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09.12.2024 à 09:19

#16Days : Comment la mobilisation collective peut aider à combattre la violence basée sur le genre

la rédaction d'Equal Times
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La violence basée sur le genre (VBG) est un fléau mondial qui touche des millions de personnes, violant leurs droits humains fondamentaux. Pour lutter contre ce problème, la campagne internationale « 16 jours d'activisme contre la violence basée sur le genre » a été mise en place. En sensibilisant le public, en promouvant des solutions concrètes et en encourageant la participation de tous, la campagne contribue à créer un monde plus juste et plus sûr pour les femmes et les filles. Pourquoi (…)

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Texte intégral (957 mots)

La violence basée sur le genre (VBG) est un fléau mondial qui touche des millions de personnes, violant leurs droits humains fondamentaux. Pour lutter contre ce problème, la campagne internationale « 16 jours d'activisme contre la violence basée sur le genre » a été mise en place. En sensibilisant le public, en promouvant des solutions concrètes et en encourageant la participation de tous, la campagne contribue à créer un monde plus juste et plus sûr pour les femmes et les filles.

  • Pourquoi faut-il mettre fin à la violence basée sur le genre ?

En 2023, une femme a été intentionnellement tuée par son partenaire ou un membre de sa famille, toutes les 10 minutes dans le monde. Les meurtres liés au genre, que l'on nomme « féminicides », sont la manifestation la plus extrême de la violence basé à l'égard des femmes et des filles. Mais la VBG peut prendre de nombreuses formes : physique, sexuelle, psychologique ou encore économique. Elle entrave le développement personnel, familial et communautaire, perpétue les inégalités et freine les progrès vers un monde équitable.

  • Pourquoi faire une campagne mondiale chaque année et avec quels objectifs ?

La campagne attire l'attention sur l'urgence d'agir pour protéger les victimes, prévenir les violences et poursuivre les responsables. Initiée en 1991 par le Centre pour le Leadership Global des Femmes (en anglais, Center for Women's Global Leadership ou CWGL), et soutenue par l'ONU et ses agences, la campagne « 16 jours » se déroule du 25 novembre (Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes) au 10 décembre (Journée des droits de l'homme). Cet intervalle symbolique relie la lutte contre la VBG aux droits humains, soulignant leur interdépendance.

Les 16 Jours visent à sensibiliser le public, renforcer les capacités des organisations de la société civile, comme par exemple les syndicats, et inciter les gouvernements et institutions à adopter des politiques et des lois efficaces. C'est aussi un moment pour amplifier les voix des survivantes, promouvoir l'éducation et engager le dialogue entre acteurs locaux et internationaux.

  • Quel est le thème pour la campagne 2024 ?

À l'occasion de l'édition 2024, « 16 jours d'activisme » met l'accent sur la riposte et la reconstruction des victimes et rappelle que sortir de la violence repose sur une responsabilité collective alors que se tiendra d'ici 2025 le 30e anniversaire de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing, en 2025 - un plan visionnaire pour parvenir à l'égalité des genres et réaliser les droits des femmes et des filles du monde entier.

  • Quelles sont les actions menées ?

La campagne s'appuie sur des événements variés : ateliers, manifestations, conférences, campagnes en ligne, et mobilisations communautaires. Des millions de personnes s'unissent pour partager des ressources, échanger des témoignages et promouvoir le changement social.

L'Organisation internationale du travail (OIT) et les fédérations syndicales mondiales poussent par exemple les gouvernements à ratifier et appliquer la convention n° 190 de l'OIT (C190) et la recommandation n° 206 (R206), en prenant des mesures porteuses de transformations pour l'égalité des genres, c'est-à-dire des réformes législatives, des politiques et des accords sur le lieu de travail, afin d'éviter l'exposition à la violence, d'aider les victimes – en leur assurant notamment la sécurité de l'emploi et de revenu – et d'obliger les auteurs des violences à rendre des comptes.

« Ensemble, construisons des lieux de travail plus justes et plus sûrs. Il est temps pour tout le monde d'obtenir la dignité et le respect », souligne le secrétaire général de la Confédération syndicale internationale, Luc Triangle.

Pour aller plus loin :

Lire : Les syndicats agissent contre la violence fondée sur le genre : 16 jours d'activisme

Consulter : Les demandes de le CSI pour la Déclaration Beijing+30

Voir : le Rapport En sécurité au travail, en sécurité à la maison, en sécurité en ligne : Lutter contre la violence et le harcèlement fondés sur le sexe dans un monde du travail en mutation


Comment s'engager dans la campagne ?

Pour suivre et participer à cette 33e édition, vous pouvez mener des actions et leur donner de la visibilité grâce aux hashtags : #16jours et #PasDExcuse. Agir est un acte citoyen et cela commence par parler, protéger, signaler. Chacun peut contribuer en soutenant les organisations engagées dans la lutte contre la VBG.

06.12.2024 à 10:46

Giulia Laganà, directrice du Centre pour une transition juste : « La lutte contre la crise climatique est une question de volonté politique ; les syndicats peuvent inciter les gouvernements à la retrouver »

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La « transition juste » est un concept acquis de haute lutte qui exige une transition équitable et inclusive vers une économie faiblement émettrice de carbone pour tous. Cependant, elle s'est aussi convertie en un slogan à la mode exploité à l'envi par les entreprises et les bureaucrates qui, selon les critiques, la vident souvent de son sens ou la récupèrent au profit de leurs propres agendas.
Le Centre pour une transition juste de la Confédération syndicale internationale (CSI) a défendu (…)

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Texte intégral (2975 mots)

La « transition juste » est un concept acquis de haute lutte qui exige une transition équitable et inclusive vers une économie faiblement émettrice de carbone pour tous. Cependant, elle s'est aussi convertie en un slogan à la mode exploité à l'envi par les entreprises et les bureaucrates qui, selon les critiques, la vident souvent de son sens ou la récupèrent au profit de leurs propres agendas.

Le Centre pour une transition juste de la Confédération syndicale internationale (CSI) a défendu sa cause sur les piquets de grève des travailleurs de Tesla ainsi qu'auprès des investisseurs qui, en revenant sur leurs promesses de financement, ont laissé en plan les syndicats et leurs membres. La directrice du Centre (principalement connu par son nom anglais, Just Transition Center, ou JTC), estime qu'il est temps de « revenir aux bonnes vieilles tactiques syndicales », soulignant que « même aux États-Unis, les syndicats ont gagné des batailles ces dernières années contre Amazon et les grands constructeurs automobiles en montrant que la mobilisation et la négociation collective permettent d'obtenir des résultats ».

Giulia Laganà s'est entretenue avec Equal Times peu après qu'elle et Diana Junquera Curiel, sa co-directrice (jusqu'à la fin de l'année 2024), se sont vu décerner le prix WIN WIN Göteborg 2024 pour la durabilité. Ce prix, l'un des plus importants au monde dans ce domaine, récompense le travail accompli par le CTJ pour s'assurer que « les travailleurs participent activement à la mise en place de la transition verte ».

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Que signifie pour vous la notion de « transition juste » ?

Le concept de transition juste remonte aux années 1970. Il est issu d'une alliance entre les syndicats américains et les organisations environnementales et a été codifié dans l'Accord de Paris sur le climat en 2015. Nous envisageons une transition vers des énergies propres à l'échelle planétaire, une transition juste et créatrice d'emplois verts de qualité. Nous ne cherchons pas seulement à déplacer les travailleurs vers des industries plus vertes, nous voulons aussi prévenir les pertes d'emplois et faire en sorte que les nouveaux postes soient sécurisés, décents et sûrs.

Comment le Centre pour une transition juste œuvre-t-il à la réalisation de cet objectif ?

Nous donnons la possibilité aux syndicats du monde entier d'avoir des échanges et de s'inspirer des stratégies et des tactiques des uns et des autres. Nous les aidons à former des coalitions entre les pays du Sud et du Nord global. Nous apportons un soutien matériel et intersectoriel afin d'impliquer les gens dans les négociations et les discussions. En outre, nous recueillons et partageons les bonnes pratiques à des fins d'apprentissage. Les syndicats sont souvent considérés comme des freins – plutôt que comme des facilitateurs – de la transition climatique. C'est pourquoi nous mettons en place une base de données de « bonnes pratiques » pour montrer comment fermer une industrie polluante – ou en ouvrir une nouvelle plus propre – tout en plaçant les travailleurs au centre de nos plans.

Comment parfois certains acteurs de mauvaise foi se posent en défenseurs de la transition équitable

Les multinationales du secteur des combustibles fossiles peuvent redorer leur blason en investissant dans les énergies renouvelables. Ce faisant, elles se targuent de leur crédibilité écologique tout en répliquant les mêmes modèles que ceux qu'elles ont appliqués dans les industries polluantes. Souvent, elles se contentent d'évoquer le nombre d'emplois créés par une nouvelle centrale d'énergie renouvelable, sans toutefois offrir de plus amples détails sur les emplois créés ou sur les travailleurs qui y sont employés. S'agit-il des mêmes travailleurs que ceux qui ont été licenciés dans la précédente industrie polluante, ou s'agit-il de nouvelles recrues ?

Tous les conglomérats pétroliers publics des pays du Golfe investissent aujourd'hui dans l'énergie photovoltaïque et éolienne, et nous observons des schémas d'exploitation très similaires dans ces pays. Ces entreprises emploient principalement des travailleurs migrants qu'elles exploitent de façon débridée. Au Maghreb, elles exproprient des communautés locales par le biais de la spoliation et l'accaparement de terres. La transition juste doit également agir au bénéfice des communautés. Il se peut qu'un travailleur conserve son emploi, mais si sa terre n'est plus accessible ou si son eau est drainée par une centrale photovoltaïque, son entourage s'expose à une perte nette.

Quels sont les secteurs industriels et les gouvernements les plus et les moins avancés dans ce domaine ?

Une action syndicale forte a contraint des entreprises telles que la compagnie d'électricité danoise Ørsted à négocier un accord-cadre mondial avec les syndicats pour l'ensemble de leur chaîne d'approvisionnement et de valeur, consacrant par là même à l'échelle mondiale les droits qu'elles ont accordés aux travailleurs danois. Des gouvernements comme celui de l'Espagne prennent des mesures positives dans le cadre des fonds de relance post-Covid de l'UE. L'Espagne a élaboré des plans territoriaux de transition juste pour les mines de charbon et les centrales thermiques et a engagé des processus multipartites avec les syndicats, les entreprises, les pouvoirs publics locaux et les communautés. Le pays a investi des fonds européens dans de nouvelles industries et dans la formation et le développement des compétences. À ce jour, les initiatives espagnoles ont largement été couronnées de succès, avec un nombre limité de délocalisations. Lorsqu'une mine de charbon est fermée et que les travailleurs se voient offrir un emploi ailleurs, cela signifie que des familles sont déracinées, que des conjoints sont séparés ou qu'ils doivent déménager, ce que l'Espagne a dans la plupart des cas évité. La situation est tout à fait inverse en Italie, où il n'existe aucune stratégie climatique et où l'industrie des combustibles fossiles bénéficie d'un soutien massif.

Dans certains cas, des facteurs idéologiques entrent en ligne de compte. Elon Musk [PDG de Tesla, SpaceX et l'un des hommes les plus riches du monde] poursuit un programme radicalement antisyndical. Il parle de détruire les syndicats. En Suède, les travailleurs des ateliers d'entretien Tesla sont en grève depuis plus d'un an. Nous avons récemment participé à un piquet de grève avec eux à Göteborg. On se serait cru face au capitalisme du Far West façon 19e siècle. Pour assurer l'entretien des véhicules, Tesla Suède a fait appel à des briseurs de grève en provenance d'autres pays, ainsi qu'à des personnes totalement non qualifiées qui, une semaine plus tôt, travaillaient chez McDonald's. Il n'y avait aucune raison commerciale de procéder de la sorte. L'entreprise perdait des tonnes d'argent. Son seul but était de briser les syndicats en Suède, car si elle y parvenait dans ce pays où les grèves de solidarité sont autorisées et où l'on peut faire grève indéfiniment tout en recevant un salaire, elle pourrait briser les syndicats n'importe où dans le monde.

Certains syndicats américains considèrent les emplois « cols verts » comme moins sûrs, moins syndiqués, avec des droits et des salaires inférieurs à ceux des emplois traditionnels. Croyez-vous que cela ait eu un impact sur la politique américaine ?

Je pense qu'il y a d'autres facteurs plus importants en jeu dans le débat politique américain, comme la Loi sur la réduction de l'inflation (Inflation Reduction Act) et la rapidité avec laquelle ses avantages deviendront apparents. Il est toutefois vrai que les emplois dans le secteur des énergies fossiles sont généralement syndiqués, sûrs, stables et assortis de nombreux avantages. Lorsque ces industries ferment et que des entreprises du secteur des énergies renouvelables prennent la relève, le marché du travail tend à se fragmenter, les services publics sont privatisés, des conditions de travail inférieures aux normes sont introduites avec des contrats précaires et des emplois à court terme ou temporaires, entre autres.

Par ailleurs, les acteurs ayant un intérêt direct dans le statu quo pourraient également tirer parti d'un « contrecoup vert » ou « greenlash ». Au Nigeria, les habitants du delta du Niger subissent de plein fouet la catastrophe environnementale provoquée depuis des décennies par les géants pétroliers. Leurs rivières et leurs sources de nourriture ont été empoisonnées, mais de bons emplois ont été créés (même si ce sont surtout des travailleurs d'autres régions du Nigeria qui les occupent). Il est difficile de dire à un travailleur nigérian que son industrie doit fermer, dès lors qu'aucun autre emploi aux mêmes conditions n'est proposé.

Est-il légitime d'affirmer qu'en augmentant les salaires et les conditions de travail dans le secteur vert, on augmente les coûts des entreprises et on les freine ainsi dans leur course vers la sortie des combustibles fossiles ?

Je ne crois pas. Nous savons que les combustibles fossiles ne présentent pas de perspectives viables à long terme. Il s'agit d'une industrie vouée à disparaître. Une transition est inévitable, et les grandes compagnies pétrolières le savent. Cependant, les entreprises du secteur des énergies renouvelables bénéficient d'investissements privés et publics colossaux tandis qu'elles réduisent leurs coûts de main-d'œuvre. Elles doivent s'asseoir et discuter avec les syndicats, faute de quoi elles s'exposent à des actions syndicales et à une baisse de la productivité, à mesure que des travailleurs moins qualifiés arrivent dans le secteur.

D'aucuns affirment que les pertes d'emploi parmi les travailleurs de l'automobile plus âgés seront compensées par des emplois « cols verts » en aval, de sorte que les syndicats devraient mettre de l'eau dans leur vin…

Malheureusement, dans certains secteurs, il y aura moins d'emplois. La plupart des emplois créés lors de l'ouverture des centrales d'énergie renouvelable sont de courte durée car, ultérieurement, ces centrales ne nécessitent qu'un entretien périodique. Sur les plateformes pétrolières, les travailleurs sont employés pour de plus longues durées. Dans la production de véhicules électriques, la plupart des études montrent une diminution du nombre d'emplois en raison de l'automatisation et de la réduction du nombre de composants. Des investissements dans la formation professionnelle sont nécessaires pour assurer la transition entre les emplois, y compris pour les travailleurs plus âgés. Ce qui n'est pas le cas de la plupart des pays du Sud global. Tout ceci ne fait que souligner l'importance du financement de la lutte contre le changement climatique. La transition verte s'opérera plus rapidement et plus harmonieusement si les travailleurs s'y rallient que si l'on procède à la hâte sans les impliquer.

Certains affirment que l'extraction du lithium est moins dangereuse que celle du charbon…

Toute exploitation minière est dangereuse si les mines ne sont pas sûres. En République démocratique du Congo, d'où proviennent de nombreux minerais de transition, les conditions sont déplorables, notamment en ce qui concerne le travail des enfants. Cette situation est due au fait que nous avons affaire à des territoires non réglementés, contrôlés par des milices plutôt que par des acteurs de bonne foi qui respectent ces environnements. La plupart des travailleurs du Sud global sont employés de manière informelle et ont peu de droits ou de pouvoir de négociation, de sorte qu'ils ne peuvent pas imposer de meilleures règles aux entreprises.

Quel est le minimum dont les travailleurs ont besoin lorsque les industries traditionnelles ferment leurs portes ?

Des emplois de substitution offrant les mêmes conditions, avantages et garanties et/ou une formation adéquate permettant de passer à d'autres emplois. Si, comme en Espagne, les personnes ne sont pas « employées » pendant qu'elles suivent une formation professionnelle, une protection sociale doit être prévue pour qu'elles ne se retrouvent pas démunies. La clé se trouve dans la protection sociale. Les pays du Nord disposent généralement de systèmes de protection sociale. Or ce n'est souvent pas le cas dans les pays du Sud.

L'un des problèmes dans les pays du Nord global est que les syndicats tendent à être perçus comme faisant partie de l'establishment, proches de certains partis, et donc de l'élite. Cela suscite la méfiance de nombreuses communautés de classe travailleuse qui se sentent laissées pour compte. Nous devons être à leur écoute. Nous devons également veiller à ne pas nous laisser coopter par l'écoblanchiment des géants pétroliers qui se contentent d'inclure une annexe non contraignante sur la transition équitable dans leurs plans de durabilité, tout en continuant d'investir dans les combustibles fossiles.

Ce problème concerne-t-il également la transition dans les pays du Golfe ?

Absolument. Les pays du Golfe se convertissent à 100 % d'énergies renouvelables pour leur consommation intérieure afin d'offrir à leurs citoyens un air plus pur et de vanter leurs mérites écologiques lors de la Conférence annuelle des Nations Unies sur les changements climatiques [connue par son acronyme anglais de COP]. Cependant, ils veillent en même temps à extraire jusqu'à la dernière goutte de pétrole pour l'exportation et pourla production de plastiques et de produits chimiques (comme l'a montré l'échec des négociations sur le traité relatif aux matières plastiques le week-end dernier). Ainsi, ils maintiennent leurs revenus, ils s'assurent l'assentiment de leurs citoyens et ils conservent leur style de vie ultra luxueux et leur niveau faramineux de consommation d'énergie.

Comment le processus de la COP peut-il influencer la transition équitable ?

Nous avons remporté d'importantes victoires. Le programme de travail pour une transition juste constituent désormais un volet des négociations de la COP. S'il ne s'agit toutefois que d'un simple intitulé et de deux réunions par an au cours desquelles rien n'est décidé, les syndicats qui ont adhéré au processus auront vite fait de déchanter. Il est clair que le processus de la COP doit revenir à un format qui profite à tous, et pas seulement à une minorité. La transition juste n'est pas qu'une question de degrés centigrades ou de mégawatts d'énergie. Il s'agit de veiller à ce que les communautés autochtones, les femmes, les travailleurs et les minorités ne voient pas leurs droits bafoués. C'est cela qui doit se refléter dans le mode de fonctionnement des COP. La société civile doit avoir voix au chapitre. Aux dernières COP, la société civile n'a parfois pas été autorisée à crier des slogans, à faire du bruit ou à marcher en brandissant des pancartes dans les villes qui ont accueilli ces conférences. Qu'est-ce que cela veut dire ?

Cela veut dire : « Bouclez-la ! » Les COP ne présentent-elles pas un intérêt limité lorsqu'elles coïncident presque chaque année avec de nouveaux records d'émissions, de températures et de lobbying en faveur des combustibles fossiles ?

Oui, mais quelle serait l'alternative ? Un conseil de sécurité climatique où une poignée de pays décideraient du sort de l'humanité ? Cela ne fonctionnerait pas, car personne d'autre ne s'y rallierait. La crise climatique est une crise planétaire, il faut donc que tout le monde s'y attelle. Un réchauffement de 2,5 à 3 degrés centigrades d'ici 2100 c'est énorme et cela aurait un impact considérable sur notre planète et sur l'humanité. Pourtant, avant l'Accord de Paris, nous nous dirigions vers un réchauffement de 6 ou 7 degrés. Même si elles sont lentes, irrégulières et boiteuses, les COP ont contribué à réduire les émissions, et nous savons à présent ce qu'il nous reste à faire. Il s'agit avant tout d'une question de volonté politique et les syndicats peuvent inciter les gouvernements à la retrouver.

03.12.2024 à 05:30

En Syrie, le difficile quotidien des amputés de la guerre

Abd Almajed Alkarh, Thomas Abgrall
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Dans l'enceinte du petit stade de football d'Idlib au toit en tôle et aux gradins en pierre, les bruits des béquilles qui s'entrechoquent résonnent au milieu des cris des joueurs. L'équipe locale d'amputés d'Idlib, Al Tahaddi, s'y entraîne deux fois par semaine. Elle a été formée par huit joueurs en 2021, et en compte aujourd'hui 32. Khaled Mushaimish, 26 ans, frappé par un obus en 2016, et qui a perdu sa jambe gauche, est l'un des attaquants du club.
« Avant de rejoindre l'équipe, j'étais (…)

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Texte intégral (1501 mots)

Dans l'enceinte du petit stade de football d'Idlib au toit en tôle et aux gradins en pierre, les bruits des béquilles qui s'entrechoquent résonnent au milieu des cris des joueurs. L'équipe locale d'amputés d'Idlib, Al Tahaddi, s'y entraîne deux fois par semaine. Elle a été formée par huit joueurs en 2021, et en compte aujourd'hui 32. Khaled Mushaimish, 26 ans, frappé par un obus en 2016, et qui a perdu sa jambe gauche, est l'un des attaquants du club.

« Avant de rejoindre l'équipe, j'étais déprimé, angoissé, je me sentais inutile. Jouer au football avec des coéquipiers a redonné du sens à mon quotidien. Cela a amélioré ma santé mentale, celle de mes proches, tout en me permettant d'être beaucoup plus mobile. Je sens aussi que je peux apporter quelque chose à la société », s'enthousiasme le jeune père de famille.

Dans le nord-ouest de la Syrie, le sport constitue une rare bouffée d'oxygène pour les nombreuses personnes amputées, blessées par une guerre qui dure depuis plus de 13 ans. Pour encourager leur inclusion, des Jeux paralympiques regroupant plus de 300 athlètes étaient prévus en septembre dernier, organisés par l'ONG syrienne Violet, mais ils ont été brutalement interdits au bout d'une journée par le mouvement islamiste radical Hayat Tahrir el Sham (HTS), qui contrôle le gouvernorat d'Idlib depuis plusieurs années. La milice a considéré que l'usage de la flamme olympique constituait de l'idolâtrie des Dieux grecs, suscitant une immense déception chez tous les athlètes en situation de handicap qui se préparaient depuis des mois.

Un difficile accès à des prothèses

Dans le nord-ouest syrien, où plus d'une personne sur quatre (28%) est touchée par un handicap selon un rapport de l'ONU de 2021, les perspectives sont faibles. Le simple accès à des soins ou à des équipements médicaux reste difficile. « Obtenir de simples béquilles n'est pas donné à tous, car il y a beaucoup de demandes, et si j'ai eu la chance d'avoir une prothèse pour ma jambe, je ne peux pas l'ajuster régulièrement comme il le faudrait, faute de moyens. Je dois aussi en changer tous les trois ou quatre ans pour l'adapter à mon moignon, ce qui représente un coût rédhibitoire », explique Khaled Mushaimish.

Près de 60 % des personnes qui auraient besoin de prothèses ne peuvent en bénéficier dans la région. « Les plus basiques coûtent 300 dollars pour une amputation sous le genou, et 1.000 dollars au-dessus du genou. Des prothèses de meilleure qualité reviennent au minimum à plusieurs milliers de dollars. Certains éléments doivent être importés de Turquie, comme les pieds et les articulations », explique Mohammed al-Ismaïl, spécialiste de physiothérapie dans le centre médical Al-Ameen, situé dans la ville de Sarmada. Le centre prend en charge une trentaine de patients chaque mois, pour des séances de physiothérapie, et fabrique des parties de prothèses, comme les emboîtures à partir de moulages (la partie de la prothèse chargée de recevoir le moignon) ou les manchons en silicone. Plus de 120 patients figurent actuellement sur liste d'attente.

À l'été 2022, le « Gouvernement de Salut syrien » [une entité administrative locale autonome du pouvoir central, ndlr], contrôlé par Hayat Tahrir el Sham a commencé à délivrer des licences pour des centres de fabrication de prothèses ; aujourd'hui, le gouvernorat d'Idlib en compte une dizaine, dont cinq, seulement, sont gratuits.

Les centres privés proposent des prothèses ou des fauteuils à des prix inatteignables, pour une population qui vit à 90 % sous le seuil de pauvreté et dépend en grande partie de l'aide humanitaire.

Les centres publics disposent eux de faibles capacités. « Ils sont insuffisants pour répondre aux besoins grandissants de la région », reconnaît Melhem Ghazi, directeur de la direction des soins secondaires et tertiaires au sein du Gouvernement de Salut syrien. Le nombre de blessés du conflit syrien a dépassé les 2,5 millions, et c'est dans le pays que l'on enregistre le plus grand nombre de victimes d'engins explosifs au monde, en particulier dans le nord.

En outre, le séisme dévastateur de février 2023, qui a fait 6.000 morts et plus de 10.000 blessés dans la région, a démultiplié les besoins. « De nombreuses personnes sont restées longtemps bloquées sous les décombres, et les médecins, dans des hôpitaux surchargés, n'ont souvent pas eu d'autre choix d'amputer pour sauver des vies sans pouvoir conserver les membres », assure le Dr Arif, en charge des programmes de santé de l'ONG syrienne Ataa relief, qui a créé en 2020 un centre de santé fournissant prothèses, appareils orthopédiques et soins de physiothérapie dans la ville d'Azaz, qui reçoit des patients de tout le nord de la Syrie.

« Il nous est presque impossible de maintenir nos programmes en continu, car nous recevons régulièrement des financements qui durent six mois ou un an, alors que la prise en charge du handicap nécessite un suivi sur le long terme. Ce n'est pas un secteur prioritaire pour l'aide internationale, et celle-ci diminue chaque jour dans le secteur de la santé », alerte le médecin, qui affirme que 160 structures médicales vont fermer en 2025 dans le nord-ouest syrien.

Les financements internationaux pour la Syrie ont drastiquement baissé en 2024, puisque seulement 27,3 % des besoins humanitaires ont jusqu'ici été couverts par la communauté internationale – 21,5 % dans le secteur de la santé –, contre 41 % en 2023 et 53 % en 2022.

Faible mobilité et discriminations

Si les besoins médicaux restent immenses, les conditions de vie des Syriens vivant dans la région rendent leur quotidien particulièrement difficile. Dans le gouvernorat d'Idlib vivent 3,4 millions de personnes déplacées d'autres régions de Syrie. La plupart d'entre elles sont entassées dans 1.500 camps de fortune.

« Ils sont souvent constitués de tentes de toiles, frappés par des inondations fréquentes, et se situent sur des terrains accidentés ou des champs, qui rendent par exemple très difficile l'usage de fauteuils roulants. Beaucoup de personnes ne disposent d'aucune mobilité, et les ONG peuvent rarement y installer des structures de santé durables dans les camps », fait remarquer Bassam Alhourani, responsable de soutien psychosocial dans l'ONG Sanad, spécialisée dans le soutien aux personnes en situation de handicap. Tout transport hors des camps se révèle aussi compliqué, alors que le principal moyen de déplacement – le plus économique – est la mobylette.

La perception du handicap dans la société syrienne, qui reste largement négatif, vient aussi affecter la santé mentale des premiers concernés. Abou Nasser Jomaa, 53 ans, déplacé de la Ghouta orientale, dans la banlieue de Damas, continue d'en souffrir.

« Avant d'être gravement blessé par une bombe en 2015, j'apportais toujours mon aide aux autres. Après mon amputation de ma jambe gauche, le regard des gens a changé. Les enfants ou les personnes âgées ont proposé de m'aider, certains me regardaient avec pitié, et une femme m'a même proposé de l'argent », se souvient le père de six enfants.

« C'est dur comme chef de famille, de se retrouver dans cette condition, et de ne plus être capable de pourvoir aux besoins de ses enfants. Lorsque je cherche un travail, je me sens rejeté en raison de mon handicap », raconte l'ancien vendeur de légumes, qui cherche désespérément un emploi.

Selon une récente étude de l'Unité d'assistance et de coordination (ACU), une ONG proche de l'opposition syrienne basée en Turquie, 51 % des individus en situation de handicap dans le nord de la Syrie sont sans emploi, contre 40 % de ceux qui n'ont pas de telles difficultés. Et 82 % des individus ayant des handicaps sévères, comme dans le cas de personnes amputées, sont au chômage.

« La situation des femmes est encore pire, à tous les niveaux : elles sont davantage victimes d'injures dans la rue, de violences psychologiques ou basées sur le genre », pointe le Dr Arif, de l'ONG Ataa Relief.

29.11.2024 à 10:34

Karim Kattan et Yara El Khoury : « Il y a un impensé colonial, qui fait qu'on ne croit pas tout à fait un Arabe »

Inès Gil
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Alors que le décompte des morts civils continue chaque jour en Palestine et au Liban (malgré le fragile cessez-le-feu annoncé cette semaine entre Israël et le Hezbollah), et que des millions de personnes sont déplacées et vivent dans des conditions très précaires, les pays occidentaux alliés d'Israël n'ont concrètement rien fait pour faire cesser cette violence.
Dans la bande de Gaza, plus de 43.000 Palestiniens ont été tués – au bas mot – et le blocus israélien a créé une catastrophe (…)

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Alors que le décompte des morts civils continue chaque jour en Palestine et au Liban (malgré le fragile cessez-le-feu annoncé cette semaine entre Israël et le Hezbollah), et que des millions de personnes sont déplacées et vivent dans des conditions très précaires, les pays occidentaux alliés d'Israël n'ont concrètement rien fait pour faire cesser cette violence.

Dans la bande de Gaza, plus de 43.000 Palestiniens ont été tués – au bas mot – et le blocus israélien a créé une catastrophe humanitaire sans précédent au XXIe siècle, et cela n'a pas suscité l'indignation générale attendue de la part des dirigeants des grandes puissances. Au Liban, depuis le début de la guerre ouverte entre Israël et le Hezbollah, le 23 septembre, les victimes sont majoritairement civiles et leur nombre s'élèverait environ 3.000, selon l'AFP et le ministère libanais de la Santé. Conscients que toutes les limites morales peuvent une nouvelle fois être franchies, les Libanais se posent aujourd'hui une funeste question, vont-ils connaître le même sort que Gaza (si le cessez-le-feu n'est pas définitif) ?

Deux intellectuels, l'un originaire de Palestine, l'autre du Liban, ont pour point commun de voir leurs pays pilonnés par Israël. Karim Kattan, 35 ans, est écrivain, Palestinien originaire de Bethléem. Docteur en littérature comparée, il vit en France et a publié deux romans, ainsi que de nombreux textes dans des revues littéraires en français et en anglais. Yara El Khoury est une historienne libanaise, chargée de cours à l'université Saint-Joseph de Beyrouth et chercheuse associée au Centre d'études pour le Monde arabe moderne (Cemam).

Lors de cet entretien croisé pour Equal Times (réalisée avant le cessez-le-feu au Liban), ils livrent leur regard sur deux pays dévastés par la guerre et sur l'indignation quasiment invisible des dirigeants occidentaux.

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Karim Kattan, la guerre à Gaza semble omniprésente, et en même temps, le silence et la passivité dominent, malgré l'horreur de la situation humanitaire. On parle de Gaza, mais en parle-t-on mal ?

Karim Kattan : Avant tout, je tiens à préciser que je m'intéresse surtout au champ français, car je vis en France. La guerre dure depuis plus d'un an et encore maintenant, je note une distanciation vis-à-vis des intériorités palestiniennes. Rien ne suscite une véritable indignation collective, notamment chez les écrivains. Je pensais naïvement que les hommes et femmes de lettres pourraient se révolter face à la destruction des bibliothèques et du massacre des écrivains et écrivaines à Gaza. Mais même dans ce domaine, qui aurait pu les toucher, il n'y a pas eu d'indignation. Selon moi, c'est surtout lié à la suspicion constante portée sur le travail des journalistes palestiniens, qui sont les seuls à couvrir cette guerre.

Assiste-t-on à une déshumanisation des Palestiniens de Gaza ?

KK : Quand on parle de déshumanisation, on sous-entend qu'à un moment, on nous aurait accordé l'humanité et que par un processus sinistre, nous l'aurions perdu. Mais en réalité, après un an de destruction systématique de Gaza, je me rends compte qu'on a jamais vraiment considéré les Palestiniens comme des êtres humains. “On”, étant les Occidentaux. C'est un terme que je n'utilisais pas avant la guerre à Gaza, mais j'ai changé mon regard sur les choses.

Yara El Khoury : Nous sommes face à des mémoires extrêmement vives, qui s'entrechoquent entre l'Occident (incluant Israël) et le Moyen-Orient. Nous ne voyons pas l'histoire sous le même prisme. Déshumanisation des Palestiniens, oui, et encore plus grave, il y a un déni, en Israël, que les Palestiniens puissent exister dans l'histoire, comme si c'était le peuple de trop. Le 7-Octobre a donné lieu à des lectures anachroniques, il a été qualifié de premier pogrom du XXIe siècle, alors que nous sommes dans une configuration bien différente de la condition des Juifs dans la Russie des Tsars. Les médias occidentaux relaient le narratif d'une bataille “existentielle” que l'armée israélienne serait en train de mener, alors que depuis sa création en 1948, Israël a gagné toutes ses batailles. Israël est dans une posture de conquête, mais on veut nous faire croire qu'il est sur la défensive. Je ne crois pas que cela rende service aux Israéliens eux-mêmes et cela ne fera pas avancer le dialogue qui devra, un jour ou l'autre, avoir lieu.

Les Palestiniens sont-ils donc des oubliés de l'histoire telle qu'elle est racontée en Occident ?

YK : Oui, à ce jour, l'Occident reste persuadé que la Palestine était vide et pauvre avant la création d'Israël, et que c'étaient les colons juifs qui avaient fait des miracles en sortant des jardins d'un sol aride. C'est une vision biaisée. La prospérité qui a fait du Liban la « Suisse du Moyen-Orient » dans les années 1950-60 était en partie due aux Palestiniens, qui s'y sont installés après avoir été chassés de leurs villes lors de la Nakba [les expulsions durant la guerre de 1948 lors de la création de l'Etat d'Israël, ndlr]. D'où sont-ils venus, ces Palestiniens ; détenteurs de capitaux et éduqués, qui sont devenus des acteurs de la vie économique, culturelle et intellectuelle qui a fait l'éclat du Beyrouth d'avant-guerre (Guerres du Liban : 1975-1990) ? Ils ne pouvaient pas venir d'un désert…

Yara El Khoury, le sort des Libanais indiffère-t-il aussi en Occident ?

YK : Le Liban est perçu différemment de la Palestine ; sa souveraineté est reconnue, il bénéficie d'un fort capital de sympathie en Occident, donc les incursions de l'armée israélienne peuvent soulever l'indignation plus qu'à Gaza et en Cisjordanie. Il faut d'ailleurs avouer que les Libanais eux-mêmes (et j'en fais partie), ne croyaient pas pouvoir subir le même sort que Gaza. Cela paraissait insensé, impensable. Aujourd'hui, beaucoup pensent qu'ils sont plongés dans une guerre qui n'est pas la leur, pour une cause juste, la cause palestinienne, mais pour laquelle ils ont payé un prix déjà très important depuis plus de 50 ans. Il y a comme un sentiment que l'histoire les a abandonnés, une perte de sens. Pendant longtemps, on a attendu qu'Israël se retire du sud-Liban, ça a été fait en 2000. On a attendu que l'armée syrienne parte, ça a été fait en 2005. Alors, pourquoi sommes-nous encore en guerre ?

Karim Kattan, pour certains, l'histoire commence le 7 octobre. Mais les violences contre les Palestiniens n'étaient-elles pas continues et diffuses, même avant ce massacre ?

KK : Ce refus de dénoncer les souffrances palestiniennes n'est pas nouveau, mais il est flagrant depuis un an. J'observe un rejet manifeste de voir ce qui se passe en Israël-Palestine dans le cadre d'un contexte matériel, historique et politique. Beaucoup de journalistes ont failli à leur devoir de contradiction et de contextualisation. On me demande sans cesse, « Pourquoi la voix des Palestiniens est-elle étouffée ? » Mais c'est aux Européens de répondre, pourquoi le système médiatique semble interdire quasiment toute réflexion sur la question palestinienne ? Je suis d'autant plus sidéré que j'avais naïvement confiance dans la possibilité du dialogue. Je ne disais pas cela avant, mais, de fait, il y a une censure qui s'exerce en France. C'est inquiétant pour nous, c'est surtout très inquiétant pour les Français.

La parole des journalistes palestiniens est remise en cause, ils sont parfois associés au Hamas. Comment expliquer ces suspicions ?

KK : Il y a un impensé colonial qui régit une grande partie de la pensée française, qui fait qu'on ne croit pas tout à fait un Arabe. Pour parler du nombre de Palestiniens tués par Israël, les médias occidentaux répètent sans cesse « selon le ministère de la Santé administré par le Hamas, mouvement terroriste, etc. », en prétendant être objectifs. Mais on oublie de rappeler l'essentiel, les informations ne sont pas vérifiables par d'autres médias parce qu'Israël interdit aux journalistes d'entrer à Gaza. Dans ce contexte, et parce que les Palestiniens à Gaza ne sont pas écoutés, ma parole, moi qui suis à Paris, est davantage présente dans les médias. En tant qu'écrivain, je préfère le temps long, les contradictions, l'hésitation, je suis dans une réalité discursive qui n'est pas forcément celle du champ médiatique, mais je tiens aussi à parler de ce qu'il se passe. C'est à double tranchant, car je suis censé m'exprimer sur tout, je me redécouvre politiste, historien, spécialiste du droit international. Une variété de compétences est exigée de nous, Palestiniens, pour apporter notre regard sur la situation en Israël-Palestine.

Yara El Khoury, la représentation du narratif israélien dans le champ public est-il aussi problématique pour les Libanais ?

YK : Il y a des limites qu'on ne peut pas franchir dans les pays occidentaux, un consensus établi qui doit être respecté et une vision de l'histoire qui doit être maintenue, sous peine de voir un édifice intellectuel et moral s'effondrer. C'est très problématique, et cela freine la réflexion. Mais ce que j'ai envie de dire à Karim Kattan, c'est qu'heureusement, il peut parler, même si cela lui paraît minime. Pendant très longtemps, le problème du monde arabe était que sa voix était inaudible. Mais depuis le 7-Octobre, surtout dans la sphère anglophone, nous avons vu des talents du monde arabe s'exprimer haut et fort. Le monde arabe a retrouvé une parole qui lui avait été confisquée pendant longtemps. Cela donne de l'espoir.

KK : C'est vrai. Il y a une différence colossale entre les champs francophone et anglophone sur la production concernant Gaza. De nombreux Palestiniens sont anglophones, c'est probablement la raison principale. Mais selon moi, les Palestiniens font aussi face à un autre problème. Beaucoup d'intellectuels produisent des choses exceptionnelles, mais nous sommes archipélisés. Un Palestinien à Gaza, en Cisjordanie, un Palestinien de 48 [descendants des Palestiniens restés après la création d'Israël, détenteurs du passeport israélien], un réfugié de l'intérieur [réfugié palestinien dans les territoires palestiniens occupés] et de l'extérieur [réfugié palestinien hors des territoires palestiniens, majoritairement au Liban, en Jordanie et en Syrie]. n'ont pas les mêmes moyens. Ces variétés de réalités créent une atomisation de la pensée.

La guerre à Gaza dure depuis plus d'un an, de même au Liban, où elle s'est accélérée le 23 septembre. Chaque jour, des dizaines de personnes sont tuées par l'armée israélienne dans une indifférence grandissante. Les Palestiniens et les Libanais ont-ils contre eux le temps ?

YK : Oui, si la guerre continue à ce rythme, il n'y aura plus rien à Gaza, au Sud-Liban et dans la banlieue-sud de Beyrouth. Et même si les combats cessent demain au Liban, les problèmes générés par la guerre sont monstrueux. Au niveau de la région, on a pavé la voie à 100 ans de conflits futurs. Quant au Liban, il semble perdu, les perspectives sont très sombres.

KK : La société israélienne entre dans une ère d'incertitude extrêmement dangereuse, pour tous ceux qui l'entourent, mais aussi pour elle-même. Le futur me fait peur. La catastrophe à Gaza est irréversible. Même s'il y a un cessez-le-feu aujourd'hui, Gaza est inhabitable. Que va devenir la génération de Palestiniens mutilés ? Sans même parler des mutilés, cela paraît anecdotique pour les Européens, mais quel sera le futur des enfants palestiniens qui ont raté l'école pendant un an ? Les générations à venir ont été anéanties. Ceci va façonner la société palestinienne en mal. Les perspectives sont désastreuses.

25.11.2024 à 08:51

L'inquiétante explosion des actes violents envers les travailleurs – et surtout les travailleuses – de la santé

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Teresa Valle a subi plusieurs agressions, mais elle se souvient de la première beaucoup plus clairement que des autres. C'était en 2007, dans la salle d'attente du service des urgences. Alors enceinte de huit mois, elle s'approche d'un patient souffrant d'une forte rage de dents. Pour le soulager pendant l'attente, elle lui apporte un analgésique et un verre d'eau. « Il me l'a jeté au visage », explique la doctoresse en revivant la scène, 17 ans plus tard. « Cela ne m'a pas blessé (…)

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Teresa Valle a subi plusieurs agressions, mais elle se souvient de la première beaucoup plus clairement que des autres. C'était en 2007, dans la salle d'attente du service des urgences. Alors enceinte de huit mois, elle s'approche d'un patient souffrant d'une forte rage de dents. Pour le soulager pendant l'attente, elle lui apporte un analgésique et un verre d'eau. « Il me l'a jeté au visage », explique la doctoresse en revivant la scène, 17 ans plus tard. « Cela ne m'a pas blessé physiquement, mais cela m'a blessé en mon for intérieur. »

Après cette première agression, il y en a eu une deuxième, une troisième, puis une quatrième. Il y a eu des menaces de mort, des insultes, des tentatives de gifles. Il y a eu plusieurs procès et plusieurs ordonnances d'éloignement. Tel est le bilan de 20 ans d'exercice de la médecine, l'envers d'une vocation auquel elle ne s'attendait pas. « Je n'étais pas la seule touchée, tous mes collègues l'étaient aussi. À la fin de notre service en fin début de soirée, nous avions l'habitude de nous raccompagner les uns les autres jusqu'à la voiture, par précaution ».

Les professionnels de la santé sont régulièrement victimes de violences ; ils sont la cible facile d'une société qui a choisi de décharger sa colère sur ceux qui sont là pour la soigner. Ce phénomène touche le monde entier.

À travers le monde, 25 % des victimes de violence au travail sont des soignants, et plus de 60 % d'entre eux ont subi une forme ou autre de violence.

C'est le symptôme d'une pathologie sociale (de manière générale, la violence au travail touche aujourd'hui un travailleur sur cinq) qui se propage de manière plus virulente dans le domaine de la santé. Plus que dans l'enseignement (qui représente 7 % des agressions), les transports (également 7 %) ou la police (5 %) à titre d'exemple.

Des institutions telles que l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) et l'Organisation internationale du travail (OIT) la qualifient d'« urgence internationale », avec des implications pour les professionnels eux-mêmes, mais aussi pour l'ensemble des systèmes de santé. « Un jour, un patient nous a menacés avec une paire de ciseaux », explique la Dr Valle. « Je me suis enfermée dans les toilettes, j'étais morte de peur. Pourquoi dois-je subir une telle expérience alors que je ne fais que mon travail ? »

Un manque de données

Pendant longtemps, les agressions contre le personnel soignant sont restées un problème dont on ne parlait qu'à voix basse entre collègues. « Comme pour la violence de genre, tout était caché. Le professionnel souffre parce que son rôle de guérisseur est remis en question. La victime elle-même se sent coupable. Elle sent qu'elle s'est fourvoyée et elle en a honte », analyse pour Equal Times José Manuel Bendaña, membre de l'Observatoire des agressions de l'Ordre des médecins espagnols.

Ce n'est qu'au tournant du siècle que le phénomène a été porté à la connaissance du public. En 2002, l'OMS et l'OIT ont publié les premiers « Directives cadres pour lutter contre la violence au travail dans le secteur de la santé ». Depuis lors, la priorité a été accordée à la quantification de cette violence, afin de déterminer son étendue. En 2010, l'Espagne a été l'un des premiers pays à se doter d'un observatoire. Celui-ci a été mis en place par l'Ordre des médecins après l'assassinat d'une collègue médecin perpétré par un patient.

« La collecte des données a été très difficile à mettre en place. Nous sommes encore loin de disposer de chiffres réels », admet le Dr Bendaña. En effet, toutes les agressions ne sont pas signalées, et encore moins portées devant les tribunaux (à peine 10 %, selon l'organisation).

Seules les plus graves sont recueillies, celles qui incluent des violences physiques, mais le reste des violences (les plus fréquentes selon toutes les études), telles que les insultes, les menaces, la contrainte, sont souvent passées sous silence, soit parce qu'elles sont normalisées, soit par peur des représailles.

Aujourd'hui, les données disponibles montrent une augmentation constante des agressions d'année en année, avec pour seule exception l'année 2020, la pandémie de Covid-19 ayant réduit l'assistance en face-à-face. L'année 2023 est celle du dernier record en date. En Espagne, par exemple, plus de 14.000 agressions ont été signalées, soit 24,05 pour 1.000 soignants. Cela représente quatre points de plus qu'en 2022. En France, les plaintes pour violences physiques ou verbales ont augmenté de 27 % l'an dernier. En Australie, le nombre de plaintes pour agression a crû de 56 % depuis 2017. En Inde, 75 % des médecins ont déclaré avoir été confrontés à une forme de violence et en Chine, 96 % des hôpitaux ont connu une situation similaire.

Pourtant, de nombreux pays ne disposent encore d'aucun outil pour collecter des données. En Europe, seuls l'Espagne, la France, l'Italie, le Portugal et la Belgique en disposent. D'où le projet promu par les Ordres des médecins espagnol et français qui tente de créer un formulaire d'enregistrement des agressions unique pour toute l'Europe. L'information, soulignent-ils, est essentielle, surtout pour connaître les lieux et les causes des agressions, afin d'éviter qu'elles ne se reproduisent. On sait actuellement que les salles d'urgence et les consultations de soins primaires sont les lieux où la violence se produit le plus souvent. Les infirmières et les médecins sont les plus touchés. Ceux qui travaillent seuls, la nuit ou à domicile, les plus exposés au risque. Les patients, et en second lieu les membres de leur famille, sont les principaux agresseurs. Il ne s'agit d'ailleurs pas nécessairement de personnes souffrant de problèmes de santé mentale ou d'addiction. Ce sont des patients de tous les types.

« Nous n'avons aucune protection »

En 2019, Teresa Valle prend la décision, suite aux agressions, de quitter le service des urgences de l'hôpital où elle travaille. Elle rejoint un centre médical. « Mais quand j'y suis arrivée, j'ai constaté que le nombre d'agressions dans les soins primaires était beaucoup plus élevé et que les mesures de sécurité étaient beaucoup plus déficientes ».

La doctoresse, qui est également membre du Syndicat médical andalou (SMA), compare les centres de santé à des « pièges à rats ». Bon nombre d'entre eux ne disposent pas d'agents de sécurité ou de salles de consultation connectées entre elles pour faciliter la fuite en cas d'urgence. « Je me suis retrouvée à travailler avec un agresseur à la porte sans pouvoir quitter le cabinet. Nous sommes sans protection, sans défense face à une agression ».

En Espagne, depuis l'an 2000, de nouvelles mesures de sécurité ont été intégrées dans les établissements de santé, comme l'application Alertcops pour faciliter la communication avec les forces de sécurité, des cours pour apprendre à détecter les signes de menace ou à répondre aux comportements hostiles ou encore la création du poste d'Interlocuteur de la police pour les soignants. Le Code pénal a même été modifié pour que les agressions contre les soignants soient assimilées à des atteintes à l'autorité (bien que seules les blessures graves et les menaces soient considérées).

Dans d'autres pays, il existe des systèmes de vidéosurveillance, des détecteurs de métaux et des registres des agresseurs. En Italie, certains syndicats ont même demandé l'intervention de l'armée. Le renforcement de la sécurité semble être l'élément le plus urgent, mais suffit-il d'aborder le problème sous le seul angle de la sécurité ?

Une société à fleur de peau, un système qui ne réagit pas

« La société que nous rencontrons est un miroir de la société réelle. Le niveau de crispation et d'agressivité se transmet également au secteur des soins de santé », explique Paloma Repila, du Syndicat infirmier SATSE. Ce climat tendu est également alimenté par un décalage par rapport aux attentes. Le principal élément déclencheur de la violence est lié au manque d'attention « perçu » par le patient.

« Le patient est davantage responsabilisé, mais pas de manière positive ; il n'est ni plus informé ni plus autonome », explique Mme Repila. « Le problème est que les gens vont voir le médecin ou l'infirmière en exigeant ce que ceux-ci doivent faire. Cela génère des attentes irréalistes et nuit à la confiance et au respect. »

Par ailleurs, les soins ne répondent pas aux attentes parce que le système est défaillant. La détérioration des soins de santé publics (où se produisent 80 % des agressions par rapport aux soins de santé dans le privé) est étroitement liée à l'augmentation de la violence, comme l'admet, par exemple, l'Association médicale mondiale : « le manque de personnel, les longs délais d'attente, les salles bondées, le manque de confiance dans le personnel soignant seraient autant d'éléments qui contribuent à la violence ».

Des études ont montré que le nombre d'agressions est plus élevé lorsqu'il y a moins d'infirmières, ou que la précarité, le caractère intérimaire et le stress chez les professionnels de la santé sont des facteurs prédictifs d'un comportement violent. « Il existe un lien direct : les conditions de travail précaires, telles que le travail intérimaire ou à temps partiel, exposent souvent davantage les soignants et les privent de soutien, ce qui aggrave leur vulnérabilité face à la violence. Ce sont aussi ces travailleurs qui sont les moins susceptibles de signaler les abus par crainte de représailles. Les taux de syndicalisation sont nettement plus faibles parmi les travailleurs précaires, ce qui limite leur protection et le soutien des syndicats », explique à Equal Times la Fédération syndicale européenne des services publics (FSESP).

Suffit-il dès lors de renforcer la sécurité pour résoudre le problème ? « Bien sûr que non », soulignent Javier Rodríguez et Alejandra Martínez, membres de l'Observatoire d'anthropologie médicale (OAM) et auteurs de l'étude la plus récente sur la violence à l'encontre des soignants en Espagne. Ils décrivent le phénomène à travers la métaphore d'un arbre dont les feuilles représenteraient la violence des patients (physique ou verbale), le tronc, la violence institutionnelle exercée par les gestionnaires (qui comprend la surcharge administrative ou le manque de soutien aux travailleurs) et les racines, la violence structurelle (manque de ressources, conditions précaires, manque de sécurité de l'emploi).

« La violence, c'est par exemple de ne vous donner que cinq minutes pour vous occuper d'un patient », déclare M. Rodríguez.

D'après l'étude, ces trois types de violence interagissent et se renforcent mutuellement. « C'est pourquoi nous devons commencer par les racines et le tronc », déclare Mme Martínez, « afin que les feuilles puissent être différentes ». Cela inclut des mesures législatives (en Espagne, par exemple, des appels sont lancés depuis longtemps en faveur d'une loi commune sur l'agression pour l'ensemble du pays), de mesures judiciaires (notamment l'amélioration des mécanismes de signalement), de mesures organisationnelles (davantage de personnel, de temps de travail, de meilleures conditions de travail) ou même de mesures environnementales (éviter les salles d'attente trop petites ou mal aménagées). Toutes ces mesures figuraient déjà dans les directives publiées par l'OMS et l'OIT en 2002. « Changer et améliorer les pratiques de travail est un moyen très efficace et peu coûteux de désamorcer la violence », précise le document.

« Nous devons nous doter de politiques générales et sectorielles pour mieux prévenir la violence, et ces politiques doivent être conçues en collaboration avec les syndicats et les travailleurs », insiste la FSESP. « C'est précisément ce que nous avons commencé à faire dans l'UE en négociant une nouvelle série de directives sur la violence sur le lieu de travail. Bien qu'elles ne soient pas contraignantes, elles peuvent avoir un impact significatif sur les politiques nationales ».

Un consensus se dégage sur le fait qu'« aucune agression n'est justifiée », mais aussi sur le fait qu'il est possible d'agir pour empêcher que se crée un mauvais terreau. « Il est indispensable d'améliorer la formation générale en matière de santé », déclare la Plate-forme des organisations de patients (POP) en Espagne. D'après leur propre enquête menée auprès de patients souffrant de maladies chroniques, leur niveau de satisfaction à l'égard des soins de santé est faible, particulièrement depuis la pandémie. Ainsi, 43 % des personnes interrogées ont déclaré qu'elles ne comprenaient pas bien la communication de leur diagnostic. « Il faut incontestablement améliorer et renforcer l'information et la communication entre le patient et le soignant », souligne la Plate-forme.

Le facteur du genre

Les données servent à prévenir, mais aussi à faire apparaître d'autres types de causes sous-jacentes, comme le facteur du genre. En effet, 78 % des victimes d'agressions contre le personnel soignant sont des femmes. Elles reçoivent deux fois plus d'insultes et de menaces.

D'aucuns pourraient faire valoir que cela s'explique par le fait que les femmes représentent 67 % des emplois dans le secteur de la santé au niveau mondial et qu'elles sont donc davantage exposées aux risques d'un point de vue statistique. Mais, comme le soulignent certaines études, cela constituerait une simplification excessive.

La violence à l'encontre des travailleuses est un problème structurel dans un secteur où elles sont plus nombreuses que les hommes. Elles n'occupent que 25 % des postes dirigeants, mais sont surreprésentées dans les postes les plus susceptibles d'être victimes d'agressions.

À cela s'ajoute le fait que de nombreuses agressions ont une composante sexiste, y compris les cas de harcèlement sexuel, qui représentent 12 % de la violence à l'encontre des soignants. « Certains patients vous manquent de respect parce que vous êtes une femme, ils s'enhardissent et vous regardent d'une manière différente », explique la Dr Valle.

Outre le genre, l'étude d'Alejandra Martínez et Javier Rodríguez recommande également d'analyser d'autres variables, telles que l'âge, la nationalité ou la religion, en référence à l'arrivée progressive de soignants d'origines diverses. Dans tous les cas, des recherches supplémentaires sont nécessaires. D'autant plus que le coût de ce type de violence est de plus en plus élevé.

Il se traduit, entre autres, par des niveaux plus élevés de stress, d'anxiété et de syndrome d'épuisement professionnel (« burnout »). « Rien ne répare les dégâts que l'on subit à l'intérieur de soi. Vous retournez au travail avec la peur au ventre, la peur que cela vous arrive à nouveau ; vous pesez vos mots, vous ne faites pas votre travail comme il se doit, c'est-à-dire de manière détendue et en toute sécurité. Et cela n'affecte pas uniquement le médecin, l'agression a des répercussions sur tous les patients », explique la Dr Valle.

« Certaines de mes collègues ont réduit leur journée de travail ou ont refusé de travailler dans un centre donné après avoir été agressées », dénonce Paloma Repila, du Syndicat infirmier. « La violence entrave la liberté professionnelle et affecte même le salaire. »

Selon les projections de l'OMS, on estime que d'ici 2030, 18 millions de nouveaux soignants seront nécessaires pour répondre aux besoins sanitaires au niveau mondial. Il sera difficile de les attirer dans le secteur s'ils continuent à se rendre au travail avec l'estomac noué.

22.11.2024 à 05:00

Khaing Zar Aung, syndicaliste birmane en exil : « Les travailleurs sont soumis à des conditions proches de l'esclavage, mais les propriétaires d'usines savent que les marques étrangères ne partiront pas »

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Le 1er février 2021, le monde assiste à un coup d'État militaire en Birmanie. Le gouvernement élu est renversé et remplacé par une junte militaire, toujours au pouvoir près de quatre ans plus tard. Selon un rapport du Bureau des droits de l'homme des Nations Unies publié en septembre 2024, pas moins de 5.350 civils ont été tués depuis lors. En outre, plus de la moitié de la population vit aujourd'hui en dessous du seuil de pauvreté, principalement en raison des violences perpétrées par les (…)

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Texte intégral (3544 mots)

Le 1er février 2021, le monde assiste à un coup d'État militaire en Birmanie. Le gouvernement élu est renversé et remplacé par une junte militaire, toujours au pouvoir près de quatre ans plus tard. Selon un rapport du Bureau des droits de l'homme des Nations Unies publié en septembre 2024, pas moins de 5.350 civils ont été tués depuis lors. En outre, plus de la moitié de la population vit aujourd'hui en dessous du seuil de pauvreté, principalement en raison des violences perpétrées par les forces armées nationales.

En novembre dernier, le Conseil d'administration de l'Organisation internationale du Travail (OIT) a pris la rare décision d'invoquer l'article 33 de la Constitution de l'OIT contre la junte militaire. Il a exclu cette dernière de ses réunions de gouvernance et a mis fin à toute assistance technique, la Birmanie n'ayant appliqué aucune des recommandations du rapport de la Commission d'enquête de l'OIT de 2023 sur le non-respect des conventions de l'OIT relatives à la liberté d'association et au travail forcé. Le Conseil d'administration examinera un projet de résolution sur les mesures à prendre en mars 2025, avant qu'une décision finale ne soit adoptée lors de la Conférence internationale du travail qui se tiendra en juin 2025.

Ce n'est pas la première fois que l'OIT invoque l'article 33 à l'encontre de la Birmanie. En 2000, après des décennies de régime militaire répressif, l'OIT avait pris des mesures sans précédent à l'encontre de ce pays en raison des graves violations commises dans le cadre du travail forcé. L'invocation de l'article 33 a eu un impact puissant, car elle a permis d'exercer une forte pression sur le régime militaire de l'époque et de renforcer son isolement diplomatique, ce qui a finalement conduit à l'introduction de réformes démocratiques limitées, pendant la période allant de 2010 au coup d'État de février 2021. Les dirigeants syndicaux de la Birmanie estiment que les sanctions internationales et les actions de l'OIT pourraient accélérer un changement politique significatif dans le pays.

Khaing Zar Aung, présidente de la Fédération des travailleurs industriels de Birmanie et membre du comité de la Confédération des syndicats de Birmanie, est la lauréate 2024 du prestigieux Prix international Arthur Svensson pour les droits syndicaux. Dans cette entrevue accordée à Equal Times, elle partage son point de vue sur la feuille de route visant à restaurer la démocratie en Birmanie et sur le rôle essentiel que jouent les syndicats pour soutenir cet effort.


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Près de quatre ans après le coup d'État, quelle est la situation des travailleurs en Birmanie, en particulier des syndicalistes ?

La situation en Birmanie s'aggrave. Nous sommes confrontés à une oppression terrible [torture, meurtres, disparitions, déplacements et incendies de maisons] ; certains de nos dirigeants ont été déchus de leur citoyenneté et ont été contraints de vivre dans la clandestinité. De nombreux membres se cachent également, soit à l'intérieur du pays, soit aux frontières des pays limitrophes [comme la Thaïlande]. Certains ont été arrêtés et mis en prison, où ils ont subi des violences physiques et sexuelles. Ceux qui restent dans les usines ne peuvent pas ouvertement s'identifier comme membres d'un syndicat, mais il leur incombe de [défendre] leurs droits du travail et de recueillir des informations cruciales. Nous faisons très attention à les protéger. Les directeurs d'usine inspectent fréquemment les téléphones des travailleurs pour savoir qui ils ont contacté. Parfois, après avoir pris leur téléphone, ils le rendent avec un avertissement : « Nous savons ce que tu fais. Fais attention. »

Afin de mettre les choses en perspective, quels changements le travail des syndicats avait-il apportés à la vie des travailleurs avant le coup d'État ?

Les exemples sont nombreux. Par exemple, dans les usines de vêtements, des milliers de personnes ont vu leur vie s'améliorer grâce à une augmentation de leur salaire. En 2015, nous avons contribué à l'introduction du tout premier salaire minimum et permis aux jeunes d'accéder à l'enseignement universitaire. Nous avons veillé à ce que les prestations de sécurité sociale soient appliquées à tous les travailleurs. Nous avons été très actifs dans le domaine de l'éducation et nous organisions plusieurs séances de formation par semaine. Je me sentais tellement heureuse parce qu'ils avaient un jour de congé par semaine. Ils ne devaient travailler que huit heures avec deux heures supplémentaires en plus. Les gens avaient ainsi plus de temps à consacrer à leur famille. Je n'ai jamais eu le temps ni l'argent pour voyager, mais nos travailleurs pouvaient le faire.

Dans le contexte actuel, quelles sont les questions urgentes qui affectent les travailleurs des différents secteurs ?

En raison du conflit armé, de nombreux agriculteurs ont été contraints d'abandonner leurs maisons et leurs champs. La Birmanie compte aujourd'hui plus de 3 millions de personnes déplacées à l'intérieur du pays. Même pour les paysans qui sont restés chez eux, il est devenu pratiquement impossible de cultiver en raison de l'inflation et du coût élevé des engrais et d'autres produits essentiels.

Dans le secteur de la construction, les ouvriers perdent leur emploi depuis 2021. L'armée contrôle les banques et limite les retraits d'argent, ce qui empêche de nombreuses entreprises de poursuivre leurs activités. En raison du conflit armé, le secteur de la construction s'est complètement effondré, tout comme le secteur de l'hôtellerie et du tourisme. La Birmanie est confrontée à une récession économique et plus de la moitié de la population a besoin d'aide humanitaire.

Le secteur minier a été gravement touché. Presque toutes les activités minières ont cessé depuis 2021, lorsque plus de 90 % des mineurs ont rejoint le Mouvement de désobéissance civile [NDLR : le MDC, la résistance civile active contre le coup d'État]. Ces travailleurs ont perdu leur emploi, mais sont restés dans la région, même s'ils subissent la répression de l'armée. Non seulement nos membres ont perdu leur emploi, mais certains ont également perdu leur maison, car la junte a incendié des maisons ou des villages. Les travailleurs du secteur de la confection ont fait face à des défis similaires.

Maintenant, la situation globale des travailleurs est vraiment mauvaise. Ils gagnent environ 1,2 dollar US par jour (0,95 euro), voire moins, et le travail forcé se répand. Les marques internationales de vêtements ne disposent pas de suffisamment de poids pour s'assurer que les entreprises avec lesquelles elles travaillent respectent leur code de conduite. En effet, sans syndicats, elles ne peuvent pas obtenir d'informations complètes sur ce qui se passe réellement. Par ailleurs, les représailles exercées par les employeurs sont très graves et affectent les travailleurs et leurs familles.

Et quelles sont les raisons de ces représailles

Ces représailles surviennent lorsque des travailleurs tentent de signaler un problème — une violation d'un droit du travail dans une usine — à leurs dirigeants syndicaux ou aux médias.

Nous avons connaissance de travailleurs qui ont évoqué les droits des travailleurs et qui ont été enlevés dans leur usine. D'autres ont été pourchassés par des groupes d'inconnus alors qu'ils rentraient chez eux le soir après le travail. Des menaces de mort ont même été proférées.

Mais même pour moi, bien que je vive en dehors de la Birmanie, la situation devient également dangereuse. Et ce, parce que les marques font reposer un lourd fardeau sur nous. Par exemple, dans les cas de non-paiement des salaires qui touchent 700 à 3.000 travailleurs, lorsque nous signalons que les travailleurs ne sont pas payés, la marque nous demande [aux travailleurs et aux syndicats] de gérer le problème nous-mêmes en négociant avec l'usine. Si l'usine est poussée à payer (parce que nous demandons à la marque d'arrêter les commandes tant que les salaires ne sont pas payés), je deviens alors la raison pour laquelle l'usine a « perdu » 800.000 dollars US (760.680 euros), ou 200.000 dollars US (190.117 euros) ; ce qui s'est bel et bien produit en 2021. Autre exemple, le président du syndicat qui a participé à la négociation a été pourchassé par le directeur et des inconnus une fois l'argent versé aux travailleurs. Nous lui avons demandé, à lui et à sa femme, de se mettre à l'abri. C'était terrifiant.

De nombreuses marques internationales de vêtements opèrent encore en Birmanie à un moment où nous ne pouvons plus protéger les droits des travailleurs face aux menaces constantes qui pèsent sur la sécurité des dirigeants syndicaux et de nos membres. Les menaces sont trop sérieuses. C'est la raison pour laquelle nous avons dû appeler à désinvestir de la Birmanie.

Nous rendons désormais publiques les violations commises dans les usines, en espérant que les marques prendront des mesures. Mais la situation dans le secteur du vêtement ne fait qu'empirer. Les usines savent que les marques ne quitteront pas la Birmanie. Elles se moquent des rapports des médias. Les marques et les usines font beaucoup de profits ; la Birmanie est un marché peu coûteux pour elles malgré l'absence de liberté d'association, le travail forcé, l'exploitation salariale et le harcèlement, en particulier à l'encontre des femmes. Par conséquent, les travailleurs du secteur de la confection sont aujourd'hui soumis à des conditions proches de l'esclavage.

Le travail des enfants est-il devenu un problème aujourd'hui ?

Avant la junte, le travail des enfants n'était pas très répandu. Environ 95 % des usines de notre syndicat en étaient exemptes. Nous avons syndiqué plus de 150 usines et veillé à ce que le travail des enfants n'existe dans aucune d'entre elles. Si des mineurs étaient embauchés, nous respections la loi, qui autorise les jeunes de 15 ans à travailler, mais sous certaines conditions, par exemple, de n'assurer que des tâches plus légères et de disposer de certificats médicaux prouvant qu'ils sont aptes à travailler. Dans les usines syndiquées, nous avons veillé à ce que toutes ces règles soient respectées.

L'OIT disposait d'un bureau en Birmanie et nous pouvions signaler les cas de travail forcé et de travail des enfants, ce qui a conduit à une réduction significative des violations dans le secteur de l'habillement.

Depuis le coup d'État, la situation s'est toutefois aggravée. De nombreux travailleurs ont perdu leur emploi ou ont fui le pays, ce qui a entraîné une pénurie de main-d'œuvre dans les usines. Dès lors, la conséquence est que les salaires restant faibles et de plus en plus d'enfants sont contraints de travailler, car les familles doivent pouvoir compter sur n'importe quel revenu.

Comment se présente la situation pour les jeunes en Birmanie ?

Les jeunes travailleurs sont particulièrement touchés par la loi sur la conscription militaire, qui est entrée en vigueur en février de cette année. L'armée recrute des personnes âgées de 18 à 35 ans, ainsi que des mineurs. De ce fait, les jeunes émigrent massivement vers la Thaïlande, l'Inde et les frontières de la Chine. Beaucoup souhaitent travailler dans des pays comme la Malaisie ou la Corée du Sud, mais l'armée bloque la délivrance de passeports ou de visas pour cette tranche d'âge de 18 à 35 ans.

Que se passe-t-il s'ils défient la loi sur la conscription ?

Certains parviennent encore à aller travailler à l'étranger, mais beaucoup n'ont pas les moyens de le faire légalement. Le problème de la Birmanie est donc devenu un problème régional, car de nombreux travailleurs émigrent illégalement vers des pays voisins, comme la Thaïlande, l'Inde et la Chine. Ces pays n'ont mis en place aucune politique pour faire face à cet afflux. Par exemple, la Thaïlande n'a pas de système d'accueil pour les réfugiés birmans. Et maintenant, ce pays réprime ce phénomène en arrêtant tous les jours des migrants [sans papiers]. Dans certains cas, ils les renvoient même dans leurs pays.

Et qu'advient-il de ceux qui sont renvoyés en Birmanie ?

Ces personnes courent un grand danger. Certains disparaissent. De plus, les militaires profitent désormais de la situation en exigeant que les travailleurs migrants envoient 25 % de leur salaire au pays.

Comment l'armée contrôle-t-elle les envois de fonds et comment en bénéficie-t-elle exactement ?

Si un travailleur souhaite prolonger son visa, il doit prouver à l'ambassade qu'il a envoyé 25 % de son salaire. L'argent est censé aller à la famille du travailleur, mais il est déposé dans une banque contrôlée par l'armée. La famille ne peut pas retirer la totalité de l'argent en raison de limites strictes et l'armée peut donc utiliser les fonds dans l'intervalle.

Les militaires profitent également de la manipulation du taux de change. Sur le marché, un dollar US (0,95 euro) vaut entre 4.500 et 4.800 kyats [au moment de la publication], en fonction des fluctuations. Mais le taux de change officiel du gouvernement est fixé à 2.100 kyats pour un dollar. Ainsi, lorsque l'argent est renvoyé en Birmanie, l'armée prélève en réalité plus de la moitié de sa valeur.

Comme l'économie se porte très mal, l'armée ne perçoit plus beaucoup de recettes fiscales des différents secteurs. C'est la raison pour laquelle elle s'appuie sur l'argent des travailleurs immigrés.

Pour les syndicats, quelle est la feuille de route pour un avenir sans la junte militaire ?

L'objectif est clair : nous devons écarter les militaires pour mettre fin à toutes les atrocités, à l'exploitation et à l'esclavage. Il n'y aura pas de négociation tant que nous n'aurons pas gagné. Les syndicats coopèrent avec d'autres groupes démocratiques, notamment des organes politiques, des organisations de défense des droits des femmes et des groupes représentant la jeunesse. Nous sommes unis au sein du Conseil consultatif de l'unité nationale, qui réunit des partis politiques, des groupes ethniques armés, des syndicats et la société civile. Ensemble, nous coordonnons les politiques et préparons un avenir démocratique.

Nous appliquons différentes stratégies sur le terrain. Divers groupes ethniques armés et les Forces de défense populaires combattent l'armée, pendant que nous préparons l'avenir en rédigeant une constitution fédérale démocratique. Nous avons formé des comités pour la rédaction de la constitution, la politique de l'éducation, les droits des femmes et la justice de transition, car nous voulons écarter complètement les militaires de la politique et leur faire rendre des comptes pour les crimes qu'ils ont commis.

Cependant, nous avons besoin d'une pression internationale pour éliminer les militaires. Même si les forces démocratiques contrôlent de nombreuses régions, l'armée continue de recourir aux frappes aériennes et à l'artillerie lourde, une stratégie coûteuse financée par des devises étrangères. C'est pourquoi nous demandons à la communauté internationale, en particulier à l'OIT et à l'UE, d'imposer des sanctions financières aux banques de l'armée, au secteur des assurances et aux combustibles à double usage.

L'OIT a déjà constaté que la Birmanie violait les conventions fondamentales sur la liberté d'association et le travail forcé. Nous demandons à l'OIT de prendre des mesures plus fermes en cessant d'apporter un soutien technique et financier à la Birmanie et nous encourageons également les États membres à réévaluer leurs relations avec le pays.

Selon vous, quelle efficacité peuvent avoir ces mesures et ces sanctions ?

Nous demandons aux gouvernements et aux entreprises internationales de quitter la Birmanie parce qu'ils ne peuvent pas protéger correctement les droits humains et la diligence raisonnable sous la dictature militaire. Or, ni les entreprises ni les gouvernements (y compris l'UE) ne prennent de mesures suffisantes. L'UE continue d'accorder à la Birmanie des préférences commerciales dans le cadre du régime « Tout sauf les armes » (TSA), alors que le pays viole les conventions de l'OIT et des Nations unies requises pour en bénéficier.

Si la Conférence internationale du travail de 2025 parvenait à convenir et à adopter des mesures en vertu de l'article 33 de la Constitution de l'OIT, nous pourrions engager toutes les parties de l'OIT (États membres, organisations de travailleurs et d'employeurs) à cesser toute coopération, y compris commerciale, avec la Birmanie, à moins que cette dernière n'applique les recommandations de la commission d'enquête de l'OIT visant à mettre fin à la violence, à libérer les syndicalistes emprisonnés, à rétablir les libertés civiles et à mettre un terme aux pratiques de travail forcé et aux conscriptions militaires.

La Birmanie a fait l'objet de sanctions économiques internationales dans le passé, ce qui avait poussé les militaires à organiser des élections en 2010, ce qui avait permis aux syndicats de revenir et de se mobiliser, tout comme la société civile.

Pour préparer l'avenir, quel rôle l'éducation joue-t-elle dans le mouvement syndical ?

Personnellement, j'utilise mon compte Facebook, qui compte plus de 24.000 abonnés, pour éduquer et coordonner la réforme du droit du travail. Grâce à cette plateforme, j'envoie des messages aux travailleurs, mais cela devient de plus en plus difficile. Beaucoup de gens ont vendu leur téléphone et les données Internet sont chères. En outre, l'armée impose la loi martiale, de sorte que les soldats peuvent arrêter les travailleurs sous la menace d'une arme, examiner leurs téléphones et leur extorquer de l'argent.

Malgré ces difficultés, nous n'avons pas cessé de dispenser des formations. Notre équipe a récemment indiqué qu'elle organisait des formations en ligne pour les travailleurs sur le droit du travail, la Sécurité sociale, les salaires, les congés et d'autres droits. Nous savons que nous ne pouvons pas améliorer les conditions de travail dans l'immédiat, mais nous voulons que les travailleurs comprennent leurs droits afin qu'ils soient à même de surveiller les violations et nous les signaler.

Outre la formation, je reste en contact avec les travailleurs pour les tenir informés de ce que nous faisons au niveau de l'OIT et dans le cadre de la révolution. Nous les gardons impliqués dans le mouvement, même s'ils ne peuvent pas agir ouvertement. Certains membres, même lorsqu'ils se cachent, continuent de participer à des séances de formation et d'y contribuer. Nous avons des formateurs spécialisés dans différents domaines, comme l'égalité des genres et le harcèlement, afin de garantir une éducation complète.

Nous avons également commencé à former des travailleurs migrants birmans en Thaïlande, mais ce programme est encore très limité. La Confédération des syndicats de Birmanie aide également les éducateurs engagés dans le mouvement de désobéissance civile à créer des syndicats dans le secteur de l'éducation. Nous identifions les différents groupes, nous les informons sur les syndicats et nous les aidons à collaborer avec l'OIT ou les syndicats thaïlandais.

En dépit de tout, nous continuons à organiser, car nous devons être prêts pour le moment où nous rentrerons.

19.11.2024 à 12:59

Pourquoi le futur traité onusien sur les entreprises et les droits humains doit donner la priorité aux droits des travailleurs

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Les négociations en cours aux Nations Unies en vue d'un traité contraignant sur les entreprises et les droits humains offrent une occasion unique de faire progresser les normes de conduite des entreprises au niveau mondial, ainsi que les droits humains et syndicaux.
La Confédération syndicale internationale (CSI), qui représente plus de 191 millions de travailleurs et de travailleuses à travers le monde, estime que le succès de ce traité dépend de la protection des personnes les plus (…)

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Texte intégral (1422 mots)

Les négociations en cours aux Nations Unies en vue d'un traité contraignant sur les entreprises et les droits humains offrent une occasion unique de faire progresser les normes de conduite des entreprises au niveau mondial, ainsi que les droits humains et syndicaux.

La Confédération syndicale internationale (CSI), qui représente plus de 191 millions de travailleurs et de travailleuses à travers le monde, estime que le succès de ce traité dépend de la protection des personnes les plus vulnérables dans les chaînes d'approvisionnement mondiales. Le traité doit exiger que les entreprises transnationales rendent des comptes, et veiller à ce que les droits des travailleurs ne soient pas négociables. Nous lançons ici un appel à la justice, pas seulement un appel à la réforme.

Depuis près d'une décennie, la CSI et les Fédérations syndicales internationales (FSI) font pression pour un traité fort et applicable capable de combler les lacunes du droit international qui facilitent les violations effrénées des droits humains commises par les entreprises. Il s'agit de remédier à la priorité accordée depuis longtemps aux intérêts des entreprises au détriment des droits humains. Le traité offre une occasion unique de corriger le déséquilibre entre les entreprises et les travailleurs.

Les travailleurs jouent un rôle important dans le traité contraignant sur les droits humains

Les travailleurs sont au premier plan de l'économie mondiale ; ils produisent les biens et les services qui génèrent des profits. Pourtant, ils sont souvent confrontés à des conditions de travail dangereuses, au déni des droits syndicaux et à l'exploitation, en particulier dans les chaînes d'approvisionnement complexes. Pour les organisations de la société civile, les investisseurs et les entreprises qui s'engagent en faveur des droits humains, la situation est claire : un traité sur les droits humains qui ne protège pas les travailleurs ne protège pas non plus les droits humains.

La participation des syndicats à la négociation de ce traité s'inscrit dans le cadre plus large de la défense d'une valeur primordiale de notre mouvement : la démocratie. Comme le montre notre campagne « Pour la démocratie », la démocratie n'est pas qu'un concept politique ; c'est un pilier fondamental du lieu de travail. Une véritable démocratie ne peut exister dans des sociétés où les entreprises peuvent violer les droits syndicaux en toute impunité.

Lorsque les droits des travailleurs sont bafoués, les conséquences se répercutent sur l'ensemble des communautés et des économies. Les entreprises qui ignorent ces violations, sciemment ou non, s'en rendent complices. C'est pourquoi le traité doit exiger que les entreprises rendent des comptes, non seulement sur leurs activités directes, mais aussi sur celles de leurs fournisseurs, de leurs sous-traitants et de leurs filiales. Négliger ces responsabilités contribue à perpétuer l'exploitation des travailleurs au nom du profit.

Principaux éléments devant figurer dans le traité

La CSI a clairement énoncé les composantes essentielles du traité contraignant sur les droits humains :

  • Couverture globale des droits humains : Le traité doit couvrir tous les droits humains internationalement reconnus, y compris les droits du travail. La liberté syndicale, le droit de s'organiser et des conditions de travail sûres sont fondamentaux, et non optionnels.
  • Applicabilité à toutes les entreprises : Toutes les entreprises, indépendamment de leur taille ou de leur secteur d'activité, doivent rendre des comptes. Il suffit que quelques entreprises soient exemptées de cette responsabilité pour que des millions de travailleurs se retrouvent sans protection, avec le risque de créer un dangereux précédent.
  • Réglementation extraterritoriale : Les victimes de violations des droits humains commises par des entreprises, en particulier dans des contextes transnationaux, doivent avoir accès à la justice, quel que soit l'endroit où ces violations ont eu lieu. Les États doivent exiger que les entreprises soient responsables de leurs actions à l'étranger, en garantissant des possibilités de réparation.
  • Diligence raisonnable en matière de droits humains : Les entreprises doivent adopter et mettre en œuvre des politiques de diligence raisonnable en matière de droits humains. Il est indispensable d'identifier, de prévenir et de traiter les risques liés aux droits humains avant qu'ils ne se matérialisent. Les entreprises doivent s'engager en amont pour prévenir les abus, au lieu de réagir après avoir été dénoncées dans les médias.
  • Des mécanismes d'application robustes : Un traité qui n'est pas appliqué est inutile. Il doit établir un solide système international de contrôle et d'application. Une mosaïque de normes volontaires ne suffit pas – une réglementation juridiquement contraignante est désormais nécessaire.

Pour les entreprises qui valorisent le développement durable et les droits humains, la protection des travailleurs est essentielle. Les entreprises qui assument leurs responsabilités à l'égard des travailleurs affichent une meilleure productivité, moins de risques pour leur réputation, et des relations plus fortes avec les parties prenantes. Les investisseurs cherchent de plus en plus à s'assurer que les entreprises gèrent efficacement les risques liés aux droits humains. Le traité contraignant sur les droits humains fournit un cadre permettant aux entreprises d'agir de manière responsable sur une planète mondialisée.

Les organisations de la société civile défendent depuis longtemps les droits des travailleurs, en dénonçant les violations et en soutenant les victimes d'abus. Un traité fort sur les droits humains donnerait à ces organisations les moyens de poursuivre leur travail capital et de demander des comptes aux entreprises et aux gouvernements. Le traité doit reconnaître que les travailleurs et leurs syndicats sont au centre de la question des droits humains, en veillant à faire entendre leurs voix lors de l'élaboration et de la mise en œuvre des politiques relatives aux droits humains.

Vers un nouveau contrat social

Le traité contraignant sur les droits humains ne consiste pas seulement à prévenir les abus, mais aussi à reconstruire l'économie mondiale sur la base de la justice, de l'équité et du respect des droits humains. Il s'inscrit dans le cadre d'un appel plus général à un « Nouveau contrat social » dans lequel les entreprises, les gouvernements et la société civile collaborent à la création d'une économie au service des personnes, et pas uniquement des profits.

Pour les investisseurs, le traité offre une voie vers des rendements plus stables et plus durables. La dénonciation de violations des droits humains perturbe le fonctionnement des entreprises, entraîne des risques juridiques et ternit leur réputation. En soutenant un traité sur les droits humains solide et applicable, les investisseurs promeuvent un environnement économique à la fois rentable et éthique.

Pour les entreprises, le traité permet d'instaurer la confiance, d'atténuer les risques et de faire preuve d'un véritable engagement en faveur de pratiques commerciales responsables.

Les négociations en vue d'un traité contraignant sur les droits humains dans l'entreprise sont arrivées à un stade décisif ; il est temps d'agir. Le monde nous regarde et les décisions qui seront prises dans les mois à venir façonneront le futur des droits humains dans les entreprises. La CSI est prête à travailler avec la société civile, les investisseurs et les entreprises pour assurer l'adoption d'un traité qui soit le plus solide possible.

Les droits des travailleurs sont des droits humains, et une économie mondiale qui respecte ces droits est la seule voie possible. Ensemble, nous pouvons saisir cette occasion unique de créer un cadre qui garantisse la justice pour les travailleurs, la responsabilité pour les entreprises et un avenir durable pour tous.

14.11.2024 à 05:00

Une protection sociale pour tous : un défi immense dans un monde en transition et exposé au dérèglement climatique

Chloé Maurel
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Avec la création de l'OIT, puis de l'ONU, « la sécurité sociale est devenue un droit humain fondamental et a été codifiée comme telle dans des traités internationaux » comme le Pacte de l'ONU sur les droits économiques et sociaux de 1966, ainsi que le rappelle le Centre Europe Tiers monde (CETIM). Cependant, comme l'observe le CETIM, « 80 % de la population mondiale se trouve exclue, totalement ou partiellement, du système de la sécurité sociale. Pire, la mise en œuvre des politiques (…)

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Texte intégral (1995 mots)

Avec la création de l'OIT, puis de l'ONU, « la sécurité sociale est devenue un droit humain fondamental et a été codifiée comme telle dans des traités internationaux » comme le Pacte de l'ONU sur les droits économiques et sociaux de 1966, ainsi que le rappelle le Centre Europe Tiers monde (CETIM). Cependant, comme l'observe le CETIM, « 80 % de la population mondiale se trouve exclue, totalement ou partiellement, du système de la sécurité sociale. Pire, la mise en œuvre des politiques néolibérales au niveau planétaire, depuis trois décennies, va dans le sens d'un démantèlement ou, du moins, d'un affaiblissement de la sécurité sociale dans les pays où cette dernière avait été pourtant institutionnalisée et universalisée avec succès après la Seconde Guerre mondiale ».

Qu'en est-il aujourd'hui et quelles sont les tendances pour l'avenir ?

Un nouveau rapport de l'OIT donne des éléments de réponse. Sous-titré Protection sociale universelle pour l'action climatique et une transition juste, il associe deux problématiques importantes : le changement climatique et la protection sociale. En effet, les auteurs observent que si, désormais, plus de la moitié de la population mondiale est couverte par une forme de protection sociale, néanmoins 3,8 milliards de personnes, surtout dans les pays du Sud global, ne bénéficient toujours d'aucune forme de protection sociale.

Or, c'est un impératif, car cela fait partie des droits humains promus par l'ONU. Le droit à la santé, à la protection sociale, est un droit économique et social.

Les atteintes à l'environnement : accélérateurs d'inégalités sociales

Le changement climatique, la pollution et l'appauvrissement de la biodiversité, sont identifiés par les auteurs du rapport comme compromettant gravement l'avenir de la frange la plus vulnérable de la population mondiale. Le rapport appelle à y répondre d'urgence en « évoluant rapidement vers une transition juste », plus précisément en permettant l'avènement d'une « protection sociale universelle ». Car les pays pauvres – et leurs habitants – sont moins bien dotés que les pays riches pour faire face aux événements climatiques extrêmes et aux épidémies.

Toutefois, dans les régions favorisées, comme en Europe, inégalités sociales et environnementales s'alimentent également et les personnes les plus pauvres sont souvent plus durement touchées par les catastrophes écologiques ou par la précarité énergétique. Celles-ci sont plus exposés aux polluants et aux problèmes de santé environnementale. Mathilde Viennot, spécialiste des questions d'inégalités et de protection sociale, rappelle que les événements climatiques, tels que les inondations, ouragans, canicules, sécheresse, « ont causé 142.000 décès supplémentaires et coûté 510 milliards d'euros au continent européen au cours des 40 dernières années, selon l'Agence européenne de l'environnement. Ces chiffres ne cessent de croître et de mettre sous tension les modèles de protection et les systèmes de soins ».

S'inscrivant dans le cadre du suivi du Programme de développement durable à l'horizon 2030, le rapport de l'OIT relève les progrès réalisés au niveau mondial concernant l'extension de la protection sociale. S'appuyant sur ces observations, il appelle les dirigeants politiques et les partenaires sociaux à accroître leurs efforts, observant qu'une bonne protection sociale aide les populations à être plus résilientes face au changement climatique.

Le rapport observe que, actuellement, pour la première fois, plus de la moitié de la population mondiale (52,4%) est désormais couverte par au moins une prestation de protection sociale, par rapport à 42,8 % en 2015.

Malheureusement, cela signifie que si l'évolution se poursuit à ce rythme sur le plan mondial, il faudrait encore 49 ans – jusqu'en 2073 – pour que chaque personne soit couverte par au moins une prestation de protection sociale.

Le rapport pointe donc une « perspective décourageante » : les pays les plus vulnérables à la crise climatique sont extrêmement mal préparés, car dans les 20 pays les plus vulnérables à la crise climatique, seulement 8,7 % de la population est couverte par une certaine forme de protection sociale ; au total, 364 millions de personnes ne bénéficient d'aucune protection.

Environ 75% de la population au sein des 50 pays les plus vulnérables face au climat ne bénéficie pas de couverture sociale. Ce qui signifie que « 2,1 milliards de personnes doivent faire face actuellement aux ravages du dérèglement climatique en ne disposant d'aucune protection, ne pouvant compter que sur leur savoir-faire et sur leurs proches pour résister ».

Le rapport souligne qu'aujourd'hui, sur un ensemble de 164 pays étudiés, 83,6 % de leur population a le droit d'accéder aux services de santé gratuitement ou presque. Mais cette proportion est inférieure à 2/3 dans les pays à faible revenu.

Les dépenses de santé à la charge des ménages restent un véritable problème de justice sociale. Elles auraient poussé 1,3 milliard de personnes dans la pauvreté, en 2019, selon l'étude. Une couverture sociale universelle (CSU) serait donc l'une des réponses proposées pour y faire face. La CSU rejoint l'objectif de « socle de protection sociale » (SPS), promu par l'OIT avec la collaboration de l'OMS, depuis 2010, et qui vise à « créer une base solide pour la croissance économique, offrir une assurance sociétale contre la pauvreté persistante et atténuer les conséquences des chocs économiques et des crises. »

Les pays du Sud global en pointe pour favoriser l'avènement de la CSU

Il y a au sein des Nations unies des forces qui poussent dans un sens progressiste, en faveur de la CSU, une idée qui fait son chemin depuis une quinzaine d'années, notamment sous la pression des pays du Sud global. En décembre 2012, la résolution « Santé globale et politique étrangère » de l'Assemblée générale de l'ONU, adoptée à une très large majorité, a reconnu l'importance de la CSU.

Ce document définit la CSU comme l'accès de tous à des services de santé et à des médicaments de base à la fois de qualité et abordables pour les usagers. C'est une étape importante, dans laquelle l'OMS a joué un rôle, puisqu'en 2008, cette organisation a estimé que faire payer les soins à l'usager constitue la « méthode la plus inéquitable pour financer les services de santé ». L'OMS, qui soutient la mise en place de la CSU, a appelé à un vaste effort redistributif des pays riches envers les pays pauvres.

Lors de son allocution à la 65e Assemblée mondiale de la santé, en mai 2012, Margaret Chan (alors Directrice générale de l'OMS) a affirmé que « la couverture universelle en matière de santé constitue le concept le plus efficace que la santé publique puisse offrir ».

Plusieurs gouvernements ont déjà commencé à aller dans ce sens : la Chine, la Thaïlande, l'Afrique du Sud et le Mexique sont parmi les premières puissances émergentes à avoir accru de manière importante leurs dépenses publiques de santé. Nombre de pays du Sud global comme l'Indonésie, l'Inde, le Vietnam, le Mali, la Sierra Leone, la Zambie, le Rwanda, le Ghana et la Turquie l'incluent dans leurs priorités nationales et/ou ont instauré des systèmes d'accès gratuit aux soins pour une partie de la population, soit les premiers jalons vers la création d'une CSU.

L'Equateur a, dans sa nouvelle constitution de 2008, affirmé le droit à la santé et à la gratuité des services publics de santé, comme le souligne la ministre équatorienne de l'époque Carina Vance. Le Sénégal, pour sa part, a adopté la CSU en 2013. Puis, en 2015, a CSU a été inclue dans les objectifs du développement durable de l'ONU (ODD 3.8).

Une mise en œuvre complexe

Certains gouvernements estiment toutefois que sa définition reste imprécise et sa mesure incertaine. Les moyens à mettre en œuvre sont laissés à la souveraineté des États (conseillés et soutenus par les organisations internationales, mais aussi les ONG, les fondations, les entreprises privées, etc.) en fonction des priorités et contextes nationaux. Or, dans beaucoup de pays, la santé est aussi un « marché », où opèrent de nombreux acteurs, avec une vision écartelée entre bien public et intérêts lucratifs.

Comme le fait Nathalie Janne d'Othée pour un rapport sur la dette sociale publié en 2016 par le CADTM (Comité pour l'abolition des dettes illégitimes), il faut aussi rappeler que beaucoup de pays ont été obligés de « réduire les dépenses publiques et libéraliser les services publics », sous la pression de la Banque mondiale et du FMI, « avec les plans d'ajustement structurel imposés aux pays en développement en proie à la crise de la dette dans les années 80-90 ».

« À peine une décennie plus tard, les experts reconnaissaient déjà les failles de ce modèle […] Pourtant, malgré cet échec évident du libre-échange et de l'austérité, la même recette est aujourd'hui ressortie pour sortir l'Europe de la crise économique. Les plans d'austérité imposés à la Grèce ont par exemple des conséquences directes sur l'accès aux soins de santé et donc sur l'état de santé de la population grecque », écrit la chercheuse.

C'est pour tout cela qu'ont été créées une structure soutenue par l'ONU appelée « CSU2030 » qui « constitue une plateforme où le secteur privé, la société civile, les organisations internationales, les milieux universitaires et les organisations gouvernementales peuvent collaborer pour accélérer les progrès équitables et durables vers la CSU et pour renforcer les systèmes de santé au niveau mondial et national », ainsi qu'une journée mondiale de sensibilisation, qui a lieu tous les 12 décembre.

En conclusion, il appartient aux forces progressistes de modeler les concepts de droit à la protection sociale et de couverture sanitaire universelle dans le sens de la justice sociale. Le rapport 2024-2026 de l'OIT sur la protection sociale, en y ajoutant l'urgence constituée par les bouleversements climatiques, y contribue.

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