de l'Ifop, Jdd, Ibid.

[11] Ancien responsable opinion du PS, cf. Commission des sondages-Université Paris V, Sondages et débat électoral, Conseil d'Etat, 19 octobre. 2018.

15.05.2023 à 16:22

Turquie : fiasco sondagier sans surprise

Annoncé vainqueur dès le premier tour ou presque, Kemal Kiliçdaroglu, rival de Recep Tayyip Erdogan, totalise pour l'heure 45,05% contre 49,25% pour le président sortant [1] Un deuxième tour de scrutin se profile donc. Autant dire que la tradition du fiasco sondagier, ici comme ailleurs, a été respectée. La presse respectera-t-elle l'autre tradition en ce domaine, celle de ne tirer aucune leçon de cette énième bévue ? C'est fort probable, car on le sait elle n'aime pas recevoir de leçon.
Une élection (...)

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Texte intégral (563 mots)

Annoncé vainqueur dès le premier tour ou presque, Kemal Kiliçdaroglu, rival de Recep Tayyip Erdogan, totalise pour l'heure 45,05% contre 49,25% pour le président sortant [1] Un deuxième tour de scrutin se profile donc. Autant dire que la tradition du fiasco sondagier, ici comme ailleurs, a été respectée. La presse respectera-t-elle l'autre tradition en ce domaine, celle de ne tirer aucune leçon de cette énième bévue ? C'est fort probable, car on le sait elle n'aime pas recevoir de leçon.

Une élection sans sondage serait une élection à l'aveugle affirmait, sans rire, le chroniqueur de télévision J-M. Aphatie six mois avant la présidentielle française (cf. Une « intoxication » nécessaire : le « lapsus » de J. M. Aphatie). A part les rendre aveugle on ne voit pas bien quelle incidence bénéfique « les lumières sondagières » auraient sur l'acuité visuelle des médias.

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Quant aux vertus supposées des sondages, à mesurer, à évaluer, à qualifier sérieusement des déclarations de sondés c'est une question toujours aussi tabou.


[1] Après le décompte de 99,37% des bulletins de vote, cf. FranceInfo, 15 mai 2023.

04.05.2023 à 17:26

Parole de maliens : « loués soient notre dictateur et ses amis russes »

Il faut croire que la fondation allemande Friedrich Ebert Stiftung qui œuvre à la défense des « valeurs fondamentales de la social-démocratie que sont la liberté, la justice et la solidarité », ne manque ni de logistique ni de financement pour mener ses enquêtes d'opinion tout particulièrement au Malin avec son « Mali-mètre ». A moins qu'il ne s'agisse d'humour, quelque peu cruel, ou plus vraisemblablement de sottise.
Plus de neufs maliens sur dix seraient selon ce baromètre satisfaits du colonel Assimi Goïta, (...)

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Il faut croire que la fondation allemande Friedrich Ebert Stiftung [1] qui œuvre à la défense des « valeurs fondamentales de la social-démocratie que sont la liberté, la justice et la solidarité » [2], ne manque ni de logistique ni de financement pour mener ses enquêtes d'opinion tout particulièrement au Malin avec son « Mali-mètre ». A moins qu'il ne s'agisse d'humour, quelque peu cruel, ou plus vraisemblablement de sottise.

Plus de neufs maliens sur dix seraient selon ce baromètre satisfaits du colonel Assimi Goïta, au pouvoir depuis son premier coup d'Etat en août 2020. Leur confiance dans l'aide de la Russie s'établit dans des proportions similaires, comme dans celle du groupe de mercenaires Wagner, de sinistre réputation, dans la lutte contre les groupes djihadistes et l'insécurité endémique du pays (cf. Le Monde, 4 mai 2023).

A l'image de toute l'industrie de l'opinion la fondation allemande perçoit les enquêtes par sondage « comme un important instrument dans une démocratie pour interroger et comprendre de manière adéquate les perceptions, besoins et attentes des citoyennes et des citoyens ». Une perception, « en soi » déjà fort discutable, mais plus encore dans le cas du Mali, qui n'est plus une démocratie depuis plusieurs années. Les concepteurs du « Mali-mètre » et les dirigeants de cette fondation seraient-ils aveugles et sourds ? Difficile à croire.

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Pensent-ils sérieusement que les opinions formulées sous une dictature, a fortiori quand elles lui sont unanimement favorables, ont une quelconque valeur mise à part celle de l'expression d'un optimisme pour conjurer le désespoir ? C'est à la religion, "normalement", que revient cet office. Le paradis futur en consolation des souffrances et des misères présentes. Aujourd'hui pour les Maliens, une milice brutale, Wagner, et un dictateur....Amen.

Addendum (12 mai 2023)

L'ONU accusait le 12 mai par la voix de son haut-commissaire aux droits de l'Homme l'armée malienne et des combattants « étrangers » (sans précision sur leur nationalité) d'avoir exécuté 500 personnes en 2022 à Moura (Le Monde, 12 mai 2023). Ces accusations reposent sur une enquête de la division des droits de l'homme de la mission de casques bleus déployée depuis 2013 au Mali (Minusma). Assassinats, auxquels s'ajoutent plus d'une cinquantaine de viols et de violences sexuelles sur des femmes et jeunes filles. Ils pourraient, toujours selon le haut-commissaire des Nations Unies constituer des crimes de guerre voire pour certains actes des crimes contre l'humanité.

Le sondeur comme la fondation allemande Friedrich Ebert Stiftung n'ont pour l'instant fait aucun commentaire. Ils n'en feront peut-être aucun. Sauf à considérer que les accusations de l'Onu porte un coup, sinon fatal, au moins sérieux à leur "amateurisme".


[1] créée en 1925, du nom du premier président de la République de Weimar entre 1919 et 1925.

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