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Humans Right Watch enquête sur les violations des droits humains commises à travers le monde

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09.09.2024 à 20:53

Venezuela : Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU devrait renouveler le mandat des experts

Human Rights Watch

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Séance d'ouverture de la 41ème session du Conseil des droits de l'homme, au siège européen des Nations Unies à Genève, le 24 juin 2019. © 2019 Magali Girardin/Keystone via AP

(Washington) – Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies devrait renouveler le mandat de sa Mission internationale indépendante d’établissement des faits sur le Venezuela, ont déclaré conjointement 30 organisations vénézuéliennes et internationales de défense des droits humains.

Cette Mission peut jouer un rôle clé pour faire pression en faveur de l’obligation de rendre des comptes et du maintien d’une surveillance internationale, dans un contexte de répression généralisée ayant suivi l’élection du 28 juillet, ont déclaré les organisations.

L’équipe de trois experts de la Mission devrait présenter son cinquième rapport le 19 septembre, lors de la 57ème session du Conseil des droits de l’homme, qui se tiendra à Genève du 9 septembre au 11 octobre. Une résolution est requise pour prolonger le mandat de la Mission au-delà d’octobre.

Un groupe de gouvernements d’Amérique latine, de divers horizons politiques, ainsi que le Canada, ont par le passé présenté un texte concernant le mandat de la Mission, afin qu’il soit adopté. En cas de vote par les États membres du Conseil, une majorité simple sera nécessaire pour adopter le texte.

Depuis l’élection présidentielle, les Vénézuéliens sont confrontés à une répression violente contre des électeurs, des manifestants, des dirigeants politiques, des journalistes, les défenseurs des droits humains et d’autres opposants réels ou présumés au gouvernement Maduro, ce qui rend la nécessité de renouveler le mandat des experts particulièrement urgente, ont déclaré les organisations.

Le Conseil des droits de l’homme a créé la Mission en 2019, la chargeant d’enquêter sur « les cas d’exécution extrajudiciaire, de disparition forcée, de détention arbitraire et de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants survenus depuis 2014 », y compris les violences sexuelles et sexistes, « afin que les auteurs répondent pleinement de leurs actes et que justice soit rendue aux victimes ». Le mandat de la Mission, d’une durée initiale de deux ans, a été renouvelé à deux reprises, en octobre 2020 et en octobre 2022.

Cette Mission a été l’un des premiers mécanismes internationaux à affirmer que les autorités vénézuéliennes ont commis de graves violations des droits humains dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique contre la population civile, qui dans certains cas pourraient constituer des crimes contre l’humanité. Dans ses rapports rigoureux, la Mission a identifié des autorités de rang intermédiaire et supérieur, y compris le chef de l’État, comme étant peut-être responsables de violations des droits humains telles que des exécutions extrajudiciaires, des détentions arbitraires, des actes de torture, des violences sexuelles et des abus contre des manifestants. La Mission a également évoqué le rôle des autorités judiciaires vénézuéliennes dans ces violations et les tactiques répressives de l’État, notamment un plan visant à réprimer les membres de l’opposition ou ceux perçus comme tels, ainsi que l’absence de véritable réforme des institutions chargées du maintien de l’ordre public. 

Des millions de Vénézuéliens ont participé à l’élection malgré les irrégularités et les violations des droits humains commises par le gouvernement, qui ont conduit à un scrutin inéquitable. Les autorités gouvernementales ont arrêté des membres de l’opposition, prononcé des discours stigmatisants, restreint l’espace civique, disqualifié des candidats et imposé des restrictions quant au droit de vote.

Le Conseil national électoral (CNE) du Venezuela a affirmé que Nicolás Maduro avait remporté l’élection, mais une équipe d’experts techniques électoraux de l’ONU ainsi qu’une équipe du Centre Carter – les deux seules missions d’observation technique accréditées par le CNE pour observer les élections –ont conclu que le processus manquait de transparence et d’intégrité. L’opposition a publié en ligne des décomptes de bulletins de vote indiquant que le candidat de l’opposition Edmundo Gonzalez Urrutia avait remporté l’élection avec une marge significative.

Depuis le 29 juillet, les autorités publiques vénézuéliennes ont intensifié leur répression, violant les droits humains, y compris le droit à la vie, aux garanties judiciaires et à la liberté.

Les forces de sécurité vénézuéliennes, ainsi que des groupes armés pro-gouvernementaux, connus sous le nom de « colectivos », ont réprimé les manifestations contre le résultat électoral annoncé ; plus de 20 manifestants et auraient été tués, selon les informations disponibles. Ainsi que l’a reconnu Maduro, plus de 2 400 personnes ont été arrêtées ; parmi elles figurent 120 mineurs, juridiquement considérés comme des enfants en vertu de leur âge inferieur a 18 ans, selon la Convention relative aux droits de l’enfant. De nombreuses personnes arrêtées ont été accusées de « terrorisme » et d’autres crimes.

Le système judiciaire vénézuélien, notamment la Cour suprême de justice et le bureau du Procureur général, manque d’indépendance et d’impartialité, comme la Mission l’a rigoureusement établi dans ses rapports.

Les conditions structurelles ayant favorisé la commission de graves abus et motivé la création de la Mission – manque d’indépendance judiciaire, impunité pour les violations des droits et absence de réparations pour les victimes – n’ont toujours pas été rectifiées, ont déclaré les organisations.

En reconduisant le mandat de la Mission, les gouvernements indiqueraient clairement aux auteurs de violations que la communauté internationale s’engage à les amener à rendre des comptes pour les crimes internationaux et les violations continues des droits humains, ainsi qu’à soutenir la lutte des nombreuses victimes pour obtenir vérité et justice, ont affirmé les organisations signataires. Les enquêtes en cours et les rapports publics de la Mission sont également essentiels pour éviter une nouvelle détérioration en cette période post-électorale critique.

Le renouvellement du mandat permettrait aux experts de continuer à recueillir des preuves de violations graves des droits humains, de rendre compte de la dynamique actuelle dans le pays, d’analyser les causes profondes des abus et de recommander des mesures au niveau international. Cela permettrait également à la Mission de soutenir et de compléter les activités du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et du Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale, qui a ouvert une enquête sur les crimes contre l’humanité commis au Venezuela.

L’interruption des travaux de la Mission à un moment aussi crucial aurait des conséquences négatives sur la protection des victimes, des survivants et de la population en général, et inciterait le gouvernement vénézuélien à poursuivre sa répression violente contre la dissidence, ont conclu les organisations.

Organisations signataires :

Acceso a la JusticiaAlertaVenezuelaAmnesty International (communiqué)Caleidoscopio HumanoCentro de Justicia y Paz (Cepaz)Centro para los Defensores y la JusticiaCentro por la Justicia y el Derecho Internacional (CEJIL)CIVICUSComité de familiares de víctimas de los sucesos de febrero y marzo de 1989 (COFAVIC)Commission internationale de juristes (CIJ)Due Process of Law Foundation (DPLF)Espacio PúblicoFédération internationale pour les droits humains (FIDH)Foro PenalFreedom HouseGlobal Centre for the Responsibility to Protect (GCR2P)Human Rights WatchIdeas por la DemocraciaInternational Service for Human Rights (ISHR)Justicia, Encuentro y PerdónLaboratorio de PazObservatorio Global de Comunicación y Democracia (OGCD)Observatorio venezolano de conflictividad social (OVCS)ONG Red RetoOrganisation mondiale contre la torture (OMCT)Programa Venezolano de Educación Acción en Derechos Humanos (Provea)Red Electoral Ciudadana (REC)Robert F. Kennedy Human RightsVoto JovenWashington Office on Latin America (WOLA)

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RTL.be

09.09.2024 à 18:30

Vietnam : Les autorités devraient libérer le journaliste Nguyen Vu Binh

Human Rights Watch

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Click to expand Image Le blogueur vietnamien Nguyen Vu Binh. © Privé

Mise à jour 10/9 : Nguyen Vu Binh a été condamné à sept ans de prison, a indiqué sa sœur à l’AFP, le 10 septembre.

(Bangkok, le 9 septembre 2024) – Les autorités vietnamiennes devraient immédiatement abandonner toutes les charges retenues contre l’éminent blogueur Nguyen Vu Binh et le libérer, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

La police de Hanoi a arrêté Nguyen Vu Binh, 55 ans, le 29 février 2024, pour avoir exprimé des opinions critiques à l’égard du Parti communiste vietnamien. Il a été accusé de propagande contre l’État en vertu de l’article 117 du Code pénal. Il sera jugé par un tribunal de Hanoi le 10 septembre. S’il est reconnu coupable, il risque jusqu’à 12 ans de prison.

« Nguyen Vu Binh milite sans relâche en faveur des droits humains et de la démocratie au Vietnam depuis plus de deux décennies », a déclaré Patricia Gossman, directrice adjointe de la division Asie à Human Rights Watch. « Son expression pacifique de dissidence politique n’est pas un crime, et les poursuites contre lui devraient être abandonnées. »

Le procès de Nguyen Vu Binh est le huitième depuis que To Lam a pris ses fonctions de secrétaire général du Parti communiste vietnamien. To Lam a dirigé le tristement célèbre ministère de la Sécurité publique du Vietnam entre avril 2016 et mai 2024, période pendant laquelle la police vietnamienne a arrêté au moins 269 personnes pour avoir exercé pacifiquement leurs droits civils et politiques fondamentaux. En août et septembre, les autorités vietnamiennes ont reconnu coupables et condamné au moins sept militants des droits humains – Nguyen Chi Tuyen, Tran Minh Loi, Le Phu Tuan, Phan Dinh Sang, Tran Van Khanh, Phan Ngoc Dung et Bui Van Khang – à des peines de prison, pour avoir critiqué le gouvernement.

Nguyen Vu Binh a travaillé comme journaliste à la revue officielle du Parti communiste vietnamien, la Revue communiste (Tap Chi Cong San), pendant près de 10 ans. En décembre 2000, il a démissionné et a tenté de former un parti politique indépendant. Il a également été l’un des nombreux dissidents qui ont tenté de former une association anti-corruption en 2001.

La police a précédemment arrêté Nguyen Vu Binh en septembre 2002, l’accusant d’avoir calomnié l’État vietnamien dans un témoignage écrit qu’il avait fourni au Congrès américain en juillet 2002 sur les violations des droits humains au Vietnam. Le gouvernement l’a également pris pour cible pour ses critiques d’un traité frontalier controversé avec la Chine dans un article diffusé en ligne en août 2002.

Dans son témoignage devant le Congrès américain, Nguyen Vu Binh a écrit : « J’ai toujours pensé que lorsque nous parvenons à arrêter et à prévenir les violations des droits humains dans tout le pays, nous avons également réussi à démocratiser cette nation. Toute mesure de lutte pour les droits de l’homme doit donc également viser les objectifs ultimes auxquels aspire depuis si longtemps le peuple vietnamien : la liberté individuelle et une société démocratique. »

En décembre 2003, un tribunal a condamné Nguyen Vu Binh à sept ans de prison, suivis de trois ans d’assignation à résidence, pour espionnage en vertu de l’article 80 du Code pénal vietnamien. En juin 2007, deux ans et trois mois plus tôt que prévu, les autorités l’ont libéré. Il a immédiatement repris son travail de défenseur des droits humains, commentant fréquemment les questions sociales et politiques au Vietnam.

Entre 2015 et 2024, Nguyen Vu Binh a publié plus de 300 articles sur Radio Free Asia Blog. Il a écrit sur la corruption, les droits fonciers, les brutalités policières, les procès inéquitables, le droit de manifester pacifiquement, l’économie, l’éducation, l’environnement et les relations entre le Vietnam et la Chine et entre la Chine et les États-Unis. Il a écrit pour soutenir d’autres activistes emprisonnés, notamment Le Anh Hung, Nguyen Thuy Hanh et des membres de la Confrérie pour la démocratie. Mais surtout, Nguyen Vu Binh a écrit pour promouvoir une véritable démocratie et un État de droit au Vietnam.

Dans son dernier article, intitulé « Aspects positifs du mouvement démocratique pendant une période difficile et sombre » et publié une semaine avant son arrestation, Nguyen Vu Binh a affirmé que les défenseurs des droits humains et de la démocratie au Vietnam devraient se soutenir mutuellement, et soutenir les familles d’activistes emprisonnés, dans le contexte de la répression gouvernementale en cours.

Nguyen Vu Binh a reçu à deux reprises le prestigieux prix Hellmann/Hammett, attribué à des écrivains ou journalistes qui sont victimes de persécution politique, en 2002 et en  2007.

« Il est absurde que le gouvernement vietnamien – qui monopolise tous les médias et veille à ce qu’ils ne publient que ce qu’il veut entendre – ne puisse accepter des critiques d’une voix indépendante isolée comme Nguyen Vu Binh », a déclaré Patricia Gossman. « Quand les dirigeants vietnamiens apprendront-ils à tolérer les voix dissidentes, et quand les pays ayant des liens étroits avec le Vietnam dénonceront-ils l’oppression qui y règne ? »

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Epoch Times

 

09.09.2024 à 16:44

Soudan : Les belligérants responsables d’abus ont acquis de nouvelles armes

Human Rights Watch

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Click to expand Image Deux membres des Forces armées soudanaises (SAF) tenaient un drone d’attaque tiré par les Forces de soutien rapide (RSF) contre un bâtiment gouvernemental à Gedaref, au Soudan, le 11 juillet 2024 ; le drone aurait dû exploser lors de l’impact, mais le système de détonation de la charge explosive a échoué.  © 2024 Telegram

(New York, 9 septembre 2024) – Les parties belligérantes qui sont responsables de nombreux crimes de guerre et d’autres atrocités commises lors de l’actuel conflit au Soudan – les Forces armées soudanaises (Sudanese Armed Forces, SAF) et les Forces de soutien rapide (Rapid Support Forces, RSF) – ont récemment acquis des armes et du matériel militaire modernes de fabrication étrangère, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui. Le Conseil de sécurité des Nations Unies devrait renouveler l’embargo sur les transferts d’armes à la région du Darfour et les restrictions connexes, étendre cet embargo à l’ensemble du Soudan et sanctionner les individus ou entités responsables de violations de l’embargo.

« Le conflit au Soudan est l’une des pires crises humanitaires et des droits humains au monde, les parties belligérantes commettant des atrocités en toute impunité ; les armes et le matériel nouvellement acquis sont probablement utilisés pour commettre de nouveaux crimes », a déclaré Jean-Baptiste Gallopin, chercheur senior auprès de la division Crises, conflits et armes à Human Rights Watch. « Depuis la mi-2023, des combattants des SAF et des RSF ont publié des photos et des vidéos montrant des nouveaux équipements de fabrication étrangère, tels que des drones armés et des missiles guidés antichars. »

9 septembre 2024 Fanning the Flames

Sudanese Warring Parties’ Access To New Foreign-Made Weapons and Equipment

Human Rights Watch a analysé 49 photos et vidéos, la plupart apparemment filmées par des combattants des deux camps et publiées sur les plateformes de médias sociaux Facebook, Telegram, TikTok et X (ex-Twitter), montrant des armes utilisées ou capturées lors du conflit. Parmi les équipements apparemment nouveaux identifiés par Human Rights Watch figurent des drones armés, des brouilleurs de drones, des missiles guidés antichars, des lance-roquettes multi-tubes montés sur des camions, ainsi que des munitions de mortier ; ces armes ont été fabriquées par des entreprises enregistrées en Chine, en Iran, en Russie, en Serbie et aux Émirats arabes unis. Human Rights Watch n’a pas été en mesure d’établir comment les parties belligérantes ont acquis ces nouveaux équipements.

Les nouvelles preuves visuelles concernant des équipements que les belligérants soudanais ne possédaient manifestement pas auparavant, et les preuves de leur utilisation, suggèrent que les parties belligérantes ont acquis certaines armes et des équipements après le début en avril 2023 de l’actuel conflit. Dans un cas, les numéros de série visibles sur des munitions indiquent que celles-ci ont été fabriquées en 2023.

Depuis le début du conflit entre les forces SAF et les forces RSF au Soudan en avril 2023, d’innombrables civils ont été tués, des millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays et des millions d’habitants sont confrontées à la famine. Les SAF ainsi que les RSF pourraient utiliser ces armes et équipements pour continuer à commettre des crimes de guerre et d’autres violations graves des droits humains, non seulement au Darfour, mais dans tout le pays.

Le Conseil de sécurité des Nations Unies a prévu de se réunir le 11 septembre, pour décider s’il convient de reconduire ou non le régime de sanctions contre le Soudan, qui interdit le transfert d’équipements militaires vers la région du Darfour. Le régime de sanctions a été établi en 2004, lorsque le Darfour était l’épicentre d’un conflit marqué par des violations généralisées des droits humains, des crimes de guerre et un nettoyage ethnique. Depuis avril 2023, le nouveau conflit touche la plupart des États soudanais, mais les membres du Conseil de sécurité n’ont pas encore pris de mesures pour étendre l’embargo sur les armes à l’ensemble du pays.

Ces constatations démontrent à la fois l’insuffisance de l’embargo actuel qui ne s’applique qu’au Darfour, et les graves risques posés par l’acquisition de nouvelles armes par les parties belligérantes. Un embargo sur les armes à l’échelle du pays contribuerait à résoudre ces problèmes en facilitant la surveillance des transferts vers le Darfour, et en empêchant l’acquisition légale d’armes destinées à être utilisées dans d’autres régions du Soudan.

Le gouvernement soudanais s’est opposé à un élargissement de l’embargo sur les armes, et a fait pression ces derniers mois sur les membres du Conseil de sécurité pour qu’ils mettent fin au régime de sanctions, et suppriment complètement l’embargo sur les transferts d’armes au Darfour.

La prévalence des atrocités commises par les parties belligérantes crée toutefois un risque concret que les armes ou les équipements acquis par les parties soient probablement utilisés pour perpétrer de graves violations des droits humains et du droit humanitaire, portant préjudice aux civils.

Click to expand Image Images d’une vidéo filmée par un drone et publiée sur un compte soutenant les Forces armées soudanaises (SAF) le 19 mars 2024, montrant le largage d’une munition sur des personnes en tenue civile dans la cour d’une meunerie à Bahri. Ces personnes chargeaient un camion avec des sacs de céréales ou de farine. Un homme gît immobile sur le sol, blessé ou tué. Aucune arme ni équipement militaire n’est visible à proximité de la zone ciblée. © 2024 Compte X

Deux vidéos vérifiées, filmées par des drones et publiées sur des comptes de médias sociaux pro-SAF, montrent ces drones attaquant des personnes non armées en tenue civile à Bahri (Khartoum-Nord), ville jumelle de Khartoum. Une vidéo, publiée sur X par un compte pro-SAF le 14 janvier 2024, montre un drone larguant deux projectiles de mortier sur des personnes apparemment non armées en tenue civile alors qu’elles traversaient une rue à Bahri, tuant une personne sur le coup et montrant quatre autres personnes immobiles après les explosions.

L’autre vidéo, publiée sur un compte pro-SAF le 19 mars 2024, montre un drone larguant une munition sur des personnes en tenue civile qui chargeaient un camion avec des sacs contenant apparemment des céréales ou de la farine dans la cour de la meunerie Seen à Bahri ; cette attaque a blessé ou tué un homme, qui dans la vidéo gît immobile sur le sol. Aucune arme ni aucun équipement militaire n’est visible à proximité des zones ciblées dans les deux vidéos.

Le non-renouvellement de l’actuel embargo sur les ventes d’armes entraînerait aussi la cessation du travail du Groupe d’experts sur le Soudan. Ce groupe est l’une des rares entités à fournir encore au Conseil de sécurité des rapports réguliers et approfondis sur le conflit au Soudan depuis décembre 2023, quand le gouvernement soudanais, auquel les SAF sont affiliées, a exigé et obtenu la cessation des activités de la Mission intégrée d’assistance à la transition des Nations Unies au Soudan (MINUATS).

Ces dernières semaines, les discussions au Conseil de sécurité concernant l’embargo se sont orientées vers un renouvellement de l’embargo des transferts d’armes au Darfour et du régime de sanctions associé, ce qui signifierait une poursuite du statu quo.

Le régime de sanctions contre le Soudan a été confronté à des difficultés depuis sa mise en place. Le Groupe d’experts de l’ONU et Amnesty International ont documenté que les gouvernements de Bélarus, de Chine et de Russie ont violé l’embargo pendant des années, mais un seul individu a été sanctionné pour l’avoir violé. Dans un rapport publié en juillet, Amnesty International a constaté que « des armes et des munitions récemment fabriquées [dans des] pays tels que la Chine, les Émirats arabes unis, la Russie, la Serbie, la Turquie et le Yémen étaient importées en grande quantité au Soudan, puis, dans certains cas, détournées vers le Darfour ».

Au minimum, le Conseil de sécurité devrait procéder au renouvellement prévu et maintenir le régime de sanctions actuel contre le Soudan, qui, malgré ses limites, fournit au Conseil de sécurité et aux pays membres de l’ONU des rapports cruciaux, ainsi que des outils pour l’imposition de sanctions. Le Conseil devrait également prendre des mesures plus fortes face aux violations de l’embargo déjà en place, notamment en sanctionnant les individus et les entités responsables.

« Le Conseil de sécurité devrait étendre l’embargo sur les transferts armes au Darfour à l’ensemble du Soudan, pour freiner le flux d’armes qui pourraient être utilisées pour commettre des crimes de guerre », a conclu Jean-Baptiste Gallopin. « Le Conseil de sécurité devrait condamner publiquement les gouvernements qui violent l’actuel embargo sur les transferts d’armes au Darfour, et prendre d’urgence les mesures nécessaires pour sanctionner les individus et les entités qui violent cet embargo. »

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09.09.2024 à 16:37

ONU : Exiger l’obligation de rendre des comptes pour les abus commis en Afghanistan

Human Rights Watch

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Click to expand Image Une séance du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies lors de la 55ème session de ce Conseil au Palais des Nations à Genève, le 26 février 2024. © 2024 Janine Schmitz/picture-alliance/dpa/AP Images

(Genève) – Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies devrait créer d’urgence un organe indépendant chargé de faire rendre des comptes à tous les responsables de graves abus – passés et actuels – en Afghanistan, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

Depuis le retour au pouvoir des talibans en août 2021, la situation humanitaire et des droits humains en Afghanistan s’est gravement détériorée. Les politiques répressives des talibans ont ciblé de manière disproportionnée les femmes et les filles, créant dans ce pays la pire crise des droits des femmes au monde.

« Les talibans ont systématiquement violé les droits fondamentaux en Afghanistan, en toute impunité », a déclaré Fereshta Abbasi, chercheuse sur l’Afghanistan à Human Rights Watch. « Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies devrait créer un mécanisme chargé de recueillir et préserver les preuves des abus, afin de soutenir les efforts visant l’obligation de rendre des comptes, comme cela a été fait dans de nombreuses autres situations. »

L’Afghanistan est actuellement le seul pays où les filles n’ont pas le droit de recevoir une éducation au-delà de la sixième année scolaire, et où les femmes n’ont pas le droit d’aller à l’université. Les autorités talibanes ont également interdit aux femmes d’exercer divers emplois, restreint leur liberté de mouvement et imposé de sévères restrictions à leur vie publique, notamment la pratique de sports, la visite de parcs et même la possibilité de chanter en public.

Les talibans ont également sévèrement restreint la liberté d’expression et la liberté des médias. Des journalistes ont été menacés, détenus arbitrairement et torturés, créant un climat de peur qui a un effet dissuasif sur les journalistes indépendants. Les autorités talibanes ont aussi menacé, agressé et détenu arbitrairement des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT).

La situation humanitaire de l’Afghanistan demeure désastreuse, avec 23 millions de personnes confrontées à la faim, alors que le pays est aux prises avec une crise économique et une pauvreté qui s’aggrave.

En 2021, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a nommé un Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan, dont le mandat vital devrait être renouvelé en raison de la détérioration continue de la situation des droits dans ce pays.

Une coalition de 90 organisations afghanes et internationales de défense des droits humains, dont Human Rights Watch, a renouvelé son appel adressé au Conseil des droits de l’homme, lui demandant de créer en outre un mécanisme indépendant supplémentaire et complémentaire, chargé d’enquêter sur les abus passés et actuels et de remédier aux décennies d’impunité pour les graves abus. Ce mécanisme devrait être habilité à enquêter, à préserver les preuves et à identifier les auteurs d’abus, notamment les violations généralisées et continues des droits des femmes et des filles par les talibans.

« Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU devrait créer un mécanisme indépendant visant à assurer l’obligation de rendre des comptes, afin de faire respecter les droits des Afghanes et des Afghans à la justice, et à des réparations pour les abus subis depuis des décennies sans voie de recours », a déclaré Fereshta Abbasi.

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09.09.2024 à 14:00

Armes à sous-munitions : L’utilisation et le transfert de ces armes bafoue le traité d’interdiction

Human Rights Watch

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Click to expand Image Un stock d’armes à sous-munitions dont disposait le Pérou et que ce pays, signataire de la Convention interdisant ces armes, s’apprêtait à détruire en 2022 avec l’aide de l’ONG Norwegian People’s Aid (NPA). Les conteneurs étaient rangés séparément des sous-munitions, avant leur destruction. © 2022 Norwegian People’s Aid

(Genève, le 9 septembre 2024) – Le traité international interdisant les armes à sous-munitions a permis d’aboutir à certains progrès, mais est mis à l’épreuve par de nouvelles utilisations et transferts de ces armes par des pays qui n’ont pas adhéré à cette convention, a révélé aujourd’hui Human Rights Watch dans un rapport annuel au sujet de ces armes.

Le rapport de 100 pages, intitulé « Cluster Munition Monitor 2024 » (« Observatoire des armes a sous-munitions 2024 ») détaille les politiques et les pratiques de tous les pays à l’égard de la Convention internationale qui interdit les armes à sous-munitions et exige la destruction de leurs stocks, le déminage des zones contaminées par les fragments non explosés, et l’assistance aux victimes.

« La Convention sur les armes à sous-munitions fournit un cadre essentiel pour mettre fin aux souffrances et aux dommages immédiats et à long terme causés par ces armes odieuses », a déclaré Mary Wareham, directrice adjointe de la division Crises, conflits et armes à Human Rights Watch, et principale rédactrice du rapport. « Tous les pays devraient adhérer à la Convention s’ils veulent vraiment protéger les civils contre ces armes, face à la montée des conflits. »

Les armes à sous-munitions peuvent être tirées au sol en recourant à l’artillerie, aux roquettes, aux missiles ou aux mortiers, ou larguées par avion. Elles s’ouvrent généralement dans les airs, disséminant plusieurs sous-munitions ou petites bombes, sur une zone étendue. Toutefois, de nombreuses sous-munitions n’explosent pas lors de l’impact initial ; elles peuvent donc ensuite blesser et tuer de manière indiscriminée pendant des années comme des mines terrestres, jusqu’à ce qu’elles soient détectées et détruites.

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En 2023 – la dernière année couverte par les statistiques officielles – 93 % des victimes d’armes à sous-munitions étaient des civils, selon le rapport. Les enfants représentaient 47 % des personnes tuées et blessées par des fragments de sous-munitions en 2023.

Des armes à sous-munitions ont été utilisées en Ukraine par les forces russes et ukrainiennes en 2023 et jusqu’en juillet 2024, tandis de nouvelles utilisations ont été observées au Myanmar et en Syrie.

Depuis 2022, la Russie se sert de ses stocks précédents d’armes à sous-munitions et de modèles récemment développés en Ukraine. Entre juillet 2023 et avril 2024, le président américain Joe Biden a approuvé cinq transferts vers l’Ukraine d’armes à sous-munitions américaines lancées par des projectiles d’artillerie de 155 mm et par des missiles balistiques.

Aucun des pays précités n’est un État partie à la Convention sur les armes à sous-munitions, à laquelle 112 autres États ont adhéré à ce jour.

Il n’y a eu aucun signalement confirmé d’un nouveau cas d’utilisation, de production ou de transfert d’armes à sous-munitions par un État partie depuis l’adoption de la Convention à Dublin, en Irlande, le 30 mai 2008.

Cependant, les nouvelles utilisations et transferts par des États non-signataires mettent à l’épreuve les normes et l’universalité de la Convention. En outre, la disposition interdisant toute assistance à des activités prohibées est sujette à des violations, soulevant des problèmes d’interprétation et des questions sur le respect des lois nationales.

Un rapport de juillet 2024 a révélé que des armes à sous-munitions stockées dans une base militaire américaine en Allemagne, pays qui a ratifié la convention, ont été transférées vers l’Ukraine depuis juillet 2023, transitant par l’Allemagne. Les États-Unis ont retiré leurs stocks de Norvège et du Royaume-Uni en 2010, mais ils pourraient encore en détenir dans les bases militaires qu’ils possèdent dans des États parties comme l’Espagne, l’Italie et les Pays-Bas.

Tous les États parties à la Convention devraient s’opposer clairement au stockage en territoire étranger d’armes à sous-munitions et à leur transit sur leur territoire, leur espace aérien ou leurs eaux maritimes, a déclaré Human Rights Watch.

En décembre 2023, la Convention a franchi une étape importante lorsque le Pérou a achevé la destruction de ses stocks, car il était le dernier État partie ayant déclaré des stocks à remplir cette obligation. La Bulgarie, la Slovaquie et l’Afrique du Sud ont annoncé l’achèvement de la destruction de leurs stocks respectifs en septembre 2023. Ces développements signifient que les États parties ont collectivement détruit 100 % de leurs stocks déclarés d’armes à sous-munitions, soit 1,49 million d’armes à sous-munitions et 179 millions de sous-munitions.

Selon le rapport « Cluster Munition Monitor 2024 », 28 pays et autres zones sont contaminés ou suspectés de l’être par des restes non explosés d’armes à sous-munitions. En 2023, les attaques aux armes à sous-munitions ont fait des victimes civiles au Myanmar, en Syrie et en Ukraine ; tandis que des personnes ont été tuées ou blessées par des restes explosifs dans ces pays et en Azerbaïdjan, en Irak, au Laos, au Liban, en Mauritanie et au Yémen.

En 2023, les États parties ont déminé plus de 83 kilomètres carrés de terres touchées, détruisant au moins 73 348 sous-munitions non explosées et autres restes. La Bosnie-Herzégovine a achevé le déminage de ses restes non explosés en août 2023, devenant ainsi le neuvième État partie à respecter ses obligations en matière de déminage au titre de la convention.

Cependant, dans un développement alarmant, la Lituanie a promulgué une loi en juillet 2024 approuvant son retrait de la Convention sur les armes à sous-munitions. Ce retrait prendra effet six mois après que l’ONU et les États parties à la Convention en auront été notifiés, à moins que la Lituanie ne retire cette mesure ou n’entre en guerre.

« La décision inconsidérée de la Lituanie de quitter la Convention sur les armes à sous-munitions entache sa réputation, par ailleurs excellente en matière de désarmement humanitaire, et ignore les risques de préjudices aux civils », a observé Mary Wareham. « Mais il n’est pas trop tard pour que ce pays tienne compte des appels à revenir sur sa décision. »

Le rapport « Cluster Munition Monitor 2024 » est le 15ème rapport annuel de surveillance établi par la Cluster Munition Coalition, la coalition mondiale d’organisations non gouvernementales cofondée par Human Rights Watch. Il sera présenté aux pays participant à la 12ème Assemblée des États parties à la Convention sur les armes à sous-munitions qui se tiendra au Palais des Nations à Genève, du 10 au 13 septembre.

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06.09.2024 à 18:00

RD Congo : Enquêter sur les décès et les violences sexuelles dans une prison

Human Rights Watch

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Click to expand Image Des policiers à la prison de Makala le lendemain de la tentative d'évasion à Kinshasa, en République Démocratique du Congo, le 3 septembre 2024. © 2024 Hardy Bope/AFP via Getty Images

(Kinshasa) – Les autorités de la République démocratique du Congo devraient enquêter sans tarder et de manière impartiale sur l’incident mortel survenu le 2 septembre 2024 à la prison centrale de Makala dans la capitale, Kinshasa, et fournir un compte-rendu transparent et crédible, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

Le ministre congolais de l’Intérieur, Jacquemain Shabani, a annoncé le 2 septembre que lors d’une tentative d’évasion, 129 détenus étaient morts, dont 24 tués par balles alors qu’ils tentaient de s’évader, et 59 autres avaient été blessés. Plusieurs femmes détenues ont été violées. Le ministre a également indiqué qu’une commission mixte serait créée afin d’établir les circonstances de l’incident, sans donner de détails sur sa composition.

« La décision du gouvernement d’ouvrir une enquête est un pas dans la bonne direction afin d’assurer qu’une telle tragédie ne se reproduise pas », a déclaré Lewis Mudge, directeur pour l’Afrique centrale à Human Rights Watch. « Mais les autorités devraient aussi prendre des mesures décisives et immédiates pour améliorer les conditions de vie en prison, conformément aux obligations nationales et internationales de la RD Congo. »

Human Rights Watch a mené des entretiens téléphoniques avec trois prisonniers qui ont déclaré que des membres présumés de gangs de jeunes, appelés kulunas, avaient tenté une évasion collective aux premières heures de la matinée du 2 septembre. Plusieurs bâtiments de la prison ont été incendiés lors de cette tentative d’évasion.

La prison de Makala, comme beaucoup d’autres prisons en RD Congo, est massivement surpeuplée, dispose d’infrastructures en mauvais état et de peu de ressources. Si les détails concernant la tentative d’évasion demeurent peu clairs, les autorités affirment que les gardes ont effectué des « tirs de sommation » avant de tirer sur les prisonniers qui s’évadaient. Les autorités ont affirmé que la plupart des décès sont dus à des bousculades. Les bâtiments administratifs de la prison ont été détruits, y compris ses archives, ce qui crée d’importantes difficultés pour déterminer le nombre exact ainsi que l’identité des personnes qui y étaient détenues.

Les Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois stipulent que ces derniers ne devraient utiliser des armes à feu que lorsqu’il existe « une menace imminente de mort ou de blessure grave » et « seulement lorsque des mesures moins extrêmes sont insuffisantes » pour empêcher de tels dommages. Les responsables de l’application des lois « ne recourront intentionnellement à l'usage meurtrier d'armes à feu que si cela est absolument inévitable pour protéger des vies humaines ». Lorsqu’un avertissement de l’intention d’utiliser des armes à feu peut être donné, il convient de laisser un « délai suffisant pour que l'avertissement puisse être suivi d'effet ».

La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques obligent les gouvernements à enquêter et à punir de manière appropriée les responsables d’abus commis contre des personnes en détention et à indemniser les victimes.

Les autorités devraient fournir des informations publiquement sur les progrès de l’enquête et en communiquer les résultats de manière transparente – y compris au sujet des détenus tués et blessés, a déclaré Human Rights Watch. Elles devraient également agir d’urgence pour fournir aux survivants et aux familles des victimes des soins médicaux, un soutien psychologique et une indemnisation appropriée.

« J’ai vu des femmes en train d’être violées par plusieurs hommes, y compris une femme plus âgée qui a été violée », a déclaré une détenue à Human Rights Watch le 4 septembre. « Aucune de ces femmes n’a encore reçu de soins médicaux appropriés. »

Les violences sexuelles sont un problème persistant dans les prisons de la RD Congo. En septembre 2020, lors d’un soulèvement à la prison centrale de Kasapa à Lubumbashi, un incendie dans le quartier des femmes a forcé les détenues à se réfugier pendant trois jours dans la cour principale de la prison, sans que la prison ne leur offre aucune protextion. Durant ces trois jours, des prisonniers hommes ont violé à maintes reprises plusieurs dizaines de détenues, dont une adolescente.

Le gouvernement devrait adopter d’urgence des mesures afin de préserver la sécurité des détenu-e-s et faire en sorte que tout-e-s, en particulier les femmes et les filles, soient à l’abri des violences sexuelles, a affirmé Human Rights Watch.

La malnutrition et les maladies qui en découlent sont depuis longtemps la cause de décès dans les centres de détention de la RD Congo. Dans le meilleur des cas, les détenus ne reçoivent qu’un repas par jour, ce qui est dû en partie au fait que le budget des portions de nourriture est défini en fonction de la capacité des prisons, plutôt que de leurs populations réelles. En 2020, les médias avaient affirmé qu’au moins 17 personnes étaient mortes de faim à la prison de Makala. Human Rights Watch a précédemment documenté le sévère surpeuplement, la malnutrition, l’insalubrité des conditions de détention et l’absence de soins médicaux dans les prisons congolaises, notamment à Makala.

La sécurité à Makala est aussi un serieux problème. Un détenu a déclaré le 4 septembre à Human Rights Watch que « ce n’est pas l’armée ou la police, mais les détenus eux-mêmes qui assurent la sécurité dans chaque quartier de la prison. »

La plupart des personnes incarcérées dans les prisons de la RD Congo, y compris à Makala, n’ont pas été condamnées pour un crime quelconque et sont dans l’attente d’un procès, tandis que d’autres ont été arrêtées pour des infractions non violentes ou mineures. La prison de Makala, construite en 1957 vers la fin de la période coloniale belge, a été conçue pour contenir 1 500 personnes mais elle en compte actuellement entre 12 000 et 14 000.

Conformément au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le gouvernement devrait immédiatement s’occuper la dangereuse surpopulation des prisons en remettant en liberté toutes les personnes actuellement en détention préventive pour des crimes non violents, moyennant des garanties qu’elles comparaîtront à leur procès, a déclaré Human Rights Watch.

Selon le droit international, les autorités gouvernementales ont le devoir de prendre soin des personnes incarcérées, notamment en protégeant leurs droits à la vie, à la santé, et à la sécurité. La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, dans sa résolution de 1995 sur les prisons en Afrique, a affirmé que les pays africains devraient se conformer aux « normes et standards internationaux pour la protection des droits des prisonniers. »

L’Ensemble des règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (les règles Mandela) stipulent que les personnes incarcérées doivent être traitées avec dignité et avoir un prompt accès à des soins médicaux, et que dans les cas de décès en détention, la prison est tenue d’informer des autorités judiciaires indépendantes ou d’autres autorités afin d’assurer l’ouverture rapide d’une enquête impartiale et effective.

« Les décès de détenus et les violences sexuelles à la prison de Makala ont d’une horrible manière mis en lumière les problèmes persistants et systémiques du système pénitentiaire congolais », a affirmé Lewis Mudge. « De nouveaux retards dans le règlement des problèmes posés par le surpeuplement des prisons et les terribles conditions de détention ne feront que continuer à mettre des vies en danger. »

04.09.2024 à 20:36

Venezuela : Répression brutale de manifestations suite à l’élection présidentielle

Human Rights Watch

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Un policier s’apprêtait à lancer une grenade lacrymogène sur des manifestants à Caracas, au Venezuela, le 29 juillet 2024, au lendemain de l’élection présidentielle ; les manifestants protestaient contre l'annonce des résultats, selon lesquels Nicolás Maduro aurait été réélu, malgré les signes flagrants d’irrégularités électorales. © 2024 Matias Delacroix/AP Photo

(Bogota) – Les autorités vénézuéliennes ont systématiquement violé les droits de manifestants, de passants, de dirigeants de l’opposition et de personnes ayant critiqué le gouvernement à la suite de l’élection présidentielle du 28 juillet, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Les gouvernements concernés devraient appeler à une vérification indépendante des résultats électoraux, et soutenir les efforts internationaux visant à garantir l’obligation de rendre des comptes pour les abus.

Des observateurs internationaux ont exprimé de profondes inquiétudes suite à l’annonce par le Conseil national électoral du Venezuela (CNE), le 29 juillet, que le président Nicolás Maduro avait remporté le scrutin et était donc réélu. Après cette annonce, des milliers de manifestants sont descendus dans la rue, lors de manifestations majoritairement pacifiques, pour exiger un décompte équitable des voix. Human Rights Watch a documenté que les autorités vénézuéliennes, soutenues par et des groupes armés pro-gouvernementaux connus sous le nom de « colectivos » (« collectifs ») ont commis des abus généralisés, notamment des meurtres, des arrestations et des poursuites arbitraires, et le harcèlement d’opposants. Le 2 septembre, un juge a émis un mandat d’arrêt contre le candidat de l’opposition Edmundo González, accusé de « complot » et d’« incitation à la désobéissance », ainsi que d’autres crimes présumés.

« La répression à laquelle nous assistons au Venezuela est d’une brutalité choquante », a déclaré Juanita Goebertus, directrice de la division Amériques à Human Rights Watch. « Les gouvernements concernés devraient prendre des mesures urgentes pour garantir que les citoyens puissent manifester pacifiquement, et que leur vote soit respecté. »

Les Vénézuéliens ont voté en grand nombre à l’élection présidentielle, malgré les actions irrégulières du gouvernement et les violations des droits humains commises pendant la période précédant le scrutin, notamment les arrestations de membres de l’opposition, les disqualifications arbitraires de candidats de l’opposition et les restrictions imposées aux Vénézuéliens votant à l’étranger. Plusieurs heures après la fermeture des bureaux de vote, le Conseil national électoral a déclaré que Nicolás Maduro avait remporté l’élection avec plus de 51 % des voix. Toutefois, le Conseil n’a pas publié les résultats du décompte des bulletins de vote, ni mené les audits et les processus de vérification requis par la loi.

Un groupe d’experts des Nations Unies et des représentants du Centre Carter, qui ont observé les élections, ont déclaré que le processus manquait de transparence et d’intégrité, et ont mis en doute le résultat annoncé. Ils ont indiqué qu’à l’inverse, les procès-verbaux de décompte des voix rendus publics par l’opposition étaient fiables. Le Centre Carter a noté que les procès-verbaux de décompte des voix montraient que González avait remporté l’élection avec avec 81 % des votes comptabilisés, soit une marge importante.

Human Rights Watch a recueilli des informations crédibles sur 24 meurtres survenus dans le cadre de manifestations, en examinant des éléments de preuve transmis par des groupes locaux indépendants – dont Foro Penal, Justicia Encuentro y Perdón, Monitor de Víctimas et Provea –et en menant ses propres recherche sur les réseaux sociaux. Human Rights Watch a documenté de manière indépendante 11 de ces cas, notamment en examinant des certificats de décès, en vérifiant des vidéos et des photographies et en menant des entretiens avec 20 personnes, dont des témoins et d’autres sources locales. Dans plusieurs cas, des proches, des témoins et d’autres personnes ont préféré ne pas participer à de tels entretiens, par crainte de représailles par le gouvernement.

Les autorités vénézuéliennes ont elles-mêmes indique qu’elles ont arrêté plus de 2 400 personnes en lien avec les manifestations. L’organisation non gouvernementale Foro Penal a recensé plus de 1 580 « prisonniers politiques » dont 114 mineurs, arrêtés depuis le 29 juillet. Les procureurs ont inculpé des centaines de personnes de crimes, parfois passibles de lourdes peines, sur la base d’accusations d’une vaste portée comme « incitation à la haine », « résistance à l’autorité » et « terrorisme ».

Les gouvernements de Colombie, du Brésil et du Mexique ont appelé à des pourparlers avec le gouvernement vénézuélien. Le 16 août, le Conseil permanent de l’Organisation des États américains, où tous les États membres sont représentés, a approuvé par consensus une résolution exhortant les autorités vénézuéliennes à publier les procès-verbaux de dépouillement des urnes et à procéder à une « vérification impartiale » des résultats. Le Conseil a également exhorté les autorités vénézuéliennes à respecter les droits humains.

L’Union européenne, les États-Unis et plusieurs gouvernements d’Amérique latine et d’Europe ont également exhorté Nicolás Maduro à publier et à respecter les résultats électoraux et à garantir les droits des dirigeants de l’opposition, des manifestants et des détracteurs du gouvernement.

Les gouvernements étrangers devraient soutenir les efforts visant à garantir l’obligation de rendre des comptes pour les violations graves au Venezuela, notamment en renouvelant le mandat de la Mission internationale indépendante d’établissement des faits sur le Venezuela (FFM) lors de la prochaine session du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, a déclaré Human Rights Watch. Ils devraient également soutenir l’enquête qu’avait précédemment ouverte le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), et envisager d’imposer des sanctions ciblées aux personnes responsables de violations graves.

Communiqué complet en ligne en anglais.

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Articles

RFI

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04.09.2024 à 19:00

En Tunisie, la commission électorale ouvre la voie à un second mandat de Kais Saied

Human Rights Watch

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Click to expand Image Manifestation tenue le 2 septembre 2024 devant le siège de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) à Tunis, contre sa décision de n’accepter que les candidatures de l’actuel président, Kais Saied, et de deux autres postulants, Zouhair Maghzaoui et Ayachi Zammel, à la prochaine élection présidentielle en Tunisie.  © 2024 Yassine Mahjoub/SIPA/Shutterstock

Cette semaine, la commission électorale tunisienne n’a retenu que trois candidatures à l’élection présidentielle prévue le 6 octobre, dont celles du président sortant Kais Saied et d’un candidat actuellement détenu, au mépris d’importantes décisions de justice qui avaient requalifié trois autres candidats à la magistrature suprême.

L’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) a confirmé Kais Saied et deux anciens députés, Zouhair Maghzaoui et Ayachi Zammel, comme seuls candidats à l’élection présidentielle ; soit la même liste qu’elle avait initialement publiée le 10 août. L’ISIE avait précédemment disqualifié, pour des raisons diverses, 14 candidats potentiels, dont certains auraient été des adversaires sérieux pour Kais Saied.

Entretemps, trois des candidats rejetés ont fait appel de la décision de la commission électorale devant le tribunal administratif de Tunisie et obtenu gain de cause : Abdellatif Mekki, ancien ministre de la Santé, Mondher Zenaïdi, ancien ministre sous le régime de l’ex-président Zine El Abidine Ben Ali, et Imed Daïmi, ancien député.

Les décisions du tribunal administratif, qui a la compétence exclusive de trancher les contentieux liés aux candidatures à des mandats électifs, sont juridiquement contraignantes. Cependant, Farouk Bouasker, le président de l’ISIE, a déclaré le 2 septembre que la commission était « dans l’impossibilité de mettre en exécution » les décisions du tribunal, et que la liste des candidats à la présidence est « définitive … ne pouvant plus faire l’objet de recours ».

L’ISIE est sous le contrôle de Saied depuis qu’il l’a restructurée en avril 2022 ; ses sept membres sont désormais nommés par le président. Au lieu d’assurer l’intégrité de la prochaine élection, la Commission est intervenue pour la fausser en faveur de Saied.

L’ISIE a tenté de discréditer les décisions en appel du tribunal administratif en déposant une demande de récusation de certains de ses juges ; une tentative faible qui a été rejetée par le tribunal administratif le 31 août. L’ISIE a également déposé plusieurs plaintes contre des opposants politiques ou personnalités critiques du président Saied, dont certaines ont abouti à des condamnations, comme celle d’Abir Moussi, la présidente du Parti destourien libre (PDL).

Les Tunisiens s’apprêtent à élire un président dans un contexte de répression croissante de toute dissidence, d’étouffement des médias et d’atteintes continues à l’indépendance de la justice. Depuis le début de la période électorale le 14 juillet, les autorités ont poursuivi en justice, condamné ou placé en détention au moins neuf candidats potentiels. Zammel, l’un des trois candidats confirmés par l’ISIE, a été placé en détention le 4 septembre dans l’attente d’un procès pour falsification de parrainages.

Tenir des élections dans un tel contexte de répression bafoue le droit des Tunisiens à participer à des élections libres et équitables. L’ISIE devrait immédiatement revenir sur sa décision, appliquer la décision du tribunal administratif et cesser de s’ingérer politiquement dans cette élection.

04.09.2024 à 06:01

Liban/Chypre : Des réfugiés syriens bloqués ou renvoyés de force en Syrie

Human Rights Watch

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Click to expand Image Un bateau et un navire de la Marine libanaise patrouillaient en mer Méditerranée au large de Tripoli, ville côtière du nord-ouest du Liban, le 24 avril 2022, à la recherche de survivants après le naufrage d’une embarcation transportant des migrants. © 2022 Chine Nouvelle/SIPA/Shutterstock

(Beyrouth) – Les Forces armées libanaises et les autorités chypriotes agissent de concert pour empêcher des réfugiés syriens d’atteindre l’Europe, puis les renvoient vers la Syrie où ils courent de graves dangers, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport rendu public aujourd’hui.

Ce rapport de 90 pages, intitulé « “I Can’t Go Home, Stay Here, or Leave”: Pushbacks and Pullbacks of Syrian Refugees from Cyprus and Lebanon » (« “Je ne peux ni rentrer chez moi, ni rester ici, ni partir” : Des réfugiés syriens refoulés par Chypre et expulsés par le Liban »), explique pourquoi des Syriens réfugiés au Liban cherchent désespérément à rejoindre l’Europe, et comment l’armée libanaise les en empêche, puis les renvoie sommairement en Syrie. Parallèlement, les garde-côtes chypriotes et d’autres forces de sécurité de ce pays ont renvoyé au Liban des Syriens dont les embarcations avaient atteint Chypre, sans prise en considération de leur statut de réfugié ni des risques qu’ils soient par la suite renvoyés en Syrie. De fait, de nombreuses personnes renvoyées au Liban par les autorités chypriotes ont été immédiatement expulsées vers la Syrie par l’armée libanaise.

Human Rights Watch a mené des entretiens avec 16 réfugiés syriens qui avaient tenté de quitter le Liban en bateau de manière irrégulière, entre août 2021 et septembre 2023. Human Rights Watch a également visionné et vérifié l’authenticité de photos et de vidéos transmises par ces personnes, a examiné des données de traçage des mouvements d’avions et de navires afin de corroborer leurs récits, et a soumis des demandes (fondées sur le principe de la liberté d’accès à l’information), afin de consulter des documents relatifs au financement de projets par l’Union européenne. Les cas documentés par Human Rights Watch ne concernent que la période comprise entre août 2021 et septembre 2023, mais le Liban a confirmé à Human Rights Watch qu’en avril 2024, ce pays avait expulsé des Syriens refoulés par les autorités chypriotes, et a annoncé publiquement de nouvelles interceptions en août 2024.

« En empêchant des réfugiés syriens de partir pour chercher ailleurs une meilleure sécurité, puis en les renvoyant de force en Syrie, le Liban viole l’interdiction fondamentale d’expulser un réfugié vers un lieu où il sera exposé au risque de persécution, tandis que l’Union européenne aide à payer la facture », a déclaré Nadia Hardman, chercheuse auprès de la division Droits des réfugiés et migrants à Human Rights Watch. « Chypre viole également cette interdiction en repoussant les réfugiés vers le Liban, où ils risquent d’être renvoyés en Syrie, malgré les dangers auxquels ils seraient confrontés dans ce pays. »

L’UE et ses États membres ont fourni à diverses autorités libanaises chargées de la sécurité des fonds qui ont atteint 16,7 millions d’euros de 2020 à 2023, pour mettre en place des projets de contrôle des frontières visant essentiellement à accroître la capacité du Liban de réduire la migration illégale. En mai 2024, l’UE a annoncé l’octroi au Liban d’une aide financière d’un milliard d’euros jusqu’à fin 2027 ; une partie de cette somme est destinée « aux Forces armées libanaises et aux autres forces de sécurité, au moyen d'équipements et de formations en matière de gestion des frontières et de lutte contre le trafic de migrants ».

Human Rights Watch a communiqué ses conclusions à 12 entités compétentes, dont les gouvernements du Liban et de Chypre, les institutions de l’UE et des entités privées, et a sollicité leurs commentaires. Dix d’entre elles ont répondu.

Les autorités chypriotes ont expulsé collectivement des centaines de demandeurs d’asile syriens sans leur donner accès aux procédures régulières d’octroi de l’asile, les faisant monter de force à bord d’embarcations qui les ramenaient directement au Liban. Des personnes ainsi expulsées ont affirmé que les officiers de l’armée libanaise les avaient remis directement à des militaires syriens et à des hommes armés non identifiés, en territoire syrien.

Une femme syrienne âgée de 44 ans a affirmé que lorsque les garde-côtes chypriotes ont intercepté le bateau où elle se trouvait, des officiers « ont commencé à empoigner les passagers et à les faire monter de force » sur le navire de retour, et ont « utilisé un taser et une matraque » contre son mari. « Du sang coulait de son nez et de sa bouche, partout », a-t-elle dit. Une fois de retour au Liban, a-t-elle ajouté, « l’armée nous a conduits du port … vers une zone-tampon entre les frontières [syrienne et libanaise] … nous disant de courir vers l’autre côté. » Elle a affirmé que l’armée syrienne les avait détenus, elle et les membres de sa famille, pendant neuf jours.

De retour en Syrie, les réfugiés expulsés risquaient non seulement d’être placés en détention par l’armée syrienne, mais aussi d’être victimes d’extorsion de fonds de la part d’hommes armés exigeant un paiement pour les faire repasser clandestinement au Liban.

Le Liban est le pays qui abrite le plus grand nombre de réfugiés au monde, dont 1,5 million de Syriens, en comparaison avec le nombre de ses propres citoyens ; en même temps, le Liban fait face à de multiples crises cumulatives qui ont créé des conditions socioéconomiques difficiles pour toutes les personnes qui vivent dans ce pays. Ces conditions contribuent aux circonstances qui poussent de nombreux réfugiés syriens à tenter de partir vers l’Europe. Faute de voies de migration légales et craignant des persécutions en Syrie, de nombreuses personnes que nous avons interrogées ont déclaré que les traversées illégales en bateau étaient leur seule option disponible pour aller vers une vie normale et sûre.

La Direction générale de la Sûreté générale du Liban (DGSG), qui contrôle les entrées sur le territoire et le statut de résident des étrangers, a indiqué avoir intercepté et dans certains cas expulsé 821 Syriens qui avaient tenté de quitter le Liban par bateau, entre le 1er janvier 2022 et le 1er août 2024.

Dans l’un de ces cas, l’armée libanaise, dans une opération de secours menée conjointement avec la force de maintien de la paix de l’ONU au Liban, a secouru 200 passagers d’un bateau qui coulait, et les a ramenés au port libanais de Tripoli le 1er janvier 2023. Puis l’armée a expulsé sommairement ces Syriens par le passage frontalier de Wadi Khaled dans le nord du Liban. Des personnes interrogées ont affirmé qu’elles avaient supplié à plusieurs reprises les soldats libanais et les officiers de l’ONU de ne pas les ramener au Liban, car ils craignaient d’en être expulsés vers la Syrie.

Des personnes interrogées, dont les embarcations ont pu atteindre les eaux territoriales chypriotes, ont décrit comment les navires des garde-côtes chypriotes recouraient à des manœuvres tactiques dangereuses pour intercepter ces embarcations. Les garde-côtes ont également intercepté un bateau et l’ont laissé dériver pendant toute la nuit sans offrir aux personnes à bord de nourriture ou d’autres formes d’assistance. Des officiers chypriotes ont lié avec du câble les poignets d’un garçon de 15 ans non accompagné et l’ont fait monter sur un navire chypriote qui l’a ramené directement au port de Beyrouth. Puis l’armée libanaise a immédiatement expulsé cet enfant, en compagnie d’un groupe d’autres Syriens, par le poste frontalier de Masnaa à la frontière syrienne.

Ces expulsions sommaires constituent une violation des obligations du Liban en tant qu’État partie à la Convention de l’ONU contre la torture, et au regard du principe de non-refoulement inscrit dans le droit international, et selon lequel il est interdit de renvoyer de force des personnes vers des pays où elles seraient exposées à des risques de torture ou de persécution. La détention et le mauvais traitement d’enfants, la séparation de familles et d’autres abus constituent par ailleurs des violations des obligations du Liban en matière de droits des enfants.

Les refoulements effectués par Chypre constituent des expulsions collectives qui sont interdites par la Convention européenne des droits de l’homme, et violent l’interdiction des refoulements, sous quelque forme que ce soit, y compris indirecte ou secondaire.

Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), dont le mandat est d’apporter une protection internationale et une assistance humanitaire aux réfugiés, maintient que la Syrie est un pays non sûr pour les retours forcés de réfugiés, et que le HCR « ne facilite ni encourage actuellement » les retours volontaires.

Human Rights Watch a constaté que l’UE et certains de ses États membres ont contribué financièrement de manière substantielle à la gestion de ses frontières par le Liban, sans véritable garantie que les fonds de l’UE ne sont pas utilisés par des entités qui se rendent responsables de violations ou contribuent à la commission de violations.

« L’UE récompense depuis longtemps le Liban pour ses efforts visant à empêcher des migrants d’atteindre l’Europe, en finançant des projets de gestion de la migration », a affirmé Nadia Hardman. « Au lieu de sous-traiter des abus, l’UE et les autres bailleurs de fonds devraient immédiatement créer des mécanismes indépendants qui seraient chargés de superviser directement le respect des droits humains par le Liban, lors des opérations de contrôle de ses frontières. »

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Le Monde     Euronews      Le Soir      OLJ

02.09.2024 à 15:58

Les selfies d'athlètes nord-coréens mettent en lumière la crise des droits humains dans ce pays

Human Rights Watch

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Click to expand Image Le joueur de tennis de table sud-coréen Lim Jong-hoon, à droite, qui avec sa coéquipière Shin Yu-bin a remporté la médaille de bronze en double mixte aux JO de Paris, prenait un selfie peu après la cérémonie de remise des médailles, le 30 juillet 2024, avec d’autres joueurs : la paire nord-coréenne Ri Jong Sik et Kim Kum (médaille d’argent), à gauche, ainsi que la paire chinoise Wang Chuqin et Sun Yingsha (médaille d’or), vers le centre. © 2024 Petros Giannakouris/AP Photo

Les athlètes nord-coréens qui ont pris des selfies avec leurs homologues sud-coréens et chinois aux Jeux olympiques de Paris en 2024 seraient soumis à une surveillance intense et à de possibles sanctions, depuis leur retour dans leur pays. En Corée du Nord, même un selfie innocent peut avoir de graves conséquences, compte tenu des contrôles idéologiques stricts et de la répression exercée par le gouvernement.

Alors que ces selfies ont été célébrés par de nombreuses personnes comme un symbole unifiant de l’esprit sportif, la réponse du gouvernement nord-coréen est un rappel de la dure réalité du système oppressif de ce pays. Ce gouvernement restreint sévèrement l’information, dicte ce que les gens peuvent lire, regarder et discuter, et n’autorise que quelques hauts fonctionnaires à accéder à Internet. Les communications non autorisées avec des personnes en dehors d’un cercle restreint sont lourdement punies.

En mars dernier, Human Rights Watch a publié un rapport décrivant comment, depuis 2020, les autorités nord-coréennes ont interdit l’emploi de certains termes liés à la culture sud-coréenne, et ont promulgué de nouvelles lois restreignant davantage encore l’accès aux informations non autorisées. L’année dernière, un journal ayant des contacts en Corée du Nord a rapporté que plusieurs jeunes athlètes nord-coréens ont été condamnés à des peines de trois à cinq ans de travaux forcés pour avoir utilisé l’argot sud-coréen.

Le contrôle auquel sont soumis des athlètes à leur retour d’événements internationaux démontre les efforts du gouvernement nord-coréen pour contrôler les comportements au-delà de ses frontières. Les diplomates, les étudiants et les travailleurs qui vivent à l’étranger sont également soumis à une surveillance stricte. Cinq anciens fonctionnaires du gouvernement et deux hommes nord-coréens qui ont travaillé à l’étranger, puis ne sont plus retournés en Corée du Nord, m’ont expliqué que toute personne autorisée à se rendre à l’étranger subit une formation idéologique rigoureuse, une surveillance constante à l’étranger et des évaluations exhaustives à son retour. Même les écarts mineurs par rapport à la conduite approuvée sont examinés de près, et tout signe d’influence idéologique extérieure peut entraîner de graves conséquences.

Parmi les éléments de la mission du Comité international olympique (CIO), selon la Charte olympique, figure « la protection des athlètes contre toute forme de harcèlement et d’abus ». Les athlètes nord-coréens ne devraient pas avoir à craindre des représailles pour leurs actions lors des JO, en particulier lorsque ces actions incarnent les valeurs de respect et d’amitié, sur lesquelles repose en partie le Mouvement olympique.

Alors que nous avons assisté à un rare moment de camaraderie internationale, les gouvernements du monde entier devraient soutenir les efforts visant à tenir le gouvernement nord-coréen responsable de ses horribles violations des droits humains. Le CIO devrait user de son influence pour contribuer à protéger ces athlètes, sans encourager la participation d’États répressifs qui n’assurent pas la sécurité de leurs athlètes.

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02.09.2024 à 07:00

Turquie : Le projet d'expansion d’une centrale à charbon aurait des effets néfastes

Human Rights Watch

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Click to expand Image Bordure du village de Çoğulhan (symbolisée par les mots « Güle Güle » ou « Au revoir »), dans la province de Kahramanmaraş dans le sud-est de la Turquie ; ce village est situé à 500 mètres de la centrale électrique au charbon d'Afşin Elbistan. © 2024 Katharina Rall/Human Rights Watch

(Istanbul, 2 septembre 2024) – Le ministère turc de l’Environnement devrait renoncer au projet de rajouter deux unités supplémentaires à une centrale à charbon située à Afşin-Elbistan, dans la province de Kahramanmaraş dans le sud-est du pays, compte tenu des graves dommages déjà causés par cette centrale à la communauté environnante, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

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Les recherches de Human Rights Watch ont révélé que les niveaux de pollution de l’air à proximité de la centrale A du site de Afşin-Elbistan, ainsi que de la centrale B située deux kilomètres plus loin, sont dangereusement élevés, et que les habitants souffrent de problèmes de santé que des études universitaires ont attribués à l’air toxique. Bien que des autorités gouvernementales aient précédemment signalé le risque d’une forte hausse des taux de cancer à Afşin-Elbistan, le gouvernement turc n’a pas suffisamment surveillé les dommages environnementaux, et n’a pas mis en place des réglementations plus strictes afin de les mitiger.

« L’air toxique provenant des centrales à charbon en Turquie tue des milliers de personnes chaque année, alors que les autorités ne font pas grand-chose pour empêcher ce problème, ni même pour avertir les gens des dangers pour leur santé », a déclaré Hugh Williamson, directeur de la division Europe et Asie centrale à Human Rights Watch. « Au lieu d’autoriser l’expansion des centrales à charbon polluantes, le gouvernement turc devrait renforcer et faire respecter les normes de qualité de l’air, et permettre une transition justifiée du charbon vers les énergies renouvelables, d’ici 2030. »

Click to expand Image Image satellite montrant l’emplacement du village de Çoğulhan, situé entre les deux centrales à charbon A (à droite) et B (à gauche) d'Afşin-Elbistan, dans la province de Kahramanmaraş, dans le sud-est de la Turquie. © 2024 Airbus, Google Earth (image satellite), Human Rights Watch (graphisme)

Le gouvernement continue d’accroître la capacité des centrales à charbon, malgré les progrès significatifs réalisés dans le domaine des sources d’énergie renouvelables en Turquie ; selon des études, ces progrès permettraient à ce pays d’abandonner le recours au charbon d’ici 2030. Les sources d’énergie renouvelables représentent actuellement 54 % de la capacité électrique de la Turquie, un taux nettement supérieur à la moyenne mondiale qui avoisine 30 % ; en 2021, l’Agence internationale de l’énergie (IEA) a prévu une hausse de 50 % de l’utilisation des énergies renouvelables en Turquie, entre 2021 et 2026.

En mai 2024, Human Rights Watch a mené des entretiens avec 28 habitants de la région d’Afşin-Elbistan au sujet de leurs expériences de la pollution de l’air, dont 11 femmes et 4 personnes âgées, deux membres des conseils municipaux de villages voisins, et le maire de la ville voisine d’Elbistan. Human Rights Watch a également mené des entretiens avec deux universitaires, cinq professionnels de la santé travaillant dans la région, deux avocats, un fonctionnaire et six militants locaux. En outre, Human Rights Watch a examiné et analysé les données récentes sur la qualité de l’air provenant de la station de surveillance gouvernementale la plus proche dont les données sont accessibles au public, les données satellite sur la pollution de l’air du programme Copernicus de l’Union européenne, et des documents officiels du gouvernement.

Human Rights Watch a adressé des courriers au ministère turc de la Santé, à la société mère de l’entreprise exploitant la centrale à charbon, qui avait demandé la construction d’unités supplémentaires, à la société publique de production d’électricité, ainsi qu’aux autorités locales. Human Rights Watch a également écrit à l’Institut turc des statistiques pour obtenir des données sur la santé dans les districts d’Afşin et d’Elbistan, mais n’a reçu aucune réponse à ses divers courriers.

Click to expand Image Cartographie montrant la forte densité moyenne de dioxyde de soufre (SO2) près de la centrale à charbon d'Afşin-Elbistan. La zone rouge correspond à une densité de 0,0012 mol/m2, alors que la zone bleue correspond à une densité proche de zéro. Le dioxyde de soufre est un gaz aux effets parfois toxiques, souvent issu de la combustion du charbon. © 2204 Copernicus Sentinel-5P, Google Earth Engine (données) / HRW (analyse et graphique)

Les résidents vivant à proximité des centrales à charbon ont déclaré que des amis, des membres de la famille et des voisins étaient décédés de cancers et de maladies cardiovasculaires ou respiratoires, qu’ils pensaient être imputables ou aggravées par la pollution provenant des centrales voisines.

La mine de charbon qui alimente les centrales électriques d’Afşin-Elbistan est considérée comme une « bombe à carbone » (terme qui désigne les principaux sites d’extraction de combustibles fossiles au monde), avec une capacité d’extraction de charbon de 4,09 gigatonnes de dioxyde de carbone. L’expansion de la centrale à charbon menacerait la transition énergétique de la Turquie, et mettrait en péril les obligations de ce pays dans le cadre de l’Accord de Paris sur le changement climatique.

Début 2024, la Turquie est devenue le premier producteur européen d’électricité obtenue à partir du charbon ; les projets turcs représentent 73 % des projets de charbon prévus mais non encore construits au sein de l’UE et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Les promoteurs de ces projets continuent de rechercher activement les autorisations et le financement nécessaires. Selon les estimations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), plus de 35 000 personnes sont mortes à cause de la pollution de l’air en 2019 en Turquie.

Communiqué complet : en ligne en anglais.

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30.08.2024 à 20:00

Hong Kong : Deux journalistes reconnus coupables de « sédition » suite à des accusations infondées

Human Rights Watch

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Click to expand Image Chung Pui-kuen, à droite, l'ex-rédacteur en chef du journal Stand News (qui a cessé de paraître), photographié le 29 août 2024 à Hong Kong, après avoir été reconnu coupable de « conspiration visant à publier des documents séditieux » à l’issue d’un procès manifestement base sur des motifs politiques. © 2024 Billy H.C. Kwok/AP Photo

(New York) – Le gouvernement de Hong Kong devrait annuler les condamnations à motivation politique de deux journalistes et cesser ses attaques contre la liberté de la presse, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

Le 29 août 2024, le tribunal de district de Hong Kong a prononcé des verdicts de culpabilité à l’encontre de deux rédacteurs du journal Stand News, qui depuis a cessé de paraître – Chung Pui-kuen, 54 ans, l’ex-rédacteur en chef, et son adjoint Patrick Lam, 36 ans – ainsi que de la société mère du journal, Best Pencil ; ils étaient accusés de « conspiration visant à publier des documents séditieux ». Chung Pui-kuen et Patrick Lam encourent jusqu’à deux ans de prison.

« Le gouvernement de Hong Kong envoie un message terrible aux journalistes : couvrir des sujets d’intérêt public risque de vous valoir une peine de prison », a déclaré Maya Wang, directrice adjointe de la division Chine à Human Rights Watch. « Les gouvernements de Hong Kong et de Chine devraient immédiatement annuler les condamnations de Chung Pui-kuen et Patrick Lam, et mettre fin à la répression de la liberté de la presse. »

Au cours du procès qui a duré 57 jours, le procureur a présenté 17 articles publiés dans Stand News comme preuves que ce journal primé avait cherché à « inciter à la haine contre le gouvernement de Hong Kong et le gouvernement central ». Le juge du tribunal de district, que le gouvernement a personnellement choisi pour superviser les affaires de sécurité nationale, a jugé que 11 de ces articles étaient « séditieux ». Les descentes de police et les arrestations arbitraires d’employés de Stand News ont forcé ce journal à cesser ses activités en décembre 2021.

L’un des articles prétendument « séditieux » portait sur l’ancienne journaliste Gwyneth Ho lorsqu’elle s’est présentée à une primaire informelle pour sélectionner des candidats pro-démocratie pour les élections du Conseil législatif de 2020. Un tribunal a ensuite jugé que ce processus était « illégal », et avait condamné Gwyneth Ho et 44 autres activistes en vertu de la loi sur la sécurité nationale, que le gouvernement chinois avait imposée à Hong Kong en juin 2020.

Le tribunal prononcera les peines infligées à Chung Pui-kuen et à Patrick Lam le 26 septembre. Lam n’était pas présente à l’audience de verdict en raison de problèmes de santé, ont rapporté les médias locaux.

Suite en anglais.

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30.08.2024 à 06:00

RD Congo : Peu de justice pour les victimes du massacre de Goma

Human Rights Watch

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Click to expand Image Des membres du personnel militaire congolais en procès pour le meurtre de 57 civils lors d'une manifestation contre la présence de la MONUSCO, la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo, à Goma, dans la province du Nord-Kivu, en République démocratique du Congo, le 7 septembre 2023. © 2023 Arlette Bashizi/Reuters

(Kinshasa) – Les autorités de la République démocratique du Congo devraient élargir leur enquête sur les membres des forces de sécurité responsables du meurtre d’une cinquantaine de personnes dans l’est du pays il y a un an, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Le gouvernement devrait aussi fournir rapidement des réparations adéquates aux victimes ou à leurs familles.

Le 30 août 2023, les forces de sécurité congolaises ont tué au moins 57 personnes à Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu. La plupart de ces personnes étaient des membres d’un groupe mystico-religieux, Foi naturelle judaïque et messianique vers les nations (FNJMN), qui préparaient une manifestation de protestation contre la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO). Un groupe d’experts de l'ONU et Human Rights Watch ont conclu que le bilan véritable de ce massacre était très probablement bien supérieur. En octobre, un tribunal militaire a reconnu quatre membres des forces armées, dont un colonel, coupables de meurtre, mais aucun supplément d’enquête ne semble être en cours, et aucune victime n’a été indemnisée à ce jour.

« Un an plus tard, les autorités congolaises ont poursuivi en justice avec succès plusieurs personnes pour le massacre de 2023 à Goma, mais les enquêtes ont été très limitées et aucune indemnisation n’a été versée aux victimes », a déclaré Lewis Mudge, directeur pour l’Afrique centrale à Human Rights Watch. « Il est essentiel d’établir la responsabilité du commandement et de punir de manière appropriée tous les responsables afin d’éviter la répétition de tels abus à l’avenir. »

Le 30 juillet 2023, Ephraïm Bisimwa, le dirigeant de ce mouvement mystico-religieux, a annoncé la tenue le 30 août d’une manifestation contre la MONUSCO pour réclamer le départ avant la fin de l’année de cette mission de l’ONU, en raison de son incapacité à mettre fin au conflit prolongé qui sévit dans l’est du pays.

Le 23 août, le maire de Goma a publié un communiqué annonçant l’interdiction de la manifestation. Bisimwa a alors annulé la manifestation et demandé à ses membres de se réunir dans son église dans la matinée du 30 août. Le groupe d’experts de l’ONU a fait état, dans un rapport, d’informations qui circulaient le long des chaînes de commandement de l’armée et de la police selon lesquelles les manifestations du groupe étaient coordonnées avec de prétendus plans de déstabilisation de la ville de la part du groupe rebelle M23 et de ses alliés rwandais. Depuis fin 2022, les rebelles du M23 soutenus par le Rwanda ont commis des meurtres extrajudiciaires, des viols et de nombreux autres graves abus dans l’est de la RDC.

Le 30 août entre 3h00 et 4h00 du matin, des militaires congolais ont investi une station de radio affiliée au mouvement mystique dans le quartier de Ndosho, à Goma. Bisimwa se trouvait alors à la station et a diffusé un message sur WhatsApp pour informer ses membres de ce raid. Quand les militaires ont emmené Bisimwa et huit autres personnes hors de la station, ses membres sont arrivés. Les militaires ont alors ouvert le feu sur eux, tuant six membres de la secte devant la station de radio, puis sont partis en emmenant Bisimwa et un collègue. Bisimwa a déclaré par la suite à Human Rights Watch : « Ils nous ont emmenés à la base [de la Garde républicaine], où ils nous ont ligotés, nous ont fait étendre sur le sol, puis nous ont aspergés d’eau et nous ont battus avec des bâtons. »

À la suite de ce raid meurtrier, des membres du groupe ont capturé un agent de police, lui ont attaché les mains et l’ont emmené à leur siège, qu’ils désignent habituellement comme leur temple.

Dans la confusion qui a suivi, la police a ouvert le feu sur des membres du groupe, tuant le fils de Bisimwa. Des membres sont alors retournés au temple et ont tué l’agent de police qui avait été capturé. Des images vidéo que Human Rights Watch a pu visionner montre cet agent gisant au sol, les mains liées et recroquevillé sur lui-même pendant que des individus le frappent avec des bâtons et lui lancent des pierres, causant sa mort.

Des militaires sont arrivés au temple vers 7h00 et des Gardes républicains ont suivi. Le colonel Mike Mikombe, le commandant de la Garde républicaine à Goma, a pris le contrôle des négociations avec une foule croissante. Un agent qui était sur place a affirmé par la suite à Human Rights Watch que lorsque le colonel Mikombe est arrivé, la tension s’est rapidement accrue.

Human Rights Watch a pu vérifier l’authenticité d’une vidéo filmée sur place vers 7h00 qui montre le colonel Mikombe et le commandant Peter, chef d’une unité de forces spéciales de la Garde républicaine, s’adressant aux membres du groupe dans une ruelle adjacente au temple, entourés de personnels des forces spéciales. Sur la vidéo, les militaires sont en tenue de combat et portent des armes. Des témoins ont affirmé qu’au moins quatre drones survolaient la scène.

Quelques minutes après l’arrivée des commandants de la Garde républicaine, les tirs ont commencé. « Je ne sais pas ce qu’a vu le colonel de la Garde républicaine pour donner l’ordre de nous tirer dessus », a déclaré un membre du groupe. Plusieurs témoins ont affirmé que Mikombe a levé son pistolet en l’air et ordonné aux membres de la Garde républicaine d’ouvrir le feu. Un homme a précisé que Mikombe a crié : « Bofungola nzela! » (« Ouvrez la voie! » en lingala). Les recherches effectuées par Human Rights Watch, notamment des entretiens avec des responsables de l’armée nationale, ont permis d’indiquer que les membres du mouvement mystique n’étaient pas armés.

Les militaires ont tiré au fusil d’assaut sur les manifestants et sur des passants, tuant et blessant des dizaines de personnes tandis que d’autres s’enfuyaient pour se mettre à l’abri. Beaucoup se sont réfugiés dans des maisons alentour ou à l’intérieur du temple juste à côté. Les tirs se sont poursuivis pendant plusieurs minutes. Human Rights Watch a vérifié une vidéo filmée sur place, montrant des nuages de poussière s’accumuler dans la ruelle alors que retentissent des tirs d’armes automatiques. Les murs de maisons alentour et le temple ont été impactés, tuant et blessant des personnes qui s’abritaient à l’intérieur. Human Rights Watch a examiné des impacts de balles dans les murs de nombreuses maisons du quartier.

Une femme qui s’était abritée dans sa maison avec son jeune frère a indiqué qu’une autre femme et un garçon avaient été tués dans la cour de son immeuble, où ils avaient cherché à se mettre à l’abri. « Je ne les connaissais pas et ils ne semblaient pas se connaître non plus », a-t-elle dit. « Ils étaient venus se cacher quand les tirs ont commencé. »

Certaines personnes qui s’abritaient dans les maisons ont filmé les suites immédiates de la fusillade sur leurs téléphones portables. Plusieurs vidéos montrent de nombreux corps dans les rues. Un homme qui a été témoin des meurtres à partir d’une maison proche du temple a affirmé que les militaires avaient circulé parmi les corps pour vérifier si certaines victimes étaient encore en vie. « Ils tiraient sur les blessés pour les achever », a-t-il dit.

Immédiatement après la fin de la fusillade, des militaires ont chargé les cadavres sur au moins un camion. Des images vidéo vérifiées par Human Rights Watch montrent des soldats traînant les cadavres le long des rues, les tirant par les jambes ou par les bras d’une manière dégradante. D'autres images les montrent jetant les corps sur les plateformes des camions, les empilant les uns sur les autres. Plusieurs personnes blessées ont aussi été forcées de monter sur ce même camion.

Les militaires ont rassemblé des dizaines de personnes, dont des enfants, dans la cour du temple. Beaucoup d’entre elles ont été par la suite arrêtées. Des images vidéo vérifiées par Human Rights Watch montrent des membres de la Garde républicaine dans une rue proche du temple s’éloignant à pied en emportant des biens pillés, des meubles et du bétail. Entre 9h30 et 10h00, les Gardes républicains et d’autres militaires ont incendié le temple. Human Rights Watch a vérifié une vidéo qui montre le temple en flammes.

En septembre et octobre, un tribunal militaire a jugé le colonel Mikombe et cinq autres militaires. Trois d’entre eux ont été condamnés à 10 ans de prison, tandis que deux autres, dont l'adjoint de Mikombe, ont été acquittés. Le 2 octobre, Mikombe a été déclaré coupable de meurtre et condamné à mort.

Le dossier à charge constitué contre Mikombe ne concernait pas le rôle joué par des officiers de grade supérieur qui auraient pu ordonner les crimes qui ont été commis ou en être responsables pénalement. Les autorités n’ont pas effectué un décompte complet des morts. Elles n’ont pas non plus enquêté sur les allégations selon lesquelles des soldats ont achevé des blessés ou incendié le temple Dans son rapport final, le groupe d’experts de l’ONU a émis des doutes au sujet de l’enquête.

Des enquêtes plus approfondies devraient être menées afin d’établir si des officiers situés au-dessus de Mikombe dans la hiérarchie militaire sont juridiquement responsables de ces crimes, a déclaré Human Rights Watch.

Du fait que la province du Nord-Kivu est placée sous un régime de loi martiale, un tribunal militaire a jugé Bisimwa et 63 autres membres de son mouvement pour le meurtre de l’agent de police capturé. Tous ont été condamnés à au moins 10 ans de prison ou à la peine capitale. Le groupe d’experts de l’ONU a affirmé qu’aucun élément de preuve n’avait été présenté au procès permettant d’établir un lien entre les accusés et une participation directe au meurtre de l’agent. Bisimwa lui-même était détenu par les militaires depuis plusieurs heures au moment du meurtre.

Le gouvernement a commué toutes les peines de mort en peines de prison à perpétuité.

Les victimes ou leurs familles devraient recevoir rapidement une indemnisation adéquate pour leurs pertes, a déclaré Human Rights Watch. Un membre du mouvement mystique dont la femme a été tuée a déclaré : « J’aimerais que nous soyons indemnisés pour les dommages que nous avons subis. S’occuper de sept enfants sans leur mère est une chose très difficile pour moi. Nous avons besoin d’aide. »

Outre une extension de leur enquête sur les personnes responsables de meurtres commis par le gouvernement et la fourniture d’une indemnisation aux victimes, les autorités congolaises devraient réviser leurs dispositifs de contrôle des foules. D’une manière générale, l’armée ne devrait pas être utilisée pour faire respecter la loi, fonction pour laquelle la police est mieux formée. Toute force de sécurité utilisée pour contrôler des foules devrait recevoir une formation, un équipement et une supervision appropriés. Le gouvernement congolais devrait solliciter un soutien international pour s’assurer que ses forces de sécurité se conforment aux normes régionales et internationales concernant le recours à la force.

« Les victimes du massacre de Goma attendent toujours que des comptes soient rendus », a affirmé Lewis Mudge. « Tous les responsables, indépendamment de leur grade ou de leur statut, devraient être poursuivis en justice, et les personnes qui ont subi des dommages devraient être indemnisées promptement et équitablement. »

29.08.2024 à 21:25

La Corée du Sud subit une crise de crimes sexuels numériques

Human Rights Watch

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Click to expand Image Des femmes sud-coréennes manifestaient contre la diffusion en ligne de fausses images, ou d’images intimes enregistrées sans leur consentement, lors d’un « sit-in » à Séoul, le 4 août 2018. © 2018 Jean Chung/Getty Images

La Corée du Sud est confrontée à une épidémie de crimes sexuels numériques ; des centaines de femmes et de filles y sont ciblées par des images sexuelles truquées et partagées en ligne. L’un des groupes partageant ces images compterait 220 000 membres. Le nombre de cas de truquages ​​officiellement signalés à la police est passé de 156 en 2021, à 297 en juillet 2024.

Si le président sud-coréen s’est exprimé cette semaine sur ce problème, au fil des ans, les dirigeants du pays semblent avoir eu du mal à comprendre les dommages extraordinaires et souvent permanents que ces crimes causent.

En 2020, j’ai interviewé des femmes en Corée du Sud qui ont survécu à des crimes sexuels numériques, dont certaines ont été ciblées à l’aide d’images truquées. J’ai également parlé au père d’une femme qui s’est suicidée en 2019, après avoir été filmée en secret par un collègue masculin dans le vestiaire de l’hôpital où elle travaillait.

Nous avons également parlé avec des manifestantes. En 2018, le gouvernement sud-coréen a emprisonné une femme qui avait publié une photo nue d’un homme. L’affaire a déclenché une série de six manifestations : des dizaines de milliers de femmes et de filles ont défilé dans les rues de Séoul en scandant des slogans tels que « Ma vie n’est pas ton porno » et « Ne sommes-nous pas humains ? » Les hommes sont généralement libérés dans de tels cas.

Le gouvernement a répondu à ces manifestations en adoptant une loi visant à élargir la gamme des actes punissables comme crimes sexuels numériques et à durcir les peines. Il a également créé un centre d’aide aux survivantes de crimes sexuels numériques.

Ces réponses étaient des signes positifs, mais ont été loin d’être suffisantes. La violence sexiste en ligne est un problème croissant à l’échelle mondiale, mais elle est particulièrement répandue en Corée du Sud. Les juges, les procureurs, la police et les législateurs sud-coréens, dont la grande majorité sont des hommes, ne prennent pas ces crimes suffisamment au sérieux. Les femmes qui demandent l’aide de la police sont souvent licenciées, à nouveau traumatisées et même ridiculisées. Il existe peu de cours d’éducation sexuelle dans les écoles sud-coréennes pour aider les jeunes à comprendre à quel point ce comportement est répréhensible. Ces crimes se produisent dans un contexte de forte inégalité entre les sexes, où l’écart salarial entre les sexes est de 31 %, et où moins de 13 % des membres des conseils d’administration sont des femmes.

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Article

Radio-Canada.ca

Le gouvernement sud-coréen sait depuis des années que les crimes sexuels en ligne sont monnaie courante et mortels. Il est temps qu’il prenne cette crise plus au sérieux. Le gouvernement devrait tenir les auteurs de ces crimes responsables de leurs actes, fournir une éducation sexuelle complète, non seulement aux enfants mais aussi aux adultes, et prendre des mesures significatives pour promouvoir l’égalité des sexes.

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