28.10.2025 à 07:00
Human Rights Watch
(Nairobi) – La période postélectorale au Cameroun a été marquée par des violences, avec au moins quatre personnes tuées vraisemblablement par les forces de sécurité, des dizaines de blessés et des centaines d'autres personnes arrêtées à travers le pays depuis l'élection présidentielle du 12 octobre, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch. Les autorités devraient immédiatement contrôler leurs forces de sécurité, mener une enquête rapide et impartiale sur l'usage excessif de la force et libérer toutes les personnes détenues à tort.
Le Conseil constitutionnel a annoncé le 27 octobre que le président sortant Paul Biya, âgé de 92 ans, avait remporté l'élection avec 53,66 % des voix. Son principal adversaire, Issa Tchiroma Bakary, ancien ministre des Transports et de la Communications, s'était proclamé vainqueur le 12 octobre.
« Les tensions sont vives en raison de la réélection contestée de Paul Biya », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior auprès de la division Afrique à Human Rights Watch. « Les forces de sécurité devraient protéger la population, et non attiser la violence. »
Les jours qui ont suivi le scrutin ont été marqués par la violence. Des manifestations organisées par l'opposition ont éclaté dans les grandes villes, notamment à Douala, la capitale économique, Yaoundé, la capitale, et dans les villes de Garoua et Maroua, dans le nord du pays. Les forces de sécurité ont répondu aux manifestations par des tirs de gaz lacrymogènes, l’usage de canons à eau et, dans certains cas, des tirs à balles réelles. Après l'annonce des résultats de l’élection, des manifestations ont également éclaté dans tout le pays. Issa Tchiroma Bakary a déclaré sur Facebook que des tireurs d'élite stationnés autour de son domicile à Garoua « tir[aient] à bout portant sur la population » et que deux personnes avaient été tuées.
Selon des médias locaux et internationaux ainsi que des sources locales consultées par Human Rights Watch, au moins quatre personnes ont été tuées lors de manifestations dans le quartier de New Bell à Douala le 26 octobre. Dans une déclaration publiée le même jour, Samuel Dieudonné Ivaha Diboua, gouverneur de la région du Littoral, où se trouve Douala, a déclaré que des jeunes, sous l'emprise de la drogue, avaient attaqué une brigade de gendarmerie et deux commissariats de police dans le but de les incendier et de s'emparer des armes. Il a également expliqué que « dans l’échange qui s’en est suivi, plusieurs éléments des forces de sécurité ont été blessés, et quatre personnes ont malheureusement perdu la vie » et que « [d]es enquêtes ont été ouvertes pour que toute la lumière soit faite sur ces malheureux incidents. »
Samuel Dieudonné Ivaha Diboua a également publié un décret le 26 octobre annonçant que 105 personnes avaient été arrêtées pour avoir participé à des manifestations déclenchées par un appel à la protestation lancé en ligne par Issa Tchiroma Bakary. Cependant, Augustin Nguefack, conseiller juridique de ce dernier, a déclaré à Human Rights Watch qu'il pensait que davantage de personnes avaient été arrêtées à Douala le 26 octobre et que depuis le vote, les forces de sécurité avaient détenu au moins 250 manifestants de l'opposition dans la ville.
Parmi les personnes arrêtées à Douala figurent Anicet Ekane, Florence Titcho et Djeukam Tchameni, trois dirigeants du Mouvement africain pour une nouvelle indépendance et la démocratie (MANIDEM), mouvement qui soutenait Issa Tchiroma Bakary.
Des partisans d’Issa Tchiroma Bakary et des manifestants ont également été arrêtés dans d'autres villes. Le 25 octobre, des gendarmes ont arrêté Aba'a Oyono, juriste spécialisé en droit public et conseiller d’Issa Tchiroma Bakary, à son domicile à Yaoundé. Les autorités n’ont toujours pas révélé l’endroit où il est détenu. Le refus de reconnaître la détention ou de fournir des informations sur la localisation d’un détenu peut constituer une disparition forcée, considérée comme un crime au regard du droit international. Des membres de la société civile consultés par Human Rights Watch ont rapporté que les forces de sécurité avaient arrêté au moins 52 manifestants, dont des mineurs, à Maroua le 23 octobre. Des médias ont rapporté que les forces de sécurité avaient arrêté au moins 20 manifestants à Garoua le 21 octobre.
Paul Biya, dont la présidence est la plus ancienne au monde, dirige le Cameroun depuis 1982, ayant gardé une main de fer sur le pouvoir en abolissant la limitation du nombre de mandats présidentiels en 2008 et en éliminant ou en réduisant au silence de manière systématique tout adversaire ou voix dissidente.
Le 5 août, le Conseil constitutionnel du Cameroun a soutenu la décision de la commission électorale d'exclure de l’élection présidentielle le dirigeant de l'opposition Maurice Kamto, un important adversaire politique du président. Son exclusion a été vivement critiquée par ses partisans et des membres de son parti, qui ont organisé des marches et des manifestations pacifiques dans toute la capitale. Les forces de sécurité ont utilisé des gaz lacrymogènes pour disperser la foule qui s'était rassemblée devant le Conseil constitutionnel le 4 août, composée notamment des dizaines de partisans de Maurice Kamto. Elles ont également arrêté au moins 35 de ses partisans depuis le 26 juillet, qui ont tous été libérés sous caution.
Ce n'est pas la première fois que les élections au Cameroun sont entachées de violence. L'élection de Paul Biya en 2018 avait déclenché une vague de répression politique. Après le scrutin, des manifestations menées par l'opposition avaient éclaté dans tout le pays, et le gouvernement avait réagi par une répression sévère, déployant la police, l'armée et les gendarmes, qui avaient fait usage d'une force excessive contre les manifestants.
En janvier 2019, Maurice Kamto et plus de 200 de ses partisans avaient été arrêtés et placés en détention. L’opposant avait été accusé d'insurrection, d'hostilité envers la patrie et d'association de malfaiteurs, entre autres chefs d'accusation. Il avait été libéré le 5 octobre 2019 et les charges avaient été abandonnées, mais les attaques contre l'opposition se sont poursuivies.
Depuis des années, les autorités camerounaises répriment l'opposition, les médias et la dissidence, emprisonnant les opposants politiques, les journalistes et les activistes. Au cours des mois qui ont précédé le scrutin, l'espace politique s'est rétréci et les autorités ont sévèrement restreint la liberté d'expression et d'association.
Les Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application des lois stipulent que la police doit toujours utiliser le minimum de force nécessaire. Les armes à feu ne peuvent être utilisées pour disperser des rassemblements violents que lorsque d'autres moyens moins préjudiciables sont inenvisageables. Les agents des forces de l'ordre ne peuvent recourir intentionnellement à un usage des armes à feu portant atteinte à la vie humaine que lorsque cela est strictement inévitable pour protéger des vies humaines.
Divers protocoles régionaux ratifiés par le Cameroun, notamment les Lignes directrices pour le maintien de l'ordre lors des réunions en Afrique, prévoient également que les agents ne peuvent recourir à la force que lorsque cela est strictement nécessaire. Lorsqu'ils recourent à la force, les agents des forces de l'ordre doivent faire preuve de retenue et agir de manière proportionnée à la gravité de l'infraction et à l'objectif légitime à atteindre.
« Les autorités camerounaises devraient immédiatement ordonner à leurs forces de sécurité de ne pas recourir à la violence contre les manifestants », a conclu Ilaria Allegrozzi. « Elles devraient rapidement mener des enquêtes impartiales sur les allégations d'usage excessif et mortel de la force, et demander des comptes aux responsables de tout décès survenu pendant cette période délicate. »
28.10.2025 à 00:00
Human Rights Watch
(Bangkok) – Un tribunal antiterroriste d'Islamabad, au Pakistan, a prévu d’inculper le journaliste Matiullah Jan sur la base de motifs apparemment politiques, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch ; ce journaliste dénonce depuis longtemps les abus policiers dans ce pays. Les autorités pakistanaises devraient immédiatement abandonner les accusations sans fondement portées contre lui en vertu de plusieurs articles de la loi antiterroriste de 1997, et pour possession présumée de stupéfiants.
Ces dernières années, les journalistes pakistanais ont été confrontés à des obstacles de plus en plus importants entravant leur travail, notamment des actes de harcèlement, des menaces, des agressions, des arrestations et des placements en détention arbitraires, des disparitions forcées et même des assassinats. Les autorités ont exercé une pression croissante sur les rédacteurs en chef et les propriétaires de médias, afin d’entraver les reportages critiques. Depuis le début de l'année 2025, les autorités ont engagé environ 689 poursuites en vertu de la loi de 2016 sur la prévention des crimes électroniques (Prevention of Electronic Crimes Act), une loi draconienne et d’une vaste portée souvent utilisée contre les journalistes, ainsi qu'en vertu de la loi antiterroriste. Des chaînes de télévision critiques à l'égard du gouvernement ont subi des perturbations de signal pendant la diffusion de reportages sur des rassemblements de l'opposition.
« Les poursuites engagées par les autorités pakistanaises contre Matiullah Jan semblent être une tentative flagrante de réduire au silence les voix de journalistes exprimant des critiques », a déclaré Patricia Gossman, directrice adjointe de la division Asie à Human Rights Watch. « Le gouvernement devrait abandonner les poursuites visant Matiullah Jan, et cesser d'utiliser le système pénal pour punir les journalistes qui font leur travail. »
La police a indiqué avoir interpellé Matiullah Jan à un poste de contrôle dans le quartier E-9 d'Islamabad le 27 novembre 2024 ; il aurait été en possession de 246 grammes de méthamphétamine, et aurait commis des actes de terrorisme en résistant à son arrestation et en s'échappant. Toutefois, Matiullah Jan soutient que les autorités exercent des représailles à son encontre en raison de ses reportages sur l'usage excessif de la force par la police contre des manifestants politiques. Les autorités ont également accusé Matiullah Jan de diffuser de « fausses informations pour de l'argent », mais ces allégations ne figurent pas dans les accusations pénales portées contre lui.
Matiullah Jan a nié les informations fournies par la police concernant la présumée tentative de l’arrêter à un poste de contrôle, le 27 novembre 2024. Il a déclaré qu'au lieu de cela, ce jour-là, après que les autorités eurent enregistré une plainte pénale contre lui, des hommes non identifiés et vêtus en uniformes noirs l'ont enlevé, ainsi qu'un autre journaliste, Saqib Bashir, alors qu’ils se trouvaient dans un parking. Il a ajouté que ces hommes leur ont bandé les yeux et les ont forcés à monter dans un véhicule. Saqib Bashir a été libéré trois heures plus tard. Le 30 novembre, la Haute Cour d'Islamabad a accordé la liberté sous caution à Matiullah Jan.
Cela fait trois décennies que les autorités ont pris pour cible Matiullah Jan, qui couvre les questions juridiques et politiques au Pakistan. Le 21 juillet 2020, des assaillants non identifiés ont enlevé Matiullah Jan à Islamabad, la veille du jour où il devait comparaître devant la Cour suprême pour répondre à des accusations d'« utilisation d'un langage désobligeant/méprisant et de diffamation de l'institution judiciaire ». Il a été libéré après 12 heures. Jan a porté plainte contre ses ravisseurs, mais personne n'a jamais été arrêté.
Des organisations pakistanaises et internationales de journalistes et de la société civile, notamment le Comité pour la protection des journalistes, la Fédération internationale des journalistes, l'Union fédérale des journalistes du Pakistan et la Commission des droits de l'homme du Pakistan, ont appelé les autorités à abandonner les poursuites contre Matiullah Jan.
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), ratifié par le Pakistan en 2010, interdit les restrictions à la liberté d'expression pour des raisons de sécurité nationale, sauf si elles sont prévues par la loi, strictement interprétées et nécessaires et proportionnées pour faire face à une menace légitime. Les lois qui imposent des sanctions pénales pour des expressions pacifiques d’opinions sont particulièrement préoccupantes, en raison de leurs effets dissuasifs sur la liberté d'expression.
Le Comité des droits de l'homme des Nations Unies, l'organe d'experts indépendants qui surveille le respect du PIDCP, a déclaré dans son Observation générale n° 34 sur la liberté d'expression que « le simple fait que des formes d’expression soient considérées comme insultantes pour une personnalité publique n’est pas suffisant pour justifier une condamnation pénale. […] De plus, toutes les personnalités publiques […] sont légitimement exposées à la critique et à l’opposition politique. »
Les autorités pakistanaises devraient mener des enquêtes rapides, impartiales et efficaces sur les récentes attaques et poursuites douteuses à l'encontre de journalistes, a déclaré Human Rights Watch. Le gouvernement devrait modifier ou abroger les lois et annuler les politiques officielles qui violent le droit à la liberté d'expression et la liberté des médias, et promouvoir plutôt un espace de débat public et de libre expression, face aux menaces des groupes extrémistes et de certains responsables gouvernementaux.
« Le gouvernement pakistanais devrait cesser de harceler et de poursuivre injustement des journalistes, et veiller plutôt à ce qu'ils puissent effectuer librement des reportages, sans crainte de représailles », a conclu Patricia Gossman. « Les autorités devraient reconnaître la valeur pour la société pakistanaise des journalistes qui couvrent les questions relatives aux droits humains, au lieu d'essayer de les museler. »
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27.10.2025 à 06:00
Human Rights Watch
(New York) – L'élaboration d'une convention internationale efficace visant à prévenir et punir les crimes contre l'humanité nécessitera des efforts diplomatiques ambitieux et tournés vers l'avenir, ont conjointement déclaré Human Rights Watch et le groupe de travail Prevention of Crimes Against Humanity Project, affilié à la faculté de droit de Columbia University, dans un nouveau document d'information publié aujourd’hui ; ce document (en anglais) comprend 25 recommandations adressées aux délégations qui participeront aux négociations officielles des Nations Unies au sujet de ce traité.
Recommendations for the International Convention on Prevention and Punishment of Crimes Against HumanityLes crimes contre l'humanité, qui comprennent notamment l'extermination, l'esclavage, le viol, la grossesse forcée, la persécution, les disparitions forcées et l'apartheid, lorsqu'ils sont commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique dirigée contre une population civile, comptent parmi les infractions les plus graves au regard du droit international. Leur interdiction est déjà considérée comme une norme impérative, à laquelle aucun État ne peut déroger. Un nouveau traité apporterait une cohérence et une uniformité importantes dans la manière dont ces crimes sont traités dans chaque juridiction, et permettrait une coopération accrue entre les États pour prévenir ces crimes.
« Cela fait 80 ans que des dirigeants nazis ont été accusés de crimes contre l'humanité à Nuremberg, mais nous attendons toujours un traité exclusivement consacré à ce type de crimes », a déclaré Akshaya Kumar, directrice du plaidoyer sur les situations de crise auprès de Human Rights Watch, et principale auteure du document. « Les diplomates qui se réuniront à New York pour combler cette lacune devraient entamer un processus qui évite délibérément l'exclusion et les inégalités ayant trop souvent caractérisé l'élaboration du droit international dans le passé, afin que ce traité anticipe mieux les 80 prochaines années. »
Le 4 décembre 2024, lors de l'Assemblée générale des Nations Unies, les États membres ont adopté la résolution 79/122, afin de poursuivre les travaux officiels sur une convention portant sur « la prévention et la répression des crimes contre l’humanité ». Ce processus, qui débutera par la création d'un comité préparatoire en janvier 2026, constitue une occasion historique de consolider les engagements mondiaux visant à prévenir et à punir ces crimes graves. Les réunions à New York devraient être complétées par des réunions et des consultations régionales afin de renforcer la participation et l'accessibilité, compte tenu notamment des restrictions croissantes en matière de visas aux États-Unis.
Les organisateurs devraient aussi s'engager à diffuser les débats sur Internet avec une traduction simultanée, afin de permettre une large participation au processus. Ceci permettrait la participation de collectifs de victimes et de survivants, de défenseures des droits des femmes, de représentants de communautés autochtones, d’universitaires, de personnes handicapées qui pourraient avoir besoin de certains aménagements pour participer, ainsi que de jeune personnes.
Les mois à venir mettront à l'épreuve la détermination des pays à maintenir leur unité et leur vision à l’égard du projet de convention, face à divers défis politiques, ont déclaré les deux organisations. Pour obtenir le meilleur résultat possible, les délégués devraient être prêts à voter lorsque la prise de décision par consensus, qui nécessite un accord unanime, crée des obstacles et des retards inévitables.
En octobre 2025, les représentants d’États membres au sein de la Sixième Commission de l'Assemblée générale, le forum juridique de l’ONU, ont discuté de la meilleure voie à suivre pour poursuivre les négociations officielles. Les représentants de plusieurs pays ont réaffirmé leur soutien au processus décrit dans la résolution de décembre 2024, et ont exprimé leur intention de participer aux négociations visant à élaborer une convention qui protégerait mieux les civils contre ces crimes atroces.
Le 13 octobre, sous l'impulsion du Costa Rica, des dizaines de délégations d'Afrique, d'Amérique latine, d'Europe et d'Asie ont appelé à l'inclusion d’organisations de la société civile à chaque étape. Elles ont aussi demandé l’inclusion d’organisations ne disposant pas du « statut consultatif » auprès du Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC), cette accréditation étant parfois difficile à obtenir ou maintenir, pour certaines organisations locales. Lors de cette réunion, l'Allemagne a spécifiquement souligné l'importance de permettre aux organisations de la société civile de participer aux sessions des groupes de travail prévues en janvier 2026.
En janvier, l’un de ces groupes de travail fournira à chaque délégation l’occasion de partager son point de vue sur les modifications éventuelles à apporter aux projets d'articles (ang - fra) de la future convention, publiés en 2019 par la Commission du droit international (International Law Commission, ILC). Ces projets d'articles ont déjà fait l'objet de discussions lors de deux précédentes sessions de la Sixième Commission de l’ONU en 2023 et 2024, ainsi que d'une série de commentaires écrits, et sont aussi abordés dans le document d'information publié aujourd'hui. D'ici le 30 avril 2026, les États devront soumettre leurs propositions d'amendements aux projets d'articles de 2019, en vue d’être examinées et de faire l’objet de négociations lors des réunions prévues dans le cadre de la Conférence de plénipotentiaires, qui devrait se tenir partiellement en 2028 et en 2029.
Le traité pourrait ancrer plus solidement la justice pour les crimes contre l'humanité dans le droit international, incitant les États à adopter des lois nationales et renforçant les efforts des tribunaux nationaux grâce à l'entraide judiciaire. Idéalement, les négociateurs utiliseront ce processus pluriannuel pour affiner les termes du traité afin qu'il reconnaisse mieux les préjudices particuliers subis par les femmes, les personnes handicapées, les enfants et d'autres groupes. Le texte final devrait également inclure des garanties procédurales pour les accusés, limiter les refuges pour les suspects et reconnaître les droits des victimes, en particulier en matière de réparation, tout en maintenant une compétence juridictionnelle maximale.
« Il est plus important que jamais que les gouvernements réaffirment leur engagement en faveur de l'état de droit et résistent à toute tentative d'affaiblir les principes fondamentaux de la convention, notamment en matière de prévention », a déclaré Christine Ryan, directrice du Prevention of Crimes Against Humanity Project (Projet de prévention des crimes contre l'humanité) de la faculté de droit de Columbia University.
Dans leur document d'information, les deux organisations ont souligné les éléments clés du projet d'articles qu'il est particulièrement important de maintenir. Elles proposent également 13 amendements possibles au projet d'articles, dans l’espoir que divers pays les soumettront sous forme de propositions avant la date limite du 30 avril 2026.
La dynamique croissante autour du processus officiel d'élaboration d'un traité est particulièrement remarquable à un moment où, plus que jamais et malgré l'opposition des grandes puissances, le monde a besoin de renforcer le multilatéralisme. Le leadership de la Gambie, du Mexique, du Costa Rica et de la Sierra Leone a été essentiel.
« La volonté collective des États soutenant une telle convention, en particulier sous l'impulsion des pays du Sud et grâce à la détermination de la société civile, sera nécessaire pour garantir qu'un traité efficace devienne une réalité », a déclaré Richard Dicker, conseiller juridique senior à Human Rights Watch, qui œuvre depuis des années pour faire avancer ce processus. « Où qu’elles et ils se trouvent – que ce soit à El Fasher, à Gaza, à Cox's Bazaar ou à Marioupol, les victimes et les survivant-e-s de crimes contre l’humanité devraient être la boussole morale de ce processus. Leur courage nous rappelle pourquoi l’obligation de rendre des comptes est si importante. »
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