21.06.2024 à 18:46
Emyle Watkins
Note de la rédaction : La version complète (en anglais) du guide de GIJN, rédigé par Emyle Watkins, est parue en mars 2023. Cette version abrégée a été éditée par Nikolia Apostolou en janvier 2024.
Les 1,3 milliards de personnes handicapées forment la plus importante minorité au monde, selon les Nations Unies, et n’importe qui peut à tout moment rejoindre cette communauté, quelle que soit sa nationalité ou son statut socio-économique. On ajoutera que tous les handicaps ne sont pas visibles.
Tout sujet d’enquête peut potentiellement avoir un angle lié au handicap.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) fournit peut-être la définition la plus exhaustive : « Le handicap résulte de l’interaction entre les personnes atteintes d’un problème de santé, qu’il s’agisse d’une paralysie cérébrale, du syndrome de Down ou encore d’une dépression, avec des facteurs personnels et environnementaux, y compris des attitudes négatives, des transports et des bâtiments publics inaccessibles, et un soutien social limité ».
Le Centre des Etats-Unis pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) relèvent trois dimensions du handicap :
Les Nations Unies proposent également une liste des lois relatives aux personnes handicapées par pays.
Les pays qui ont signé la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CNUDPH) reconnaissent que « la notion de handicap évolue et que le handicap résulte de l’interaction entre des personnes présentant des incapacités et les barrières comportementales et environnementales qui font obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres ».
Selon le CDC, il existe de nombreux types de handicap, dont ceux qui affectent :
En outre, le CDC note que les handicaps peuvent être associés à des problèmes de développement qui surviennent à mesure que les enfants grandissent (par exemple, le trouble du spectre de l’autisme et le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité, ou TDAH). D’autres handicaps peuvent être liés à un accident ou à une blessure (par exemple, une lésion cérébrale traumatique ou une lésion de la moelle épinière), à une maladie chronique (par exemple, le diabète), comme ils peuvent être progressifs (par exemple, la dystrophie musculaire), liés à l’âge (comme la perte de mobilité ou la vision et la perte auditive), statiques (par exemple, la perte de membres) ou de nature dynamique (certaines formes de sclérose en plaques). L’autisme, le TDAH et la dyslexie sont également des exemples de neurodivergence, où les différences dans le cerveau affectent la façon dont les gens pensent et traitent l’information. Une neurodivergence n’est pas, par définition, un handicap, mais elle peut être associée à un handicap.
Pour d’autres définitions et modèles de handicap, lire la version longue de ce guide (en anglais).
Il s’agit d’une liste non exhaustive. Certains pays peuvent ne pas recueillir ou fournir d’informations pour ces bases de données.
Remarque : Il existe de nombreux groupes, réseaux ou organisations faîtières pour les communautés de personnes handicapées, dont beaucoup ne sont pas inclus ici. La liste ci-dessous est loin d’être exhaustive.
Image : Capture d’écran, Forum africain sur les personnes handicapées
Les organisations internationales dédiés à des handicaps en particulier
Le National Center on Disability and Journalism (NCDJ), aux Etats-Unis, propose un guide de style complet sur le handicap. A destination des journalistes, il peut aider à éclairer le langage et le ton à employer et vous donner une idée des mots à éviter. Il est disponible en anglais, espagnol, roumain et italien.
Offrir différentes options d’entretien aux personnes handicapées. Certaines personnes préfèrent la communication virtuelle ou la communication téléphonique, soit en raison d’obstacles pour accéder à leur communauté, soit en raison de leur santé mentale ou encore de précautions à prendre pour éviter de contracter une maladie infectieuse. Certaines personnes ont besoin de se préparer, en particulier les personnes ayant de l’anxiété, de la fatigue, un syndrome dysexécutif ou encore des troubles du traitement sensoriel, qui pourraient alors avoir du mal à répondre spontanément. Certaines personnes pourraient avoir besoin de vous voir, soit en personne soit en ligne, afin de lire sur vos lèvres, ou bien utiliser un interprète. Cette liste n’est pas exhaustive.
Carte d’invalidité au Burkina Faso : le sésame de la désillusion (Burkina Faso) 2021. Une plongée inédite dans le programme de cartes d’invalidité de ce pays d’Afrique de l’Ouest révèle les problèmes liés non seulement à l’obtention de la carte, mais aussi à la carte elle-même. Les personnes handicapées attestent des obstacles à l’obtention de la carte, y compris le coût d’évaluations coûteuses pour répondre aux exigences. Les titulaires de cette carte en dénoncent également les “avantages illusoires”.
Comment la police de Delhi a bâclé une enquête sur le viol d’une enfant handicapée (Inde) 2022. Le site d’enquête Newslaundry a réalisé une enquête en deux volets sur le viol d’une enfant de 11 ans ayant de graves troubles cognitifs. Le site a documenté de nombreuses lacunes de la part des forces de l’ordre. La police n’a pas suivi la procédure de traitement des cas de victimes handicapées et a sauté les mesures nécessaires lui permettant de fournir des preuves.
Le décès d’un homme atteint du Covid-19 réveille les pires craintes de nombreuses personnes handicapées (États-Unis) 2020. Joseph Shapiro, journaliste au sein de la rédaction de NPR, s’est penché sur le cas d’un homme quadriplégique de 46 ans qui a été transféré en unité de soins palliatifs alors qu’il était traité pour le Covid-19 et qui est finalement décédé. Sa femme pense qu’on lui a peut-être refusé un traitement qui aurait pu lui sauver la vie en raison de son handicap, et plusieurs groupes craignent que ses droits aient été violés. Cette enquête raconte comment, pendant la pandémie de Covid, de nombreuses préoccupations ont surgi concernant le rationnement des soins de santé et l’expression de préjugés médicaux envers les personnes handicapées.
Handicaps et personnes handicapées (Équateur) 2020. En Équateur, 3 000 cartes d’invalidité, qui donnent accès à certains avantages, y compris des allégements fiscaux sur les importations de véhicules et une retraite anticipée, ont été délivrées illégalement. Le journaliste Fernando Villavicencio Valencia a enquêté sur un médecin et des membres de sa famille, qui ont obtenu des cartes et utilisé les avantages pour importer des véhicules.
Quand le handicap est “à vendre” (France) 2022. Une enquête de six ans sur ces établissements qui font travailler des personnes en situation de handicap, s’éloignant de plus en plus de leur mission médico-sociale en vantant le rendement hors norme de cette main d’œuvre à bas prix. Le journaliste Thibault Petit a examiné les bas salaires et les conditions de travail déplorables de quelque 120 000 personnes handicapées. Il a constaté qu’ils reçoivent la moitié du salaire minimum ainsi que des cotisations de retraite plus faibles.
Pour plus d’études de cas, veuillez consulter la version longue de ce guide.
Emyle Watkins est une journaliste d’investigation primée basée à New York. Depuis 2021, Emyle assure la couverture de la communauté des personnes handicapées pour WBFO, la station NPR de Buffalo. La passion d’Emyle pour la couverture du handicap vient de son expérience personnelle en tant que personne handicapée et neurodivergente. Les reportages d’Emyle ont été publiés par NPR et The Pittsburgh Post-Gazette, et sont apparus dans des fils d’actualité de la BBC World News.
03.05.2024 à 09:44
Michele Barbero
À l’occasion de la journée mondiale de la liberté de la presse, ce 3 mai 2024, GIJN dresse le profil d’un de ses membres : Forbidden Stories. Fondé en 2017, le projet à but non lucratif vise à reprendre des enquêtes mises au placard en raison de menaces ou de violences afin d’envoyer le message : « Tuer le journaliste ne tue pas l’histoire ».
Le journaliste indien Shashikant Warishe savait que son enquête sur une nouvelle raffinerie controversée dans la région occidentale du Konkan suscitait la colère de personnes dangereuses.
Il avait été mis en garde par des amis et menacé par des ennemis. Mais il a continué, écrivant pour son journal local sur la spéculation foncière rampante et les risques environnementaux liés au mégaprojet, ainsi que sur la résistance opposée par de nombreux habitants de la région.
En février 2023, alors qu’il fait le plein de sa moto dans une station-service, il est fauché par un 4×4 et meurt de ses blessures peu de temps après. La police pense qu’il a été délibérément assassiné par un marchand de terres au sujet duquel Warishe venait de rédiger un article cinglant. (L’accusé, qui est toujours en détention dans l’attente de son procès, affirme qu’il s’agissait d’un « pur accident »).
Mais les enquêtes de Warishe ne sont pas mortes le jour où il a été tué. Forbidden Stories, une association à but non lucratif basée à Paris, a poursuivi son travail en collaboration avec l’Indian Express, en produisant une enquête approfondie sur la question en trois langues au début de l’année.
Fondé en 2017, la raison d’être de Forbidden Stories, membre du GIJN, est de reprendre des enquêtes mises au placard en raison de menaces ou de violences contre la presse, en les publiant accompagnées des récits expliquant comment les journalistes qui les menaient à l’origine ont été réduits au silence.
L’objectif est d' »envoyer un signal fort : tuer le journaliste ne tue pas l’histoire », explique le fondateur et directeur exécutif Laurent Richard, qui a 25 ans d’expérience dans le domaine du journalisme d’investigation.
En ce 3 mai, Journée mondiale de la liberté de la presse, cette mission est d’autant plus pertinente que de nombreux acteurs malveillants à travers le monde continuent de mettre en péril le journalisme de responsabilité et le droit du public à l’information. Le besoin est pressant : Dans de nombreuses régions du monde, des journalistes sont intimidés, emprisonnés ou tués en raison de leur travail. Dans de nombreux cas, en particulier dans les pays du Sud, cela se produit sans que grand monde ne le sache, ce qui fait que certaines enquêtes sont abandonnées à jamais.
Forbidden Stories tente de changer cela en exposant les violations des droits humains, les atteintes à l’environnement, la corruption et le crime organisé du Mexique à l’Azerbaïdjan, du Maroc aux Philippines.
Les différentes pistes que l’équipe reçoit du monde entier font l’objet d’une pré-enquête pour en évaluer la pertinence et la faisabilité, ainsi que pour confirmer que les abus subis par les journalistes sur le terrain sont bien liés à leur travail.
Ensuite, pour chaque mission, le groupe s’associe à d’autres organes de presse pour constituer et coordonner une équipe de travail qui peut compter plusieurs dizaines de journalistes. Au fil des ans, Forbidden Stories a travaillé avec 90 partenaires, parmi lesquels de petites rédactions locales connaissant bien le territoire mais aussi de grandes rédactions internationales comme Reuters et le New York Times.
Forbidden Stories a démarré sur les chapeaux de roue en coordonnant, dans le cadre de sa première initiative, 18 organes de presse qui se sont engagés à poursuivre le travail de la journaliste maltaise Daphne Caruana Galizia, qui a été assassinée en 2017. Forbidden Stories compte aujourd’hui une vingtaine de projets à son actif.
Les crimes contre l’environnement sont l’un des thèmes qui reviennent le plus souvent dans les travaux du groupe. Le reportage sur Shashikant Warishe et la nouvelle raffinerie de l’ouest de l’Inde a mis en lumière les risques de pollution liés à l’usine. Une autre enquête de grande envergure publiée en 2019, « Green Blood », s’est concentrée sur les dommages causés par l’industrie minière en Tanzanie, au Guatemala et en Inde. Parallèlement, The Bruno and Dom Project, coordonné par Forbidden Stories après l’assassinat du reporter Dom Phillips et de son collaborateur Bruno Pereira au Brésil, a mis en lumière le pillage des ressources naturelles de l’Amazonie.
Selon Richard, si l’environnement est au centre d’une grande partie des enquêtes avortées que Forbidden Stories rencontre, c’est parce qu’il est extrêmement dangereux d’enquêter sur la façon dont les entreprises et les politiques exploitent les ressources naturelles dans des pays où les niveaux de corruption et d’impunité sont élevés. Selon une étude du Comité pour la protection des journalistes, au moins 13 journalistes, voire 29, ont été tués entre 2009 et 2019 alors qu’ils travaillaient dans ce domaine, ce qui en fait l’une des activités les plus meurtrières après les reportages de guerre.
Mais l’engagement du groupe à couvrir ces sujets est également le résultat d’un choix éditorial délibéré. « Je crois que nous devons faire de plus en plus de reportages sur les crimes contre l’environnement », estime Laurent Richard. « Nous vivons une période où, en tant que citoyens, nous devons prendre des décisions importantes pour protéger la planète, mais comment pouvons-nous prendre ces décisions si nous ne disposons pas des informations nécessaires ? »
Une autre priorité de Forbidden Stories est de montrer que les crimes en question ne sont pas aussi locaux et éloignés qu’ils paraissent, mais qu’ils sont liés à la vie quotidienne de millions de personnes dans le monde entier. L’or extrait de la mine tanzanienne qui a fait l’objet d’une enquête en 2019 servait à fabriquer des produits vendus aux consommateurs occidentaux par des entreprises technologiques de premier plan. Les cartels qui tuent des journalistes et corrompent des fonctionnaires au Mexique dirigent des opérations multinationales responsables de l’inondation de l’Europe et des États-Unis avec de la drogue.
Mais Forbidden Stories ne vise pas seulement à rendre hommage aux journalistes réduits au silence et à poursuivre leur travail. Il s’agit également d’aider les journalistes menacés à poursuivre eux-mêmes leur travail. C’est l’objectif du SafeBox Network, une plateforme en ligne sécurisée où les journalistes peuvent rendre leur matériel accessible à l’équipe de Forbidden Stories, au cas où quelqu’un essaierait de les faire taire.
« L’objectif est de décourager les attaques contre ceux qui ont rejoint le réseau, en faisant savoir qu’ils partagent leurs découvertes avec Forbidden Stories et en envoyant le message que l’enquête sera publiée quoi qu’il arrive, et qu’il ne sert donc à rien de les attaquer », explique Fanny Toubin, responsable du projet SafeBox.
La plateforme a été lancée en 2022 et compte actuellement quelque 110 utilisateurs. Il est difficile d’évaluer son efficacité en matière de dissuasion de la violence à l’encontre de ses membres, mais les réactions sont encourageantes, de nombreuses personnes se sentant « moins isolées et plus soutenues », a déclaré Fanny Toubin.
Bien entendu, SafeBox est loin de garantir une sécurité totale, comme l’a montré le meurtre de Rafael Moreno, un journaliste colombien abattu par un tueur à gages en octobre 2022, quelques jours après avoir téléchargé ses articles.
Mais, déterminé à ce que sa mort ne soit pas vaine, Forbidden Stories a chargé une équipe de 30 journalistes de terminer son travail. Ensemble, ils ont produit, dans les mois qui ont suivi sa mort, une multitude d’articles qui ont fait la lumière sur la corruption et les crimes contre l’environnement dans la province de Córdoba où travaillait Rafael Moreno.
« L’idée que vous pouvez mettre vos informations à disposition pour que quelqu’un termine l’histoire est très dissuasive pour quiconque envisage de tuer ou de faire quelque chose à un journaliste », se félicite Miranda Patrucic, rédactrice en chef du projet Organized Crime and Corruption Reporting (OCCRP), lors de la conférence de l’IJF à Pérouse en avril 2024.
La gestion d’environnements extrêmement dangereux n’est pas le seul défi auquel Forbidden Stories doit faire face. L’argent est rare : le financement provient de fondations philanthropiques et de dons individuels, avec un budget annuel qui tourne actuellement autour de trois millions d’euros (3,2 millions de dollars américains). Mais les enquêtes sont difficiles, lentes et nécessitent beaucoup de ressources, relève Laurent Richard – y compris pour les frais juridiques, étant donné que les personnes mentionnées dans les articles réagissent souvent en poursuivant les auteurs en justice.
En ce qui concerne SafeBox, un autre problème auquel le groupe est confronté consiste à gagner la confiance des journalistes. « Les rassurer pour qu’ils se sentent à l’aise de partager leurs informations avec nous est un énorme défi », reconnaît Fanny Toubin.
La plateforme utilise SecureDrop, un système très fiable développé par la Freedom of the Press Foundation, qui a été testé pour détecter les bugs et les vulnérabilités. Mais les journalistes qui travaillent dans des pays où la liberté de la presse est faible vivent avec le risque constant de piratage et de surveillance en ligne, ce qui peut les rendre méfiants à l’égard d’outils tiers tels que SafeBox, a déclaré Carolyne Lunga, chercheuse sur le journalisme d’investigation collaboratif dans les pays du Sud, qui enseigne à la City University de Londres et à l’Université de Doha pour la science et la technologie.
Le meilleur moyen de convaincre des journalistes méfiants est de les rencontrer en personne. Forbidden Stories a organisé des ateliers – au Mexique, en Indonésie et au Guatemala – pour décrire sa mission, présenter SafeBox et gagner la confiance des journalistes locaux. La plateforme a enregistré une forte augmentation du nombre de ses membres après chacun de ces événements, indique Fanny Toubin.
Malgré ses ressources limitées, l’équipe de Forbidden Stories s’est agrandie. Elle a plus que doublé depuis l’année dernière pour atteindre un total de 25 employés à temps plein, et d’autres embauches sont prévues dans un avenir proche.
Ils ont du pain sur la planche. Laurent Richard souhaite que Forbidden Stories se fasse mieux connaître et renforce son réseau de partenaires, en particulier là où les journalistes sont ciblés. Renforcer les liens avec les médias locaux et mieux faire connaître l’organisation et sa mission dans ces régions est un moyen de décourager la violence à l’encontre des reporters.
Dans le cadre de ses efforts pour accroître sa portée, Forbidden Stories a rejoint GIJN en 2020 et a été l’un des partenaires de #GIJC23, la 13e conférence mondiale sur le journalisme d’investigation organisée par le GIJN en Suède l’année dernière.
De manière plus générale, Forbidden Stories vise à encourager une mentalité de journalisme collaboratif dans le monde entier, a déclaré son fondateur, en luttant contre ce qu’il a appelé l’approche du « journaliste loup solitaire ». « L’idée que vous êtes seul avec vos propres sources et vos propres histoires […] nous essayons de briser cela, sachant ce à quoi nous sommes confrontés : campagnes de désinformation, harcèlement, cybersurveillance, menaces physiques, criminalité mondiale », souligne Laurent Richard.
Les enquêtes conjointes impliquant différentes rédactions sont de plus en plus fréquentes, note Carolyne Lunga, mais « l’état d’esprit de collaboration, pour certains rédacteurs en chef, n’est pas là. Le journalisme reste très compétitif », ajoute-t-elle.
Pour sa part, l’équipe de Forbidden Stories espère également inspirer la création d’autres organisations similaires, et elle est prête à partager son expertise avec elles. « Nous ne considérons pas Forbidden Stories comme une sorte de holding, mais plutôt comme un mouvement de personnes », résume Laurent Richard. « Un modèle open source ».
Michele Barbero est un journaliste italien basé à Paris. Après plusieurs années passées à France 24, il travaille actuellement pour l’agence de presse française AFP. Ses articles ont également été publiés dans diverses publications, notamment Foreign Policy, Jacobin et Wired UK.
Traduit de l’anglais par Alcyone Wemaere (avec Deepl)
24.04.2024 à 09:00
Rowan Philp
Partout dans le monde, le data-journalisme moderne a conquis le public – et souvent a fait évoluer des politiques publiques – grâce à des preuves convaincantes et compréhensibles de l’impact du changement climatique, des mauvaises politiques gouvernementales et de la discrimination raciale ou fondée sur le sexe. Mais des lacunes subsistent.
Le journalisme d’investigation traditionnel a des angles morts – par exemple, l’incapacité générale des journalistes d’investigation à remonter jusqu’à l’origine des escrocs pour les faux appels téléphoniques, et la réticence à s’attaquer aux problèmes de violation des droits au sein des religions. Les productions basées sur les données présentent également de nombreux angles morts, qu’il s’agisse des sujets traités, de la manière d’évaluer les données ou de la façon dont aborde le récit.
Lors du sommet annuel NICAR en 2024, GIJN a demandé aux intervenants et aux participants dans les couloirs quelles étaient les lacunes en matière de data-journalisme qu’ils constataient, quels étaient les domaines peu couverts et les compétences sous-utilisées que les rédactions pouvaient aborder. Nous avons posé la même question à des sources fiables dans les pays du Sud Global.
« Nous ne faisons pas assez de narrations. Nous utilisons les données comme une fin en soi, plutôt que comme un point de départ pour un journalisme solide », a déclaré Sarah Cohen, titulaire de la chaire de journalisme de Knight à l’école de journalisme Walter Cronkite. « Je suis membre de jury [pour des prix de data-journalisme] et je peux vous dire que nous rejetons 90 % des candidatures parce qu’elles sont d’excellents exercices de données, mais pas de grandes oeuvres journalistiques. Nous avons la possibilité de faire les deux, mais si nous oublions de faire la partie pour laquelle nous sommes bons en tant que journalistes, alors quel est l’intérêt ? »
MaryJo Webster, data editor au Minneapolis Star Tribune, est d’accord : « Les données devraient être la colonne vertébrale de l’histoire, mais trop souvent elles sont devenues le corps. En fait, je pense que le terme « article de données » devrait être supprimé. Les jeunes journalistes doivent considérer les enquêtes comme des enquêtes, et les données comme une source pour rendre ces récits crédibles ». Elle a ajouté : « Nous avions l’habitude de passer trois mois sur un paragraphe – pour trouver la donnée la plus pertinente et impactante et ensuite l’humaniser ».
Cohen partage le même avis : « Les data-journalistes ont tendance à penser que leurs études sont intéressantes, mais ce n’est pas le cas, ce sont les gens qui le sont… Le véritable angle-mort que je vois chez beaucoup de journalistes de données, c’est l’aspect récit narratif en général. »
Les articles sur les données invitent souvent les lecteurs à « cliquer ici » pour consulter les sources de données, ou à « lire la suite » pour trouver des articles connexes dans une série – ou même à cliquer sur une URL. Ces articles oublient involontairement que les personnes aveugles ou malvoyantes, ou toute autre personne qui utilise un logiciel de lecture d’écran pour lire l’article sous forme de données, ne peuvent pas comprendre les liens hypertextes placés sur le texte de cette manière.
« Nous devrions tous utiliser une phrase descriptive complète, au lieu de dire simplement « cliquez ici », car sur un lecteur d’écran, cela se présente simplement par une liste », explique Helina Selemon, journaliste d’investigation au New York Amsterdam News. « Placez le lien sur des mots qui décrivent réellement ce à quoi il renvoie. Les médias ne proposent pas non plus d’informations à des niveaux de lecture inférieurs pour les personnes souffrant d’un handicap mental ».
« L’un des aspects qui me préoccupe le plus est lorsque les données nous conduisent à des conclusions erronées », a déclaré Sandra Crucianelli, formatrice en data-journalisme basée en Argentine, membre de l’ICIJ et fondatrice de Sololocal.info, lors d’une interview séparée avec GIJN. « Les données peuvent être incomplètes, obsolètes ou même incorrectement chargées dans la base de données ».
Mme Crucianelli a donné l’exemple concret d’un article sur le financement d’une campagne, dans lequel une base de données officielle indiquait qu’un donateur avait versé 1 000 000 de dollars à un parti politique. « La valeur élevée de ce chiffre nous a conduits à nous en méfier », se souvient-elle. « Nous avons retrouvé le donateur pour lui demander s’il avait réellement fait ce don. Il s’est avéré qu’il n’avait donné que 100 000 dollars. Lorsque nous avons consulté le responsable de la base de données, il nous a été répondu qu’il s’agissait d’une erreur de chargement. Imaginez que nous ayons fait un gros titre sur le million ! »
Étant donné qu’il n’est pas réaliste de vérifier chaque ligne de données, elle recommande aux journalistes de se concentrer sur les extrêmes. « Lorsque nous analysons des données, les chiffres eux-mêmes peuvent aussi mentir », a-t-elle fait remarquer. « C’est pourquoi la vérification est essentielle. Qu’est-ce qui a le plus changé au fil du temps ou qu’est-ce qui a le plus diminué ?
(Ce point a été repris dans l’article du GIJN « hallways round-up » de NICAR en 2023, qui a également noté la menace d’erreur commune que représentent les lignes vides dans les feuilles de calcul. Lire l’article de GIJN sur les 10 simples erreurs de données qui peuvent ruiner une enquête.
Combien d’organes de presse ont aujourd’hui la capacité de recruter, par exemple, un journaliste spécialisé dans l couverture des question de l’emploi, la politique locale ou l’enseignement primaire ? Dans le passé, ces journalistes spécialisés identifiaient souvent des sujets importants mais complexes – et des signaux d’alerte subtils – dans les données qu’ils recevaient de leurs sources sectorielles spécialisées, et transmettaient ces données aux responsables des enquêtes ou des données, qui demandaient alors souvent au journaliste spécialisé de se joindre à un projet d’équipe. Mike Reilley, fondateur de JournalistsToolbox.AI, explique que la réduction globale des effectifs dans les salles de rédaction a entraîné la disparition de nombreuses enquêtes basées sur des données, ainsi que la perte d’une catégorie de journalistes spécialisés capables de fournir un contexte clé sur des sujets obscurs.
« Nous devons faire preuve de créativité pour commencer à combler cette lacune – la collaboration serait certainement utile », a déclaré M. Reilley. Il a ajouté que les data editors devraient réfléchir activement aux données qu’ils pourraient négliger dans des domaines dormants, tels que l’aviation, la gestion des déchets ou les soins aux personnes âgées.
« S’il est vrai que les conséquences les plus évidentes du changement climatique, telles que les vagues de chaleur, les inondations et les sécheresses, font l’objet de nombreux reportages, il est nécessaire d’aller au-delà de ces aspects superficiels », a déclaré Hassel Fallas, analyse de données sénior à La Data Cuenta, un média indépendant latino-américain qui se concentre sur le journalisme de données lié au changement climatique et au genre, lors d’une interview séparée accordée à GIJN. « Les médias doivent approfondir l’analyse des mesures d’adaptation au changement climatique : les stratégies à long terme pour atténuer les effets du changement climatique et s’y adapter ».
Mme Fallas a ajouté : « En ne s’intéressant qu’aux conséquences les plus visibles du changement climatique, on risque de négliger la complexité de la question et ses différentes dimensions. Par exemple, l’adaptation au changement climatique va au-delà des questions environnementales et englobe des aspects socio-économiques, politiques et culturels. »
Ces dernières années, une poignée d’enquêtes très médiatisées sur le trafic de main-d’œuvre ont captivé l’attention, mettant en cause les conditions de travail abusives de migrants employés dans des lieux tels que des bases militaires américaines à l’étranger et des chaînes de restauration rapide au Moyen-Orient. Le trafic de main-d’œuvre implique souvent l’exploitation, des conditions de travail pénibles, des restrictions de voyage, voire la confiscation des passeports des travailleurs par les entreprises de main-d’œuvre qui travaillent avec des employeurs internationaux dans des pays étrangers.
Andrew Lehren, ancien responsable des enquêtes à NBC News, qui a travaillé sur plusieurs de ces enquêtes, estime que ces travaux ne représentent que la partie émergée de l’iceberg de l’exploitation des travailleurs dans le monde, et qu’il existe d’importantes données à trouver et à analyser.
« Notre dernier article portait sur des entrepôts occidentaux au Moyen-Orient où travaillaient des personnes victimes de la traite des êtres humains, mais il ne fait aucun doute qu’il ne s’agit pas d’une exception », a déclaré M. Lehren, qui est aujourd’hui directeur du département des enquêtes à l’école de journalisme CUNY de New York. « De grandes entreprises opérant dans différentes parties du monde ont une forte demande de main-d’œuvre bon marché. Les entreprises qui leur fournissent de la main-d’œuvre ont tout intérêt à faire des économies, ce qui conduit à l’exploitation de travailleurs migrants originaires de pays comme le Pakistan, le Sri Lanka, le Népal et les Philippines. Ces enquêtes prennent du temps et nécessitent une collaboration, mais elles existent ».
Les opérations d’usurpation d’identité et les escroqueries en ligne constituent un sujet potentiellement riche en données qui ne reçoit que peu d’attention de la part des journalistes. Outre le volume de textes, de courriels et d’appels conçus pour inciter les gens à divulguer leur identité ou leurs données financières, les experts estiment que les enquêtes de service public sont particulièrement importantes dans ce domaine, car de nombreuses victimes sont gênées de signaler ou d’admettre qu’elles sont tombées dans le piège de l’escroquerie.
« Il existe un certain nombre d’escroqueries organisées impliquant le vol d’identité, l’hameçonnage et le fait d’amener les gens à donner les informations de leur passeport et leurs codes de sécurité, » Jeremy Caplan, directeur de l’enseignement et de l’apprentissage à l’école supérieure de journalisme Craig Newmark de la CUNY. « Nous n’en parlons pas assez. Comment ces escroqueries fonctionnent-elles ? Qu’est-ce qui les rend possibles ? Quels sont les gangs qui se cachent derrière ces escroqueries ? Qu’est-ce que les données nous apprennent sur les tendances de la menace ? »
Et d’ajouter : « Si je vous envoie un courriel disant : “Votre fille adolescente a déposé de l’argent sur le mauvais compte de notre banque – sa date de naissance est X, et nous voulons nous assurer que l’argent est versé sur son vrai compte”, cela peut être convaincant pour beaucoup de gens ».
Il est difficile de trouver des articles d’investigation traditionnels qui révèlent un résultat positif. En revanche, le journalisme de données peut facilement révéler des résultats politiques positifs autrement inconnus ou imprévus – et ceux-ci peuvent avoir à la fois un effet de renforcement nécessaire de confiance pour le public et un effet de redevabilité pour les opposants à ces politiques.
Les organes de presse se font rarement l’écho d’améliorations spectaculaires dans les grands indicateurs, telles que les récentes baisses importantes de l’extrême pauvreté mondiale et de la mortalité infantile – qui a chuté de 59 % au cours des trois dernières décennies – ou les augmentations encourageantes, par exemple, de la représentation des femmes dans de nombreux parlements en Afrique.
Caplan, de la CUNY, a déclaré que les rédactions devraient évaluer si elles font preuve d’un parti pris pour la négativité et a averti que le public remarque lorsque l’équilibre entre les données négatives et au moins quelques données positives « n’est pas respecté ».
Il a ajouté qu’il y avait de bonnes leçons à tirer du livre « Factfulness : Ten Reasons We’re Wrong About the World – and Why Things Are Better Than You Think », de l’expert suédois en santé publique Hans Rosling, qui met les journalistes au défi de « se convaincre que les choses peuvent être à la fois meilleures et mauvaises ».
« Rosling a réalisé d’excellentes expériences sur les données qui ont montré des tendances positives au fil du temps, comme la diminution spectaculaire du nombre de personnes vivant avec moins d’un dollar par jour », raconte M. Caplan. « Nous avons tendance à penser que les choses sont bien pires que ce que les données montrent, et les médias jouent un rôle à cet égard. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles les gens ne veulent pas consommer d’informations, parce que – bien qu’il y ait certainement un besoin d’informations négatives ou critiques – le public pense qu’elles sont trop négatives ».
Lorsqu’ils dénoncent les préjudices disproportionnés ou la discrimination exercée par une institution dans le cadre d’un projet majeur, les journalistes tombent souvent sur quelques données positives – une ville ou un secteur où les préjudices ont été évités ou les avantages obtenus. Selon M. Caplan, ces points devraient être explorés dans les papiers de suivi, en particulier si les raisons de ce changement positif n’ont pas été anticipées par les décideurs politiques.
« L’absence de vision dans de nombreuses salles de rédaction pour disposer d’équipes interdisciplinaires pour le data-journalisme de données est un angle-mort important », a déclaré M. Fallas de La Data Cuenta. De nombreux médias disposent d’une « unité de données », c’est-à-dire d’une personne qui est censée tout faire : recueillir des données, les analyser, les visualiser, en rendre compte, rédiger l’article et même créer un contenu viral sur TikTok. Cela ne fonctionne pas. Les projets de data-journalisme doivent être complets et impliquer dès le départ des journalistes, des analystes de données, des spécialistes de la visualisation de données, des experts en médias sociaux et des rédacteurs en chef. »
Selon Mme Fallas, cela s’applique également à la collaboration externe, notamment aux partenariats établis avec des organisations de la société civile, des universités et des experts, ainsi qu’aux partenariats médiatiques pour les projets régionaux avec des médias qui offrent des compétences et des publics différents des vôtres.
« Plutôt que de choisir tous les partenaires d’une enquête avec le même profil, il est essentiel d’identifier et de sélectionner les partenaires médiatiques en fonction des compétences nécessaires à l’enquête : analyse de données, visualisation, narration, création de podcasts, conception graphique », a-t-elle déclaré.
« La gestion des feuilles de calcul, qu’il s’agisse d’Excel ou de Google Sheets, est fondamentale pour le data-journalisme », note M. Fallas. « Cependant, de nombreux journalistes s’en tiennent aux bases de ces outils : ajouter, soustraire, identifier qui est en hausse ou en baisse. Les analyses peuvent aller bien au-delà de ces fonctions élémentaires. Il est essentiel que davantage de journalistes suivent une formation aux langages de programmation tels que R et Python. Comprendre comment appliquer les algorithmes d’apprentissage automatique ou les statistiques, telles que la régression linéaire ou l’analyse de grappes, est fondamental pour mener des analyses plus complexes avec les données. Ces outils nous permettent de mieux démêler les schémas et de trouver des réponses d’un plus grand intérêt pour le public. »
Selon M. Fallas, les journalistes doivent apprendre les outils d’IA générative « de manière critique et intelligente » en tant qu’assistants pour résoudre certaines des tâches de données de base qui prennent du temps et qui, autrement, pourraient bloquer une enquête.
« Par exemple, il y a quelques semaines à Porto Rico, j’ai animé un atelier pour des collègues au cours duquel nous avons exploré les avantages et les limites de l’utilisation de ChatGPT pour relever les défis du data-journalisme», se souvient-elle. Nous avons discuté des moyens clairs de créer des « prompts ». Nous avons mis l’accent sur une attitude réflexive, plutôt que sur un simple « copier-coller ». L’IA générative peut être un outil précieux pour apprendre des langages de programmation qui permettent d’aller plus loin. »
Rowan Philp est le reporter senior de GIJN. Il était auparavant reporter en chef pour le Sunday Times sud-africain. En tant que correspondant à l’étranger, il a réalisé des reportages sur l’actualité, la politique, la corruption et les conflits dans plus d’une vingtaine de pays du monde entier. Il a également collaboré avec des rédactions au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Afrique.
11.04.2024 à 01:57
Aïssatou Fofana
GIJN a organisé mardi 30 avril 2024 un webinaire au cours duquel trois journalistes d’investigation chevronnés ont partagé des conseils et des outils sur la manière d’enquêter sur un conflit tel que celui entre Israël et le Hamas et sur un terrain quasi impossible tel que Gaza. Voici le replay :
Sept mois après le début du conflit entre Israël et le Hamas, les journalistes qui exercent leur métier dans la région sont confrontés à des difficultés sans précédent. Selon le Comité de protection des journalistes, au 9 avril, les enquêtes préliminaires montrent qu’au moins 95 journalistes et professionnels des médias figurent parmi les 34 000 personnes tuées depuis le début du conflit, le 7 octobre, dont plus de 33 000 Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie et 1 200 en Israël. Pour les reporters sur le terrain, le risque pour la sécurité personnelle est sans précédent et s’accompagne de nombreux obstacles logistiques – comme le manque d’accès à Internet et l’impossibilité de se déplacer librement – tandis que les journalistes ont dû faire face à un tsunami de désinformation et de récits douteux.
En raison de l’environnement de travail quasi impossible à Gaza, la plupart des articles d’investigation ont jusqu’à présent été produits par des médias internationaux, qui se sont largement appuyés sur la géolocalisation, l’analyse de documents, les informations en sources ouvertes et les informations fournies par des blogueurs et des citoyens basés à Gaza, plutôt que sur des enquêtes sur le terrain.
Dans ce webinaire de GIJN, trois journalistes d’investigation chevronnés ont partagé des conseils et des outils sur la manière de travailler dans un environnement de reportage aussi périlleux, ainsi que des techniques pour enquêter sur les atrocités de la guerre.
Sarah El-Deeb est journaliste à l’Associated Press (AP) depuis 2000, avec une grande expérience du reportage au Moyen-Orient. Elle a rejoint l’équipe d’investigation mondiale de l’AP en 2021, peu avant que la Russie ne lance sa guerre contre l’Ukraine, et fait partie du projet War Crimes Watch Ukraine. Elle est l’auteur d’un chapitre sur la recherche des disparus dans le Guide du journaliste pour enquêter sur les crimes de guerre de GIJN. Plus récemment, elle a écrit des articles d’investigation sur le conflit entre Israël et le Hamas.
Peter Polack est concepteur et développeur de logiciels au sein de Forensic Architecture (FA), une agence de recherche basée à Goldsmiths, à l’Université de Londres, qui développe, utilise et diffuse de nouvelles techniques, méthodes et concepts pour enquêter sur la violence de l’État et des entreprises. Il produit des médias numériques graphiques et interactifs et a récemment travaillé sur deux enquêtes du FA : Violence humanitaire à Gaza et Destruction de l’infrastructure médicale à Gaza.
Phil Rees est directeur du Journalisme d’Investigation à Al Jazeera, où il travaille depuis 2013. Al Jazeera a largement couvert le conflit entre Israël et le Hamas. Il a également présenté ou produit plus de 100 documentaires et réalisé des reportages sur des dizaines de conflits – de la Colombie au Cambodge, en passant par Belfast et l’Irak – y compris au Moyen-Orient. Son livre Dining with Terrorists publié en 2005, « devrait être une lecture obligatoire pour tous les rédacteurs, journalistes et hommes politiques – avant qu’il ne soit trop tard », selon le British Journalism Review.
La modératrice est Rachel Oldroyd, rédactrice adjointe en charge des enquêtes au Guardian.
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25.03.2024 à 10:37
Maxime Domegni
GIJN Afrique a organisé le 16 avril 2024 un webinaire durant lequel trois journalistes d’expérience ont partagé leurs astuces pour enquêter sur l’influence française en Afrique.
Voici le REPLAY de ce webinaire :
Ancienne puissance coloniale, la France a gardé des relations étroites avec plusieurs pays africains, particulièrement ses anciennes colonies. Que ce soit sur le plan politique, économique, monétaire, militaire, éducatif, culturel, elle fait partie des pays occidentaux encore influents sur le continent.
Au cours de la période post-coloniale, cette influence est régulièrement marquée par plusieurs affaires politiques et financières qui n’ont pas toutes été révélées. Elles impliquent divers types d’acteurs : des officiels (civil et militaires), des acteurs politiques, des milieux d’affaires et d’autres réseaux.
La diversité des relations entre la France et ses anciennes colonies, ainsi que les faits qui s’y rapportent, constituent une mine d’informations que des journalistes, installés dans les deux zones, peuvent exploiter dans le cadre d’enquêtes approfondies, basées sur des faits précis et vérifiés, publiées sous forme d’articles, vidéos, podcasts, films documentaires et livres.
Pour encourager ce travail d’enquêtes journalistiques, et aider davantage les journalistes à jouer leur rôle de chiens de garde, sur les relations entre la France l’Afrique, le département francophone de GIJN, le Réseau international de journalisme d’investigation, a organisé le 16 avril un webinaire avec plusieurs journalistes expérimentés, fins observateurs des relations france-afrique et qui, depuis des décennies, y produisent des enquêtes :
Francis Laloupo. Journaliste, il a été directeur de l’Information à la radio panafricaine Africa N°1, chroniqueur et éditorialiste pour plusieurs médias. Il a dirigé plusieurs publications et rédactions sur l’Afrique, notamment Le Nouvel Afrique Asie et Continental magazine. Francis Laloupo est également enseignant de géopolitique africaine, chercheur associé à L’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS) en France. Il est auteur de plusieurs ouvrages dont “Blues Démocratique, 1990-2020” (2022), “France-Afrique, la rupture maintenant ?” (2013).
Fanny Pigeaud. Journaliste, elle a été correspondante pendant plusieurs années de l’AFP et du journal Libération au Cameroun avant de rejoindre le bureau régional de l’AFP à Libreville, puis de travailler en free-lance en Côte d’Ivoire. Aujourd’hui collaboratrice de médias comme Mediapart et Afrique XXI, Fanny Pigeaud publie de nombreuses enquêtes à propos de l’Afrique, particulièrement sur des relations entre la France et l’Afrique. Écrivaine, elle est co-auteure de “De la démocratie en Françafrique, une histoire de l’impérialisme électoral » (2024) et de “L’arme invisible de la Françafrique, une histoire du franc CFA” (2018).
Paul Deutschmann. Journaliste, il est rédacteur en chef du média d’investigation Africa Intelligence qui couvre l’Afrique depuis plus de 40 ans. Spécialiste de l’Afrique de l’Ouest, il travaille sur la région depuis près d’une dizaine d’années et suit particulièrement les relations entre la France et le continent. Il a également collaboré avec le quotidien suisse Le Temps et avec la revue XXI. En parallèle, il s’intéresse aux technologies de ciblage électorale en Cote d’Ivoire et au Sénégal dans le cadre d’un projet de recherche à l’African Studies Centre Leiden (ASCL), basé aux Pays Bas.
Le modérateur est Maxime Koami Domegni, journaliste d’investigation et responsable Afrique francophone de GIJN.
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20.03.2024 à 01:04
Oumar Zombré
En 2015, 17 ans après l’assassinat du journaliste Norbert Zongo, était créée la Cellule Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest (CENOZO). Profil de cette organisation qui a rejoint GIJN en 2017.
Au Burkina Faso, il est impossible de parler de journalisme d’investigation sans évoquer Norbert Zongo, une figure emblématique assassinée le 13 décembre 1998.
Norbert Zongo était le fondateur et le directeur de l’hebdomadaire L’Indépendant, un journal qui a fait honneur à son nom en se distinguant par ses enquêtes approfondies et en donnant la priorité à la liberté d’expression. En tant que journaliste, Zongo était connu pour son refus d’accepter des pots-de-vin et a risqué sa vie pour enquêter sur la mort suspecte d’un chauffeur qui travaillait pour le frère du président.
La mort de ce journaliste de renom – dont le corps a été retrouvé dans une voiture calcinée sur le bord de la route, avec ceux de deux collègues et de son frère – a joué un rôle important dans la transformation du paysage médiatique du Burkina Faso, pays enclavé d’Afrique de l’Ouest situé entre le Mali et le Ghana.
La lutte pour la justice et l’exigence de rendre des comptes à la suite de l’assassinat de Zongo ont progressivement permis d’améliorer la position du pays dans le classement mondial de la liberté de la presse publié chaque année par Reporters sans frontières. Deux décennies après la mort de Zongo, le Burkina Faso occupait le 41e rang mondial, sa meilleure position à ce jour. (Une détérioration très récente de la liberté de la presse et un coup d’État militaire l’ont fait chuter à la 58e place en 2023).
Mais en 2015, lorsque 18 journalistes d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale se sont réunis dans la capitale burkinabè, Ouagadougou, pour rendre hommage au combat et à l’œuvre de Zongo, il était tout à fait naturel que l’initiative qu’ils allaient décider porte son nom et reflète son dévouement à révéler la vérité et à lutter pour la justice et l’obligation de rendre des comptes. Les journalistes, avec le soutien de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et de l’ambassade du Danemark, ont créé la Cellule Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest (CENOZO). Deux ans après sa création, la CENOZO a été acceptée comme membre du réseau mondial de journalisme d’investigation.
Après neuf ans d’activité, la CENOZO a acquis une réputation internationale pour ses activités phares, qui comprennent la formation à la pratique du journalisme d’investigation et le soutien financier et technique aux enquêtes. L’objectif principal de la cellule est d’améliorer la capacité d’investigation des journalistes dans les domaines de la corruption, du crime organisé, de la gouvernance, des violations des droits de l’homme et de l’environnement.
« Depuis que la CENOZO est devenu opérationnelle, quelque 600 journalistes ont été formés dans toute la sous-région », explique Arnaud Ouédraogo, coordinateur de la CENOZO. Ajoutant que maintenant que l’organisation a pris de l’ampleur, une centaine de journalistes en moyenne reçoivent une formation chaque année.
« Cette réalisation revêt une grande importance pour la CENOZO, car elle contribue à l’amélioration des normes journalistiques en Afrique de l’Ouest », explique M. Ouédraogo. « Compte tenu de l’environnement difficile pour les journalistes, marqué par des ressources médiatiques limitées et des programmes de formation au journalisme inadéquats, il est essentiel pour des organisations comme la nôtre de mettre en place des initiatives de formation continue. »
L’organisation a été lancée à un moment où les enquêtes transfrontalières collaboratives et approfondies devenaient monnaie courante. L’un des premiers grands projets de la CENOZO a été l’enquête West Africa Leaks, publiée en 2018.
« C’était la première fois que des journalistes d’investigation de toute l’Afrique de l’Ouest collaboraient pour produire une série d’enquêtes sur la fuite des capitaux, le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale sur l’ensemble du continent », explique M. Ouédraogo. Au total, plus d’une douzaine de journalistes de 11 pays d’Afrique de l’Ouest ont collaboré avec le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ).
Viennent ensuite les Pandora Papers, une autre enquête facilitée par l’ICIJ, qui s’est penchée sur le système financier parallèle qui profite aux riches et aux puissants de ce monde.
Les journalistes de la CENOZO ont également participé aux FinCEN Files : le journaliste Moussa Aksa y a publié une enquête sur le scandale des marchés publics militaires au Niger, qu’un activiste a qualifié de « scandale du siècle ».
Fergus Shiel, directeur de la rédaction de l’ICIJ, a déclaré que l’équipe de la CENOZO avait été une « excellente collaboratrice » sur un certain nombre de projets de grande envergure. Il a loué le président du groupe, David Dembele, et la secrétaire générale, Sandrine Sawadogo, en tant qu' »experts dans la découverte de flux financiers illicites et de fraudes d’entreprises et guides pour les journalistes d’investigation à travers l’Afrique de l’Ouest ».
Ils ont, a ajouté M. Shiel, fourni « une assistance répétée pour enquêter sur les injustices en Afrique, en dépit d’obstacles permanents ».
En consultant le site de la CENOZO à l’heure actuelle, les lecteurs peuvent trouver un large éventail d’articles d’investigation traitant des défis actuels dans les pays d’Afrique de l’Ouest. D’un article sur l’échec de la réhabilitation d’anciens sites miniers au Burkina Faso, à un autre sur le trafic de cigarettes au Sahel, ou encore une enquête sur le fleuve Niger, que les reporters avertissent être « en péril ».
La CENOZO soutient le travail d’investigation des journalistes en leur fournissant des ressources financières ainsi que des formations. Les subventions varient de 500 à 3 000 euros (540 à 3 250 dollars américains) en fonction de la nature de l’enquête et de son caractère local ou transfrontalier. La CENOZO affirme que plus de 300 enquêtes ont été publiées grâce à ces subventions.
Selon M. Ouédraogo, le soutien financier au journalisme d’investigation est vital dans une région où les médias dépendent fortement de la publicité, et ont généralement du mal à financer la production d’articles de fond. Cette situation de financement précaire s’est récemment aggravée en raison de l’impact économique des crises politiques dans la région.
Du point de vue sécuritaire, la cellule soutient les journalistes en les formant à la sécurité numérique et à la sécurité des données, aux meilleures pratiques en matière de reportage et aux meilleurs moyens de communiquer en toute sécurité avec les sources. Dans certains cas particulièrement sensibles, des rédacteurs en chef, voire des avocats, peuvent aider à préparer un article pour sa publication.
L’équipe peut également intervenir pour apporter son soutien lorsque des membres de la CENOZO sont attaqués. Dans le cas du reporter nigérien Moussa Aksa, la CENOZO a fourni un soutien juridique et a contribué à sa sécurité.
« Lorsque le journaliste a publié cette enquête, il a fait l’objet d’intimidations, de menaces et de poursuites judiciaires », explique M. Ouédraogo. « L’affaire est toujours en cours au tribunal et, bien qu’il n’ait jamais été condamné, il est dans l’impossibilité de continuer à travailler. Nous l’avons soutenu, nous lui avons fourni une assistance juridique et nous avons finalement dû le déplacer de Niamey pour sa sécurité.
Enfin, la CENOZO organise des débats publics sur des questions de gouvernance. Ces tables rondes multipartites réunissent des journalistes, des représentants de la société civile et des fonctionnaires pour discuter de questions telles que la corruption, le changement climatique et les droits de l’homme.
M. Ouédraogo estime que ces différents domaines d’intervention ont contribué à révolutionner la production médiatique dans la région de l’Afrique de l’Ouest, et les personnes extérieures reconnaissent également la valeur de leur travail.
« La CENOZO joue un rôle crucial en fournissant une plateforme qui aide les journalistes à rester informés et à s’adapter à toutes les situations », explique le Dr Sita Traoré Diallo, de l’ISTIC, l’école de formation pratique en journalisme du Burkina Faso, qui a elle-même bénéficié des formations de la CENOZO au cours de sa carrière.
Pour expliquer l’ampleur du défi, elle évoque le contexte difficile du journalisme en Afrique de l’Ouest, en particulier dans la région du Sahel où, les crises sécuritaires et politiques se sont multipliées. Des groupes terroristes armés sévissent dans un certain nombre de pays, prenant pour cible les institutions de l’État, les civils qui résistent à leur idéologie et la presse. Le climat d’insécurité qui règne a conduit à des prises de pouvoir militaires qui ont encore restreint la liberté d’opinion et d’expression.
Au Burkina Faso même, « la violence croissante et l’instabilité politique ont eu un impact très négatif sur la sécurité des journalistes et l’accès à l’information », a averti RSF l’année dernière. Bien que la culture du journalisme d’investigation soit forte dans le pays, la détérioration de l’environnement sécuritaire et politique a entraîné une augmentation des pressions extérieures et de l’autocensure.
Dans ces conditions, le journalisme d’investigation exige des investissements, des sacrifices et un dévouement considérables, explique M. Traoré Diallo. « Si le journalisme d’investigation devient de plus en plus difficile, il n’est pas pour autant impossible. « Le journalisme d’investigation rend les décideurs publics prudents, car ils savent qu’ils peuvent être tenus pour responsables ».
Sandrine Sawadogo, secrétaire générale de la CENOZO, voit également des opportunités malgré les défis. « Pour nous, la situation sécuritaire actuelle est une opportunité de redévelopper le journalisme d’investigation, de se rapprocher de la population et de réduire la méfiance. Le journalisme d’investigation est confronté à des défis, mais nous restons optimistes », a-t-elle déclaré à GIJN.
La CENOZO est dotée d’un conseil d’administration composé de sept membres, originaires du Sénégal, du Mali, du Togo, du Nigeria, du Ghana et du Burkina Faso, et d’un secrétariat technique de quatre personnes, qui en assure la gestion. L’équipe travaille également avec un réseau de rédacteurs indépendants.
Les journalistes de tous horizons peuvent recevoir une formation de la CENOZO et demander des subventions. Certains des plus grands noms du journalisme d’investigation de la région sont également membres. Les demandes d’adhésion sont examinées par le conseil d’administration, et plus de 40 journalistes figurent actuellement sur la liste.
Avant que la CENOZO ne commande une enquête, la proposition est soumise à un processus d’examen au cours duquel une équipe éditoriale évalue sa pertinence, sa faisabilité, les risques associés et les antécédents du journaliste afin d’évaluer sa capacité à travailler sur le sujet. Lorsqu’un projet est retenu, la CENOZO contacte des donateurs potentiels pour aider à financer l’enquête.
En particulier, la CENOZO accorde une grande importance à l’égalité entre les hommes et les femmes, et 40 % des subventions accordées par l’organisation sont spécifiquement destinées aux femmes afin d’encourager un plus grand nombre d’entre elles à travailler sur des sujets d’investigation.
Mais la CENOZO tente également d’assurer son avenir et reconnaît la nécessité de positionner le journalisme en tant que gardien de l’intérêt public. Ceci est d’autant plus important dans le contexte du Sahel, où les gouvernements ont essayé de gagner des points en critiquant la presse qui ne se concentre que sur les problèmes.
Selon M. Ouédraogo, l’un des moyens de remédier à cette situation est d’inclure à l’avenir, une certaine forme de « journalisme de solutions » dans l’approche de ses formations.
« Le journalisme de solutions reste un travail d’investigation, mais il se concentre sur les solutions potentielles plutôt que sur les problèmes », explique-t-il. « On reprochait aux journalistes de ne jamais proposer de solutions. Aujourd’hui, un nouveau genre de journalisme est en train d’émerger, et nous essayons de le promouvoir », ajoute-t-il.
Oumar Zombré est journaliste au Burkina Faso depuis 12 ans, dont plusieurs à la radio nationale. Il travaille également comme reporter indépendant. Zombré a participé à des opérations antiterroristes au Burkina Faso, au Mali et au Niger. Il a reçu des prix nationaux et internationaux, notamment le prix PaxSahel pour le journalisme de paix et le prix africain du journalisme d’investigation.
08.03.2024 à 13:30
Holly Pate , Joanna de Marco
À l’occasion de la Journée internationale de la femme et d’une année 2024 potentiellement tumultueuse sur le plan électoral (quatre milliards de personnes dans plus de 50 pays sont appelées à voter cette année), GIJN s’est entretenu avec des femmes journalistes d’investigation du monde entier pour connaître leurs meilleures pratiques en matière de couverture des élections.
En mars 2023, la journaliste d’investigation mexicaine Nayeli Roldán a dû faire face à une série de cyberattaques cruelles après avoir interrogé le président mexicain sur l’utilisation présumée par le gouvernement du logiciel espion Pegasus.
À peu près au même moment, deux reporters du site d’investigation russe en exil IStories, Alesya Marokhovskaya et Irina Dolinina, ont reçu des messages de menace mentionnant noms, adresses et plans de voyage. En Turquie, Çiğdem Toker, une journaliste économique respectée de T24 news, a été victime de harcèlement en ligne et a fait l’objet de poursuites pénales pour les commentaires qu’elle a faits lors d’une émission télévisée après le second tour de l’élections présidentielle.
Malheureusement, ces représailles en ligne contre les femmes journalistes ne sont pas des événements isolés. Selon une enquête menée auprès de 901 journalistes de 125 pays, près des trois quarts des journalistes s’identifiant comme femmes ont déclaré avoir subi des violences en ligne. La violence en ligne fondée sur le genre à l’encontre des journalistes est encore aggravée lorsqu’elle se mêle à d’autres formes de discrimination, telles que le racisme, l’homophobie et la transphobie, et peut s’intensifier lorsque l’on couvre certains sujets.
Un rapport de l’UNESCO datant de 2023 a révélé que les menaces et les attaques contre les femmes journalistes sur les médias sociaux sont exacerbées lorsqu’elles couvrent la politique. De même, dans la période qui a suivi la présidentielle brésilienne 2022 très disputée, 80% des attaques en ligne contre les femmes journalistes étaient liées à la couverture politique, selon un rapport d’Abraji, une organisation membre de GIJN. Pire encore, un rapport distinct de l’ICFJ (International Center for Journalists) a révélé que les acteurs politiques étaient la deuxième source la plus probable d’attaques en ligne contre les femmes, juste derrière les profils anonymes.
Avec quatre milliards de personnes dans plus de 50 pays – près de la moitié du monde – qui voteront en 2024, les femmes, les transgenres et les journalistes non binaires devront probablement faire face à une recrudescence de cyber-attaques et ce alors que la désinformation et la désinformation croissantes, en particulier les deepfakes pilotés par l’IA, menacent les élections dans le monde entier.
Pour marquer la Journée internationale de la femme au cours d’une année électorale potentiellement tumultueuse, l’équipe mondiale du GIJN s’est entretenue avec des femmes journalistes d’investigation au sujet de leurs meilleures pratiques en matière de couverture des élections. Elles ont également partagé des conseils et des ressources pour faire face à la recrudescence attendue des cyberattaques, de l’intimidation et d’autres formes de violence basée sur le genre.
Les élections étant souvent imprévisibles, les journalistes désireux de couvrir un scrutin doivent avoir une approche proactive. « Une planification précoce permettra aux journalistes de faire face aux surprises qui surgiront lors la campagne », explique Lulu Brenda Harris, reporter au Centre pour l’innovation et la technologie (CITE) au Zimbabwe.
Le moment où il faut commencer à planifier dépend de la date des élections dans votre pays et des échéances de la campagne.
La journaliste d’investigation guatémaltèque Carmen M. Valle suggère de prendre une journée stratégique pour planifier avant que la saison électorale ne commence. « Asseyez-vous autour d’une table avant cette date et déterminez vos priorités et vos limites », recommande-t-elle. Bien que les plans puissent changer au cours de la campagne, l’établissement d’un cadre initial aidera à prévenir tout épuisement et fournira une feuille de route pour naviguer dans un paysage politique difficile.
La discrétion est une compétence sous-estimée. Lorsque l’on couvre des élections et que l’on est confronté à d’éventuels problèmes de sécurité, il est essentiel de maintenir une distinction entre le personnel et le professionnel.
« Récemment, je suis devenu encore plus prudent quant à la manière dont je partage des informations qui pourraient révéler mon lieu de résidence. Et dans ma vie de tous les jours, je n’entre pas dans les détails de ce que je fais », explique la journaliste d’investigation allemande Vera Deleja-Hotko. « Le ton dans la société et à l’égard des journalistes est devenu plus dur, surtout à l’égard des femmes ».
Souvent, les représailles, qu’elles soient en ligne ou autres, affectent également les personnes qui nous entourent. Dans notre monde globalisé et en ligne, il est facile pour des personnes malveillantes de trouver et de harceler les proches d’un journaliste.
« Lorsque j’ai découvert que mon téléphone était infecté par le logiciel espion Pegasus, il s’est avéré que le même virus avait été utilisé contre les membres de ma famille, mes amis et les personnes qui m’entouraient, qui n’avaient aucun lien avec la politique, l’activisme ou le journalisme », a déclaré Khadija Ismayilova, rédactrice en chef de Toplum TV en Azerbaïdjan.
La journaliste d’investigation kirghize Meerim Ainykeeva conseille, elle, aux journalistes d’investigation « d’éviter de partager activement des informations personnelles sur leur famille, leurs amis et leurs enfants sur les médias sociaux ».
En cette année d’élections, les chercheurs s’inquiètent des développements de la désinformation et de l’impact possible sur les élections. La communauté du journalisme d’investigation devrait également se préoccuper des problèmes de sécurité qui en découlent.
« Malheureusement, les femmes et les autres groupes marginalisés sont souvent ciblés de manière disproportionnée lorsqu’il s’agit des effets négatifs des nouvelles technologies. Cela inclut des développements tels que les deepfakes d’IA et l’usurpation de voix », a déclaré la journaliste indépendante américaine et formatrice en journalisme de données Samantha Sunne.
Selon elle, les femmes journalistes d’investigation devraient envisager de mettre en place des dispositifs de sécurité supplémentaires cette année, comme l’utilisation d’un gestionnaire de mots de passe ou d’un générateur de mots de passe aléatoires. Les journalistes d’investigation russes Irina Pankratova et Ira Dolinina suggèrent également d’utiliser l’authentification à deux facteurs avec une application générant un code.
Une autre approche proactive consiste à procéder à une forme de nettoyage numérique. « Supprimez les informations susceptibles d’établir des modèles de comportement, par exemple en connaissant vos horaires, le quartier où vous vivez, les personnes avec lesquelles vous interagissez, etc. », suggère la journaliste argentine Irina Sternik.
La journaliste d’investigation biélorusse Olga Ratmirova encourage les femmes à participer à des sessions de formation à la sécurité pour apprendre à protéger leurs informations et à se protéger elles-mêmes.
La troisième édition de notre formation sur les menaces numériques de GIJN pourrait être une bonne option, ou notre prochain webinaire sur les menaces numériques lors des élections de 2024.
Demander des comptes aux puissants comporte certains risques. Mais s’il est important de les garder à l’esprit et de s’y préparer au mieux, deux femmes nous ont dit qu’il était important de poursuivre le travail du mieux possible.
« Chaque travail comporte ses propres risques et menaces. Si vous avez peur d’enquêter, vous ne devriez même pas commencer », a déclaré la journaliste ukrainienne Maria Zemlyanska.
La journaliste ukrainienne Valeriya Yegoshyna a déclaré que toute personne envisageant de se lancer dans le journalisme d’investigation devait accepter que des menaces et du harcèlement puissent survenir. « Il s’agit simplement de choisir d’accepter les risques possibles et de ne pas en avoir peur, tout en prenant bien sûr les mesures de sécurité appropriées, quel que soit le sexe », a-t-elle expliqué.
Outre les menaces, l’intimidation et le harcèlement, les journalistes doivent souvent faire face à des éléments susceptibles de provoquer un épuisement ou un traumatisme, tels que des sujets émotionnellement difficiles et des images choquantes. Une thérapie peut aider.
« Prenez soin de vous ! Le journalisme d’investigation peut être émotionnellement et mentalement éprouvant, en particulier lorsqu’il aborde des sujets tels que l’exploitation sexuelle et sexiste. Faites de vos soins une priorité et sachez quand prendre du recul et faire une pause si nécessaire », conseille la journaliste kényane Catherine Muema.
La journaliste turque Çiğdem Toker abonde dans ce sens : « Le soutien des organisations professionnelles et des collègues est la ressource la plus importante », a-t-elle déclaré, en particulier lorsqu’il s’agit de faire face au trolling et à l’intimidation.
Mari Montes, une journaliste vénézuélienne, a également souligné l’importance de recevoir le soutien de collègues et de la communauté au sens large après avoir été la cible d’une campagne de diffamation de la part d’un troll en ligne. « Les adeptes de cet homme m’écrivaient des messages offensants presque tous les jours. Je bloque ceux qui me dérangent. Lorsque j’ai rendu la situation publique, j’ai reçu le soutien d’autres journalistes, et c’était important », a déclaré Mari Montes à GIJN.
Qu’il s’agisse d’enquêter sur des pratiques qui font sourciller lors d’élections ou simplement de se protéger en travaillant dans d’autres domaines, les journalistes du monde entier s’accordent à dire qu’il est important de bien connaître les lois de son pays.
« Il est important de bien connaître la législation », explique Dana Oparina, reporter en Ouzbékistan.
« Comprenez vos droits en tant que journaliste et soyez conscient des protections juridiques dont vous disposez », a ajouté la journaliste turque Ayşegül Engür Dahi. « Ces connaissances peuvent vous aider à surmonter les difficultés juridiques qui peuvent survenir dans le cadre de votre travail d’investigation. »
L’abus fréquent des femmes dans le champ politique, parfois aggravé par les réseaux sociaux et aboutissant souvent à des campagnes de désinformation sexistes, peut être décourageant. Mais la participation égale des femmes – en tant qu’électrices et journalistes d’investigation – est vitale pour une couverture équitable.
« Il n’y a jamais eu de climat idéal pour le journalisme, et c’est précisément pour cela que le journalisme est nécessaire. À chaque période de l’histoire, des défis différents ont été relevés, et ceux auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui sont liés à notre contexte technologique actuel », estime la journaliste mexicaine Nayeli Roldán.
Être attaquée en ligne peut aussi être un signe que vous êtes sur la bonne voie, fait remarquer la rédactrice en chef de PolitKlinika, Dilbar Alimova, ajoutant que « le temps révèlera la vérité ».
« Mon choix, en tant que journaliste d’investigation et citoyenne de mon pays, est de dire la vérité haut et fort parce que j’ai une voix », ajoute la journaliste bélarusse Kseniya Vyaznikovtseva.
À l’inverse, dans certains contextes, les femmes journalistes d’investigation doivent se battre pour obtenir leur place.
Souvent, mes collègues ou mes sources m’ont dit : « Anastasia, personne ne communiquera avec toi sur ce sujet. Oublie cela, n’essaye même pas. Je n’étais pas prise au sérieux. Les sources essayaient de me parler comme si j’étais une écolière », témoigne Anastasia Platonova, journaliste russe à la BBC.
Le conseil d’Anastasia Platonova ? N’écoutez pas ceux qui vous disent que quelque chose est impossible. Servez vous en pour alimenter votre travail.
Les femmes journalistes d’investigation du monde entier persévèrent dans leur travail en demandant des comptes au pouvoir, bien qu’elles soient la cible de menaces, de discrimination, de haine, de harcèlement et de campagnes de diffamation. Marina Walker Guevara, rédactrice en chef du Pulitzer Center et membre du conseil d’administration du GIJN, résume parfaitement la situation : « Je suis chaque jour émerveillée par les compétences, le courage et la résilience de mes collègues femmes qui posent les questions les plus difficiles dans les endroits les plus difficiles du monde, à un moment où nous en avons le plus besoin. En avant ! »
Holly Pate est responsable des réseaux sociaux et de l’engagement de GIJN. Auparavant, elle a été directrice des réseaux sociaux et de la sensibilisation pour le projet Outlaw Ocean, un projet de journalisme à but non lucratif. Elle a écrit pour des journaux tels que le New York Times et le Capital News Service.
Joanna DeMarco est responsable des médias sociaux du GIJN. Elle travaille dans le journalisme à Malte depuis une dizaine d’années, à la fois en tant que reporter local et photojournaliste indépendante. Son travail a été publié dans des publications telles que Politico Europe, The Washington Post, National Geographic et Der Spiegel.
07.03.2024 à 16:26
Staff GIJN
GIJN a organisé mardi 19 mars 2024 un webinaire « Journalisme d’investigation et menaces numériques pour les élections de 2024 » au cours duquel de nombreux conseils et outils ont été présentés par des journalistes d’investigation reconnus. Voici le replay :
Des élections libres et équitables sont essentielles au bon fonctionnement d’une démocratie. Le journalisme d’investigation contribue à garantir l’intégrité du processus électoral en exposant et en corrigeant les faux récits et la désinformation qui peuvent influencer l’opinion publique. Ces enquêtes aident non seulement les électeurs à prendre des décisions en connaissance de cause, mais leur donnent aussi les moyens d’évaluer les informations qu’ils rencontrent. Ce qui favorise un électorat plus perspicace et mieux informé.
Cette année, en 2024, des milliers de journalistes du monde entier ont fait et feront des reportages et des enquêtes sur l’impact des menaces numériques (désinformation, logiciels espions, trolling et violence numérique, entre autres) sur les élections. Le partage d’idées, de stratégies et de techniques d’investigation est essentiel en cette année où les électeurs de plus de 60 pays se rendront aux urnes.
Dans ce panel, des journalistes et des experts de premier plan – qui couvriront tous les élections en 2024 – ont partagé leurs point de vue sur l’impact des menaces numériques dans les élections sur différents continents. Ils ont également partagé des outils et des conseils sur la manière de mieux exposer les individus et les organisations derrière les campagnes de désinformation.
Le GIJN a également publié un guide d’enquête sur les menaces numériques à l’intention des journalistes, qui contient des conseils de journalistes experts et d’analystes de la sécurité travaillant sur la lutte contre la désinformation, les logiciels malveillants, les logiciels espions et le trolling.
Priyanjana Bengani est boursière du Tow Computational Journalism au Tow Center for Digital Journalism (Centre pour le journalisme numérique) de l’université de Columbia. Son travail se concentre sur l’utilisation de techniques informatiques pour étudier le paysage des médias numériques, y compris les informations locales partisanes et l’intersection entre les entreprises-Plateforme et les médias. Elle coenseigne un cours sur la guerre de l’information à l’école de journalisme de Columbia, et a précédemment coenseigné un cours sur les algorithmes pour le programme Lede.
Malek Khadhraoui est journaliste, formateur et directeur de publication de Inkyfada, un magazine tunisien consacré au journalisme d’investigation et de fond. Il est également directeur exécutif d’Al Khatt, une organisation à but non lucratif qui soutient le journalisme indépendant et propose des solutions pour créer un contenu journalistique percutant. M. Khadhraoui est également consultant pour plusieurs organisations nationales et internationales travaillant dans le domaine de la formation et du soutien aux médias.
María Teresa Ronderos est directrice et cofondatrice du Centre latino-américain de journalisme d’investigation (CLIP). Elle a coordonné plusieurs enquêtes transfrontalières dans la région, sur des questions telles que la migration, la corruption, la désinformation et les organisations religieuses. Elle a été journaliste et rédactrice en chef de plusieurs médias colombiens et a publié ses articles au Brésil, en Argentine, au Mexique, au Chili et en Espagne. Elle est l’auteur des livres Retratos del Poder (Planeta, 2002), 5 en Humor (Aguilar, 2007) et du best-seller Guerras Recicladas (Aguilar, 2014).
Le modérateur est Craig Silverman, reporter national pour ProPublica, qui couvre le vote, les plateformes, la désinformation et la manipulation en ligne. Il était auparavant rédacteur en chef de BuzzFeed News, où il a été l’un des premiers à couvrir la désinformation numérique.
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25.02.2024 à 22:29
Alcyone Wemaëre
La rédaction d’une demande de subvention ou de bourse fait désormais partie du travail de nombreux journalistes. Pourtant, l’exercice est « à la fois incroyablement facile et incroyablement difficile », selon Timothy Large, responsable de programme IJ4EU à l’International Press Institute (IPI). Dans cet article, adapté d’une présentation faite à Dataharvest 2023, lui qui est habitué à examiner des demandes de subventions au sein de jurys, livre ses réflexions et ses conseils.
Le journalisme d’investigation demande du temps et de l’argent. Il n’est donc pas surprenant que la rédaction d’une demande de subvention fasse désormais partie du travail de nombreux journalistes indépendants et salariés.
Si vous avez déjà demandé une subvention pour financer l’une de vos enquêtes, vous savez que le processus est long et décourageant. C’est particulièrement vrai si votre demande n’a jamais été acceptée ou, pire, si elle a été rejetée avec la mention que vous aviez failli l’obtenir.
Si vous avez réussi, vous savez à quel point une subvention peut être utile, voire changer votre vie. Cependant, il est rare d’obtenir une subvention si l’on est novice en la matière. Lors de l’édition 2023 la conférence européenne Dataharvest sur le journalisme d’investigation, Timothy Large, directeur des programmes pour les médias indépendants à l’Institut international de la presse (IPI), a déclaré qu’il était tout à fait conscient de la « lassitude de remplir des demandes de subventions » et de « la lourdeur de devoir faire entrer tous ses rêves dans un formulaire de demande restrictif ». Il a néanmoins encouragé les journalistes d’investigation – même ceux qui n’ont pas l’habitude de rédiger des demandes de subvention – à essayer.
Timothy Large a fait remarquer que l’IPI dirige le fonds Journalisme d’investigation pour l’Europe (IJ4EU), qui accorde des subventions allant jusqu’à 50 000 euros (54 000 dollars) pour soutenir des enquêtes transfrontalières menées en collaboration. À ce jour, IJ4EU a alloué environ 4 millions d’euros (4,3 millions de dollars) à des équipes dans toute l’Europe et au-delà.
Il a également souligné que, statistiquement, les candidats à une subvention IJ4EU avaient environ « 20 % de chances d’être dans le jeu ». Toutefois, pour surmonter les difficultés courantes auxquelles sont confrontés les journalistes qui cherchent à obtenir ce type de financement, Timothy Large a insisté sur la nécessité d’être conscient de ce qu’il appelle « le paradoxe de la demande de subvention ».
« Rédiger une demande de subvention est à la fois incroyablement facile et incroyablement difficile », explique-t-il. « La pression pousse les personnes très intelligentes à faire des choses stupides, tandis que d’autres se figent et se paralysent. En tant qu’initié, il a offert au public de Dataharvest de nombreux conseils et astuces sur la rédaction de demandes de subvention que GIJN est heureux de partager, avec sa permission.
Les mauvaises demandes de subventions sont souvent qualifiées de « confuses ». Une demande de subvention réussie est ciblée et concise.
Il est parfois difficile d’identifier cet objectif, c’est pourquoi Timothy Large vous recommande de vous assurer que votre demande de subvention comporte trois éléments clés dès le départ :
Outre ces éléments fondamentaux, Timothy Large précise qu’il y a quelques autres ingrédients à prendre en compte :
Si vous cochez toutes ces cases, vos chances d’obtenir une subvention augmentent considérablement.
La demande de subvention peut donner l’impression d’être confrontée à une mystérieuse boîte noire, mais le processus de sélection suit plus ou moins toujours les mêmes étapes :
Les jurés sont généralement des rédacteurs en chef de haut niveau ou des journalistes de renom. Timothy Large a également souligné qu’il s’agit également d’êtres humains avec leur propre personnalité, leurs expériences de vie et leurs idées, qui auront tendance à voir les choses à travers leurs propres lentilles. Ainsi, selon lui, la dynamique d’un jury peut inclure quelques profils typiques allant de « féroce » à « généreux », de « perfectionniste » à « facile à vivre ». Il est donc important de comprendre qu’une proposition de subvention peut devoir répondre à des attentes très différentes, même au sein d’un petit comité de sélection.
Timothy Large a également révélé les remarques les plus courantes entendues dans la bouche des jurés – et les problèmes sous-jacents – qui signifient qu’une demande qui sera bientôt rejetée :
Les jurés ont en tête une liste de questions à résoudre lorsqu’ils examinent les demandes de subvention. Et ces questions sont hiérarchisées, alors assurez-vous de répondre en priorité aux questions suivantes :
Fournissez un récit, et pas seulement un thème générique ou un sujet général. Par exemple, Timothy Large a noté que pour l’enquête « The Migration Managers », qui a bénéficié d’une bourse IJ4EU de 37 400 euros (40 300 dollars) en 2022, les détails de base étaient les suivants :
Le thème était : la migration
Le sujet était : les abus de la politique migratoire de l’Europe.
L’histoire était la suivante : une agence peu connue financée par l’UE tente d’empêcher les migrants d’atteindre l’Europe.
Mais ce type de déroulé très sec est est moins efficace pour présenter une demande de subvention, met-il en garde. Il faut plutôt, selon lui, essayer d’intégrer les informations dans un récit percutant d’une seule phrase.
Dans le cas de cette enquête, le résultat le plus efficace ressemblait à ceci : « Voici l’histoire d’une agence peu connue financée par l’UE — The International Centre for Migration Policy Development (ICMPD) — qui s’efforce d’empêcher les migrants d’atteindre l’Europe ».
Notez que ce résumé d’une phrase est très similaire au sous-titre de l’article publié (voir l’image ci-dessous).
Révéler quelque chose de nouveau est peut-être le résultat le plus puissant d’une enquête. C’est pourquoi l’explication de ce que vous comptez découvrir doit être un aspect majeur de votre candidature. Essayez d’inclure une phrase clé qui donne un aperçu de ce grand résultat : « Nous cherchons à révéler/exposer que… »
Dans l’enquête The Migration Managers, cette phrase ressemblait à ceci : « Nous cherchons à révéler que l’ICMPD est devenu un partenaire européen clé sur les questions de migration, malgré des activités alarmantes dans un certain nombre de pays (Maroc, Libye, Bosnie) qui conduisent directement à des violations des droits de l’homme à l’encontre des migrants et des réfugiés« .
Vous devez également prendre le temps d’expliquer au jury pourquoi l’histoire est importante, qui sont les parties prenantes concernées et quelle est la préoccupation générale du public. L’invitation à cette étape pourrait ressembler à ce qui suit : « Ceci est important (pour le groupe X) parce que… »
Dans l’enquête The Migration Managers, ce message a été transmis ainsi : « Ceci est important pour l’opinion européenne parce qu’en externalisant la politique migratoire de l’Europe, la Commission européenne cherche à éviter l’examen et la responsabilité de ses actions« .
Ici, vous pouvez expliquer en détail comment vous allez construire votre enquête et quelles sont les sources que vous comptez utiliser : dossiers judiciaires, ensembles de données publiques, documents ayant fait l’objet d’une fuite, dénonciateurs, comptes rendus internes, etc. Par exemple : « Nous allons étayer ceci par a, b et c… »
Pour The Migration Managers, cela a été expliqué comme suit : « Nous le prouverons par des documents internes, reçus par voie électronique ».
Le jury doit « voir » l’enquête. S’agira-t-il d’un article long, d’une série d’articles publiés en français et en espagnol, d’un podcast en six parties, d’un documentaire télévisé ?
Complétez : « Notre résultat d’enquête prendra la forme de… »
Il s’agit d’une question bonus, mais si vous le pouvez, donnez au jury ou au comité de sélection une idée des éléments visuels, graphiques, tableaux interactifs, etc. que vous pourriez utiliser pour renforcer l’impact de l’enquête.
Complétez : « Nous illustrerons nos résultats par… »
Les réponses à ces six questions constituent l’épine dorsale d’une demande de subvention solide, a souligné Timothy Large. Vous devez vous efforcer de faire en sorte que le jury sorte de votre candidature avec une idée claire de vos intentions pour chacune d’entre elles.
Maintenant que la feuille de route de l’enquête ou du reportage est claire, Timothy Large dit que vous devez convaincre le jury que vous ou votre équipe êtes les mieux placés pour suivre ce parcours. Pour ce faire, ajoutez des détails qui inspireront confiance à votre équipe et à la manière dont vous utiliserez (judicieusement) l’argent de la bourse pour votre enquête.
Vous devez expliquer au jury qui vous êtes. Cela semble simple, mais il est facile de l’oublier ou de se tromper, avertit Large. Ne soyez pas vague ; soyez précis, donnez des détails, ajoutez des liens. N’oubliez pas qu’une liste simple et agréable est très utile : « Notre équipe est composée de cette journaliste, de ce reporter, de ce photographe… »
Le jury veut être sûr que vous savez où vous allez et comment vous allez payer pour y arriver. Les candidats ont tendance à penser que la question du coût est la plus importante, a déclaré Timothy Large, mais en fait, elle se trouve souvent en bas de la liste des considérations du jury. Veillez donc à élaborer un plan de recherche et de publication solide et à évaluer les risques. Établissez le budget de votre recherche en fonction de ce plan.
GIJN’s Guide to Grants and Fellowships for Journalists
How Not to Win a Journalism Grant
Freelancing: Funding Your Investigative Projects
Alcyone Wemaëre est la responsable francophone de GIJN et une journaliste française, basée à Lyon depuis 2019. Elle est une ancienne journaliste de France24 et Europe1, à Paris. Elle est professeure associée à Sciences Po Lyon, où elle est coresponsable du master de journalisme, spécialité data et investigation, créé avec le CFJ.
04.02.2024 à 22:47
Marthe Rubio
Les cas de violences sexuelles restent un sujet sensible, sinon tabou, dans la majeure partie du monde et la grande majorité des cas n’est jamais signalé. Les journalistes d’investigation ont commencé à se saisir de ce sujet mais les enquêtes journalistiques publiées sur les violences sexuelles restent très marginales en comparaison au nombre d’agressions réelles dans le monde.
Ce guide est basé sur les conseils et les techniques tirés d’un précédent webinaire de GIJN, Enquêter sur les violences sexuelles, et complétés par le fruit des recherches du Centre de ressources de GIJN en matière d’études de cas pertinentes, d’organisations utiles et de guides. Le webinaire a été animé par Lénaïg Bredoux, responsable éditoriale aux questions de genre à Mediapart, Sophia Huang, journaliste freelance en Chine, Ashwaq Masoodi, journaliste freelance en Inde et Susanne Reber, productrice de podcasts à Scripps, un média américain.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit la violence sexuelle comme tout acte sexuel, tentative d’obtenir un acte sexuel, commentaires ou avances sexuels non désirés, ou actes de trafic ou autres actes dirigés contre la sexualité d’une personne en utilisant la coercition, par toute personne quelle que soit sa relation avec la victime, dans n’importe quel contexte, y compris, mais sans s’y limiter, le domicile et le travail.
Dans les zones de conflit, la situation est périlleuse – selon les Nations unies, pour chaque viol documenté en temps de guerre, entre 10 et 20 viols ne sont pas signalés. Même dans les sociétés plus stables, les chiffres sont alarmants. Selon le ministère américain de la justice, près de 80 % des viols et des agressions sexuelles ne sont pas signalés. En Indonésie, Lentera Sintas, un groupe de soutien aux victimes de viol, a indiqué que ce chiffre dépassait les 90 %.
Par ailleurs, l’université du Danemark du Sud a constaté que, bien que ce pays nordique soit considéré comme l’un des plus sûrs pour les femmes, 890 viols ont été signalés en un an, tandis que 24 000 femmes ont effectivement subi un viol ou une tentative de viol. Parmi les raisons qui poussent les victimes à ne pas signaler les agressions, les survivantes mentionnent la honte, la peur des représailles, du jugement, voire une mise à l’écart de leur groupe social, ainsi que l’injustice à laquelle elles pourraient être confrontées lors des procès pénaux.
Ce guide est basé sur des conseils et des techniques tirés du webinaire, en anglais, de GIJN, « Enquêter sur les violences sexuelles (voir la vidéo YouTube ci-dessous).
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Sept conseils pour dénoncer les violences sexuelles
Ressources et organisations utiles
Intéressez-vous aux caractéristiques particulières de l’endroit concerné pour comprendre l’environnement culturel local.
A l’occasion d’une session sur les enquêtes concernant le harcèlement sexuel lors de la Conférence mondiale sur le journalisme d’investigation, en 2019, Pascale Mueller de BuzzFeed News Allemagne a énuméré ces six façons de trouver des sujets d’enquête :
Soyez transparent avec les victimes sur la méthodologie de votre enquête et expliquez-leur votre travail à chaque étape.
L’enquête ne se résume pas à une parole contre l’autre. Il y a souvent des preuves tangibles. Ainsi, ne vous laissez pas décourager quand on vous dit qu’il n’existe « aucune preuve », mais œuvrez à recueillir tout ce qui pourrait éclairer les faits :
Les abus sexuels sont l’expression d’un pouvoir et d’une domination.
Choisissez vos mots avec soin. Les définitions sont importantes. Le viol est une violence, pas du « sexe ».
Quand on enquête sur des agressions sexuelles, il faut faire preuve de compassion, de résilience, d’empathie, de sensibilité, de respect et de conscience psychologique. Nous publions nos enquêtes quand un sujet d’ordre privé revêt un intérêt public.
Voici une sélection de récits d’enquêtes sur des abus ou des violences sexuels.
Des abus sexuels présumés par des travailleurs humanitaires restés non-vérifiés pendant des années dans un camp du Sud-Soudan géré par l’ONU (2022). Cette enquête menée par The New Humanitarian et Al Jazeera s’appuie largement sur des documents inédits. Elle s’inscrit dans le cadre de la couverture persistante faite par The New Humanitarian de la responsabilité du secteur de l’humanitaire en matière de violences sexuelles.
De nouvelles allégations d’abus sexuels à l’encontre de travailleurs humanitaires de la lutte contre l’Ebola sont révélées en RDC (2021). Une enquête menée par The New Humanitarian et Thomson Reuters Foundation sur les allégations de 22 femmes de Butembo, qui affirment que des travailleurs humanitaires masculins de l’ONU dans l’Est de la République démocratique du Congo, leur ont offert des emplois en échange de relations sexuelles ou les ont violées.
Les seules personnes à avoir été arrêtées après le viol d’une enfant : les femmes qui l’ont aidée (2021). Un article du New York Times sur l’agression d’une jeune fille de 13 ans au Venezuela et l’arrestation de sa mère et d’une enseignante qui l’a aidée à mettre fin à sa grossesse. L’emprisonnement des deux femmes, alors que le violeur est resté en liberté, a suscité un débat national sur la légalisation de l’avortement.
Nous avons dénoncé les abus sexuels commis par des travailleurs humanitaires lors de l’épidémie d’Ebola. Et maintenant ? (2021). The New Humanitarian et la Fondation Thomson Reuters ont interrogé plus de 70 femmes qui ont déclaré que des travailleurs humanitaires de certaines des plus grandes organisations du monde leur avaient proposé de travailler en échange de relations sexuelles pendant l’épidémie d’Ebola en République démocratique du Congo entre 2018 et 2020.
Des journalistes français à l’origine d’enquêtes inédites sur les violences sexuelles (2020). Marthe Rubio, ancienne responsable francophone de GIJN, s’est entretenue avec Lénaïg Bredoux et Marine Turchi sur les méthodologies et les motivations qui sous-tendent les enquêtes du site français Mediapart sur les violences sexuelles.
L’impact de #MeToo en France : un entretien avec Lénaïg Bredoux (2019). Lénaïg Bredoux évoque son travail de couverture des allégations d’inconduite sexuelle, et le fait d’avoir à le défendre devant les tribunaux, avec Aïda Alami pour The New York Review of Books.
Verified (2020). Ce podcast d’investigation en 10 épisodes de l’Investigative Reporting Network Italy (IRPI) et de l’entreprise américaine de podcast Stitcher, raconte l’histoire d’un prédateur sexuel qui a drogué et agressé des femmes en vacances en Italie. RivistaStudio analyse le podcast dans Lo Stupratore su Couchsurfing.
Un réveil #MeToo s’opère en Iran (2020). Accusations d’inconduite sexuelle sur une période de 30 ans à l’encontre de l’artiste iranien Aydin Aghdashloo, publiées dans le New York Times.
Rodney Edwards : Comment un homme courageux est venu à notre rédaction pour exposer des cas d’abus choquants (2019). Rodney Edwards raconte comment lui et des enfants victimes d’abus ont révélé des actes répréhensibles en Irlande dans le cadre de leur enquête primée.
Série d’enquêtes du New York Times et du New Yorker sur Harvey Weinstein et autres (2018). Le prix Pulitzer du service public a été partagé entre le New York Times, pour les enquêtes menées par Jodi Kantor et Megan Twohey, et le New Yorker, pour les enquêtes menées par Ronan Farrow, pour le journalisme qui a exposé des prédateurs sexuels puissants et riches à Hollywood.
« She Said » raconte comment deux journalistes ont révélé l’affaire Harvey Weinstein (2019). Une critique du livre issu de l’enquête du New York Times sur Harvey Weinstein et d’autres hommes célèbres impliqués dans des abus sexuels systémiques.
Conseils aux journalistes travaillant avec des survivants d’abus pédosexuels (2019). Conseils donnés par des journalistes lors du GIJC19 sur la manière de mener des enquêtes délicates sur les abus.
La pathologie d’un prédateur (2019). Cette série en quatre parties du site en ligne australien Crikey fait le point sur les pédophiles dans l’Église catholique à travers des entretiens avec des prêtres, des frères, des séminaristes et des victimes. La journaliste d’investigation Suzanne Smith a ensuite écrit le livre The Altar Boys (Les enfants de chœur), une histoire de la pédophilie cléricale, publiée en 2020.
Les journalistes d’investigation font progresser le journalisme #MeToo dans les universités chinoises (2018). Trois cas dans les plus grandes universités chinoises en première ligne des enquêtes #MeToo en Chine, tels que racontés par Ying Chan, Siran Liang et Lizzy Huang du GIJN.
Comment #MeToo China a inspiré un modèle de journalisme d’investigation généré par les utilisateurs (2018). La deuxième d’une série, sur la vague d’investigations à l’origine du mouvement #MeToo en Chine, par Ying Chan pour GIJN.
L’Indianapolis Star reçoit tardivement son dû, pour son enquête sur la gymnastique (2018). Ce récit explore le projet d’enquête de deux ans qui a conduit à l’arrestation de l’ancien médecin de l’équipe américaine de gymnastique, accusé d’avoir abusé de plus de 100 filles et femmes, y compris des athlètes olympiques.
Ce qui se passe quand #MeToo va au tribunal (2018). Ashwaq Masoodi écrit sur le long chemin vers la justice en Inde pour les victimes de harcèlement sexuel.
L’enquête de Politiken sur les abus commis sur des enfants acteurs dans l’industrie cinématographique danoise (2018).
Couvrir les agressions sexuelles (2017). Les enquêtes sur les viols et les agressions sexuelles posent des problèmes aux journalistes qui doivent établir une relation de confiance avec leurs sources et éviter d’introduire des préjugés dans le récit. Dans NiemanReports, Michael Blanding a écrit sur l’importance de couvrir les agressions sexuelles et sur la manière de bien le faire.
Pas de #MeToo en Chine ? Les femmes journalistes sont confrontées au harcèlement sexuel, mais restent silencieuses (2017). Un récit de la journaliste chinoise Sophia Huang Xueqin et les problèmes de harcèlement et d’abus sexuels en Chine.
L’enquête de Rolling Stone : « Un échec qui aurait pu être évité » (2015). Enquête de l’école supérieure de journalisme de l’université de Columbia sur une histoire de viol sur le campus qui a dû être rétractée, en raison des nombreuses défaillances en matière d’enquête, d’édition, de supervision éditoriale et de vérification des faits.
Bangladesh : Des manifestations éclatent à la suite d’une affaire de viol (2020). Selon Human Rights Watch, les agresseurs au Bangladesh sont rarement tenus de rendre des comptes, le taux de condamnation pour viol étant inférieur à 1 %. Les femmes disent souvent aux médias qu’elles ne se sentent pas à l’aise pour aller à la police.
Violence sexuelle : La police ougandaise devrait soutenir les victimes et non les blâmer (2020). Human Rights Watch.
Trouver le courage de couvrir les violences sexuelles (2014). Frank Smyth, du Comité de protection des journalistes, passe en revue les stratégies et les répercussions pour les journalistes qui couvrent les agressions sexuelles.
Enquêter sur le viol : un examen de la manière dont la police et les procureurs abordent les allégations de viol (2014). L’analyse du Bureau of Investigative Journalism comprend des études de cas et des rapports de groupes indépendants.
Les abus de l’Église catholique (2003). Le Boston Globe a remporté le prix Pulitzer du service public pour sa couverture exhaustive des abus sexuels commis par des prêtres de l’Église catholique romaine (mis en scène dans le film « Spotlight »). Le Dart Center a interviewé l’équipe de Spotlight en 2016 pour expliquer comment ils ont procédé, et voici les huit leçons de reportage d’investigation tirées de « Spotlight », de David E. Kaplan, du GIJN.
Le Dart Center pour le Journalisme & Les Traumatismes : Violences Sexuelles, propose de nombreuses ressources pour couvrir la violence sexuelle, y compris des conseils de couverture rapide (également en arabe et en japonais), ainsi que des conseils sur la manière de maintenir des limites avec les sources et les collègues.
Bonnes pratiques pour les journalistes couvrant les violences sexuelles liées aux conflits (2022). Le GIJN explique comment couvrir les violences sexuelles lorsqu’elles sont souvent utilisées comme arme de guerre, parce qu’elles visent des communautés entières.
Interviewer les enfants témoins et victimes d’abus sexuels (2022). Ce guide décrit des approches et des techniques qui sont conçues pour être légalement défendables, tout en minimisant les traumatismes supplémentaires pour l’enfant interrogé. Ces techniques mettent l’accent sur le maintien d’une perspective objective de la part de l’enquêteur, en évitant les questions suggestives, en particulier avec les jeunes enfants, qui peuvent être sensibles aux suggestions des adultes.
My Story is Not Your Trauma Porn : How Not to Interview Survivors of Sexual Assault (Mon histoire n’est pas votre film porno : comment ne pas interviewer les survivants d’agressions sexuelles) (2021). Dans cet article, une survivante d’agression sexuelle évoque l’expérience qu’elle a vécue lorsqu’elle a accepté une interview sur son agression et explique les erreurs commises par les producteurs dans l’organisation de l’interview et les questions qu’ils lui ont posées.
La Fundación Gabo a traduit en espagnol, cette fiche d’information du Dart Center sur la couverture des affaires de viol.
IJnet Español a traduit en espagnol, le document du Dart Center intitulé Tips for Journalists Covering Sexual Abuse Cases.
L’Independent Press Standards Organisation (IPSO) du Royaume-Uni, donne des conseils aux journalistes qui enquêtent sur des abus sexuels. Elle propose également des liens vers des organisations britanniques qui s’occupent des victimes de viol.
Angles, une organisation basée au Royaume-Uni dont l’objectif est d’améliorer la compréhension des abus et des violences sexuelles et domestiques, propose des ressources, des statistiques, des lignes directrices pour la rédaction de rapports et des contacts utiles pour les journalistes.
La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. Issue de l’Union africaine, cette commission, créée pour traiter des questions relatives aux droits de l’homme, comporte un volet sur les violences sexuelles. Voici le guide de la commission sur la lutte contre la violence sexuelle et ses conséquences en Afrique.
L’Institut d’études de sécurité (ISS) de l’Afrique publie des ressources pour le continent, notamment des articles tels que cette note d’information sur la violence sexuelle en Afrique du Sud.
Safe Spaces s’efforce d’être le principal centre de connaissances d’Afrique du Sud pour les ressources, les bonnes pratiques et les événements sur un large éventail de sujets liés à la sécurité des communautés, ainsi qu’à la prévention de la violence et de la criminalité, y compris les violences sexuelles.
OCHA ReliefWeb a produit ce manuel à l’intention des journalistes, intitulé « Reporting on Violence Against Women and Girls » (également disponible en russe, en arabe, en kirghize et en mandarin).
L’Initiative de recherche sur les violences sexuelles (SVRI) est un réseau mondial axé sur la recherche sur la violence à l’égard des femmes et des enfants.
Le National Sexual Violence Resource Center (NSVRC) est une organisation à but non lucratif basée aux États-Unis qui travaille avec les médias pour promouvoir des reportages informés sur la violence sexuelle.
Le Rape, Abuse & Incest National Network (RAINN), basé aux États-Unis, est la plus grande organisation nationale de lutte contre les violences sexuelles. Il a produit à l’intention des journalistes, ces Conseils pour interviewer des survivants, ainsi qu’un glossaire de termes et d’expressions clés, et peut même répondre aux demandes des médias qui souhaitent s’entretenir avec des survivants.
The Investigation and Prosecution of Sexual Violence, un document de travail du Centre des droits de l’homme de la Faculté de droit de l’Université de Californie à Berkeley, expose les difficultés qui se posent lors des enquêtes sur les violences sexuelles.
Enquête sur le viol et les violences sexuelles : une boîte à outils pour une meilleure couverture médiatique du Chicago Taskforce on Violence Against Girls & Young Women (sur les violences à l’encontre des filles et des jeunes femmes), comprend des exemples de bons et de mauvais reportages sur les violences sexuelles, ainsi que des conseils et des notes sur la compréhension des statistiques.
Ces manuels sont destinés aux journalistes locaux américains, mais ils fournissent tous deux un bon guide sur les questions à poser et les procédures à suivre : Reporting Sexual Assault : A Guide for Journalists (Enquête sur les agressions sexuelles : guide pour les journalistes) du Michigan Coalition to End Domestic & Sexual Violence (de la Coalition du Michigan pour mettre fin aux violences domestiques et sexuelles) et Reporting on Sexual Violence : A Guide for Journalistes (Enquête sur les violences sexuelles : un guide pour les journalistes) de la coalition du Minnesota contre les agressions sexuelles.
29.01.2024 à 16:25
Paul Bradshaw
Dans cet article, initialement publié par Paul Bradshaw sur Online Journalism Blog et reproduit ici avec sa permission, le spécialiste de data journalisme enseignant à l’Université de Birmingham dévoile les quatre angles à connaître pour traiter un sujet en mode #ddj.
Dans le cadre de mon enseignement du journalisme de données, il m’arrive souvent de parler des différents formats utilisés dans le journalisme de données. Il m’a donc paru utile de dresser une liste de 100 articles de data journalisme puis de les analyser afin de voir à quelle fréquence l’on retrouve ces différents formats-types.
Ce travail m’a révélé qu’il existe sept approches-types pour traiter des ensembles de données. Beaucoup d’articles intègrent d’autres approches de manière secondaire (ainsi, le récit d’une évolution peut dans un deuxième temps parler de l’ampleur du problème), mais tous les articles de data journalisme que j’ai examinés ont pris l’une d’elles comme fil conducteur.
Dans ce premier article d’une série en deux parties, j’explique comment les quatre angles les plus couramment employés peuvent vous aider à trouver des idées de sujet puis à les mettre en œuvre. J’explique également ce qu’il faut garder à l’esprit tout au long de ce travail.
Quantifier l’ampleur d’un problème est probablement le sujet de data journalisme le plus fréquent. Il s’agit d’articles qui identifient un problème majeur ou établissent l’ampleur d’un problème qui fait déjà d’actualité.
Fondamentalement, ces articles informent les lecteurs des dernières données disponibles : qu’il s’agisse des derniers chiffres du chômage, du taux de criminalité, de la pollution de l’air, de l’argent investi dans certains domaines, des naissances, des décès ou des mariages.
Pendant les premiers mois de la pandémie, par exemple, les médias ont publié quotidiennement des articles traitant entre autres du nombre de cas, de décès et de tests de dépistage.
“Le nombre de morts du coronavirus dans les maisons de retraite au Royaume-Uni pourrait avoir atteint 6 000, selon une étude” (Financial Times, avril 2020) et “Le programme de révision des peines indûment clémentes serait « inadéquat »” (BBC News, juillet 2019) sont deux exemples d’articles qui se focalisent sur la question de l’ampleur d’un problème.
La question de l’ampleur est parfois secondaire, servant de contexte à un évènement particulier – “Un drone perturbe l’aéroport de Gatwick” (combien d’accidents liés à des drones ont été évités de peu ?) – ou à une idée de réforme politique : “Les nouveaux conducteurs pourraient être interdits de conduite la nuit, selon plusieurs ministres” (combien de nouveaux conducteurs ont moins de 19 ans ?).
Traiter de l’échelle d’un problème n’est pas ce qu’il y a de plus compliqué à faire : dans de nombreux cas, aucun calcul n’est nécessaire.
Le travail consiste dans la plupart des cas à contextualiser l’information : dans le pire des cas, un article traitant de l’ampleur d’un problème devient simplement une histoire de « chiffres impressionnants » (« Beaucoup d’argent a été dépensé » ou « Quelque chose est arrivé à un grand nombre de personnes »), sans qu’il soit précisé pourquoi cette information est digne d’intérêt.
C’est pourquoi il est important de replacer l’ampleur révélé dans un contexte plus large, en utilisant des pourcentages et des proportions (par exemple « un sur cinq »), voire des comparaisons et des analogies (« L’argent investi dans ce programme équivaut au salaire de 500 enseignants »).
Vous pouvez également introduire l’idée d’une évolution comme angle secondaire, en montrant comment ces chiffres évoluent dans le temps.
Dans l’article du New York Times ci-dessus, le « véritable bilan » (l’ampleur) de l’épidémie de coronavirus est immédiatement contextualisé par des graphiques qui montrent les évolutions statistiques depuis le début de l’année, et ce dans différentes régions du pays.
Les articles traitant d’évolutions sont presque aussi courants que ceux traitant d’ampleur, et probablement plus simples à vendre à un rédacteur-en-chef.
Après tout, toute évolution est intrinsèquement digne d’intérêt et vous permet de titrer votre article avec un verbe de mouvement (« monte », « chute », etc.).
Une fois que vous aurez remarqué une évolution dans les données dont vous disposez, vous aurez probablement besoin de travailler davantage pour en déterminer les causes. Pourquoi ces chiffres augmentent-ils ou diminuent-ils ?
Vous pouvez également ajouter un angle secondaire à votre traitement, en explorant les variations au sein de cette tendance – c’est-à-dire les domaines dans lesquels ces chiffres ont le plus augmenté ou diminué.
Cela peut vous aider à comprendre les causes de l’évolution que vous avez remarquée : il y a de fortes chances que les zones les plus touchées soient particulièrement conscientes du problème et à même de vous l’expliquer.
Lorsque vous faites état d’un changement, il est important de garder deux éléments à l’esprit : la saisonnalité et les marges d’erreur.
La saisonnalité est le rôle que jouent les facteurs saisonniers (généralement prévisibles et normaux, et donc non dignes d’intérêt) dans les chiffres, comme la fin d’un exercice financier ou d’un trimestre scolaire, la sortie de nouveaux modèles de voiture ou simplement les changements de température. Des comparaisons annuelles (ce mois d’août par rapport à août dernier, par exemple) ou une correction saisonnière permettent d’éviter cet écueil.
La marge d’erreur, quant à elle, est la plage dans laquelle se situent les vrais chiffres. Puisque de nombreux ensembles de données sont tirés d’échantillons, qui sont ensuite extrapolés au reste de la population examinée, une marge d’erreur (ou intervalles de confiance) permet d’indiquer le degré de précision de cette extrapolation. Si une évolution se situe dans cette marge d’erreur, nous ne pouvons affirmer que quelque chose a changé.
Une variante du format évolution est l’absence d’évolution. Ainsi, ce reportage sur les faillites d’entreprises a pris comme point de départ une évolution probable, mais a fini par découvrir que le nombre d’entreprises faisant faillite n’a pas augmenté pendant la pandémie. Les journalistes ont donc sollicité les points de vue d’experts pour analyser cette réalité contre-intuitive.
Angle n°3 : classement et valeurs aberrantes – Qui est le meilleur, qui est le pire ? Qui sort des sentiers battus et pourquoi ?
Les articles de classement s’intéressent aux points de données les plus positifs ou négatifs dans un ensemble de données, ou permettent de comparer l’entité qui nous intéresse (qu’il s’agisse d’une police municipale, d’une école ou d’une filière de l’économie) à d’autres.
« Ce quartier connait un taux de criminalité particulièrement élevé » ou « Ces écoliers ont obtenu les troisièmes meilleurs résultats du pays » sont deux exemples de ce genre d’article de datajournalisme.
Vous pouvez vous concentrer sur les endroits « les plus touchés », comme dans l’article “Ce quartier de Birmingham figure dans le top 10 des endroits au Royaume-Uni les plus touchés par les paiements anticipés sur les prestations sociales”, ou encore comparer la filière qui vous intéresse à d’autres, comme dans l’article “Le bâtiment est la troisième filière la plus dangereuse au Royaume-Uni”.
Mais les articles de classement peuvent également porter sur les meilleurs ou les pires moments, lieux ou catégories qu’un ensemble de données « révèle ».
L’article de The Economist ci-dessus, par exemple, porte sur le mois où le plus grand nombre de personnes écoutent des chansons tristes. Une histoire de Birmingham Live couvre “les crimes les plus courants à Sandwell – et les endroits qui dénombrent le plus grand nombre de victimes”.
Soit dit en passant, The Economist a consacré toute une partie d’un bulletin d’information sur le journalisme de données à « Comment réaliser un indice » :
« Dans quelle mesure de tels indices sont-ils utiles ? Tout classement qui ne repose pas sur des critères objectifs est susceptible d’être critiqué. Les classements qualitatifs reposent sur des mesures subjectives. L’adjectif « tolérable » pourrait signifier presque la même chose pour quelqu’un que l’adjectif « inconfortable » – alors que « intolérable » peut sembler deux fois pire qu’ »indésirable » ? Sur les échelles ordinales, la distance entre ces mesures est subjective – et pourtant, il faut leur attribuer un score numérique pour que le classement fonctionne.
« The Economist publie son indice Big Mac, une mesure de la valorisation des devises, depuis 1986. En 2011, nous avons publié l’indice Shoe-Thrower [lanceur de chaussure], qui évaluait le potentiel de troubles dans le monde arabe. Et cette année, nous avons créé un indice de normalité mondial, qui suit la reprise des pays après le Covid-19. Mieux vaut une mesure imparfaite que de n’avoir aucun moyen de comparaison ».
Les articles de classement doivent être attentifs au contexte : une zone peut connaître le plus de criminalité, de maladies ou de pollution simplement parce qu’elle compte également le plus d’habitants. Les dates de collecte des données peuvent également fausser les résultats : le nombre de cas de Covid a tendance à augmenter le mardi parce que ces chiffres « incluent de nombreux décès non signalés au cours du week-end », comme le fait remarquer FullFact.
Angle n°4 : Variation – Hasard géographique, cartes et distributions
Les articles traitant de variations sont d’autant plus intéressants lorsque celles-ci sont inattendues ou révèlent quelque chose de notre quotidien.
De nombreux articles de ce genre emploient une carte choroplèthe ou une carte thermique pour montrer comment les régions d’un pays ont plus ou moins accès à quelque chose, ou connaissent plus ou moins de demande pour quelque chose.
Ces cartes peuvent mettre en lumière le fait que l’accès d’une personne à quelque chose qui est censé être distribué de manière égale sur tout le territoire dépend en réalité du lieu où elle se trouve.
Ainsi, l’article de la cellule de datajournalisme de la BBC “Le système de la santé publique rationne l’accès de certains couples à la fécondation in vitro” montre que là où on habite peut déterminer si on aura ou non accès à un traitement de fertilité.
Un article sur les variations géographiques peut révéler des injustices – ou approfondir nos connaissances d’injustices déjà connus.
Les articles sur les dérives des algorithmes, dont la série “Les biais des machines” de ProPublica, traitent en particulier des variations et des injustices que révèle une analyse poussée du fonctionnement des algorithmes. Ainsi, les algorithmes peuvent fixer des devis d’assurance différents pour deux personnes dont les critères sont pourtant très proches.
Ce genre d’article peut également mettre en évidence les zones de demande mal desservie ou les zones où l’offre manque : dans le cadre d’un article sur lequel j’ai travaillé pour la BBC Shared Data Unit concernant les stations de recharge pour voitures électriques, il nous a fallu établir le nombre et l’emplacement des infrastructures existantes dans tout le pays. Ces données ont fourni une base de travail pour réaliser des études de cas et alimenter nos réflexions sur le sujet.
Dans la deuxième partie de cette série, j’aborde les trois autres formats-types : les articles d’exploration ; ceux qui se concentrent sur la qualité, l’existence ou l’absence de données ; et ceux qui traitent de relations. Une version du diagramme est également disponible en finnois.
This post was originally published by Paul Bradshaw in the Online Journalism Blog and is reprinted here with permission. Bradshaw leads the MA in Data Journalism at Birmingham City University.
In my data journalism teaching and training I often talk about common types of stories that can be found in datasets — so I thought I would take 100 pieces of data journalism and analyze them to see if it was possible to identify how often each of those story angles is used.
I found that there are actually broadly seven core data story angles. Many incorporate other angles as secondary dimensions in the storytelling (a change story might go on to talk about the scale of something, for example), but all the data journalism stories I looked at took one of these as its lead.
In the first of a two-part series I walk through how the four most common angles can help you identify story ideas, the variety of their execution, and the considerations to bear in mind.
Perhaps the most common type of story found in data is the scale story: these are stories that identify a big problem, or the size of an issue which has become topical.
At their most simple scale stories provide an update on new numbers being released: it could be the latest unemployment figures, the amount of crime, air pollution, money spent on some area, births, deaths, or marriages.
During the first months of the pandemic, for example, we had daily scale stories on the numbers of cases, deaths, and tests, among other things.
Examples of scale stories include Death Toll in UK Care Homes from Coronavirus May Be 6,000, Study Estimates, but also stories like Unduly Lenient Sentences Review Scheme ‘Inadequate,’ where the lead is based on reaction to the scale of an issue you have identified.
Sometimes scale is provided as background to a single-event story, as in Drone Causes Gatwick Airport Disruption (how many near misses are there?) or to a policy proposal, such as in New Drivers Could Be Banned from Driving at Night, Ministers Say (how many new drivers are under 19?).
Scale stories are one of the easier genres to write: in many cases no calculation is needed.
Indeed, the main work involved is likely to be in setting context to that scale — at its worst a scale story simply becomes a “big number” story (“A lot of money was spent on stuff” or “Something happens to a lot of people”), and the reader is left unclear whether this is actually newsworthy or just normal.
For that reason it’s important to put scale into context by using percentages or proportions (e.g. “one in five”) or comparisons and analogies (“The money spent on the scheme is the equivalent of the wages of 500 teachers”).
You might also bring in change and/or variation as a secondary angle: establishing historical context to the scale you’ve just outlined, or how that scale varies.
In the New York Times piece above, for example, the “true toll” (scale) of the coronavirus outbreak is immediately contextualized by charts which show how that has changed since the start of the year, in different parts of the country.
Change stories are almost as common as scale stories — and probably more straightforward to pitch.
After all, change is inherently newsworthy and gives you the verb (“rises,” “plummets,” “[goes] up”) that you need in a headline.
Once you’ve identified some sort of change in your data it’s likely you will need further reporting to answer the “why?” question. Why are those numbers going up or down?
You might also add a secondary angle to your story which explores variation in that trend – the areas where those numbers have gone up, or dropped, the most and least.
This can help you direct your reporting on “Why?” because chances are that the areas affected most will be those most aware of the issue, and able to comment on it.
When reporting on change it’s important to be aware of two considerations: seasonality and margins of error.
Seasonality is the role that (typically predictable and normal, and therefore non-newsworthy) seasonal factors can play in numbers, such as the end of a financial year or school term, the release of new cars or simply changing temperatures. Year-on-year comparisons (this August compared to last August, for example) or seasonal adjustment is often used to prevent this effect.
The margin of error, meanwhile, is the range within which the real numbers actually lie. Because many datasets are based on samples, which are then generalized to the rest of the population being looked at, a margin of error (or confidence intervals) is used to indicate how accurate that generalization actually is. If any change is within that margin of error then we can’t really report that anything has changed.
A variation of the change story is the lack of change angle. This story on company insolvencies, for example, looks for change where you would expect it, but identifies the absence of any increase in companies going bust during the pandemic and seeks expert comment for this counterintuitive finding.
Ranking stories are all about who or what comes out worst or best in a dataset, or where a particular entity of interest (the local police force, schools or teams, or an industry if it’s the specialist press) sits in comparison to others.
Typical stories in this category might include “Local area one of worst areas for crime” or “Local schoolchildren get third-best results in the country.”
You might focus on the places “worst-hit,” as in The Parts of Birmingham in Top 10 UK Areas Worst-Hit by Universal Credit Advances, or you might look at where your sector compares to others, as in Construction Is Third-Most Dangerous UK Industry.
But ranking stories can also be about the best or worst times, places, or categories that a dataset “reveals.”
The Economist article above, for example, is about the top-ranked month for listening to gloomy songs. A Birmingham Live story, on the other hand, leads on The Most Common Crimes in Sandwell — And Where You’re Most Likely to Be a Victim.
The Economist, by the way, dedicated part of one data journalism newsletter to “How to compile an index:”
“How useful are such indices? Any ranking that isn’t built on objective criteria is open to criticism. Qualitative rankings are built on subjective measures. Perhaps ‘tolerable’ means almost the same to someone as ‘uncomfortable’ — whereas ‘intolerable’ might feel twice as bad as ‘undesirable?’ On ordinal scales the distance between these measures is subjective—and yet they have to be assigned a numerical score for the ranking to work.
“The Economist has been publishing its Big Mac index, a measure of currency valuations, since 1986. In 2011 we published the Shoe-Thrower’s index, which assessed the potential for unrest across the Arab world. And this year, we’ve created a global normalcy index, which is tracking countries’ recovery from COVID-19. An imperfect measure is better than having no means of comparison at all.”
Ranking stories need to be careful about context: an area may have the most crime, disease, or pollution simply because it also has the most people. Reporting dates can skew data, too: COVID case rates tended to peak on Tuesdays because the figures “include many deaths not reported over the weekend,” as FullFact pointed out.
Variation stories work best when we expect equal treatment, or when we seek to hold a mirror up to a part of life.
The classic example uses a choropleth map or heatmap to show how some parts of a country have less access to something, or more demand for something, than other parts.
The phrase “postcode lottery,” for example, reflects the sense that a person’s access to something that is supposed to be equally distributed is actually a game of chance.
The BBC data unit story IVF: NHS Couples ‘Face Social Rationing,’ for example, maps out how where you live in England can mean the difference between being able to access fertility treatment or not.
A variation story may be revealing that the unfairness exists — or, if people are aware of it, precisely how and where it plays out (particularly in their area).
Algorithmic accountability stories such as ProPublica’s Machine Bias series are often about variation and the unfairness that is revealed when an algorithm is unpicked: it may be people being sentenced differently, or given different insurance quotes, despite no meaningful difference between them on the dimensions that matter.
A variation story can equally be used to highlight areas of underserved demand, or lack of supply: one story that I worked on for the BBC Shared Data Unit about electric car charging points involved identifying how much infrastructure existed in the country, and where. The picture that the data painted provided a foundation for case studies and reaction.
In the second part of this series I look at the other three angles: exploratory stories; those that focus on data quality, existence, or absence; and angles about relationships. A version of the diagram is also available in Finnish.
10 étapes pour se lancer dans le data journalisme
Boîte à Outils : extraire des données sans savoir coder
Comment créer votre propre base de données
Découvrir les liens entre différents sites webs avec SpyOnWeb, VirusTotal et SpiderFoot HX
Les meilleurs outils pour collecter des données exclusives
Paul Bradshaw encadre les masters de Data Journalisme et de journalisme multimédia et mobile at l’Université de Birmingham au Royaume-Uni. Il est également consultant en data journalisme au service data de BBC England.
22.01.2024 à 14:35
Anne Koch
La détérioration du climat pourrait être ralentie, pourtant elle s’accélère. Qui est responsable ? Lors de #GIJC23, GIJN a réuni des dizaines de journalistes et de spécialistes du changement climatique venus de 35 pays. Cet article est un résumé de cette rencontre et du rapport qui en a découlé en attendant le webinaire du 6 février 2024 (gratuit mais sur inscription) intitulé « Comment améliorer le journalisme d’investigation climatique ».
Lors de la 13e conférence mondiale sur le journalisme d’investigation, GIJN a réuni le temps d’une journée 80 journalistes et spécialistes du changement climatique venus de 35 pays. Au programme : un échange sur le rôle que peut jouer le journalisme d’investigation dans le traitement médiatique de la crise climatique. En effet, il est essentiel de rendre compte des causes et des effets du réchauffement climatique, et ce pour un public aussi large que possible.
Voici le REPLAY, en VF, du webinaire « Comment améliorer le journalisme d’investigation climatique » organisé par GIJN le mardi 6 Février 2024 :
A mesure que l’humanité se rapproche d’une catastrophe climatique, les journalistes doivent disposer du temps, des compétences et des outils nécessaires pour demander des comptes aux responsables, du gouvernement comme du secteur privé. La détérioration du climat pourrait être ralentie, pourtant elle s’accélère. Qui est responsable ? La question de la responsabilité est au cœur du journalisme d’investigation.
Vous trouverez ci-dessous le résumé et l’introduction de notre rapport sur cette réunion. Pour lire le rapport dans son intégralité, veuillez cliquer ici.
Les OBJECTIFS de la réunion étaient les suivants :
Lors de la réunion, tous les objectifs ont été abordés et des PRIORITÉS pour un journalisme climatique axé sur la question de la responsabilité ont émergé, notamment :
D’importants DÉFIS subsistent, notamment :
Les participants ont identifié une série de SOLUTIONS qui renforceraient le journalisme d’investigation climatique, dont :
Malgré les progrès réalisés dans le développement d’énergies vertes bon marché, les émissions mondiales de gaz à effet de serre augmentent inexorablement, selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), l’une des principales autorités mondiales en la matière. Le changement climatique est d’envergure mondiale, mais ses causes ne le sont pas : les énergies fossiles – principalement le charbon, le pétrole et le gaz – sont responsables de plus de 75% des gaz à effet de serre. Malgré la crise climatique, 96 % de l’industrie pétrolière et gazière est en expansion, selon un rapport de 2022. Cette expansion se produit alors même que de nombreux Etats et entreprises ont pris des engagements en matière de réduction nette des émissions et d’autres mesures d’atténuation du changement climatique.
Les populations vulnérables qui contribuent peu aux émissions mondiales subissent de plein fouet l’impact du changement climatique : élévation du niveau de la mer, diminution des rendements agricoles, intensification des incendies de forêt, tempêtes violentes, augmentation de la pauvreté, de la faim et des mouvements migratoires, pour ne citer que ceux-là. Les promesses d’aide à l’atténuation et à l’adaptation ne sont la plupart du temps pas mises en oeuvre. En outre, la désinformation concernant le changement climatique est omniprésente et de plus en plus sophistiquée. Les conséquences pour l’ensemble de la planète sont désastreuses. Tout cela étant dit, et bien que le changement climatique s’aggrave, il n’est pas encore irréversible.
Des milliers de journalistes du monde entier couvrent le changement climatique et son impact, et de nombreux réseaux ont été mis en place pour faciliter ces reportages. Ce travail est essentiel pour informer et mobiliser le public, et pour défier les puissants qui chantent pendant que Rome brûle. La question de la responsabilité est au cœur du journalisme d’investigation. Il y a un besoin urgent de reportages de fond, rigoureux et novateurs sur le changement climatique. Il s’agit notamment d’enquêter sur un nouvel ensemble d’intérêts économiques qui se développent au fur et à mesure que le monde s’oriente vers une économie à basses émissions de carbone. Comment enquêter au mieux sur la responsabilité des entreprises et des gouvernements ?
Pour le savoir, le Réseau international de journalisme d’investigation a organisé un atelier intitulé « The Investigative Agenda for Climate Change Journalism » (Comment améliorer le journalisme d’investigation climatique), qui a réuni pendant toute une journée la plupart des réseaux de journalisme d’investigation, des grands noms du journalisme sur le changement climatique, ainsi que des journalistes et des chercheurs travaillant sur le sujet dans le monde entier. Quatre-vingts personnes originaires de 35 pays se sont réunies pour partager leurs points de vue sur les principales priorités que doit se fixer le journalisme d’investigation climatique.
Avec le soutien de Journalismfund Europe, parmi d’autres, la réunion a eu lieu la veille de la Conférence mondiale sur le journalisme d’investigation à Göteborg, en Suède, le 19 septembre 2023.
Les discussions ont été structurées autour des priorités et des défis de l’investigation, avec une attention particulière portée aux cinq sujets suivants: la filière des énergies fossiles, la responsabilité des gouvernements, le financement du climat, les impacts climatiques et les chaînes d’approvisionnement. Chaque séance a donné lieu à une présentation générale, à des études de cas et à une discussion. Les participants se sont ensuite répartis en groupes, chacun produisant un rapport sur les discussions tenues.
La réunion a été présidée par Sheila Coronel, journaliste d’investigation chevronnée, directrice du Centre de journalisme d’investigation Toni Stabile à la faculté de journalisme de l’Université Columbia de New York, et à la fois fondatrice et membre du conseil d’administration du Centre de journalisme d’investigation des Philippines.
Afin d’encourager une discussion franche, la réunion a suivi la règle dite de Chatham House, ce qui signifie que les informations évoquées peuvent être publiées mais sans préciser l’identité des intervenants. Les personnes identifiées dans ce rapport ont au préalable donné leur accord.
Après la rencontre, GIJN a sondé les participants de manière anonyme. 86% des personnes sondées ont trouvé la réunion « très » ou « extrêmement » utile, 90% ont déclaré qu’ils aimeraient poursuivre la conversation. Notons la création de groupes d’intérêt en ligne afin de favoriser la mise en réseau, la discussion et la résolution de problèmes entre journalistes. Il aurait été impossible de tout résoudre en un jour. Cette réunion a en tout cas permis de poser le premier jalon d’une collaboration plus poussée entre journalistes.
Ce rapport contient les principaux sujets abordés au cours de la journée, de l’identification des problèmes et défis majeurs à l’énoncé de recommandations.
Enfin, je tiens à remercier tous ceux qui ont rendu possible la tenue de cet atelier ainsi que la parution de ce rapport : Journalismfund Europe, Sheila Coronel, les plus de 80 journalistes et experts, tous fantastiques, venus du monde entier pour partager leurs idées et leurs conseils, et mes collègues de GIJN, en particulier Toby McIntosh, Andrea Romanos et l’ancien directeur exécutif du Réseau, David Kaplan. Un grand merci également à Deborah Nelson, journaliste de talent, qui a co-rédigé ce rapport avec Toby et moi.
Anne Koch a travaillé comme journaliste et dirigeante dans l’audiovisuel pendant plus de 20 ans, principalement pour la BBC, avant de devenir directeur de l’ONG anti-corruption Transparency International. Sa carrière primée dans le journalisme de la BBC comprend le poste de directrice adjointe de l’English World Service, la rédactrice en chef des programmes radiophoniques phares d’information et d’actualité de la BBC et la rédactrice en chef de World Tonight. Elle a produit ou monté plus d’une centaine de documentaires et a travaillé comme productrice pour l’émission de journalisme d’investigation File on Four de BBC Radio 4. Chez TI, elle a été directrice de l’Europe et de l’Asie centrale.