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13.10.2024 à 08:05

Taux minimum d'imposition des revenus de 20 % : un aveu, intéressant mais très insuffisant

Équipe de l'Observatoire

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Le gouvernement vient d‘annoncer l'instauration d‘une contribution temporaire sur les plus hauts revenus consistant à créer un taux effectif minimum de 20 %. Cette disposition confirme ce que Attac avait déjà repéré et qui a été confirmé par les travaux de l'Institut des politiques publiques : au-delà d'un certain niveau de revenu, le taux réel d'imposition des revenus baisse alors que l'impôt sur le revenu (IR) est censé être progressif. Elle s'inscrit par ailleurs dans le débat sur (…)

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Texte intégral (756 mots)

Le gouvernement vient d‘annoncer l'instauration d‘une contribution temporaire sur les plus hauts revenus consistant à créer un taux effectif minimum de 20 %. Cette disposition confirme ce que Attac avait déjà repéré et qui a été confirmé par les travaux de l'Institut des politiques publiques : au-delà d'un certain niveau de revenu, le taux réel d'imposition des revenus baisse alors que l'impôt sur le revenu (IR) est censé être progressif. Elle s'inscrit par ailleurs dans le débat sur l'instauration d'une imposition mondiale minimum sur les plus riches dont on ne peut que souhaiter qu'elle débouche sur un système véritablement juste et redistributif.

Combien de foyers fiscaux concernés ?

Le seuil au-delà duquel s'applique cette contribution temporaire est fixé à 250 000 euros pour un célibataire et 500 000 euros pour un couple. Les données publiques disponibles portent sur les revenus de l'année 2022 imposés en 2023. Elles ne distinguent pas la composition des foyers fiscaux par part du quotient familial. Elles sont toutefois intéressantes car elles montrent que :
• 105 000 foyers environ perçoivent un revenu fiscal de référence (RFR) supérieur à 300 000 euros,
• près de 63 000 foyers perçoivent un RFR de plus de 400 000 euros,
• près de 42 500 perçoivent un RFR de plus de 500 000 euros.

Quel rendement ?

En France, cette mesure aurait un impact que l'on peut mesurer ainsi. En matière d'IR, les données de l'administration fiscale montrent en effet que, ramené au revenu fiscal de référence (RFR), le taux effectif moyen d'imposition des plus aisés atteint 22 % pour les foyers ayant un RFR compris entre 500 000 et 700 000 euros. Mais contrairement au principe de progressivité, ce taux baisse ensuite progressivement, pour passer sous les 20 % pour les foyers au RFR compris entre 4 et 6 millions d'euros et s'abaisse même à 16,9 % pour les foyers au RFR au-delà de 9 millions d'euros.

En 2023, près de 1 900 foyers, dont le revenu est supérieur à 4 millions d'euros, présentaient un taux effectif réel d'imposition inférieur à 20 %. Appliqué en 2023, un taux minimum d'imposition de 20 % aurait ainsi dégagé un peu plus de 400 millions d'euros. Le rendement annoncé de 2 milliards d'euros a donc de quoi interroger : il paraît largement surévalué.

L'impôt sur le revenu est et restera dégressif

Il est intéressant de préciser que cette dégressivité de l'IR n'est pas nouvelle. Au surplus, bion que dégressifs, les taux réels d'imposition étaient supérieurs avant l'instauration du prélèvement forfaitaire unique (PFU, la flat tax, constituée de 12,8 % d'impôt sur le revenu et de 17,2 % de CSG), qui a tiré les taux vers le bas.

La chute est même spectaculaire. A titre d'exmples :
pour les foyers fiscaux dont le RFR se situait entre 600 000 et 700 000 euros en 2017, le taux effectif moyen d'imposition atteignait 27 %. Il s'abaissait à 26,42 % en 2018, 24,0 % en 2019 et 22 % en 2023.
pour les foyers dont le RFR dépassait 9 millions d'euros en 2017, le taux effectif moyen était légèrement supérieur à 20 % en 2017, il était inférieur à 17 % en 2023.

Plus largement, au-dessus de 100 000 euros de revenus (777 899 foyers fiscaux en 2017, plus de 1,1 million en 2023), les taux réels sont sensiblement inférieurs en 2023 à ce qu'ils étaient en 2017, avant la mise en place du PFU (applicable en 2018). De manière générale, l'ensemble des foyers fiscaux dont le RFR se situe au-delà de 500 000 euros, la baisse des taux effectifs moyen est nette. Elle peut atteindre dépasser 5 points.

Ce taux minimum d'imposition constitue en quelque sorte un aveu quant à la dégressivité de l'IR. Elle limite certes l'effet régressif du PFU, sans toutefois le remettre en cause. Il eut en effet été plus rentable, plus juste et plus simple d'imposer l'ensemble des revenus au barème progressif de l'impôt sur le revenu au lieu d'instaurer un tel mécanisme. Avec cette contribution temporaire, le taux effectif minimum ne pourra plus être inférieur à 20 % pendant 3 ans mais, en l'absence de réforme d'ensemble, l'impôt sur le revenu restera dégressif.

26.09.2024 à 08:31

L'étude de Tax Justice Network révèle que les pays peuvent collecter 2 000 milliards de dollars en imitant l'impôt sur la fortune espagnol

Équipe de l'Observatoire

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Nous reproduisons ici un résumé de l'étude du Tax Justice Network d'août 2024 qui montre que les Etats ont tout intérêt à instaurer un impôt sur les super-riches.
La suppression de ce que le réseau tax justice network (TJN) dénomme « le traitement fiscal spécial accordé aux super-riches » (autrement dit les mesures fiscales taillées sur mesure) peut couvrir les besoins estimés en matière de financement de la lutte contre le changement climatique. TJN montre que, en suivant l'exemple de (…)

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Texte intégral (1274 mots)

Nous reproduisons ici un résumé de l'étude du Tax Justice Network d'août 2024 qui montre que les Etats ont tout intérêt à instaurer un impôt sur les super-riches.

La suppression de ce que le réseau tax justice network (TJN) dénomme « le traitement fiscal spécial accordé aux super-riches » (autrement dit les mesures fiscales taillées sur mesure) peut couvrir les besoins estimés en matière de financement de la lutte contre le changement climatique. TJN montre que, en suivant l'exemple de l'impôt sur la fortune de l'Espagne, qui frappe les 0,5 % des ménages les plus riches, les pays récolteraient 2000 milliards de dollars par an au niveau mondial.

Pour TJN, il est démontré que les réformes fiscales ciblant les richesses extrêmes n'ont pas entraîné la délocalisation des super-riches vers d'autres pays.
En moyenne, la moitié de la population d'un pays ne possède que 3 % de sa richesse, tandis que les 0,5 % les plus riches en possèdent un quart.
L'extrême richesse insécurise les économies et est directement liée au fait que les personnes doivent dépenser plus qu'ils ne gagnent. Le traitement à deux vitesses de la richesse (impôts moins élevés sur la richesse perçue, c'est-à-dire les dividendes, les loyers, les gains en capital ; impôts plus élevés sur la richesse gagnée, comme les salaires) alimente l'extrême richesse et rend les économies plus pauvres.

Les pays peuvent collecter la somme de 2000 milliards de dollars par an en suivant l'exemple de l'Espagne qui a réussi à imposer la richesse des 0,5 % des ménages les plus riches. C'est le double du montant nécessaire chaque année pour le financement externe des pays en développement pour le climat, qui devrait être au centre des négociations de la COP29 cette année.

La dernière étude du Tax Justice Network estime le montant des recettes que chaque pays peut individuellement générer en taxant la richesse des seuls 0,5 % des ménages les plus riches à un taux léger de 1,7 % à 3,5 %. L'impôt sur la fortune ne s'appliquerait qu'à la partie supérieure du patrimoine des ménages, et non à l'ensemble de leur patrimoine.

Bien que l'étude reproduise l'approche de l'impôt espagnol sur la fortune pour chaque pays, elle constate qu'en moyenne, chaque pays pourrait collecter l'équivalent de 7 % de son budget de dépenses. Elle montre également que les réformes fiscales précédentes visant les super-riches n'ont pas entraîné leur délocalisation vers d'autres pays, malgré les titres des médias affirmant le contraire. Seuls 0,01 % des ménages les plus riches ont déménagé après la mise en œuvre des réformes de l'impôt sur la fortune visant les ménages les plus riches en Norvège, en Suède et au Danemark. Une étude britannique prévoit que les réformes relatives au statut de personne non domiciliée entraîneraient un taux de migration compris entre 0,02 % et 3,2 % au maximum. Les estimations de l'étude sur le montant des impôts que les pays peuvent percevoir grâce à l'impôt sur la fortune reposent par conséquent sur l'hypothèse très prudente qu'un tel taux de migration de 3,2 % se produirait.

Le traitement à deux vitesses de la richesse insécurise les économies. Les sommes considérables que pourrait rapporter un modeste impôt sur la fortune sont possibles en raison des niveaux extrêmes de richesse accumulée par les plus riches. L'étude révèle qu'en moyenne, dans chaque pays, la moitié de la population possède à peine 3 % de l'ensemble des richesses, tandis que les 0,5 % les plus riches en détiennent un quart (25,7 %).

Selon le rapport, cette richesse extrême des super-riches rend les économies incertaines et est directement liée à une productivité économique plus faible, aux ménages non riches qui doivent dépenser plus qu'ils ne gagnent et à des résultats sociétaux plus médiocres tels qu'un niveau d'éducation plus faible et une espérance de vie plus courte.

Selon TJN, la racine du problème réside dans le traitement à deux vitesses de la richesse collectée et de la richesse gagnée. La richesse collectée, c'est-à-dire les dividendes, les plus-values et les loyers tirés de la possession de biens, est généralement imposée à des taux bien inférieurs à ceux de la richesse gagnée (soit les revenus du travail). Dans le même temps, la richesse collectée croît généralement plus vite que la richesse gagnée. Aujourd'hui, seule la moitié de la richesse créée chaque année dans le monde va aux personnes qui gagnent leur vie. Le reste est collecté sous forme de loyers, d'intérêts, de dividendes et de plus-values.

Si les superriches peuvent travailler et avoir un emploi, la quasi-totalité de leur richesse provient de la possession d'entreprises et d'empires immobiliers, et non de leur travail dans ces empires. Les salaires qu'ils peuvent percevoir ne sont qu'une goutte d'eau dans l'océan de leur richesse. Trois des cinq hommes les plus riches de la liste des milliardaires de Forbes pour 2024 gagnent un salaire d'un dollar : Elon Musk, Mark Zuckerberg et Larry Elison. Selon une étude de 2011, le "PDG à 1 dollar" moyen renonce à 610 000 dollars de salaire, mais gagne 2 millions de dollars d'autres rémunérations basées sur la propriété.
Le traitement à deux vitesses a produit des résultats extrêmes en ce qui concerne les personnes les plus riches. Les milliardaires ont tendance à payer des taux d'imposition inférieurs de moitié aux taux payés par le reste de la société. Et leur richesse augmente deux fois plus vite que celle du reste de la société. Cela a contribué à quadrupler la richesse des 0,0001 % depuis 1987, au détriment des économies, des sociétés et de la planète.

L'accumulation extrême de richesses ne se contente pas de créer des déséquilibres extrêmes aux conséquences néfastes, elle rend ces richesses accumulées moins productives sur le plan économique - par exemple en détournant une part disproportionnée de la richesse vers des produits dérivés spéculatifs plutôt que vers des biens et des services de l'économie "réelle". Le porte-parole du Tax Justice Network explique ainsi "pourquoi le monde ne se sent pas plus riche aujourd'hui alors qu'il n'y a jamais eu autant de richesses que maintenant".

Le traitement à deux niveaux de la manière dont les gens acquièrent la richesse amplifie cette tendance. En permettant à la richesse collectée de dépasser de façon spectaculaire la richesse gagnée, le traitement à deux vitesses pousse la richesse vers des formes moins productives tout en augmentant l'endettement des ménages non riches.

Le réseau Tax Justice Network appelle les gouvernements à mettre fin au traitement à deux vitesses de la richesse en introduisant des impôts sur la fortune.

26.08.2024 à 15:04

Remboursements de crédit de TVA et de crédit d'impôt recherche : des coûts qui explosent et peu de contrôles

Équipe de l'Observatoire

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Si les « niches fiscales » (nommées « dépenses fiscales » dans le jargon budgétaire) font régulièrement débat, la littérature sur l'évolution du coût des dégrèvements et des remboursements d'impôt (issus de certaines « niches fiscales », de dispositions fiscales spécifiques et de la mécanique propre à certains impôts) est bien mince. En la matière, un paradoxe mérite d'être souligné : en 2023, le niveau des recettes publiques a diminué et est inférieur aux prévisions, celui des (…)

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Texte intégral (1762 mots)

Si les « niches fiscales » (nommées « dépenses fiscales » dans le jargon budgétaire) font régulièrement débat, la littérature sur l'évolution du coût des dégrèvements et des remboursements d'impôt (issus de certaines « niches fiscales », de dispositions fiscales spécifiques et de la mécanique propre à certains impôts) est bien mince. En la matière, un paradoxe mérite d'être souligné : en 2023, le niveau des recettes publiques a diminué et est inférieur aux prévisions, celui des remboursements et des dégrèvements a sensiblement augmenté et est supérieur aux estimations.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes : dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2024, le montant des remboursements et dégrèvements d'impôts d'État s'élève à 135,9 milliards d'euros, en hausse de près de 9 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2023 (soit 127,1 milliards d'euros) et ont plus que doublé depuis 2001 (ils s'établissaient alors à 61 milliards d'euros). C'est tout bonnement le plus haut niveau jamais atteint, hors Covid. Dans la période récente, cette hausse concerne essentiellement les remboursements et dégrèvements en matière d'impôts d'État (ceux concernant les impôts locaux diminuent en effet du fait de la suppression progressive de la taxe d'habitation sur les résidences principales et de la réforme des impôts dits « de production »).

Plusieurs raisons expliquent cette tendance à la hausse. Si l'on pense notamment à la législation ou à l'évolution du tissu économique, il faut y ajouter la faiblesse des contrôles due, principalement, au manque de moyens de la Direction générale des finances publiques (DGFiP).
L'analyse des demandes de remboursement de crédit de TVA et du crédit d'impôt recherche (CIR) l'illustre hélas à merveille.

Le cas préoccupant des remboursements de crédit de TVA

Rappelons tout d'abord sommairement le fonctionnement de la TVA. L'entreprise assujettie à la TVA facture la TVA à ses clients, elle déduit de cette TVA collectée la TVA qu'elle paie à ses fournisseurs et reverse la différence à l'administration fiscale. Dans certains cas toutefois (période d'achats importants, exportations non assujetties à la TVA, etc), le montant de la TVA déductible peut dépasser celui de la TVA collectée. L'assujettie est alors en situation de crédit de TVA et peut soit imputer ce crédit sur la TVA collectée future, soit se la faire rembourser. Cette seconde solution est largement privilégiée par les entreprises.

La TVA est, de loin le premier, impôt en France. En 2024, le rendement brut de la TVA pourrait atteindre 303 milliards d'euros. Pour calculer son rendement net, il faut déduire de ce montant brut 83,5 milliards d'euros de remboursements et dégrèvements (dont les 79,33 milliards d'euros au titre des restitutions de crédits de TVA). Précisons ici que 119 milliards d'euros de recettes de TVA échappent au budget de l'État et sont transférés à la Sécurité sociale (pour 60 milliards d'euros), aux collectivités territoriales (pour 55 milliards d'euros) et, pour 4 milliards d'euros, en compensation de la suppression de la contribution à l'audiovisuel public. En PLF 2024, les restitutions de TVA sont donc estimées à 79,3 milliards d'euros, ce qui représente une augmentation de 15,4 % par rapport à la LFI 2023 (soit 10,56 milliards d'euros) après une hausse de 8,3 % entre 2022 et 2023 et de 10,2 % entre 2021 et 2022. Sur une période plus longue, entre 2014 et 2024, la hausse des remboursements de TVA s'élève à 66,6 % (soit 31,7 milliards d'euros).

Ce niveau élevé des remboursements nécessite une vigilance accrue sur les risques de montages frauduleux. Rappelons qu'en 2022, l'INSEE estimait la fraude à la TVA entre 20 et 26 milliards d'euros [1]. Or, le montant des crédits de TVA rejetés interpelle pas sa faiblesse : 134 millions en 2021 et 137 millions en 2022, soit 0,23 % du montant total des remboursements de crédit de TVA de 2021 (57,6 milliards d'euros en 2021) et 0,2 % du montant total des remboursements de crédit de TVA pour 2022. Autrement dit, le contrôle de ces demandes est faible… Deux raisons principales expliquent cette situation : la réduction des effectifs de la Direction générale des finances publiques (DGFiP) et l'objectif assigné au programme « 200 - Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État » en matière de rapidité de traitement des demandes de remboursements.

Le CIR, première niche fiscale

Le crédit d'impôt recherche (CIR) est la première « niche fiscale ». Son coût ne cesse de croître et devrait atteindre 7,64 milliards d'euros en 2024. Pour autant, les dernières évaluations sur le CIR et son impact en termes d'investissement, d'emploi et d'attractivité des entreprises innovantes datent de 2021 et se basent sur des données allant jusqu'en 2018. Or, depuis cette date, le coût du CIR a augmenté de 1,8 milliard d'euros. Le CIR est très concentré : les 200 premières entreprises représentent près des deux tiers du coût total et 28 groupes déclarent le tiers des dépenses de R&D et bénéficient de 27 % de créances de CIR.

Dans leurs rapports spéciaux consacrés au programme « Remboursements et dégrèvements », les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat se montrent particulièrement critiques sur le CIR [2]. Leurs travaux montrent que la hausse du coût du CIR est importante et qu'elle dépasse les prévisions. Le rapporteur spécial de la commission des finances estime nécessaire de « mener une nouvelle évaluation qui viserait à mesurer l'impact du dispositif en établissant une différenciation par type d'entreprise et par secteur d'activité à partir des données les plus récentes » tandis que le rapport spécial de la commission des finances de l'Assemblée nationale relève que « L'efficience de ce dispositif a fait l'objet d'une littérature critique abondante. Au sujet du CIR, France Stratégie relève des « effets positifs sur les PME [3] , mais pas d'effet significatif établi en ce qui concerne les ETI et les grandes entreprises ». Elle observe également que « le CIR n'a pas suffi à contrecarrer la perte d'attractivité du site France pour la localisation de la R&D des multinationales étrangères ». La question de l'efficacité du CIR est donc posée. Le rapport cite également les travaux cités par France Stratégie, selon lesquels ce sont les PME qui ont la propension la plus grande à réaliser des innovations de rupture et que le CIR conduit à un « effet d'aubaine » pour les grandes entreprises, et propose de « recentrer le CIR sur les petites et les moyennes entreprises (PME) et à plafonner les dépenses éligibles pour les grands groupes ».

À ce propos, on notera que le Conseil des prélèvements obligatoires préconise, de son côté, soit un plafond de 20 millions d'euros, soit un plafond de 20 millions d'euros associé à une hausse du taux de CIR à 40 %. La DGFiP estime que la première option permettrait de réduire le coût du CIR de 1,6 milliard d'euros aux finances publiques alors que la seconde conduirait à l'augmenter de 200 millions d'euros.

Le rapport spécial de la commission des finances du Sénat note également que « le CIR est un crédit d'impôt particulièrement difficile à contrôler qui nécessite une coordination entre les services de la DGFIP et ceux du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ». Or, ces deux administrations perdent des emplois. Curieusement, les données sur le nombre de contrôles du CIR sont rares. Après une augmentation des rectifications entre 2008 et 2013, passant de 269 à 1523, le rythme décroît depuis 2014. Ainsi, en 2019, 1 071 contrôles ont fait l'objet d'une rectification CIR. Ramené aux 21 087 bénéficiaires du CIR en 2019, la proportion de celles ayant fait l'objet d'un contrôle est donc de 5 %...

Ces deux focus sur, d'une part, un dispositif lié à la mécanique d'un impôt (la TVA en l'occurrence) et d'autre part, la première « niche fiscale », montrent que la hausse de leur coût budgétaire est en partie artificielle et résulte d'une utilisation optimisée, et parfois frauduleuse, de ces dispositifs. Une véritable « revue » de ces dispositifs et un renforcement de l'ensemble des moyens de contrôle devrait constituer une véritable priorité en matière de finances publiques. Mais jusqu'à présent, ces préconisations sont restées « lettres mortes ».


[1] INSEE, Estimation des montants manquants de versements de TVA : exploitation des données du contrôle fiscal, 25 juillet 2022.

[2] Rapport spécial de la Commission des finances de l'Assemblée nationale « Annexe 40, remboursements et dégrèvements » (Mme Pires Beaune, rapporteure spéciale) du 14 octobre 2023 et rapport spécial de la Commission des finances du Sénat « Annexe 27, remboursements et dégrèvements » (M. Husson, rapporteur spécial) du 23 novembre 2023.

[3] France Stratégie (CNEPI), « Évaluation du crédit d'impôt recherche », Gilles de Margerie (président), Mohamed Harfi et Rémi Lallement (rapporteurs), juin 2021

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