26.06.2024 à 22:08
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Depuis sa première élection en 2013, Xi Jinping encourage la diplomatie chinoise par le biais
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Depuis sa première élection en 2013, Xi Jinping encourage la diplomatie chinoise par le biais de son projet des Nouvelles Routes de la Soie, aussi appelées, Belt and Road Initiative, traduite en français par Initiative Ceinture et Route. Très présent dans les pays d’Asie du Sud-Est, il est étrangement encore peu développé au Vietnam. Retour avec ce dossier sur les relations parfois complexes entre la Chine et le Vietnam, ainsi que les coopérations en lien avec les nouvelles routes de la soie.
Le Premier ministre vietnamien Pham Minh Chinh était en visite hier à Pékin où les Nouvelles Routes de la Soie ont été une nouvelle fois au coeur des discussions. Et surtout la volonté de créer une « Communauté sino-vietnamienne de destin partagé avec une signification stratégique« .
Le Vietnam et la Chine ont des relations complexes en raison de caractéristiques qui les rapprochent et des faits historiques qui les confrontent. Les deux pays partagent une frontière commune de plus de 1000 km et sont tous deux des Républiques socialistes. Cependant, leurs relations diplomatiques sont régulièrement mises à l’épreuve.
Les deux pays ont alterné périodes de tensions et relations pacifiques. La Chine a longtemps occupé le Vietnam laissant derrière elle une culture vietnamienne nettement modifiée. Pourtant, la Chine a soutenu financièrement et militairement le Vietnam lors de la guerre d’Indochine (1956-1954) et le Nord Vietnam lors de la guerre du Vietnam (1955-1975). En 1979, la guerre sino-vietnamienne éclate suite à l’envahissement du Cambodge par le Vietnam, qui était alors un allié de la Chine.
Depuis 1991 les relations entre les deux pays s’améliorent et se consolident afin de créer des échanges durables. En effet, en 1991 est signé le premier accord de coopération économique entre la Chine et le Vietnam. En 2008, les deux pays établissent un partenariat stratégique global. Pour célébrer le 15ᵉ anniversaire de la création de ce partenariat entre les deux parties, le Président chinois s’était rendu à Hanoï faisant prévaloir le « destin commun » qui unit le Vietnam et la Chine. Lors de cette visite 36 documents seront signés pour solidifier les relations sino-vietnamiennes.
Le Vietnam est un pays membre du projet des Nouvelles Routes de la Soie, mais ne joue qu’une part mineure dans le projet chinois. Le Vietnam étant un pays de l’Asie du Sud-Est ayant accès à la mer de Chine méridionale tout comme la Chine, cette dernière investit sans miser essentiellement sur cette collaboration.
Les transports
L’initiative la Ceinture et la Route est développée au Vietnam depuis de nombreuses années et des projets colossaux sont encore en cours à ce jour. Par exemple, un chemin de fer reliant la ville de Kunming, dans la province du Yunnan à la ville portuaire de Haïphong, financé par des fonds chinois pour améliorer les échanges commerciaux entre les deux pays.
En plus de développer des voies ferroviaires entre les deux pays, l’entreprise CRCC construit aussi des infrastructures uniquement sur le territoire vietnamien. La société China Railway Construction Corporation (CRCC) a de nombreux projets en cours au Vietnam. En 2023, le président de la société a déclaré avoir établi un projet visant à relier trois villes vietnamiennes, Lao Cai, Hanoï et Haïphong.
La société chinoise China Railway Engineering Corporation (CREC) a construit en 2021 la ligne de métro Cat Linh-Ha Dong à Hanoï. Cette ligne de métro a facilité les déplacements de près de 20 millions de passagers et amélioré considérablement les transports publics dans la capitale. Le Président de la CREC a souligné l’importance de cette construction en mentionnant qu’elle a été inaugurée lors du 10ᵉ anniversaire de la coopération sino-vietnamienne.
Par ailleurs, des sociétés de transports de marchandises vietnamiennes et chinoises unissent leurs forces pour relier la ville de Chongqing aux différents pays de l’ASEAN en passant par le Vietnam ou du Vietnam vers l’Europe via la Chine.
Le commerce
Lors de la 12ᵉ session du Comité de coopération économique et commerciale entre les deux pays, en novembre 2023, la Chine a affirmé sa volonté d’établir une coopération plus durable avec le Vietnam. Coopération pour assurer un meilleur maillon dans la chaîne d’import-export qui répondrait aux besoins des deux nations.
La Chine souhaite faciliter le transit du plus grand nombre possible de produits agricoles vietnamiens, conseillant même aux entreprises vietnamiennes de travailler conjointement avec différentes structures chinoises, comme les douanes. Les Chinois adorent manger du durian, ce qui implique des importations massives d’autres pays pour fournir suffisamment de fruits. L’importation de durians vietnamiens est possible depuis fin 2022 et est actuellement fortement encouragée. En avril 2024, les durians vietnamiens représentaient 31,8 % des importations de durian en Chine.
Dès lors, la Chine joue un rôle commercial important pour le Vietnam. En 2023, la Chine était le deuxième exportateur de produits vietnamiens.
Parallèlement, la Chine investit dans les provinces du nord du Vietnam, lui permettant de contrôler l’origine des produits qu’elle souhaite ensuite exporter. Ces investissements concernent principalement les domaines du textile et des télécommunications, comme les usines fabriquant des vêtements ou des composants électroniques. Par exemple, en 2011, la société Tencent, une multinationale chinoise spécialisée dans les services internet, a investi dans Zalo, le réseau social vietnamien le plus utilisé ces dernières années.
Education
De nombreuses entreprises chinoises sont à présent implantées au Vietnam, un grand nombre d’adolescents vietnamiens apprennent le mandarin en vue de trouver un bon emploi au sein de ces entreprises. Le gouvernement chinois a compris qu’il était essentiel que la Chine ait le pouvoir d’enseigner sa culture aux étrangers. La Chine offre donc des bourses aux étudiants vietnamiens, sachant que cela affectera considérablement le nombre d’étudiants en échange qui, à l’origine, ne pouvaient pas forcément se permettre de payer ce type de programme éducatif.
La Chine et le Vietnam ont signé un « accord d’échange éducatif » qui stipule que les deux pays doivent offrir 150 bourses d’études chaque année. En Chine, les Vietnamiens vont pouvoir apprendre le mandarin, qu’ils soient des étudiants de premier cycle ou des étudiants de licence. Et le Vietnam fait de même pour les Chinois, qui peuvent venir dans une université vietnamienne pour apprendre le vietnamien.
Désaccords bilatéraux
Les autorités vietnamiennes ont besoin de la participation financière chinoise pour développer leurs infrastructures, mais doivent également entretenir une bonne entente avec les États-Unis qui pourrait déboucher sur des accords de coopération tels que ceux conclus avec la Chine. Les entreprises chinoises sont plus présentes au nord du Vietnam qu’au sud en raison de leur passé communiste commun. Au Sud, les entreprises américaines ou coréennes sont plus répandues. Cette « diplomatie du bambou », évoquant la fragile alternance des relations vietnamiennes entre la Chine et les États-Unis, affecte aussi le développement de la BRI au Vietnam.
Les investissements chinois sont les bienvenus pour le développement économique qu’ils apportent au pays. Toutefois, les conditions intrinsèques aux projets de la BRI ne sont pas clarifiées par les autorités chinoises. En effet, les coûts des infrastructures sont souvent plus élevés que prévu, les appels d’offres jugés non transparents sont fréquents, ce qui place le Vietnam dans une position inconfortable face à la puissance chinoise. En outre, il est possible que les projets nuisent à la sécurité du travail et causent des dommages environnementaux.
Les projets de la BRI pourraient rendre le Vietnam encore plus dépendant, le développement du pays semblant à la merci des investissements chinois.
Les tensions territoriales en mer de Chine méridionale perdurent, aucune concession n’est envisagée. Pour la Chine comme pour le Vietnam, la mer de Chine méridionale joue un rôle clé dans les relations diplomatiques que les deux parties entretiennent avec le reste du monde. Cette mer située au centre de la région de l’Asie du Sud-Est est un point de passage central des flux maritimes internationaux. En effet, il donne accès au détroit de Malacca, le détroit le plus fréquenté au monde.
Depuis les années 2010, la Chine investit dans les îlots en vue d’agrandir son territoire dans cette mer regorgeant d’hydrocarbures et autres ressources rares.
À présent, c’est au tour du Vietnam de construire des récifs, des atolls. Les deux pays affirment leur présence sur ces îlots comme « historiquement justifiée », en soutenant que leurs peuples respectifs étaient les détenteurs des lieux.
La construction de ces infrastructures pourrait mener à une aggravation des relations sino-vietnamiennes pour l’acquisition des ressources naturelles se trouvant en mer de Chine méridionale et influer sur les échanges commerciaux entre les deux pays.
Tensions régionales
Les autorités vietnamiennes ne paraissent plus faire confiance aux projets de la BRI, car ceux lancés précédemment tardent à être inaugurés. Les pays voisins, tels que le Laos ou le Cambodge, ont un nombre d’infrastructures supérieur au Vietnam et un taux de réalisation des projets bien plus élevé.
L’ASEAN dont est membre le Vietnam, ne parvient pas à limiter l’extension des différents pays revendiquant des îlots en mer de Chine méridionale, n’améliorant pas les relations entre la Chine et ses voisins. Des tensions dans une mer qui est l’une des voies maritimes les plus fréquentées au monde paraissent être inévitables. Chaque pays limitrophe à la mer de Chine méridionale revendique des ZEE (Zones Économiques Exclusives) différentes, qui selon chaque tracé se confondent.
Les ressources se trouvant en mer de Chine méridionale pourraient pousser le Vietnam à se lier à d’autres pays afin de faire valoir ses revendications au préjudice de celles de la Chine. Le Vietnam cherche en effet à nouer de nombreuses alliances notamment avec des puissances asiatiques comme l’Inde ou les Philippines, mais principalement avec les États-Unis, la superpuissance rivale de la Chine. Fin 2023, le gouvernement vietnamien s’est entretenu avec le Président américain, annonçant une coopération stratégique entre les États-Unis et le Vietnam.
Les superpuissances américaines et chinoises jouent un rôle majeur dans les tensions diplomatiques en mer de Chine méridionale. Les deux parties consolident leurs relations pacifiques avec le Vietnam, en favorisant essentiellement les échanges commerciaux.
Selon l’ambassadeur vietnamien aux États-Unis, Nguyen Quoc Dung, le Vietnam souhaite développer des bonnes relations avec toutes les puissances sans choisir de camp.
Par Marion DEMANGE, Rédactrice au Pôle Asie de l’OFNRS
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15.06.2024 à 14:50
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Le Vietnam se trouve confronté à d’importants défis environnementaux liés à son développement économique rapide
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Le Vietnam se trouve confronté à d’importants défis environnementaux liés à son développement économique rapide et sa dépendance au charbon. Cependant, le pays s’est engagé depuis plusieurs années dans la promotion d’une diplomatie environnementale et climatique ambitieuse. Le plan de développement socio-économique pour 2021-2025 met ainsi l’accent sur des priorités telles que l’adaptation au changement climatique, la protection de l’environnement, la transition vers une économie circulaire et le développement de la finance verte.
Lors de la COP26 en 2021, le Premier ministre Pham Minh Chinh a fait part de l’engagement du Vietnam d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. En outre, en 2022, le pays a lancé la mise en œuvre du Programme national de développement durable, qui avait été approuvé en 2017. À cela, s’ajoutent la signature, en décembre 2022, d’un Partenariat pour une transition énergétique juste (JETP) en collaboration avec le G7, la Norvège et le Danemark.
Lors du Sommet mondial sur l’action pour le climat lors de la 28e Conférence des Nations Unies sur le changement climatique (COP28) à Dubaï, aux Émirats arabes unis, Chinh a également exprimé son inquiétude quant aux impacts de plus en plus graves du changement climatique au milieu du grand écart entre les engagements et les actions climatiques, et la dispersion des ressources pour la riposte au changement climatique en raison de la concurrence, de la séparation, de la guerre et des conflits.
Le Vietnam se fixe donc de nombreux objectifs, avec en-tête l’accélération de sa transition énergétique. Pour ce faire, le pays ambitionne de limiter la construction de nouvelles centrales à charbon afin d’atteindre un pic de capacités installées de 30,2 GW d’ici 2030, même s’il demeure fortement tributaire du charbon (représentant 50 % de sa production énergétique).
Cette réduction s’opère par le biais du développement des énergies renouvelables favorisé par la géographie du pays qui permet l’installation d’éoliennes à grande échelle. La capacité installée de production d’électricité a ainsi connu une croissance vigoureuse après 2019, grâce à l’intégration de l’énergie solaire et éolienne jusqu’alors sous-exploitée, contribuant à diversifier le bouquet énergétique vietnamien. Malgré cette dynamique, le Plan de développement énergétique VIII (2023) du Vietnam prévoit que 19 % de sa capacité de production électrique proviendra toujours de centrales au charbon en 2030. Par ailleurs, malgré les inquiétudes environnementales entourant ces installations, le pays envisage toujours la construction de nouvelles centrales jusqu’en 2030, tout en comptant sur un soutien international pour rénover et progressivement éliminer l’ensemble de son parc de centrales au charbon.
L’abandon total du charbon par le Vietnam est conditionné à plusieurs éléments, notamment la nécessité de reconfigurer son infrastructure réseau, actuellement insuffisantes pour établir une transition vers les énergies renouvelables. De plus, les risques élevés d’investissements liés à un monopole du marché de l’électricité, mais aussi aux nombreuses subventions au charbon, ralentissent la transition énergétique du pays. Enfin, le charbon demeure un gage de sécurité énergétique et financière pour l’Etat vietnamien.
Cependant, en raison de mesures internationales prises ces dernières années à l’encontre du charbon, le Vietnam pourrait être contraint d’orienter rapidement ses investissements vers le développement des énergies renouvelables. En effet, un nombre croissant d’institutions financières refusent désormais de financer les projets de centrales électriques au charbon en raison des risques climatiques. Par exemple, la Chine a annoncé en 2021 qu’elle cesserait de financer la construction de tels projets dans le cadre de l’initiative Ceinture et Route (BRI) entraînant des répercussions sur le Vietnam. Ce dernier a supprimé le plus grand nombre de projets de charbon soutenus par la Chine parmi les pays de la BRI, alors même que les banques chinoises sont impliquées dans le financement de près de 20 centrales au charbon dans le pays, la Chine étant l’un des principaux bailleurs de fonds pour l’énergie au charbon au Vietnam.
Ainsi, il apparaît que la Chine et le Vietnam partagent des intérêts en commun : alors que le Vietnam recherche des financement étrangers pour développer ses infrastructures dans le domaine des énergies renouvelables, la Chine, dans le cadre de la BRI cherche à investir de plus en plus dans de tels projets afin de « verdir les routes de la soie ».
Pourtant, encore aujourd’hui le Vietnam n’a accueilli aucun projet phare de la BRI, bien que le pays ait initialement exprimé un accueil favorable envers l’initiative. Récemment encore, le Premier ministre vietnamien a souligné l’importance d’une coopération sino-vietnamienne, tandis que le ministre de la Planification et de l’Investissement a qualifié la BRI de catalyseur pour le développement régional.
En résumé, le Vietnam s’est fixé des objectifs ambitieux de décarbonisation de son économie, mettant l’accent sur l’adaptation au changement climatique, la protection de l’environnement et le développement des énergies renouvelables. Cependant, la réalisation de ces ambitions fait face à des défis de mise en œuvre. Il est crucial pour le Vietnam de clarifier son cadre juridique afin de faciliter la transition énergétique, d’introduire des réglementations et des politiques visant à minimiser les risques d’investissements et à attirer des capitaux vers les énergies renouvelables, et surtout de conclure des partenariats pour obtenir des financements et une expertise indispensable pour le Vietnam.
La Chine, en tant qu’acteur majeur des investissements dans les énergies renouvelables, dispose d’une expertise considérable dans la conception de projets, de recherche et de développement axés sur la réduction des émissions de carbone. Cette expérience pourrait être partagée avec le Vietnam dans le cadre d’une coopération visant à promouvoir l’expansion des énergies renouvelables.
De plus, à l’image du JETP signé en 2022, la Chine pourrait considérer la mise en place d’arrangements similaires afin de supporter le Vietnam et d’autres pays de la BRI afin de combler le déficit financier pour les infrastructures.
Par Dounia Dif, Chargée de Veille Route de la Soie verte auprès de l’OFNRS
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09.06.2024 à 10:00
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Les relations entre l’Europe et l’Afrique, très anciennes et intriquées, ont, au fil de l’histoire,
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Les relations entre l’Europe et l’Afrique, très anciennes et intriquées, ont, au fil de l’histoire, revêtu des formes – et endossé des sens – très différents. D’abord coopération bilatérale CEE-États africains essentiellement axée sur le commerce et le développement (1963-2000), les relations entre les deux rives de la Méditerranée se sont progressivement « multilatéralisées » avec l’avènement de l’Union européenne et de sa corolaire africaine (2000-2022), engendrant, de facto une politisation de la coopération euro-africaine. Mais malgré la diversification des rapports entre les deux organisations, un axe, en particulier, demeure structurant : celui du développement des infrastructures. C’est là tout l’enjeu du Sommet de Bruxelles (2022) et du New Deal, qui, en reprenant à son compte l’initiative du Global Gateway dévoilée en 2021, entend « restaurer » le statut de global player de l’UE en la matière sur le continent africain.
Afin de saisir dans quel contexte prend place le New Deal, et plus particulièrement le Global Gateway, un détour historico-technique mettant en lumière les similitudes entre les deux institutions (ou leurs formes antérieures) porteuses du projet – l’Union européenne et l’Union africaine – s’impose.
L’Union européenne, née des efforts de six États d’Europe de l’Ouest, a vu le jour en 1951 avec la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA). Progressivement construite dans la deuxième partie du XXe siècle – le Traité de Rome (1957) instituant la Communauté Économique européenne (CEE) sera suivi 20 ans plus tard du Traité de Maastricht (1992) fondant l’Union européenne – elle n’est ni une fédération, ni une confédération d’États, ni une organisation internationale au sens strict du terme. Regroupant initialement six États – la France, l’Allemagne, l’Italie, la Belgique, le Luxembourg, et les Pays-Bas –, elle a régulièrement fait l’objet de procédures d’élargissement jusqu’en 2020 où, pour la première fois de son histoire, un État-membre – le Royaume-Uni – a officiellement actionné le mécanisme de sortie de l’UE.
Véritable curiosité juridique en tant qu’entité sui generis, elle est dotée par le Traité de Fonctionnement de l’UE (2007) d’une personnalité juridique qui lui permet de signer des traités et d’adhérer à des conventions, et dispose, selon le Traité de l’UE (1992), d’institutions fortes auxquelles les États-Membres ont dévolu une partie de leurs compétences régaliennes. Elle est notamment composée de sept institutions : le Parlement européen, le Conseil européen, le Conseil de l’Union européenne, la Commission européenne, la Cour de justice de l’Union européenne, la Banque centrale européenne et la Cour des comptes. Parmi celles-ci, seuls le Conseil européen et de l’UE, la Commission et le Parlement sont parties prenantes du processus décisionnel – dans le cadre du trilogue en procédure ordinaire, ou au niveau du Conseil en procédure extraordinaire – et jouissent de compétences qui leur sont propres.
L’Union africaine, quant à elle, est l’héritière de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA). Fondée en 1963 par 32 Chefs d’États africains nouvellement indépendants à Addis-Abeba, sa Charte érige les principes de liberté, d’unité et de solidarité – au fondement du panafricanisme – comme colonne vertébrale de l’organisation internationale. Mais devant faire face à de nombreux obstacles, cristallisés autour du principe de non-ingérence et de la sacralisation des frontières héritées de la colonisation, l’OUA devient rapidement une institution obsolète et demeure ineffective jusqu’en 1999. C’est donc au tout début du deuxième millénaire, à la suite de l’initiative de Mouammar Kadhafi, que le principe de transformation de l’OUA en Union Africaine est acté au Sommet de Lomé (2000), puis concrétisé au Sommet de Durban (2002). Regroupant initialement 32 États, elle va progressivement s’élargir à l’ensemble du continent, pour accueillir depuis 2017 – grâce à l’adhésion du Maroc – l’ensemble des 55 États africains.
Le Traité constituant actant le passage de l’OUA à l’UA (2000), a, tout comme le Traité de Lisbonne pour l’UE, conféré une personnalité juridique permettant à l’organisation de négocier et signer des traités internationaux. Par ailleurs, il a, tout comme le Traité de Maastricht pour l’UE, également prévu une refonte de l’architecture institutionnelle de l’UA. L’organisation s’articule dès lors autour de six institutions : la Conférence des chefs d’États et de gouvernements, le Conseil exécutif, le Comité des représentants permanents, le Conseil de paix et de sécurité, les Comités techniques spécialisés et la Commission de l’UA. À cela s’ajoutent encore les huit Communautés économiques régionales (CER) en vigueur depuis le Traité d’Abuja (1991), et les organes judiciaires et législatifs – dont le Parlement panafricain – crées ultérieurement. Parmi celles-ci, seules la Conférence des Chefs d’États et de gouvernements et le Conseil exécutif sont habilités à prendre des décisions – le Parlement panafricain n’ayant, a contrario du Parlement européen, qu’une fonction consultative.
Mais outre les similitudes de forme susmentionnées – présence d’un acte constitutif précisant le but et les modalités de la coopération, d’une structure permanente, indépendante et autonome et d’une personnalité juridique – l’UE et l’UA se sont, depuis leurs créations, toujours considérées comme des partenaires « naturels ».
En effet, elles sont des organisations : à vocation régionale, regroupant un nombre restreint d’États selon des affinités objectives, à savoir la proximité géographique – dans le cas européen, des affinités subjectives comme les critères de convergences économiques, politiques et communautaires rentrent également en compte ; à finalités générales, dont les activités ne sont pas cantonnées à un domaine particulier mais abordent selon les besoins l’ensemble du spectre de la coopération ; à vocation d’intégration ou d’unification, régies par des transferts de compétences plus ou moins prononcés des États-membres vers les organes supranationaux, eux-mêmes habilités à prendre des décisions lorsqu’ils sont composés de représentants de gouvernement. Cela s’explique par le fait que lors de la fondation de l’UA, le modèle européen, alors gage de stabilité depuis 50 ans, a été en partie reproduit.
Deuxièmement, la proximité géographique entre l’UE et l’UA appuie également le caractère « naturel » des relations UE-UA. Celle-ci est double : physique d’abord, puisque les deux continents sont proches de 12 kilomètres au point le plus étroit du détroit de Gibraltar ; symbolique ensuite, puisque le marché commun européen s’étend même sur le continent africain au niveau des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, réduisant la distance qui sépare les deux ensembles à 500 mètres.
Troisièmement, les liens historiques et culturels font également des deux ensembles des partenaires au destin lié. En effet, en raison des premiers contacts (XVIe siècle) puis de la colonisation (XIXe-XXe), les liens historiques euro-africains sont particulièrement denses et inextricables. Mais si l’histoire récente est hautement polémique au regard du fait colonial, les contacts répétés entre les deux ensembles ont malgré tout permis d’établir des liens culturels forts et durables, ne serait-ce que par la présence d’une diaspora de 8 millions d’individus en Europe. C’est pourquoi Mohamed Bazoum – Président déchu du Niger – affirmait en mars dernier que « l’Afrique est au cœur de l’Europe, et l’Europe est d’autant plus au cœur de l’Afrique en raison de la colonisation[1] ».
Apparaissant ainsi comme des partenaires « naturels », l’UE et l’UA ont été amenées à coopérer depuis les indépendances des États africains jusqu’à nos jours. Leurs relations, tantôt bilatérales – UE/CEE-États africains – tantôt multilatérales – UE-UA – ont pris corps à travers une multitude de textes internationaux. Leur contenu, a, ces 60 dernières années, progressivement évolué : d’accords de développement à accords de coopération politique, les relations entre les deux parties prenantes se sont progressivement structurées et formalisées.
Des années 1963 aux années 2000, les relations entre les deux pôles de la Méditerranée se sont principalement articulées autour d’accords de commerce et de développement, via une succession d’accords : les conventions de Yaoundé (1963, 1969), les conventions de Lomé (1975, 1979, 1984, 1990), et l’accord de Cotonou (2000).
Le 20 juillet 1963, un premier texte contraignant régissant les relations euro-africaines est signé par les États fondateurs de l’UE et 18 États africains – principalement francophones – nouvellement indépendants : la convention de Yaoundé. La CEE, souhaitant éviter que les États africains ne tombent dans le giron de l’Union Soviétique et pour maintenir au beau fixe le niveau des échanges entre les anciennes puissances coloniales et les anciennes colonies, décide d’initier un cadre de coopération avec les anciennes colonies belges et françaises.
Dès lors, deux dispositifs visant à faciliter le commerce et le développement vont voir le jour : il s’agit des « préférences commerciales » – qui reposent sur l’élimination progressive des droits de douanes et des quotas à l’importation des produits originaires des États signataires – et du financement privilégié du développement infrastructurel des « pays et territoires d’Outre-Mer ».
Ce cadre, repris peu ou prou dans la deuxième convention de Yaoundé (1969) – dont la seule nouveauté réside dans l’intégration de l’Île Maurice au sein du dispositif – va rapidement faire l’objet de critiques. En effet, nombre d’experts et de diplomates accusent les conventions de Yaoundé d’empêcher les États nouvellement indépendants de diversifier leurs économies en prolongeant les préférences coloniales. En enfermant les États africains dans une économie spécialisée, ce dispositif contribuerait à maintenir les dépendances des anciennes colonies aux exportations de biens manufacturés des anciennes métropoles coloniales, tout en permettant à ces dernières de sécuriser leurs approvisionnements en s’affranchissant des fluctuations de prix sur le marché.
La révision du cadre de coopération économique entre les deux rives de la Méditerranée s’imposant comme une nécessité, neuf États de la CEE, 19 États africains, ainsi que 27 États des Caraïbes et du Pacifique vont se réunir en Guyane afin de se pencher sur la question. De ces discussions émergera un nouvel élément posant les jalons de la coopération économique euro-africaine contemporaine : le groupe ACP, avec lequel sera signé la première convention de Lomé (1975).
La première convention de Lomé va, de fait, tenter de corriger deux biais : celui de la « préférence coloniale » et celui de la spécialisation forcée, induits par les deux premières conventions de Yaoundé. De fait, la réciprocité des « préférences commerciales » sera abandonnée – les États ACP ne seront dès lors plus tenus d’ouvrir leurs marchés aux exportations européennes – et le champ de la coopération euro-africaine sera élargi au secteur industriel, favorisant ainsi une diversification des économies des pays ACP.
Mais loin de se distancer complètement du cadre de coopération qui la précédait, la première convention de Lomé va poursuivre l’un des objectifs phares des conventions de Yaoundé : le financement du développement des infrastructures. Un doublement de l’aide au développement – réinvestie dans les secteurs du tourisme, de l’industrie, de l’énergie et de l’agriculture – va en particulier être décidée.
Cette convention – rectifiée en 1979, 1984, et 1990 au gré des élargissements de la CEE et du groupe ACP – va cependant être retoqué dans les années 1990 par l’OMC, suite à sa dénonciation par un groupe de pays latino-américains exportateurs de bananes considérant les « préférences commerciales » comme une atteinte au droit à la concurrence.
Dès lors, afin d’établir un cadre de coopération économique qui soit conforme aux règles de l’OMC, de nouvelles concertations entre l’UE et le groupe ACP vont être organisées au Bénin. Celles-ci débouchent, le 23 juin 2000, sur l’entrée en vigueur l’accord de Cotonou pour une durée de 20 ans.
Conformément à la décision de l’OMC, l’accord de Cotonou va mettre un terme aux « préférences commerciales ». À la place, est prévue la négociation d’Accords de Partenariats Économique avec les pays ACP – dont cinq avec le groupe « Afrique » – visant, inter alia, à libéraliser les échanges entre les pays signataires des APE et l’UE. En outre, la politique de développement indifférenciée conduite par Bruxelles va également toucher à sa fin. En effet, contrairement aux conventions de Yaoundé et de Lomé, l’aide au développement ne sera plus distribuée automatiquement : elle va dorénavant être conditionnée aux performances de chaque pays du groupe ACP en matière de transparence, de bonne gouvernance et de respect des principes démocratiques.
Toutefois cet accord, comme ceux l’ayant précédé, n’est également pas exempt de critiques. Certains, par exemple, considèrent que les APE sont des accords de paupérisation puisqu’ils menaceraient l’industrialisation des États africains. C’est notamment la position qu’a exprimé Muhammadu Buhari – alors Président du Nigeria – devant le Parlement européen en 2016, au sujet de l’APE-Ouest africain, qu’il n’a toujours pas ratifié. D’autres, encore, fustigent la politique de développement de l’UE à la fois en raison de l’existence de conditionnalités – qui constituent une forme de coercition pour les diplomates africains – et en raison de son manque de résultats.
Ainsi, de Yaoundé à Cotonou en passant par Lomé, la coopération euro-africaine s’est, dès le lendemain des indépendances, articulée autour du commerce et du développement. Cette coopération regroupe deux nécessités : maintenir un niveau des échanges élevés entre les anciennes métropoles coloniales et les anciennes colonies ; et permettre aux nouveaux États de développer et diversifier leurs économies. Mais les différents textes ont rapidement cristallisé les tensions. Tantôt taxée de néocoloniale, tantôt accusée de favoritisme, la relation UE-ACP a dû traverser de nombreuses zones de turbulences. Afin de sortir de ce schéma, l’UE va, lors du premier Sommet UE-Afrique au Caire (2000), poser les jalons d’une nouvelle phase des relations euro-africaines : celle de la coopération politique.
Le tournant multilatéral UE-UA : vers une politisation et une institutionnalisation des relations euro-africaines (2007-2022)
À partir des années 2000, les relations euro-africaines tendent à se politiser. Ce mouvement, initié lors du premier Sommet UE-Afrique au Caire (2000), va progressivement atteindre son acmé lors des sommets de Lisbonne (2007) et de Bruxelles (2022). C’est en particulier au cours de ce dernier sommet que le New Deal, et par extension le Global Gateway va être formulé.
Le texte adopté à Lisbonne (2007) constitue un véritable tournant dans les relations euro- africaines : c’est le premier cadre de coopération politique de l’UE dédié à l’ensemble du continent africain. Ce dernier, qui promet de considérer l’Afrique dans son unicité – à rebours de l’approche parcellaire UE-ACP qui prévalait jusqu’alors –, cherche à poser les bases d’un partenariat durable « continent-à-continent » en formulant une stratégie conjointe.
Pour ce faire, la stratégie cadre va d’abord établir une nouvelle architecture institutionnelle centrée sur l’UA. En effet, suite à l’ouverture d’une représentation permanente de l’UE auprès de son siège à Addis-Abeba, deux niveaux d’échanges ont été mis en place afin d’améliorer le dialogue inter-organisationnel. Le premier niveau est celui du Sommet UE-UA, qui réunit tous les trois ans les chefs d’États et de gouvernements des deux parties afin d’orienter et d’élaborer l’action conjointe des deux continents. Ces Sommets sont notamment préparés par des réunions ministérielles annuelles, tenues dans l’optique de cerner au mieux les intérêts des parties et d’établir l’agenda des discussions. Le second niveau de dialogue s’articule autour des troïkas de l’UE et de l’UA, à savoir le Conseil de l’UE et de l’UA, le Parlement européen et panafricain, ainsi que la Commission européenne et africaine. Une fois par semestre, des rencontres entre les représentants des institutions européennes et africaines ont lieu. Au cours de celles-ci, sont assurés l’examen, et le suivi de la mise en œuvre de la stratégie commune UE-UA et l’allocation des fonds qui lui sont nécessaires.
La stratégie cadre va ensuite fixer des axes de coopération qui viendront délimiter le champ d’action des partenariats ultérieurs. En effet, quatre piliers vont être érigés comme base de la coopération euro-africaine : la paix et sécurité (lutte contre le crime organisé et le terrorisme) ; la bonne gouvernance et les droits humains (promotion des valeurs de la Charte de l’ONU) ; le commerce et l’intégration régionale (accroissement du potentiel économique) ; et le développement (réalisation des objectifs de développement durable de l’ONU). Ces quatre piliers, en définissant les grandes lignes de la coopération euro-africaine, vont dès lors poser le cadre légal des partenariats à venir.
C’est notamment le cas du New Deal – qui ne constitue ni un accord, ni une politique publique, mais bien un « partenariat », soit une déclaration non-contraignante – a été élaboré dans le cadre du 6e Sommet UE-UA, tenu à Bruxelles les 17 et 18 février 2022.
Organisé dans un contexte de crise polymorphe – tant sanitaire que géopolitique et géostratégique –, le Sommet de Bruxelles va tenter de répondre à un objectif phare de l’UE : « restaurer » son statut de global player en Afrique. En effet, dès sa prise de fonction en septembre 2019, Ursula Von Der Leyen a déclaré qu’elle dirigerait une Commission géopolitique. S’inspirant ainsi de la volonté de la partie européenne de retrouver son rang à l’échelle internationale, le nouveau partenariat mis sur pied au 6e Sommet UE-UA va, dès lors, constituer une réponse aux défis posés par la présence des concurrents de l’UE en Afrique – notamment la Chine, via ses Nouvelles Routes de la Soie.
Si le New Deal mis sur pied à l’issu du Sommet s’inscrit dans la logique du Sommet de Lisbonne en se voulant relativement transversal – l’on parle alors du triptyque « prospérité-sécurité-mobilité », qui englobe des initiatives tant en matière sanitaire (distribution de vaccins contre la Covid-19), migratoire (lutte contre les causes des migrations) que commerciale (soutien à la Zone africaine de libre-échange) –, une mesure de la déclaration finale, en particulier, s’inscrit dans une perspective géostratégique : le Global Gateway.
Cette initiative, évoquée dès 2021 lors de la rencontre à Dakar entre la Présidente de la Commission européenne et le Président de l’UA de l’époque – Macky Sall –, a été officiellement adoptée par les deux organisations lors de leur rencontre à Bruxelles. Présenté comme un « paquet d’investissements Afrique-Europe d’au moins 150 milliards d’euros au service de notre ambition commune pour 2030 et de l’agenda 2063 de l’UA[2] », le Global Gateway est composé de trois volets : les infrastructures, la santé et l’éducation. En stimulant les partenariats publics-privés, l’UE entend notamment contribuer à « la mise en place d’économies plus diversifiées, inclusives, durables et résilientes[3] » en Afrique. L’allocation des fonds, quant à elle, sera la compétence principale de la Commission européenne – après évaluation de la conformité des projets à l’Horizon 2030 de l’UE et à l’Agenda 2063 de l’UA. Pour l’heure, ce sont près de 41 projets qui ont été déclarés éligibles par l’exécutif européen.
Ainsi, liées par des similitudes structurelles, une proximité géographique et des liens culturels et historiques forts, l’Europe et l’Afrique entretiennent des relations complexes qui ont, tant d’un point de vue bilatéral que multilatéral, connu beaucoup d’évolutions sur les 60 dernières années. Mais malgré une diversification des champs de coopération des deux rives de la Méditerranée, certains axes demeurent structurants eu égard la configuration géopolitique mondiale : c’est notamment le cas du développement.
À lire en lien avec la montée en puissance de la Chine comme partenaire n°1 du continent africain, la promulgation du Global Gateway ne laisse rien au hasard, puisqu’elle intervient à un moment où la Commission européenne entend explicitement amorcer un « retour » de l’UE sur la scène internationale.
Par Gaëlle Welsch, Analyste Global Gateway Afrique à l’OFNRS
« Conférence. (re)fonder la relation Europe-Afrique », Continent premier et Le Monde diplomatique, 07/04/2023. ↑
« Déclaration finale. Sixième sommet Union européenne ‐ Union africaine : une vision commune pour 2030 », Conseil européen et Conseil de l’Union européenne, 18/02/2022, https://www.consilium.europa.eu/media/54411/final-declaration-fr.pdf, p. 4. ↑
Opus cit, p. 4. ↑
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