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Organisme national, l'OPC travaille sur l’articulation entre l’innovation artistique et culturelle, les évolutions de la société et les politiques publiques au niveau territorial

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17.01.2025 à 10:22

Le dispositif Minimix : une expérimentation villeurbannaise d’éducation artistique et culturelle

Ophélie Parlant
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Avec le dispositif Minimix, emblématique de son année Capitale française de la culture en 2022, Villeurbanne a engagé une politique volontariste en faveur de l’EAC visant à doter les groupes scolaires de coordinatrices culturelles d’ici 2026. C’est à cette articulation entre généralisation de l’EAC et appropriation territoriale de ses dynamiques que s’est intéressée l’enquête menée par le laboratoire ELICO (université Lyon 2) et l’OPC. Il en ressort notamment le rôle pivot joué par les coordinatrices, gardiennes des projets dans les établissements mais aussi nouvel intermédiaire d’une coopération entre Éducation nationale et institutions culturelles.

L’article Le dispositif Minimix : une expérimentation villeurbannaise d’éducation artistique et culturelle est apparu en premier sur Observatoire des politiques culturelles.

Texte intégral (4680 mots)

Peut-on encore innover en matière d’éducation artistique et culturelle (EAC) ? La phase actuelle dite de « généralisation » de l’EAC est-elle le témoin d’une homogénéisation des pratiques M.-P. Chopin, J. Sinigaglia, « Civiliser les individus : les paradoxes de la généralisation de l’éducation artistique et culturelle », L’Observatoire, n60, avril 2023. ? Ou, à l’inverse, sa prise en charge par les territoires et la hausse des dépenses des collectivités pour l’EAC V. Guillon, S. Périgois, Baromètre sur les budgets et choix culturels des collectivités territoriales : volet national 2024 – Observatoire des politiques culturelles ces dernières années, entraînent-elles une appropriation diversifiée et de nouvelles formes d’EAC ? Cet article propose de décrire la mise en place d’un cas particulier, porté par la ville de Villeurbanne : le dispositif Minimix. Nous montrerons à la fois l’originalité de cette expérimentation mais aussi son inscription dans l’histoire de l’EAC. Il s’agira en effet d’expliquer tout d’abord comment Minimix « ménage » les liens entre une politique nationale et une application locale et territoriale de l’EAC, puis, dans un second temps, de montrer qu’il révèle, pour mieux les valoriser, les modes de coopération professionnelle spécifiques de l’EAC.

Entre septembre 2021 et septembre 2024, dix personnes ont été recrutées par la mairie de Villeurbanne et affectées au poste de « coordinatrices Minimixes » dans les groupes scolaires de la ville pour y assurer la mise en œuvre des projets d’éducation artistique et culturelle des établissements. Aujourd’hui, cette équipe constitue le « service EACS – Éducation artistique culturelle et scientifique » du réseau des médiathèques de la ville. Présenté lors du concours national « Notre EAC en 360 secondes https://fnadac.fr/fdd/notre-eac-en-360-secondes/ », le dispositif Minimix y est décrit comme « le socle pérenne » de la candidature de la ville de Villeurbanne au label « Capitale française de la culture (CFC) » obtenu pour l’année 2022. En effet, mis en place dans le cadre de cette labellisation, Minimix témoigne, d’une part, d’une ligne politique singulière consistant à ajouter à une politique d’événementialisation de la culture une politique d’emploi durable au service de l’action culturelle, et d’autre part, d’une volonté de territorialisation des dynamiques de l’EAC.

Cet article est le fruit d’une enquête menée pendant deux ans par le laboratoire ELICO (université Lyon 2) et l’Observatoire des politiques culturelles, pour documenter la genèse et la mise en œuvre du dispositif. Dans ce cadre, les coordinatrices Minimixes, les directions d’établissements scolaires, les équipes pédagogiques ainsi que les équipes périscolaires, les structures culturelles et les services municipaux de l’éducation et de la culture ont été rencontrés. Entre juillet 2022 et novembre 2023, 70 personnes ont été interrogées de manière individuelle ou collective Dix-huit représentants de la ville de Villeurbanne (directions de la culture et de l’éducation, coordinatrices Minimixes, élus…), 31 personnels de l’Éducation nationale, 21 acteurs culturels et artistiques..

Un exemple de territorialisation de l’EAC

Équipement ? Outil ? Lieu ? Présence ou personne ? Après deux ans de requalification et d’expérimentation, les Minimixes se définissent aujourd’hui comme un dispositif « pour l’éducation artistique et culturelle, partout, tout le temps Guide des actions éducatives, porté par la direction de l’éducation et la direction de la culture, Ville de Villeurbanne, 2023-2024. ». Nous proposons de revenir sur la trajectoire de sa définition et de sa stabilisation dans le temps, car elle est caractéristique des enjeux liés à la généralisation et à la territorialisation des politiques d’EAC.

Le dispositif Minimix en quête de définition

Pour Villeurbanne, la candidature au label « Capitale française de la culture 2022 » suppose de faire valoir l’existant et notamment le dynamisme de sa politique culturelle, mais aussi de montrer sa capacité à projeter des évolutions porteuses pour le territoire. L’EAC est investie, à ce titre, comme un moyen de mettre en valeur les acteurs et les initiatives présents sur le territoire, mais aussi comme un chantier où expérimenter de nouvelles configurations pour l’avenir. Cette ambition se cristallise autour des groupes scolaires destinés à être « des pôles d’échanges, de rencontres et d’enrichissements mutuels, où peut se développer la reconnaissance de l’altérité. Le groupe scolaire s’ouvrira sur son environnement culturel au niveau du quartier et au niveau du territoire de la ville » indique Bernard Sevaux, directeur de la culture au printemps 2022, pour présenter les Minimixes B. Sevaux, « Place aux jeunes : de 3 à 25 ans », L’Observatoire, no 59, printemps 2022..

Si l’on regarde de plus près la façon dont ce dispositif est décrit, dès la rentrée 2022, on observe qu’il est dans un premier temps question de « mini-centres culturels » qui seraient installés dans les écoles maternelles et élémentaires, notamment dans les bibliothèques centres de documentation (BCD). Effectivement, certaines BCD des établissements scolaires concernés ont bénéficié d’une politique d’équipement et de rénovation (installation d’espaces modulables de lecture, de coins de repos, achat de mobilier neuf par exemple). Mais cette politique d’équipement se mue peu à peu en une politique d’emploi pérenne. Dix coordinatrices de projets culturels ont été recrutées depuis novembre 2021. Elles se voient attribuer deux ensembles de missions. Le premier se concentre sur des missions de coordination de projets culturels dans les établissements. Chaque coordinatrice partage son temps entre deux établissements scolaires où elle œuvre au quotidien à l’accueil d’intervenants culturels et artistiques, à la mise en résonance des projets culturels dans l’ensemble de l’établissement, à la gestion des plannings ainsi qu’à l’accompagnement des équipes pédagogiques et périscolaires dans le choix des projets proposés Les projets sont proposés et recensés dans un Guide des actions éducatives. Produit par la municipalité, les membres de la communauté éducative peuvent y sélectionner les projets qu’ils souhaitent mener pour l’année à venir. Les différents acteurs du territoire répondent à un appel à projets lancé par les services de la municipalité en cours d’année pour l’année suivante et peuvent ainsi voir leur projet sélectionné par un ou plusieurs établissements scolaires.. Le second volet d’action est, lui, en lien avec les BCD : il s’agit d’une part d’avoir la capacité de travailler sur les collections des BCD – désherbage, sélection d’ouvrages, tâches en lien avec le prêt aux collectivités (PAC) –, et d’autre part, d’exercer un travail dans le lieu – le rendre agréable, veiller à son rangement. Certaines BCD sont équipées depuis l’année scolaire 2022-2023 d’un nouveau logiciel de référencement, et les coordinatrices concernées forment élèves et personnels éducatifs à l’utilisation de ce dernier.

Le Minimix se concrétise donc par la présence de ces coordinatrices de projets culturels dans les établissements scolaires. Celle-ci répond à la fois au besoin d’employer des personnes qualifiées en bibliothéconomie (elles sont pour la plupart titulaires de catégorie B appartenant au métier d’assistant de conservation du patrimoine et des bibliothèques), mais aussi à la nécessité de prendre en charge le volet coordination de projets culturels avec des compétences en gestion de projet et la capacité à endosser le rôle de tiers au sein du binôme enseignant-artiste dans les projets d’EACS Ici, nous mobilisons l’acronyme EACS (éducation artistique, culturelle et scientifique) comme utilisé par le municipalité villeurbannaise.. En cela, elles se font le relais d’une politique de la ville volontariste dans son intervention et dans ses objectifs de coopération entre les services mobilisés.

De ce point de vue, le Minimix se construit entre un modèle fondé sur l’« expérimentation »  – puisqu’il prétend transformer les pratiques professionnelles des acteurs de l’EAC, en introduisant notamment un nouvel intermédiaire avec les coordinatrices Minimixes et leurs méthodes de travail, mais aussi en généralisant l’échelle d’application de l’EAC à toute la ville et non plus aux quartiers prioritaires – et un modèle qui relève de l’« institutionnalisation » en produisant des règles, des rythmes, des normes applicables à toutes les écoles, sur le temps périscolaire comme sur le temps scolaire.

© Mairie de Villeurbanne

Le Minimix : application locale d’une politique nationale ?

D’après le rapport de Françoise Enel intitulé Politiques d’éducation artistique et culturelle : rôle et action des collectivités locales, l’un des enjeux majeurs se trouve dans la capacité des territoires à structurer des politiques éducatives et culturelles. Ce rapport publié en 2011 s’intéresse aux « conditions de passage de la juxtaposition de dispositifs à l’avènement de véritables politiques territoriales ». Enjeu que la municipalité de Villeurbanne semble prendre à bras-le-corps en travaillant précisément la question de la coordination entre l’Éducation nationale et les institutions culturelles présentes sur le territoire. Pour mener à bien cette stratégie, la ville ménage et articule une échelle nationale et une échelle locale de l’EAC, comme on peut le voir dans les trois exemples contrastés ci-dessous.

Premièrement, Minimix applique une définition de l’EAC, telle qu’elle est pensée par les politiques nationales. Par exemple, l’EAC étant définie nationalement comme une mission de service public transversale Voir notamment les points 7 et 8 de la Charte pour l’EAC, à l’initiative du Haut Conseil pour l’éducation artistique et culturelle Feuille de route 2020_EAC.pdf, elle fait consensus à l’échelle municipale et incarne la possibilité de mener une politique qui doit concerner une grande majorité des services et des acteurs de terrain (sociaux, culturels, éducatifs, de la petite enfance, des sports, etc.). Par ailleurs, les Minimixes valident et confortent l’objectif de « transmission artistique et culturelle » qui représente l’une des conditions sine qua non à l’obtention du label Capitale française de la culture Cette mention figure en deuxième position pour attribuer ou non l’obtention de la Capitale française de la culture : https://www.culture.gouv.fr/Aides-demarches/Protections-labels-et-appellations/Label-Capitale-francaise-de-la-culture#attribution . Le dispositif contribue aussi à déployer une politique d’EAC sur tout le territoire, consigne liée à l’obtention du label 100 % EAC qui distingue « les collectivités engagées dans un projet visant le bénéfice d’une éducation artistique et culturelle de qualité pour 100 % des jeunes de leur territoire Description du label 100 % EAC https://www.culture.gouv.fr/catalogue-des-demarches-et-subventions/appels-a-projets-candidatures/label-100-eac  ». Les enjeux, nationaux, de généralisation de l’EAC ( « généraliser sans uniformiser Formule complète « Généraliser sans uniformiser : l’enjeu territorial » sur https://www.culture.gouv.fr/Thematiques/education-artistique-et-culturelle/l-eac-une-politique-multipartenariale ») ont appliqués localement. Cela trouve son expression dans la volonté d’une politique d’équité que la municipalité défend – ce qui ressortira des entretiens menés avec la responsable des coordinatrices Minimixes ainsi qu’avec le personnel du service éducation – et, à cet égard, il est prévu de couvrir l’intégralité du territoire (tous les établissements scolaires devraient bénéficier de la présence d’une coordinatrice d’ici 2026).

Deuxièmement, à son échelle, la municipalité rejoue l’ambiguïté d’un modèle distribué ou d’un modèle centralisé de l’EAC. En effet, pour une meilleure coordination des projets et une meilleure équité sur le territoire, l’arbitrage des projets dans les établissements scolaires est centralisé au niveau des services de la mairie. Ces objectifs impliquent des considérations qui interviennent à l’échelle nationale et se rejouent à celle territoriale, non sans tensions : les Minimixes permettent de centraliser des dispositifs toujours plus nombreux (100 % EAC, convention territoriale d’EAC, cités éducatives, etc.), mais passent aussi à côté de la possibilité de faire émerger des structurations venant du territoire, issues du temps long et des partenariats entre établissements scolaires et structures culturelles qui partagent parfois des relations de confiance et des proximités (géographiques, thématiques, relationnelles).

Enfin, et troisièmement, la municipalité revendique une légitimité historique en matière de politique culturelle à l’échelle locale mais souhaite donner une résonance nationale à ce particularisme. Ainsi, Cédric Van Styvendael, maire de Villeurbanne, dans le numéro 59 de L’Observatoire, déclare, à propos de la labellisation : « Tout cela doit construire la “page d’après”. Si, en janvier 2023 – et je le dis en toute humilité, car cela peut aussi ne pas marcher… –, on arrivait à dire quelque chose de comparable dans sa force à ce qui a été proposé le 25 mai 1968 à l’occasion de la Déclaration de Villeurbanne, alors nous aurons réussi quelque chose Entretien avec C. Van Styvendael, propos recueillis par V. Guillon, « “Ouvrir une fenêtre pour l’avenir” : la jeunesse, clé de voûte de Villeurbanne 2022 », L’Observatoire, no 59, printemps 2022. https://doi.org/10.3917/lobs.059.0056 . »

Tout cela doit construire la “page d’après”. Si, en janvier 2023 […], on arrivait à dire quelque chose de comparable dans sa force à ce qui a été proposé le 25 mai 1968 à l’occasion de la Déclaration de Villeurbanne, alors nous aurons réussi quelque chose.

En définitive, si le Minimix est un bon exemple d’institutionnalisation et de territorialisation des politiques de l’EAC, il manifeste néanmoins un caractère souple, adaptable et expérimental. Deux dimensions en témoignent. L’évolution de son rattachement administratif, tout d’abord : une fois l’année 2022 terminée, les Minimixes ne sont plus gérés par les équipes projet CFC, mais intègrent les locaux et les équipes du réseau de lecture publique de la ville, service aux fonctionnements spécifiques. Ensuite, la plasticité du cadre de travail des coordinatrices : leurs missions ont été plusieurs fois recomposées en trois ans, aujourd’hui celles-ci tendent à plus d’autonomie dans leur travail, ainsi qu’à une meilleure adaptabilité aux besoins du terrain. Les coordinatrices incarnent pleinement ce double modèle entre institutionnalisation et expérimentation : elles assument un rôle de « régisseuses générales » de l’EAC à Villeurbanne ; elles ne sont pas, la plupart du temps, à l’initiative des projets Différents niveaux de coordination caractérisent le degré d’investissement des coordinatrices au sein des projets : Niveau information (les coordinatrices sont informées du projet, l’enseignant est autonome sur sa coordination) ; Niveau d’accompagnement (valorisation en BCD, aide sur des questions logistiques, etc.) ; Niveau coordination Minimix (coordinatrice à l’initiative du projet ou proposant un accompagnement poussé : lancement des projets, accompagnement pédagogique lié à un accueil BCD, formalisation de bilan, etc.), mais elles contribuent à rendre possible leur mise en œuvre dans un cadre institutionnel et politique incitatif. Elles traduisent en actes les objectifs fixés par les acteurs institutionnels de l’EAC : équité territoriale, généralisation des pratiques et des parcours artistiques et culturels, et ce, dans des situations toujours renouvelées. D’une certaine manière, à leur tour et localement, elles ménagent différentes échelles de l’EAC, plus spécifiquement les différentes pratiques professionnelles spécifiques qu’elles croisent et qu’elles coordonnent.

Les coordinatrices à la croisée des expertises : un pilier pour renforcer les coopérations

Les coordinatrices Minimixes sont des expertes, au carrefour de différents univers socioprofessionnels. Elles sont au cœur d’une « production chorale M.-P. Chopin, J. Sinigaglia, « Les politiques d’éducation artistique en France (1970-2020) : une production chorale au cœur et aux marges de l’institution », intervention pour l’Observatoire des politiques culturelles et le laboratoire ELICO, 7 octobre 2022, Lyon. » au sein de laquelle nous pouvons observer un double mouvement : celui de la diversification de leurs expertises en fonction des milieux variés avec lesquels elles ont à travailler et celui de la précision de leur posture (trouver le juste milieu, permettre les coopérations). Les coordinatrices sont effectivement à la jonction de plusieurs professions : enseignants, direction d’école, périscolaire, équipes des relations aux publics des structures culturelles, artistes, etc. En occupant cette place si particulière, elles rendent visibles les logiques d’acteurs, les cadres et normes professionnels qui façonnent les représentations de l’EAC, mais aussi la place que l’EAC peut avoir dans l’écosystème d’une ville, ses services et ses institutions, le rôle qui lui est attribué dans l’école et pour les élèves. À ce titre, les Minimixes ouvrent un espace de discussion et de débats sur l’EAC, au sein duquel les acteurs se positionnent parfois en faisant état de résistances et de craintes, mais aussi en manifestant des besoins.

L’EAC : vers une politique du lien

La prise de poste des coordinatrices a été exigeante à plusieurs égards. En effet, elle s’est accompagnée d’une renégociation des périmètres de compétences et de cadres d’intervention des autres acteurs concernés par l’EAC dans les écoles. Entre autres résistances, au moment de ces reconfigurations, deux dimensions de l’EAC sont revendiquées par certains professionnels comme leur étant exclusives. La première, celle de l’expertise artistique, est présentée comme une « chasse gardée » par certains acteurs culturels. Il est alors question de leur capacité à faire le lien entre les artistes et les enseignants (« On aime bien travailler en autonomie avec les artistes. On n’a pas besoin d’un échelon supplémentaire » [acteur culturel]) ou de leur connaissance plus fine des œuvres, de leurs outils de médiation et des conditions de leur réception par les enfants. La seconde est revendiquée par certains professionnels de l’Éducation nationale qui s’estiment non seulement les principaux experts mais aussi les seuls garants des questions pédagogiques et de la qualité du projet pédagogique de l’école. Cela les conduit à relever plusieurs tensions potentielles entre la mise en place du dispositif Minimix et la mission de l’école, à commencer par le fait que la multiplication de l’offre artistique et culturelle peut être perçue comme une entrave aux apprentissages. Cette dichotomie rappelle les oppositions historiques entre les acteurs de l’EAC M.-C. Bordeaux, « L’éducation artistique et culturelle à l’épreuve de ses modèles », Quaderni, no 92, 2017..

Dans ce contexte, la complexité et l’intérêt du poste de coordinatrice résident dans une triple expertise : d’un côté, le métier et les pratiques de la bibliothèque ; d’un autre, une bonne maîtrise du paysage culturel ; enfin, une rapide compréhension et adaptation aux contextes dans lesquels les établissements scolaires se trouvent (appétences des enseignants, connaissance des partenariats préexistants et des projets d’établissements, etc.). Les coordinatrices doivent être capables d’appréhender, d’ajuster, voire d’anticiper ou deviner parfois, les besoins des groupes scolaires dans lesquels elles sont en poste. Cette expertise plurielle semble essentielle pour animer les liens qu’elles tissent et « soignent » entre les parties prenantes des projets. Travailler avec et pour autrui leur demande une accommodation constante. Il leur faut aménager leurs propositions, leurs discours et leurs pratiques professionnelles en fonction des partenaires aux côtés desquels elles œuvrent.

À l’instar de métiers « tiers », concernés par cet exercice de traduction entre les diverses familles professionnelles impliquées, elles permettent un approfondissement des projets, en proposant toujours un lien supplémentaire, une meilleure « assise » pour les professionnels qui s’investissent dans des projets d’EAC.

L’accompagnement, la disponibilité et la facilitation comme compétences

Les termes « accompagner », « faciliter », « dynamiser », « guider » sont utilisés de manière récurrente pour qualifier les missions des coordinatrices Minimixes. Mobilisés par les équipes scolaires (directions et enseignants) ou encore par les partenaires culturels, ils révèlent le rôle de tiers de confiance que les coordinatrices incarnent. Elles sont également des personnes-ressources et insufflent au sein de ces mêmes équipes de nouvelles méthodes de travail ainsi que de nouvelles compétences. Elles créent des ponts et permettent à certaines équipes pédagogiques d’enfin « oser » s’intéresser de plus près aux projets d’EACS.

Dans notre enquête apparaissent de manière significative les qualités humaines que requiert le poste de coordinatrice, ce qu’ont salué unanimement toutes les personnes interrogées au moment de l’étude et quel que soit le niveau de satisfaction des directions d’école et des enseignants à l’égard du dispositif Minimix : « On est vraiment tombés sur une perle » ; « C’est une collègue précieuse » ; « Avoir une coordo, ça les remotive. Cela crée une bonne dynamique ». Ces témoignages et l’importance que prend cette notion de qualité humaine sont bien sûr à manier avec précaution car il s’agit là de compétence – les capacités d’observation, de réflexivité et d’analyse notamment.

Gardiennes des actions d’EAC dans les établissements, les coordinatrices Minimixes sont elles-mêmes traversées par les dilemmes et injonctions contradictoires qui appartiennent à ce champ des politiques culturelles : une temporalité difficile (nécessitant d’accompagner des projets qui touchent au rapport sensible, intime, aux œuvres et à la création dans une fenêtre temporelle de trente-six semaines) ; un exercice d’adaptation et de traduction constant entre les corps enseignant, périscolaire et d’action culturelle ; des compétences complexes mais surtout multiples en matière d’ingénierie de projets culturels, d’enjeux pédagogiques, de médiation autour du livre avec les enfants.

Conclusion

Le dispositif Minimix semble partager les mêmes ambivalences que les politiques nationales de l’EAC. En effet, lors des entretiens, la place des élèves dans le processus de choix des projets culturels, leurs marges de manœuvre à l’intérieur même de ceux-ci et leurs droits culturels ne sont que très peu évoqués. L’accent est mis davantage sur l’organisation des conditions de production des projets (correspondant à ce que Marie-Christine Bordeaux et François Deschamps appellent un « partenariat d’organisation » Les auteurs distinguent trois niveaux de partenariats : le partenariat instituant, relevant de la volonté politique, qui « détermine les modalités de coordination, définit ou influence les modes d’action et légitime (ou non) la place des acteurs » ; le partenariat d’organisation, situé à l’échelle territoriale, qui permet de mettre en place des « cadres facilitateurs » et des « formats d’amorce » ; le partenariat de réalisation, que Marie-Christine Bordeaux situe dans le binôme enseignant-artiste, à la fois « cadre formel de travail » et « aventure partagée », dans M.-C. Bordeaux, Fr. Deschamps, « Première partie. L’éducation aux arts et à la culture : d’une compétence partagée à un projet de société », dans Éducation artistique, l’éternel retour ? Une ambition nationale à l’épreuve des territoires, Toulouse, Éditions de l’Attribut, 2013.) que sur leur utilité finale. Par ailleurs, on retrouve au sein des projets accompagnés par le dispositif Minimix « trois approches de la culture qui coexistent, celles défendues par : les enseignants, l’éducation populaire ou le milieu de la culture J. Netter, Culture et inégalités à l’école. Esquisse d’un curriculum invisible, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2018. ». Aussi semble-t-il souffrir des mêmes maux que la politique culturelle nationale autour des terminologies : de quelle(s) culture(s) parle-t-on ici ?

Le dispositif Minimix structure pourtant l’action locale en proposant un système de coopération des services publics. Il pourrait passer un cap politique et éventuellement être un schéma directeur fort pour le référentiel des politiques culturelles villeurbannaises s’il était considéré – en plus d’un système de coopération dont les bénéfices reposent sur la facilitation – comme un projet émancipateur de société. 

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14.01.2025 à 09:22

Place aux jeunes : de 3 à 25 ans

Ophélie Parlant
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Nous republions ici un article paru dans le numéro 59 de l'Observatoire en 2022, au moment où Villeurbanne emportait le titre de Capitale française de la culture. Bernard Sevaux y présentait les principes fondateurs et le fonctionnement du dispositif Minimix.

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Texte intégral (1629 mots)

En milieu scolaire

Les élèves constituent un « public captif » avec lequel il est possible d’établir une égalité d’accès à une offre culturelle construite sur le long terme, en créant des parcours d’éducation artistique et culturelle complets, couvrant toutes les esthétiques, avec l’ensemble des partenaires culturels du territoire. 

LES MINIMIXES CULTURELS :  SOCLE PÉRENNE DE LA CANDIDATURE ET ENGAGEMENT POLITIQUE 

Puisqu’il s’agit de travailler avec le milieu éducatif à l’échelle de toute la ville, le choix d’intégrer des minimixes à tous les groupes scolaires est un projet qui engage la collectivité et ses partenaires de l’Éducation nationale sur le long terme. C’est ce que nous appelons le « socle pérenne » de notre candidature.

QU’EST-CE QU’UN MINIMIXE

C’est un ensemble de nouvelles fonctions au sein d’un groupe scolaire, mélangeant des activités de lecture, d’initiation musicale, d’usages numériques, de dialogue avec les artistes en résidence, de découverte du patrimoine, etc. 

Ces activités constitueront des soutiens aux projets d’école et seront un facteur de densification des projets pédagogiques périscolaires. Le groupe scolaire pourra ainsi développer ses capacités de découverte et d’apprentissage culturels. 

Les résidences d’artistes permettront aux élèves d’apprendre en étant en contact avec l’art, la culture et les artistes, et de pratiquer des activités comportant des actes de création. Les capacités nouvelles offertes par les minimixes multiplieront les collaborations avec les structures culturelles du territoire et encourageront les déplacements vers ces équipements. 

L’ambition est de faire des groupes scolaires des pôles d’échanges, de rencontres et d’enrichissements mutuels, où peut se développer la reconnaissance de l’altérité. Le groupe scolaire s’ouvrira sur son environnement culturel au niveau du quartier et au niveau du territoire de la ville. La densification de ses projets facilitera l’élaboration de parcours culturels. Les minimixes constitueront la « boîte à outils » de construction du socle de la politique culturelle pour les générations à venir. 

MINIMIXE, MODE D’EMPLOI 

Un collectif de cinq personnes l’animera (chacune avec ses compétences, son statut et ses prérogatives). Un assistant qualifié de conservation des bibliothèques à mi-temps viendra s’adjoindre à l’équipe en place, constituée d’un directeur d’école et de ses collègues, d’un responsable du périscolaire et de son adjoint, et d’un animateur permanent. 

Le minimixe sera ouvert onze mois sur douze et accueillera des activités extrascolaires durant les petites et grandes vacances (animations polyvalentes pour les 3-12 ans), proposées par les structures du quartier (type centres sociaux ou associations) pour des activités de loisirs sans hébergement (ALSH). Concernant les activités durant les vacances, le programme sera élaboré conjointement avec la commission Culture du quartier, en lien avec le département d’éducation artistique et culturelle de la Ville qui travaillera avec les inspecteurs de l’Éducation nationale. Les groupes scolaires pourront ainsi proposer des activités pour tous les temps de l’enfant (scolaire, périscolaire, extrascolaire) et sur toute l’année. 

LA QUESTION DE LA PARENTALITÉ 

Même si l’accueil et l’implication des parents ne sont pas choses faciles, l’ambition est de parvenir, conjoncturellement, à tisser des liens entre l’école et les parents. Plusieurs questionnements sont au coeur de cette préoccupation : comment ouvrir des espaces dédiés aux fratries et aux parents au sein des minimixes ? Comment mobiliser les parents vis-à-vis des activités culturelles (ou non culturelles) de leurs enfants ? Quelle restitution les enfants feront-ils à leurs parents ? Comment les parents se feront-ils l’écho des travaux culturels conduits avec leurs enfants (par exemple à travers des écrits, des mises en mots, en lien avec le programme de l’Éducation nationale, notamment sur l’histoire de l’immigration) ?

Avec la mise en place des minimixes, l’enjeu est de développer l’inclusion des parents dans la vie culturelle des enfants, notamment dans le parcours d’éducation artistique et culturelle afin que celui-ci leur soit connu et qu’ils y participent activement – considérant d’ailleurs que le parent reste le principal éducateur de son enfant, et qu’il est ici un relais avec les interventions artistiques en milieu scolaire. 

18 minimixes seront créés d’ici la fin de l’année 2022 et 26 d’ici la fin du mandat. L’effort de la Ville sera important, avec la création de 20 postes pour un million d’euros d’ici 2026 et 700 000 euros d’achats de matériel (sans comptabiliser les travaux d’aménagement et de design). 

Dans le cadre de ces investissements, par exemple, une structure itinérante a été imaginée et construite conjointement par le Théâtre national populaire (TNP) et la compagnie KompleX KapharnaüM. Elle sert d’écrin au dispositif Un artiste à l’école pour assurer des résidences artistiques de trois mois dans les écoles, les collèges et les lycées. 

Avec la présence de l’artiste au sein de l’école, il s’agit de nourrir une approche de l’altérité et de la diversité, de développer la tolérance et la cohésion sociale.

©Julien Roche. Minimix de l’école Jules Ferry – résidence du Turak théâtre

Hors milieu scolaire

LE GRAND FESTIVAL DE LA JEUNESSE AU PARC DE LA FEYSSINE  

Confier totalement la conception et la production d’un évènement gratuit dans l’espace public – manifestation qui doit attirer des dizaines de milliers de personnes – à des groupes de jeunes de 12 à 25 ans relève d’un véritable défi. Ce pari audacieux traduit la forte volonté politique de la collectivité d’impliquer et de préparer la jeunesse à devenir actrice de la vie de la cité. Leur investissement dans cet évènement et leurs décisions seront accompagnés par des équipes constituées de professionnels de la jeunesse et de professionnels de la production d’évènements culturels. En les mobilisant et en les faisant travailler ensemble, ce processus innovant de production permettra aux jeunes et aux acteurs culturels de la ville de construire des relations durables au-delà de l’année exceptionnelle de « Capitale française de la culture ». 

EXPLORATIONS URBAINES 

Dans le même esprit, 22 parcours d’exploration urbaine seront créés avec des jeunes et des habitants. Cette offre patrimoniale, novatrice et diversifiée, qui propose de sortir des sentiers battus pour s’aventurer à la rencontre des territoires vécus et des patrimoines du quotidien, remplira un rôle privilégié dans la médiation avec l’histoire et le territoire de Villeurbanne, et profitera aux jeunes villeurbannais ainsi qu’aux touristes. 

La grande saison

Plus de 700 évènements ! Une vingtaine de partenaires figuraient initialement dans notre candidature ; ils sont aujourd’hui plus de 150 (parmi lesquels figurent plus de 70 compagnies, toutes les universités de la métropole, les grandes écoles, mais aussi les grands équipements métropolitains tels que l’Opéra, le musée des Confluences, la Maison de la Danse, le musée Lugdunum, l’Auditorium…). Sans pouvoir citer toutes les compagnies qui se produiront dans tous les quartiers de la ville, dans les Ephad, crèches, hôpitaux, transports publics, espaces publics, mentionnons quelques grands rendez-vous : 

  • Tchangara, la grande marionnette de huit mètres de hauteur venue de Côte d’Ivoire, sillonnera les quartiers et visitera les écoles ; 
  • la nouvelle création d’Ariane Mnouchkine au TNP, L’Île d’Or, s’immergera dans la ville avec ses 70 artistes et techniciens ; 
  • six kilomètres du boulevard menant de Villeurbanne jusqu’à l’hôtel de ville de Lyon seront confiés à des musiciens amateurs et professionnels, à l’occasion des quarante ans de la Fête de la musique le 21 juin 2022 ; 
  • deux soirées des Nuits de Fourvière seront relocalisées sur la place du TNP ; 
  • une création de la compagnie Royal de Luxe, pensée spécialement pour Villeurbanne, sera présentée fin septembre 2022 ; 
  • et pour clôturer le tout, un colloque national (en décembre 2022) traitera des relations entre jeunesses et politiques culturelles. 

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10.01.2025 à 10:48

Le grand jeu des relations marketing entre labels de musique et plateformes de streaming

Frédérique Cassegrain
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Rassemblant aujourd’hui des millions d’abonnés à travers le monde, les plateformes de streaming jouent dorénavant un rôle décisif dans les stratégies marketing déployées par les labels de musique. Les playlists étant devenues le « nerf de la guerre », les nouveaux acteurs et métiers chargés d’éditorialiser les contenus disponibles font l’objet d’une véritable chasse gardée. C’est à ces enjeux, qui font des plateformes les nouveaux médias de l’écosystème musical global, que s'est intéressée Manon Novaretti dans son mémoire.

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Texte intégral (1026 mots)
Casque de musique gris sur une table

Pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Manon Novaretti, j’ai 26 ans. J’ai écrit cet article en 2023 lors de mon année de master de management des organisations culturelles, à l’université Paris-Dauphine. Avant cela, j’ai étudié en classe préparatoire littéraire puis j’ai intégré le magistère du CELSA tourné vers la culture et les industries culturelles.

J’ai toujours été très attirée par tout ce qui touche aux médias digitaux et plateformes en ligne. J’ai eu plusieurs expériences chez Salto et Canal+, et lors de mon master, j’ai voulu plus me concentrer sur le monde de la musique. Donc voilà : un grand intérêt pour la culture, les médias, les industries culturelles et créatives. Aujourd’hui, je suis chargée de mécénat et de partenariat d’entreprise à la Philharmonie de Paris.

Comment est née l’envie de travailler sur ce sujet de mémoire ?

J’ai d’abord effectué au CELSA un premier mémoire consacré au thème de la voix, un objet qui peut être aussi fascinant qu’assez impalpable. Je m’étais plus précisément intéressée à la voix dans les matinales de radio.

Et là, j’ai eu envie de me pencher sur un autre objet que j’utilisais beaucoup (et c’est toujours le cas) : les plateformes de streaming.

En tant que grande passionnée et fan de musique depuis l’adolescence, c’est-à-dire depuis que Spotify existe, je passe beaucoup de temps à scruter la plateforme, à analyser ses évolutions, à regarder la manière dont sont disposés les contenus, ce qu’il est possible de faire grâce aux nouvelles technologies, à leurs nouvelles fonctionnalités. 

Du coup, j’ai eu envie de fouiller un peu à l’intérieur de ces « boîtes noires », et d’essayer de mieux saisir ce qui est en jeu en allant interroger à la fois des professionnels au sein de labels de musique, de plateformes de streaming, afin de comprendre comment sont mis en avant les contenus. Ce qui m’intéressait plus particulièrement, c’était d’appréhender la part d’intervention algorithmique et celle d’intervention humaine. Quel était vraiment ce métier d’éditorialisation dans la musique en fait, et comment sont construites les mises en avant ainsi que les opérations marketing qui ont lieu sur ces plateformes.

Votre terrain d’enquête vous a-t-il surpris ?

Oui. Je savais à quel point la filière de l’industrie musicale s’était professionnalisée et adaptée à l’arrivée du numérique, mais je n’avais pas mesuré la diversité des métiers créés ni réalisé que chaque maillon de la chaîne, du label à la plateforme de streaming, repose sur des compétences spécifiques et des personnes dédiées. J’ai été particulièrement surprise par le nombre de professionnels au sein des labels chargés des relations avec les plateformes, mais aussi par l’existence de distributeurs spécialisés dans ce domaine, ainsi que par les nombreux métiers au sein des plateformes elles-mêmes. Dans les très gros labels, certaines équipes se consacrent même exclusivement à une plateforme précise, avec une organisation très sectorisée. Finalement, il y a bien plus d’étapes qu’on ne l’imagine pour publier et promouvoir une chanson sur une plateforme de streaming. Ce qui m’a le plus frappée, c’est la multitude d’interlocuteurs impliqués avant qu’une chanson puisse être entendue.

Que voudriez-vous faire évoluer dans le secteur culturel ?

Ce n’est pas une question évidente. Je proposerais deux réponses, qui interpellent tout particulièrement ma génération. La première, c’est la place et la reconnaissance des femmes. Ce sont quand même des métiers et des domaines dans lesquels les femmes restent moins payées que les hommes et accèdent moins rapidement aux postes de direction, alors qu’elles composent une grande partie des personnes qui travaillent dans la culture. Aux postes de pouvoir, on continue de trouver beaucoup de figures masculines. Quand je parle de place et de reconnaissance, je parle aussi bien des artistes que de tous les professionnels du secteur.

En second lieu, on parle beaucoup dans la culture de métiers « passion ». C’est une appellation et une idée qui peuvent engendrer des comportements et des habitudes qu’on ne voit pas ailleurs. Quand on vous dit que vous faites un métier passion, on peut vous demander de travailler plus que vos heures de travail et on vous paye souvent moins que dans d’autres domaines. On ne délimite pas trop la différence entre la vie personnelle et la vie professionnelle, parce que de toute façon, on travaille pour quelque chose qu’on adore. Mais en fait, la plupart des gens qui travaillent aujourd’hui sont issus de parcours très professionnalisants. Je pense donc que cette idée de métier passion est un peu dépassée et que les professions culturelles se sont construites grâce au fait que des gens ont fait de leurs passions (pour la musique, le théâtre, etc.) un métier. Il y a là quelque chose à faire évoluer pour l’avenir.

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