11.11.2025 à 17:20
Human Rights Watch
La plupart de ses vidéos montraient des instants de rires, des moments en musique et la couleur de la vie quotidienne à Tonka, sa ville natale située à la lisière du désert malien, près de Tombouctou. Sur TikTok, Mariam Cissé, 20 ans, partageait non seulement des moments de joie, mais exprimait aussi souvent son soutien aux forces armées maliennes dans une région ravagée par un conflit armé depuis 2012. La semaine dernière, ces vidéos, vues par près de 100 000 abonnés, ont eu des conséquences mortelles.
Click to expand Image Une capture d'écran de Mariam Cissé dans une vidéo postée sur TikTok en septembre 2025. © 2025 PrivéLe 6 novembre, des combattants islamistes, présumés membres du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM ou Jama'at Nusrat al-Islam wa al-Muslimeen, JNIM), lié à Al-Qaïda, ont enlevé Mariam Cissé alors qu'elle filmait lors d’une foire locale à Tonka. Le lendemain, ils l'ont ramenée sur la place centrale de Tonka et l'ont exécutée devant des habitants terrifiés, l'accusant de collaborer avec l'armée malienne.
Un vendeur de téléphones âgé de 30 ans a déclaré qu’il avait vu, le 7 novembre, un groupe de combattants islamistes lourdement armés se diriger vers le centre-ville à moto. Il a reconnu Mariam Cissé à l'arrière de l'une d'elles. « Nous les avons suivis », a-t-il déclaré. « Et lorsque nous sommes arrivés sur la place, nous avons entendu des coups de feu. » L'homme a ajouté que les combattants avaient déclaré que cette exécution était un avertissement adressé à tous ceux qui soutenaient l'armée malienne.
Des habitants ont déclaré qu'il n'y avait pas de forces de sécurité maliennes stationnées à Tonka, une ville de 53 000 habitants, et que la base militaire la plus proche se trouvait à Goundam, à 31 kilomètres de là. « Les soldats sont arrivés le 8 novembre, après l'enterrement de Mariam », a déclaré un autre habitant.
Le GSIM a récemment renforcé son emprise sur le Mali. Depuis début septembre, le groupe armé assiège Bamako, la capitale, et a coupé l'approvisionnement en carburant, perturbant ainsi les transports et l'accès à l'électricité, et forçant la junte militaire à fermer temporairement les écoles et les universités.
Toutes les parties au conflit armé au Mali sont tenues de respecter le droit international humanitaire, notamment l'article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 et au droit de la guerre coutumier. Le droit de la guerre interdit les exécutions sommaires, considérées comme des crimes de guerre.
Les groupes armés islamistes, les forces de sécurité maliennes et leurs milices alliées sont depuis longtemps responsables de massacres et d'autres atrocités commises contre des civils. Peu de personnes, d'un côté comme de l'autre, ont été amenées à rendre des comptes, ce qui ne fait qu'encourager de nouveaux abus. Le meurtre brutal de Mariam Cissé, dont les vidéos ont touché des milliers de personnes, permettra peut-être à des gens même bien au-delà des frontières du Mali de comprendre le véritable coût de cette guerre.
10.11.2025 à 20:17
Human Rights Watch
Le 2 novembre, les funérailles de Cheikh Touré, un jeune et prometteur gardien de but sénégalais, ont finalement eu lieu après que son corps ait été rapatrié du Ghana. Selon les médias, Cheikh Touré s'était rendu au Ghana en pensant être mis en contact avec des recruteurs de footballeurs. Ces derniers l'auraient kidnappé, extorqué de l'argent à sa mère et tué. Le ministère sénégalais des Affaires étrangères a indiqué que Cheikh Touré avait probablement été « victime d’un réseau d’escroquerie et d’extorsion de fonds ».
Cette affaire a suscité l'indignation et la tristesse du public au Sénégal et au Ghana, y compris parmi la communauté footballistique. Les autorités des deux pays enquêtent sur le cas de Cheikh Touré, et les responsables sénégalais ont annoncé le 24 octobre que deux autres jeunes joueurs détenus au Ghana avaient été libérés.
Cette tragédie met en lumière la vulnérabilité des jeunes joueurs face aux escroqueries et aux tentatives d'extorsion, auxquelles les jeunes footballeurs du continent africain sont régulièrement exposés. Incités à signer de faux contrats dans des pays africains, en Asie du Sud-Est et en Europe, de jeunes Africains ont vu leurs rêves et leurs vies brisés par des réseaux de traite d'êtres humains.
Si la professionnalisation du football mondial a sans aucun doute créé des opportunités exceptionnelles pour les jeunes joueurs, elle a également mis en évidence le manque de protection des mineurs par les fédérations internationales telles que la FIFA, ainsi que l'incapacité des autorités publiques à surveiller les conditions des jeunes joueurs. Ces deux défaillances ont favorisé le développement du trafic d'êtres humains et d'autres formes d'abus dans le domaine du football. Un rapport de Mission89 affirme que des centaines de joueurs en Afrique de l'Ouest sont victimes chaque année de la traite des êtres humains, ceux issus de milieux défavorisés étant les plus exposés.
« La traite des êtres humains dans le football n'est pas une crise cachée, c'est une crise ignorée », a déclaré Ahmar Maiga, directeur exécutif de l'Association pour la protection des jeunes sportifs en Afrique – Mali (Young Players Protection in Africa-Mali, YPPA-Mali) et membre du Conseil consultatif du réseau Sport & Rights Alliance. « Nous avons un besoin urgent de surveillance, de protection et de reddition des comptes pour protéger les jeunes athlètes africains. »
« Le rêve de Cheikh Touré a été volé, mais son histoire doit réveiller la conscience du monde du football », a déclaré Khayran Noor, avocate kenyane et fondatrice de Sports Legal. « Protéger les jeunes joueurs et joueuses africain-e-s n'est pas une œuvre de charité, c'est la responsabilité du monde des acteurs du football. »
Les autorités sénégalaises et ghanéennes devraient faire toute la lumière sur le cas de Cheik Touré, afin de démanteler les réseaux apparemment responsables de sa mort. En outre, les responsables sénégalais et de l'Union africaine devraient collaborer avec la FIFA et la Confédération Africaine de Football (CAF) à la veille des Jeux olympiques de la jeunesse de 2026 à Dakar, afin de renforcer les cadres régionaux de protection des joueur-euse-s. Les réformes devraient inclure la mise en œuvre du Plan d’Action de Ouagadougou contre la traite des êtres humains et l'élaboration d'un code continental de protection des jeunes athlètes.
10.11.2025 à 06:00
Human Rights Watch
(Washington, 10 novembre 2025) – Le gouvernement des États-Unis, y compris le Congrès, devrait aborder la question des violations des droits humains commises par l’Arabie saoudite lors de la visite du prince héritier Mohammed ben Salmane à Washington le 18 novembre, ont conjointement déclaré aujourd'hui 11 organisations, dont Human Rights Watch.
L'administration Trump accueillera le prince héritier lors de sa première visite aux États-Unis depuis qu'il a approuvé le meurtre du journaliste du Washington Post Jamal Khashoggi en 2018 ; Mohammed ben Salmane supervise une répression des droits humains sans précédent en Arabie saoudite.
Voici ci-dessous les déclarations de représentant-e-s de six des 11 organisations de défense des droits humains soussignées, au sujet de cette visite :
Sarah Yager, directrice de Human Rights Watch à Washington :
« Le prince héritier d'Arabie saoudite tente de se présenter comme un homme d'État de stature mondiale, mais la réalité dans son pays est celle d'une répression massive, d'un nombre record d'exécutions et d'une tolérance zéro pour la dissidence. Les responsables américains devraient faire pression pour que des changements soient apportés, plutôt que de poser pour des photos. »
Matt Wells, directeur adjoint de Reprieve US :
« À la suite de l'assassinat de Jamal Khashoggi, le régime de Mohammed ben Salmane avait subi des pressions internationales pour améliorer son bilan en matière de droits humains, et ces pressions avaient mené à certains changements. Certains mineurs condamnés à mort ont été rejugés et libérés, et entre juillet 2021 et juillet 2025, aucune exécution n'a eu lieu pour des crimes commis en tant que mineur.
Toutefois, les récentes exécutions de Jalal al-Labbad et Abdullah al-Derazi montrent la brutalité du régime saoudien, qui agit en toute impunité en défiant ses partenaires qui s’opposent à de tels actes. Les États-Unis devraient d’urgence reconsidérer leur aide massive en matière de sécurité à un pays qui exécute des personnes pour avoir participé à des manifestations alors qu'elles n’avaient que 15 ans. Il est trop tard pour Jalal et Abdullah, mais un signal fort de la part des États-Unis indiquant que cela est inacceptable pourrait sauver la vie de Youssef al-Manasif. »
Abdullah Alaoudh, directeur senior chargé des questions de lutte contre l'autoritarisme au Middle East Democracy Center (MEDC) :
« Il est tragiquement ironique qu’alors même que l'Arabie saoudite procède à un nombre record d'exécutions, dont celle de l’éminent journaliste Turki al-Jasser il y a quelques mois, MBS [Mohammed ben Salmane] se rendra à Washington pour sa première visite depuis le meurtre brutal de Jamal Khashoggi par son régime.
Le changement en Arabie saoudite semble être qu’on est passé du meurtre de journalistes derrière des portes closes, à leur exécution au vu et au su de tous. »
Liesl Gerntholtz, directrice générale du PEN/Barbey Freedom to Write Center :
« L'Arabie saoudite reste l'un des pays qui emprisonne systématiquement le plus grand nombre d’écrivains, étant régulièrement classée parmi les trois pays en tête du classement établi selon l'indice « Freedom to Write Index » de PEN America.
Nous avons vu à maintes reprises les autorités saoudiennes utiliser leur système judiciaire comme une arme pour réduire les écrivains au silence, prononçant des peines draconiennes et, dans certains cas, exécutant des personnes dont le seul crime était de s'exprimer librement. Alors que la Maison Blanche s’apprête a accueillir le prince héritier, les représentants du gouvernement américain devraient condamner la répression continue du gouvernement saoudien à l'encontre des dissidents et des écrivains en danger. Nous exhortons l'administration Trump à donner la priorité aux droits humains et à la liberté d'expression. »
Raed Jarrar, directeur du plaidoyer à Democracy for the Arab World Now (DAWN)
« L'administration Trump déroulera le tapis rouge pour l'homme qui a approuvé le meurtre et le démembrement de Jamal Khashoggi, qui a fondé notre organisation.
Nous savons que le président Trump ne demandera pas à MBS de révéler où se trouvent les restes du corps de Jamal, afin que sa famille puisse enfin l'enterrer. Mais le moins que Trump puisse faire, le strict minimum, serait de faire publiquement pression sur MBS pour qu'il libère les dizaines d'activistes, d'écrivains et de réformateurs qui croupissent dans des prisons saoudiennes pour avoir commis le « crime » de s'exprimer librement. »
Abdullah Aljuraywi, responsable de campagnes à ALQST for Human Rights :
« Derrière la façade scintillante de l'Arabie saoudite, la répression des citoyens et des résidents du royaume se poursuit sans relâche. Pour éviter d'encourager cette situation, les États-Unis devraient user de leur influence pour obtenir des engagements concrets, notamment la libération d’activistes détenus, la levée des interdictions de voyager arbitraires et la cessation des exécutions basées sur des motifs politiques. »
Organisations signataires :
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