03.12.2025 à 20:54
Human Rights Watch
(Washington, 3 décembre 2025) – La Fédération Internationale de Football Association (FIFA) devrait joindre le geste à la parole en matière de droits humains, a déclaré aujourd'hui une coalition d'organisations de défense des droits humains, de syndicats et de groupes de supporters. Le 5 décembre, la FIFA procèdera au tirage au sort des matches de la Coupe du monde 2026 au Kennedy Center à Washington, et décernera son premier « Prix de la paix de la FIFA ».
La Sport & Rights Alliance, Dignity 2026, l'ACLU, l'AFL-CIO, Amnesty International, Human Rights Watch, l'Independent Supporters Council, la NAACP, Athlete Ally et Reporters sans frontières exhortent conjointement la FIFA a organiser une Coupe du monde qui respecte les droits des supporters, des joueurs, des travailleurs, des journalistes et des communautés locales.
La Coupe du monde masculine de la FIFA 2026, co-organisée par les États-Unis, le Canada et le Mexique, représentera une occasion de mettre en œuvre un nouveau modèle pour les événements de la FIFA, ont déclaré les organisations. Dans le cadre de ce modèle, la FIFA devrait soutenir une protection solide des travailleurs, garantir les droits des enfants, défendre la liberté des médias et veiller à ce que les travailleurs et les communautés bénéficient de l'organisation de futurs méga-événements sportifs.
« Les travailleurs, les athlètes, les supporters et les communautés rendent la Coupe du monde possible », a déclaré Andrea Florence, directrice exécutive de la Sport & Rights Alliance. « La Coupe du monde 2026 est la première à intégrer des critères relatifs aux droits humains dans le processus d'appel d'offres. Mais la détérioration de la situation des droits humains aux États-Unis met ces engagements en péril. »
À 200 jours du coup d'envoi de la Coupe du monde 2026, l'escalade des attaques contre les personnes migrantes aux États-Unis, l'annulation par la FIFA de ses messages anti-discrimination et les menaces qui pèsent sur la liberté de la presse et les droits des manifestants pacifiques sont de mauvais augure pour ce tournoi, ont déclaré les groupes de défense des droits humains et des travailleurs.
Le processus d'attribution du Prix de la paix de la FIFA manque de transparence. Human Rights Watch a écrit à la FIFA pour demander la liste des nominés, des juges, des critères et du processus d'attribution du Prix de la paix. Human Rights Watch n'a reçu aucune réponse.
« Le soi-disant prix de la paix de la FIFA sera décerné dans un contexte de détentions violentes d'immigrants, de déploiement de la garde nationale dans des villes américaines et de la décision obséquieuse de la FIFA d'annuler ses propres campagnes antiracistes et antidiscriminatoires de la FIFA », a déclaré Minky Worden, qui supervise le travail de Human Rights Watch au sujet des droits dans le contexte des sports. « La FIFA a encore le temps d'honorer ses promesses sur la tenue d'une Coupe du monde non entachée de violations des droits humains, mais le compte à rebours a commencé. »
Les experts des groupes de la société civile ont exprimé leurs préoccupations à l’égard des domaines suivants :
Droits des travailleurs
« La Coupe du monde masculine de la FIFA 2026 est l'occasion de mettre en œuvre un nouveau modèle pour les événements de la FIFA qui soutient une protection solide des droits des travailleurs et garantit que les travailleurs et les communautés bénéficient de l'accueil de ce type de méga-événements sportifs », a déclaré Cathy Feingold, directrice internationale de l'AFL-CIO et vice-présidente de la CSI. « Les travailleurs rendent la Coupe du monde possible en travaillant dans les stades, en préparant les infrastructures, en jouant les matchs et en assurant le divertissement. Compte tenu du travail qu'ils accomplissent pour rendre les matchs possibles, la FIFA doit respecter ses engagements afin que les matchs se déroulent dans le respect effectif des droits des travailleurs et des droits humains. »
Liberté des médias
« Tous les quatre ans, des milliards de personnes tournent leur attention vers la Coupe du monde et ses pays hôtes », a déclaré Clayton Weimers, directeur exécutif de Reporters sans frontières (RSF) États-Unis. « Ils comptent sur les journalistes pour leur fournir des informations fiables et contextualisées afin de raconter l'histoire de ce tournoi, tant sur le terrain qu'en dehors. Malheureusement, les journalistes aux Etats-Unis voient leur accès restreint, leurs visas menacés et leur sécurité remise en question. La FIFA et les gouvernements hôtes doivent garantir la liberté et la sécurité des journalistes avant, pendant et après la Coupe du monde 2026. »
Immigration et application de la loi
« L'administration Trump a mené une campagne systématique et agressive contre les droits humains visant à cibler, détenir et faire disparaître les immigrants dans les communautés à travers les États-Unis, notamment en déployant la Garde nationale dans les villes où se déroulera la Coupe du monde », a déclaré Jamil Dakwar, directeur de recherches sur les droits humains à l'American Civil Liberties Union (ACLU). « La politique de la FIFA stipule qu'elle tirera parti de ses relations commerciales pour atténuer les effets négatifs sur les droits humains. Il est essentiel qu'elle use de son influence pour mettre fin aux violations des droits, notamment la liberté d'expression et le droit de réunion. Nous appelons la FIFA à honorer ses engagements en matière de droits humains et à ne pas céder à l'autoritarisme de Trump. »
« Assister à un match de football ne devrait jamais entraîner une détention arbitraire ou une expulsion », a ajouté Daniel Noroña, directeur du plaidoyer pour les Amériques à Amnesty International USA. « La menace d'une surveillance policière excessive, y compris en matière d'immigration, sur les sites de la Coupe du monde est profondément préoccupante, et la FIFA ne peut rester silencieuse. La FIFA devrait obtenir des autorités américaines des garanties contraignantes que le tournoi sera un espace sûr pour tous, indépendamment de la position politique, de l'opinion ou du statut d'immigration. »
Droits civils et lutte contre la discrimination
« La décision de la FIFA d'annuler les messages antiracistes et antidiscriminatoires lors de la Coupe du monde des clubs a envoyé un signal inquiétant aux communautés de couleur et à tous ceux qui se sont battus pour l'égalité dans le sport », a déclaré Jamal Watkins, vice-président senior chargé de la stratégie et du développement à la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP). « À l'heure où les crimes haineux sont en augmentation et où les programmes DEI sont attaqués, la FIFA ne devrait pas battre en retraite. »
Droits des athlètes et sécurité des personnes LGBTQ+
« En tant qu'athlète ouvertement gay, je sais ce que signifie concourir dans des environnements où l'on n'est pas sûr d'être en sécurité », a déclaré Matthew Pacifici, ancien joueur professionnel américain et ambassadeur d'Athlete Ally. « Les joueurs et les supporters LGBTQ+ ont besoin de plus que des gestes symboliques : nous avons besoin de protections applicables. Les chants homophobes entendus lors de la Coupe du monde des clubs à Atlanta montrent exactement pourquoi le recul de la FIFA en matière de messages anti-discrimination est si dangereux. Les joueurs et les supporters doivent savoir que la FIFA les protégera et ne les abandonnera pas. »
Prise en compte des opinions des supporters, sécurité des fans
« Les supporters sont la colonne vertébrale de ce sport, mais la FIFA continue de prendre des décisions concernant notre sécurité sans jamais consulter les personnes qui se rendent réellement sur place », a déclaré Bailey Brown, présidente de l'Independent Supporters Council. « On ne peut pas prétendre “unir le monde” tout en excluant les supporters qui apportent leur énergie et leur passion à chaque match. Nous demandons quelque chose de simple : de la transparence, une véritable consultation et des protections concrètes pour tous les supporters lors de la Coupe du monde 2026. »
Protection des enfants
« Il est inacceptable que la FIFA n'ait pas de politique de protection des enfants pour la Coupe du monde 2026 », a déclaré Katherine La Puente, coordinatrice senior auprès de la division Droits des enfants à Human Rights Watch. « Parmi les risques auxquels les enfants peuvent être confrontés dans le cadre de grands événements sportifs figurent la traite, l'exploitation sexuelle, le travail des enfants et les séparations familiales, entre autres formes de violence et d'abus. »
Droits des résidents et des communautés des villes hôtes
« Pour que la Coupe du monde « unisse véritablement le monde », la FIFA et les comités d'organisation doivent veiller à ce que les droits et la dignité de chacun, qu'il s'agisse des résidents ou des visiteurs, soient protégés et ne soient pas bafoués », a déclaré Jennifer Li, coordinatrice de Dignity 2026 et directrice du Center for Community Health Innovation à Georgetown Law. « Par exemple, les personnes sans abri ne devraient pas être criminalisées en raison de leur statut ni déplacées dans le cadre de soi-disant efforts d'embellissement. La FIFA et les villes hôtes ont la responsabilité de veiller à ce que les communautés d'accueil tirent profit de cet événement et que les résidents les plus vulnérables n'en supportent pas le coût le plus élevé. »
Plans des villes hôtes
Dans le cadre du programme de la FIFA en matière de droits humains pour la Coupe du monde 2026, chacune des 16 villes hôtes est tenue d'élaborer son propre « plan d'action en faveur des droits humains » afin de prévenir la discrimination, de soutenir les droits des travailleurs, de protéger les enfants et de lutter contre la traite des êtres humains.
Human Rights Watch, en collaboration avec Sport & Rights Alliance, Dignity 2026 et leurs organisations membres, appellent la FIFA et les comités d'organisation à :
Réintroduire des messages anti-discrimination ;S'engager à garantir une protection efficace contre le profilage racial, les détentions arbitraires et les mesures illégales en matière d'immigration pendant le tournoi ;Travailler en étroite collaboration avec les partenaires communautaires pour finaliser les plans d'action en faveur des droits humains ;Prendre des mesures efficaces pour garantir le respect des droits à la liberté d'expression et à la manifestation pacifique ;Annoncer et mettre en œuvre une politique globale de protection des enfants ;Veiller à ce que la communauté tire un bénéfice significatif de la Coupe du monde 2026 ; etPrendre des mesures efficaces pour garantir que la Coupe du monde 2026 n'entraîne pas d'abus à l'encontre des communautés vulnérables, y compris la détention de personnes sans domicile fixe.À propos de la Sport & Rights Alliance
La Sport & Rights Alliance promeut les droits et le bien-être des personnes les plus touchées par les risques liés aux droits humains dans le sport. Parmi ses partenaires figurent Amnesty International, The Athlete Survivors’ Assist, Building and Wood Workers' International (l'Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois_, Football Supporters Europe, Human Rights Watch, ILGA World, International Trade Union Confederation (Confédération syndicale internationale), Reporters Without Borders (Reporters sans frontières), Transparency International, World Players Association et UNI Global Union.
À propos de la coalition Dignity 2026
La coalition Dignity 2026 regroupe 16 organisations syndicales, communautaires et de défense des droits humains qui œuvrent pour faire progresser les droits humains et les droits du travail dans le cadre de la Coupe du monde masculine de football 2026 : AFL-CIO, ACLU, Athlete Ally, Atlanta Policing Alternatives & Diversion Initiative, Center for Community Health Innovation at Georgetown Law, Centro de los Derechos del Migrante, Global Labor Justice, Independent Supporters Council, Jobs with Justice, PowerSwitch Action, Grassroots Law & Organizing for Workers, Human Rights Watch, NAACP, Sport & Rights Alliance, The Athlete Survivors' Assist et Toronto Community Benefits Network.
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03.12.2025 à 11:20
Human Rights Watch
Le président français Emmanuel Macron devrait insister en privé et en public sur l'importance des droits humains dans les relations franco-chinoises lors de sa visite en Chine du 3 au 5 décembre 2025, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. La visite d’Emmanuel Macron est l'une des nombreuses rencontres de haut niveau entre les dirigeants européens et chinois dans le contexte des relations géopolitiques complexes et en pleine mutation entre l'Europe, la Chine et les États-Unis.
Le président Macron devrait montrer sa volonté de prendre des mesures concrètes en réponse à la répression croissante en Chine. Parmi les questions clés figurent les violations des droits du travail dans les chaînes d'approvisionnement chinoises, l'utilisation par la Russie de drones commerciaux produits par des entreprises chinoises pour attaquer des civils en Ukraine, et le recours par la Chine à la répression transnationale pour cibler ses détracteurs à l'étranger, notamment en France.
« Le mépris de la Chine pour les droits humains a des implications importantes pour la France, qu'il s'agisse des armes utilisées dans les attaques illégales de la Russie en Ukraine ou des chaînes d'approvisionnement abusives qui nuisent à une concurrence loyale pour les industries européennes », a déclaré Bénédicte Jeannerod, directrice France de Human Rights Watch. « Macron devrait briser les silos entre les droits humains et les autres sujets et faire preuve de leadership en abordant ces préoccupations dans les discussions politiques de haut niveau avec la Chine. »
Les efforts de la France et d'autres pays de l'UE pour faire face aux graves violations des droits humains en Chine ont été compromis par leur volonté de les dissocier des autres aspects économiques et politiques de leurs relations, a déclaré Human Rights Watch. Macron devrait reconnaître leur interconnexion et faire preuve de leadership en incluant les droits humains dans ses discussions politiques plus larges avec la Chine.
L'ouverture de la première boutique physique au monde de l’entreprise chinoise Shein à Paris a soulevé de nombreuses inquiétudes, notamment concernant le modèle commercial de l'entreprise qui reposerait sur des abus en matière de travail et des pratiques commerciales trompeuses, notamment en lien avec le travail forcé imposé par l’Etat dans le Xinjiang.
Des médias et des organisations non gouvernementales ont rapporté que les travailleurs de Shein en Chine travaillent pendant des heures excessives pour un salaire très bas. Shein a répondu qu'elle s'engageait à soutenir ses fournisseurs pour créer des conditions de travail conformes aux normes internationales en matière de santé et de sécurité, de travail et de protection sociale.
Des organisations de défense des droits humains ont également documenté le recours au travail forcé imposé par l'État chinois impliquant des Ouïghours et d'autres communautés musulmanes turciques dans les chaînes d'approvisionnement chinoises du coton, de l'automobile, de l'énergie solaire et des minéraux critiques. Les Nations Unies, Human Rights Watch et d'autres organisations documentent depuis plusieurs années les crimes contre l'humanité commis par les autorités chinoises au Xinjiang, une région à majorité musulmane ouïghoure.
Une fois pleinement mise en œuvre en décembre 2027, le réglement de l'Union européenne sur le travail forcé constituera un outil important pour empêcher l'entrée sur le marché européen des produits issus du travail forcé, notamment ceux provenant de Chine. Le risque de violations des droits humains dans les chaînes d'approvisionnement montre également la nécessité de préserver la législation européenne en matière de durabilité des entreprises, que l'UE, avec le soutien du gouvernement français, cherche actuellement à affaiblir.
Macron a poussé l'UE à utiliser sa loi « bazooka commercial », l'instrument anti-coercition, pour lutter contre les pratiques commerciales coercitives de la Chine. Mais il devrait réaffirmer que le respect total par la Chine des conventions internationales récemment ratifiées par ce pays – la convention n° 29 de l'Organisation internationale du travail (OIT) sur le travail forcé et la convention n° 105 de l'OIT sur le travail forcé imposé par l'État – est essentiel pour renforcer les liens entre les deux pays.
En juin, Human Rights Watch a documenté l'utilisation par la Russie de drones commerciaux produits par des entreprises basées en Chine pour attaquer des civils à Kherson, en Ukraine. Macron devrait faire pression sur le gouvernement chinois pour qu'il veille à ce que ces entreprises de drones ne vendent pas à des entités sanctionnées et coopèrent dans les enquêtes sur les attaques illégales contre des civils en Ukraine.
La Chine a également multiplié les violations transfrontalières – connus sous le nom de répression transnationale – pour opprimer les détracteurs de son gouvernement à l'étranger et imposer un contrôle idéologique, y compris en France.
Dans une affaire récente, les autorités chinoises ont arrêté en juillet Tara Zhang Yadi, une étudiante chinoise qui étudiait en France, à son retour en Chine. Elle risque jusqu'à 5 ans de prison, voire 15 ans si elle est reconnue coupable d'être la meneuse d’actes d’ « incitation à la division du pays et à la subversion de l'unité nationale », pour avoir défendu les droits des Tibétains pendant son séjour en France. Cette arrestation s'inscrit dans le cadre d'une campagne plus large menée par le gouvernement chinois pour exiger que les institutions étrangères, y compris les musées français, désignent le Tibet sous le nom de Xizang, nom mandarin de la région.
« Des millions de personnes en Chine, en France et dans l'Union européenne continuent de subir le poids de la répression et des abus de Pékin », a déclaré Bénédicte Jeannerod. « Macron devrait cesser d'essayer de justifier le silence de la France sur les droits humains et affirmer clairement que la répression du gouvernement chinois affecte de nombreux intérêts fondamentaux de la France et de l'Union européenne, et que la Chine doit changer de cap pour maintenir des relations solides. »
03.12.2025 à 06:01
Human Rights Watch
(New York) – L’arrestation aux États-Unis et le renvoi vers son pays d’un demandeur d'asile qui avait emmené ses enfants voir la finale de la Coupe du monde des clubs de football le 13 juillet suscite de profondes inquiétudes quant à la sécurité des personnes non américaines qui assisteront à la Coupe du monde dans ce pays en 2026, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
En mai, Human Rights Watch a écrit à la Fédération Internationale de Football Association (FIFA), organisatrice de la Coupe du monde, pour exprimer ses préoccupations concernant les risques et l’impact de la politique américaine en matière d’immigration sur la Coupe du monde 2026 et la Coupe du monde des clubs de 2025, recommandant une « action immédiate » face à l’approche du problème migratoire choisie par le gouvernement américain, qui crée des risques et menace de compromettre la capacité de la FIFA d’honorer les valeurs qu’elle revendique comme siennes en matière de droits humains, d’inclusion et de participation mondiale.
La FIFA a répondu le 3 juin, affirmant qu’elle « attend … des pays hôtes qu’ils prennent les mesures nécessaires pour assurer que toute personne qualifiée qui est impliquée dans la Compétition puisse entrer sur le territoire de ces pays » et qu’elle « travaille activement sur cette question avec les autorités compétentes. » La FIFA a également affirmé qu’elle s’adresserait aux autorités compétentes si elle était saisie de préoccupations concernant les droits humains.
Mais l’incident survenu lors de la finale de la Coupe du monde des clubs, révélé par Human Rights Watch, illustre bien les limites des efforts de la FIFA pour faire face aux graves risques de violation de leurs droits humains auxquels sont exposés les non-citoyens lors d’événements organisés par la FIFA aux États-Unis.
« Un père qui aime le football et avait prévu une journée spéciale avec ses enfants à l’occasion d’un tournoi de la FIFA s’est retrouvé en détention pendant trois mois, puis a été renvoyé vers un pays où il affirme que sa vie est en danger », a déclaré Minky Worden, directrice des Initiatives mondiales à Human Rights Watch. « Dans le cadre de la politique de l'administration Trump, la répression de l’immigration lors de grands événements sportifs peut déchirer des familles et exposer des personnes qui ont fui des persécutions à des dangers mortels. »
Cet homme, dont le nom et le pays d’origine sont tenus confidentiels à sa demande, a été arrêté dans le New Jersey juste avant la finale de la Coupe du monde des clubs entre Chelsea (Angleterre) et Paris Saint-Germain (France). Il était sur l’aire de stationnement du complexe commercial American Dream, à proximité du stade MetLife, avec deux de ses enfants âgés de 10 et 14 ans, attendant le début du match.
L'homme et les membres de sa famille ont affirmé à Human Rights Watch que la police l’a interrogé, puis arrêté, après qu’il eut tenté de faire voler un petit drone pour prendre une photo de sa famille. Le drone fonctionnant mal, il l’a remis dans sa voiture et a été arrêté à ce moment-là.
Une ordonnance locale interdit l’utilisation de drones au-dessus du complexe de MetLife, en application d’une directive de l’Administration fédérale de l’aviation (Federal Aviation Administration, FAA) qui proscrit l’usage de drones dans et aux alentours des stades pendant des événements sportifs. Une violation non intentionnelle de l’interdiction de la FAA est une infraction civile qui occasionne habituellement une simple amende, selon un avocat spécialisé dans les questions d’aviation consulté par Human Rights Watch.
L'homme a affirmé que l’agent qui l’a interrogé lui a d’abord dit qu’on lui dresserait un procès-verbal et qu’on le remettrait rapidement en liberté. Mais au contraire, les policiers l’ont questionné sur son statut migratoire, puis l’ont remis aux agents de l’Autorité de l’immigration et des douanes (Immigration and Customs Enforcement, ICE). Le même jour, ceux-ci l’ont placé en détention et ont entamé une procédure d’expulsion.
Interrogé sur son lieu de détention, il a déclaré à Human Rights Watch que son dernier souvenir du jour de son arrestation était d’avoir « vu mes enfants pleurer parce que j’étais capturé ». Ses enfants pensaient que leur père serait libéré à temps pour assister au match. Mais quand un de ses enfants a voulu localiser son téléphone, il a constaté que son père était à 40 minutes de distance, a indiqué l’épouse de cet homme à Human Rights Watch.
Les personnes qui risquent l’expulsion ont le droit de faire une demande d’asile. La famille a affirmé avoir fui son pays d’origine en 2022 après qu’un groupe armé eut menacé de les tuer.
Mais l’administration du président Donald Trump n’autorise généralement pas de remises en liberté après une détention pour immigration illégale, même si les demandeurs d’asile peuvent verser une caution, une somme d’argent garantissant qu’ils continueront de comparaître aux audiences d’expulsion potentielle.
Au bout de trois mois de détention d’immigration, cet homme a décidé de ne pas faire appel lorsque le juge d’immigration a rejeté sa demande d’asile. Il a déclaré à Human Rights Watch que la perspective de rester enfermé encore plus longtemps le désespérait. « C’est très psychologique ce qu’ils vous font subir là-bas.… Vous voulez vraiment en sortir au plus tôt. »
L'administration Trump a fréquemment déclaré que les agents de l’immigration visaient à appréhender « les pires parmi les pires » (« the worst of the worst »). Mais des recherches effectuées par Human Rights Watch et d’autres organisations ont montré que les personnes prises lors de raids ou appréhendées lors d’opérations ciblées n’ont souvent pas de casier judiciaire.
À l’approche du coup d’envoi de la Coupe du monde des clubs, et en réponse à la question de savoir s’il avait des préoccupations au sujet de la présence éventuelle d’agents de l’ICE lors des matches, le président de la FIFA, Gianni Infantino, a déclaré : « Je n’ai pas de préoccupations … nous voulons que toutes les personnes qui viendront aux matches passent un bon moment…. Je suis sûr que cela va être une grande, grande fête. »
En particulier à la lumière des coups de filet policiers abusifs de l’administration Trump, les forces de l’ordre des états et des municipalités qui n’ont pas d’accords avec l’ICE pour effectuer des contrôles d’immigration ne devraient généralement pas poser de questions sur le statut d'immigration ou garder à vue des personnes pour que les agents de l’ICE puissent enquêter sur leur statut, a affirmé Human Rights Watch. Et les entités qui ont de tels accords, connus sous le nom d’accords 287(g), devraient prendre note des abus inhérents et les abandonner. L’ICE devrait s’abstenir de mettre en détention des demandeurs d’asile pour les durées maximales autorisées par la loi.
La FIFA devrait appeler les autorités américaines à ne pas cibler les événements de la prochaine Coupe du monde pour appliquer leur politique d’immigration, y compris par des accords 287(g), a déclaré Human Rights Watch.
« La Coupe du monde 2026 devrait être une fête du football, et non pas une opération d’application d’une politique migratoire qui détruit des familles et met des vies en danger », a affirmé Minky Worden. « Ce cas d’école met en lumière les contradictions flagrantes des États-Unis qui se préparent à accueillir le plus important événement sportif du monde, tout en mettant en œuvre des politiques qui aboutissent à la séparation de familles et à l’expulsion de demandeurs d'asile. »
Informations complémentairesDepuis l’arrivée au pouvoir du président Trump en janvier 2025, le gouvernement américain a pris des mesures afin de limiter l’accès aux voies légales de la demande d’asile. Human Rights Watch a documenté comment la politique d’expulsion des États-Unis a exposé des immigrants refoulés aux risques de mort et de violation de leurs droits humains.
Les agents de l’immigration et d’autres autorités chargées de l’application des lois ont accru de manière drastique le nombre des arrestations et des mises en détention depuis le début de l’administration Trump, effectuant notamment de vastes coups de filet dans de grandes villes comme Los Angeles, New York, Washington et Chicago. Les agents fédéraux de l’immigration ont pris particulièrement pour cible les communautés latino-américaines, effectuant des raids et des arrestations basées sur la perception de leur race, de leur ethnicité ou de leur origine nationale.
La Coupe du monde de football 2026 doit se tenir dans 11 villes et régions des États-Unis : Atlanta, Boston, Dallas, Houston, Kansas City, Los Angeles, Miami, New York/New Jersey, Philadelphie, Seattle et la région de la baie de San Francisco. La finale se jouera au stade MetLife à East Rutherford, dans le New Jersey, où s’est également déroulée la finale de la Coupe du monde des clubs en 2025.
Du 20 janvier au 15 octobre, l’ICE a arrêté au moins 92 392 personnes dans et aux alentours des villes où se joueront des matches de la Coupe du monde, selon des données du gouvernement fournies par l’ICE en réponse à une demande déposée, au nom de la liberté de l’information, auprès du Deportation Data Project et analysées par Human Rights Watch. Ces chiffres n’incluent pas les arrestations effectuées par les services américains des Douanes et de la Protection des frontières (Customs and Border Protection) ou par d’autres agences d’application des lois. Parmi toutes ces arrestations, 65,1 % ont visé des immigrants qui n’avaient pas de casier judiciaire aux États-Unis, ce qui correspond d’assez près aux tendances nationales.
Dans le New Jersey, 73,8 % des 5 331 arrestations effectuées par l’ICE ont concerné des non-citoyens n’ayant pas de casier judiciaire aux États-Unis. Des raids de l’ICE ont eu lieu dans le New Jersey, conduisant à l’arrestation de nombreuses personnes sur leur lieu de travail, y compris des non-citoyens et des citoyens américains.
Nombre d'arrestations par l'ICE (au 3 décembre 2025)
Lieu des matchs de la Coupe du monde de la FIFALieu d'arrestation par zone de responsabilité de l’ICE (Area of Responsibility = AOR)ÉtatNombre d'arrestations par l'ICE en 2025 (au 3 décembre 2025)Pourcentage d’arrestations non liées a une condamnation pénale aux États-UnisAtlantaAtlanta AORGéorgie8 00767,6 %BostonBoston AORMassachusetts4 68281,1 %DallasDallas AORTexas10 76466,8 %HoustonHouston AORTexas14 71258,1 %Los AngelesLos Angeles AORCalifornie9 62454,5 %San Francisco / Région de la baie San Francisco AORCalifornie3 79851,2 %Kansas CityChicago AOR, Detroit AOR, New Orleans AORKansas et Missouri3 30158,3 %MiamiMiami AORFloride20 55267,9 %New York CityNew York City AORNew York4 97473,8 %East Rutherford, New JerseyNewark AORNew Jersey5 33173,8 %PhiladelphiePhiladelphia AORPennsylvanie4 72768,9 %SeattleSeattle AORWashington1 92063,7 %Total--92 39265,1 %Dans des États comme le New Jersey, où se jouera la finale de la Coupe du monde 2026 et où des zones pour supporters seront installées, des agents de l’ICE ont fait incursion sur des sites où des travailleurs journaliers cherchent de l’emploi, ont suivi des travailleurs après qu’ils eurent quitté leur lieu de travail, et ont stoppé des véhicules pour vérifier leur identité et leur statut d'immigration, selon des membres d’Estamos Unidos (Nous sommes unis), une organisation de soutien opérant dans le nord du New Jersey. Dans un cas, un conducteur employé par une compagnie d’autobus privée a été stoppé par des agents de l’immigration qui lui ont demandé son identité. L’organisation affirme que lors des 15 arrestations confirmées effectuées par l’ICE entre septembre et novembre 2025, tous les hommes arrêtés étaient des Latino-américains.
Les médias ont signalé que certains supporters qui avaient acheté des tickets pour la Coupe du monde des clubs les avaient revendus, de crainte d’être arrêtés dans un stade et ensuite expulsés. Des membres du personnel de Telemundo (une chaîne d’information américaine en espagnol), le maire de Miami et des responsables de la FIFA étaient parmi les invités d’une réception relative à la Coupe du monde organisée sur un bateau à Miami et qui a été annulée quand le navire a été abordé par des agents du Département de la sécurité intérieure (Homeland Security, DHS) et par des Garde-côtes et certains participants se sont vu demander de produire des documents concernant leur statut légal.
Selon des affichages en ligne, des agents du DHS étaient présents lors de matches de la Coupe du monde des clubs aux abords du stade Mercedes Benz à Atlanta, du stade du Rose Bowl à Los Angeles et du stade du Hard Rock à Miami, et des agents de l’ICE prévoyaient d’être présents au Lumen Field à Seattle.
L'impact de ces arrestations et de ces raids sur les communautés vivant près des sites des futurs matches de la Coupe du monde est considérable. Dans le New Jersey, des gens ont peur de sortir, des familles ont perdu leur gagne-pain et les affaires s’en ressentent, selon des membres d'Estamos Unidos. « Personne ne se sent en sécurité », a déclaré un de ces membres. La présence de la police locale lors de certaines arrestations documentées amène souvent les membres de la communauté à se sentir moins en sécurité et, par conséquent, à être moins susceptibles de signaler un crime s’ils craignent d’être livrés aux services de l’immigration à l’occasion de n’importe quel contact avec la police.
De nombreux immigrants, craignant une mise en détention suivie d’une expulsion, ont opté pour un « départ volontaire », en partie pour éviter de se heurter ultérieurement aux obstacles juridiques à un retour aux États-Unis qui découlent automatiquement d’une expulsion. Le nombre d’immigrants qui ont choisi cette option au lieu de contester leur expulsion devant les tribunaux de New York et du New Jersey de juillet à octobre 2025 a augmenté de 1 373 % par rapport à la même période de l’année précédente, selon une analyse effectuée par Documented New York, un site d’information spécialisé dans les questions d’immigration. Cette augmentation est consécutive à l’adoption d’une directive de l’ICE du 8 juillet qui limitait la possibilité d’être entendu par un juge de l’immigration pour les immigrants en détention.
L'homme arrêté à proximité d’un événement de la Coupe du monde des clubs a été placé en détention à Delaney Hall, un site de détention d’immigrants situé à Newark, où, selon les médias, les détenus subissent de mauvais traitements, notamment une insuffisance de nourriture, et les conditions dans lesquelles les visiteurs sont admis sont dangereuses.
Un juge d’immigration a rejeté la demande d’asile du père en septembre. Celui-ci a déclaré que, traumatisé par trois mois de détention et souhaitant désespérément parler plus souvent à ses enfants, il a décidé de ne pas poursuivre ses démarches judiciaires, malgré sa crainte de devoir retourner dans son pays d’origine. La famille a dû acheter les billets d’avion pour son « départ volontaire. »
L'article 4 de la Politique de la FIFA en matière de droits de l’homme affirme que « la FIFA s’efforcera d’aller au-delà de sa responsabilité qui est de respecter les droits de l’homme ancrés dans les principes directeurs des Nations Unies, et ce en prenant des mesures pour promouvoir la défense des droits de l’homme et favoriser l’exercice de ces droits, notamment là où elle est en mesure d’exercer efficacement son influence sur cet exercice des droits ou lorsqu’il s’agit de renforcer les droits de l’homme dans le football ou par le biais de celui-ci. »
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