Contrôlé par le parti au pouvoir, le Front sandiniste de libération nationale (FSLN, gauche), le Parlement a approuvé vendredi "à l'unanimité" le projet de réforme présenté mardi par Daniel Ortega. Il sera ratifié lors d'une prochaine session parlementaire en janvier, selon le président de l'assemblée monocamérale.
Selon ce texte, "la présidence de la République est composée d'un coprésident et d'une coprésidente", qui seront désignés lors d'élections organisées "tous les six ans", et non plus tous les cinq ans.
Les deux dirigeants coordonneront "les organes législatif, judiciaire, électoral" ou encore ceux gérant régions et municipalités, alors que la constitution actuelle les considéraient indépendants.
Daniel Ortega, un ancien guérillero de 79 ans qui a dirigé le Nicaragua dans les années 1980 après le triomphe de la révolution sandiniste, est revenu au pouvoir en 2007. Il réformé une douzaine de fois la Constitution, lui permettant notamment un nombre indéfini de mandats.
Il est accusé par les Etats-Unis, l'Union européenne et les pays d'Amérique latine d'avoir instauré une autocratie avec son épouse, de six ans sa cadette, nommé en 2017 vice-présidente.
Tous deux ont radicalisé leurs positions et renforcé leur contrôle sur la société nicaraguayenne après les manifestations antigouvernementales de 2018, dont la répression a fait 320 morts selon l'ONU.
Ils accusent l'Eglise, les journalistes et les ONG d'avoir soutenu ces protestations qu'ils considèrent comme une tentative de coup d'Etat soutenue par Washington.
Au total, 278 journalistes se sont exilés et exercent leur profession depuis le Costa Rica et les Etats-Unis, tandis qu'une cinquantaine de religieux ont été envoyés à l'étranger, principalement au Vatican. Des milliers de personnes ont pris le chemin de l'exil.
Quelque 450 politiciens, hommes d'affaires, journalistes, intellectuels, militants des droits humains et membres du clergé ont été expulsés et déchus de leur nationalité.
La réforme constitutionnelle adoptée par le Parlement stipule désormais clairement que "les traîtres à la patrie perdent la nationalité nicaraguayenne".
- "Révolutionnaire" et "socialiste"-
La réforme, qui définit le Nicaragua comme un État "révolutionnaire" et "socialiste" et inclut parmi les symboles nationaux le drapeau rouge et noir du FSLN, l'ancienne guérilla sous la direction de laquelle une insurrection populaire a renversé le dictateur Anastasio Somoza en 1979, a déclenché une vague de rejet.
Selon Salvador Marenco, avocat des droits humains exilé au Costa Rica, cette réforme, en plus de sonner la fin de la séparation des pouvoirs met un terme au pluralisme politique.
"Tout ce qui se trouve maintenant dans la réforme est ce qui, en fait, est le Nicaragua : une dictature de facto. La nouveauté, c'est que ce sera désormais inscrit dans la Constitution", a déclaré à l'AFP l'ancienne commandante de la guérilla Dora Maria Tellez, emprisonnée au Nicaragua et qui vit désormais en exil aux Etats-Unis.
Cette réforme "représente un nouveau jalon dans la consolidation d'un modèle totalitaire qui attaque sans pitié la démocratie et les droits fondamentaux", a déclaré Félix Maradiaga, ancien candidat à la présidence en exil aux États-Unis.
La réforme adoptée établit notamment des restrictions concernant les médias : "L'Etat veillera à ce que les médias ne soient pas soumis à des intérêts étrangers et ne diffusent pas de fausses nouvelles".
Une "police volontaire", composée de civils, en "soutien" aux forces de sécurité, sera aussi créée. Lors des manifestations de 2018, des hommes lourdement armés et cagoulés étaient intervenus contre des tranchées aménagées par des étudiants pour maîtriser les manifestants.
Manuel Orozco, analyste au Dialogue interaméricain, relève également auprès de l'AFP que "la réforme officialise la garantie de succession présidentielle" au fils du couple Ortega-Murillo, Laureano Ortega, 42 ans.