13.12.2021 à 10:34
Christo Grozev
Suite à l’arrestation de 33 mercenaires au Bélarus en juillet 2020, et disposant d’indications que cette arrestation était en fait le résultat de l’interruption d’une opération ukrainienne, Bellingcat a pris la décision de réaliser un documentaire sur les dessous de cette audacieuse tentative d’infiltration. En août 2020, Bellingcat a ensuite découvert que plusieurs haut-gradés du […]
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Suite à l’arrestation de 33 mercenaires au Bélarus en juillet 2020, et disposant d’indications que cette arrestation était en fait le résultat de l’interruption d’une opération ukrainienne, Bellingcat a pris la décision de réaliser un documentaire sur les dessous de cette audacieuse tentative d’infiltration.
En août 2020, Bellingcat a ensuite découvert que plusieurs haut-gradés du GUR MOU (le renseignement militaire ukrainien), dont son directeur, ont été suspendus de leurs postes quelques jours à peine après le coup de filet de Minsk.
De manière inhabituelle pour Bellingcat, l’enquête sur le Wagnergate s’appuie sur de nombreuses sources qui ont demandé à ce que leurs noms ne soient pas révélés pour pouvoir parler de sujets classifiés ou, dans le cas des mercenaires russes, pour leur propre sécurité. Les techniques d’information en sources ouvertes ce sont pendant révélées cruciales pour analyser les éléments fournis par ces sources.
Bellingcat a sollicité deux anciens membres du GUR MOU pour leur demander un entretien dans le cadre du prochain film. Ils ont d’abord refusé, s’appuyant sur des considérations morales, légales, et de sécurité nationale.
Les semaines qui ont suivi ont vu une augmentation de l’intérêt du public pour cette affaire que les médias ukrainiens ont nommée le « Wagnergate ». Cet intérêt a été accompagné par de nombreux narratifs concurrents, dont certains sont apparus comme étant de véritables tentatives de désinformation venant aussi bien de sources russes qu’ukrainiennes.
Les chaînes de propagande russes ont présenté l’opération comme une tentative ratée du renseignement américain pour perturber les relations entre la Russie et le Bélarus. Dans cette version russe des événements, le rôle de l’Ukraine n’est que secondaire et trivial, et l’opération est décrite comme un échec total.
De leur côté, les partis politiques ukrainiens ont exploité l’affaire pour répondre à leurs agendas respectifs. Le Cabinet du président et les parlementaires affiliés ont nié l’implication ukrainienne dans l’opération qu’ils présentent comme une tromperie fomentée par les Russes. Les partis et médias d’opposition ont au contraire affirmé, sans preuve, que l’opération a tout simplement été sabotée par l’entourage du président.
C’est au milieu de cette tempête de désinformation, à l’automne 2020, que les anciens membres du GUR MOU ont finalement donné leur accord à Bellingcat pour parler des détails de l’opération. Pendant plusieurs jours d’entretiens approfondis, initialement réalisés uniquement pour avoir du contexte en raison de la sensibilité légale d’une discussion sur une opération secrète, ils ont fourni un récit détaillé de la chronologie et des préparatifs de la phase active de l’opération d’infiltration.
Enfin, suite à la publication par des médias ukrainiens d’enregistrements audios d’entretiens téléphoniques de recrutement (modifiés pour masquer la voix de « Sergei Petrovitch »), nous avons de nouveau sollicité ces mêmes sources pour leur demander les audios et les documents originaux ainsi que les photos envoyées par e-mail par les mercenaires au cours de leur procédure de recrutement. Nombre de ces documents avaient déjà été publiés. Nous avons ainsi reçu une large quantité de fichiers audios et de documents envoyés par les mercenaires.
En raison du potentiel conflit d’intérêt de la part des officiers du GUR MOU suspendus, les données qu’ils ont fournit nécessitait d’être évaluée et vérifiée avec un regard critique.
Vérifier les images et les fichiers PDF
Chaque dossier d’un mercenaire contenait trois sous-dossiers : les audios, les documents, et les formulaires (optionnels).
Le dossier Documents contenait des fichiers, généralement des copies numérisées ou des photos de documents, envoyés par les aspirants mercenaires. Le dossier Formulaires (бланк) contenait les documents de candidatures remplis à la demande de la CMP MAR.
Chaque document envoyé contenait toujours ses métadonnées originales, dont la date de création et de modification, et même dans certains cas des données de géolocalisation.
Bien que tous les fichiers des mercenaires ne contenaient pas tous le même niveau d’éléments cohérents permettant d’obtenir une vérification aussi solide, il n’existait aucun cas de données incohérentes ou dont il pouvait être prouvé qu’elles étaient inauthentiques dans les fichiers analysés par Bellingcat. Cela inclut les documents contenant les informations les plus fracassantes, alors que ce sont justement ceux-là qui avaient le plus de chances d’avoir été manipulés.
Vérifier les fichiers audios
Les archives que nous avons reçue contenaient 236 fichiers audios se rapportant à 72 mercenaires. Cet échantillon correspondait à 40 % de la totalité des mercenaires ayant transmis leurs informations à la fausse compagnie militaire privée, ainsi qu’à la totalité de ceux qui ont été arrêtés à Minsk par les services de sécurité bélarusses.
Les fichiers audios étaient au format .ogg et quelques uns au format .mp3. Les fichiers .ogg étaient en fait des versions encodés du format produit par le téléchargement des audios via l’application web de Whatsapp.
Les fichiers .ogg ne contenaient que peu de métadonnées, mais ces métadonnées indiquaient bien qu’ils avaient été créés sur WhatsApp. Les caractéristiques des bandes passantes audios des fichiers montrent que « Sergei Petrovitch » les enregistrait grâce à un micro disposé près de lui alors que son interlocuteur parlait sur une ligne téléphonique, ré-enregistrée à travers un haut-parleur. L’enregistrement n’était donc pas réalisé par le téléphone utilisé pour les appels mais par un autre appareil présent dans le bureau de « Sergei Petrovitch », possiblement une application de notes audios sur un autre téléphone, ou même directement comme messages vocaux WhatsApp sur l’autre téléphone. L’encodage du format WhatsApp n’a pas été réalisé à la même date que les appels téléphoniques. En réalité, la plupart des fichiers indiquent une date de modification au 1er juin 2020, ce qui peut s’expliquer par le fait qu’ils ont tous été envoyés et reçus par le premier téléphone via Whatsapp à cette date.
Puisque les fichiers ont été ré-encodés, il est impossible d’établir la véritable date d’enregistrement. Il n’existe cependant aucune preuve de modification, de coupe ou de manipulation de ces audios, et la séquence des appels suit un schéma logique. Par exemple, dans les appels de « Chaman », chaque appel (numéroté) suit logiquement l’appel précédent.
Afin de confirmer l’authenticité des appels téléphoniques, Bellingcat a également appelé certains numéros de mercenaires dont les voix étaient connues grâce à la collection des audios. Les numéros ont été identifiés grâce à des applications qui révèlent les détenteurs d’un téléphone grâce à des données en sources ouvertes, grâce à des services d’agrégation comme GlazBoga, des applications de répertoire comme NumBuster ou GetContact, et aussi des applications de messagerie comme Telegram. Cette technique consistant à utiliser de multiples bases de données indépendantes en sources ouvertes dont le contenu est fourni par les utilisateurs a déjà été utilisé pour identifier de nombreux officiers du FSB impliqués dans l’empoisonnement d’Alexei Navalny, en 2020.
L’un des anciens mercenaires que nous avons appelé et qui faisait partie de ceux arrêtés à Minsk a accepté de nous parler et de raconter son histoire, à condition que son nom ne soit pas publié. Cela nous a permis de comparer sa voix avec celles des fichiers audios correspondant à son nom, et la voix et l’intonation étaient en effet identiques. Une comparaison plus exhaustive et sophistiquée n’a pas été jugée nécessaire vu que le mercenaire a également confirmé avoir eu trois appels téléphoniques avec celui qu’il prenait pour « Sergei Petrovitch ».
Vérifier le récit
La version des faits présentée par les anciens officiers du GUR MOU a largement été confirmée grâce à la vérification des appels téléphoniques et des documents collectés. Une autre partie a pu être vérifiée grâce à des faits objectifs disponibles en sources ouvertes.
Par exemple, la nouvelle réservation de billets d’avions pour les mercenaires, d’abord censés partir le 25 juillet puis finalement le 30 juillet 2020, a pu être authentifiée grâce à la base de données en ligne de réservation de Turkish Airlines. Les billets électroniques qui nous ont été fournis par les anciens officiers du GUR MOU contenaient les codes de réservation que chaque client reçoit quand il fait son achat. Ce qui nous a permis de faire une simple vérification sur la base de données en ligne de Turkish Airlines : dans chaque cas le nom complet du client est apparu. Au passage, cela permettait de confirmer la date de réservation (le 15 juillet 2020 pour les premiers billets, et le 24 juillet dans le cas des nouveaux tickets finalement reportés au 30 juillet), confirmant ainsi un peu plus le récit des anciens officiers du GUR MOU.
Une autre partie de leur récit correspondait à celui fourni par les mercenaires que nous avons interrogés. Ils décrivent la même suite d’événements à partir des appels de recrutement – la mort de « Sergei Petrovitch », le changement de destination vers la Syrie et le Liban pour le Venezuela, les circonstances du voyages vers Minsk, y compris l’imprévu à la frontière, la nouvelle réservation des billets d’avion – jusqu’à leur arrestation à Minsk.
La seule partie du récit des anciens officiers du GUR MOU qui n’a pas pu être vérifiée de manière indépendante correspond à la réunion qui aurait eu lieu dans le Cabinet du président où la décision de reporter l’opération aurait été prise. Nous n’avons reçu ni démenti ni confirmation de la part du Cabinet du président ukrainien malgré nos multiples demandes.
Vassili Burba, l’ex-directeur du GUR MOU, a refusé de répondre aux questions de Bellingcat concernant les détails opérationnels. Il a cependant confirmé des informations dont Bellingcat disposait déjà grâce aux deux anciens officiers du GUR MOU concernant la réunion dans le Cabinet du président et notamment le report de l’opération. Puisque les deux seuls autres potentiels témoins de la scène, le directeur de Cabinet du président et Ruslan Baranetsky, ont refusé de nous répondre, Burba est la seule source de cette information. Elle n’a été confirmée que par ses deux anciens subordonnés qui ont assuré que Burba les en avaient tenus informés par téléphone juste après la supposée réunion.
Bellingcat a contacté l’un des hommes arrêtés à Minsk, comme expliqué plus haut, et qui est devenu un interlocuteur volontaire pour cette enquête. Il a donné son accord pour un entretien filmé (et anonymisé) à Moscou ainsi qu’à plus de dix entretiens téléphoniques afin de clarifier certains détails. Il a également partagé des documents, dont les billets d’avions et l’acte d’accusation du procureur et de la police bélarusses.
Cet individu nous a mis en relation avec un autre membre du groupe de mercenaires. Mais cette personne était beaucoup moins partante et n’a que peu contribué à l’enquête, fournissant seulement un entretien au sujet des opérations militaires de Wagner. Un troisième, à qui le premier mercenaire avait proposé un entretien filmé, s’est rétracté avant d’arriver devant la caméra et n’a pas pu être interrogé.
La motivation de cette source pour parler à Bellingcat n’est pas totalement claire. Elle peut en partie s’expliquer par son désir de corriger certaines erreurs contenues dans les premiers reportages sur le sujet (en l’occurrence, que les mercenaires capturés n’ont pas tous servis au sein de Wagner, et n’ont pas tous combattu dans le Donbass). Il a aussi expliqué avoir été déçu par Wagner et souhaiter partager son expérience. Il ne peut être exclu que ses motivations soient alignés avec les intérêts de la propagande russe. À la mi-août 2020, les autorités russes fournissent ouvertement un récit selon lequel les mercenaires ont été piégés par une opération d’infiltration lancée par un état étranger, certains médias d’état russes diffusant même des interviews d’anciens mercenaires détenues au Bélarus. La position du Kremlin semble admettre l’échec de ses services de contre-espionnage tout en minimisant la valeur des informations collectées par les renseignements ukrainiens, et attribue l’opération aux renseignements américains.
Ces possibles motivations ont été prises en compte pour vérifier les éléments fournis par le mercenaire. Sa description de la chronologie des événements et les documents qu’il a fourni semblent cohérents avec ceux obtenus grâce aux témoignages des anciens officiers du GUR MOU. Surtout, les billets d’avion ont été vérifiés grâce à la base de données en ligne de la Turkish Airlines. L’acte d’accusation a pu être vérifié grâce au groupe d’hacktivistes Cyber Partisans qui ont eu accès aux bases de données de la police bélarusse et ont pu extraire eux-mêmes un document à la formulation identique.
Le témoignage de cette source est néanmoins apparu douteux concernant la valeur des renseignements fournis à l’Ukraine, par lui et par les autres mercenaires, ainsi que sa description du professionnalisme des renseignements ukrainiens dans le contexte de cette opération. Il ne décrit en détail qu’un seul appel téléphonique avec « Sergei Petrovitch » au cours duquel aucune information sensible n’aurait été révélée concernant ses états de services, selon lui. Pourtant, Bellingcat a obtenu quatre enregistrements où il parle à son kurator de son rôle au sein du FSB pendant son déploiement dans l’Est de l’Ukraine en 2014.
Il a aussi dénigré la réussite des renseignements ukrainiens qui n’auraient réussi à attirer les mercenaires hors de Russie que grâce à une coïncidence : une autre campagne de recrutement par Rosneft au Venezuela, réelle celle-là, aurait eu lieu au même moment. Les services russes auraient simplement considéré par erreur que l’opération ukrainienne faisait partie de cette procédure légitime de recrutement et donc, selon lui, le succès des Ukrainiens ne serait du qu’à la chance.
Il a également affirmé que presque aucun mercenaire n’avait de réelle expérience du combat ou n’avait commis de crimes dans le Donbass, et que la plupart d’entre eux avaient simplement exagéré leur carrière militaire pour augmenter leurs chances d’être recrutées. Un récit contredit par les éléments fournis par les candidats eux-mêmes (avec des lettres de recommandation de leurs supérieurs et des médailles), et par des éléments découverts indépendamment sur leur rôle dans l’Est dans l’Ukraine.
La contribution de cette source s’est malgré tout révélée utile en fournissant des documents corroborant le récit des anciens officiers du GUR MOU. Elle a aussi révélé un élément inédit jusque là : les services de sécurité russes ont mis les mercenaires en quarantaine pendant deux semaines après leur rapatriement, une période au cours de laquelle ils ont été interrogés pour comprendre le contexte de l’opération ukrainienne.
Deux semaines avant la publication du rapport intérimaire de la Commission d’enquête du Parlement ukrainien, s’intéressant en partie à la même affaire, Bellingcat a été contacté pour vérifier certains documents déclassifiés fournis à la Commission. Deux éléments suggéraient que les services russes ou bélarusses avaient connaissance de l’opération ukrainienne voire l’avaient infiltrée.
Le premier élément
Des données déclassifiées suggéraient que plusieurs mercenaires (qui n’ont finalement pas voyagé avec le premier groupe) avaient contacté le service fédéral de sécurité de la fédération de Russie, le FSB, en mai 2020, puis le renseignement militaire russe, le GRU, révélant des détails sur la campagne de recrutement en cours et exprimant des doutes sur sa légalité.
Cette théorie n’a pas pu être vérifiée ni démentie, car elle ne se basait que sur des éléments classifiés qui n’ont pas été rendus publics. Cependant, le narratif selon lequel au moins un des mercenaires a contacté les services de sécurité est cohérent avec la version des faits fournie par les anciens officiers du GUR MOU qui ont bien décrit le cas d’une recrue insatisfaite menaçant de se plaindre au FSB. Selon ces sources, cela n’a cependant pas conduit à une quelconque intervention des services russes, en partie grâce à l’ancien agent du GUR MOU compromis en Ukraine et recruté pour servir de référent au projet et renforcer sa légitimité.
D’autres candidats ont abandonné la procédure de recrutement bien qu’ils aient été approuvés, dont la cible à haute-valeur Dmitry Grigoryan, ainsi qu’Igor Tarakanov qui avait déjà eu ses billets d’avion et devait partir avec le premier groupe. Il est possible qu’ils aient abandonné à cause de suspicions quant à la légitimité ou la sécurité de l’opération de recrutement.
Le mercenaires interrogé a également déclaré qu’il avait contacté, comme d’autres l’ont potentiellement fait, son « référent » du FSB pour vérifier la légitimité du recrutement, mais qu’on lui aurait répondu que tout était en ordre. De son point de vue, cela s’explique par l’existence d’une autre campagne de recrutement très similaire, et réelle, pour fournir une protection à Rosneft au Venezuela à la même période, ce qui aurait pu mener à la confusion dans le service de contre-espionnage du FSB.
Aucune preuve d’une intervention des services russes pour déjouer l’opération n’a été découverte par Bellingcat, et les informations partagées avec la Commission n’en contenaient pas non plus.
Le deuxième élément
Le deuxième élément suggérait une possible infiltration de l’opération par les services bélarusses. Les documents déclassifiés censés le prouver comportait la supposée véritable identité d’une mercenaire disposant d’un passeport bélarusse, et affirmait qu’il s’agissait d’un agent bélarusse travaillant sous couverture.
Bellingcat, en utilisant des données fournies par Belarusian Cyber Partisans, a pu conclure que ces allégations étaient fausses et en a informé la Commission qui l’a pris en compte dans son rapport.
Au cours de son enquête, Bellingcat a analysé des documents publiés par des médias russes et ukrainiens qui se sont le plus souvent révélés authentiques.
Cependant, certaines fuites via différents canaux dont Bellingcat a eu connaissance se sont révélées fausses.
Dans un de ces cas, la nature du sujet et des informations suggéraient qu’un faux document avait pu être diffusé par un service de renseignement ukrainien, puisqu’il correspondant en partie à des éléments fournis à la Commission par les renseignements (une explication alternative serait qu’une même source non fiable ait fourni ces données aux renseignements ukrainiens).
Cette fuite anonyme comprenait de supposées preuves que le membre bélarusse du groupe de mercenaires, Andrei Bakounovitch, était en fait quelqu’un d’autre, et fournissait le nom de cette autre personne. (Bellingcat a choisi de ne pas publier ce nom qui appartient à une vraie personne n’ayant rien à voir avec l’affaire). Dans cette hypothèse, Bakounovitch était donc une fausse identité.
Pour le prouver, la source a transmis une photo de cet individu.
Cette « fuite » a pu être écartée comme étant fausse grâce à des informations fournies par le groupe d’hacktivistes Cyber Partisans. Une analyse des identités bélarusses correspondant à Vadim S. a montré que cet individu existe bien mais n’est pas celle dont il est question dans le document qui a fuité. Enfin, selon Cyber Partisans, le numéro d’identité indiqué sur le passeport n’existait pas dans la base de données et ne correspondait pas non plus aux règles concernant la création des documents d’identité au Bélarus.
Enfin, la photo de ce supposé passeport correspondait à celle d’un mercenaire déjà identifié, Pavel Samarin. Les motivations de la source de cette fausse fuite, la façon dont elle a été transmises aux renseignements ukrainiens et pourquoi ne sont pas connues.
Traduction en français par Élie Guckert.
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30.07.2021 à 16:10
Bellingcat Investigation Team
C’était la mi-journée, le 24 octobre 2020, quand un groupe d’hommes à motos brandissant des machettes et des armes à feu sont arrivés à l’Académie internationale bilingue Mother Francisca, dans la ville de Kumba. Avant de repartir, ils ont tuésept enfants et blessés une douzaine d’autres. Plusieurs autres enfants se sont également blessés alors qu’ils […]
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C’était la mi-journée, le 24 octobre 2020, quand un groupe d’hommes à motos brandissant des machettes et des armes à feu sont arrivés à l’Académie internationale bilingue Mother Francisca, dans la ville de Kumba. Avant de repartir, ils ont tuésept enfants et blessés une douzaine d’autres. Plusieurs autres enfants se sont également blessés alors qu’ils essayaient de fuir en sautant par les fenêtres.
Le massacre de Kumba a fait les gros titres dans le monde entier et profondément choqué le Cameroun, un pays enlisé dans les affres d’un conflit armé opposant le gouvernement central à un mouvement séparatiste dans ses deux régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
Ce n’est ni la première attaque contre une école au Cameroun, ni la dernière. Début février, une école privée a été incendiée dans le village de Kungi, près de la ville de Nkambe, au Nord-Ouest. Une attaque qui aurait été commise par des séparatistes. Des médias locaux se sont interrogés sur l’apparente incapacité du gouvernement à protéger des enfants dans ce qui était pourtant censé être un de ses bastions.
Dans le monde entier, la pandémie de COVID-19 a éloigné les enfants des écoles pendant plusieurs mois. Mais dans les régions anglophones du Cameroun, la scolarité est restreinte depuis près de 4 ans. Un boycott des écoles par les séparatistes et une réponse brutale du gouvernement ont mis en péril l’accès des enfants à une éducation en toute sécurité.
Dans cette crise en pleine escalade, les kidnappings, les extorsions et les assassinats de civils sont devenus monnaie courante. De nombreuses accusations pointent contre les forces séparatistes, mais aussi contre le gouvernement. Ainsi, en février 2020, un groupe de soldat camerounais accompagnés de miliciens auraient massacré 20 civils dans la ville de Ngarbuh, un incident pour lequel l’armée camerounaise a d’ailleurs fini par reconnaître une part de responsabilité. Mais il s’agit d’un pays où il est difficile d’enquêter : le gouvernement camerounais est largement considéré comme un pouvoir autoritaire connu pour violer les droits humains.
Alors que de terribles images d’attaques contre des civils continuent à faire surface, les techniques d’enquêtes en sources ouvertes peuvent néanmoins permettre de rassembler quelque pièces du puzzle, et de raconter comment des écoliers camerounais, ainsi que leurs parents et leurs instituteurs, ont été piégés au milieu de ce qui est souvent décrit comme l’un des conflits les moins couverts du monde.
En analysant des images disponibles en sources ouvertes issus des réseaux sociaux camerounais, Bellingcat a pu vérifier 11 attaques contre des écoles et des enfants dans les régions anglophones commises de 2018 à début 2021. Ces vidéos, collectés par le Cameroon Anglophone Crisis Database of Atrocities et le Berkeley Human Rights Center, révèle l’ampleur de la crise humanitaire en cours au Cameroun et dont Kumba n’est que l’exemple le plus connu.
La crise du Cameroun anglophone prend ses racines dans son passé colonial. Le Cameroun, ancienne colonie allemande, a été démembrée par la Grande-Bretagne et la France à la fin de la Première Guerre mondiale. La France récolte alors la part du lion en obtenant la majeure partie du pays, tandis que les régions frontalières du Nigeria passent sous l’administration coloniale de la Grande Bretagne, devenant le Cameroun britannique. L’Anglais y devient le langage dominant et la common law s’applique dans les tribunaux. Après l’indépendance du Cameroun français en 1960, les régions britanniques ont droit à un referendum pour déterminer leur avenir. La moitié nord rejoint alors le Nigera, tandis que la moitié sud se fond dans le Cameroun français pour devenir la République fédérale du Cameroun. Mais l’autonomie accordée aux territoires anglophones ne dure pas. En 1972, le président Camerounais Ahmadou Ahidjo décide de centraliser la gouvernance du pays en démantelant la fédération, au grand dam de nombreux activistes qui commencent alors à s’organiser. Le successeur d’Ahidjo, le président Paul Biya, mène une répression farouche contre l’activisme anglophone, malgré l’ajout à la constitution de mesures symboliques sur la décentralisation en 1990. Les mouvements anglophones continuent de protester contre les mauvais traitements infligés par l’État et de militer pour leur auto-détermination. Devenu président en 1982, Biya est aujourd’hui le dirigeant non-monarchique étant resté le plus longtemps au pouvoir du monde.
Le «problème anglophone» ressurgit pour la dernière fois en 2016, quand des avocats et des instituteurs anglophones protestent contre l’installation de juges et d’instituteurs francophones dans les tribunaux et les écoles de leurs régions. L’armée camerounaise répond en arrêtant les leaders du mouvements et en coupant l’accès à internet. Avec les plus modérés en prison, un nouveau mouvement séparatiste émerge et déclare unilatéralement l’indépendance des régions anglophones, renommées « République d’Ambazonie », en octobre 2017.
Aujourd’hui, un conflit fait rage dans lequel l’armée camerounaise affronte des dizaines de groupes séparatistes armés ainsi que des groupes de brigands. Il existe des preuves de crimes de guerre perpétrés par toutes les parties au conflit, y compris par l’État central : torture, exécutions extra-judiciaires ou encore incendies de villages. Les Nations unies estiment que sur les 6 millions d’habitants des régions anglophones, 1,1 million ont été déplacés, dont 60,000 poussés à l’exil au Nigeria voisin.
« Chers parents d’Ambazonie, je vous supplie de ne plus envoyer vos enfants à l’école. Les forces terroristes d’occupations marchent sur nos territoires et ouvrent le feu sans s’arrêter […] N’envoyez pas vos enfants à l’école aujourd’hui et pleurez demain, vous n’aurez que vous-mêmes à blâmer », déclare le général Efang, « commandant Suprême » des Forces de défense de l’Ambazonie (ADF) en Pidgin camerounais, un créole à base lexicale anglaise parlé dans les régions anglophones du Cameroun, posant avec des hommes armés devant un drapeau ambazonien. Il ajoute que lorsque la guerre sera gagnée, les enfants pourront alors jouir de la meilleure éducation. La date et le lieu où a été prise cette vidéo sont inconnus, mais elle est apparue pour la première sur Facebook en août 2019.
Le boycott des écoles, ainsi que les opérations connues sous le nom de « villes fantômes », démontrent la détermination des combattants séparatistes des régions anglophones. Les instituteurs qui continuent à travailler dans les régions sous contrôle séparatiste risquent d’être désignés comme des « blacklegs », ce qui donne un prétexte aux groupes armés pour les harceler, les kidnapper, ou pire encore.
Un instituteur actuellement sans emploi déclare à Bellingcat qu’ils essaient de maintenir un équilibre précaire entre le boycott imposé par les séparatistes et les troupes gouvernementales qui tentent d’y mettre fin.
« Cela fait maintenant trois ou quatre ans que je n’ai pas mis les pieds dans ma salle de classe. Mes élèves me manquent, et je leur manque aussi », dit-il, demandant à garder l’anonymat pour des raisons de sécurité.
« Notre problème principal c’est les Amba Boys [combattants séparatistes]. Quiconque tente de se rendre dans une école du gouvernement risque gros. Mais le deuxième problème, c’est les forces gouvernementales. Quand vous vous rendez dans des zones sous leur contrôle ils peuvent vous dire ‘‘Oh tu es instituteur. C’est vous qui êtes à l’origine de tout cela et maintenant les rebelles nous tuent !’’. Et si vous n’avez pas de chance, ils peuvent vous accuser de soutenir les Amba Boys », raconte l’instituteur.
Le boycott des écoles gérées par le gouvernement a d’abord été une stratégie des militants anglophones en 2016, dont des instituteurs, pour amener le gouvernement camerounais à la table des négociations. La situation s’éternisant, les demandes sont devenues de plus en plus radicales et la sécurité des écoliers et des instituteurs s’est détériorée.
Elvis Arrey Ntui, chercheur sur le Cameroun pour l’International Crisis Group, explique à Bellingcat que des groupes criminels sans affiliations claires ont également tiré avantage de la situation pour racketter les instituteurs.
L’éminent avocat Felix Abgor Nkongho, fondateur et président du Centre for Human Rights and Democracy in Africa (CHRDA), a co-organisé les premières manifestations pacifiques de 2016 qui ont déclenché la crise anglophone.
Il a été arrêté et emprisonné pendant huit mois par le gouvernement camerounais. Depuis sa libération, il a milité contre la violence et appeler à la réouverture des écoles en toute sécurité. « Peut-être qu’à l’époque le boycott des écoles était une bonne idée, mais un tel boycott ne peut durer longtemps. Et on ne peut sacrifier le bien-être des enfants pour des raisons politiques », explique-t-il aujourd’hui à Bellingcat.
« Nous sommes en train de nourrir un cercle vicieux de pauvreté et de discriminations à tel point que les enfants n’ont plus accès à une éducation parce que leurs parents n’en ont pas les moyens. Ils finiront par atterrir tout en bas de l’échelle sociale », continue-t-il.
De son côté, le gouvernement camerounais a lancé une politique agressive visant à relancer l’éducation, proposant des convois militaires aux étudiants et aux instituteurs dans les régions en guerre. Le gouvernement est signataire de la Déclaration sur la sécurité dans les écoles qui restreint leur utilisation à des fins militaires durant des situations de conflit. Pourtant, il a été accusé de se servir des établissements scolaires dans une autre zone de conflit, dans la région de l’Extrême-Nord pour les transformer en lieux de tortures de prisonniers, alors que les élèves étaient toujours présents.
Les figures séparatistes pensent quant à elles que le boycott est une tactique qui peut leur permettre de faire pression sur le gouvernement. Si la situation dans les régions anglophones revenait à la normale, alors d’après eux le gouvernement n’aurait plus aucune raison de négocier. Une stratégie détaillée à Bellingcat par Ebenezer Akwanga, chef des Forces de défense du Cameroun méridional (SOCADEF), un groupe séparatiste.
« Je souhaite un boycott total. Car je crois que s’il y a un réel boycott total – sans attaquer ni incendier les écoles – incluant toutes les écoles, des institutions privées aux établissements gouvernementaux, cela poussera l’État à venir à la tables des négociations le plus rapidement possible », explique Akwanga.
Cho Ayaba, leader d’un autre groupe politique séparatiste important, le Conseil de gouvernance de l’Ambazonie et sa branche militaire des Forces de défense de l’Ambazonie (ADF), explique à Bellingcat que les enfants pourraient aller à l’école, mais seulement dans des territoires sous leur contrôle et selon un programme scolaire approuvé par les séparatistes.
« Nous défendons notre indépendance, et je ne pense pas que vous souhaiteriez qu’un programme d’éducation étranger soit imposé dans votre pays. L’ennemi doit se retirer de notre pays […] et nous laisser mettre en place nos propres institutions pour superviser le système éducatif », dit Ayaba.
Dabney Yerima est l’actuel vice-président du gouvernement intérimaire autoproclamé d’Ambazonie. « Nous avons toujours été cohérents et expliqué que c’était aux parents de déterminer si les conditions sont suffisamment sûres pour permettre à leurs enfants de retourner à l’école », explique-t-il par mail. « Le gouvernement intérimaire veut que les enfants puissent étudier dans un environnement calme et pacifique et soutient par conséquent les écoles communautaires comme une mesure temporaire sur tout l’état d’Ambazonie ».
Le gouvernement camerounais n’a pas répondu à nos multiples demandes d’interviews au sujet des défis posés à l’éducation dans les régions anglophones du pays. Après 4 ans de boycott scolaire, l’UNICEF estime dans un récent rapport qu’un million d’enfant camerounais, y compris dans la régions anglophones, ont désormais un besoin urgent de protection face à la violence.
L’impact psychologique et la peur engendrés par les attaques contre les écoles n’a cessé d’augmenter depuis le début du conflit anglophone.
Au début de l’année scolaire 2020, certains espéraient que l’école puisse finalement reprendre. « Au départ les parents n’était pas effrayés à l’idée d’envoyer leurs enfants à l’école. [Beaucoup se disaient] voyons simplement comment cela va se passer », témoigne anonymement un autre enseignant pour Bellingcat. « Mais cela a fini par arriver : le premier choc a eu lieu quand des enfants ont été tués dans une école de Kumba. »
Le 27 octobre 2020, quelques jours après l’incident, des vidéos de panique générale ont commencé a circulé sur les réseaux sociaux camerounais, bien au-delà de Kumba. Bellingcat a pu géolocaliser huit vidéos tournées ce jour là à trois endroits différents à Limbe, un ville côtière situé à 94 kilomètres au sud de Kumba, ainsi qu’une autre dans la ville de Buea. Toutes les vidéos semblent montrer des enfants inquiets pour leur sécurité fuyant leurs écoles. Des informations contextuelles, dont les commentaires des internautes et ceux des vidéos, suggèrent qu’il s’agissait d’une réaction au massacre de Kumba.
Le narrateur d’une de ces vidéos raconte « il semble qu’une école a été attaqué, l’école primaire de Bota ». « Une attaque que nous ne sommes pas en mesure de confirmer depuis là où nous nous trouvons. »
Cette vidéo a été tournée près de Bota, dans la banlieue de Limbe, près du stade de football et de l’école publique de Bota.
L’école en question peut être facilement trouvée sur OpenStreetMap.
Nous avons également été en mesure de géolocaliser d’autres vidéos similaires montrant des enfants et des parents paniqués près d’une école publique dans un endroit nommé Mile 1 (4.024196, 9.210055), devant le lycée public (4.036806, 9.204917), ainsi que deux vidéos (1, 2) montrant des enfants effrayés fuyant dans la direction inverse opposée à l’école (4.017865, 9.208934). Enfin, une dernière vidéo montre des enfants en uniformes scolaires courant à travers des feuillages dans la direction opposée au GTHS (Lycée technique publique) de Molyko à Buea (4.156622, 9.278865), l’une des plus grandes villes de la région anglophone.
La panique visible sur ces vidéos est compréhensible au vu des événements que nous avons pu documenter grâce à des méthodes de recherche en sources ouvertes.
Des images disponibles sur des sites de cartographie satellite montrent les restes carbonisés de bâtiments dans plusieurs villages camerounais.
Une analyse plus poussée sur ces plateformes s’est révélée cruciale pour vérifier sept vidéos d’écoles en flammes qui sont apparues sur les réseaux sociaux camerounais. Bien que les auteurs de ces vidéos accusent souvent les groupes séparatistes d’être responsables de ces attaques, nous ne sommes pas en mesure de confirmer l’identité des attaquants ni leur affiliation.
Quatre de ces vidéos ne les montrent pas. Mais sur une autre, on peut voir des hommes masqués vêtus en civils, tandis qu’une autre montre des hommes portant un uniforme ressemblant à ceux utilisés dans les forces armées camerounaises, comme l’avait déjà remarqué le Berkeley Human Rights Center.
La vidéo avec les hommes en civils a été filmée quelques semaines seulement après l’attaque de Kumba. Cet incendie criminel est survenu le 4 novembre 2020 au Kulu Memorial College, près de la route principale reliant Limbe à la ville de Moliwe (4.045870, 9.217020). Sur cette vidéo on peut voir des hommes non-identifiés s’attaquer à l’école, forçant les enfants et les instituteurs à se dévêtir avant de fuir. Une fois l’école vidée de ses élèves et de ses employés, l’école est incendiée par les attaquants.
Une autre vidéo du même incident, mise en ligne sur les réseaux sociaux le 4 novembre, montre une école vide, avec les vêtements des enfants dispersés sur le sol, alors que des hommes en uniforme arrivent pour prendre la mesure des dégâts. Nous ne sommes pas en mesure d’estimer le temps qui s’est écoulé entre ces deux vidéos en raison du temps nuageux qui empêche d’analyser les ombres, comme c’est souvent le cas dans cette région pluvieuse et humide du Cameroun.
Dans le cas d’un incident qui serait survenu dans la ville de Bafut, aucune photo ou vidéo n’est disponible. En revanche, des posts publiés sur les réseaux sociaux assurent qu’au cours d’une large opération militaire menée en août 2020, l’armée camerounaise aurait encerclé le Bafut Palace, un site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, avant de brûler une école primaire publique (6.087581, 10.114967). Bellingcat a essayé de contacté le gouvernement camerounais ainsi que l’armée au sujet de ces allégations mais n’a pas reçu de réponses avant la publication de cet article.
Une analyse des images satellites de Google Earth fourni cependant des preuves visuelles de dégâts conséquents subis par l’école, visibles dans le carré rouge, à une date comprise entre février 2018 et octobre 2020.
En plus des images de Google ci-dessus, les photos satellites basse résolution de Planet.com suggèrent que les dégâts ont été infligés entre le 5 et le 11 août 2020. Ils sont à peine visibles sur le bâtiment en forme de L sur l’image ci-dessous:
Début 2021, plusieurs écoles ont brûlés dans des zones rurales à travers les deux régions anglophones.
Le 22 janvier, le dortoir des garçons de l’école secondaire presbytérienne de Mankon (5.943825, 10.144972), près de la ville de Bamenda dans la région du Nord-Ouest, a été attaqué. Les jours suivants, le dortoirs de filles est également incendié. Les deux incidents se sont déroulés la nuit sans faire de victimes.
Les deux dortoirs sont marqués par des carrés verts sur l’image satellite ci-dessous:
Simon Emile Mooh, officier supérieur du département de Mezam, suspecte des complicités avec les séparatistes et a déclaré aux médias locaux que les autorités avaient « une liste d’élèves suspects qui sympathisent probablement avec les terroristes ».
Cependant, d’après un blog local, personne n’a revendiqué l’acte. Le même blog a publié des images haute-définition [1, 2] des conséquences de l’attaque, montrant les restes calcinés du dortoir des filles. Nous pouvons confirmer la date et le lieu de l’attaque sur les deux dortoirs en utilisant l’imagerie fournie par Sentinel-2 et PlanetScope.
Ces images sont certes d’une faible définition, mais une différence est bien perceptible en se concentrant sur le long bâtiment à l’intérieur de la zone ovale au centre de l’image.
En comparant les images du 22 et du 23 janvier on peut aussi voir des traces de la destruction du dortoir des filles.
The GIF below shows the destruction of both dormitories. A Sentinel-2 image from January 21 shows the campus before the attack. Another on January 26 shows the aftermath of the attack, and another from January 31 shows that the two dormitories had been repaired, reportedly with materials provided by Agho Oliver Bamenju, the member of parliament for Mezam North, near Bafut.
Voici une comparaison entre le 23 et le 24:
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Le GIF ci-dessous montre la destruction des deux dortoirs. Une image fournie par Sentinel-2 datée du 21 janvier montre le campus avant l’attaque. Une autre image datée du 26 montre quant à elle les conséquences de l’attaque. Enfin une dernière image datée du 31 montre que les dortoirs ont été reconstruits, a priori avec du matériel fourni par Agho Olivier Bamenju, député de Mezam-Nord, près de Bafut.
Le village de Kungi dans la sous-division de Nkambe se trouve à cinq heures de route au nord-est de Bamenda (6.605764, 10.685076). Le 9 février, une école catholique y a été brûlée. L’incident s’est déroulé tôt le matin, quelques heures avant l’arrivée des élèves et de leurs parents.
Le village de Kungi dans la sous-division de Nkambe se trouve à cinq heures de route au nord-est de Bamenda (6.605764, 10.685076). Le 9 février, une école catholique y a été brûlée. L’incident s’est déroulé tôt le matin, quelques heures avant l’arrivée des élèves et de leurs parents.
L’école est visible intacte sur une image satellite du 5 février, mais à partir du 10 elle semble avoir été détruite. Selon Mimi Mefo Info, un média en ligne financé par un journaliste camerounais qui travaille sur les régions anglophones, le village est considéré comme un bastion gouvernemental.
Des images postées sur Facebook montrent des villageois présents sur le site après l’incendie, a priori pour constater les dégâts. Dans deux vidéos [1, 2] qui capturent le même moment sous différents angles, on peut voir un homme qui, à en juger par son uniforme, semble être l’officier du département de Nkambe. Selon la traduction depuis le Pidgin fournie par le CHRDA, il aurait réprimandé des locaux sélectionnés dans la foule en les accusant d’abriter des « Amba Boys » et insinuant que certains d’entre eux auraient vendu du pétrole aux attaquants. Des soldats patrouillent dans la zone.
En raison de la faible définition de la vidéo, nous ne sommes pas en mesure de discerner le visage de l’officier, mais un décret officiel du gouvernement camerounais disponible en ligne nomme le l’officier Ngidah Lawrence Che. Un statut confirmé par le profil Facebook de la personne en question.
Bien que les groupes séparatistes du Cameroun admettent eux-mêmes s’opposer à l’existence des écoles publiques, l’implication potentielle de l’état dans l’un des incidents analysés par Bellingcat ne peut être exclue. Une vidéo du 3 janvier 2019 montre des hommes en uniforme de l’armée camerounaise présents sur la scène de l’incendie d’une école dans un petit village appelé Eka, près de la ville de Widikum (5.926791, 9.742550).
L’école a été géolocalisée par les volontaires de l’UC Berkeley’s Human Rights Center (fichier PDF), et leurs informations ont été confirmées par des chercheurs de Bellingcat.
Cette vidéo pixelisée montre un groupe d’hommes armés et en uniforme en train de sécuriser le périmètre d’une école. Un pupitre d’écolier gît au sol à l’extérieur, ainsi qu’un tas de bois et une hache. La vidéo ne montre pas qui a allumé l’incendie, déjà en cours. Cependant, les hommes présents ne semblent pas s’organiser pour l’éteindre. L’un d’eux semble même mettre le feu à un morceau de tissu. L’incendie s’intensifie alors que la caméra recule pour montrer une vue d’ensemble du bâtiment à la fin de la vidéo.
Le motif camouflage de tous ces hommes correspond au motif « lézard » utilisé par les forces armées camerounaises. Au moins deux d’entre eux semble être équipés d’un fusil d’assaut Zastava M-21, également utilisés dans l’armée camerounaise.
Une capture de cette vidéo a été publiée le jour même ainsi que le jour suivant par Ma Kontri Pipo Dem (« Mes chers compatriotes » en Pidgin), un site extrêmement partisan qui soutient la campagne gouvernementale contre les séparatistes ambazoniens. Le site affirme que l’armée camerounaise a brûlé l’école car elle était utilisée comme base par des combattants séparatistes, précisant « le gouvernement a construit cette école, le gouvernement a tout à fait le droit de L’INCENDIER. » Il est impossible de savoir si ces affirmations sont vraies.
Au cours du conflit, des étudiants et des instituteurs ont également été kidnappés par différents groupes armés.
L’un des exemples le plus frappants, avec près de 78 enfants et un instituteur enlevés, est survenu tôt le matin du 5 novembre 2018 dans une école à Nkwen (5.996305, 10.160397), près de la ville de Bamenda dans la région Nord-Ouest.
Ce n’est que plus tard qu’est apparu la nouvelle que onze élèves avaient déjà été enlevés dans cette même école le 31 octobre et libérés après le paiement d’une rançon, selon une circulaire de l’église presbytérienne du Cameroun.
Après que la nouvelle du deuxième kidnapping se soit répandue, une vidéo a commencé à circuler sur les réseaux sociaux, montrant un groupe d’environ 11 enfants interrogés par leurs ravisseurs. Dans la vidéo, les enfants donnent leur nom et celui de leurs parents à la personne derrière la caméra, chacun affirmant avoir été capturé « par les Ambas » et qu’ils ignorent où ils sont retenus. Les enfants répètent tous la déclaration de manière quasi identique, visiblement sous la contrainte. Le fait qu’il n’y ait qu’un petit nombre d’enfants dans cette vidéo suggère qu’il s’agit du premier kidnapping du 31 octobre.
La seconde vidéo des enfants kidnappés à Nkwen montre cette fois un large groupe d’élèves réunis dans une pièce sombre. Certains ont encore leur uniforme d’écoliers du PSS Mankon, une autre école secondaire presbytérienne des environs. Selon une théorie propagée sur les réseaux sociaux, les enfants auraient été transférés à l’école de Nkwen, relativement calme pour leur sécurité, avant d’être kidnappés. Considérant le grand nombre d’élèves, il semble que cette vidéo correspond au deuxième kidnapping.
La totalité des 79 élèves de l’école secondaire presbytérienne ont finalement été libérés sans le paiement d’une rançon de le 7 novembre, bien que le principal et le personnel de l’école sont restés captifs cinq jours de plus. Le lendemain de la libération, les parents se sont rassemblés devant les portes de l’école de Nkwen pour retrouver leurs enfants. Un homme a donné une interview au média local WAKA Africa, expliquant sa frustration de n’avoir pas pu retrouver son enfant plus tôt. Les enfants ont été relâchés dans une église presbytérienne à Nsem, Bafut, à environ 16 kilomètres de l’école secondaire presbytérienne de Nkwen.
À ce jour, aucun groupe n’a revendiqué ce kidnapping.
Certains groupes séparatistes accusent le gouvernement camerounais d’avoir fait une mise en scène pour les discréditer, ce que le gouvernement dément formellement. En mai 2020, le gouvernement affirmait que l’un des hommes suspectés d’être derrière le kidnapping, « General Alhaji », avait été tué au cours d’une opération militaire.
Les instituteurs sont particulièrement visés par les enlèvements. Deux d’entre eux interviewés par Bellingcat parlent d’une atmosphère de peur parmi les enseignants des deux régions anglophones.
« Vous ne savez pas ce qu’il va se passer. La chose la plus sûre à faire est de ne pas être se montrer. En étant un simple instituteur, vous pouvez être enlevés par n’importe qui. N’importe qui peut vous capturer, sans même poser de questions… Quand vous serez enlevés, le gouvernement ne dira rien. Les gens ne diront rien non plus, parce qu’ils ont peur de ce qui les attend eux aussi. C’est comme ça que vous finirez par souffrir et peut-être même mourir », raconte l’un d’eux qui a fui les régions anglophones.
Une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux camerounais à l’été 2020 révèle ce qui peut advenir d’un instituteur qui a été enlevé. Un homme vêtu d’un maillot de corps fixe le sol alors qu’il est interrogé en Pidgin par des séparatistes. La date et le lieu où a été prise cette vidéo reste inconnue.
La caméra s’arrête sur le dossier dans la main du captif dont il semble qu’il était en chemin pour aller à l’école de Bamenda et y surveiller un examen de technologie. Il proteste, assurant qu’il n’allait pas faire un cours mais simplement gagner de l’argent. Deux de ses frères se battent avec les Ambazoniens, assure-t-il, invitant ses interrogateurs à comparer leur héroïsme avec le sien.
L’instituteur se voit répondre qu’il paiera avec son sang. Selon le CHRDA, l’instituteur aurait finalement été relâché et serait toujours en vie. Bellingcat n’a cependant pas pu vérifier cette information.
Les écoliers apparaissent également dans de nombreuses autres vidéos du conflit au Cameroun.
Pour le gouvernement camerounais, ramener les enfants à l’école symboliserait une victoire. Pour les groupes armés, à l’inverse, la soumission des enfants au boycott où leur transfert dans des écoles en dehors du contrôle gouvernemental, démontre leur niveau de pouvoir sur les communautés locales.
Ainsi, Ngidah Che Lawrence, l’officier ayant réprimandé des habitants de Kungi après l’incendie d’une école, a partagé une courte vidéo sur son compte Twitter, le 4 mars 2020. Elle montre un groupe d’enfants marchants en tenant un drapeau nationale. « Que c’est beau de voir ces petits anges en uniforme », commente-t-il.
Cette scène a été géolocalisée sur la route principale de Nkambe, entre une station de carburant Total et une tribune régulièrement utilisée lors de grands événements publics. Des parades ont ainsi eu lieu à cet endroit, comme en 2019 pour le Unity Day et en 2020 pour le Youth Day.
Les marches d’écoliers ont également commencé à apparaître dans les grands rassemblements publics organisés par les groupes séparatistes.
Une vidéo populaire postée sur Facebook montre une partie de la fête de l’indépendance d’Ambazonie en octobre 2020. Un groupe d’enfant dirigés par une institutrice et portant des drapeaux ambazoniens chantent « Amba-, Amba-, Ambazonie ! ». La voix de l’homme qui filme salue les « écoles communautaires » d’Ambazonie alors que les enfants passent devant le podium .
Le Cameroun rural est peu visible en ligne et les services de cartographie y sont souvent incorrects. Mais en y regardant de plus près, on remarque que la vidéo comporte quelques éléments qui permettent de vérifier l’endroit : tout d’abord, plusieurs des institutrices portent un Hijab, ce qui suggère que la vidéo a été tournée dans la région du Nord-Ouest qui comporte une grande minorité musulmane. Un panneau porté par des élèves indique qu’ils sont venus d’une ville proche nommée Yelum, ou Elom. Enfin, la voix de l’homme qui filme la vidéo affirme qu’il s’agit du département de Bui, alors sous le contrôle d’un commandant séparatiste connu sous le nom de général Hassan. Ce dernier aurait été tué au combat en février 2021.
Une recherche par satellite de Yelum n’a pas permis de trouver de correspondances. Mais une recherche Facebook sur le général Hassan permet de trouver une autre vidéo du même endroit, qui est filmée avec un plus grand angle et révèle plus de détail. Elle montre un terrain de football avec deux bâtiments et un arbre bien reconnaissable juste devant.
Un terrain de football situé dans une zone rurale entre Elom et la ville de Kumbo correspond à celui visible dans la vidéo, la ligne montagneuse à l’arrière-plan correspond également à une recherche sur PeakVisor. Les cartes en ligne du Cameroun nomment cet endroit Mbiim ou Mbam. Les coordonnées de cette location ont été retrouvées sur une liste officielle des villages du Cameroun, où l’endroit est cette fois nommé Mbam-Song (6.308189, 10.630388).
Selon Mimi Memo Info, depuis 2020 des dissensions sont apparues au sein des séparatistes au sujet de la reprise de l’école. Certains souhaitent désormais se présenter comme favorables à l’éducation, à condition qu’elle soit ambazonienne.
Nous avons trouvé la vidéo suivante postée sur YouTube en août 2018 montrant des enfants, dont la plupart en très bas âge, se tenant devant un drapeau ambazonien en chantant des chants séparatistes. Vers la fin de la vidéo, un homme s’identifie comme le « commandant Tiger » des Force de défense d’Ambazonie, dans la ville de Batibo.
En septembre 2018, une autre vidéo circulant sur les réseaux sociaux montre une « école communautaire » qui serait dirigée par les Forces de défense d’Ambazonie dans cette même ville. Le narrateur qui présente l’école s’identifie à nouveau comme le « commandant Tiger ».
Nous avons d’abord vérifié si les vidéos du commandant Tiger étaient bien filmées à Batibo.
Par exemple, fin août 2018, le commandant avait été aperçu portant un masque et une arme aux alentours du marché de Guzang, à Batibo. Il s’adressait à une large foule en liesse chantant l’hymne ambazonien, aux côtés de ses hommes.
Le même mois, le commandant et son groupe étaient également aperçus en train de bloquer l’autoroute principale, menaçant de placer des véhicules en flammes au niveau d’un carrefour menant à Guzang.
Ces vidéos et d’autres indiquent que les opérations du commandant Tiger se déroulaient en dehors du centre de Batibo.
Une nouvelle vidéo est apparue le 12 novembre 2018. Cette fois, le commandant Tiger porte son masque, accompagné par des hommes armés. Le groupe dispose des ordinateurs devant une école qui se révèle être celle de la vidéo qui circulait déjà en septembre.
La vidéo du commandant Tiger montrant les cours à l’intérieur de l’école ne permet pas de tirer de conclusion sur la vision de l’éducation chez les séparatistes dans les régions anglophones. Ces dernières années, certains groupes ambazoniens ont affirmé travailler sur un programme alternatif.
Il est cependant impossible de savoir à distance jusqu’où a été l’application de ces programmes sur le terrain, où s’ils ont même jamais été appliqués.
Les groupes de femmes au Cameroun se sont beaucoup fait entendre en demandant l’arrêt des attaques sur les écoles et en suppliant les belligérants de mettre un terme aux violences.
Esther Omam Njomo est une activiste camerounaise extrêmement influente, humanitaire et directrice exécutive de Reach Out Cameroun, une ONG basée à Buea qui s’occupe des droits des femmes et des enfants. En mai 2018, elle a crée la Task Force des femmes du Sud-Ouest et du Nord-Ouest (SNWOT) qui rassemble les femmes de la société civile pour promouvoir la paix dans les régions anglophones. En mai 2019, elle a témoigné devant le Conseil de sécurité des Nations unies. Dès son retour au Cameroun, elle a du faire face à des attaques effrayantes. Mais malgré les nombreuses menaces, elle continue de militer pour la paix dans les zones de conflits.
Dans une interview accordée à Bellingcat, Njomo parle d’une fracture de plus en plus profonde entre les communautés urbaines où les écoles, en particulier les établissements privés, ont pu rouvrir, tandis que les écoles des zones rurales ne sont toujours pas sûres. A travers les régions, selon elle, les pauvres ne peuvent se permettre d’envoyer leurs enfants à l’école dans une autre localité. « Vous avez les riches, puis la classe moyenne et les pauvres, et les villages qui n’ont pas les moyens d’envoyer les enfants à l’école ».
Ces inégalités sociales de plus en plus grandes sont accompagnés par une inégalité de genre, note-t-elle.
« Une bonne partie des gens travaillant dans les écoles au Cameroun sont dépendant du salaire que leur verse le gouvernement, et la plupart sont des femmes. Dans les régions les plus conservatrices du Cameroun, c’est l’un des seuls métiers autorisés aux femmes. Mais les instituteurs sont dans le même temps devenus une des cibles principales de ce conflit ». Et d’ajouter « Les femmes souffrent, exactement comme les enfants. Certaines ont préféré devenir fermière afin de pouvoir nourrir leur famille. »
« Quel crime a pu être commis par un enfant à qui l’ont refuse le droit à l’éducation ? Qu’ont-t-ils fait pour mériter d’être livrés aux caprices de ceux qui ont déclenché cette guerre ? », s’interroge Njomo, ajoutant qu’elle ne souhaite pas désigner de responsable en tant qu’humanitaire, afin de rester impartiale.
Alors que les attaques contre les écoles, les instituteurs et les élèves continuent, la peur de la violence qui entoure l’éducation s’épaissit. Selon une estimation du Global Education Cluster publiée en décembre 2019, 83 % des écoles des régions anglophones sont fermées.
« Restaurer le système éducatif pour qu’il retrouve le niveau qu’il avait avant la crise prendra beaucoup de temps. La plupart de ces zones ne sont toujours pas sûres et ont été abandonnées pendant trois, quatre voire cinq ans. Sans investissements massifs, il sera difficile de faire remarcher les écoles dans ces endroits », résume Arrey Elvis Ntui, expert sur le Cameroun pour l’International Crisis Group.
Des leaders séparatistes interrogés par Bellingcat et s’exprimant depuis leurs diasporas ont largement niés les accusations selon lesquelles les séparatistes auraient attaqués des écoles. Selon eux, des groupes criminels ont non seulement tiré avantage de la situation pour harceler des civils, mais ils ont aussi permis au gouvernement camerounais de présenter à la communauté internationale le mouvement séparatiste comme des hors-la-loi s’opposant aux droits à l’éducation.
« Ils ont totalement conscience que quoi qu’ils fassent, ce seront toujours les séparatistes qui seront accusés au final, puis qu’eux n’ont pas appelé au boycott. Ainsi, dès qu’un incident survient dans une école, les premières suspicions se tournent toujours vers un groupe ambazonien », explique Akwanga.
Cependant, pour justifier le boycott, Cho Ayaba assume : « nous savons qu’il va y avoir des pertes. Cette génération paie le prix pour que la prochaine puisse avoir un meilleur futur. C’est ce qui s’est passé dans tous les pays qui se sont battus pour leur liberté ».
Les sources séparatistes citées dans cet article attribuent le massacre de Kumba, l’incendie de l’école de Nkambe et le kidnapping de Nkwen au gouvernement camerounais. Cette version contraste fortement avec la position du gouvernement, qui a déjà accusé les séparatistes d’être responsables de ces mêmes incidents.
Ni le ministère de la Communication du Cameroun, ni un porte parole de l’armée ou un représentants des ambassades camerounaise au Pays-bas, en France, en Grande-Bretagne ou aux États-Unis, n’ont répondu à nos questions avant la publication de cet article.
Dans ce conflit qui semble sans fin, un retour complet et sûr à l’école pourrait se révéler illusoire. D’ici là, les conséquences économiques et sociales pour la prochaine génération de Camerounais anglophones restent très incertaines.
Pendant que les belligérants s’accusent mutuellement, ce sont bien les enfants qui en paient le prix. Esther Omam Njomo s’interroge : « les enfants sont nos lendemains. Quels lendemains auront nous avec des enfants qui n’ont pas été éduqués? »
Recherche réalisée par Youri van der Weide, Charlotte Godart, Carlos Gonzales et Timmi Allen. Avec la participation de Maxim Edwards et Jake Godin. Produit avec l’aide de Billy Burton et ses collègues du Cameroon Anglophone Crisis Database of Atrocities, et avec nos remerciements à l’université californienne de Berkeley, l’équipe de l’Exeter Database et Siham Ali. Article traduit en français par Élie Guckert.
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19.07.2021 à 17:44
Nick Waters
En mars dernier un nouveau site Web pour un groupe formé par deux anciens diplomates et un universitaire de l’Ivy League préoccupés par les activités de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) était mis en ligne. Le Berlin Group 21 (BG21) publiait sur sa page d’accueil une déclaration dans laquelle l’organisation se disait « […]
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En mars dernier un nouveau site Web pour un groupe formé par deux anciens diplomates et un universitaire de l’Ivy League préoccupés par les activités de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) était mis en ligne.
Le Berlin Group 21 (BG21) publiait sur sa page d’accueil une déclaration dans laquelle l’organisation se disait « profondément préoccupé » par une enquête de l’OIAC sur une attaque chimique contre la ville syrienne de Douma en 2018 qui a tué plus de 40 civils. Parmi les signataires figuraient d’éminents journalistes, des universitaires, une ancienne membre du Congrès américain et candidate à la présidence ainsi qu’un ancien dirigeant de la Royal Navy britannique.
Le groupe était « représenté » par trois personnalités éminentes : José Bustani, Richard Falk et Hans von Sponeck, précisait le site.
José Bustani est ancien directeur général de l’OIAC, Richard Falk, professeur émérite de droit international à Princeton et Hans Von Sponeck, ancien secrétaire général adjoint de l’ONU et coordinateur humanitaire pour l’Irak.
Pourtant, quelques semaines plus tard, la création du BG21, ainsi que la genèse de son communiqué, suscite toujours de nombreuses interrogations.
En Avril, Newlines magazine a révélé que le BG21 était une organisation servant de « façade » au Working Group on Syria, Propaganda and the Media (Groupe de travail sur la Syrie, la propagande et les médias, ou WGSPM). La publication de mails a également permis de dévoiler qu’un membre du WGSPM se vantait d’avoir organisé la promotion médiatique du BG21 auprès d’un individu qu’il prenait à tort pour un officier du renseignement russe.
Le WGSPM a été largement critiqué pour les prises de position de ses membres, un groupe d’universitaires britanniques et de blogueurs. Le groupe a, entre autres, prétendu que des attaques chimiques en Syrie auraient été organisées par des rebelles syriens, malgré une montagne de preuves pointant au contraire la responsabilité du régime syrien, comme pour des centaines d’autres attaques chimiques.
Le BG21 a ensuite publié un communiqué affirmant que les accusations selon lesquelles il n’était qu’une façade du WGSPM étaient « fausses » et qu’il était « entièrement indépendant de tout autre groupe ou organisation ». Ces affirmations ont également été rejetées lors d’entretiens téléphoniques avec Hans von Sponeck et Piers Robinson, cofondateur du WGSPM qui, comme beaucoup d’autres membres du groupe, a relayé des théories du complot liées aux événements en Syrie et ailleurs.
Pourtant, d’autres éléments des conversations de Bellingcat avec Sponeck et Robinson révèlent ce qui semble être un contact étroit entre ces deux derniers à propos des activités du BG21 et de l’engagement autour de son communiqué. En résumé :
Nader Hashemi, directeur du Center for Middle East Studies et professeur agrégé de politique du Moyen-Orient et de l’Islam à l’Université de Denver, déclare à Bellingcat que si Robinson ou l’un de ses collègues du WGSPM étaient d’une quelconque manière impliqués avec le BG21 ou dans la rédaction de son communiqué, de sérieuses questions se poseraient sur la légitimité et l’indépendance des deux organisations. D’éventuelles connexions également préjudiciable pour le BG21 étant donné le passé conspirationniste de Robinson, a-t-il ajouté.
Scott Lucas, professeur émérite de politique internationale à l’Université britannique de Birmingham qui a suivi de près la controverse autour de Douma confirme et ajoute que la réputation universitaire de Robinson a été « enterrée » par ses déclarations conspirationnistes comme sur les « mises en scène de massacres » de civils tués dans des attaques chimiques.
Pour saisir cette histoire dans toute sa complexité, il faut d’abord comprendre comment un mystérieux individu nommé « Ivan » a pu pousser un co-fondateur du WGSPM à se livrer au sujet de ce qu’il prétendait être la portée et l’impact du WGSPM.
Paul McKeigue a obtenu bien plus que ce qu’il espérait en entamant une correspondance avec « Ivan ».
Cofondateur du WGSPM, McKeigue est également professeur d’épidémiologie génétique à l’Université d’Édimbourg. McKeigue en est venu à croire qu’Ivan, qui lui avait envoyé un e-mail à l’improviste, était un officier du renseignement russe.
Après de premiers échanges prudents, McKeigue commence à lui partager des informations au sujet des activités de certaines figures du WGSPM. Il affirme rapidement à Ivan que le fondateur du WGSPM, Piers Robinson, a « travaillé au cours des derniers mois pour coordonner cette initiative. (https://www.heise.de/tp/features/Glaubwuerdigkeit-und-Integritaet-der-OPCW-wiederherstellen-5078562.htmlhttps://www.heise.de/tp/features/Glaubwuerdigkeit-und-Integritaet-OPCW-wiederherstellen-5078562.html)».
Un lien qui renvoie vers le communiqué du BG21 à propos de l’enquête de l’OIAC sur Douma, communiqué publié par le site allemand Telepolis.
Ivan répond alors qu’il ignorait que ce communiqué sur l’OIAC était l’œuvre de Robinson et demande pourquoi ni Robinson ni McKeigue ne s’y sont pas associés publiquement.
« Piers pense qu’il est préférable pour lui de rester dans les coulisses, car notre WGSPM fait quelque peu l’objet de controverses et nous avons été diffamés par les médias », répond McKeigue, qui précise également que : « Le groupe qui diffuse le communiqué s’appelle désormais le Berlin 21 Group ».
Robinson, ancien professeur de journalisme à l’Université de Sheffield et co-fondateur du WGSPM, a longtemps fait l’objet de polémiques pour avoir relayé des théories du complot concernant, entre autres, la Syrie.
Il a notamment fait l’éloge d’un ouvrage suggérant que des explosifs avaient été utilisés pour détruire le World Trade Center le 11 septembre et a affirmé que le COVID-19 était un « virus peu mortel », comparable à la grippe saisonnière. Il a également déclaré que la bannière « Mission Accomplished » présente derrière le président George W. Bush lorsqu’il déclarait en 2003 la fin des principales opérations de combat en Irak avait été « superposée » sur les images de l’événement et qu’elle n’y était pas réellement présente.
Le WGSPM, quant à lui, a mis en doute le fait que la Russie a réellement produit le Novitchok. Sur la Syrie, Robinson et le WGSPM affirment depuis longtemps que des attaques chimiques auraient été mises en scène par des groupes rebelles opposés à Assad, avec l’aide des secouristes de la Défense civile syrienne, les Casques blancs. L’un de leurs membres a même affirmé que les Casques blancs sont une « cible légitime ».
Dans une autre partie des échanges de courriels, McKeigue semble souligner d’avantage sa participation ainsi que celle du WGSPM aux activités de BG21. « Nous organisons une promotion médiatique », a-t-il écrit en faisant apparemment référence au communiqué du BG21.
Ce courriel a été envoyé le 4 mars, une semaine avant l’enregistrement du site web du BG21, le 11 mars.
Malheureusement pour McKeigue, Ivan n’est pas un officier du renseignement russe, mais un membre de la Commission pour la justice internationale et la responsabilité (CIJA), une ONG qui a documenté les violations des droits humains en Syrie.
McKeigue avait auparavant cherché à enquêter sur les activités du CIJA ainsi que sur son fondateur, William Wiley, qu’il croyait à tort être un agent de la CIA. Certains de ces mails, dont l’existence a déjà été rapportée par la BBC, sont intégrés dans cet article.
McKeigue semble également discuter de l’importance de faire signer le communiqué du BG21 par des personnalités telles que Lord Alan West, un ancien amiral de la marine britannique, car il « n’est pas un ami de la Russie. Ni du président Assad. »
McKeigue se vante également de la bonne impression qu’il pense avoir faite lors d’une apparition devant les parlementaires britanniques et de son espoir que des enquêtes soient lancées sur la manière dont les services de renseignement du pays ont informé le Premier ministre sur l’attaque de Douma.
Il présente Julian Lewis, président de la Commission du renseignement et de la sécurité du parlement britannique, comme étant « un sceptique indépendant d’esprit venu nous entendre, moi, Piers et David Miller [un autre membre du WGSPM] parler devant la Chambre des communes l’année dernière ».
Lewis a répondu à Bellingcat qu’il n’était arrivé qu’à la fin de cette réunion et qu’il n’était pas au courant de ce qui a pu être dit avant sa présence. Il déclare également qu’il n’était pas au courant de l’initiative du BG21, qu’il n’a été en contact avec aucun membre du WGSPM, et qu’il n’a pas non plus été invité à signer le texte du BG21.
Lord Alan West, ancien chef de la Royal Navy britannique et membre de la même Commission du renseignement et de la sécurité, a en revanche bien signé ce texte. Il déclare à Bellingcat qu’il y a été invité par Peter Ford, ancien ambassadeur du Royaume-Uni en Syrie et désormais coprésident de la British Syrian Society (BSS), un groupe de pression fondé et coprésidé par Fawaz Akhras, le beau-père du président syrien Bachar al-Assad.
Bellingcat a pu joindre Peter Ford par téléphone pour lui poser des questions sur le BG21 et son communiqué. Tout en confirmant son identité, il assure que nous nous adressons à la mauvaise personne car il en sait très peu sur le BG21. Et d’ajouter : « Je sais qui vous êtes. Ne m’appelez plus », avant de raccrocher. Précédemment Ford avait écrit que l’attaque chimique de Douma avait probablement été fabriquée et a déclaré que les Casques blancs étaient des « auxiliaires des djihadistes ». Il a également déclaré qu’il n’était pas payé pour son travail à la BSS.
Lord West, qui a déjà qualifié le président Assad d’ « épouvantable », assure qu’il n’était pas au courant des affiliations de Ford avec la BSS. Il déclare également n’avoir pas lu tous les rapports de l’OIAC dans leur intégralité, mais pense que s’il existe un doute sur les travaux du groupe, ils doivent être examinés attentivement. Il ne savait pas que l’équipe d’enquête et d’identification (IIT), un groupe de l’OIAC distinct de la mission d’établissement des faits (FFM) qui a rédigé le rapport sur Douma, réexamine actuellement l’incident et a pour mandat d’attribuer la responsabilité des attaques. Informé de cette enquête de l’IIT, Lord West exprime son approbation.
Il ajoute qu’il ne sait rien des travaux du WGSPM ni des commentaires antérieurs de Piers Robinson. Lorsqu’une sélection de ces propos lui est transmise, il déclare : « Je ne suis pas du tout un grand fan des théoriciens du complot. C’est proprement affolant, en ce qui me concerne.»
Et selon les courriels de McKeigue, le WGSPM ne se concentrait pas uniquement sur le parlement britannique.
McKeigue assure ainsi que Robinson travaille comme chercheur pour le parti politique allemand Die Linke et que deux des membres du parti au Bundestag, Heike Hänsel et Sevim Dağdelen, les avaient « aidés en posant des questions parlementaires au ministère allemand des Affaires étrangères sur la fraude au sein de l’OIAC. »
Dans le même e-mail, McKeigue étale ses théories sur le mondialisme, sur le financier et philanthrope George Soros et soutient que Bellingcat fait partie d’un réseau de « fabricateurs de narratifs sur la Syrie ».
Ni Die Linke, ni Hänsel ni Dağdelen n’ont répondu aux demandes de commentaires de Bellingcat à propos des courriels de McKeigue les concernant avant publication. Robinson n’a pas non plus répondu à nos questions concernant ce point spécifique envoyées par mail. McKeigue, cependant, a par la suite affirmé qu’il avait exagéré la réalité au cours de sa correspondance avec Ivan.
Les courriels de McKeigue ne permettent pas de savoir si des élus allemands ont participé à la rédaction du communiqué du BG21. Mais la publication des courriels, et des détails qu’ils contiennent – la connaissance préalable des activités du BG21, les plans pour organiser en coulisses sa promotion médiatique et le partage d’informations avec un faux officier du renseignement russe – semblent bien avoir suscité des inquiétudes au sein même du BG21.
Peu après la publication par Newlines d’un article établissant une connexion entre le BG21 et le WGSPM un texte est apparu sur le site du BG21 déclarant que les affirmations de cet article étaient « entièrement fausses ».
Le texte du BG21 assure que « le Berlin Group 21 a été créé par l’Ambassadeur José Bustani, le Professeur Richard Falk et Hans von Sponeck et est entièrement indépendant de tout autre groupe ou organisation ».
« Une demande de correction a été adressée aux journalistes concernés », conclut le texte.
Les deux auteurs de l’article de Newlines ont en effet reçu le 20 avril un courriel affirmant que leurs informations étaient « entièrement fausses » et demandant une correction.
Mais ce mail ne venait pas d’un représentant désigné du BG21.
Le courriel a en fait été envoyé par Paul McKeigue, qui affirmait que : « Le BG21 et son communiqué sont indépendants de moi et du WGSPM. »
Sponeck explique à Bellingcat qu’il a demandé à McKeigue de répondre à l’article de Newlines et de préciser qu’il n’avait rien à voir avec le BG21. Il a également contacté les auteurs lui-même quelques jours plus tard.
Sponeck a partagé le courriel qu’il avait envoyé à McKeigue avec Bellingcat. Il assure que c’était là son premier contact avec McKeigue et qu’il ne le connaissait pas auparavant. Le courriel indique : « Le BG21 et son communiqué sont totalement indépendants de vous et du WGSPM ».
Il contenait également la note que Sponeck comptait envoyer lui-même aux journalistes.
Bellingcat a contacté McKeigue pour lui poser des questions sur ses échanges avec Ivan et pour savoir si le BG21 était une façade du WGSPM, comme l’affirme l’article de Newlines. McKeigue n’a pas répondu avant la publication.
Cependant, dans une déclaration publiée sur le site Web du WGSPM après que sa correspondance avec «Ivan» a été révélée pour la première fois, McKeigue assure qu’il a « embelli » certains aspects pour donner l’impression d’un réseau coordonné « qui en réalité n’existe pas ».
La raison pour laquelle McKeigue aurait cherché à embellir le contenu de ses mails à Ivan n’est pas tout à fait clair, bien que sa déclaration semble suggérer qu’il s’agissait peut-être d’obtenir plus d’informations de la part d’Ivan. McKeigue ajoute que le WGSPM « n’existe pas en tant qu’entité autre qu’un groupe restreint de personnes qui corédigent occasionnellement des articles ou commentent les brouillons des uns et des autres ».
Pourtant, les connexions et la correspondance entre un membre clé du WGSPM et au moins un membre du BG21 ne semble pas faire partie des aspects qui ont été exagérés par McKeigue.
Joint par téléphone par Bellingcat, Sponeck déclare qu’il a bien échangé avec Robinson au sujet de l’initiative du BG21. « Rien de plus, rien de moins que des échanges, des demandes de réactions, comme nous le faisons avec d’autres personnes », résume-t-il dans un premier temps.
Pourtant, il affirme ensuite que Robinson a bien été en contact « assez régulièrement » avec lui et l’a aidé à « répondre à des questions » car il n’est pas un spécialiste de la Syrie. Selon Sponeck, il lui a indiqué des documents qu’il devrait lire, Robinson étant quelqu’un vers qui il se tournait lorsque « des arrangements devaient être mis en place », sans plus de précisions.
Sponeck affirme avoir consulté un certain nombre de personnes au sujet du communiqué du BG21, Robinson n’étant que l’un d’entre eux. Interrogé à ce sujet par Bellingcat au cours d’un autre entretien téléphonique, Robinson répond : « Oui, j’ai pu le faire, mais pas de manière significative ». Il assure également « ne pas avoir aidé à la rédaction [du communiqué] » mais « examiné certains points ». Sponeck confirme que Robinson a aidé à identifier des signataires potentiels.
Pourtant, selon Sponeck, les allégations selon lesquelles le BG21 était en réalité composé de plus de trois personnes (von Sponeck, Bustani et Falk) voulant s’assurer que l’OIAC est protégée contre les tentatives d’instrumentalisations et qui avaient demandé le soutien d’individus tout aussi concernés, sont maladroites.
Lorsque Sponeck a décidé qu’il voulait publier une déclaration sur le site du BG21 rejetant les allégations de Newlines, c’est pourtant bien à Robinson qu’il a demandé de l’aide pour la mettre en ligne. Robinson déclare à Bellingcat qu’il a effectivement accès au site web du BG21, mais qu’il ne l’a pas mis en place, qu’il ne le gère pas et qu’il ne s’occupe pas de la mise en ligne des contenus. Sponeck n’aurait été en mesure d’avoir accès au site que quelques semaines après son lancement. Robinson assure également qu’il connait l’identité de la personne qui a enregistré le site, un citoyen américain, un détail que Sponeck ignorait.
Malgré cela, Sponeck rejette l’idée que l’implication de Robinson ait pu être « significative » ou qu’il serait manipulé par des personnes ayant des arrière-pensées. « Je vous demanderais d’imaginer ne serait-ce qu’un moment que Bustani, Falk et moi aurions été induits en erreur ou que nous n’aurions pas insisté sur les normes de contrôle les plus élevées dans nos efforts pour trouver la vérité sur une question aussi complexe que celle de Douma », ajoute-t-il par courriel.
Sponeck dit qu’il savait que Robinson avait été accusé d’être complotiste par certains médias, y compris sur des questions telles que le 11 septembre, mais qu’il ne voyait aucun problème à le consulter au sujet de l’initiative du BG21. Interrogé sur certaines des activités précédentes de Robinson et du WGSPM, il répond : « Je ne sais même pas ce que font Piers Robinson et son groupe de travail. Je ne sais pas. Je n’ai pas besoin de le savoir. » Sa principale préoccupation, selon lui, reste le communiqué du BG21 et « non ce que les gens peuvent faire dans un autre contexte ».
Sponeck souligne également qu’il n’a jamais échangé avec aucune représentation diplomatique à ce sujet. McKeigue déclare pourtant dans ses échanges avec Ivan que Robinson et d’autres membres du WGSPM se sont coordonnés avec trois ambassades russes, à Londres, New York et Genève. McKeigue a en outre noté dans ses mails qu’un diplomate russe à Genève nommé Sergey Krutskikh « a occasionnellement transmis des informations au WGSPM via Piers ».
Joint par Bellingcat, Robinson insiste sur le fait que McKeigue affirme lui-même avoir exagéré la réalité dans ses échanges avec Ivan et assure que le « décrire comme un contact ou comme quelqu’un qui peut fournir des informations par le biais de la Fédération de Russie est tout simplement inexact. Ce n’est en aucun cas mon rôle ou ma disposition, et je ne le ferais pas. »
Robinson ajoute par mail que « supposer que les échanges avec [Ivan] sont factuels est imprudent de votre part et suggérer que soit Paul McKeigue soit le WGSPM sont derrière le Berlin Group 21 ou son communiqué est faux. Les deux sont indépendants aussi bien vis-à-vis de Paul McKeigue personnellement que vis-à-vis du WGSPM. »
« En ce qui me concerne, comme Hans et moi l’avons expliqué, je suis fier d’avoir pu apporter aide et soutien à Hans von Sponeck, José Bustani et Richard Falk ; cela a vraiment été un honneur. Je l’ai fait à titre personnel et non en tant que représentant de groupes ou d’organisations dans lesquels je suis également impliqué. Je fais partie des nombreuses personnes qui apportent aide et soutien. Suggérer que mon rôle et ma fonction irait au delà de cela est faux. »
Sponeck précise qu’il n’a eu « aucunement l’impression que Piers Robinson ait tenté de le pousser dans un camp idéologique ou fanatique » et affirme n’être l’« idiot utile de personne ». Il réitère que les principales préoccupations du BG21 sont d’assurer l’intégrité de l’OIAC et de permettre aux scientifiques d’être écoutés, ajoutant que lui-même, Bustani et Falk sont des individus « honnêtes ». S’il sentait que les gens essayaient de « jouer à des jeux » ou avaient des « intentions… qui ne sont pas connues du public », il « abandonnerait très rapidement ».
Lorsqu’il a discuté de l’attaque de Douma avec Bellingcat, Sponeck a cependant concentré ses préoccupations non pas sur les détails précis de l’incident, mais sur le désaccord qui s’est produit entre Brendan Whelan, un ancien employé de l’OIAC, et l’organisation elle-même.
C’est justement la partie de l’histoire qui a le plus été sujette à la controverse et à la désinformation. Les documents divulgués à Wikileaks par Whelan en 2019 semblaient montrer un désaccord au sein de l’OIAC au sujet de l’existence de preuves suffisantes pour affirmer que du chlore avait été utilisé dans l’attaque de Douma. Cependant, il est apparu depuis que les documents divulgués fournissaient une image incomplète de ce qui s’était réellement passé au sein l’OIAC.
Whelan faisait initialement partie de la mission d’établissement des faits (FFM) de l’OIAC et a contribué à son rapport intermédiaire, qu’il a approuvé après avoir initialement pu exprimer ses préoccupations. Whelan a ensuite quitté l’OIAC, sept mois avant que l’enquête ne soit terminée, période qui représenterait l’essentiel du travail, selon l’OIAC. Ce travail ultérieur était, toujours selon l’OIAC, hautement protégé et Whelan n’y avait pas accès. Whelan ne s’est pas non plus rendu sur place à Douma car il n’avait pas reçu la formation appropriée pour le faire, toujours selon l’OIAC.
Une enquête indépendante a corroboré cette version des événements et le chef de l’OIAC a qualifié les affirmations de Whelan et Ian Henderson – un autre employé de l’OIAC qui ne faisait pas partie de la mission principale de la FFM mais qui a affirmé que des détails avaient été enlevés du rapport final – comme « erronés, mal-informés et faux. »
Le chef de l’OIAC a également noté que Whelan avait, après avoir quitté l’organisation, renvoyé d’anciens collègues vers l’une des notes d’information du WGSPM qui postulait qu’une « mise en scène de massacre » avait eu lieu à Douma. Whelan a qualifié cet article de « très intéressant et perspicace ».
Malgré cela, Sponeck déclare : « Ce qui m’a profondément influencé, m’a profondément ému et m’a bouleversé, c’est la lecture des deux rapports intermédiaires et du rapport de la mission d’établissement des faits qui omettait de faire référence au fait qu’il y avait des désaccords dans l’équipe. Cela m’a beaucoup inquiété et [je me suis demandé] dois-je essayer d’en savoir plus ? ».
Sponeck ne savait pas que Whelan avait lui-même validé, par écrit, le rapport intermédiaire.
Lorsqu’il a été contacté pour un documentaire de la BBC Radio en début d’année, Whelan a refusé de dire s’il avait reçu de l’argent de Wikileaks à la suite de sa divulgation des documents de l’OIAC. Il n’a pas non plus répondu aux demandes de commentaires de Bellingcat sur le même sujet l’année dernière. WikiLeaks avait pourtant publié sur Twitter une telle offre juste après l’attaque de Douma. Sponeck n’était pas non plus au courant de ce détail.
Sponeck souligne le fait que plusieurs anciens membres de l’OIAC ont signé son communiqué, qui serait donc digne de confiance. Pourtant, tous ces individus avaient, pour autant que Bellingcat puisse en juger, quitté l’OIAC au moment où elle a commencé son enquête sur l’utilisation d’armes chimiques en Syrie.
En bref, après nous être entretenus avec Sponeck et Robinson, il ressort qu’au moins un membre du WGSPM avait accès au site du BG21, qu’il avait identifié des signataires potentiels et a joué au moins brièvement un rôle en examinant le communiqué avant qu’il ne soit publié.
Cependant, Robinson dit que toute aide qu’il a fournie au BG21 n’est pas « un grand secret » et que cette aide a été apportée à titre personnel plutôt qu’en tant que membre d’une autre organisation.
Des éléments en partie contredits par les échanges de Paul McKeigue avec « Ivan », même si depuis leur révélations, McKeigue a rétropédalé en assurant avoir embelli la réalité.
Le WGSPM cherche depuis longtemps à utiliser la crédibilité d’universitaires pour donner du poids à ses théories sur les attaques chimiques en Syrie, bien qu’aucun de ses membres n’aient une quelconque qualification officielle pertinente. Selon McKeigue lui-même, les articles négatifs publiés dans la presse ont contribué à miner la crédibilité du WGSPM.
Le Berlin Group 21 a réussi à rassembler un groupe de personnalités éminemment respectables pour signer son communiqué. Mais si le BG21 a reçu des informations et des commentaires d’individus qui ont l’habitude de relayer des théories du complot et de diffuser des informations incomplètes et fausses sur l’attaque de Douma, la fiabilité des prochaines informations publiées par le BG21 serait remise en cause.
Les mails de Paul McKeigue soulèvent également des questions évidentes au sujet de certains élus politiques, tels que ceux de Die Linke qui se seraient donc engagés avec les membres du WGSPM au sujet de l’attaque de Douma.
Bellingcat a tenté de contacter Richard Falk, José Bustani, la Courage Foundation, Die Linke, Sevim Dağdelen et Heike Hänsel. Aucun n’a répondu avant la publication de cet article.
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03.12.2020 à 17:23
Syrie Factuel
Cette enquête a été réalisée en collaboration avec Mediapart. La version originale de l’enquête est disponible ici. Dans une vidéo publiée sur Youtube en 2019, un groupe d’homme et de femmes tous vêtus du même t-shirt blanc dînent aux côtés de deux ressortissants français et d’un homme en treillis militaire. Ces Français remettent ensuite à […]
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Cette enquête a été réalisée en collaboration avec Mediapart. La version originale de l’enquête est disponible ici.
Dans une vidéo publiée sur Youtube en 2019, un groupe d’homme et de femmes tous vêtus du même t-shirt blanc dînent aux côtés de deux ressortissants français et d’un homme en treillis militaire. Ces Français remettent ensuite à l’homme en tenue de camouflage un trophée, le félicitant pour la libération du petit village chrétien de Mhardeh dans l’ouest de la Syrie, contrôlé par le régime. Plus loin dans la vidéo, dans un autre village chrétien situé à 25 km de là, Sqelbiye, un autre soldat souriant reçoit le même prix. Bachar al-Assad, lunettes de soleil vissées sur le nez, regarde la cérémonie depuis une grande photo accrochée au mur à l’arrière-plan.
Les deux Français remettant ces trophées sont Benjamin Blanchard, directeur général de l’association humanitaire SOS Chrétiens d’Orient (SOSCO) et Alexandre Goodarzy, alors chef de mission de l’ONG en Syrie .
Les combattants syriens qui reçoivent ces récompenses, Simon al-Wakil et Nabel al-Abdullah, sont présentés par SOSCO comme des hommes qui « ont lutté depuis les débuts du conflit sans jamais renoncer ! » L’ONG a fait de nombreux appels aux dons pour soutenir les habitants des villages que ces hommes prétendent protéger.
Mais notre enquête révèle qu’al-Wakil et al-Abdullah sont en réalité des chefs de guerre à la tête de milices pro-Assad accusées de crimes de guerre. D’après une chercheuse de Human Rights Watch, le soutien que SOSCO leur apporte viole les principes humanitaires de neutralité et d’impartialité et pourrait rendre l’ONG complice de crimes de guerre.
Créée en 2013, l’association française SOS Chrétiens d’Orient se décrit comme « une association d’intérêt général apolitique » qui œuvre pour soutenir les chrétiens à travers le Moyen-Orient, ainsi qu’en Éthiopie, au Pakistan et en Arménie. Elle a envoyé des centaines de jeunes volontaires français dans la région et facilité des rencontres entre des hommes politiques français et des officiels syriens.
La mission de l’ONG – qu’elle ne présente pas simplement comme un effort humanitaire, mais comme une mission d’importance divine et culturelle – est de renouveler les liens entre les chrétiens d’Occident et ceux de « l’Orient ». Selon ses propres termes, « l’association témoigne de la vocation supérieure de la France ».
Les fondateurs, Charles de Meyer et Benjamin Blanchard, sont des militants de l’extrême droite française. Ils se sont rencontrés en garde à vue après avoir été arrêtés lors d’une manifestation contre le mariage pour tous à Paris en 2013.
Alexandre Goodarzy était le chef de mission en Syrie jusqu’à sa disparition pendant 66 jours en Irak avec trois autres employés de SOSCO dans des circonstances qui n’ont jamais été éclaircies, début 2020.
Les fondateurs disent avoir créé SOSCO en réaction à la bataille de Maaloula, un petit village chrétien situé au nord de Damas attaqué par les rebelles et des djihadistes du Front al-Nosra en 2013. Cet événement est fréquemment instrumentalisé par des figures pro-Assad pour affirmer que le régime protège les minorités contre la menace du terrorisme islamiste.
SOSCO dispose désormais de plusieurs bureaux permanents dans les territoires sous contrôle du régime en Syrie et collecte environ 7 millions d’euros de dons chaque année, selon les comptes financiers annuels examinés par Mediapart.
SOSCO présente le village de Mhardeh et le village voisin de Sqelbiye comme des «symbole(s) de la résistance syrienne au terrorisme international ». Une incarnation moderne de Jeanne d’Arc, qui a répondu « à l’appel du Seigneur et à son devoir pour défendre ses terres et sa patrie », selon l’association.
Les volontaires de l’ONG visitent fréquemment Mhardeh. À Noël dernier, ils ont par exemple emballé des cadeaux au domicile du chef milicien Simon al-Wakil.
Et quand Alexandre Goodarzy s’est marié à une ancienne volontaire de SOSCO, Fimy Hanna, à Maaloula en 2018, Nabel al-Abdullah, le fils de Simon al-Wakil, Fahed – qui combat également dans la milice de son père – et Salem al-Barni, un autre soldat des NDF [ Les Forces de défense nationale (NDF), une milice pro-régime] à Mhardeh, ont assisté à la cérémonie, comme le montrent les photos publiées sur Instagram par Fahed al-Wakil lui-même.
Le sort de Mhardeh occupe une large place sur le site web de SOSCO et dans ses campagnes de financement. Rien qu’en 2019, l’ONG a levé au moins 35 600 € pour le village. 15 600 € ont aussi été collectés via une plateforme chrétienne de financement participatif, et 20 000 € ont été rassemblés lors d’une vente aux enchères organisée avec Marc-Etienne Lansade, maire d’extrême droite de la commune de Cogolin, dans le sud de la France, et le chroniqueur français d’extrême droite Eric Zemmour. Dans une interview accordée en 2019 au média pro-Kremlin Sputnik, Alexandre Goodarzy a déclaré que SOSCO avait « levé 50 000 euros [pour Mhardeh], nous avons dépensé environ 10 000 euros pour le moment ». Dans une réponse à cette enquête publiée sur son site, l’association précise : « à ce jour, nous avons dépensé environ 80 000 euros pour les villages de Mhardeh et Suqaylabiyah ». L’ONG n’a fourni aucun document pour étayer sa déclaration et n’a pas expliqué comment l’argent avait été dépensé.
SOSCO donne peu d’informations sur la manière dont elle utilise l’argent sur le terrain à Mhardeh, mais dans l’interview donnée à Sputnik par Goodarzy, l’ex chef de mission en Syrie assure que son association donne de la nourriture « particulièrement aux familles dont les époux vont au combat ».
Sur la page du financement participatif mentionné plus haut, SOSCO demande de l’argent pour aider « les familles des martyrs lourdement endeuillées » à obtenir de la nourriture, des vêtements, des fournitures médicales et du matériel pour aider à la reconstruction.
Un article de 2019 publié sur le site internet de SOSCO précise même : « Impossible de livrer des médicaments. Nous apportons à Monsieur Simon et à ses hommes ce qui fait le reste du quotidien d’un soldat : du café, du thé, du maté, et un peu de tabac. »
Selon un article publié en 2018 par le site d’information al-Modon au sujet de Mhardeh, « une délégation de l’organisation SOS Chrétiens d’Orient […] s’est rendue dans la région et a fourni au chef de la milice divers équipements et une assistance ».
« S’il s’avère que l’argent collecté est donné au chef de la milice, et que c’est la milice qui distribue cet argent aux familles et qu’elle en bénéficie de manière abusive, alors SOS Chrétiens d’Orient pourrait être accusée de complicité pour les crimes commis par ces mêmes milices », pense Sara Kayyali, chercheuse spécialiste de la Syrie pour Human Rights Watch.
Dans l’une des nombreuses vidéos de Mhardeh publiée sur Youtube par SOSCO en 2016, Alexandre Goodarzy et Benjamin Blanchard, ainsi que d’autres bénévoles, distribuent des fournitures avec l’aide d’hommes en tenue de camouflage. « On est en train de ravitailler en nourriture et en couvertures la Défense nationale de Mhardeh qui subit les assauts répétés de la part d’al-Nosra depuis quelques semaines », dit Goodarzy.
Impossible de savoir quelle partie de ces fournitures est arrivée dans les mains des civils locaux. Salem al-Barni, l’un des miliciens présents au mariage de Goodarzy, figure dans la vidéo. Il porte des vêtements civils mais est présenté comme un lieutenant des NDF.
Ce brouillage des frontières entre opération humanitaire et soutien à des miliciens semble être une caractéristique des activités de SOSCO à Mhardeh. Al-Wakil lui-même était présent lors d’une opération similaire de SOSCO en février 2019.
En distribuant de l’aide de cette manière, en collectant des fonds pour les familles des combattants NDF morts et en se rangeant du côté des forces pro-Assad, SOSCO semble enfreindre les principes humanitaires de neutralité et d’impartialité fixés par l’Union européenne. Selon ces principes, « l’aide humanitaire doit être fournie uniquement en fonction des besoins » et « ne doit favoriser aucun camp dans un conflit armé ». Les représentants de l’association, qui ne semblent guère s’en préoccuper, nous ont simplement répondu qu’ils n’avaient « jamais prétendu rester neutres face à al-Qaïda ».
Les NDF sont « de loin le plus grand réseau de milices en Syrie », selon l’analyste Aron Lund. Elles « ont été créées à la suite du changement de nom, de la restructuration et de la fusion de comités populaires locaux et d’autres groupes armés pro-Assad à partir de 2012.»
Comme l’a noté l’ONG d’opposition syrienne Pro-Justice, ces milices loyalistes sont connues pour avoir été financées par Al-Bustan, la soi-disant organisation caritative de Rami Makhlouf, le cousin de Bachar al-Assad, actuellement sous sanctions européennes. Le Guardian a révélé en 2016 que l’UNICEF avait versé à al-Bustan plus de 260 000 dollars.
En octobre 2018, à Sqelbiye, les NDF ont remercié un représentant de l’association caritative al-Bustan, le Dr Yahya Youssef, pour avoir offert un soutien médical aux combattants de la milice locale.
Selon Reuters, les combattants des NDF ont été entraînés et équipés par l’Iran, un allié de longue date d’Assad, en 2013, pour renforcer les forces armées du gouvernement alors en pleine débandade.
Dans son entretien avec Sputnik à propos de Mhardeh, Goodarzy déclare d’ailleurs que «les Iraniens prennent quelques hommes et les forment en Iran à la manipulation des armes, à confectionner des roquettes, etc. »
« C’est d’ailleurs malheureux de voir que c’est la République islamique d’Iran, chiite, qui défend les minorités chrétiennes au Levant », a-t-il ajouté. « Ça devrait être le travail de la France. »
La célèbre et farouchement pro-Assad blogueuse britannique Vanessa Beeley – qui a également visité et rendu hommage à Mhardeh et Sqelbiye – a affirmé sur Twitter début 2020 que Qassem Soleimani, l’ancien général iranien des Gardiens de la révolution islamique, avait aidé à former les NDF dans le nord de Hama, publiant une photo d’al-Wakil aux côtés de Soleimani.
Il semble que les NDF soient passées du soutien des Iraniens à l’encadrement par les Russes après leur intervention militaire en Syrie pour soutenir le régime, en 2015. Les dirigeants de la milice se démènent pour obtenir les faveurs de la Russie.
Nabel al-Abdullah et Simon al-Wakil semblent être eux-mêmes proches d’officiels russes.
Al-Abdullah s’est par exemple rendu à Moscou en 2019. Il y a rencontré les forces spéciales russes et représenté Sqelbiye, Mhardeh et d’autres villages de sa région lors du cinquième Congrès mondial chrétien en Russie.
En 2018, il a même reçu une montre « du président de la Russie » gravée de l’insigne présidentiel officiel.
Les deux commandants des NDF ont été décorés à plusieurs reprises par des haut-gradés russes.
Al-Wakil et al-Abdullah ont également rendu hommage au célèbre brigadier-général Souheil al-Hassan, le commandant des Forces du tigre, avec qui ils ont également été pris en photo. Suheil al-Hassan a probablement supervisé une attaque chimique contre Latamné en mars 2017, selon une enquête de Bellingcat, alors que les forces rebelles essayaient, en vain, de capturer Hama. Les Forces du tigre sont également associées à d’autres attaques au chlore menées par hélicoptères.
Les NDF ont participé à cette même contre-offensive à Hama. Mhardeh est à seulement 10 km au sud de Latamné.
Malgré des preuves accablantes, Goodarzy a rejeté la responsabilité du régime dans les attaques chimiques, y compris celle de Khan Cheikhoun qui s’est déroulée non loin de Mhardeh. Des accusations qu’il qualifie de « salades ».
Nabel al-Abdullah et Simon al-Wakil coopèrent également avec les combattants néo-fasciste du Parti social nationaliste syrien.
SOSCO décrit les deux milices comme des forces d’autodéfense, bien que les troupes d’al-Wakil et d’al-Abdullah semblent en réalité avoir combattu en dehors de leur ville natale. « Nous avons eu l’honneur de participer avec l’armée syrienne à la guerre contre le terrorisme à Hama, Idlib, Khanaser et Alep », a déclaré al-Wakil lui-même en 2019.
Suivant la politique de terre brûlée du régime dans les zones contrôlées par les rebelles, les NDF ont volé des biens et des meubles dans les maisons des habitants, selon Reuters. L’offensive de 2019 dans la province de Hama / Idlib n’a pas fait exception. Selon le Syrian Network for Human Rights (SNHR), les forces loyalistes, dont les NDF, auraient pillé des maisons après s’être emparées de villages, vendant leur butin sur un marché à Sqelbiye. C’est une activité caractérisitque des NDF, dont l’objectif est de s’assurer que les gens ne retournent pas chez eux. La pratique est devenue si courante que les Syriens ont inventé un mot, ta’afeesh, pour la décrire.
Simon al-Wakil et Nabel al-Abdullah ont également été personnellement accusés de crimes de guerre. Selon la liste noire publiée par l’ONG d’opposition Pro-Justice, Simon al-Wakil est responsable du « massacre de Halfaya, le 16 décembre 2012, qui a causé la mort de 25 personnes lorsque des habitations civiles ont été la cible de frappes d’artillerie. La ville de Halfaya, à seulement 1 km de Mhardeh, était alors en territoire rebelle et était la cible des attaques de l’armée de l’air syrienne.
Pro-Justice a également accusé Simon al-Wakil et Nabel al-Abdullah, ainsi que d’autres commandants de milice, d’avoir commis ou participé a au moins sept crimes de guerre dans la région de Hama, y compris le meurtre de centaines d’hommes et de femmes.
En une seule journée, dans le village d’al-Qubeir, ils affirment que « les membres de la milice ont tué 100 femmes et enfants, dont une dizaine ont été tués avec des couteaux et leurs corps brûlés ». À Tremseh, également proche de Mhardeh, « des miliciens ont tué 220 civils ».
Des militants de l’opposition ont publié un enregistrement audio attribué à Nabel al-Abdullah en 2017 dans lequel il appelle ce qui semble être ses hommes à incendier les villages alentour contrôlés par les rebelles après les avoir capturés.
Il a également été aperçu posant à côté des tristement célèbres roquettes IRAM (Improvised Rocket Assisted Munitions), une signature des milices soutenues par l’Iran en Irak et en Syrie, connues pour leur puissance destructrice et leur manque de précision – et pour avoir causé d’énormes pertes civiles.
L’utilisation de ces munitions par les NDF a déjà été documentée par le fondateur de Bellingcat, Eliot Higgins, sur son blog Brown Moses. Les IRAM ont aussi été impliquées dans des attaques au chlore pendant le conflit syrien, comme l’a également documenté Bellingcat.
De son côté, SOSCO s’en tient fermement au narratif du régime. L’ONG fait d’Assad le protecteur des minorités et des milices comme celles d’al-Wakil et d’al-Abdullah leurs champions sur le terrain.
Les vidéos de l’ONG contredisent elles-mêmes d’avantage sa posture apolitique. Dans une vidéo publiée en mars 2019, l’ancien chef de mission en Syrie, Alexandre Goodarzy, s’adresse à la caméra depuis un poste d’artillerie des NDF alors que les miliciens d’al-Wakil font feu. « Les terroristes viennent juste de bombarder », dit-il. « La réplique ne s’est pas faite attendre. La Défense nationale, avec M. Simon, a ordonné de faire feu, et quatre missiles Grad sont partis ».
Sur la base de la description de l’emplacement donné par Goodarzy lui-même (à côté du village de Shaizar et du château du même nom), nous avons pu géolocaliser la position de tir à un endroit au nord-est de Mhardeh, au sommet d’une colline, approximativement ici.
Les forces rebelles et loyalistes échangeaient des tirs au moment où la vidéo a été tournée, selon plusieurs rapports faisant état de frappes touchant Mhardeh et des quartiers résidentiels de Latamné, alors sous contrôle rebelle.
Mais SOSCO semble avoir choisi son camp. « Nous déplorons que ces journalistes consacrent leur énergie à nuire à une association caritative, dont le travail est reconnu et salué sur le terrain, au lieu, par exemple, d’enquêter sur les mouvements terroristes qui menacent des innocents », nous a déclaré la responsable de la communication de l’association.
Dans un monologue de huit minutes, Goodarzy fait le parallèle entre les attentats terroristes qui ont touché la France et l’opposition syrienne, appelant les donateurs de SOSCO à non seulement apporter leur contribution financière, mais aussi à activement, émotionnellement et spirituellement choisir leur camp dans ce que l’organisation décrit comme une bataille divine.
« À un moment donné il faut être cohérent, il faut arrêter de se mentir à soi-même, il faut arrêter d’être idiot», dit-il aux spectateurs. « On a vraiment besoin de vous, on a pas seulement besoin de vos dons, on a besoin de toute votre intelligence, il faut ouvrir les yeux, il faut se réveiller. »
Après avoir reçu une liste de 41 questions de la part de Mediapart, SOSCO a envoyé un long email à ses abonnés (recopié et lisible ici sur Facebook) le 7 septembre, dans lequel l’organisation nie avoir une quelconque connaissance des allégations de crimes de guerre visant Simon al-Wakil et Nabel al-Abdullah. Et ce malgré le fait que l’ONG avait elle-même publié sur son site une interview du leader de la milice de Mhardeh où ce dernier leur montre, « amusé », les accusations des « médias pro-djihadistes » au sujet de « soi-disant massacres ».
Dans sa newsletter, l’ONG alerte ses abonnés sur une prochaine enquête à venir et les invite à « rester vigilants et éventuellement prêts à nous aider en cas de besoin ».
Cette campagne a rapidement reçu le soutien de sites français d’extrême droite comme Breizh Info ou medias-presse.info. La réponse officielle de SOSCO, envoyée le lendemain, soit le 8 septembre, est consultable sur le site de l’association.
Au sujet des accusations le concernant personnellement, l’ancien chef de mission en Syrie Alexandre Goodarzy a répondu, le 8 septembre, « Je sais que vous ne respectez aucune règle déontologique et que chacun doit être à votre disposition, mais il existe encore des lois dans notre pays. Je suis salarié de SOS Chrétiens d’Orient et je ne comprends pas pourquoi vous me posez des questions sur mon employeur. »
Les auteurs tiennent à remercier Historicoblog pour l’aide qu’il nous a apporté en recensant les activités des NDF à Sqelbiye.
Cette enquête a reçu le soutien financier de Money Trail et European Cross-Border Grants, programmes de Journalismfund.eu, une organisation à but non lucratif qui s’est donné l’objectif de promouvoir les projets d’investigations indépendantes à travers toute l’Europe.
Article d’Élie Guckert, Ariane Lavrilleux et Frank Andrews traduit par Syrie Factuel
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30.04.2020 à 14:48
Syrie Factuel
Au cours du long conflit syrien, Bellingcat a enquêté sur de nombreuses attaques chimiques ainsi que sur la nature des armes déployées au cours de ces attaques, à l’aide de données en sources ouvertes. Des bonbonnes de chlore modifiées aux roquettes sol-sol fabriquées localement et remplies de sarin, Bellingcat a ainsi dévoilé la nature et […]
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Au cours du long conflit syrien, Bellingcat a enquêté sur de nombreuses attaques chimiques ainsi que sur la nature des armes déployées au cours de ces attaques, à l’aide de données en sources ouvertes. Des bonbonnes de chlore modifiées aux roquettes sol-sol fabriquées localement et remplies de sarin, Bellingcat a ainsi dévoilé la nature et l’origine de ces armes chimiques, confirmant l’implication du gouvernement syrien dans plusieurs attaques chimiques.
Après une série d’attaques au sarin sur Latamné et Khan Cheikhoun en mars et en avril 2017, Bellingcat a utilisé des preuves en sources ouvertes pour reconstituer lentement la nature de la bombe utilisée dans ces attaques. Bellingcat avait d’abord publié ses propres conclusions en novembre 2017 et a continué depuis à amasser les preuves découvertes. Après la publication, le 8 avril, du rapport de l’Équipe d’enquête et d’investigation (IIT) de l’Organisation pour l’interdiction sur les armes chimiques (OIAC) détaillant le type de bombe utilisée les 24 et 30 mars 2017 dans des attaques au sarin à Latamné, nous avons désormais la confirmation qu’il s’agissait de la bombe chimique syrienne M4000.
Dans cet article, nous examinerons les éléments et les processus utilisés par Bellingcat pour identifier cette même munition et ce que cela révèle de l’utilisation du sarin comme arme chimique en Syrie, des années après la destructions supposée de ses stocks d’armes chimiques, au lendemain des attaques au sarin du 21 août 2013.
C’est peu après les attaques au sarin du printemps 2017 que l’équipe d’investigation de Bellingcat a commencé à reconstituer l’identité des bombes utilisées dans ces attaques, en les remontant pour ainsi dire pièce par pièces.
Après l’attaque au sarin du 4 avril 2017 sur Khan Cheikhoun, nous avons tenté d’identifier le type de munition utilisé, mais nous disposions alors de peu d’éléments. Des sources locales décrivaient la bombe comme ayant été larguée par un avion, mais seules quelques pièces métalliques avaient été identifiées sur le site de l’attaque, avec parmi elles un bouchon de remplissage. Ce bouchon correspondait à la manière dont on remplit une bombe au sarin, à travers ce genre de bouchon, mais aucune correspondance avec ce bouchon ne pouvait être trouvée en sources ouvertes à cette époque.
Bien que Bellingcat ait commencé a enquêter sur l’attaque du 4 avril 2017 sur Khan Cheikhoun presque immédiatement, nos investigations sur l’attaque de Latamné survenue le 30 mars 2017 ont commencé plus tard. À ce moment, l’essentiel de notre temps et de nos ressources étaient consacrés à la continuation de notre travail sur le crash du MH17. Les attaques chimiques en Syrie étaient quant à elles devenues quelque chose de quasiment banal, presque chaque semaine apportait son lot de nouveaux témoignages d’attaques chimiques quelque part dans le pays. Mais l’attaque de Khan Cheikhoun, son lourd bilan humain et les images choquantes partagées sur internet juste après ont attiré à nouveau notre attention sur l’utilisation des armes chimiques en Syrie.
Ce qui nous a particulièrement interpellé sur l’attaque du 30 mars à Latamné est la déclaration faite le 4 octobre par Ahmet Uzumcu, le directeur de l’OIAC, à l’AFP, indiquant que des échantillons de sarin avait été prélevés par l’équipe de la Mission d’établissement des faits (MEF) de l’OIAC sur le site de l’attaque du 30 mars.
Notre premier article sur l’attaque de Latamné, publié le 26 octobre 2017, analysait des éléments disponibles en sources ouvertes et d’autres informations au sujet de l’attaque. Quelques organisations, dont la Commission d’enquête internationale indépendante sur la Syrie des Nations unies et Human Rights Watch, avaient déjà mentionné cette attaque, et les symptômes inhabituels observés sur les victimes, sans pour autant parler explicitement de l’usage du sarin. Des groupes soutenant les cliniques et les hôpitaux locaux ayant reçu des patients après l’attaque, tel que le directorat de la santé d’Hama et l’Union des Organisations de Secours et Soins médicaux (UOSSM) avaient également publié des déclarations juste après l’attaque au sujet des symptômes correspondant à l’exposition au sarin, mais là aussi sans affirmer explicitement que du sarin avait bien été utilisé.
Mais aucune de ces organisations n’a examiné le site de l’impact ou les débris documentés à cet endroit qui allaient se révéler essentiels pour identifier le type de munition qui avait été utilisé. Quelques vidéos sur l’attaque du 30 mars ont été publiées sur internet, montrant les victimes de l’attaque en train de recevoir des traitements et les Casques blancs collectant des preuves sur le site. L’un des objets filmés par SMART TV dans une vidéo tournée près du site de l’impact, supprimée depuis, a fourni un lien crucial avec l’attaque au sarin du 4 avril 2017 à Khan Cheikhoun :
C’est cet objet métallique circulaire à droite qui a attiré notre attention sur ces débris. À première vue, cet objet semblait identique au bouchon de remplissage aperçu sur le site de l’attaque de Khan Cheikhoun survenue le 4 avril, soit quelques jours à peine après celle de Latamné. Il était impossible de mesurer les dimensions de l’objet sur la base de la vidéo, nous voulions malgré tout vérifier si ces deux bouchons étaient similaires. Nous avons ainsi comparé la distance séparant les deux trous percés au centre du bouchon par rapport à son bord extérieur pour vérifier une éventuelle correspondance :
On voit sur l’image du haut les deux bouchons superposés, ce qui montre que le trou visible se trouvait exactement dans la même position. Il était donc probable que ces deux bouchons soient de la même conception, et donc que la munition utilisée à Khan Cheikhoun soit la même que celle utilisée à Latamné. Un élément significatif puisque le Mécanisme d’enquête conjoint (JIM) de l’OIAC et de l’ONU, qui avait publié un rapport sur l’attaque de Khan Cheikhoun accusant l’armée arabe syrienne d’en être responsable, précisait que ce bouchon de remplissage « ne pouvait correspondre qu’avec une bombe aérienne syrienne ». Mais une question se posait toujours : quelle type de bombe était utilisé dans ces attaques au sarin ?
Le mois de novembre de 2017 a conduit à de nombreux développements significatifs dans nos recherches et c’est, ironie du sort, grâce aux tentatives de la fédération de Russie de défendre son allié syrien contre les accusations d’utilisation de sarin.
Début novembre, la MEF de l’OIAC venait de sortir son rapport sur plusieurs attaques chimiques, dont celle du 30 mars 2017 sur Latamné, incluant les dimensions de plusieurs débris. L’un de ces débris mesurés et photographié ne comprenait pas un mais bien deux bouchons de remplissage prélevés sur le site de l’attaque du 30 mars :
Or, le bouchon de remplissage de Khan Cheikhoun avait lui aussi été mesuré :
Il était également possible de voir que les deux faces des bouchons étaient d’un design et de dimensions similaires :
Nous pouvions donc affirmer que le design et les dimensions des bouchons de remplissage prélevés à Latamné correspondaient parfaitement à celui présent sur le site d’impact à Khan Cheikhoun, ce dernier étant décrit par l’OIAC-ONU comme « ne pouvant correspondre qu’à une bombe chimique aérienne syrienne ».
L’autre pièce clé de nos recherches a été fournie par la fédération de Russie. Lors d’une conférence de presse, le 2 novembre 2017, censée répondre au rapport du JIM de l’OIAC-ONU sur Khan Cheikhoun, les ministres russes des Affaires étrangères, de la Défense et de l’Industrie et du commerce ont présenté plusieurs informations pour prétendre que la République arabe syrienne n’était pas responsable de cette attaque. Au cours de cet exposé, ils ont montré un schéma représentant deux types de bombes chimiques syriennes, la M4000 et la MYM6000 :
Étonnamment, la fédération de Russie venait ainsi de fournir les premières informations publiques sur la nature de ces deux bombes, avec des détails sur leurs mécanismes internes, leurs dimensions et leurs poids qui seraient cruciaux pour identifier celles qui avaient utilisées lors des attaques au sarin de 2017 en Syrie. Les deux images en haut du schéma représentaient une bombe chimique MYM6000 avant et après remplissage. Le processus de remplissage avait été décrit par un ancien membre du Centre d’études et de recherches scientifiques (CERS) dans un article de Mediapart, en juin 2017 :
« Et ce qui a impliqué aussi, pour les ingénieurs du CERS, de concevoir des bombes très différentes des munitions classiques. « Extérieurement, explique l’un d’entre eux, elles ressemblent aux bombes conventionnelles de 250 et 500 kg chargées de TNT. Mais à l’intérieur, elles sont totalement différentes, divisées en deux compartiments distincts. Le premier, à l’avant, reçoit le DF [Difluorure de méthylphosphonyle]. Le second, à l’arrière, le mélange d’isopropanol et d’hexamine. Ce mélange est brassé par un agitateur que l’on peut actionner par une sorte de manivelle à l’arrière de la bombe. Lorsque les deux compartiments sont remplis, un technicien actionne la manivelle qui fait avancer l’agitateur jusqu’à briser la paroi de mica. La réaction de synthèse du sarin se déclenche alors dans la bombe, placée sous une “douche froide” et maintenue à une température très précise, contrôlée par un thermomètre laser. Après quoi il ne reste plus qu’à introduire dans le logement prévu, à la pointe de la bombe, la charge explosive et le détonateur, altimétrique, chronométrique ou autre, et à accrocher la bombe sous l’aile de l’avion. La charge doit être très précisément dosée. Si elle est trop importante, la chaleur dégagée risque de provoquer la décomposition du produit, ou la formation du nuage de gaz trop loin du sol, ce qui le rendra inefficace. En principe, une bombe de 250 kg contient 133 litres de sarin, quelques kilos de TNT et un lest destiné à préserver les caractéristiques aérodynamiques de la munition. Une bombe de 500 kg contient 266 litres de sarin. L’altitude idéale d’explosion de la bombe et de formation du nuage est autour de 60 mètres. »
Les deux bouchons de remplissage visibles dans le schéma, ainsi que le mélangeur (en vert) et la paroi séparant les deux sections de la bombe correspondaient bien au processus décrit dans l’article de Mediapart, publié quelques mois seulement avant la conférence de presse de la fédération de Russie. Cette description correspondait également à l’explication du processus de remplissage détaillé dans le récent rapport de l’IIT [équipe d’enquête et d’identification] de l’OIAC sur les attaques au sarin des 24 et 30 mars :
« La M4000, conçue et fabriquée par la République arabe syrienne pour propager des agents chimiques, dont du sarin, est une munition sans guidage larguée depuis les airs pesant 350 kg. Sa conception interne comprend deux compartiments, chacun avec son propre bouchon de remplissage et séparés par une membrane constituée de deux disques rattachés à un anneau. Le bouchon du compartiment avant est utilisé pour charger le difluorure de méthylphosphonyle (DF) dans la munition, alors que l’autre est utilisé pour la remplir d’hexamine et d’isopropanol. Le nez de la bombe est composé d’un cône lourd pour forcer la bombe a tomber le nez en avant. Un adaptateur est présent sur ce nez pour le rattacher à la fusée. À l’intérieur du compartiment avant se trouve un tube de dispersion avec une charge explosive d’environ 3 kg de TNT. Sur le compartiment arrière est attaché un aileron de queue, destiné à stabiliser la munition pendant sa chute. Ce compartiment dispose également d’une manivelle qui perce la membrane séparant les deux compartiments pour mélanger les précurseurs (le DF, l’hexamine et l’isopropanol) pour préparer la munition avant de la charger dans un aéronef. La bombe dispose de deux pattes de suspension sur son corps pour l’attacher à l’aéronef. »
Avec la publication du rapport de la FFM de l’OIAC sur l’attaque de Latamné nous disposons également d’autres débris à examiner. Parmi eux, un deuxième bouchon de remplissage, avec une conception et des dimensions identiques à celui qui avait déjà été retrouvé à Latamné, avec une patte de suspension attachée dessus. Sa conception correspond avec le schéma de la M4000 présenté par la fédération de Russie, montrant les deux bouchons, l’un effectivement proche d’une patte de suspension :
Le rapport mentionne également deux grosses pièces métalliques, une semi-circulaire sur laquelle est attachée une pièce plus petite, et les restes de ce qui semble être un anneau de queue avec des ailerons :
L’assemblage de l’aileron de queue et de l’anneau peut se révéler crucial pour identifier la bombe. Très peu de bombes, si ce n’est aucune parmi celles qui ont été utilisées en Syrie, n’ont une conception identique au niveau de cet assemblage. Par exemple, les images ci-dessous montrent deux types de bombes qui sont parfois confondues entre elles, la bombe à fragmentation hautement explosive OFAB 250-270 (à gauche) et la bombe à sous-munitions RBK-500 (à droite) :
Chacune de ces bombes dispose de huit ailerons de queue, dont certains dépassent l’anneau métallique. L’OFAB 250-270 dispose d’un second anneau de queue intérieur là où les ailerons s’arrêtent, mais sur la RBK-500 les ailerons pointent jusqu’à la base de la bombe. On peut aussi pointer d’autres détails comme les encoches à la base des ailerons de la RBK-500 – là où ils rejoignent la base de la bombe – et d’autres encoches sur les extrémités des ailerons de l’OFAB 250-270.
Concernant les débris de l’attaque du 30 mars à Latamné, nous avons d’abord voulu établir la configuration de l’aileron de queue et de son anneau. Timmi Allen de Bellingcat a créé une modélisation simple des débris en 3D, pour établir les bases de cette configuration :
Cela nous a permis d’établir qu’un deuxième anneau plus petit se trouvait à l’intérieur du grand, avec huit pièces métalliques pour les rattacher. Cependant, une de ces pièces était manquante ; seules sept d’entre elles étaient donc visibles sur ce débris. Quatre de ces pièces ne correspondaient pas à des ailerons, mais à des pièces rectangulaires qui ne s’étendaient pas au delà du diamètre de l’anneau de queue. Trois pièces plus grandes, placées en alternance entre les quatre autres, étaient également visibles, avec un interstice là où aurait du se trouver une quatrième pièce. Il s’agissait bien d’ailerons, et ils ne s’étendaient pas au delà du diamètre de l’anneau.
Alors où se trouvait cette pièce manquante, le quatrième aileron ? Le rapport de la FFM de l’OIAC fournit des explications dans sa description d’une pièce métallique semi-circulaire :
« Une pièce métallique triangulaire est attachée au corps de l’objet. Cette pièce ressemble à un aileron (étiqueté 2). Les restes de trois autres pièces (étiquetés 3) de longueur similaire et approximativement équidistant les uns des autres sont aussi observables. Cela pourrait indiquer la présence de trois autres objets équivalents. »
Ce qui indique que les deux pièces de métal, l’assemblage des ailerons de queue et la pièce semi-circulaire étaient les restes de la queue de la munition. De plus, l’aspect de cette queue, avec des ailerons ne dépassant pas de l’anneau, correspondait au schéma d’une bombe chimique M4000 présenté par la fédération de Russie dans sa conférence de presse.
Mais ce n’était pas tout. En utilisant les dimensions des débris d’ailerons de queue fournies par le rapport de la MEF de l’OIAC, il était également possible d’obtenir des dimensions approximatives pour chaque partie de la bombe, laquelle était proche des 460 mm de longueur de la bombe chimique M4000 telle que décrite dans le schéma russe. Après avoir examiné une large variété de munitions connues,on pouvait donc affirmer que la seule bombe connue possédant ce type de queue et ces dimensions était bien la bombe chimique M4000, d’après le schéma publié par la fédération de Russie.
En comparant les images de débris avec celle du schéma de la M4000, il était possible d’indiquer l’emplacement probable des débris, comme démontré ci-dessous :
Plus tard, avec l’aide de Forensic Architecture, nous avons produit une modélisation de la bombe basé sur le schéma russe et des des débris aperçus dans le rapport de la MEF de l’OIAC ; ceux-ci ont été restaurés dans leur état initial et replacés sur le modèle de la bombe, ce qui a montré qu’ils coïncidaient parfaitement avec le schéma de la M4000 :
Alors que nous avions trouvé de nombreuses correspondances entre le schéma de la M4000 et les débris retrouvés sur les lieux de deux attaques chimiques distinctes, nous ne disposions toujours pas de l’image d’une bombe M4000 complète. Près de deux ans après le début de nos recherches, nous avons finalement découvert la dernière pièce du puzzle.
En septembre 2019, nous avons été contacté par un lecteur de Bellingcat qui venait de tomber sur cette vidéo, publiée pour la première fois le 13 avril 2013 :
Cette vidéo semblait montrer une bombe chimique M4000 complète. Mais nous voulions en avoir le cœur net, et nous avons donc commencé à la comparer avec le schéma russe. Les ailerons de queue correspondaient effectivement avec les débris retrouvés à Latamné et les deux bouchons de remplissage étaient présents, tout comme le mélangeur et les deux pattes de suspension. Mais nous devions également mesurer la bombe de la vidéo. Une fois de plus, nous avons donc créé une modélisation en 3D en utilisant les dimensions des bouchons précédemment établies au cours de nos recherche pour définir les dimensions proportionnelles de cette bombe. Elle s’est révélée être large d’environ 460 mm, comme la M4000 du schéma publié par la Russie :
Pour un avoir un deuxième avis, nous avons également demandé à Forensic Architecture de réaliser leurs propres mesures. En utilisant la photogrammétrie, ils ont eux aussi réalisé un modèle 3D qu’ils ont mesuré en partant du postulat que le diamètre des bouchons était de 107 mm, comme constaté lors d’attaques antérieures. Là aussi, la largeur de la bombe ainsi obtenue était de 460 mm :
En plus de la correspondance entre des caractéristiques importantes comme les bouchons, les pattes de suspension et les ailerons, de nouveaux détails concordants et plus petits sont apparus. Dans l’image ci-dessous, on peut voir que l’extrémité la plus fine de la queue ne se termine pas en un point, aligné avec la base de la bombe, mais avec une encoche en angle droit. Un détail mineur mais que l’on retrouve également sur les débris de Latamné et sur la bombe M4000 complète documentée dans la vidéo d’avril 2013 :
Ce détail et bien d’autres caractéristiques confirment que la bombe est une M4000, correspondant aux débris de celle de Latamné, qui eux-mêmes correspondaient au schéma russe de la M4000.
Il existe aussi un lien intéressant avec l’attaque chimique de Khan Cheikhoun du 4 avril 2017. Peu de débris ont été retrouvés sur le site de cette attaque, mais l’un d’entre eux, le bouchon de remplissage correspondait, là encore, exactement à ceux de la M4000. Un autre débris, une pièce métallique tordue (ci-dessous), avait engendré de nombreux débats. Pour certains, il s’agissait en réalité d’un tube métallique, soit un élément d’une roquette, soit un tube rempli de sarin muni d’une charge explosive pour libérer le gaz :
Difficile d’expliquer comment une munition explosive aurait pu créer un débris de cette forme, d’autant plus qu’il apparaît comme replié vers l’intérieur, et non vers l’extérieur, comme on pourrait s’y attendre après une explosion. La bombe de la vidéo d’avril 2013 fournit une explication possible. Dans cette vidéo, on aperçoit clairement une pliure sur la partie de la bombe située à la base du nez. D’après le schéma de la M4000, cette partie de la bombe contient une charge explosive et du lestage lourd, et la pliure semble bien se trouver juste après la base du nez :
En cherchant plus loin, nous avons découvert qu’il ne s’agissait pas de la seule occurence d’un débris de M4000 répertorié avant les attaques de 2017. Une autre vidéo, publiée en 2014, montre les restes d’une M4000, avec le même élément présent à la base du nez de la bombe :
Cela pourrait confirmer que le débris de Khan Cheikhoun n’était pas un tube métallique comme certains l’ont assuré, mais un débris formé pendant l’explosion par la pièce métallique à la base de la tête de la munition.
La vidéo ci-dessus est également intéressante, puisqu’elle semble confirmer au moins l’une des affirmations du gouvernement syrien au sujet des M4000. Le rapport de l’IIT de l’OIAC cite la déclaration du gouvernement syrien selon laquelle certaines de ses bombes chimiques ont été reconditionnées en bombes conventionnelles. Or la vidéo ci-dessus montre qu’il manque une section rectangulaire sur le flanc de la bombe, avec un remplissage solide. Il est donc possible que cette vidéo montre justement l’une de ces bombes chimiques reconditionnée en bombe conventionnelle, chargée d’explosifs solides. Bien que [la bombe] soit brisée, aucune attaque chimique n’a été signalée à l’endroit et à la date où cette vidéo a été tournée. Il paraît donc peu probable que les personnes l’ayant filmé l’aient associée à une attaque chimique.
Certains prétendent que ces vidéos plus anciennes prouvent que les rebelles syriens auraient pu utiliser ces restes de bombes pour simuler les attaques chimiques de Khan Cheikhoun et Latamné. Cette hypothèse est justement examinée par l’IIT de l’OIAC dans son rapport sur l’attaque de Latamné.
« Afin de déterminer la provenance possible du sarin propagé au cours des incidents de mars 2017 à Latamné, l’IIT a suivi un certain nombres d’étapes. Des échantillons ont été prélevés sur les bouchons de remplissages, les débris ont été identifiés comme faisant partie du mélangeur de la bombe d’une munition chimique utilisée le 30 mars, et ils ont été analysés à la demande de l’IIT. Les experts ont décrit les bouchons comme “intacts” et fermés, alors que la partie extérieure du mélangeur était brisée. Ces trois débris n’aurait pu être détruits qu’avec difficulté. La probabilité que du sarin (et/ou un autre composé suggérant la présence de sarin) du même type que celui produit par la République arabe syrienne ait été ajouté sur le site pour « mettre en scène » dans chacun de ces trois débris est donc extrêmement faible. De plus, en ouvrant un morceau du mélangeur, l’IIT a pu observer de la graisse, ce qui, d’après des experts consultés par l’IIT, correspond avec ce qui serait nécessaire pour lubrifier l’axe du mélangeur pour mélanger les composés du sarin. »
Vu les preuves rassemblés sur les attaques au sarin des 24 et 30 mars à Latamné, l’idée que ces attaques auraient pu être simulées – alors même qu’il n’y a eu aucune couverture médiatique de l’attaque du 24 mars par des groupes d’opposition et à peine plus pour celle du 30, sans parler de la préparation complexe et méticuleuse requise pour de telles mises en scènes – est donc complétement absurde.
Les données en sources ouvertes, et désormais le rapport de l’IIT de l’OIAC, démontrent ceci : bien que la République arabe syrienne ait adhéré à la Convention sur les armes chimiques en 2013 et qu’elle ait annoncé avoir déclaré l’ensemble de ses stocks d’armes chimiques à l’OIAC, elle continue à utiliser des armes chimiques, y compris les bombes qu’elle affirme avoir détruites, pour empoisonner sa propre population.
Un article d’Eliot Higgins traduit par Syrie Factuel
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21.04.2020 à 15:48
Syrie Factuel
Le 8 avril dernier, l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) a publié le premier rapport de l’Équipe d’enquête et d’identification (IIT). Elle a examiné trois attaques chimiques aux alentours de Latamné : deux au sarin les 24 et 30 mars 2017, et une au chlore le 25 mars 2017. L’attaque du 25 mars a […]
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Le 8 avril dernier, l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) a publié le premier rapport de l’Équipe d’enquête et d’identification (IIT). Elle a examiné trois attaques chimiques aux alentours de Latamné : deux au sarin les 24 et 30 mars 2017, et une au chlore le 25 mars 2017. L’attaque du 25 mars a frappé un hôpital vers 15 heures, heure locale, tuant un médecin et blessant 30 personnes. L’IIT a conclu qu’il existait des motifs raisonnables de croire que ces attaques avaient été menées par le gouvernement syrien.
Nous savons qu’une délégation de généraux a visité un poste de commandement de la province de Hama et a assisté à des frappes sur Latamné le 25 mars 2017, le jour même de l’attaque au chlore contre l’hôpital. Parmi cette délégation, Ali Abdallah Ayoub et Souheil al-Hassan. La présence d’al-Hassan est significative : il est le commandant des « Forces du Tigre», qui ont déjà été associées à l’utilisation de munitions au chlore larguées par hélicoptère.
Cette visite a été rapportée à la fois par SANA, une agence de presse de l’État syrien, et le ministère syrien de la Défense. En effet, SANA a réalisé une vidéo de cette visite, qui a été supprimée par la suite, lorsque SANA a purgé son compte YouTube. Cependant, Syrian Archive a réussi à en collecter une copie avant la suppression.
Notre évaluation montre que les généraux en visite étaient probablement présents à ce poste de commandement pour observer des frappes sur Latamné, moins de deux heures avant l’attaque au chlore contre l’hôpital de Latamné :
Il existe deux méthodes grâce auxquelles nous pouvons établir l’heure de cette visite. La première consiste à analyser les ombres. Pour le faire avec précision, nous devons savoir où se trouve l’objet projetant l’ombre.
Les ombres que l’on distingue le mieux sur la vidéo de SANA sont celles projetées par des soldats alignés pour une inspection. En examinant la vidéo, nous pouvons identifier une route allant d’est en ouest, un talus au nord, une jonction en T à l’est et une structure en béton du côté nord de la route. Un seul endroit à proximité du poste de commandement correspond à ces caractéristiques, et c’est un tronçon de route situé aux coordonnées 35.205926, 36.771009.
Malheureusement, il n’y a pas de points de référence clairs que nous pourrions utiliser pour situer les ombres. Le meilleur marqueur que nous avons est la route, avec laquelle les ombres des militaires semblent presque former un angle droit.
Nous pouvons simuler ces ombres en utilisant Suncalc, un outil utilisé pour calculer les emplacements des ombres à des dates et heures particulières. En plaçant l’ombre perpendiculairement à la route, nous obtenons 13h comme heure approximative. Après avoir testé différentes hypothèses, il semble que le passage en revue des troupes a eu lieu entre 12h et 14h.
Pour faciliter l’analyse, la hauteur de l’objet virtuel projetant l’ombre sur Suncalc a été fixée à 100 mètres. Étant donné que cela n’affecte pas l’angle de l’ombre, cela n’a aucun impact sur le calcul de l’horaire, sauf pour faciliter la visualisation de l’ombre simulée.
Une meilleure analyse des ombres peut être effectuée sur ce qui semble être des images d’un appareil de reconnaissance, probablement un drone, comme repéré par @MCantow. Dans ces images, les ombres sont claires, tout comme les points de référence tels que les bâtiments et les routes. Le flux vidéo affiche la latitude et la longitude de sa cible en bas à gauche de l’écran, il est donc facile de trouver son emplacement.
Dans le flux vidéo, les ombres semblent s’aligner presque parfaitement avec une route secondaire, que nous pouvons utiliser pour établir leur angle. Ce point de référence clair nous permet d’être beaucoup plus précis qu’avec la précédente analyse des ombres et nous donne un horaire proche de 14h15. Un changement de quinze minutes par rapport à celui-ci change l’angle de l’ombre et elle n’apparaît alors plus cohérente avec les images de reconnaissance.
En utilisant Suncalc, nous pouvons donc obtenir une évaluation raisonnablement précise de l’heure à laquelle certaines parties de cette visite ont eu lieu. Cependant, en regardant les cadrans des montres des participants présentés dans les images, il est peut-être possible d’obtenir une évaluation encore plus précise.
Bien que la plupart des montres que nous voyons dans la vidéo soient trop floues pour distinguer leur cadran, nous voyons à un moment celle du général Ayoub.
Sa montre semble indiquer l’heure approximative de 13h15.
Nous avons décidé d’utiliser l’outil d’accentuation des contours de Topaz pour obtenir une image plus nette, dont il convient cependant de noter qu’il s’agit de l’interprétation de l’outil. Nous avons placé l’image plus nette à côté d’une montre similaire pour faciliter la comparaison. Les aiguilles semblent indiquer 13h15, ce qui est cohérent avec l’analyse des ombres que nous avons effectuée plus tôt.
Au cours de leur visite, les généraux ont à un moment donné observé Latamné, et le reportage de SANA comprend des images de ce qui semble être des frappes aériennes sur la ville.
En traçant des lignes droites passant par des points fixes sur la carte, nous pouvons établir des zones linéaires là où les frappes montrées à Latamné dans la vidéo de SANA ont eu lieu.
Bien qu’aucune de ces frappes ne corresponde à l’attaque chimique contre l’hôpital sur laquelle l’IIT a enquêté, cela démontre que les visiteurs observaient bien des frappes en cours sur la ville de Latamné.
La présence du général Ayoub et du brigadier-général al-Hassan à un poste de commandement, assistant à des frappes sur Latamné dans les deux heures précédant une attaque au chlore contre cette ville, est un fait potentiellement significatif. Si les images de reconnaissance qui apparaissent dans la vidéo de SANA étaient bel et bien en direct, alors ils étaient présents au poste de commandement environ 30 minutes avant que les hélicoptères ne décollent de la base aérienne de Hama pour attaquer Latamné avec du chlore.
Compte tenu du temps requis pour les vérifications avant le décollage et le chargement des munitions, il semble probable que cette visite ait donc eu lieu alors qu’une attaque chimique était en préparation sur la ville que les généraux étaient justement en train d’observer.
Comme mentionné précédemment, les Forces du Tigre de Souheil al-Hassan ont déjà été associées à l’utilisation de bombes au chlore larguées par les airs. Sa présence dans un poste de commandement le 25 mars 2017, en train d’assister à des attaques contre Latamné, est une donnée potentiellement importante pour établir la responsabilité de l’attaque au chlore qui a eu lieu plus tard dans la journée.
Avec mes remerciements à Timmi Allen pour avoir aidé à affiner l’imagerie
Article de Nick Waters traduit par le collectif Syrie Factuel
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09.03.2020 à 14:10
Syrie Factuel
Des images et des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux suggèrent que les forces de sécurité grecques pourraient utiliser un type de munitions de gaz lacrymogène similaires à celles qui ont causé de graves blessures et la mort de dizaines de manifestants en Irak. Ces images et vidéos publiées par des journalistes, des militants et […]
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Des images et des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux suggèrent que les forces de sécurité grecques pourraient utiliser un type de munitions de gaz lacrymogène similaires à celles qui ont causé de graves blessures et la mort de dizaines de manifestants en Irak.
Ces images et vidéos publiées par des journalistes, des militants et des politiciens turcs montrent des munitions épuisées à proximité de manifestations de réfugiés tentant d’entrer en Grèce depuis la Turquie.
Ces munitions semblent être des grenades de gaz lacrymogène à longue portée, qui ont été identifiées pour la première fois par la Omega Research Foundation. Contrairement aux grenades de gaz lacrymogènes normales, qui ont une portée limitée et sont peu susceptibles de causer des blessures importantes, ces munitions à longue portée sont conçues pour être tirées à des distances beaucoup plus grandes, généralement à 150 m. Elles disposent ainsi généralement de beaucoup plus d’énergie cinétique que les grenades de gaz lacrymogène normales. Dans le cas présent, le projectile a également une tête pointue.
Les inscriptions sur ces projectiles indiquent qu’il s’agit de CS 560 longue portée provenant du fabricant Defence Technology – Federal Laboratories. En bref : des grenades lacrymogènes à longue portée.
Une fiche technique de la police datant de 1969 précise que cette munition pèse 284 grammes, que sa vitesse à la bouche (vitesse à laquelle un projectile sort d’une arme) est de 68,58 mètres par seconde et que sa portée est de 150 mètres. Impossible pour l’heure de dire si les versions récentes de cette munition possèdent des caractéristiques différentes.
La combinaison d’une plus grande énergie cinétique et d’une tête pointue rend ce type de munition potentiellement mortelle pour quiconque la reçoit. Selon Amnesty International, des munitions similaires de grenade lacrymogène, étourdissantes ou éclairantes de longue portée ont été largement utilisées lors des récentes manifestations en Irak, entraînant ainsi la mort de dizaines de personnes. Leur sobriquet de « moins létales » a d’ailleurs fait l’objet de nombreuses moqueries.
Des images prises le 1er mars montrent clairement un membre des forces de sécurité grecques chargeant une grenade 560 CS dans son arme, confirmant ainsi que ce type de munition est actuellement utilisé à la frontière.
Les images et vidéos de cette munition semblent avoir été prises à la frontière gréco-turque. Plusieurs comptes distincts ont publié des images et des vidéos de ces munitions, affirmant tous qu’elles étaient utilisées à la frontière. Katırcıoğlu a ainsi affirmé que les images qu’elle avait publié avaient été prises au poste frontière de Pazarkule, près de la ville d’Edirne. Ces images correspondent aux images taguées de cet emplacement sur Google Earth.
L’utilisation de ce type de munitions pourrait expliquer les nombreuses affirmations, images et vidéos parlant de manifestants grièvement blessés ou morts à la frontière gréco-turque. Ainsi, le 2 mars, un Syrien aurait été tué par un tir à la gorge. Un porte-parole du gouvernement grec a déclaré qu’il s’agissait d’une «fake news».
Article de Nick Waters, traduit par le collectif Syrie Factuel
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09.03.2020 à 13:23
Syrie Factuel
Un simple poste de contrôle situé dans le Nord-Est de la Syrie est récemment devenu un point de grand intérêt. Dans cette nouvelle collaboration de Bellingcat avec Newsy, nous vous expliquons pourquoi. Les troupes américaines patrouillent à la frontière syro-turque depuis 2017. Ces patrouilles ont pour objectif d’essayer de calmer les tensions entre différentes factions […]
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Un simple poste de contrôle situé dans le Nord-Est de la Syrie est récemment devenu un point de grand intérêt. Dans cette nouvelle collaboration de Bellingcat avec Newsy, nous vous expliquons pourquoi.
Les troupes américaines patrouillent à la frontière syro-turque depuis 2017. Ces patrouilles ont pour objectif d’essayer de calmer les tensions entre différentes factions locales. Ces tensions ont notamment concerné la Turquie – qui est, et c’est un point crucial, un partenaire de l’OTAN – et les milices kurdes qui ont aidé les États-Unis dans leur combat contre l’État Islamique.
Pourtant, en octobre 2019, le président américain Donald Trump a soudainement annoncé que les troupes américaines allaient se retirer du Nord-Est de la Syrie. Ce qui laissait à la Turquie toute la liberté d’y envoyer ses propres troupes. L’invasion turque a finalement amené à la mise en place de patrouilles russes, et a renforcé la présence des forces du régime syrien dans la zone.
Selon un vieil adage, « trop de cuisiniers gâtent la sauce ». C’est exactement de cela qu’il s’agit ici, d’autant que le retrait total des troupes américaines n’a finalement pas eu lieu.
Regardez la vidéo pour comprendre comment une situation déjà extrêmement tendue et confuse peut finir par déraper.
Note : L’équipe the Newsy + Bellingcat a reçu début mars le prestigieux Scripps Howard Award for Innovation.
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17.02.2020 à 00:02
Syrie Factuel
Introduction Au cours de l’année passée, l’OIAC a fait face à une série de fuites liées à l’enquête de la Mission d’établissement des faits (MEF) sur l’attaque chimique de Douma. L’OIAC a désormais publié sa propre enquête sur ces fuites. Celles-ci semblent provenir de deux anciens employés : l’inspecteur A, soit Ian Henderson, et l’inspecteur […]
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Au cours de l’année passée, l’OIAC a fait face à une série de fuites liées à l’enquête de la Mission d’établissement des faits (MEF) sur l’attaque chimique de Douma. L’OIAC a désormais publié sa propre enquête sur ces fuites. Celles-ci semblent provenir de deux anciens employés : l’inspecteur A, soit Ian Henderson, et l’inspecteur B, alias «Alex», qui est très certainement Brendan Whelan.
Dans les épisodes précédents de cette série, nous avons examiné les allégations associées à Whelan et Henderson et consulté des chimistes, des toxicologues et des experts en armes chimiques. Il est devenu clair que les revendications de Henderson et Whelan étaient erronées, surévaluées et parfois totalement trompeuses.
Nous avons également évalué ce qu’il aurait été nécessaire de faire pour réaliser un «false-flag» et pour fabriquer l’énorme quantité de preuves trouvées concernant cet incident. Une fois les informations disponibles prises en compte, il est clair que simuler l’attaque chimique de Douma aurait été effectivement impossible.
En résumé, l’enquête de l’OIAC correspond avec les points clés que nous avons identifiés à l’aide d’informations librement accessibles. Ces deux employés ont non seulement eu un accès limité aux informations relatives à l’enquête de Douma, mais ont aussi activement induit les gens au sujet de leur statut et le travail qu’ils étaient autorisés à effectuer.
Le rapport de l’OIAC indique clairement que Henderson n’était pas membre de la MEF. Il a aidé la MEF en collectant des données sur les sites concernés, notamment au niveau des bonbonnes des deux sites. Il a ensuite été chargé de procéder à un inventaire de ces informations et d’évaluer les autres informations qu’il serait nécessaire de collecter pour de futures études. L’enquête de l’OIAC indique qu’il n’a pas eu davantage de rôle officiel dans l’enquête de la MEF. Il est important de noter que cela signifie que Henderson n’aurait donc pas eu accès à une large partie des informations concernant l’attaque de Douma, y compris les enquêtes supplémentaires menées par la MEF.
« L’inspecteur A n’était pas membre de la MEF et son nom ne figurait pas dans les mandats délivrés pour les déploiements de la MEF. Il a apporté son soutien à l’équipe de la MEF enquêtant sur l’incident de Douma puisqu’il était au poste de commandement à Damas à l’époque des faits. Il est habituel que l’inspecteur en poste au commandement assiste la MEF. L’inspecteur A a joué un rôle secondaire mineur dans l’enquête MEF. Les enquêteurs ont constaté que l’Inspecteur A n’avait pas accès à toutes les informations recueillies par l’équipe de la MEF, y compris les entretiens avec des témoins, les résultats de laboratoire et les évaluations par des experts indépendants concernant les deux bonbonnes qui ont tous été communiqués à l’équipe après que l’inspecteur A ait cessé d’apporter son aide à l’enquête de la MEF. Il a accompagné la MEF sur certains sites d’intérêt identifiés par la République arabe syrienne. Il a aidé à prélever des échantillons environnementaux dans un hôpital et à prendre des mesures sur l’un des sites. Il a également aidé au traitement des bonbonnes. Il a ensuite été chargé de réaliser un inventaire des informations hautement protégées collectées sur ces bonbonnes et de déterminer les informations nécessaires à la poursuite des recherches. »
Il était déjà possible d’établir le statut réel d’Henderson en utilisant à la fois des déclarations de l’OIAC et des documents internes divulgués par WikiLeaks, en particulier un courrier électronique de Sébastien Braha, le chef de cabinet au directeur général de l’OIAC. Dans cet e-mail, Braha, qui avait appris que Henderson avait produit une « évaluation technique », demandait pourquoi quelqu’un qui n’était pas membre de la MEF avait effectué ce travail.
« Chers tous,
Désolé puisque j’étais en réunion pendant toute l’après-midi, j’ai une autre question pour laquelle j’ai besoin d’avoir des réponses, lors d’une prochaine réunion : sous l’autorité de qui ce travail a-t-il été mené, en dehors de l’autorité de la MEF et de son propre réseau hautement sécurisé, par quelqu’un ne faisant pas partie de la MEF ?
Cordialement
Sb »
Il est ironique que cet échange de courriels ait été divulgué dans le cadre d’une tentative de soutenir le récit de Whelan et Henderson, alors qu’il démontre clairement qu’Henderson n’était pas considéré comme faisant partie de la MEF par l’OIAC.
Bien qu’il ne fasse pas réellement partie de la MEF, et bien qu’on lui ait spécifiquement dit de ne pas le faire, Henderson a malgré tout décidé de procéder à son « évaluation technique ». Ce qui impliquait non seulement d’induire en erreur des membres haut placés de l’OIAC, mais aussi de mentir à l’université qui a effectué sa simulation. Henderson a déclaré à cette université qu’elle était officiellement engagée par l’OIAC pour le faire, ce qui n’était pas le cas. L’OIAC affirme même qu’Henderson était en congé lorsque cette simulation a été effectuée.
« À partir d’août 2018, l’inspecteur A, contre les consignes spécifiques données par le chef d’équipe de la MEF, a engagé des professeurs dans une université pour l’aider à produire son évaluation. Il a induit ces professeurs en erreur en leur disant qu’ils étaient officiellement engagés par l’Organisation pour mener à bien ce travail. En septembre 2018, plus d’un mois après avoir engagé les professeurs, l’inspecteur A a induit en erreur un officiel de haut niveau de l’OIAC, qui ignorait les instructions du chef d’équipe de la MEF à l’inspecteur A de ne pas contacter de tiers en dehors de l’organisation. L’inspecteur A l’a fait afin d’obtenir tardivement une autorisation écrite de travailler avec une université pour produire son évaluation. L’inspecteur A a déclaré au responsable de l’OIAC qu’il ne fournirait que du matériel disponible en open source à l’université. »
Au cours de cette période, Henderson a également mal géré des informations classifiées extrêmement sensibles. En plus de divulguer ces informations à des organisations externes sans autorisation appropriée, il a également demandé que celles-ci lui envoient un e-mail en utilisant son adresse Gmail personnelle. Compte tenu de la sensibilité de ce type d’informations, les mesures prises par Henderson pour les traiter semblent extrêmement imprudentes.
« L’inspecteur A s’est rendu deux fois à l’extérieur des Pays-Bas pour rencontrer les professeurs en personne, et les deux voyages ont été effectués alors que l’inspecteur A était en congé. L’inspecteur A a donné aux professeurs une clé USB qui, selon lui, ne contenait que des informations disponibles en open source. Selon les professeurs, ils n’ont jamais parlé à personne d’autre que l’inspecteur A au sujet de leur travail sur cette question. Les professeurs ont complété un rapport sur la bonbonne trouvée sur l’un des deux sites de Douma. À la demande de l’inspecteur A, les professeurs ont communiqué avec lui via son compte Gmail personnel. L’inspecteur A a utilisé le rapport des professeurs pour rédiger son évaluation, dont une version a finalement été publiée sur le site web du Groupe de travail sur la Syrie, la propagande et les médias. L’inspecteur A a également partagé plusieurs versions de son évaluation avec les professeurs à l’aide de son compte Gmail personnel. »
En résumé, le rapport de l’OIAC confirme les points clés de notre travail sur Henderson : son « évaluation technique » était un rapport réalisé sans autorisation, effectué avec des informations incomplètes et par quelqu’un qui induisait constamment ses interlocuteurs en erreur afin de réaliser ce qu’il voulait personnellement. Henderson lui-même a agi de façon cavalière avec des informations incroyablement sensibles et a trompé ceux qui l’entouraient, à la fois au sein de l’OIAC et dans des organisations externes, pour atteindre ses propres objectifs.
Nous avons précédemment examiné en détail les déclarations de Whelan. En bref, elles sont approximatives, extrêmement surévaluées et, parfois, totalement trompeuses. Comme pour Henderson, les conclusions de l’enquête de l’OIAC sur Whelan sont très similaires aux nôtres.
Le point le plus important de l’enquête de l’OIAC est que Whelan a quitté l’OIAC en août 2018, soit un mois après la publication du rapport intermédiaire. Whelan n’était pas présent lors de la majorité de l’enquête de la MEF ou n’avait pas accès à la majorité des informations de l’enquête. Bien que nous l’ayons formulé comme une simple hypothèse, l’enquête de l’OIAC le confirme bel et bien.
«À l’expiration de son contrat de travail avec l’Organisation, l’inspecteur B l’a quittée à la fin du mois d’août 2018. C’était peu de temps après la publication du rapport intermédiaire – avec lequel il était d’accord – et six mois avant la publication du rapport final de la MEF sur Douma. Au cours des sept derniers mois de l’enquête, la MEF a entrepris l’essentiel de son travail d’analyse, examiné un grand nombre d’entretiens avec des témoins et reçu les résultats d’échantillonnage et d’analyse. Malgré la séparation de l’inspecteur B de l’Organisation et son accord avec le rapport intermédiaire, il a continué de s’adresser aux membres du Secrétariat pour discuter d’informations confidentielles concernant l’enquête sur Douma qui était classée comme hautement protégée au moment de sa divulgation.»
Il s’agit d’une information absolument cruciale qui n’a précédemment été mentionnée dans aucun article sur les déclarations de Whelan. En excluant ce détail, des organisations telles que WikiLeaks, le Mail on Sunday et CounterPunch ont potentiellement induit leurs lecteurs en erreur sur la capacité réelle de Whelan à contester les conclusions de la MEF.
L’enquête de l’OIAC affirme également que Whelan a confirmé par écrit qu’il était satisfait du rapport intermédiaire qui a finalement été publié. Bien que l’OIAC n’apporte aucune preuve directe de cela, cela n’est pas entièrement surprenant. En effet, la seule conclusion ferme que l’on trouve dans le rapport intermédiaire tel qu’il a été publié à propos de l’attaque de Douma est qu’il n’y a pas eu d’agents innervants utilisés. Comme pour toutes les versions du rapport intermédiaire, il a été noté que des investigations complémentaires étaient requises.
« L’inspecteur B a participé à la rédaction du rapport intermédiaire sur l’incident de Douma. Après avoir fait part de certaines préoccupations initiales au sujet du projet de rapport intermédiaire, il a expressément confirmé par écrit qu’il – ainsi que d’autres membres de la MEF qui ont participé à la rédaction du rapport – était en accord avec le rapport intermédiaire qui a été publié. »
Les conclusions de l’OIAC au sujet de Henderson concernent également Whelan. Whelan a clairement fait des déclarations trompeuses sur le statut réel d’Henderson, peut-être dans le but de donner plus de poids à l’analyse d’Henderson. Il semble possible que le courriel de Whelan du 20 mai 2019, qui critique l’OIAC pour avoir expulsé Henderson et insiste sur le fait qu’il était membre de la MEF, a été écrit avec l’intention de le divulguer plus tard à l’appui de ses propres déclarations. Comme nous le savons désormais, ces affirmations étaient en tout cas fausses.
« L’intégrité personnelle et professionnelle d’Henderson a fait mouche sur le plus public des forums, internet. Un mensonge émis par l’OIAC, qui prétend que Ian ne faisait pas partie de l’équipe de la MEF de Douma, a été décisif pour le discréditer, lui et son travail.
Le démenti est en partie faux. Ian Henderson FAISAIT PARTIE de la MEF et il existe une abondance de documentation officielle, ainsi que d’autres preuves qui en témoignent. »
Même en utilisant des sources ouvertes, il a été possible de démontrer que les allégations d’un complot au sein de l’OIAC étaient trompeuses. Nous l’avons déjà expliqué dans une série d’articles examinant les affirmations de Henderson et Whelan, en consultant des chimistes, des experts en armes chimiques et des toxicologues.
L’enquête de l’OIAC appuie ces conclusions : Whelan et Henderson ont fait des allégations non étayées, trompé leurs collègues et menti à des organisations externes, mal géré des informations confidentielles sensibles et fait des allégations trompeuses sur l’attaque de Douma.
Il convient de laisser le dernier mot à M. Fernando Arias, Directeur général de l’OIAC :
«Les inspecteurs A et B ne sont pas des lanceurs d’alerte. Ce sont des individus qui ne pouvaient accepter que leurs opinions ne soient pas étayées par des preuves. Lorsque leurs points de vue n’ont pas pu gagner du terrain, ils ont pris les choses en main et ont manqué à leurs obligations envers l’Organisation. Leur comportement est d’autant plus flagrant qu’ils avaient des informations manifestement incomplètes sur l’enquête de Douma. Par conséquent, comme on pouvait s’y attendre, leurs conclusions sont erronées, mal informées et fausses. »
Un article de l’équipe d’investigation de Bellingat traduit par Syrie Factuel
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