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13.12.2024 à 10:42

En Bulgarie, le désarroi de la communauté LGBTI+, cible de l'extrême droite

Raphaëlle Vivent
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Au pied de l'immeuble, situé sur l'un des principaux boulevards de Sofia, la capitale bulgare, on ne trouve aucune mention de Bilitis. Il faut gravir les quatre étages de l'édifice pour apercevoir enfin le logo rose et violet de l'association, dont l'objectif est de soutenir et de défendre les droits des personnes LGBTI+ de ce petit pays d'Europe de l'Est.
L'adresse des bureaux et du centre communautaire, le Rainbow Hub, n'est indiquée nulle part sur internet. Des précautions nécessaires, (…)

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Au pied de l'immeuble, situé sur l'un des principaux boulevards de Sofia, la capitale bulgare, on ne trouve aucune mention de Bilitis. Il faut gravir les quatre étages de l'édifice pour apercevoir enfin le logo rose et violet de l'association, dont l'objectif est de soutenir et de défendre les droits des personnes LGBTI+ de ce petit pays d'Europe de l'Est.

L'adresse des bureaux et du centre communautaire, le Rainbow Hub, n'est indiquée nulle part sur internet. Des précautions nécessaires, pour éviter d'être délogés ou agressés. « Nous avons subi une attaque particulièrement violente lors de la dernière élection présidentielle en 2021. Un candidat d'extrême droite [ Boyan Rasate, leader du parti Union nationale bulgare-Nouvelle démocratie, ndlr] est venu avec un groupe de 10 personnes durant un événement pour la communauté trans et a saccagé notre ancien local. Il a aussi frappé l'une de nos collègues », raconte d'un ton grave le coordinateur du programme sur la transidentité de Bilitis, Robin Zlatarov.

« Nous avons dû déménager et nous nous sommes finalement installés ici. C'est l'endroit le plus permanent que nous ayons jamais eu, car il ne s'agit pas d'un immeuble résidentiel. Tout autour, ce sont des bureaux ». Une autre fois, ce sont en effet des voisins qui avaient exigé le départ de l'association.

Choc, terreur et panique

Les épreuves vécues par les membres de Bilitis, pourtant l'une des plus importantes organisations LGBTI+ du pays, illustrent les difficultés rencontrées par la communauté dans son ensemble, qui subit régulièrement les attaques, physiques comme politiques, de l'extrême droite. La dernière date de cet été, avec l'adoption surprise par le Parlement bulgare d'une loi interdisant « la propagande LGBT » à l'école, sur le modèle de textes en vigueur en Russie ou en Hongrie.

Proposée par le parti populiste pro-Kremlin Vazrazhdane (Renaissance), elle prévoit en outre d'interdire la promotion ou l'incitation, dans le système éducatif, « d'idées et de points de vue liés à une orientation sexuelle non-traditionnelle et/ou à une identité de genre différente de l'identité biologique ». Alors que les propositions de lois mettent généralement plusieurs jours à être examinées et votées, ce texte a été adopté en une seule soirée par une large majorité, avec 159 voix pour, 22 voix contre et 12 abstentions.

« Ça a été un choc », se souvient Robin, qui a regardé le passage du texte en direct à la télévision. « On a dû faire face à beaucoup de terreur et de panique, des gens appelaient l'association pour nous demander ce qu'ils devaient faire maintenant ».

La communauté s'est rapidement mobilisée, organisant plusieurs manifestations, auxquelles ont participé aussi de nombreuses personnes sympathisantes. Mais malgré ces actions, et une pétition rassemblant en quelques jours plus de 7.000 signatures, le texte a bien été ratifié une semaine plus tard par le président bulgare Roumen Radev.

La santé mentale des élèves au plus bas

En raison de sa formulation très vague, il est difficile de savoir exactement ce qu'il est désormais permis de dire ou pas dans les établissements scolaires, explique Denitsa Lyubenova, avocate et co-fondatrice de l'association Deystvie, qui se bat sur le terrain juridique et propose un accompagnement légal pour les personnes LGBTI+. « Est-ce qu'on a encore le droit de parler de personnages historiques ou d'auteurs ouvertement LGBT en classe ? Peut-on aborder des questions de protection sexuelle en biologie ? Peut-on présenter des études scientifiques s'il y est fait mention ”d'orientation sexuelle non-traditionnelle” ? Il y a plein de questions, et cela dépendra beaucoup des directeurs d'établissement ».

Si pour l'heure, aucun enseignant n'a été sanctionné pour ne pas avoir respecté cette loi, Deystvie reçoit régulièrement des appels de professeurs perdus et angoissés à l'idée de perdre leur travail. Mais le texte a, avant tout, des conséquences concrètes pour les élèves et les étudiants. « On a déjà eu des retours d'étudiants ayant porté des t-shirts pro-LGBT, et qui se sont fait exclure de leur établissement », assure Denitsa.

« Ce sont les plus vulnérables. Ils ont encore plus peur désormais d'exprimer qui ils sont. Beaucoup craignent également que le harcèlement qu'ils subissent n'empire », estime Robin.

Ivan Dimov, fondateur deSingle Step, dresse le même constat. Cette fondation a été créée pour apporter un soutien psychologique aux jeunes LGBTI+ bulgares, notamment via un chat en ligne, où les adolescents peuvent parler à des psychologues. « Après la loi, on a vu sur le chat une augmentation dramatique de la peur et de l'anxiété chez les élèves. Certains redoutent d'être tout simplement expulsés de leur école si on apprend qu'ils sont gays, lesbiennes ou trans ». La fondation a mené, juste avant le passage de la loi, une vaste étude pour connaître l'état de santé mentale des lycéens LGBTI dans le pays. « Les chiffres sont catastrophiques. La moitié d'entre eux a déjà eu des pensées suicidaires. 68 % vivent du harcèlement et 24% ont déjà subi des agressions. On craint qu'avec cette loi, la situation se dégrade encore plus », se désole Ivan.

« Beaucoup songent à quitter le pays »

La Bulgarie est loin d'être une nation « LGBT-friendly », et ce depuis longtemps. Avec une note de 23,22 % en 2024, le pays est l'un des moins bien notés de l'Union européenne par l'International lesbian and gay association Europe (ILGA), qui évalue chaque année les droits des personnes LGBTI+ sur le Vieux Continent. À titre de comparaison, la moyenne de l'UE est de 50,61 % et la Belgique, pays le mieux noté, obtient un score de 78,48 %.

« C'est quasi impossible d'être ouvertement LGBT à l'université, à son travail, auprès de sa famille, même pour trouver un logement. Avec ma partenaire, nous avons prétendu être meilleures amies pour trouver quelque chose », raconte Robin.

Toutefois, cette loi « anti-propagande LGBT » a incontestablement engendré un climat encore plus délétère pour toute la communauté queer et homosexuelle, assurent les organisations. Bilitis constate même une hausse des violences verbales et physiques : « Ces derniers mois, on voit notamment des groupes d'adolescents, parfois très jeunes, s'en prendre de manière très violente à des personnes LGBT dans la rue », se désole le jeune coordinateur. « C'est vraiment effrayant de voir tout ceci se dérouler. Aujourd'hui, de plus en plus de personnes de la communauté songent à quitter le pays. Les attaques contre la communauté ne sont pas nouvelles, mais cette loi, c'est la dernière goutte d'eau qui pousse les gens à partir pour de bon », confirme Denitsa.

Pour les associations, la rhétorique homophobe et transphobe du parti Vazrazhdane est une tactique pour gagner des voix. La Bulgarie, qui traverse une crise politique sans précédent, a connu sept élections en l'espace de trois ans. Et Vazrazhdane n'a eu de cesse d'améliorer ses scores, devenant, lors du dernier scrutin du 27 octobre, la troisième force politique du pays. « C'est un parti qui fait beaucoup de bruit, et qui n'hésite pas à mentir, à manipuler, à jouer sur les peurs des parents pour se renforcer. Pour eux, la communauté LGBT est le bouc émissaire de tout ce qui ne va pas dans le pays », dénonce le fondateur de Single Steps.

Poursuivre le combat

« Si nous ne vivions pas cette crise politique, je pense que la tendance pour les LGBTI+ serait positive », estime pourtant Ivan. « L'acceptation globale de notre communauté dans la société s'est améliorée au fil des années ». L'évolution des regards sur la marche des fiertés de Sofia en témoigne. « La première édition, en 2008, était très violente. Les opposants lançaient des pierres et même des cocktails Molotov sur les participants », raconte Robin, tout en montrant un casque de sécurité bleu, porté ce jour-là par l'un des participants. Aujourd'hui, cette marche, organisée tous les ans au mois de juin, est bien mieux acceptée, et près de 10.000 personnes ont participé à la dernière édition, selon ses organisateurs.

Au vu du contexte politique, toutefois, les militants savent qu'ils doivent avant tout compter sur eux-mêmes pour continuer à changer en profondeur la société bulgare. Deystvie mène un combat juridique pour tenter de retirer la loi passée cet été. À un niveau national d'abord, en demandant à la Cour constitutionnelle de statuer sur l'inconstitutionnalité du texte, mais aussi européen.

« Nous vérifions comment la loi est mise en œuvre, et si cette mise en œuvre est en contradiction avec la législation de l'Union européenne. Si c'est le cas, nous fournirons ces preuves à la Commission pour qu'elle prenne des mesures à l'encontre de la Bulgarie », détaille l'avocate Denitsa.

Bilitis et Single Steps poursuivent leur indispensable travail de soutien à la communauté. Mais pour Robin, il est aussi essentiel de mener un travail de sensibilisation et de visibilisation des LGBTI+. « Ce qu'on a constaté ces dernières années, c'est que l'une des actions qui a le plus d'impact est d'aller parler aux gens directement, de leur proposer une formation, de quelques heures ou de quelques jours. L'idée, c'est qu'ils rencontrent des personnes de la communauté pour sortir des idées reçues ». « Si nous pouvons permettre à des jeunes LGBT de vivre une vie pleinement satisfaisante, plutôt que de vouloir partir, alors bien sûr, nous continuerons », conclut Ivan. Et ce, malgré les menaces de l'extrême droite.

12.12.2024 à 17:58

Les travailleurs abandonnés lors de la COP29 à Bakou : il est temps de se tourner vers la COP30

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En novembre de cette année, le mouvement syndical mondial a assisté et participé à la 29e Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, ou Conférence des Parties de la CCNUCC (plus connue sous le nom de COP29) à Bakou, en Azerbaïdjan. En tant que syndicats, nous y sommes allés avec un programme important : veiller à ce que les travailleurs, en particulier ceux qui subissent actuellement le poids de la crise climatique, soient activement inclus dans les négociations (…)

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En novembre de cette année, le mouvement syndical mondial a assisté et participé à la 29e Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, ou Conférence des Parties de la CCNUCC (plus connue sous le nom de COP29) à Bakou, en Azerbaïdjan. En tant que syndicats, nous y sommes allés avec un programme important : veiller à ce que les travailleurs, en particulier ceux qui subissent actuellement le poids de la crise climatique, soient activement inclus dans les négociations internationales sur le climat et qu'ils soient des acteurs à part entière de ces négociations.

Aujourd'hui, tous les travailleurs sont touchés par la crise climatique, que leurs emplois soient formels ou informels, et ce, dans tous les secteurs d'activité, des soins aux transports, en passant par la construction et l'agriculture. Les travailleurs des pays du Sud sont confrontés à une menace accrue pour leur existence et leur mode de vie en raison de l'augmentation des températures, de l'élévation du niveau des mers, de la multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes et des mauvaises récoltes, notamment.

Les solutions ont été proposées : des politiques ambitieuses en matière d'atténuation du changement climatique et d'adaptation à celui-ci ainsi que des politiques en matière de « pertes et de dommages », soutenues par un financement climatique approprié.

Cela comprend également des politiques de « transition juste » et des mesures urgentes pour protéger, promouvoir et mettre en œuvre les droits des travailleurs, instaurer un dialogue social avec les partenaires sociaux, des programmes universels de protection sociale et le développement des compétences pour permettre aux travailleurs et à leurs organisations de gérer la transition vers des économies neutres en carbone.

Pourtant, malgré l'urgence manifeste, la COP29 s'est soldée par un échec retentissant dans plusieurs domaines essentiels, notamment la garantie d'un financement adéquat de la lutte contre le changement climatique, la mise en œuvre effective du programme de travail pour une transition juste de l'année dernière et la garantie d'un processus juste et équitable.

Pour commencer, la décision de mobiliser 300 milliards de dollars US (285,87 milliards d'euros) pour le financement de la lutte contre le changement climatique d'ici à 2035 est loin des billions (milliers de milliards) de dollars nécessaires pour assurer un développement à faible émission de CO2 dans les pays du Sud.

Les pays n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur la mise en œuvre de politiques de transition juste, une décision qu'ils n'ont adoptée que l'année dernière, lors de la COP28. Et, enfin, aucun engagement n'a été pris pour accélérer la transition vers une économie sans combustibles fossiles ; transition qui s'impose d'urgence pourtant et qui avait été décidée pour la première fois l'année dernière.

Le mouvement syndical mondial a dû intensifier sa mobilisation avec l'ensemble des mouvements sociaux pour lutter contre les intérêts particuliers liés aux combustibles fossiles qui étaient évidents au cours des négociations de cette année. Pour la suite, tous les regards se tournent vers la COP30 qui se tiendra l'année prochaine à Belém, ville du nord de l'Amazonie brésilienne, afin de mettre en place une transition juste pour les travailleurs. Le monde ne peut pas se permettre de manquer une occasion pareille.

Un dangereux manque de financement climatique

L'un des principaux points de négociation de la COP29 a été l'établissement d'un « nouvel objectif collectif quantifié » en matière de financement climatique. Conformément à l'Accord de Paris, les gouvernements se sont engagés à définir un nouvel objectif de financement climatique pour 2025 au plus tard, afin de garantir que les nations les plus vulnérables reçoivent l'aide nécessaire pour affronter la crise climatique.

Cependant, les pays travaillent toujours avec l'objectif de 100 milliards de dollars US (95,25 milliards d'euros) établi lors de la COP15, qui s'est déroulée à Copenhague en 2009. La responsabilité principale des parties présentes à Bakou était d'augmenter le financement climatique à au moins 1.300 milliards de dollars US (1,238 milliard d'euros). Or, le montant annuel finalement convenu de 300 milliards de dollars US (environ 288,76 milliards d'euros) d'ici 2035 est dangereusement insuffisant par rapport aux besoins : le troisième rapport du Groupe d'experts indépendants de haut niveau sur le financement climatique estime que des investissements de l'ordre de 6.300 à 6.700 milliards de dollars US (environ 6.000 à 6.381 milliards d'euros) par an seront nécessaires d'ici 2030 pour agir efficacement contre le changement climatique.

L'incapacité des gouvernements des nations développées à s'engager en faveur d'un financement public de base (financement garantissant aux pays en voie de développement l'accès aux ressources dont ils ont besoin pour s'adapter aux effets du changement climatique) est tout aussi troublante.

Cela inclut la mise en œuvre de politiques d'atténuation et d'adaptation sans forcer les pays à faible revenu à amasser des dettes encore plus importantes. On ne saurait trop souligner l'irresponsabilité totale des pays développés qui refusent le financement nécessaire à la lutte contre le changement climatique.

Toutefois, la décision relative au nouvel objectif collectif quantifié reconnaît l'importance qu'il y a à « poursuivre les efforts visant à soutenir les transitions justes dans tous les secteurs et domaines thématiques… ». Cette fenêtre d'opportunité réduite, mais importante, permet aux gouvernements de dialoguer avec les syndicats sur l'utilisation du financement climatique dans le cadre des politiques de transition juste. Elle donne un mandat aux syndicats pour exiger une place à la table des négociations lorsque des discussions ont lieu sur l'utilisation du financement climatique.

Cette démarche devrait s'inscrire dans le contexte des nouveaux plans climatiques nationaux prévus pour 2025 : les contributions déterminées au niveau national (CDN), les plans nationaux d'adaptation (PNA) et les stratégies de développement à long terme à faibles émissions de GES (SLT).

Manque d'avancées en matière de transition juste

Le mouvement syndical mondial nourrissait de grands espoirs pour que Bakou continue sur la lancée de la décision de la COP28 à Dubaï sur le programme de travail sur la transition juste (PTTJ).

Après d'âpres discussions à Dubaï sur la portée du programme de travail, les gouvernements se sont mis d'accord sur une liste exhaustive qui inclut à la fois les dimensions de la coopération internationale et du financement climatique conjointement à un accent sur le travail tel que défini dans l'Accord de Paris qui parle de travail décent et d'emplois de qualité.

Pour la première fois dans les négociations internationales sur le climat, les « droits du travail » ont été explicitement mentionnés, ce qui constitue une grande victoire pour les syndicats.

Le mouvement syndical considère que les deux dimensions sont intrinsèquement liées : il ne peut y avoir de transition juste dans les pays du Sud sans le droit au développement, à l'éradication de la pauvreté, à l'industrialisation et au commerce international équitable, qui doivent tous être soutenus par un financement climatique approprié. Dans le même temps, une transition juste signifie protéger les travailleurs, garantir leurs droits et leurs moyens de subsistance tout en garantissant à leurs organisations représentatives un siège à la table des négociations pour mettre en œuvre les plans grâce au dialogue social avec les partenaires sociaux.

Malheureusement, à Bakou, nous avons constaté que ni le Nord ni le Sud n'avaient accordé la priorité à la mise en œuvre de la décision relative au PTTJ de la COP28. Les tactiques de négociation cyniques employées par les deux groupes ont pris en otage les travailleurs et leurs demandes légitimes de transition juste.

D'une part, le Nord a refusé de proposer un chiffre crédible de financement climatique jusqu'au tout dernier jour de la COP. D'autre part, le G77 et la Chine ont bloqué les avancées liées à la mise en œuvre du PTTJ, s'en servant comme d'un levier pour faire pression sur la discussion du nouvel objectif collectif quantifié afin d'augmenter le financement climatique.

S'ajoute à ce cocktail vicieux l'absence de tout accompagnement, intérêt ou stratégie de la part de la présidence de la COP29 pour obtenir des résultats en matière de transition juste. La présidence a même choisi de ne pas organiser de « Journée de la transition juste », préférant aborder la question du capital humain et du développement humain, excluant les droits humains. En raison des tactiques de négociation des pays développés et en développement lors de la COP, aucun progrès n'a été réalisé dans la mise en œuvre du PTTJ.

La Réunion ministérielle de haut niveau qui s'est tenue lors de la COP29 illustre ce manque d'engagement des gouvernements à s'engager dans de véritables discussions sur la transition juste. Bien que de nombreux gouvernements se soient exprimés sur la transition juste, avec de nombreuses références à l'Organisation internationale du Travail (OIT) et aux droits des travailleurs, à la fin de la réunion, les travailleurs et les autres organisations observatrices se sont vus refuser la possibilité de s'exprimer sur un sujet qui les affecte fondamentalement et pleinement.

Par ailleurs, le refus constant des gouvernements de comprendre et de mettre en œuvre le concept des droits fondamentaux du travail, auxquels tous sont tenus en vertu des accords de l'OIT, entrave considérablement les progrès en matière de transition juste dans le cadre de la CCNUCC. Il s'agit notamment de la distinction fondamentale entre le dialogue social (qui se déroule dans un contexte tripartite avec les syndicats, les employeurs et les gouvernements) et de la consultation des parties prenantes (avec tous les groupes concernés). Cette distinction est cruciale pour le mouvement syndical, mais elle échappe toujours aux négociateurs sur le climat.

Le mouvement syndical mondial attend de la future présidence brésilienne de la COP30 qu'elle remette les pendules à l'heure sur ces questions. Il est urgent de réaliser des progrès sur toutes les dimensions de la transition juste. Nous devons intensifier les financements et la mise en œuvre de politiques axées sur le travail et la communauté. L'intersession de juin 2025 à Bonn constitue la première étape importante. Le troisième dialogue du PTTJ peut porter sur la question importante de l'adaptation, mais devrait être axé sur la mise en œuvre et les résultats. Cela implique un lien étroit avec les CDN, les PAN et les SLT. Une décision sur la transition juste pouvant être présentée à la COP30 doit être préparée à Bonn.

À Bakou, le mouvement syndical a également suivi de près les résultats des autres points à négocier.

  • Décision sur les mécanismes du marché (article 6) :

Depuis plusieurs années, les parties négocient sur les modalités de mise en place des marchés du carbone au titre de l'article 6 de l'Accord de Paris. L'objectif est de veiller à ce que les activités menées dans ce cadre contribuent effectivement à l'atténuation globale des émissions mondiales et respectent les garanties environnementales convenues, ainsi que les dispositions en matière de suivi et d'établissement de rapports. L'utilisation des marchés du carbone est fortement contestée en raison des questions importantes qui demeurent au sujet de la contribution réelle à la réduction des émissions et des garanties insuffisantes en matière de droits humains et de droits du travail. En vue d'atteindre les objectifs de l'Accord de Paris, les pays devraient mettre en œuvre la réduction des émissions plutôt que d'organiser des compensations. Nombre de ces projets ont des effets négatifs avérés sur le plan environnemental et social. Néanmoins, à l'occasion de la COP29, les parties ont accepté de poursuivre le commerce du carbone, malgré l'absence de garanties sociales fortes. L'accord sur l'article 6.4 fait référence aux droits humains, mais aucune disposition ne prévoit que l'échange des quotas d'émission mette en œuvre et ne respecte les droits fondamentaux du travail.

  • Adaptation :

Les pays en développement soulignent depuis de nombreuses années que les négociations sur le climat sont trop centrées sur l'atténuation, sans suffisamment tenir compte de leurs besoins de s'adapter d'urgence aux effets du climat. Les travaux sur l'objectif mondial en matière d'adaptation ont débouché sur des progrès nettement insuffisants sur ce sujet. Les négociations ont surtout porté sur la définition d'indicateurs d'adaptation. Elles ont convenu que ces indicateurs devraient « recueillir des informations relatives, entre autres, à l'inclusion sociale, aux peuples autochtones, aux processus participatifs, aux droits humains, à l'égalité des sexes, aux migrants, aux enfants et aux jeunes ainsi qu'aux personnes handicapées ». Le texte ne fait en revanche aucune référence spécifique aux travailleurs ou aux droits du travail. Les discussions sur l'orientation des PAN n'ont pas pu être finalisées lors de la COP29 et se poursuivront lors des intersessions à Bonn. Le projet de texte ne contient aucune référence aux travailleurs ni aux droits du travail, mais seulement au dialogue social (qui était encore entre parenthèses).

  • Atténuation :

Le programme de travail sur l'ambition et la mise en œuvre de l'atténuation a été établi en 2021 pour renforcer les ambitions et la mise en œuvre de l'atténuation. Les discussions portant sur ce point à Bakou ont examiné les progrès, les opportunités et les obstacles dans la mise en œuvre du programme de travail. Après d'intenses négociations axées sur la sauvegarde de l'accord de l'inventaire mondial de la COP28 sur une transition abandonnant les combustibles fossiles, seules des conclusions procédurales ont été formulées, indiquant que le travail devait se poursuivre. Il n'a nullement été fait mention des droits humains, des droits du travail ou des travailleurs. Une occasion manquée compte tenu du lien évident avec le PTTJ.

  • Plan d'action en faveur de l'égalité des sexes et programme de travail de Lima sur le genre :

Après deux semaines de négociations difficiles et un affaiblissement des termes inclusifs en matière de genre, le programme de travail de Lima sur le genre a été prolongé pour 10 ans lors de la COP29. Les principaux débats ont porté sur le vocabulaire relatif aux droits humains et à la diversité, sur les moyens de mise en œuvre et sur l'avenir du programme de travail. L'accord sur le programme de travail de Lima sur le genre demande aux intersessions de juin 2025 d'amorcer le développement d'un nouveau Plan d'action en faveur de l'égalité des sexes en vue de recommander un projet de décision à soumettre à l'examen de la COP30. La décision reconnaît que la mise en œuvre et les moyens de mise en œuvre sensibles au genre peuvent permettre aux gouvernements de rehausser leur ambition en faisant progresser l'égalité des sexes et la transition juste de la population active, y compris la création d'un travail décent et d'emplois de qualité conformément aux priorités de développement définies au niveau national. Il s'agit d'un résultat positif qui peut servir de tremplin au mouvement syndical.

  • Inventaire global :

À Bakou, les parties ne sont parvenues à un consensus sur aucune des trois questions relatives à l'inventaire global (mise en œuvre des résultats, éléments procéduraux et logistiques ainsi que rapport sur le dialogue annuel sur l'inventaire global). L'un des principaux points de désaccord au sujet du dialogue concernait son champ d'application et la question de savoir s'il devait aborder les questions relatives aux finances. Toutes les questions relatives à l'inventaire global ont été reportées à la prochaine session de juin 2025, les éléments relatifs aux aspects procéduraux et logistiques du processus de l'inventaire global étant transmis sous la forme d'une note informelle. Jusqu'à présent, cette note informelle ne mentionne les travailleurs qu'entre parenthèses.

  • Rapports biennaux sur la transparence :

Les pays communiquent tous les deux ans des rapports biennaux sur la transparence dans le contexte du Cadre de transparence renforcé. Un point de débat porte sur la manière dont le soutien technique et financier des pays développés aide les pays en développement à respecter leurs engagements en matière de transparence. Les premières soumissions officielles sont attendues pour le 31 décembre 2024, ce qui fait de Bakou une occasion importante d'encourager la production de rapports solides. La COP doit encore fournir des orientations plus claires sur les rapports de transparence qui prennent en compte la protection des droits du travail.

En conclusion, les résultats obtenus à Bakou ont été lamentables : aucune décision sur le PTTJ, un accord faible sur le financement climatique et aucun engagement significatif à haut niveau sur la nécessité d'adopter des CDN ambitieuses. La déception est immense pour le mouvement syndical.

Dans d'autres décisions, nous avons également constaté que les travailleurs avaient été délibérément exclus des textes. Ce n'est pas le fruit du hasard. Les travailleurs sont systématiquement privés de leur voix dans les discussions qui les affectent directement, à la fois dans le cadre des Nations Unies et dans les processus décisionnels plus larges, car ils ne sont pas structurellement consultés ou inclus.

De nombreux pays n'intègrent pas dans leurs équipes de négociation des spécialistes capables d'évaluer l'impact de la crise climatique et des politiques climatiques sur les travailleurs. De plus, on constate une méconnaissance quasi totale des engagements liés au climat que les pays sont tenus de respecter dans le cadre de l'OIT, y compris le respect et la mise en œuvre des droits fondamentaux du travail. De ce fait, des occasions cruciales de rendre compte de l'impact sur le travail et de reconnaître le rôle essentiel des travailleurs organisés et de leurs syndicats dans la création de politiques climatiques ambitieuses et équitables sont manquées.

Cette COP29 a sapé le caractère équitable et transparent du processus de négociation lui-même en écartant les personnes les plus affectées et en érodant la confiance dans le système même qui est censé garantir la justice. À l'approche de l'échéance critique des CDN 3.0, les syndicats s'efforceront de demander des comptes aux gouvernements afin qu'ils prennent des mesures ambitieuses et axées sur les travailleurs, comme l'exige la crise climatique, tant au cours des dernières étapes précédant l'échéance qu'à la COP30 à Belém. Toutes les parties doivent comprendre qu'une action climatique efficace est impossible sans protéger les travailleurs d'aujourd'hui et de demain.

12.12.2024 à 17:57

Lauréats et finalistes du concours mondial de presse sur la migration de main-d'œuvre 2024

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