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27.11.2025 à 08:00
Décembre 2022, trois jours durant à 185 kilomètres au sud-est de Ouagadougou, 42 délégués syndicaux ont suivi à Tenkodogo un atelier de formation, animé autour d'une expression principale : « transition juste ». À travers ce concept, la Confédération syndicale burkinabè (CSB) s'est engagée à humaniser la transition écologique qu'imposent les chocs climatiques et environnementaux toujours plus intenses, tels que la sécheresse, la dégradation de terres, les fortes chaleurs, les inondations. (…)
- Actualité / Burkina, Travail décent, Agriculture et pêche, Crise climatique, Syndicats, Transition justeDécembre 2022, trois jours durant à 185 kilomètres au sud-est de Ouagadougou, 42 délégués syndicaux ont suivi à Tenkodogo un atelier de formation, animé autour d'une expression principale : « transition juste ». À travers ce concept, la Confédération syndicale burkinabè (CSB) s'est engagée à humaniser la transition écologique qu'imposent les chocs climatiques et environnementaux toujours plus intenses, tels que la sécheresse, la dégradation de terres, les fortes chaleurs, les inondations.
Ces chocs climatiques et environnementaux affectent durement l'emploi, notamment dans les secteurs de l'agriculture, de l'élevage ou de la pisciculture, menaçant aussi la sécurité économique, limitant l'accès à des opportunités professionnelles stables et aggravant la précarité.
Un constat alarmant dans un pays où l'agriculture emploie 80 % de la population active burkinabè et représentant près de 30 % du produit intérieur brut national ;–les femmes y sont particulièrement exposées, comme le montrent les travaux des chercheurs Boureima Sawadogo et Ismaël Fofana dans leur étude, publiée en juillet 2021, intitulée Perspective Genre de l'Impact Économique au Changement Climatique au Burkina Faso, (Université Ouaga II / International Food Policy Research Institute, IFPRI).
Au lieu que les politiques climatiques aggravent cette situation, la CSB milite pour qu'elles soient des opportunités de création d'emplois décents, de protection des travailleurs.euses vulnérables et de justice sociale. Elle plaide pour une transition juste, qui concilie les impératifs climatiques et environnementaux et les droits des travailleurs.euses.
Parmi ses actions stratégiques en matière de changement climatique et d'environnement, le Burkina prévoit de reverdir ses zones désertiques à travers des reboisements pour stopper ou inverser la courbe des changements climatiques. La CSB y voit une opportunité pour mettre en œuvre le concept de transition juste.
« Nous avons recommandé que le reverdissement se fasse à travers les travaux à haute intensité de main-d'œuvre (HIMO) et respecte les critères du travail décent. C'est-à-dire que cette main d'œuvre doit avoir un revenu acceptable et bénéficier des services de la sécurité sociale et de l'assurance-maladie », déclare son Secrétaire général, Guy Olivier Ouédraogo, interrogé par Equal Times.
Pour accompagner ces efforts, la CSB s'inspire des principes adoptés par la Confédération syndicale internationale (CSI) et soutenus par l'Organisation internationale du travail (OIT) : « Aucun travailleur ne doit être laissé de côté dans la transition écologique ». À ce titre, il souligne que le changement climatique intensifie les risques professionnels — vagues de chaleur, exposition accrue aux polluants, événements climatiques extrêmes ou encore transformation des métiers — et renforce la nécessité d'une protection en matière de santé et de sécurité au travail (SST). La CSB plaide pour l'intégration de la transition juste dans les politiques climatiques et environnementales et pour la ratification de la Convention 155 de l'OIT, relative à la santé et la sécurité des travailleurs.
Ces actions s'inscrivent dans le cadre de son programme quinquennal 2022-2026, mené avec MSI, qui permet de renforcer les capacités syndicales et de plaidoyer, d'étendre la formation et d'outiller les militants à travers tout le pays. La CSB a salué certaines avancées récentes, comme l'instauration des journées continues dans plusieurs régions pour protéger les travailleurs.euses des pics de chaleur, leur permettant de terminer plus tôt la journée de travail. « Nous saluons l'instauration des journées continues dans certaines régions pour tenir compte de la forte chaleur qui affecte les travailleurs », confie le Secrétaire général.
Mais il déplore un manque d'engouement des Burkinabè autour du concept de transition juste. « Il n'y a pas, pour l'instant une politique affirmée comme celle des trois luttes que nous avons connue : lutte contre les feux de brousse, la coupe abusive du bois, la divagation des animaux », regrette Guy Olivier Ouédraogo.
L'Institut national de la statistique et de la démographie (INSD) révèle qu'en 2024, plus de neuf emplois sur dix étaient informels et que le chômage concerne 3,5 % de la main-d'œuvre. Les femmes sont, là encore, les plus touchées. En conséquence de cette informalité, les travailleurs ne bénéficient pas de conditions de travail telles que prévues par le Code de travail en matière de salaires, d'horaires, de santé ou de sécurité.
Selon la Banque mondiale, le Burkina Faso est un pays à faible revenu. En plus du choc climatique, son économie, dominée par les secteurs extractifs (or, zinc, manganèse) et agricole (coton, céréales), demeure aussi vulnérable aux chocs sécuritaires liés aux attaques terroristes, et est dépendante des cours des matières premières ainsi qu'à la pluviométrie.
Plus de 40 % de Burkinabè vivent en dessous du seuil national de pauvreté (soit moins de 1,90 USD par jour). Le rapport 2025 de l'indice de développement humain (IDH) du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) classe le pays au 186e rang sur 193 pays.
Depuis 2021, la CSB a fait de la transition écologique un axe stratégique. Aux côtés des autres syndicats africains, elle œuvre pour l'intégration de l'agenda de la transition juste dans les politiques climatiques et environnementales en utilisant le dialogue social comme outil essentiel.
Avec l'appui de partenaires comme la Centrale générale des syndicats libres de Belgique (CGSLB), le Mouvement de solidarité internationale, la Direction générale du développement, la Fondation Friedrich Ebert et la CSI-Afrique, elle organise des formations sur l'adaptation aux changements climatiques, la transition juste, la santé-sécurité au travail, la négociation collective et le plaidoyer politique au bénéfice de ses membres. Selon son Secrétaire général, Guy Olivier Ouédraogo, l'objectif est de les rendre aptes à influencer positivement les politiques nationales de transition écologique.
Des comités « SST-Climat » qui réfléchissent sur la question de la santé-sécurité au travail, en lien avec les changements climatiques, ont été mis en place dans les 13 régions du Burkina Faso (le nombre de régions est passé à 17 depuis le décret d'août 2025) et au niveau des 23 syndicats sectoriels que compte la CSB. Ces structures assurent la veille, sensibilisent les travailleurs, mènent des consultations territoriales et nourrissent le plaidoyer auprès des autorités. Ils ont compétence pour engager des actions politiques et faire des plaidoyers auprès des gouvernements pour l'effectivité des transitions justes, confie le Secrétaire général.
Malgré les engagements des syndicats en matière de transition juste, ceux-ci déplorent le fait de ne pas avoir de cadre formel et institutionnalisé qui leur permette de participer à l'élaboration ou au suivi de la mise en œuvre des Contributions déterminées au niveau national (CDN).
La rédaction de la CDN 3.0 (2025-2030) a mobilisé principalement les ministères techniques, les partenaires techniques et financiers et les organisations de la société civile (OSC) réunies autour du Secrétariat permanent des ONG (SP-ONG). Les organisations syndicales en ont été largement absentes.
« Nous avons rencontré la Commission nationale de développement durable avec le souhait de participer à leurs travaux afin d'apporter nos contributions. Mais malheureusement, le décret la créant n'a pas prévu une participation syndicale », a déclaré le Secrétaire général de la CSB, Guy Olivier Ouédraogo à Equal Times.
Cependant, l'absence de cadre formel ne signifie pas une absence d'action. Face à cette exclusion, la CSB déploie d'autres stratégies pour faire remonter les préoccupations du monde du travail dans les instances liées aux effets du changement climatique.
Plusieurs militants, affiliés et leaders syndicaux parviennent à participer aux cadres existants de révision ou de suivi de la CDN sous d'autres casquettes, leur permettant d'y introduire les problématiques liées aux travailleurs.euses. Parallèlement, la centrale s'appuie sur les comités régionaux SST-Climat déployés dans les 13 régions pour mener des consultations, assurer une veille territoriale et nourrir un plaidoyer continu. Ces dispositifs visent à renforcer la demande d'une intégration effective des centrales syndicales dans les cadres formels, tout en soutenant les négociations et le plaidoyer national sur l'impact du changement climatique sur les travailleurs.euses.
« Nous avons eu à organiser une réflexion entre plusieurs acteurs gouvernementaux et des organisations de la société civile pour voir ce que nous pouvons faire. Nous avons invité le ministère de l'environnement qui a accepté d'envoyer deux cadres. Ils ont fait leur présentation. En retour, des questions leur ont posé et des contributions leur ont été données », précise son Secrétaire général.
Plusieurs facteurs expliquent l'absence des organisations syndicales dans le cadre formel pour de négociations sur les questions climatiques. La raison principale est le manque d'accès à l'information du gouvernement et de bonne compréhension partagée des enjeux que les CDN représentent pour le monde du travail, ainsi que l'absence de mécanismes clairs de participation syndicale.
À cela s'ajoute une absence de volonté politique. « Le gouvernement, au début, ne savait pas que nous étions sur la thématique. Mais quand il l'a su, rien n'a été fait pour notre participation aux structures mises en place pour les négociations sur le climat et l'environnement », regrette le Secrétaire général de la CSB.
Face à ces obstacles, la CSB s'évertue à informer et à sensibiliser les autorités sur la place essentielle des syndicats dans l'élaboration et la mise en œuvre des politiques climatiques, ainsi que sur le rôle qu'elle peut jouer dans la défense des travailleurs face aux impacts du changement climatique.
Elle rappelle que la Constitution, le Code du travail, la loi sur la liberté d'association et les textes sur la santé-sécurité au travail lui confèrent le droit de défendre les travailleurs et de contribuer aux politiques publiques. C'est pourquoi la centrale plaide pour une gouvernance climatique plus inclusive.
Cette faiblesse du cadre légal et institutionnel appelle à repenser la question climatique. Au-delà du volet technique, elle doit davantage être traitée comme une question sociale et de travail. Dans cette perspective, La CSB gagnerait à plaider pour la mise en place d'une commission dédiée à la transition juste placée sous la tutelle du ministère en charge de la fonction publique et du travail, ainsi que celui de l'environnement. Cela passe par le renforcement du dialogue social avec le gouvernement, le patronat et les OSC.
Cet article fait partie d'une série de quatre articles de pays réalisés dans le cadre du programme de partenariat quinquennal 2022-2026 du Mouvement pour la solidarité internationale (MSI), cofinancé par le syndicat belge CGSLB et la Coopération belge au développement.
25.11.2025 à 14:43
Ce n'est qu'en 2017, lorsque Rachel Parker a eu 25 ans, qu'elle a finalement reçu un diagnostic d'autisme. Bien qu'elle ait réussi à obtenir un diplôme de premier ordre en Sciences de l'environnement, elle a eu du mal à trouver un emploi stable, et tous les postes qu'elle a réussi à décrocher étaient de premier échelon et mal rémunérés.
Comme elle a toujours aimé la pâtisserie et qu'elle avait vraiment besoin de trouver un emploi stable, Mme Parker a finalement décidé, en 2022, de créer sa (…)
Ce n'est qu'en 2017, lorsque Rachel Parker a eu 25 ans, qu'elle a finalement reçu un diagnostic d'autisme. Bien qu'elle ait réussi à obtenir un diplôme de premier ordre en Sciences de l'environnement, elle a eu du mal à trouver un emploi stable, et tous les postes qu'elle a réussi à décrocher étaient de premier échelon et mal rémunérés.
Comme elle a toujours aimé la pâtisserie et qu'elle avait vraiment besoin de trouver un emploi stable, Mme Parker a finalement décidé, en 2022, de créer sa propre boulangerie « sans gluten », dans le comté des Scottish Borders, par l'intermédiaire d'une entreprise sociale qui aide les personnes neurodivergentes à trouver un emploi valorisant.
Cette décision a marqué une étape importante pour Rachel. Cependant, après avoir lu des articles sur l'écart de rémunération lié à l'autisme, elle s'est rendu compte que, même en étant la fondatrice et la directrice générale de la boulangerie, elle gagnait toujours moins que ses collègues. Bien que ses bailleurs de fonds se soient montrés compréhensifs et que ses horaires aient été réduits pour aligner son taux horaire sur celui des autres travailleurs, cette expérience lui a permis de prendre conscience des inégalités auxquelles se heurtent les personnes en situation de handicap, alors même que, comble de l'ironie, elle avait créé son entreprise pour justement contribuer à les éliminer.
« Une grande partie de la solution réside dans la sensibilisation à l'écart de rémunération des personnes en situation de handicap », explique-t-elle à Equal Times.
Elle fait partie des 16,1 millions de personnes vivant avec un handicap au Royaume-Uni, et son histoire personnelle reflète un problème plus large. Comme le montre la dernière enquête du Trades Union Congress (TUC) au Royaume-Uni, les travailleurs en situation de handicap restent en marge de l'économie, l'écart de rémunération entre eux et les travailleurs non handicapés s'élevant à 2,24 livres sterling de l'heure (2,54 euros), soit 15,5 %. Cela signifie que les personnes handicapées gagnent chaque année, en moyenne, près de 4.000 livres sterling (4.549 euros) de moins que les travailleurs non handicapés.
Le TUC, qui documente dans un rapport annuel publié depuis 2018 les disparités en matière de rémunération et d'emploi auxquelles les personnes handicapées sont confrontées, a en outre révélé un écart de rémunération encore plus important chez les femmes. Le rapport montre, en effet, que les hommes non handicapés gagnent en moyenne plus d'un quart (27,3 %) de plus que les femmes handicapées.
Des études antérieures menées par le TUC montrent également que le niveau de désavantage sur le lieu de travail subi par les personnes en situation de handicap varie en fonction du type ou de la gravité du handicap. Dans l'ensemble, toutefois, les travailleurs handicapés connaissent des taux de chômage plus élevés et sont plus susceptibles de se retrouver dans des emplois précaires avec des contrats zéro heure.
Cela fait 30 ans que la discrimination à l'encontre d'une personne pour cause de handicap est illégale au Royaume-Uni, depuis l'adoption de la loi sur la discrimination à l'égard des personnes handicapées (Disability Discrimination Act – DDA) en 1995, remplacée, en 2010, par la loi sur l'égalité (Equality Act). Les réalités vécues par la plupart des personnes handicapées sont, toutefois, loin d'être égales.
« Le fossé est énorme », explique à Equal Times le responsable politique du TUC, Quinn Roache. « Il s'est en fait creusé depuis que nous avons commencé à collecter des données en 2013, ce qui montre que les gouvernements précédents n'ont pas réussi à mettre en œuvre des changements significatifs. »
Il a rappelé que l'une des principales revendications a été d'inscrire dans la législation la communication d'informations sur les écarts salariaux liés au handicap, et que l'actuel gouvernement travailliste prend actuellement des mesures en ce sens.
« Cette année, l'écart de rémunération que connaissent les travailleurs handicapés équivaut à 49 jours de travail gratuit. Ce que nous disons [au gouvernement], c'est que “nous sommes très heureux que vous ayez légiféré sur la communication d'informations sur les écarts salariaux liés au handicap et mis en place des plans d'action significatifs, mais il est impératif que vous mettiez en œuvre cette législation et que vous le fassiez rapidement” », a ajouté M. Roache.
« De fait, la communication sur les salaires ne suffira pas, à elle seule, à combler l'écart ; pour en venir à bout, il faudra que la communication s'accompagne de plans d'action. »
Le rapport souligne en outre que le projet de loi phare du gouvernement sur les droits en matière d'emploi (Employment Rights Bill) interdira les contrats zéro heure. Il s'agit d'une mesure importante pour améliorer la vie de nombreux travailleurs en situation de handicap, dont on estime qu'ils doivent dépenser 1.095 livres sterling (1.245 euros) de plus par mois pour avoir le même niveau de vie que les ménages non handicapés (en raison de factures de gaz et d'électricité plus élevées et de frais d'adaptation de leur logement, entre autres coûts), selon une étude menée par l'organisation caritative britannique Scope, spécialisée dans le handicap. Le Premier ministre britannique Keir Starmer a présenté ce projet de loi comme « la plus grande amélioration des droits des travailleurs depuis une génération ».
Le nouveau rapport du TUC insiste également sur l'urgence pour le gouvernement de procéder à une réforme du programme Access to Work (une subvention gouvernementale destinée à aider les personnes en situation de handicap ou souffrant de problèmes de santé à commencer ou à conserver un emploi rémunéré), afin que les employeurs puissent procéder à des ajustements raisonnables dans les meilleurs délais. Les travailleurs handicapés peuvent être contraints de quitter leur emploi parce que leur employeur n'a pas reçu les subventions nécessaires pour procéder aux ajustements requis sur leur lieu de travail. Des retards records font que des personnes attendent depuis des mois une aide qui leur permettrait de conserver ou de commencer un emploi, certaines se voyant même retirer leur offre d'emploi.
Le 15 octobre 2025, le collectif Access to Work s'est associé au député libéral démocrate Steve Darling et à la députée du Green Party Carla Denyer pour remettre une lettre ouverte portant plus de 17.000 signatures au bureau du Premier ministre, exhortant le gouvernement à procéder à une réforme du programme Access to Work afin d'éviter que les personnes handicapées ne soient forcées de quitter leur emploi en raison de délais trop longs et de coupes budgétaires.
« Le programme pour l'accès à l'emploi devrait être l'expérience de tous, et non l'exception », a déclaré Shani Dhanda, spécialiste de l'accessibilité et de l'inclusion, fondatrice du collectif Access to Work.
Lorsqu'elle avait une vingtaine d'années, Mme Dhanda, qui vit avec une ostéogenèse imparfaite (aussi appelée « maladie des os de verre »), a évité de demander des adaptations à son premier employeur, parce qu'elle avait eu beaucoup de mal à trouver un emploi. Elle craignait que toute demande, aussi raisonnable soit-elle, ne « fasse des vagues ». Grâce au programme Access to Work, elle a pu obtenir une chaise de bureau, un repose-pieds et un clavier adaptés. Aujourd'hui, elle consacre une grande partie de son énergie à aider d'autres personnes handicapées confrontées à des difficultés, telles que des retards de paiement ou la suppression soudaine de leurs aides.
« L'écart de rémunération lié au handicap n'est pas qu'une question de salaire », explique Mme Dhanda à Equal Times. « Il reflète les obstacles plus larges auxquels se heurtent les personnes handicapées tout au long de leur vie professionnelle. Si vous ne pouvez pas obtenir les ajustements ou l'aide dont vous avez besoin, vous êtes plus susceptible de vous retrouver à des postes moins bien rémunérés, de manquer des possibilités de promotion ou de vous voir complètement exclu du marché du travail. »
Le mouvement syndical base son travail dans ce domaine sur le modèle social du handicap, qui pose comme principe que ce sont les lieux de travail et les sociétés qui doivent être modifiés et adaptés, et non les personnes. Comme le premier rapport du TUC sur le handicap et l'emploi l'indiquait en 2018 : « Un travailleur ayant une déficience ne devient handicapé que sous le coup de barrières sociétales artificielles créées par l'environnement, l'attitude des gens et les lieux de travail. »
Or, les personnes en situation de handicap continuent d'être exclues du marché du travail. En 2024, l'Organisation internationale du travail (OIT) a publié un document de travail qui soulignait le fait que les personnes handicapées ont moins de chances de faire partie du marché du travail et elles ont tendance à gagner moins lorsqu'elles en font partie. Selon le même rapport, les personnes handicapées peuvent s'orienter vers le travail indépendant en raison de la plus grande flexibilité potentielle qu'il offre en termes d'horaires de travail, d'accès aux équipements de travail et d'évitement de la discrimination.
« Les personnes handicapées sont souvent surqualifiées pour les emplois qu'elles occupent et ont tendance à entrer sur le marché du travail au bas de la pyramide, où elles peuvent rester indéfiniment », explique Stefan Trömel, spécialiste principal des questions de handicap à l'OIT. « Les attitudes négatives et l'absence d'aménagements raisonnables constituent des obstacles majeurs. » Alors qu'un peu moins de 30 % des personnes handicapées sont actives sur le marché du travail au niveau mondial, M. Trömel souligne qu'il est important de communiquer des informations sur les écarts salariaux liés au handicap, pour mettre en évidence les préjugés et déclencher des plans d'action visant à réduire cette iniquité.
Sevane Ananian, économiste principal auprès de l'OIT et co-auteur du document de travail susmentionné, A study on the employment and wage outcomes of people with disabilities, (Étude sur les résultats en matière d'emploi et de salaire des personnes handicapées) explique : « L'analyse portant sur 30 pays a révélé que les employés handicapés gagnent 12 % de moins par heure en moyenne que leurs homologues non handicapés. Si des facteurs tels que l'âge, la catégorie professionnelle et la formation peuvent expliquer environ un quart de l'écart de rémunération, trois quarts restent inexpliqués. »
Cet écart inexpliqué met en évidence des problèmes systémiques, notamment la discrimination et les obstacles structurels, selon M. Ananian, qui souligne que « le décalage entre les capacités des travailleurs handicapés et les exigences de l'emploi se traduit souvent par un salaire inférieur ou par le sous-emploi ».
En juillet, le parlement britannique a fait progresser de justesse un projet de loi controversé qui, s'il est adopté, limitera l'accès à certaines prestations sociales. Cette mesure augmenterait les conditions d'accès aux prestations de handicap. Liz Kendall, ministre du Travail et des Pensions jusqu'en septembre 2025, a déclaré dans son discours aux députés lors de la discussion des réformes en mars dernier, que « des millions de personnes qui pourraient travailler sont piégées par les allocations – privées du revenu, de l'espoir, de la dignité et du respect que l'on sait qu'un bon travail apporte ».
Cependant, les groupes de défense des droits des personnes handicapées avertissent que le projet de loi pourrait entraîner de graves difficultés pour les personnes concernées, allant jusqu'au sans-abrisme.
« Si certaines personnes handicapées qui travaillent ont toujours accès aux prestations, la majorité d'entre elles n'en reçoivent aucune ou vivent dans des pays où les prestations sont jugées incompatibles avec l'emploi. Les personnes handicapées doivent faire face à des coûts supplémentaires liés à leur condition, et ces coûts devraient être couverts par le gouvernement, que la personne soit ou non employée », insiste M. Trömel.
Dans le monde entier, les personnes en situation de handicap sont protégées par la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, adoptée en décembre 2006 et largement reconnue comme « le premier traité mondial en matière de droits humains du 21e siècle ». Cependant, de nombreux pays ne parviennent pas à mettre pleinement en œuvre les obligations qui y sont énoncées.
Carlos Ríos Espinosa, directeur adjoint de la division droits des personnes handicapées chez Human Rights Watch, a écrit un article en avril 2025 dans lequel il dénonce « l'échec systémique » du Brésil à soutenir les personnes handicapées, en particulier lorsqu'il s'agit de leur droit à vivre de manière indépendante. Il a évoqué la mort tragique de Leonardo Barcello, défenseur des droits des personnes handicapées atteint de dystrophie musculaire et décédé en février dernier, à l'âge de 32 ans, des suites d'une asphyxie consécutive à une panne d'électricité qui a mis hors service son appareil respiratoire.
« Le Brésil a besoin de toute urgence d'un plan de désinstitutionnalisation et d'un soutien communautaire pour garantir que les personnes handicapées vivent dans la dignité et la sécurité », écrit M. Ríos Espinosa.
Au Brésil, où plus de 18 millions de personnes, soit 9 % de la population, sont en situation de handicap, les revenus de ces personnes sont inférieurs de 30 % à ceux des personnes sans handicap. Selon les données les plus récentes de l'Institut brésilien de géographie et de statistiques (IBGE), le taux d'activité des personnes handicapées en 2019 était de 28,3 %, contre 66,3 % pour les personnes non handicapées. En d'autres termes, sept personnes handicapées sur dix à la recherche d'un emploi sont exclues du marché du travail. Le salaire mensuel moyen des travailleurs en situation de handicap s'élevait à 1.639 R$ (environ 305 USD), tandis que les travailleurs non handicapés gagnaient en moyenne 2.619 R$ (environ 490 USD).
Au Canada, des statistiques récentes montrent qu'environ 1,5 million de personnes vivant avec un handicap se trouvent en dessous du seuil de pauvreté, et les chiffres sont pires pour les femmes. Bilan Arte, conseillère nationale en droits de la personne au Congrès du travail du Canada (CTC), la principale centrale syndicale du pays, a expliqué lors d'un entretien avec Equal Times que la Prestation canadienne pour les personnes handicapées (PCPH), introduite cet été, représente « une étape cruciale », car elle fournit une aide financière directe à 1,6 million de personnes handicapées vivant actuellement dans la pauvreté.
Elle relève toutefois que le CTC est préoccupé par le paiement de base mensuel de 200 dollars canadiens (environ 142 USD) et qu'il s'est joint aux défenseurs de la justice pour les personnes handicapées à travers le pays pour réclamer une augmentation de ce montant. Ils demandent également que les personnes déjà éligibles à d'autres prestations de handicap soient automatiquement inscrites et que le PCPH soit un complément à d'autres programmes d'aide au revenu et aux personnes handicapées.
« La PCPH représente une opportunité vitale de réduire la pauvreté, de faire progresser l'équité et de défendre la dignité de millions de personnes handicapées au Canada. Cependant, elle n'est pas encore en mesure d'apporter des changements réels pour les personnes handicapées au Canada », a confié Mme Arte à Equal Times.
Au Royaume-Uni, Quinn Roache, du TUC, espère que la nouvelle législation du gouvernement permettra de combler progressivement l'écart de rémunération et d'éviter que les personnes handicapées ne sombrent dans la pauvreté.
« Cela fait trente ans que la législation sur les ajustements raisonnables est en place, mais force est de constater que les employeurs tardent à procéder aux ajustements nécessaires. Cela fait longtemps qu'il y a très peu de progrès, cependant une lueur d'espoir apparaît avec les engagements actuels du gouvernement », conclut M. Roache.
Rachel Parker, qui apporte aujourd'hui son soutien aux personnes neurodiverses par l'intermédiaire de sa boulangerie sans gluten, a souligné l'importance d'une mise en œuvre efficace du programme Access to Work.
« Si le programme d'accès à l'emploi était mis en œuvre et subventionné correctement, il permettrait également de réduire durablement le fossé de l'emploi des personnes handicapées, tant salariées qu'indépendantes », a-t-elle déclaré. « Pour atténuer les effets du handicap d'un employé sur le lieu de travail, nous avons besoin d'un soutien significatif et concret. »
24.11.2025 à 05:30
Voilà un peu plus de sept mois que la loi portant modification de la loi sur les organisations bénévoles privées (Private Voluntary Organizations (PVO) Amendment Act) a été promulguée au Zimbabwe, le 11 avril 2025, et déjà, elle remodèle l'environnement opérationnel des organisations non gouvernementales (ONG) et de la société civile au sens large. Les observateurs des droits humains tirent la sonnette d'alarme face à ce qu'ils qualifient comme une « attaque sans précédent contre l'espace (…)
- Actualité / Zimbabwe, Droits humains, Démocratie, Censure, Législation, Société civile, Salman YunusVoilà un peu plus de sept mois que la loi portant modification de la loi sur les organisations bénévoles privées (Private Voluntary Organizations (PVO) Amendment Act) a été promulguée au Zimbabwe, le 11 avril 2025, et déjà, elle remodèle l'environnement opérationnel des organisations non gouvernementales (ONG) et de la société civile au sens large. Les observateurs des droits humains tirent la sonnette d'alarme face à ce qu'ils qualifient comme une « attaque sans précédent contre l'espace civique au Zimbabwe », qui a une « incidence néfaste sur les libertés fondamentales ».
La loi resserre les exigences en matière d'enregistrement et de rapports pour les organisations caritatives et autres groupes de la société civile, en étendant les pouvoirs exécutifs sur les organisations et en introduisant des sanctions plus sévères en cas de non-conformité, y compris des sanctions pénales pour les dirigeants de groupes considérés comme violant la loi.
Elle impose également de nouvelles restrictions sur le financement international et accorde aux représentants du gouvernement un large pouvoir discrétionnaire pour auditer, suspendre ou remplacer les dirigeants des ONG et geler leurs actifs. En outre, les orientations gouvernementales qui accompagnent la loi exigent des organisations bénévoles privées (OBP) existantes qu'elles se réenregistrent dans les 90 jours suivant l'entrée en vigueur de l'amendement.
Le gouvernement zimbabwéen affirme avoir introduit la loi sur les OBP pour garantir la conformité avec les cadres réglementaires internationaux sur le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, en particulier la recommandation 8, qui concerne le secteur à but non lucratif.
Dans un article publié dans le quotidien d'État Herald quelques jours seulement après l'adoption du projet de loi, le secrétaire permanent à l'information, à la publicité et aux services de radiodiffusion, Nick Mangwana, a insisté sur le fait que : « la loi portant modification de la loi sur les organisations bénévoles privées est une étape nécessaire pour renforcer la lutte du Zimbabwe contre le crime organisé, le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme », ce qui « garantira l'intégrité de son système financier, protégera ses citoyens et favorisera le développement durable ».
Cet amendement fait toutefois suite à une longue série de lois adoptées à l'encontre de la société civile dans des pays du monde entier, de la Hongrie au Pérou, de la Géorgie à l'Égypte et de la Russie à l'Inde, dans le but, comme l'a déclaré Amnesty International en 2019, de « museler la société civile ».
Cependant, le gel actuel de l'aide extérieure des États-Unis a également eu un impact négatif sur les programmes de développement au Zimbabwe, en particulier dans les domaines du VIH/sida, des soins de santé et de l'agriculture. Selon Marvelous Khumalo, porte-parole de la Crisis in Zimbabwe Coalition – une alliance de plus de 80 organisations de la société civile (OSC) zimbabwéennes œuvrant pour le changement démocratique –, la nouvelle loi sur les OBP a littéralement paralysé les activités des OSC dans tout le pays.
« Cette situation a eu un impact négatif sur les activités de défense des droits humains dans le pays. Autrefois, les ONG surveillaient, dénonçaient et documentaient les violations des droits humains. Aujourd'hui, les violations passent inaperçues et ne sont pas documentées », a-t-il expliqué à Equal Times.
Selon M. Khumalo, le régime de la Zanu-PF – qui gouverne le Zimbabwe depuis 1980 et qui est dirigé par le président Emmerson depuis 2017 – a perdu sa légitimité dans la mesure où le contrôle du gouvernement est désormais si restreint. Il ajoute que pour que la démocratie fonctionne, les acteurs non étatiques devraient être en mesure de demander au gouvernement de rendre compte de ses actions et d'exiger la transparence dans la gouvernance.
« Or, ceci n'est guère plus possible au Zimbabwe étant donné que la plupart des ONG ont pratiquement cessé leurs activités sous l'effet de la loi sur les OBP », a-t-il expliqué.
On ne dispose pas de chiffres précis sur le nombre d'ONG qui ont fermé depuis la promulgation de la nouvelle loi sur les OBP, en partie parce que la loi dissuade les ONG chargées de surveiller l'espace civique de jouer ce rôle. Alors que les effets de la mise en œuvre de la loi sur les OBP ne sont pas encore totalement connus, le directeur exécutif d'une ONG, qui a parlé à Equal Times sous couvert d'anonymat, a indiqué que l'amendement a remis en question les activités de son organisation à but non lucratif.
« Des bailleurs de fonds qui avaient précédemment promis de financer nos projets ont soudainement fait volte-face, ce qui nous a obligés à travailler avec un budget restreint ». Il ajoute que, bien qu'aucun motif direct n'ait été donné pour le retrait du financement, le moment choisi montre clairement que les bailleurs de fonds craignaient une réaction négative du gouvernement.
D'autres acteurs de l'espace civique affirment que les entraves bureaucratiques introduites par la nouvelle loi perturbent déjà les programmes de santé, d'éducation et de défense des droits humains dans l'ensemble du pays. Les petites organisations communautaires, qui fonctionnent avec des budgets très serrés et dépendent de subventions extérieures, se voient confrontées à des coûts et à de formalités administratives supplémentaires. Certains donateurs ont émis des réserves, évoquant le risque de déficits de financement et d'interruptions dans la prestation de services aux populations vulnérables. Par ailleurs, les experts juridiques avertissent que les exigences en matière de réenregistrement et de déclaration élargie imposeront des charges immédiates en matière de conformité et pourraient obliger certains groupes à suspendre leurs activités en attendant d'obtenir l'autorisation nécessaire.
« En l'état actuel des choses, la plupart [des ONG et des OBP] n'ont même pas été enregistrées depuis l'adoption de la loi, et ce en raison des problèmes administratifs qui y sont associés. À cela s'ajoute, bien entendu, un manque de sensibilisation de la part du personnel censé être responsable de l'enregistrement de ces organisations », explique Mlondolozi Ndlovu, expert en droit et en médias.
Et de poursuivre : « Cette loi censure également certaines organisations, ce qui porte atteinte à leur droit à la liberté d'expression et à la liberté d'association. Par crainte d'être fermées, elles préfèrent se comporter en larbins plutôt qu'en chiens de garde du gouvernement, ce qui est très dangereux dans une démocratie où la société civile et les ONG sont censées exercer un contrôle sur le gouvernement. »
Signes d'un gouvernement « intolérant à toute forme de contrôle ou d'examen »
Les principales organisations de défense des droits humains, associations de juristes et ONG internationales ont publiquement critiqué la loi, jugeant celle-ci disproportionnée et incompatible avec les obligations internationales du Zimbabwe en matière de liberté d'association et d'expression.
Dans une déclaration de juin 2025, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) ont qualifié la loi d'« attaque sans précédent contre l'espace civique au Zimbabwe » qui aura « des effets néfastes sur la société civile et l'espace civique zimbabwéens, en violation de la constitution du Zimbabwe et des obligations internationales du pays en matière de droits humains ».
Dans une déclaration datant d'avril 2025, Idriss Ali Nassah, chercheur principal sur l'Afrique chez Human Rights Watch, a lancé une mise en garde : « Les groupes de la société civile ne devraient pas avoir à travailler avec la crainte d'être fermés et leur personnel inculpé au pénal pour avoir simplement fait leur travail. » De leur côté, Amnesty International, la New York Bar Association et les organismes régionaux de défense des droits humains ont émis des avertissements similaires, appelant à l'abrogation de la loi ou à sa modification urgente afin de protéger l'espace civique.
Pour Melusi Simelane, du Southern African Litigation Centre, la loi sur les OBP « bien que parée d'un langage de réforme, [elle] porte en elle les arêtes vives du contrôle de l'État ».
M. Simelane a également évoqué le cas de Blessing Mhlanga, un journaliste qui a été arrêté et accusé d'incitation à la violence après avoir interviewé un détracteur du président Mnangagwa. Son arrestation, selon M. Simelane, « est le signe d'un gouvernement de plus en plus intolérant à toute forme de supervision ou d'examen, et la loi sur les organisations bénévoles privées place les ONG dans la même ligne de mire ».
Les groupes de défense des droits ont également exprimé leur inquiétude quant au fait que l'amendement contient des infractions au libellé ambigu qui risquent de criminaliser des activités de défense des droits humains et des activités « politiques » de routine. D'autres rapports mettent en évidence des clauses qui interdisent aux ONG de se livrer à un « lobbying politique » non défini et qui interdisent le financement à partir de « sources illégitimes » mal spécifiées, créant par-là même de vastes motifs de poursuites et de saisies de fonds. Les observateurs estiment que cette formulation a un effet dissuasif : certains groupes pourraient s'autocensurer ou limiter complètement leurs activités de plaidoyer afin d'éviter les poursuites judiciaires.
Il est particulièrement révélateur que les organisations bénévoles privées qui risquent d'être les plus touchées par la loi se soient abstenues de tout commentaire sur le sujet, de peur de se voir refuser des licences ou de se les voir purement et simplement retirer.
Nigel Nyamutumbu, coordinateur de la Media Alliance of Zimbabwe, est l'un des leaders civiques qui a osé s'exprimer en public. Il explique dans un entretien avec Equal Times : « La nouvelle loi exige des membres du conseil d'administration des OBP qu'ils se soumettent à des contrôles de sécurité et d'antécédents par le gouvernement, ce qui constitue en soi une forme de surveillance. »
« Cela ouvre d'une certaine manière la voie à la délivrance de licences sur une base partisane, dans la mesure où, compte tenu de notre contexte politique, il est probable que les OBP considérées ou perçues comme critiques à l'égard du gouvernement soient signalées par un drapeau rouge », a-t-il expliqué.
Cette situation, explique-t-il, n'engendre pas un environnement propice aux organisations civiques, en particulier celles qui travaillent dans le domaine des droits humains.
Selon M. Nyamutumbu, la loi confère des pouvoirs excessifs au ministre de la Fonction publique, du Travail et de la Prévoyance sociale (actuellement Edgar Moyo), dont le bureau supervise l'enregistrement et les activités des OSC, pour s'ingérer dans leurs activités ; elle confère au titulaire du bureau des pouvoirs incontrôlés, en dehors du cadre judiciaire, pour suspendre les activités des OBP et leur imposer un conseil d'administration.
« En ce sens, se pose évidemment la question de l'autocensure et du fait que la société civile travaille dans un environnement marqué par la peur », a-t-il déclaré.
Le Congrès des syndicats du Zimbabwe (ZCTU), la plus grande organisation syndicale faîtière du pays, affirme que la loi a été élaborée sans aucune consultation avec les parties prenantes concernées, ajoutant qu'il s'agit d'un stratagème du gouvernement de la ZANU PF pour réduire au silence les voix dissidentes, en particulier celles qui sont impliquées dans la gouvernance, les droits humains et les activités de défense des droits.
« L'élaboration de la législation n'a pas fait l'objet d'un processus de consultation large et authentique avec les OSC. En outre, les préoccupations que nous avons soulevées ont été largement ignorées par le gouvernement », explique Last Tarabuku, responsable de l'information au ZCTU.
Selon M. Tarabuku, la loi devrait être abrogée car elle porte atteinte aux droits garantis par la constitution nationale.
Il indique en outre que la loi pourrait entraîner des pertes d'emploi massives dans le secteur des ONG (qui emploie officiellement quelque 18.000 personnes selon l'enquête sur la main-d'œuvre et le travail des enfants de 2019) et perturber les nombreux services essentiels fournis en partie grâce aux ONG.
Toujours selon M. Tarabuku, le ZCTU demande que toute loi régissant le fonctionnement du secteur associatif zimbabwéen soit alignée sur les normes locales, régionales et internationales en matière de droits humains.
Depuis l'adoption de la loi, les groupes de défense des droits signalent une augmentation des inspections, des demandes d'informations financières et des cas de dirigeants d'ONG ayant fait l'objet de sanctions administratives. Cette application renforcée de la loi s'inscrit dans un contexte plus large de contrôle des manifestations et de restriction des rassemblements publics, ce qui intensifie les craintes que les acteurs civiques ne soient soumis à des sanctions plus sévères pour avoir mené des activités liées aux droits humains.
Selon les analystes, la loi portant modification de la loi sur les OBP est susceptible de causer des dommages à long terme à la prestation de services, au contrôle indépendant et à la responsabilité démocratique. Si les donateurs réduisent leur financement ou réaffectent des programmes en raison de l'incertitude juridique, les victimes les plus immédiates seront les communautés vulnérables qui dépendent des cliniques, des refuges, de l'aide juridique et des projets de développement communautaire gérés par des ONG.
Dans le domaine des droits, les restrictions imposées à la recherche, à la surveillance et à la défense des droits pourraient avoir pour conséquence que les abus ne soient pas signalés et ne soient pas contestés.
Les réseaux de la société civile et les acteurs internationaux demandent instamment au gouvernement zimbabwéen de réviser la loi, de clarifier les dispositions ambiguës, de revoir à la baisse les mesures punitives et d'ouvrir des processus de consultation significatifs avec les parties prenantes.
Certaines associations juridiques préparent également des recours devant les tribunaux nationaux et régionaux, notamment la Crisis in Zimbabwe Coalition, qui a déposé, le 7 octobre 2025, une demande d'ordonnance d'invalidité constitutionnelle auprès du tribunal de grande instance de Bulawayo, pour contester plusieurs articles de la loi sur les OBP.
Les mois à venir montreront si le gouvernement répondra positivement à ces appels à la réforme de la loi sur les OBP ou s'il intensifiera son application, un choix qui déterminera si les ONG peuvent poursuivre leurs activités ou si l'espace civique du Zimbabwe continuera à se contracter.