15.12.2025 à 22:30
Human Rights Watch
Dans le cadre de la vague de répression contre la liberté des médias en Éthiopie, la Deutsche Welle (DW), la chaîne publique internationale allemande, a déclaré dans un communiqué publié le 12 décembre que l'Autorité éthiopienne des médias avait suspendu définitivement deux de ses journalistes.
Le 23 octobre, l'Autorité éthiopienne des médias, une agence gouvernementale qui est habilitée à sanctionner les organes de presse opérant dans ce pays, a envoyé à DW une lettre annonçant la suspension temporaire de « toutes les activités journalistiques » menées par neuf de ses correspondants basés en Éthiopie. Dans une deuxième lettre transmise à DW la semaine dernière, l'autorité des médias a levé la suspension de sept correspondants, mais a suspendu définitivement deux autres qui couvraient les régions d'Amhara et du Tigré, déchirées par la guerre, alléguant leur « non-respect continu des lois éthiopiennes et de l'éthique professionnelle ».
Dans sa déclaration en réponse à ces suspensions, DW a indiqué que l'autorité des médias n'avait pas fourni d'exemples précis de violations, mais avait plutôt allégué de manière générale que les reportages de l'agence enfreignaient les lois nationales portant sur les médias et sur les discours haineux.
La suspension de ces journalistes met en évidence l'hostilité du gouvernement éthiopien à l'égard de tout examen indépendant de ses actions, et de reportages critiques à son égard. Depuis des années, les journalistes éthiopiens décrivent leur environnement de travail comme caractérisé par un climat de peur ; les autorités les menacent, les arrêtent et les détiennent régulièrement pour avoir publié des articles dénonçant des violations des droits humains ou critiquant le gouvernement. Des dizaines d'entre eux vivent aujourd'hui en exil.
Au cours des cinq derniers mois seulement, la police a arrêté au moins six journalistes éthiopiens, dont certains ont été détenus au secret ou en détention prolongée sans inculpation. En avril, le gouvernement a modifié la loi sur les médias, renforçant le contrôle exécutif sur l'Autorité éthiopienne des médias et son pouvoir de réglementer les médias et les journalistes, en violation des obligations régionales et internationales de l'Éthiopie quant au respect du droit à la liberté d'expression.
La décision du gouvernement à l'encontre de DW aura sans aucun doute un effet dissuasif sur l'espace restant pour les médias indépendants dans le pays.
Dans le contexte actuel – les conflits armés qui se poursuivent dans les régions d'Amhara et d'Oromia, l'hostilité croissante entre le gouvernement fédéral et les autorités du Tigré ainsi qu'avec l'Érythrée voisine, ainsi que les élections prévues pour juin 2026 – le besoin d'une couverture médiatique critique et indépendante en Éthiopie n'a jamais été aussi important. Le gouvernement éthiopien devrait d’urgence faire marche arrière, lever la suspension des journalistes de DW, et cesser d’attaquer les médias.
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15.12.2025 à 19:09
Human Rights Watch
(New York, 15 décembre 2025) – La condamnation par la Haute Cour de justice de Hong Kong de Jimmy Lai, fondateur du journal Apple Daily qui a été contraint à la fermeture, est le dernier signe en date de l’évolution dramatique observée à Hong Kong, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch ; dans cette ville, le respect de la liberté de la presse a été remplacé par une hostilité ouverte envers les médias. Les autorités de Hong Kong devrait annuler cette condamnation sans fondement, et libérer immédiatement Jimmy Lai.
Le 15 décembre, la Haute Cour qui jugeait Jimmy Lai, 78 ans, l’a reconnu coupable de deux chefs d'accusation de « complot en vue de collusion avec des forces étrangères » en vertu de la loi draconienne sur la sécurité nationale, et d'un chef d'accusation de « complot en vue de publier des publications séditieuses » en vertu de l'Ordonnance sur les crimes. Il encourt une peine pouvant aller jusqu'à la prison à vie.
« La condamnation de Jimmy Lai sur la base d'accusations fallacieuses après cinq ans d'isolement cellulaire est une cruelle parodie de justice », a déclaré Elaine Pearson, directrice pour l'Asie à Human Rights Watch. « Les mauvais traitements infligés à Jimmy Lai par le gouvernement chinois visent à réduire au silence tous ceux qui osent critiquer le Parti communiste. »
La Haute Cour a jugé que Jimmy Lai était le « cerveau » des complots présumés, cités dans les trois chefs d'accusation. Selon le tribunal, Jimmy Lai aurait conspiré avec d'autres personnes pour se rendre coupable de « collusion avec des forces étrangères » en se livrant à un « lobbying international » et en exhortant des gouvernements étrangers à imposer des « sanctions ou des blocus, ou à se livrer à d'autres activités hostiles » contre le gouvernement chinois par le biais de ses écrits, de ses émissions-débats et de ses interviews dans les médias.
Le tribunal a également jugé que Lai avait conspiré avec l’ONG Stand with Hong Kong, qui a organisé des campagnes à l'étranger appelant à des sanctions contre les autorités chinoises et hongkongaises.
En ce qui concerne l'accusation de sédition, les procureurs ont affirmé que 161 articles du journal Apple Daily, dont 33 écrits par Lai, constituaient des publications séditieuses car ils auraient alimenté la méfiance et la haine du public envers les autorités. Le tribunal a donné raison à l'accusation, jugeant que Lai avait utilisé son « influence personnelle pour mener une campagne cohérente visant à saper la légitimité » des gouvernements chinois et hongkongais.
Poursuivre quelqu'un pour avoir exercé son droit à la liberté d'expression viole le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui est intégré dans le cadre juridique de Hong Kong via la constitution de facto de la ville, la Loi fondamentale, ainsi que dans la Loi sur la déclaration des droits. Toutefois, la Loi sur la sécurité nationale en vigueur à Hong Kong est incompatible avec ces garanties en matière de droits humains.
Six anciens dirigeants et rédacteurs en chef d'Apple Daily avaient déjà plaidé coupables à des accusations similaires dans la même affaire. Une audience visant à examiner les circonstances atténuantes est prévue le 12 janvier 2026, suivie du prononcé de la peine. En vertu de l'article 29 de la Loi sur la sécurité nationale, les personnes reconnues coupables de « collusion avec l'étranger » de « nature grave » encourent une peine de 10 ans à perpétuité, tandis que les autres encourent une peine de 3 à 10 ans. L'accusation de « sédition », en vertu de l'Ordonnance sur les crimes, est passible d'une peine maximale de 2 ans de prison.
Les poursuites engagées contre Jimmy Lai ont été entachées de nombreuses violations graves du droit à un procès équitable, notamment le fait d'avoir été jugé par des juges choisis par le gouvernement de Hong Kong, de s'être vu refuser un procès devant jury, d'avoir été soumis à une détention provisoire prolongée et de s'être vu refuser le droit de choisir son avocat. En 2023, la Haute Cour a confirmé la décision du gouvernement d'interdire à un avocat britannique, Timothy Owen, de représenter Lai. Les autorités ont également refusé à Lai, citoyen britannique, l'accès au consulat du Royaume-Uni, en violation de la Convention de Vienne sur les relations consulaires, à laquelle la Chine est un État partie.
Jimmy Lai purge déjà une peine de 5 ans et 9 mois de prison pour « fraude » et « participation à un rassemblement non autorisé ». Il souffre de diabète et est détenu en isolement cellulaire prolongé, une forme de torture, depuis décembre 2020. Sa famille a exprimé à plusieurs reprises ses inquiétudes concernant la détérioration de son état de santé, notamment des problèmes cardiaques et des signes de déclin physique.
Depuis que Pékin a imposé la Loi sur la sécurité nationale à Hong Kong en juin 2020, au moins 14 médias indépendants ont été fermés, dont Apple Daily en juin 2021 et Stand News en décembre 2021. Ces deux médias influents ont été contraints de fermer à la suite de descentes de police très médiatisées et de l'arrestation de leurs rédacteurs en chef pour des crimes contre la sécurité nationale.
En août 2024, deux journalistes de Stand News ont été condamnés pour « sédition » en vertu de l'ordonnance sur les crimes. Le gouvernement de Hong Kong a également harcelé à plusieurs reprises l'Association des journalistes de Hong Kong et des journalistes, exigeant le paiement d'arriérés d'impôts sans aucune justification évidente.
« Suite au simulacre de procès subi par Jimmy Lai, les gouvernements étrangers devraient faire pression sur les autorités hongkongaises pour qu'elles annulent sa condamnation et le libèrent immédiatement », a conclu Elaine Pearson. « Le gouvernement chinois et les autorités de Hong Kong devraient subir des conséquences pour leurs efforts incessants visant à museler la presse hongkongaise. »
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15.12.2025 à 18:22
Human Rights Watch
(Sydney) – Dimanche soir, une belle soirée d'été dans l’hémisphère sud s'est transformée en un cauchemar terrifiant lorsque deux hommes armés ont ouvert le feu sur des personnes qui célébraient la première nuit de la fête juive de Hanouka sur la plage de Bondi, dans la banlieue de Sydney en Australie. L’attentat a fait quinze morts, et l’un des deux tireurs a aussi été tué ; au moins 42 personnes ont été blessées. Le deuxième tireur a été arrêté et placé en détention.
« Une attaque contre les Juifs australiens est une attaque contre tous les Australiens », a déclaré hier soir le Premier ministre australien Anthony Albanese lors d'une conférence de presse. « L'Australie ne cédera jamais aux tentatives de division, ni à la violence ni à la haine. »
Un leadership politique fort est essentiel pour garantir que chaque personne puisse vivre en sécurité et pratiquer sa religion. Les mesures nécessaires pour lutter contre l'intolérance et l'extrémisme violent feront l'objet d'un débat crucial en Australie dans les jours et les semaines à venir.
L'attaque de Bondi est la fusillade de masse la plus meurtrière en Australie depuis trois décennies, après le massacre de Port Arthur en 1996, qui avait entraîné des changements importants dans la législation australienne sur les armes à feu. L’Accord national sur les armes à feu (National Firearms Agreement, NFA) est largement considéré comme l'un des principaux faits marquants du mandat de l'ancien Premier ministre John Howard. Cette législation interdit aux citoyens l’achat de fusils semi-automatiques et de fusils à pompe, et impose des conditions strictes pour l'obtention d'un permis requis pour l’achat de toute arme à feu.
Cette attaque est survenue après une recrudescence des crimes antisémites à Sydney, dont trois incidents dans l'espace de deux semaines en janvier dernier. Un incendie criminel a été perpétré dans une crèche située près d'une école juive et d'une synagogue dans la banlieue de Maroubra, et des graffitis antisémites ont ensuite été vus parmi les décombres. Également en janvier, des croix gammées ont défiguré les murs de deux synagogues ; et l'ancien domicile d'un éminent leader de la communauté juive a été incendié, et quatre voitures détruites.
Le travail de la police, dont celui des enquêteurs, mené d’une manière respectueuse des droits, est essentiel pour protéger les personnes ; c’est le cas selon le sens le plus direct et physique du mot « protéger ». Mais afin de lutter contre les motivations qui sous-tendent de tels crimes haineux, il faut aller beaucoup plus loin. Ces événements mettent en évidence la nécessité pour le gouvernement australien de renforcer les initiatives communautaires contre le racisme, ainsi que d'investir dans l'éducation et le dialogue communautaire afin de lutter contre les préjugés. Les politiciens ne doivent pas exploiter cette tragédie pour semer davantage la haine ou la division.
Les autorités au niveau communautaire, régional et national devraient consacrer d’importants investissements aux efforts visant à contrer les menaces ou les actes d'incitation, la diffusion de contenus haineux en ligne et de fausses informations préjudiciables, et à promouvoir l'inclusion et le respect de toutes les communautés en Australie.
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