Lien du flux RSS
Travail, Droits humains, Culture, Développement, Environnement, Politique, Économie, dans une perspective de justice sociale.

Edition trilingue Anglais - Espagnol - Français

▸ les 20 dernières parutions

24.11.2025 à 05:30

Au Zimbabwe, la nouvelle loi sur les ONG menace de transformer les « chiens de garde » de la société civile en « toutous »

img

Voilà un peu plus de sept mois que la loi portant modification de la loi sur les organisations bénévoles privées (Private Voluntary Organizations (PVO) Amendment Act) a été promulguée au Zimbabwe, le 11 avril 2025, et déjà, elle remodèle l'environnement opérationnel des organisations non gouvernementales (ONG) et de la société civile au sens large. Les observateurs des droits humains tirent la sonnette d'alarme face à ce qu'ils qualifient comme une « attaque sans précédent contre l'espace (…)

- Actualité / , , , , , ,
Texte intégral (2831 mots)

Voilà un peu plus de sept mois que la loi portant modification de la loi sur les organisations bénévoles privées (Private Voluntary Organizations (PVO) Amendment Act) a été promulguée au Zimbabwe, le 11 avril 2025, et déjà, elle remodèle l'environnement opérationnel des organisations non gouvernementales (ONG) et de la société civile au sens large. Les observateurs des droits humains tirent la sonnette d'alarme face à ce qu'ils qualifient comme une « attaque sans précédent contre l'espace civique au Zimbabwe », qui a une « incidence néfaste sur les libertés fondamentales ».

La loi resserre les exigences en matière d'enregistrement et de rapports pour les organisations caritatives et autres groupes de la société civile, en étendant les pouvoirs exécutifs sur les organisations et en introduisant des sanctions plus sévères en cas de non-conformité, y compris des sanctions pénales pour les dirigeants de groupes considérés comme violant la loi.

Elle impose également de nouvelles restrictions sur le financement international et accorde aux représentants du gouvernement un large pouvoir discrétionnaire pour auditer, suspendre ou remplacer les dirigeants des ONG et geler leurs actifs. En outre, les orientations gouvernementales qui accompagnent la loi exigent des organisations bénévoles privées (OBP) existantes qu'elles se réenregistrent dans les 90 jours suivant l'entrée en vigueur de l'amendement.

Le gouvernement zimbabwéen affirme avoir introduit la loi sur les OBP pour garantir la conformité avec les cadres réglementaires internationaux sur le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, en particulier la recommandation 8, qui concerne le secteur à but non lucratif.

Dans un article publié dans le quotidien d'État Herald quelques jours seulement après l'adoption du projet de loi, le secrétaire permanent à l'information, à la publicité et aux services de radiodiffusion, Nick Mangwana, a insisté sur le fait que : « la loi portant modification de la loi sur les organisations bénévoles privées est une étape nécessaire pour renforcer la lutte du Zimbabwe contre le crime organisé, le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme », ce qui « garantira l'intégrité de son système financier, protégera ses citoyens et favorisera le développement durable ».

Cet amendement fait toutefois suite à une longue série de lois adoptées à l'encontre de la société civile dans des pays du monde entier, de la Hongrie au Pérou, de la Géorgie à l'Égypte et de la Russie à l'Inde, dans le but, comme l'a déclaré Amnesty International en 2019, de « museler la société civile ».

Cependant, le gel actuel de l'aide extérieure des États-Unis a également eu un impact négatif sur les programmes de développement au Zimbabwe, en particulier dans les domaines du VIH/sida, des soins de santé et de l'agriculture. Selon Marvelous Khumalo, porte-parole de la Crisis in Zimbabwe Coalition – une alliance de plus de 80 organisations de la société civile (OSC) zimbabwéennes œuvrant pour le changement démocratique –, la nouvelle loi sur les OBP a littéralement paralysé les activités des OSC dans tout le pays.

« Cette situation a eu un impact négatif sur les activités de défense des droits humains dans le pays. Autrefois, les ONG surveillaient, dénonçaient et documentaient les violations des droits humains. Aujourd'hui, les violations passent inaperçues et ne sont pas documentées », a-t-il expliqué à Equal Times.

Selon M. Khumalo, le régime de la Zanu-PF – qui gouverne le Zimbabwe depuis 1980 et qui est dirigé par le président Emmerson depuis 2017 – a perdu sa légitimité dans la mesure où le contrôle du gouvernement est désormais si restreint. Il ajoute que pour que la démocratie fonctionne, les acteurs non étatiques devraient être en mesure de demander au gouvernement de rendre compte de ses actions et d'exiger la transparence dans la gouvernance.

« Or, ceci n'est guère plus possible au Zimbabwe étant donné que la plupart des ONG ont pratiquement cessé leurs activités sous l'effet de la loi sur les OBP », a-t-il expliqué.

Les ONG de défense des droits humains face à l'autocensure

On ne dispose pas de chiffres précis sur le nombre d'ONG qui ont fermé depuis la promulgation de la nouvelle loi sur les OBP, en partie parce que la loi dissuade les ONG chargées de surveiller l'espace civique de jouer ce rôle. Alors que les effets de la mise en œuvre de la loi sur les OBP ne sont pas encore totalement connus, le directeur exécutif d'une ONG, qui a parlé à Equal Times sous couvert d'anonymat, a indiqué que l'amendement a remis en question les activités de son organisation à but non lucratif.

« Des bailleurs de fonds qui avaient précédemment promis de financer nos projets ont soudainement fait volte-face, ce qui nous a obligés à travailler avec un budget restreint ». Il ajoute que, bien qu'aucun motif direct n'ait été donné pour le retrait du financement, le moment choisi montre clairement que les bailleurs de fonds craignaient une réaction négative du gouvernement.

D'autres acteurs de l'espace civique affirment que les entraves bureaucratiques introduites par la nouvelle loi perturbent déjà les programmes de santé, d'éducation et de défense des droits humains dans l'ensemble du pays. Les petites organisations communautaires, qui fonctionnent avec des budgets très serrés et dépendent de subventions extérieures, se voient confrontées à des coûts et à de formalités administratives supplémentaires. Certains donateurs ont émis des réserves, évoquant le risque de déficits de financement et d'interruptions dans la prestation de services aux populations vulnérables. Par ailleurs, les experts juridiques avertissent que les exigences en matière de réenregistrement et de déclaration élargie imposeront des charges immédiates en matière de conformité et pourraient obliger certains groupes à suspendre leurs activités en attendant d'obtenir l'autorisation nécessaire.

« En l'état actuel des choses, la plupart [des ONG et des OBP] n'ont même pas été enregistrées depuis l'adoption de la loi, et ce en raison des problèmes administratifs qui y sont associés. À cela s'ajoute, bien entendu, un manque de sensibilisation de la part du personnel censé être responsable de l'enregistrement de ces organisations », explique Mlondolozi Ndlovu, expert en droit et en médias.

Et de poursuivre : « Cette loi censure également certaines organisations, ce qui porte atteinte à leur droit à la liberté d'expression et à la liberté d'association. Par crainte d'être fermées, elles préfèrent se comporter en larbins plutôt qu'en chiens de garde du gouvernement, ce qui est très dangereux dans une démocratie où la société civile et les ONG sont censées exercer un contrôle sur le gouvernement. »

Signes d'un gouvernement « intolérant à toute forme de contrôle ou d'examen »
Les principales organisations de défense des droits humains, associations de juristes et ONG internationales ont publiquement critiqué la loi, jugeant celle-ci disproportionnée et incompatible avec les obligations internationales du Zimbabwe en matière de liberté d'association et d'expression.

Dans une déclaration de juin 2025, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) ont qualifié la loi d'« attaque sans précédent contre l'espace civique au Zimbabwe » qui aura « des effets néfastes sur la société civile et l'espace civique zimbabwéens, en violation de la constitution du Zimbabwe et des obligations internationales du pays en matière de droits humains ».

Dans une déclaration datant d'avril 2025, Idriss Ali Nassah, chercheur principal sur l'Afrique chez Human Rights Watch, a lancé une mise en garde : « Les groupes de la société civile ne devraient pas avoir à travailler avec la crainte d'être fermés et leur personnel inculpé au pénal pour avoir simplement fait leur travail. » De leur côté, Amnesty International, la New York Bar Association et les organismes régionaux de défense des droits humains ont émis des avertissements similaires, appelant à l'abrogation de la loi ou à sa modification urgente afin de protéger l'espace civique.

Pour Melusi Simelane, du Southern African Litigation Centre, la loi sur les OBP « bien que parée d'un langage de réforme, [elle] porte en elle les arêtes vives du contrôle de l'État ».

M. Simelane a également évoqué le cas de Blessing Mhlanga, un journaliste qui a été arrêté et accusé d'incitation à la violence après avoir interviewé un détracteur du président Mnangagwa. Son arrestation, selon M. Simelane, « est le signe d'un gouvernement de plus en plus intolérant à toute forme de supervision ou d'examen, et la loi sur les organisations bénévoles privées place les ONG dans la même ligne de mire ».

Les groupes de défense des droits ont également exprimé leur inquiétude quant au fait que l'amendement contient des infractions au libellé ambigu qui risquent de criminaliser des activités de défense des droits humains et des activités « politiques » de routine. D'autres rapports mettent en évidence des clauses qui interdisent aux ONG de se livrer à un « lobbying politique » non défini et qui interdisent le financement à partir de « sources illégitimes » mal spécifiées, créant par-là même de vastes motifs de poursuites et de saisies de fonds. Les observateurs estiment que cette formulation a un effet dissuasif : certains groupes pourraient s'autocensurer ou limiter complètement leurs activités de plaidoyer afin d'éviter les poursuites judiciaires.

Il est particulièrement révélateur que les organisations bénévoles privées qui risquent d'être les plus touchées par la loi se soient abstenues de tout commentaire sur le sujet, de peur de se voir refuser des licences ou de se les voir purement et simplement retirer.

Nigel Nyamutumbu, coordinateur de la Media Alliance of Zimbabwe, est l'un des leaders civiques qui a osé s'exprimer en public. Il explique dans un entretien avec Equal Times : « La nouvelle loi exige des membres du conseil d'administration des OBP qu'ils se soumettent à des contrôles de sécurité et d'antécédents par le gouvernement, ce qui constitue en soi une forme de surveillance. »

« Cela ouvre d'une certaine manière la voie à la délivrance de licences sur une base partisane, dans la mesure où, compte tenu de notre contexte politique, il est probable que les OBP considérées ou perçues comme critiques à l'égard du gouvernement soient signalées par un drapeau rouge », a-t-il expliqué.

Cette situation, explique-t-il, n'engendre pas un environnement propice aux organisations civiques, en particulier celles qui travaillent dans le domaine des droits humains.

Selon M. Nyamutumbu, la loi confère des pouvoirs excessifs au ministre de la Fonction publique, du Travail et de la Prévoyance sociale (actuellement Edgar Moyo), dont le bureau supervise l'enregistrement et les activités des OSC, pour s'ingérer dans leurs activités ; elle confère au titulaire du bureau des pouvoirs incontrôlés, en dehors du cadre judiciaire, pour suspendre les activités des OBP et leur imposer un conseil d'administration.

« En ce sens, se pose évidemment la question de l'autocensure et du fait que la société civile travaille dans un environnement marqué par la peur », a-t-il déclaré.

Le ZCTU condamne une loi élaborée sans consultation

Le Congrès des syndicats du Zimbabwe (ZCTU), la plus grande organisation syndicale faîtière du pays, affirme que la loi a été élaborée sans aucune consultation avec les parties prenantes concernées, ajoutant qu'il s'agit d'un stratagème du gouvernement de la ZANU PF pour réduire au silence les voix dissidentes, en particulier celles qui sont impliquées dans la gouvernance, les droits humains et les activités de défense des droits.

« L'élaboration de la législation n'a pas fait l'objet d'un processus de consultation large et authentique avec les OSC. En outre, les préoccupations que nous avons soulevées ont été largement ignorées par le gouvernement », explique Last Tarabuku, responsable de l'information au ZCTU.

Selon M. Tarabuku, la loi devrait être abrogée car elle porte atteinte aux droits garantis par la constitution nationale.

Il indique en outre que la loi pourrait entraîner des pertes d'emploi massives dans le secteur des ONG (qui emploie officiellement quelque 18.000 personnes selon l'enquête sur la main-d'œuvre et le travail des enfants de 2019) et perturber les nombreux services essentiels fournis en partie grâce aux ONG.

Toujours selon M. Tarabuku, le ZCTU demande que toute loi régissant le fonctionnement du secteur associatif zimbabwéen soit alignée sur les normes locales, régionales et internationales en matière de droits humains.

Contestation juridique

Depuis l'adoption de la loi, les groupes de défense des droits signalent une augmentation des inspections, des demandes d'informations financières et des cas de dirigeants d'ONG ayant fait l'objet de sanctions administratives. Cette application renforcée de la loi s'inscrit dans un contexte plus large de contrôle des manifestations et de restriction des rassemblements publics, ce qui intensifie les craintes que les acteurs civiques ne soient soumis à des sanctions plus sévères pour avoir mené des activités liées aux droits humains.

Selon les analystes, la loi portant modification de la loi sur les OBP est susceptible de causer des dommages à long terme à la prestation de services, au contrôle indépendant et à la responsabilité démocratique. Si les donateurs réduisent leur financement ou réaffectent des programmes en raison de l'incertitude juridique, les victimes les plus immédiates seront les communautés vulnérables qui dépendent des cliniques, des refuges, de l'aide juridique et des projets de développement communautaire gérés par des ONG.

Dans le domaine des droits, les restrictions imposées à la recherche, à la surveillance et à la défense des droits pourraient avoir pour conséquence que les abus ne soient pas signalés et ne soient pas contestés.

Les réseaux de la société civile et les acteurs internationaux demandent instamment au gouvernement zimbabwéen de réviser la loi, de clarifier les dispositions ambiguës, de revoir à la baisse les mesures punitives et d'ouvrir des processus de consultation significatifs avec les parties prenantes.

Certaines associations juridiques préparent également des recours devant les tribunaux nationaux et régionaux, notamment la Crisis in Zimbabwe Coalition, qui a déposé, le 7 octobre 2025, une demande d'ordonnance d'invalidité constitutionnelle auprès du tribunal de grande instance de Bulawayo, pour contester plusieurs articles de la loi sur les OBP.

Les mois à venir montreront si le gouvernement répondra positivement à ces appels à la réforme de la loi sur les OBP ou s'il intensifiera son application, un choix qui déterminera si les ONG peuvent poursuivre leurs activités ou si l'espace civique du Zimbabwe continuera à se contracter.

13 / 20

 

  GÉNÉRALISTES
Le Canard Enchaîné
La Croix
Le Figaro
France 24
France-Culture
FTVI
HuffPost
L'Humanité
LCP / Public Senat
Le Media
La Tribune
 
  EUROPE ‧ RUSSIE
Courrier Europe Centrale
Desk-Russie
Euractiv
Euronews
Toute l'Europe
 
  Afrique du Nord ‧ Proche-Orient
Haaretz
Info Asie
Inkyfada
Jeune Afrique
Kurdistan au féminin
L'Orient - Le Jour
Orient XXI
Rojava I.C
 
  INTERNATIONAL
CADTM
Courrier International
Equaltimes
Global Voices
I.R.I.S
The New-York Times
 
  OSINT ‧ INVESTIGATION
OFF Investigation
OpenFacto°
Bellingcat
Disclose
Global.Inv.Journalism
 
  MÉDIAS D'OPINION
Au Poste
Cause Commune
CrimethInc.
Hors-Serie
L'Insoumission
Là-bas si j'y suis
Les Jours
LVSL
Politis
Quartier Général
Rapports de force
Reflets
Reseau Bastille
StreetPress
 
  OBSERVATOIRES
Armements
Acrimed
Catastrophes naturelles
Conspis
Culture
Curation IA
Extrême-droite
Human Rights Watch
Inégalités
Information
Internet actu ✝
Justice fiscale
Liberté de création
Multinationales
Situationnisme
Sondages
Street-Médics
Routes de la Soie
🌞