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30.05.2023 à 15:34

Faut-il en finir avec les « champions nationaux » ?

L'Observatoire des multinationales s'est associé à Attac pour publier Super Profiteurs. Le petit livre noir du CAC40, aux éditions Les liens qui libèrent, disponible dans toutes les bonnes librairies depuis le 24 mai (216 pages, 12€). Un livre qui veut montrer que notre soumission économique et démocratique à des « champions » de plus en plus abusifs n'a rien d'une fatalité. En guise d'avant-goût, nous en reproduisons ci-dessous l'introduction.
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- CAC40 : le véritable bilan annuel 2023 / , , , , , , , , ,
Texte intégral (2442 mots)

L'Observatoire des multinationales s'est associé à Attac pour publier Super Profiteurs. Le petit livre noir du CAC40, aux éditions Les liens qui libèrent, disponible dans toutes les bonnes librairies depuis le 24 mai (216 pages, 12€). Un livre qui veut montrer que notre soumission économique et démocratique à des « champions » de plus en plus abusifs n'a rien d'une fatalité. En guise d'avant-goût, nous en reproduisons ci-dessous l'introduction.

Faut-il en finir avec les « champions nationaux » ? La question mérite d'être posée tant les scandales et controverses s'accumulent de jour en jour au sujet des grandes entreprises françaises.

Lundi, on parlera d'une nouvelle affaire d'évitement fiscal impliquant un grand groupe ou son PDG milliardaire via des sociétés enregistrées dans des paradis fiscaux et judiciaires.

Mardi, ce sera le greenwashing éhonté d'une autre multinationale tricolore, pratiquant le grand écart entre professions de foi vertes et poursuite des investissements dans les énergies fossiles.

Mercredi, on évoquera un énième plan de suppressions d'emplois, immédiatement salué par les marchés boursiers.

Jeudi, une sombre affaire de lobbying fera la une des journaux, montrant comment les milieux patronaux profitent de leur accès privilégié aux décideurs pour protéger leurs intérêts.

Vendredi, on nous annoncera de nouveaux records historiques de profits pour le CAC40, tandis que les salaires continueront à stagner et l'inflation à galoper.

Samedi, on nous racontera comment, à l'autre bout du monde, des travailleurs et travailleuses de filiales ou de sous-traitants de grands groupes français sont exploité·es et leurs droits fondamentaux impunément bafoués.

Dimanche, on nous dévoilera les liens étroits cultivés par certains champions français avec tel dictateur ou tel régime autoritaire pour faire du « business » sans être dérangés par les critiques.

Et ainsi de suite la semaine suivante.

Révélation après révélation, la réalité peu reluisante des grandes entreprises françaises apparaît au grand jour. Pourtant, on ne cesse de nous rappeler que nous sommes liés à elles, que nous avons besoin d'elles, qu'elles sont « les nôtres » et que d'une certaine manière elles nous « représentent ». Et qu'il ne faudrait donc pas trop les critiquer. C'est cet imaginaire que capture la notion de « champions nationaux », convoquant une sorte de communion naturelle ou de pacte fondamental entre une nation et ses entreprises, dont tout le monde finirait par bénéficier.

Cet imaginaire s'appuie sur le souvenir collectif des Trente Glorieuses, associé à l'image d'une redistribution plus égalitaire des fruits de la croissance. Une période évoquant un État interventionniste, veillant à ce que les entreprises contribuent à la modernisation du pays et à la hausse de la consommation... sans que la majorité ne se soucie trop, par ailleurs, des conséquences écologiques.

Force est de constater que ce pacte, s'il a jamais existé sous cette forme idéalisée, est rompu depuis longtemps. Les grandes entreprises d'aujourd'hui s'efforcent de « rendre » le moins possible à la société.

Force est de constater que ce pacte, s'il a jamais existé sous cette forme idéalisée, est rompu depuis longtemps. Les grandes entreprises contemporaines s'efforcent de « rendre » le moins possible à la société : pas d'efforts particuliers faits sur les contributions fiscales, pas d'impact sur les emplois (qui stagnent) ou les salaires (qu'on attendrait à voir plus volontiers monter, surtout en contexte d'inflation), ni même une baisse des prix pourtant nécessaire à l'heure où nous écrivons ces lignes. Rien n'étant fait pour les usager·es, consommateur·rices et employé·es, comment même parler d'un pacte aujourd'hui, puisqu'aucun échange n'est observé ? Les entreprises cherchent à accaparer l'essentiel des profits qu'elles génèrent au bénéfice de leurs actionnaires et de leurs dirigeants. Elles refusent d'assumer véritablement la responsabilité de leurs impacts écologiques ou sociaux, qu'elles reportent sur la collectivité. Les services publics de naguère ont été privatisés, libéralisés ou sapés de l'intérieur. Les bénéfices que les grandes entreprises nous apportent sont de plus en plus précaires et douteux, tandis que les coûts qu'elles engendrent sont de plus en plus apparents.

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Ces entreprises sont-elles d'ailleurs encore vraiment « les nôtres » ? Une minorité des grands groupes nationaux réalise toujours une part importante de son activité en France, comme Bouygues et Vinci dans le BTP, ou Orange dans les services. Mais cette part tourne au maximum autour de 50 % du chiffre d'affaires, le reste étant réalisé à l'étranger. Pour la plupart des autres groupes, la France ne représente plus qu'une fraction de leur effectif ou de leur activité – et souvent de leur actionnariat. Ils ne sont plus « français » que par leur histoire, parce qu'ils sont cotés à la Bourse de Paris et ont (avec quelques exceptions) leur siège social en France, ou que leurs principaux dirigeants sont de nationalité française.

Ces groupes français actifs sur les marchés mondiaux sont devenus des multinationales. Autrement dit, ils opèrent dans plusieurs pays à la fois, souvent sur tous les continents, à travers un réseau de filiales placées sous l'égide de la société mère. Au-delà des filiales qui constituent le « groupe » proprement dit, ces mêmes entreprises mettent en place des « chaînes de valeur » encore plus vastes pour s'alimenter en produits ou en matières premières (fournisseurs), externaliser une partie de leur production (sous-traitants) ou utiliser leurs produits et services (clients industriels et consommateurs).

Depuis l'époque des Trente Glorieuses, les grandes entreprises françaises se sont non seulement internationalisées, mais elles se sont également soumises au joug de la finance actionnariale. Le CAC40 en est le symbole : il est le principal indice de la bourse parisienne, regroupant les quarante entreprises les plus importantes cotées sur cette place financière, sélectionnées en fonction de critères de valorisation et de volume d'échange. La plupart des « champions » y figurent, mais il y a des exceptions, et non des moindres : les entreprises privées non cotées en bourse (comme Auchan, Lactalis ou CMA-CGM), les entreprises à capitaux publics (EDF, SNCF, Areva) et toutes les grandes sociétés cotées qui ne font pas ou plus partie des quarante élus (Air France, Accor, Eiffage et de nombreuses autres). Nous utilisons tout de même le terme de CAC40 dans cet ouvrage pour désigner par extension l'ensemble des grandes entreprises françaises.

Le gouvernement continue à faire comme si ce qui est bon pour le CAC40 l'était aussi nécessairement pour l'économie et la société françaises dans leur ensemble.

Les gros groupes nationaux ne se contentent pas de jouer, sous contrainte, le jeu de la finance mondiale : ils sont devenus de véritables champions du monde du dividende. Cocorico ! Au printemps 2023, ils annoncent un nouveau record de profits : 150 milliards au bas mot. Mais force est de constater que ce « pognon de dingue », capté par les actionnaires et dirigeants, profite très peu aux travailleurs et travailleuses de ces mêmes entreprises, et encore moins à la société dans son ensemble. Bien pire : ces « superprofits » s'expliquent en grande partie par les marges supplémentaires que se sont accaparées les grands groupes sous prétexte d'inflation, ainsi que par les aides publiques et la baisse de la fiscalité. Ils se nourrissent de la sueur et de la peine de la majorité de la population.

Le gouvernement continue pourtant à faire comme si ce qui est bon pour le CAC40 l'était aussi nécessairement pour l'économie et la société françaises dans leur ensemble. Quelles qu'en soient les justifications officielles, ses politiques économiques restent axées sur les intérêts des grands groupes : ce sont eux qui sont les principaux bénéficiaires de la croissance des aides publiques, de la baisse de la fiscalité, du détricotage du code du travail, de la libéralisation, du soutien à l'exportation, de l'assouplissement des régulations environnementales.

La diplomatie française est mise au service de TotalEnergies, Sanofi, LVMH et Dassault pour les aider à signer des contrats, vendre des armes, exploiter des ressources naturelles partout sur la planète. Pendant que les multinationales sont ainsi choyées, les services publics dépérissent faute de crédits suffisants. Les petites entreprises et les diverses formes de l'économie sociale et solidaire doivent se contenter de miettes, les règles du marché unique européen et du commerce international étant conçues pour (et souvent par) les multinationales.

Ce livre, issu d'une collaboration entre Attac et l'Observatoire des multinationales, propose de poser un regard lucide sur ces fameux « champions nationaux ». Ce terme a fréquemment été utilisé en référence aux grands programmes technologiques et industriels des années 1960 et 1970 – le TGV, le nucléaire, le Concorde, la fusée Ariane –, et aux entreprises qui les ont portés. Il recouvre à présent, en un sens plus général, l'ensemble des grands groupes français désormais actifs sur les marchés mondiaux.

Le statut de « champion national » semble garantir un soutien inconditionnel de la part des pouvoirs publics : c'est simplement parce que Sanofi ou LVMH sont nominalement français qu'il faudrait les défendre, sans considération de leurs contributions sociales concrètes.

Le statut de « champion national » semble garantir un soutien inconditionnel de la part des pouvoirs publics : c'est simplement parce que Sanofi ou LVMH sont nominalement français qu'il faudrait les défendre, sans considération de leurs contributions sociales concrètes. Et si les discours des gouvernements et des milieux d'affaires se gargarisent maintenant de « souveraineté », c'est en général pour justifier un soutien accru à un grand groupe privé ou à une poignée d'entre eux dans chaque secteur (numérique, énergie, agroalimentaire, etc.). Ladite souveraineté ne serait-elle pas mieux assurée par le secteur public ou par des acteurs économiques véritablement ancrés dans les territoires ? Dans ce livre, nous démontons, une à une, les illusions et les tromperies qui tentent de justifier cette doctrine de soutien inconditionnel aux « champions nationaux ».

La première partie de cet ouvrage s'intéresse à ce que nous coûtent réellement les champions nationaux. Derrière l'idéologie du marché libre et les discours ressassés sur la gratitude que nous devrions ressentir à l'égard des milliardaires et des entrepreneurs qui feraient ruisseler les richesses, la réalité est bien différente : c'est la collectivité qui a porté et qui continue de porter les grandes entreprises à bout de bras, en en payant le prix fort.

La deuxième partie se penche sur ce que les champions nationaux nous apportent vraiment. On ne cesse de nous rabâcher que nous profitons de la prospérité et des performances financières des grandes entreprises du CAC40. Elles seraient à l'origine d'une manne de recettes fiscales et d'emplois, et plus largement des bienfaits associés à la société de consommation. Mais est-ce si évident que cela ? À y regarder de plus près, les bénéfices que les multinationales tricolores apportent à la collectivité s'avèrent bien maigres.

La troisième partie est consacrée aux pratiques des grandes entreprises françaises dans le monde et en particulier à leur rôle sur le dossier brûlant du climat, à leurs impacts en matière de droits humains, et à leurs relations avec les dictateurs et les régimes autoritaires. Quel monde contribuent à créer de fait les grandes entreprises françaises ?

Pour finir, dans une quatrième partie, nous proposons des pistes pour sortir du cercle vicieux dans lequel nous enferment les multinationales et l'appétit vorace de leurs actionnaires. Il faut revoir les règles de droit, à la fois en France et au niveau international, pour prévenir les abus, forcer les multinationales à assumer leurs responsabilités, et faire en sorte qu'elles « rendent » effectivement à la société. On devrait même envisager d'aller plus loin : réduire le poids économique excessif qu'ont acquis les grandes entreprises, revenir sur les politiques de privatisation et de libéralisation, démocratiser leur fonctionnement, en remettant en cause la mainmise des actionnaires sur les organes de délibération et de décision.

Il importe aussi, et peut-être surtout, se demander si nous avons autant besoin des multinationales qu'on essaie de nous le faire croire. Et s'il n'est pas possible – et même souhaitable – d'organiser la vie collective sans ces mastodontes, en redécouvrant la valeur du service public et d'une économie relocalisée et définanciarisée. Une chose est sûre : pour en finir avec la mainmise des multinationales, l'engagement et la mobilisation citoyenne sont et resteront indispensables.

Détails :
Taille - 12cm x 18cm
216 pages
Sortie - 24 mai 2023
Editions Les Liens qui libèrent
Prix : 12€

15.05.2023 à 10:45

À paraître : Superprofiteurs. Le petit livre noir du CAC40

Ce printemps, à l'occasion de ses assemblées générales annuelles, le CAC40 annonce de nouveaux records de profits et de dividendes. Co-écrit par Attac et l'Observatoire des multinationales, ce nouveau livre démonte la mécanique des superprofits et les travers économiques, sociaux et écologiques des grands groupes français.
La compétition économique mondiale exige des champions nationaux : c'est l'argument principal de ceux qui s'emploient constamment à justifier la confusion des intérêts privés et (...)

- Actualités
Lire plus (409 mots)

Ce printemps, à l'occasion de ses assemblées générales annuelles, le CAC40 annonce de nouveaux records de profits et de dividendes. Co-écrit par Attac et l'Observatoire des multinationales, ce nouveau livre démonte la mécanique des superprofits et les travers économiques, sociaux et écologiques des grands groupes français.

La compétition économique mondiale exige des champions nationaux : c'est l'argument principal de ceux qui s'emploient constamment à justifier la confusion des intérêts privés et publics. C'est une petite musique répétée à l'envi dans les grands médias, qui permet d'étouffer toute critique des avantages exubérants accordés aux grands groupes.

Priorité au business plutôt qu'à la justice sociale et écologique : la durabilité des profits du CAC40 devient l'unique principe d'action politique. Tout est bon pour que nos « champions » gardent leur place sur le podium. Et tant pis si cela signifie la capture de l'État, des processus démocratiques et des médias dominants par quelques entreprises très profitables.

Il est désormais urgent d'inverser la tendance en soumettant ces multinationales à un contrôle démocratique rigoureux. L'influence démesurée des Super Profiteurs n'a rien d'une fatalité.

Attac et l'Observatoire des multinationales proposent plusieurs mesures pour en finir avec l'impunité de ces « champions » qui rendent la société de plus en plus inégalitaire et repoussent aux calendes grecques la réorientation écologique de nos économies. Ils en appellent à la mobilisation citoyenne pour mettre en œuvre ce qui s'apparente à une nouvelle abolition des privilèges.

Le livre peut être acheté directement via la boutique en ligne d'attac.

Détails :
Taille - 12cm x 18cm
216 pages
Sortie - 24 mai 2023
Editions Les Liens qui libèrent
Prix : 12€

15.05.2023 à 00:02

Sous le signe des superprofits

Les derniers chiffres du CAC40 confirment une tendance de long terme à l'accaparement des richesses par les actionnaires et les dirigeants au détriment de l'emploi en France.

- CAC40 : le véritable bilan annuel 2023 / , , , ,
Texte intégral (662 mots)

Les derniers chiffres du CAC40 confirment une tendance de long terme à l'accaparement des richesses par les actionnaires et les dirigeants au détriment de l'emploi en France. Cette tendance prend une forme exacerbée au sein d'une poignée de groupes comme TotalEnergies, LVMH ou BNP Paribas, qui concentrent l'essentiel des profits, dividendes et rachats d'actions du CAC40. Nouvelle note d'analyse de l'Observatoire des multinationales.

En 2022, les profits du CAC40 se sont maintenus à un niveau record, à plus de 138 milliards d'euros. Les dividendes poursuivent leur croissance apparemment inexorable (67 milliards) tandis que les rachats d'actions continuent à exploser (25 milliards).

Derrière ces chiffres globaux, une poignée de groupes, parmi lesquels TotalEnergies, LVMH, BNP Paribas ou encore Stellantis, représentent la majorité des profits engrangés par le CAC40, mais aussi des dividendes versés et des actions rachetées.

Ces « superprofits » ne sont pas forcément une bonne nouvelle ni pour l'économie, ni pour la société française en général. Ils sont alimentés en grande partie par un accroissement des marges, facteur de renchérissement du coût de la vie, et par des aides publiques directes et indirectes.

C'est un sujet sur lequel l'Observatoire des multinationales revient plus en détail dans un livre publié avec l'association Attac, Superprofiteurs. Le petit livre noir du CAC40, qui sortira en librairie le 24 mai prochain.

Malgré leur santé financière florissante, certains de ces champions des bénéfices et des dividendes touchent en effet de nombreuses aides publiques, dont certaines censées les inciter à se « décarboner ». La future loi sur l'industrie verte qui sera présentée en conseil des ministres ce mercredi va y ajouter de nouvelles aides encore, toujours sans véritable contrepartie et sans garanties sur les résultats concrets.

Beaucoup de ces groupes continuent par ailleurs à supprimer des emplois en France. Globalement, le CAC40 affiche 16 000 emplois en moins dans l'Hexagone depuis 2019, alors que ses profits annuels ont augmenté de 74% et ses versements aux actionnaires de 61% sur la même période.

Les principaux bénéficiaires de la générosité du CAC40 envers ses actionnaires sont comme chaque année le groupe Arnault (près de 3 milliards d'euros de dividendes touchés de LVMH) et BlackRock, qui empoche 2,8 milliards d'euros de dividendes sur les profits 2022 du CAC40.

En comptant dividendes et rachats d'actions, c'est pas moins de 1,1 milliard d'euros que TotalEnergies aura consacré à rémunérer BlackRock sur ses profits 2022, soit 10 861 euros pour chacun de ses salariés dans le monde.

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11.05.2023 à 15:14

Comment enquêter sur les multinationales et le lobbying ? Deux dates de formation à Paris

L'Observatoire des multinationales est très heureux de recommencer à proposer des formations, avec deux dates à Paris.
La première aura lieu le 1er juin - une formation introductive pour présenter les principales sources et méthodes. Infos et inscription (obligatoire) : http://lstu.fr/formation-odm
Programme :
10h-10h30 : Introduction
10h30-11h : « Multinationales » - de quoi parle-t-on ?
11h-11h30 : Actionnaires et dirigeants
11h30-12h30 : Comptes et données financières
14h-15h : Comptes (...)

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L'Observatoire des multinationales est très heureux de recommencer à proposer des formations, avec deux dates à Paris.

La première aura lieu le 1er juin - une formation introductive pour présenter les principales sources et méthodes. Infos et inscription (obligatoire) : http://lstu.fr/formation-odm

Programme :
10h-10h30 : Introduction
10h30-11h : « Multinationales » - de quoi parle-t-on ?
11h-11h30 : Actionnaires et dirigeants
11h30-12h30 : Comptes et données financières
14h-15h : Comptes et données financières (suite)
15h-16h30 : Informations sociales et environnementales

La seconde aura lieu le 20 juin, toujours à Paris, et sera consacrée plus spécifiquement aux méthodes et sources d'enquête sur le lobbying (au sens large) en France et en Europe. Info et inscription (obligatoire) : http://lstu.fr/formation-lobbying

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11.05.2023 à 07:00

Daniel Křetínský : une fortune basée sur les énergies fossiles

Olivier Petitjean

Le milliardaire tchèque Daniel Křetínský est devenu en quelques années, à coup de rachats de médias et d'autres entreprises, un acteur de premier plan en France. D'où lui vient tout cet argent ? Essentiellement de l'exploitation du charbon et du gaz, dont les bénéfices ont explosé ces dernières années.
Le milliardaire tchèque Daniel Křetínský est devenu en quelques années, à coup de rachats de médias et d'autres entreprises, un acteur de premier plan sur la scène française. Propriétaire de Marianne, (...)

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Texte intégral (1485 mots)

Le milliardaire tchèque Daniel Křetínský est devenu en quelques années, à coup de rachats de médias et d'autres entreprises, un acteur de premier plan en France. D'où lui vient tout cet argent ? Essentiellement de l'exploitation du charbon et du gaz, dont les bénéfices ont explosé ces dernières années.

Le milliardaire tchèque Daniel Křetínský est devenu en quelques années, à coup de rachats de médias et d'autres entreprises, un acteur de premier plan sur la scène française. Propriétaire de Marianne, actionnaire du Monde et de TF1, soutien financier de Libération, il est aujourd'hui en négociation exclusive avec Bolloré pour racheter le groupe d'édition Editis (Robert Laffont, Plon, Perrin, La Découverte, Le Cherche midi, Bordas, Nathan, 10/18...). Il est aussi l'un des principaux actionnaires de Fnac-Darty ainsi que de Casino, en grande difficulté financière. Qu'à cela ne tienne : Daniel Křetínský a fait savoir qu'il était prêt à monter au capital pour renflouer le groupe de grande distribution. Et ses ambitions ne s'arrêtent pas là puisqu'il aurait caressé un temps l'envie de prendre possession d'autres champions français en difficulé, comme Atos et même, il y a quelques années, EDF.

Mais d'où lui vient donc tout cet argent, qu'il dépense si libéralement pour sauver des fleurons de la presse ou de l'économie françaises ? En grande partie de l'exploitation du charbon et du gaz, et de ses liens privilégiés avec la russie de Vladimir Poutine, comme le rappelle un rapport publié en français par le think tank tchèque Re-Set.

Un baron du charbon

La fortune de Daniel Křetínský est indissociablement lié à celle du groupe EPH, plus grosse entreprise tchèque, dont il est le PDG et le principal actionnaire. Sous son égide et avec le soutien de banques tchèques et internationales dont la Société générale, EPH a poursuivi ces dernières années une stratégie agressive de rachats à bas prix de centrales ou de mines de charbon dont les groupes d'Europe occidentale, soucieux de verdir leur mix énergétique et leur image, ne voulaient plus. En conséquence, l'entreprise se retrouve aujourd'hui à la tête d'une flotte de centrales au charbon en République tchèque, en Allemagne, en Slovaquie, en Italie et au Royaume-Uni dont les émissions annuelles cumulées s'élèvent à presque 49 millions de tonnes de carbone. En France également, EPH a acquis les deux centrales au charbon détenues par Uniper, à Saint-Avold en Moselle et à Gardanne dans les Bouches-du-Rhône.

Non seulement EPH continue à faire fonctionner la majorité de ces usines extrêmement polluantes tant que c'est possible, mais il peut se préparer tranquillement à profiter aussi des politiques gouvernementales de sortie des énergies fossiles. Dans le cas du plan allemand de sortie programmée du charbon d'ici 2030, Daniel Křetínský a ainsi pu négocier une compensation d'au moins 1,75 milliard d'euros. Et beaucoup craignent qu'il ne mette à profit le Traité de charte de l'énergie, un accord multilatéral censé protéger les investissements dans ce secteur, pour réclamer encore davantage d'argent aux autres pays qui emboîteront le pas à l'Allemagne.

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Superprofits de guerre

Ironie amère de l'histoire : à la faveur de la panique énergétique provoquée par l'invasion russe de l'Ukraine et les sanctions occidentales, certaines des centrales charbon d'EPH qui avaient été fermées pour des raisons écologiques ont été rallumées, dont celle de Saint-Avold en France.

Si Daniel Křetínský est aujourd'hui en mesure de racheter ou renflouer à tour de bras en France des médias, des maisons d'édition et des entreprises en détresse, c'est notamment que son entreprise EPH a vu son chiffre d'affaires grimper en flèche depuis quelques années. Ils ont plus que doublé entre 2020 et 2021 (de 8,5 à 18,9 milliards d'euros, puis à nouveau entre 2021 et 2022 (37,1 milliards d'euros). Son profit a été multiplié par plus de trois, à 3,8 milliards d'euros en 2022 contre 1,2 en 2021. Ces performances lui permettent de convaincre la Société générale et ses autres soutiens de continuer à financer sa politique de rachats.

Une partie de cette manne provient de l'exploitation d'un immense gazoduc appartenant à sa filiale Eustream, acquise dans des conditions obscures, qui transporte le gaz russe vers l'Europe de l'Ouest. Ces flux ont continué pendant de longs mois malgré la guerre en Ukraine et l'explosion du prix du gaz transporté, augmentant mécaniquement les bénéfices engendrés par Eustream pour son transport, et contribuant au financement de la machine de guerre russe. Cette source de revenus s'est cependant progressivement tarie à mesure que l'Europe prenait des mesures pour se sevrer du gaz russe [1]. Heureusement pour lui, Daniel Křetínský possède également d'importantes infrastructures de stockage de gaz, qui ont été très utilisées en 2022 pour prévenir le risque d'une pénurie.

Le pari de l'inaction climatique

Rien n'indique que Daniel Křetínský compte sortir réellement à terme des énergies fossiles. Un classement établi en 2022 par Ember et Europe Beyond Coal estimait ainsi qu'EPH avait le pire plan de décarbonation de toutes les entreprises énergétiques européennes. Le groupe a aussi le plus important plan de construction de nouvelles centrales et infrastructures gazières de tout le vieux continent. Son principal investissement en matière de sortie partielle des énergies fossiles est de miser sur le développement du bois pour remplacer le charbon, comme dans la centrale française de Gardanne, avec de forts risques, faute des garde-fous nécessaires, que cela contribue à alimenter la déforestation et donc que les bénéfices pour le climat soient nuls.

En France, Daniel Křetínský cultive une image de libéral pro-européen, et a investi dans toutes sortes de médias, depuis l'hebdomadaire Marianne et la chaîne TF1 (dont il détient environ 5%) jusqu'au Monde et à Libération en passant par Elle, Usbek & Rica, Télé 7 jours ou encore le nouvel hebdomadaire de Christophe Barbier, Franc Tireur. En République tchèque, au contraire, selon le rapport de Re-Set, certains des médias qu'il possède se distinguent par une communication beaucoup plus agressive contre les politiques climatiques et les mouvements écologistes. Rien de tel pour l'instant en France. Mais en étendant peu à peu sa toile dans le paysage médiatique et intellectuel de l'Hexagone, Daniel Křetínský parvient au moins à « blanchir » une fortune dont l'origine n'est, littéralement, pas très propre. Et s'il décide un jour d'utiliser ce pouvoir pour défendre ses intérêts économiques et politiques, nous n'y pourrons plus grand chose.

Olivier Petitjean


Photo : Sludge G cc by-sa


[1] Lire à ce sujet la traduction française d'un article de journalistes d'investigation tchèques du média Denik Referendum.

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