17.05.2025 à 06:00
Fierté et bonheur. Ce sont les deux sentiments qui nous ont envahiFGO-Barbara dans le quartier parisien – et si symbolique — de la Goutte d'Or remplie par un public qui a répondu présent au premier événement musical organisé par Orient XXI. Il faut dire que nous avions la chance d'accueillir des artistes exceptionnels : Zeid Hamdan, Imed Alibi et Khalil Epi. Avec la chercheuse Leyane Ajaka Dib Awada, membre de notre comité de rédaction qui a (…)
- e s le samedi 19 avril 2025 en voyant la salle Magazine / Musique, Évènements d'Orient XXIFierté et bonheur. Ce sont les deux sentiments qui nous ont envahiFGO-Barbara dans le quartier parisien – et si symbolique — de la Goutte d'Or remplie par un public qui a répondu présent au premier événement musical organisé par Orient XXI. Il faut dire que nous avions la chance d'accueillir des artistes exceptionnels : Zeid Hamdan, Imed Alibi et Khalil Epi.
e s le samedi 19 avril 2025 en voyant la salleAvec la chercheuse Leyane Ajaka Dib Awada, membre de notre comité de rédaction qui a réalisé un reportage sur les lieux de la scène musicale arabe parisienne, nous avons discuté du travail des artistes arabes en France, de leur volonté de ne plus être enfermés dans des catégorisations toutes faites et de sortir des représentations clichées sur « l'Orient » et les « divas ».
S'en est suivi un temps d'échange avec le public puis un concert avec, en première partie, Zeid Hamdan et ses invités, suivis du duo Frigya, porté par l'instrumentiste Khalil Epi et le percussionniste et programmateur de festivals Imed Alibi.
Cet événement, un premier du genre et que nous espérons ne pas être le dernier, n'a pu être réalisé qu'avec le soutien de la Direction Méditerranée, la disponibilité de l'espace FGO-Barbara et de son équipe de production et technique qui a accepté de nous faire confiance. Enfin, nous adressons un remerciement chaleureux à Imed Alibi, qui nous a généreusement fait bénéficier de son expérience dans le domaine.
Comme nous le disions en amont de l'événement, il est difficile de s'imaginer, par les temps qui courent, faire la fête, alors qu'un génocide est toujours en cours à Gaza et que le reste de la région ne se porte guère mieux. Nous voulions que cette soirée soit avant tout un moment de réunion, de solidarité, avec une pensée toute particulière pour la Palestine. Merci à tou
te s celles et ceux qui étaient présent e s ce soir-là d'avoir permis cela.En souvenir de cette soirée, voici quelques photos prises par NnoMan.
16.05.2025 à 06:00
Dans L'Arbre et la tempête, paru aux éditions Marchialy, le journaliste Quentin Müller livre un carnet de voyage au Yémen, oscillant entre analyse géopolitique et témoignage sur la réalité du métier de reporter dans un pays en guerre. Rares sont les lieux qui mériteraient davantage le surnom de « bout du monde ». À plus de 300 kilomètres au large des côtes du Yémen, l'île de Socotra se démarque du Yémen continental par sa géographie, son histoire et sa langue. Isolée, elle n'échappe pas (…)
- Lu, vu, entendu / Yémen, Émirats arabes unis (EAU), Récit , Arabie saoudite, Conflit du Yémen, Conseil de transition du Sud (CTS), Livres, SocotraDans L'Arbre et la tempête, paru aux éditions Marchialy, le journaliste Quentin Müller livre un carnet de voyage au Yémen, oscillant entre analyse géopolitique et témoignage sur la réalité du métier de reporter dans un pays en guerre.
Rares sont les lieux qui mériteraient davantage le surnom de « bout du monde ». À plus de 300 kilomètres au large des côtes du Yémen, l'île de Socotra se démarque du Yémen continental par sa géographie, son histoire et sa langue. Isolée, elle n'échappe pas aux tragiques turpitudes de la guerre débutée il y a une décennie. Située à l'embouchure du détroit stratégique de Bab El-Mandeb, Socotra est aujourd'hui l'un des points chauds du « grand jeu » qui voit s'affronter les puissances de la région : Iran, Arabie saoudite, Émirats arabes unis et dorénavant Israël.
Après une première tentative échouée en 2019, Quentin Müller, collaborateur d'Orient XXI, parvient à se rendre pour la première fois sur l'île de Socotra en 2021, avant un deuxième voyage en 2023. Deux séjours qu'il consacre à son enquête sur la situation politique sur l'île, mais plus largement à une plongée dans son histoire, ses paysages et sa culture de Socotra, si singulière.
L'Arbre et la tempête mêle anecdotes, descriptions, légendes populaires et bribes de l'histoire locale. Au fil de son récit, le journaliste nous embarque dans ses rencontres, allant de l'héritier d'une dynastie de sultans qui règnent sur Socotra jusque dans les années 1960, à des militants nostalgiques du Yémen socialiste, en passant par des paysans vivant reclus dans les confins de l'île ou encore un curieux « saltimbanque », devenu guide après avoir été un temps vidéaste pour Al-Qaïda. Une surprenante galerie de personnages, qui donne une épaisseur humaine à l'opus.
L'histoire tourmentée de ce territoire, balloté par les soubresauts de l'histoire du Yémen contemporain, est le fil rouge de cet ouvrage. L'auteur reconstitue cette chronologie par petites touches, du système féodal au protectorat britannique, de la difficile transition vers le socialisme à la non moins ardue conversion au capitalisme lors de la réunification des Yémen du Sud et du Nord en 1990, jusqu'à — enfin — l'essor d'un fondamentalisme islamique peu respectueux des coutumes locales.
Le récit est enrichi par une série de clichés pris par Tanguy Müller, frère de l'auteur et artiste photographe, qui restitue avec intensité et profondeur la richesse des paysages et du peuple socotri, projetant le lecteur dans un voyage par procuration. Cette fresque éclectique est complétée par l'analyse géopolitique d'une île positionnée sur une voie de communication maritime stratégique.
Si l'opération saoudienne au Yémen, menée depuis 2015 par le prince héritier Mohamed Ben Salman, a été couverte par la presse internationale, les activités militaires émiraties, elles, sont restées plus discrètes. Pourtant, l'ambition stratégique des Émirats arabes unis dans la région est grandissante. Longtemps restés dans l'ombre du mentor saoudien, les Émirats n'hésitent plus à rivaliser avec ce dernier, plaçant leurs pions dans les points chauds de la région. Au Yémen, tout en soutenant officiellement le gouvernement central, les Émirats appuient le Conseil de transition du Sud (CTS), qui réclame l'indépendance des provinces méridionales, auxquelles Socotra est rattachée. Un « jeu à plusieurs bandes » selon l'auteur, qui pourrait mener, à terme, à la partition du pays.
Sur l'île, les Émiratis ont provoqué en 2020 le renversement du gouverneur par un commando affilié au CTS, qui gouverne désormais Socotra et réprime toute forme d'opposition. À des centaines de kilomètres de la ligne de front, Socotra est donc devenue la caisse de résonance de la guerre civile yéménite. Une situation que déplore la population : « Écrivez que Socotra est unique, pour sa tradition de paix. Nous haïssons le sang », confie un opposant aux ingérences émiraties. Pas à pas, Quentin Müller parvient à rassembler des informations pour reconstituer un tableau inédit de la situation politique sur l'île. Son enquête le mène à la conviction suivante : l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis se sont accordés sur un partage du Yémen en zones d'influences, les premiers se réservant la région orientale du Hadramaout, les seconds s'accaparant le Sud du pays et Socotra.
L'Arbre et la Tempête peut enfin se lire comme un témoignage sur la réalité du métier de reporter au Proche-Orient et comme un plaidoyer pour le journalisme d'investigation. Quentin Müller décrit les imbroglios administratifs, les intimidations et les pressions politiques. Après avoir échappé à une première tentative d'arrestation lors de son premier reportage à Socotra, il est interpellé par les services de renseignement locaux lors de son deuxième voyage, alors qu'il enquête clandestinement sur la présence émiratie. Les autorités locales le somment manu militari de quitter le territoire.
Alors que le Yémen semble condamné à de brèves apparitions dans les médias occidentaux, L'Arbre et la Tempête est un précieux témoignage, qui prend le temps de l'analyse, de l'enquête et, en un lieu si majestueux que Socotra, de la contemplation.
Quentin Müller
L'arbre et la tempête
Éditions Marchialy, 2025
350 pages
22 euros
16.05.2025 à 06:00
Le film de Hind Meddeb retrace la révolution soudanaise qui a renversé la dictature d'Omar Al-Bachir en 2019. Projeté à Calais, il met également en lumière la tragédie actuelle : alors que des millions de Soudanais fuient la violence, ceux qui ont défié la tyrannie se heurtent à un nouveau combat en exil, marqué par le racisme et la stigmatisation en Europe. Le récit de leur révolution devient ainsi un appel à la mémoire et à la solidarité face à l'indifférence. C'est un Khartoum méconnu (…)
- Lu, vu, entendu / Soudan, Union européenne (UE), Révolution, Migrants, Racisme, Frontières, Cinéma, ÉditorialLe film de Hind Meddeb retrace la révolution soudanaise qui a renversé la dictature d'Omar Al-Bachir en 2019. Projeté à Calais, il met également en lumière la tragédie actuelle : alors que des millions de Soudanais fuient la violence, ceux qui ont défié la tyrannie se heurtent à un nouveau combat en exil, marqué par le racisme et la stigmatisation en Europe. Le récit de leur révolution devient ainsi un appel à la mémoire et à la solidarité face à l'indifférence.
C'est un Khartoum méconnu : vivant, peuplé de jeunes gens qui peignent sur les murs, dansent, chantent et déclament des poèmes dans la rue, sourire aux lèvres. Face à ces scènes de joie, un frisson parcourt la salle de cinéma parisienne, ce lundi 5 mai. Sur l'écran, ils et elles parlent de démocratie, d'égalité, et surtout de liberté. Ils et elles viennent de faire tomber l'un des pires dictateurs au monde, Omar Al-Bachir, en avril 2019, qui a dirigé le Soudan d'une main de fer pendant trente ans. Ce Khartoum enchanté apparaît dans les premières minutes du documentaire de Hind Meddeb Soudan, souviens toi, sorti dans les salles françaises le 7 mai.
Pendant plusieurs mois, un mouvement de désobéissance a maintenu la pression sur les militaires pour exiger un gouvernement civil. Mais les Forces de soutien rapide dirigées par le général Mohamed Hamdan Dogolo, dit Hemetti, l'ancien tombeur d'Al-Bachir après en avoir été le bras armé, accusé de génocide au Darfour par les États-Unis (au moins 300 000 morts), répriment et tuent cette jeunesse pleine d'espoir. Le 3 juin 2019, les milices se filment en train de saccager les sit-in et de tuer (au moins 100 morts) plusieurs mois d'ivresse démocratique. « On a bien fait le travail », lance l'un d'eux, goguenard.
Le peuple se soulève de nouveau et ne se résigne pas. Après avoir fait tomber un dictateur, pourquoi ne parviendrait-il pas à tordre le bras de ceux qui veulent lui confisquer la révolution ? Mais les poèmes récités dans la rue pour galvaniser les foules ne peuvent rien face aux chars et aux armes automatiques. Las, Hemetti et le général Abdel Fatah Al-Burhan, après avoir un temps codirigé le pays, finissent par s'affronter, soutenus de part et d'autre par des puissances étrangères — dont les Émirats arabes unis — qui veulent accaparer les terres fertiles du Nil. Quelque 13 millions de Soudanais es ont aujourd'hui fui leur domicile, ce qui fait d'eux la première nationalité de personnes déplacées au monde.
Le film a été projeté à Calais, en France. Cette ville est bien connue pour « accueillir » des milliers d'exilés qui, à partir de là, tentent de traverser la Manche pour rejoindre l'Angleterre. Au moins 76 d'entre eux ont péri en mer en 2024. Une centaine de Soudanais sont venus voir le documentaire. « Ils m'ont expliqué qu'ils étaient très émus de revoir les images de la révolution, relate Hind Meddeb, certains d'entre eux m'ont dit qu'ils avaient presque oublié ce qu'ils avaient fait : renverser un dictateur. »
Ces jeunes hommes et ces jeunes femmes – ces dernières, privées de tout sous Al-Bachir, sont particulièrement mises en avant dans le film car elles ont joué un rôle déterminant dans les évènements – ont bravé la mort pour atteindre un idéal : la démocratie. Ils et elles savent qu'une révolution n'est pas un aboutissement, mais bien souvent une étape dans un long processus ponctué de répressions et de coups d'État. « Le Soudan est un exemple dans le monde arabe », affirme Hind Meddeb, qui rappelle que le pays a connu trois révolutions depuis l'indépendance – et quelques parenthèses démocratiques.
Mais plutôt que d'applaudir les héros soudanais parce qu'ils ont lutté contre l'abjection et montré la voie de la liberté, parfois au prix de leur vie — « Vous pouvez me tuer, mais pas mes idées », était l'un des slogans de la révolution —, plutôt que de louer leur courage et de les accueillir dignement en Europe et en France, les services policiers les soumettent à un harcèlement quotidien. Le pouvoir français les désigne avant tout comme des « migrants » qui n'auraient pas vocation à rester, comme des « envahisseurs », et agite la rhétorique raciste du « grand remplacement » et de la « submersion migratoire ». Ils s'en prennent à une communauté dont la culture ne serait pas « compatible » avec les valeurs françaises.
Ils sont aussi et surtout coupables d'être musulmans dans un pays où l'islam est constamment dénigré. Il faut pourtant entendre ces jeunes, en 2019, demander en criant un Soudan multireligieux et débarrassé du tribalisme. « Ils ne rejettent pas la religion mais refusent qu'elle soit instrumentalisée », rappelle encore la réalisatrice. « Toutes et tous n'aspirent qu'à une seule chose : vivre chez eux, dans un pays démocratique. » En France, l'ignorance et la propagande rejettent, trient, accusent, soupçonnent, matraquent. La répression coule les embarcations de fortune pour entraver la liberté de circuler de celles et ceux qui rêvent d'un avenir loin des tueries de Khartoum… Une sale besogne rétribuée plus d'un demi-milliard d'euros par l'Angleterre.
Pas un responsable politique, des deux côtés de la Manche, n'a une once du courage de ces exilé
es. Après avoir affronté la dictature, l'avoir renversée, avoir bravé la répression, finalement pris le chemin de l'exil alors que la situation était inextricable, échappé à la mort dans les camps libyens, survécu miraculeusement à la traversée de la Méditerranée, les tombeurs d'Al-Bachir se retrouvent à nouveau sous les coups, dans un pays qui, pourtant, a nourri leur vision révolutionnaire : 1789 et la Révolution française sont, selon Hind Meddeb, au cœur de leurs références. Lorsque ces jeunes gens reviendront libérer le Soudan — ce qu'ils veulent tous —, pas sûr que « le modèle français » les inspire encore.Cet édito a été initialement publié dans la lettre hebdomadaire d'Afrique XXI, le 9 mai 2025.
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Soudan, souviens-toi
Réalisé par Hind Meddeb
Echo film, 2024
76 minutes
Sortie en salle le 7 mai 2025
Projections en présence de la réalisatrice :