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23.09.2025 à 11:45

IA « agentique » et futur du travail : entre promesses technologiques et risque d'automatisation accrue

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Démarrons par l'intelligence artificielle générative (IAG), bien présente dans notre quotidien depuis trois ans : elle transforme déjà le monde du travail. Selon le rapport le plus récent de l'OIT (2025), 25 % de l'emploi mondial, soit plus de 600 millions de postes de travail, est potentiellement exposé à l'IA générative.
En Amérique latine, une étude conjointe de l'OIT et de la Banque mondiale estime que 26 % à 38 % des emplois (environ 88 millions) pourraient subir l'impact de l'IA dans (…)

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Texte intégral (2154 mots)

Démarrons par l'intelligence artificielle générative (IAG), bien présente dans notre quotidien depuis trois ans : elle transforme déjà le monde du travail. Selon le rapport le plus récent de l'OIT (2025), 25 % de l'emploi mondial, soit plus de 600 millions de postes de travail, est potentiellement exposé à l'IA générative.

En Amérique latine, une étude conjointe de l'OIT et de la Banque mondiale estime que 26 % à 38 % des emplois (environ 88 millions) pourraient subir l'impact de l'IA dans les prochaines années. Ces pourcentages reflètent un panorama qui recouvre la transformation partielle des tâches, mais aussi leur remplacement complet dans des secteurs tels que l'administration, la communication, la conception de logiciels, la manufacture et la finance.

Pourtant, au-delà de l'IA générative et de ses répercussions correspondantes, on nous présente (et, dans une large mesure, on nous « vend »), une nouvelle série de systèmes qui, s'ils tiennent leurs promesses, accéléreront le processus de déclassement à grande échelle des travailleurs et qui, par conséquent, méritent toute notre attention : l'IA agentiqueAgentic AI » en anglais) et les agents IA.

Les agents IA sont des systèmes algorithmiques caractérisés par un degré d'autonomie et d'indépendance décisionnelles supérieur à celui des assistants de l'intelligence artificielle (tels que les grands modèles linguistiques – LLM, en anglais), même s'ils sont toujours destinés à accomplir des tâches liées à des objectifs préalablement définis.

L'IA agentique se conçoit comme l'orchestration de l'interconnexion entre différents systèmes, qu'il s'agisse d'agents ou d'assistants, tels que des agents conversationnels (« chatbots » en anglais), des systèmes robotiques ou encore des agents.

Cette interconnexion génère la possibilité pour ces systèmes de s'adapter pour accomplir leurs tâches et, par exemple, assurer le fonctionnement d'une usine avec un minimum de supervision humaine ou gérer la chaîne logistique et d'approvisionnement dans les secteurs industriel ou agricole.

Même si le débat sur l'intelligence artificielle et le travail occupent désormais une place centrale dans les organismes internationaux et les forums multilatéraux, un vide flagrant subsiste : rien ou presque n'a encore été formulé sur l'IA autonome, ses modalités, ses risques et son potentiel.

Il convient de noter que l'évolution de ces systèmes algorithmiques affecte également l'expansion de I'IA générative qui, on l'a vu, a un impact sur le secteur des services et, sans comprendre concrètement comment ces nouvelles formes d'intelligence artificielle sont développées et mises en œuvre, il sera très difficile de déterminer dans quelle mesure ces outils sont capables d'amplifier les effets de l'automatisation sur les emplois ou si bon nombre de ces systèmes seraient en réalité des prototypes encore limités, éloignés de la pleine autonomie qui leur est souvent prêtée dans le discours de la Silicon Valley.

Des agents IA à l'IA agentique

Comme évoqué précédemment, un agent IA se définit comme un système autonome (physique ou exclusivement numérique) capable de percevoir son environnement, de traiter des informations, de prendre des décisions et d'exécuter certaines actions pour atteindre un objectif.

Contrairement aux assistants IA, tels que les chatbots, les agents intègrent des capacités d'apprentissage et d'adaptation en temps réel, ce qui leur permet, en théorie, d'agir dynamiquement dans des environnements complexes et d'optimiser leurs performances au fil du temps.

À ce titre, on peut citer des exemples tels que AutoGPT, AgentGPT, BabyAGI ou CrewAI, qui promettent d'effectuer des recherches sur un sujet, de consulter des sources, de rédiger des articles et de s'adapter à de nouvelles instructions sans intervention humaine directe.

Pour sa part, l'IA dite « agentique » est décrite comme une évolution en termes d'autonomie et de complexité : elle est capable de recevoir un objectif général, d'élaborer une stratégie, de la décomposer en tâches concrètes et de coordonner d'autres agents ou systèmes (y compris robotiques) pour les exécuter.

Dans cette variété, des outils tels que Claude (de la société Anthropic) ou Manus se placent dans une zone intermédiaire : tout en étant capable de fonctionner comme assistant ou générateur de contenu, Claude pourrait, dans des architectures plus complexes, être intégré dans un système agentique. Quant à Manus, grâce à sa conception orientée vers les flux collaboratifs, il peut gérer des fonctions agentiques lorsqu'il est utilisé comme coordinateur de tâches en réseau.

En résumé, nous pouvons assimiler l'IA agentique à une architecture conçue pour traiter de manière autonome des problèmes complexes. C'est dans ce cadre qu'opèrent les agents IA, qui sont des unités logicielles chargées d'exécuter des tâches spécifiques avec leurs propres objectifs et ressources. En d'autres termes, l'IA agentique constitue la structure globale qui permet l'autonomie, tandis que les agents IA fonctionnent comme des composantes individuelles qui, en interagissant, contribuent à atteindre des objectifs plus ambitieux.

Entre promesses d'autonomie et processus d'automatisation

L'autonomie constitue l'un des aspects les plus vantés tant pour les agents que pour l'IA agentique et le message qui nous est envoyé est que ces avancées permettront aux systèmes de prendre des décisions de manière totalement indépendante.

Or, la réalité actuelle montre que ces décisions dépendent toujours de cadres de programmation très spécifiques et que les risques d'erreurs, de biais ou d'interprétations erronées restent élevés (sans même aborder dans cet article d'autres risques dont il conviendrait de tenir compte, tels que les risques psychosociaux, les risques liés à la sécurité, à la confidentialité, etc.).

Lorsque l'on examine de près la mise en œuvre des systèmes existants, quel que soit le type utilisé, on observe des écarts entre les promesses et leur mise en œuvre réelle.

Des expériences récentes ont montré que, loin de réorganiser les processus de production sans intervention humaine, les agents et l'IA agentique ont tendance à tomber dans des cycles d'inefficacité.

Une étude récente menée par des chercheurs de l'université Carnegie Mellon et de l'Institut pour l'intelligence artificielle centrée sur l'humain de l'université Stanford a créé une entreprise fictive appelée TheAgentCompany, composée uniquement de systèmes d'intelligence artificielle basés sur des modèles de langage semblables à GPT-4 simulant des rôles d'entreprise spécifiques pour développer un nouveau produit logiciel.

Bien que les agents et assistants IA aient fait preuve d'une certaine capacité d'organisation et de communication, la collaboration s'est avérée inefficace, avec une répétition des tâches, une perte d'objectifs et un manque d'alignement stratégique, ce qui les a empêchés de lancer un produit fonctionnel.

L'expérience s'est terminée par un cycle improductif de réunions sans résultats, reflétant les mêmes difficultés que celles rencontrées par les entreprises réelles dans la coordination du travail. Humain, trop humain.

L'IA connectée à la robotique et son application dans l'industrie et la logistique

L'interconnexion des systèmes d'IA avec la robotique connaît une adoption rapide dans le secteur de l'industrie et de la logistique. Elle intensifie l'automatisation des processus de production et a donc des répercussions tangibles sur le monde du travail.

En Chine, par exemple, on observe l'essor de ce que l'on appelle en anglais les « dark factories » [usines de fabrication dans le noir, ndt], dont l'objectif est d'optimiser les processus d'automatisation dans des secteurs clés tels que l'électronique et les véhicules électriques. Foxconn, le principal fabricant mondial d'iPhones, prévoit d'automatiser 90 % de l'assemblage et d'autres entreprises, telles que Haier, Midea et Siemens exploitent déjà des usines entièrement gérées par des robots et l'IA. Et ces entreprises vantent leur capacité à fabriquer des téléphones sans intervention humaine (comme s'il s'agissait d'une bonne chose).

Dans une installation logistique d'UPS, une entreprise étatsunienne qui possède l'un des centres de distribution les plus vastes au monde, l'introduction de systèmes d'intelligence artificielle pour optimiser les itinéraires, la tarification dynamique et la gestion des chargements a entraîné la suppression de 20.000 emplois en 2025, ainsi que la fermeture de 73 installations à travers le monde.

Chez Salesforce, le PDG Marc Benioff a lui-même confirmé que l'entreprise avait supprimé 4.000 postes dans son service clientèle, passant de 9.000 à environ 5.000 employés dans ce département, suite à l'intégration d'agents IA qui gèrent désormais environ 50 % des conversations avec les clients.

Autodesk, une entreprise de logiciels basée à San Francisco, a également annoncé une vague de licenciements en 2025 : elle a supprimé près de 1.350 emplois, soit environ 9 % de ses effectifs mondiaux, justifiant cette mesure par une « restructuration visant à renforcer ses produits basés sur l'intelligence artificielle et les plateformes numériques ».

Un autre exemple est celui de l'entreprise indienne Tata Consultancy Services (TCS), qui a annoncé en juillet la suppression de 12.261 postes, sa plus importante suppression d'emplois à ce jour, attribuée en partie aux bouleversements causés par l'intelligence artificielle et l'automatisation, ainsi qu'aux changements dans les modèles de services technologiques.

Amazon, implantée dans des centres de distribution brésiliens tels que São Paulo et Betim, a mis en place des robots intelligents et des systèmes algorithmiques de tri et d'inventaire, ce qui a entraîné une réduction estimée de 10 % du personnel entre 2022 et 2025 dans ses unités les plus robotisées.

Enfin, au Royaume-Uni, l'entreprise Ocado a supprimé 500 emplois dans ses divisions technologie et finances grâce à l'utilisation de l'IA dans ses entrepôts automatisés.

Entre accélération technologique et urgence d'une action collective

Bien que l'IA agentique en soit encore à ses débuts et grevée par de nombreuses limites, les discours sur son caractère imminent qui entourent son développement influencent déjà les investissements et l'organisation du travail.

Autrement dit, même si elle n'est pas encore arrivée sous une forme aboutie, on conçoit l'avenir du travail comme si c'était déjà le cas.

C'est pourquoi, au lieu d'accepter sans le remettre en question le discours sur le caractère inéluctable de cette évolution accompagné d'un déterminisme technologique imposé, l'avenir du travail dépendra de la capacité des syndicats, des mouvements sociaux, des gouvernements et des institutions multilatérales à discerner dans quelle mesure les promesses sur ce que peuvent faire les agents IA et l'IA agentique font simplement partie d'un discours promu par les grandes entreprises technologiques à des fins spéculatives visant à attirer des investissements.

Dans le même temps, il ne faudra pas perdre de vue les risques concrets et déjà visibles que ces technologies font peser, notamment en ce qui concerne l'accélération des processus d'automatisation et leurs impacts sur le monde du travail.

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