08.05.2024 à 06:28
CrimethInc. Ex-Workers Collective
En coopération avec Freedom, nous présentons un court texte de Peter Gelderloos explorant les raisons de l’échec des stratégies actuellement employées par les principaux mouvements environnementaux pour stopper le changement climatique d’origine industrielle, et ce que nous pourrions faire à la place. Pour un examen plus approfondi de ces questions, nous recommandons le nouveau livre de Peter, The Solutions are Already Here : Strategies for Ecological Revolution from Below.
Le mouvement climatique dominant part d’un postulat qui garantit l’échec.
Pas seulement l’échec. Une catastrophe. Et plus il sera efficace, plus il causera de dégâts.
Voyons pourquoi.
Aujourd’hui, lorsque les gens pensent à l’environnement, ils se représentent généralement des actions de désobéissance civile dans les rues, un militantisme médiatique, un lobbying enthousiaste et des conférences visant à fixer des objectifs mondiaux en matière d’émissions de carbone, le tout sous la houlette d’organisations non gouvernementales, d’universitaires et de politiciens progressistes. Cependant, la lutte écologique a toujours inclus des courants anticapitalistes et anticoloniaux, et ces courants sont devenus plus forts, plus dynamiques et mieux connectés au cours des deux dernières décennies.
Cette évolution ne s’est toutefois pas faite sans revers, souvent en raison d’une intense répression qui laisse les mouvements épuisés et traumatisés, comme la « peur verte » (green scare1) qui a débuté en 2005 ainsi que la répression de Standing Rock et d’autres mouvements anti-pipelines menés par des populations indigènes dix ans plus tard. Systématiquement, au moment précis où les courants radicaux pansent leurs plaies, la vision de l’environnementalisme, majoritairement blanche et issue de la classe moyenne, prend le devant de la scène et entraîne le débat dans des directions réformistes.2
La crise à laquelle nous sommes confrontés est une crise écologique complexe, dans laquelle s’enchevêtrent les assassinats par les forces de police, les lois répressives, l’histoire du colonialisme et du suprématisme blanc, la dégradation de l’habitat, l’accaparement des terres, l’agriculture alimentaire, la santé humaine, l’urbanisme, les frontières et les guerres. Les principaux leaders du mouvement environnementaliste ont pris la décision stratégique de réduire tout cela à une question de climat — la crise climatique — et de positionner l’État en tant que protagoniste, en tant que sauveur potentiel. Cela signifie présenter l’Accord de Paris et les sommets de la COP comme les solutions au problème, et utiliser l’activisme performatif et la désobéissance civile pour exiger des changements de politique et des investissements en faveur de l’énergie verte.
Les deux piliers de leur stratégie pour résoudre la crise climatique sont, d’une part, l’augmentation de la production d’énergie verte et, d’autre part, la réduction des émissions de carbone.
Ils ont été très efficaces pour atteindre le premier objectif, mais totalement inefficaces pour le second. C’était tout à fait prévisible.
Quiconque comprend le fonctionnement de notre société, c’est-à-dire le fonctionnement du capitalisme, sait que la conséquence logique d’une augmentation des investissements dans les énergies vertes sera une augmentation de la production de combustibles fossiles. La raison principale en est que les centaines de milliards de dollars qui ont déjà été investis dans les pipelines, les mines de charbon, les raffineries de pétrole et les puits de forage sont du capital fixe. Ils valent beaucoup d’argent, mais ce n’est pas de l’argent sur un compte bancaire qui peut être rapidement investi ailleurs, transformé en actions ou en biens immobiliers ou encore converti dans une autre devise.
Une excavatrice à charbon de 14 000 tonnes, une plateforme pétrolière offshore : elles ne deviendront jamais quelque chose d’autre d’une valeur financière similaire. C’est de l’argent qui a été dépensé, un investissement qui n’est utile aux capitalistes que s’ils peuvent continuer à l’utiliser pour extraire du charbon ou forer du pétrole.
Cette règle économique prévaut, que l’entreprise capitaliste en question soit ExxonMobil, la compagnie pétrolière d’État saoudienne ou la China Petrochemical Corporation, propriété du parti communiste (qui a été classée plus grande entreprise énergétique du monde en 2021).
Le capitalisme (y compris celui pratiqué par tous les gouvernements socialistes du monde) est basé sur la croissance. Si les investissements dans les énergies vertes augmentent, entraînant une hausse de la production totale d’énergie, le prix de l’énergie diminuera, ce qui signifie que les grands fabricants produiront davantage de marchandises, quelles qu’elles soient, rendant leurs produits moins chers dans l’espoir que les consommateurs en achèteront davantage. Par conséquent, la consommation totale d’énergie augmentera. Cela s’applique à l’énergie provenant de toutes les sources disponibles, en particulier les plus traditionnelles, à savoir les combustibles fossiles.
Après des décennies d’investissement, l’énergie verte deviendra enfin concurrentielle, voire moins chère que l’énergie produite à partir de combustibles fossiles. Cela n’a débuté qu’au cours des dernières années, bien que les prix fluctuent encore en fonction de la région et du type de production d’énergie. L’industrie des combustibles fossiles n’a pas abandonné ses activités ni diminué sa production. De nombreuses entreprises ne couvriront même pas leurs investissements entre les combustibles fossiles et les énergies vertes. En revanche, elles investiront davantage dans de nouveaux projets liés aux combustibles fossiles. C’est l’économie capitaliste de base : si le prix marginal d’un produit diminue, le seul moyen de maintenir ou d’augmenter ses bénéfices est d’accroître la production totale. Cela explique pourquoi 2023 a été une année record pour les nouveaux projets de combustibles fossiles.
Il existe une autre façon d’augmenter les profits : en diminuant les coûts de production. Pour l’industrie des combustibles fossiles, cela se traduit par une réduction des normes de sécurité et environnementales, ce qui signifie plus d’accidents, plus de pollution, plus de morts.
Nous l’avons vu venir. Nous avons dit que cela arrivait. Et nous avons été exclus du débat, et dans de nombreux cas tués ou emprisonnés, parce que le besoin pathétique de croire que le gouvernement peut nous sauver est encore plus grand que l’addiction aux combustibles fossiles.
Mais le capitalisme n’a pas d’avenir sur cette planète. Nous aurons besoin d’une révolution de grande envergure pour faire face à cette crise.
Nous devons réorienter le débat. Nous devons adopter une posture qui nous permette d’être prêts pour le long terme. Nous devons soutenir les luttes qui peuvent apporter de petites victoires et accroître notre pouvoir collectif, et approfondir notre relation avec le territoire qui peut nous soutenir. Par-dessus tout, nous devons imaginer des avenirs meilleurs que celui qu’ils nous réservent.
Le type de transformation sociale — de révolution mondiale — qui peut guérir les blessures que nous avons infligées à la planète elle-même et à tous ses systèmes vivants devra être plus ambitieux que tout ce que nous avons connu jusqu’à présent. Cette crise nous prend tous au piège et nuit à tout un chacun ; la réponse devra être apportée par le plus grand nombre possible d’entre nous.
Imaginez toutes les personnes de votre entourage dont vous ne voulez pas qu’elles meurent de faim ou de cancer, qu’elles soient soumises à des conditions météorologiques extrêmes ou qu’elles soient abattues par la police ou autres suprémacistes blancs.
Vous n’avez pas besoin de convaincre toutes ces personnes de devenir des révolutionnaires anarchistes. Il suffirait d’en convaincre certaines de rompre leur loyauté envers les institutions dominantes et les mouvements réformateurs classiques et de sympathiser avec une approche révolutionnaire, ou du moins de comprendre pourquoi une telle approche a du sens.
Pour ce faire, vous pouvez poser une question dont la réponse est incontestable, une question qui a un rapport direct avec un sujet qui les affecte ou les motive. Par exemple :
Après avoir fait part des réponses à ces questions, vous pouvez insister sur le fait que la réforme du système existant est une stratégie qui a échoué, et demander à vos interlocuteurs s’ils comptent essayer la même stratégie encore et encore, en espérant des résultats différents.
Cela devrait vous permettre de déterminer quelles sont les personnes autour de vous qui sont capables de remettre en question le paradigme dans lequel elles vivent, et quelles sont celles qui sont attachées aux fausses croyances qui sous-tendent ce paradigme. Ne perdez pas votre temps avec ce dernier groupe. Quelles que soient les velléités de rédemption et les belles valeurs qu’elles peuvent avoir, essayer de dialoguer avec ces personnes par le biais de la raison, de l’éthique et de la logique, c’est passer à côté de l’essentiel. Lorsque des gens s’obstinent à croire des choses dont la fausseté a été démontrée, c’est soit parce que ces croyances les réconfortent, soit parce qu’elles leur apportent pouvoir et profit. Il est peu probable que le débat puisse changer cela.
Nous devons faire évoluer la discussion au niveau de la société dans son ensemble. Nous avons besoin que les gens comprennent nos arguments ; nous devons nous assurer que les orthodoxies dominantes soient considérées comme controversées et non acceptables.
Cela signifie qu’il faut discréditer l’Accord de Paris, les Nations unies, Extinction Rebellion et les grandes ONG, ainsi que toute la stratégie consistant à remplacer les combustibles fossiles par des énergies vertes tout en laissant le système économique mondial inchangé. La seule chose qu’ils arriveraient à faire, c’est de gagner beaucoup d’argent. De même, nous devrions promouvoir une compréhension plus claire de la fonction de la police dans le contexte historique, de l’impact de la production économique basée sur la croissance sur notre santé et du fait qu’aucun gouvernement n’est susceptible de prendre des mesures pour atténuer l’un ou l’autre de ces méfaits.
Concentrons-nous sur les personnes qui sont capables de changer. Lorsque les gens commencent à changer d’avis, il est utile qu’ils puissent faire le lien avec un changement immédiat dans leurs actions. Aidez-les à trouver un petit geste à leur mesure. Par exemple :
L’apocalypse a déjà commencé. Depuis des décennies, des millions d’humains — et maintenant des dizaines de millions d’humains — meurent chaque année des effets de cette crise écologique. Nous avons dépassé les taux de mortalité des pires années de la Seconde Guerre mondiale et de l’Holocauste, même si nous ne comptons pas les chiffres des victimes des guerres chaudes que les puissances suprématistes blanches mènent du Niger à la Palestine — bien que ces guerres soient également liées à cette crise.
En outre, un nombre inconnu d’espèces — probablement des milliers — sont condamnées à l’extinction chaque année. De nombreux habitats et écosystèmes disparaissent à jamais. La biomasse globale, c’est-à-dire la masse totale de tous les êtres vivants sur la planète, diminue considérablement. L’eau, l’air et le sol sont remplis de poisons. Les objectifs climatiques de réduction des émissions de carbone sont probablement trop optimistes ; nous avons déjà franchi de nombreux points de basculement à 26 ans de 2050 (l’objectif de l’ONU pour atteindre l’objectif « zéro émission nette »), et les projections des États les plus puissants et des plus grandes entreprises indiquent que nous ne parviendrons pas à respecter la date butoir tant souhaitée de 2050. La fin d’un monde est déjà en marche.
Pour faire ce que nous avons à faire, nous devons accepter cette réalité et nous y atteler. La souffrance est déjà là. La mortalité massive est déjà là. Mais après chaque mort, il y a une nouvelle vie, et il y aura encore de la vie sur cette planète jusqu’à la dilatation du soleil dans quelques milliards d’années. C’est une question de vie ou de mort pour nous, et nous devons donc la prendre au sérieux, faire des sacrifices, mais comme il est déjà « trop tard », nous pouvons nous concentrer sur des cadrages qualitatifs et à long terme, plutôt que de nous laisser guider par une urgence trop superficielle et épuisante.
Une chose au moins est certaine : les communautés vivantes de cette planète se porteront beaucoup mieux si nous abolissons l’État et le capitalisme. Si nous n’y parvenons pas de notre vivant, elles se porteront quand même mieux — nous nous porterons mieux — si nous érodons leur hégémonie, si la plupart des gens peuvent voir que les institutions dominantes sont responsables de ce qui se passe, si nous avons augmenté notre capacité de guérison et de survie collective.
Il existe de nombreuses façons de soutenir une lutte. Bien qu’il soit facile de se démoraliser lorsque la plupart des pipelines, bases militaires, mines et autres mégaprojets auxquels nous nous opposons sont néanmoins construits, il est vital de s’engager. La révolution n’est pas une progression linéaire — ce n’est pas un millier de petites victoires qui s’accumulent en une grande victoire. Oui, il est nécessaire de montrer que nous pouvons parfois gagner, mais il s’agit aussi de la joie et de l’expérience que nous emportons avec nous, des instincts tactiques et stratégiques que nous développons, du savoir-faire technique, des relations que nous construisons, de la jubilation à forcer la police à tourner les talons pour s’enfuir, de la conscience que les figures d’autorité à l’intérieur et à l’extérieur du mouvement ne font que nous entraver, de la façon dont, dans la lutte, il devient clair que sont liées entre elles toutes les questions qui sont cloisonnées et toutes les formes d’oppression.
Nous devons nous engager dans des luttes intermédiaires de manière à aider les gens à découvrir et à pratiquer les types de tactiques et de stratégies qui seront nécessaires pour un changement à long terme.
De nombreuses luttes menées au cours des dernières décennies nous ont donné de l’énergie et nous ont appris des leçons que nous ne devrions jamais oublier : les insurrections à Oaxaca, en Grèce, en France, à Hong Kong et au Chili, les assemblées décentralisées du mouvement d’occupation des places, l’antiracisme sans compromis des rébellions anti-policières, la joyeuse reconquête de l’espace public exprimée par Reclaim the Streets, les occupations de forêts de Hambach à Khimki, la ligne stratégique de Stop Cop City, et bien d’autres choses encore.
La survie a commencé hier. Les habitants des pays qui ont déjà subi un effondrement, ainsi que les communautés autochtones et les communautés noires défavorisées du monde entier, ont déjà une longueur d’avance. Apprenez de ceux qui ont vécu ces expériences. Ensuite, apprenez à connaître intimement votre territoire. Apprenez d’où peut provenir la nourriture et quelles modifications devront être apportées aux habitations pendant les saisons les plus extrêmes en cas de panne du réseau électrique. Établissez des méthodes de communication et de coordination pour le cas où les téléphones et les connexions Internet ne fonctionneraient plus. Renseignez-vous sur les moyens d’accéder à de l’eau potable. Identifiez les lieux où le sol est le plus contaminé afin que personne ne puisse y cultiver de la nourriture. Apprenez à quel point les suprémacistes blancs sont coordonnés.
Et ensuite, mettez-vous au travail pour créer plus de ressources alimentaires communautaires, un meilleur accès au logement et plus de réseaux d’autodéfense collective. Soutenez tout projet qui vous inspire et qui nous rend tous plus forts, à la fois aujourd’hui et dans l’avenir probable, qu’il s’agisse d’un effondrement, d’une montée de l’autoritarisme ou d’une guerre civile révolutionnaire.
Se connecter à nos territoires spécifiques signifiera probablement rompre avec les idéologies homogénéisantes qui prétendent que nous sommes tous les mêmes, qui ne peuvent pas tenir compte du fait que nous avons tous des histoires et des besoins différents et que ces histoires sont parfois sources de conflits, ou qui basent leur idée de la transformation sociale sur un programme prédéterminé ou sur une certaine idée de l’unité forcée. L’avenir que nous devons créer est un écosystème sans centre.
La révolution est encore possible. Nous pouvons l’affirmer avec conviction parce que l’histoire nous livre certains modèles au fil des siècles, et aussi parce que nous entrons dans une période sans précédent, où les institutions dominantes utilisent des plans et des modèles qui sont déjà obsolètes.
Toutes les révolutions des derniers siècles ont finalement été des échecs. Cela signifie que nous pouvons en tirer des leçons sans bloquer notre imagination ou présumer que nous savons à quoi ressemblera une transformation réussie de l’ensemble de la société.
Elle ne découlera pas d’un plan prédéfini. Elle ne sera pas le résultat du triomphe d’un parti. Elle sera le résultat d’innombrables rêves, plans, complots, espoirs fous et batailles que nous ne pouvons pas encore prévoir. Nous y parviendrons ensemble, en rêvant sans cesse, en tricotant sans cesse, parce que c’est cela, vivre libre.
Thanks to Christophe Masutti for the translation.
La « menace éco-terroriste », pourrait-on dire. L’expression est reprise de red scare, la peur rouge, celle du communisme. Voir la page Wikipédia Green Scare. ↩
J’examine des exemples de cette répression dans le monde et la manière dont elle est systématiquement liée au remplacement des mouvements radicaux par des courants réformistes dans The Solutions Are Already Here: Strategies for Ecological Revolution from Below et They Will Beat the Memory Out of Us: Forcing Nonviolence on Forgetful Movements. ↩
03.05.2024 à 15:14
CrimethInc. Ex-Workers Collective
Le 17 avril, en solidarité avec Gaza, des étudiant.es de l’Université de Columbia ont établi un campement sur leur campus. A la suite d’un intervention ratée de la police de New York City pour évacuer le site demandée par l’administration, des campements et autres occupations organisés par les étudiant.es se sont multipliés à travers tout le pays. Dans les analyses qui vont suivre, les participant.es à ce mouvement explorent les questions stratégiques auxquelles ielles sont aujourd’hui confronté.es.
Après l’occupation par les étudiants de Columbia en soutien à la Palestine, les occupations et les campements étudiants se sont propagés comme un feu de broussailles, jusqu’à concerner plus d’une centaine d’universités à travers le monde. Plus de deux mille étudiant.es ont été arrêté.es. Chaque jour, de nouvelles occupations et de nouvelles tactiques apparaissaient. Encore et encore, la répression policière indignait les étudiant.es, les professeur.es et le reste du pays, conduisant de plus en plus de monde à militer et à se joindre aux manifestations. Le mouvement pour la libération de la Palestine grandit de jour en jour aux États-Unis, grâce à la bravoure dont ont fait preuve les manifestant.es et les bloqueur.ses ces six derniers mois – et plus récemment, c’est aussi grâce à celles et ceux qui occupent et courent le risque d’être arrêté.es, brutalisé.es par la police, diffamé.es, doxxé.es et expulsé.es.
Le 30 avril, la police a organisé une intervention militarisée à l’Université de Columbia, enfermé les étudiant.es et d’autres membres de la faculté dans les dortoirs et les maisons du campus et les a gardé en otages pendant qu’elle brutalisait et arrêtait les manifestant.es. Des scènes similaires ont eu lieu à l’Université de la ville de New York (CUNY). A l’Université de Floride du Sud, à Tampa, la police a gazé les étudiant.es, à l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA), elle a permis à des groupes fascistes et sionistes d’attaquer le campement avec des sprays au poivre et des feux d’artifice, et elle a été à l’origine de nombreux affrontements avec des étudiant.es à travers tout le pays.
Pourtant, à mesure que la répression devenait de plus en plus forte, la résistance elle aussi grandissait. Le mouvement a trouvé son impulsion initiale quand les étudiant.es de Columbia ont immédiatement rétabli leur campement après l’évacuation de leur premier campement. Des histoires similaires se sont déroulées du Texas à la Californie, jusque dans l’Illinois. Quand la police de Los Angeles s’est jointe aux fascistes pour chercher à évacuer le campement de l’UCLA, ce sont des manifestants avec des boucliers et des casques qui les ont tenus à distance pendant huit heures.
Pourquoi la police agit-elle avec tant de brutalité ? Pourquoi les médias font tant de contorsions et s’enfoncent dans des contradictions toujours plus bizarres pour condamner la contestation ? Pourquoi les Républicains et les Démocrates s’unissent-ils pour s’opposer à ces manifestations ? Et comment cela se fait-il que, dans leur hâte de briser la contestation, les administrations universitaires, les politiciens et la police semblent avoir oublier les principes de base de la gestion des contestations ?
Ce qui suit est une rapide tentative de répondre à ces questions, dans l’espoir qu’elles nous permettent d’avancer dans les nouveaux territoires qui s’ouvrent à nous.
Les États-Unis ont besoin d’Israël comme partenaire stratégique qui leur permet de conserver un point d’ancrage au Moyen-Orient ; les universités comptent sur les financements qu’elles tiennent de l’armée, des fabricants d’armes et des Sionistes1 ainsi que sur les liens entretenus avec eux dans le domaine de la recherche. Il est impossible de reconnaître que les Palestinien.nes ont légitimement le droit d’être traités selon les droits universels de l’homme qui fondent la légitimité morale dont se revendique l’empire états-unien tout en continuant à financer, armer et couvrir diplomatiquement l’armée israélienne afin qu’elle puisse poursuivre ses meurtres de civils et la destruction de leurs lieux de vie. Les mouvements d’opposition actuels révèlent les profondes contradictions entre le discours et la pratique que le gouvernement, les plateformes médiatiques de masse et les universités cherchent à cacher.
Ils savent très bien qu’ils sont complices d’un génocide – et pourtant, comme n’importe quelle brute, ils redoublent de dénégation quand on les confronte à leurs mensonges. Il n’existe tout simplement pas d’espace dans le gouvernement ou dans les médias états-uniens pour reconnaître qu’une opposition au colonialisme israélien est une position moralement défendable. Cela explique l’union des Démocrates et des Républicains contre les mouvements de contestation actuels ainsi que l’intense répression exercée par les autorités. Cela peut aussi expliquer les incroyables acrobaties rhétoriques présentées dans les médias pour justifier que la police frappe et brutalise de nombreux manifestant.es – dont un grand nombre sont Juif.ves – au nom de la lutte contre l’antisémitisme. C’est d’autant plus choquant que des charniers sont découverts à Gaza, que les bombardements israéliens se poursuivent et que Netanyahou continue de promettre une invasion terrestre de Rafah après avoir été responsable du massacre de plus de 35 000 Palestinien.nes, dont plus des deux tiers sont des femmes et des enfants.
D’un côté, malgré leur inhérent conservatisme institutionnel, les universités sont confrontées à des attaques franches de plus en plus fortes de la part des politiciens de droite, que ce soit au niveau étatique ou fédéral, sans même parler de la menace d’une fuite de capitaux venant des donateurs milliardaires. De l’autre côté, les universités font l’expérience d’une révolte massive de leurs étudiant.es et du corps enseignant qui se rassemblent autour de cette revendication raisonnable que les universités doivent cesser de soutenir le massacre de masse d’enfants et la tentative d’exterminer tout un peuple. La seule manière qu’imaginent les universités pour survivre à la première situation est d’essayer de réprimer la deuxième le plus durement possible.
Elles sont forcées de se justifier au nom de la liberté d’expression et de la sécurité, même quand la police qu’elles ont appelée sur le campus tire à balles réelles et à l’aveuglette à l’intérieur des bâtiments. De la même manière, bien que la plupart des campements représente la collaboration volontaire la plus réussie entre des étudiant.es musulman.es et juif.ves à travers le monde aujourd’hui, les administrations ont affirmé qu’il était nécessaire de les détruire pour maintenir le calme.
Ces mêmes administrateurs d’universités qui utilisaient la « liberté d’expression » comme excuse pour diaboliser et arrêter les étudiants qui protestaient contre la présence de nationalistes blanc.hes s’exprimant sur les campus, s’attaquent maintenant aux manifestant.es anti-sionistes juif.ves et palestien.nes et les violentent au nom de la défense des étudiant.es juif.ves contre l’antisémitisme. La liberté d’expression et la sécurité des étudiant.es sont deux faux prétextes : la vérité est que les administrations universitaires et la police chercheront toujours à détruire toute force qui défie activement leur pouvoir. Cela explique l’alliance jusque là impensable entre les Républicains, qui refusent toujours de désavouer les nationalistes blanc.hes présent.es dans leur parti, les Démocrates, qui se font les avocats du génocide au nom de la lutte contre l’antisémitisme, et les administrateurs des universités.
Il n’est pas possible pour les Démocrates de donner carte blanche au gouvernement israélien pour qu’il continue de perpétuer un génocide tout en gagnant le vote de celles et ceux qui considèrent que les vies palestiniennes ont une valeur propre. D’où cette situation qui est peut-être unique dans l’histoire récente des luttes sociales.
Les médias centristes et les politiciens démocrates étaient prêts à contenir le soulèvement George Floyd dans l’espoir de ramener les militant.es dans l’espace des négociations politiques. Ils considéraient qu’ils pourraient exploiter ces manifestations afin de construire une base électorale contre Trump dans le contexte d’une année électorale.
Ce moment est différent. Il est impossible pour les Démocrates de bouger de leur position parce que chacun des deux partis repose politiquement sur un soutien sans équivoque au gouvernement israélien et condamne toute opposition comme antisémite. Les politiciens démocrates ont continué d’affirmer avec force cette position, même si elle paraît de plus en plus ridicule. Le fait que les Démocrates contrôlent dorénavant le gouvernement fédéral les empêche de profiter de l’indignation contre ce qui est effectivement une politique bipartisane.
Dans un sens, une sorte de symétrie est à l’œuvre ici. Alors que la première ère Trump se terminait avec le Soulèvement George Floyd, confirmant la supériorité des tactiques d’action directe à un point culminant suite à quatre années de résistance à Trump, l’ère Biden semble se terminer sur sa propre déflagration, témoignant ainsi d’une rupture irréparable entre les centristes et les mouvements autonomes qu’ils ont longtemps cherché à récupérer.
Ils défendent une position fondamentalement intenable grâce à un usage apparemment irrationnel et disproportionné de la violence. De même, les pontes des grands médias nous critiquent malgré le fait que la demande pour mettre fin au génocide est une idée avec plus de popularité que les deux candidats présidentiels – selon un sondage récent, 55 % des états-uniens désapprouvent les actions militaires israéliennes quand seulement 36 % les soutiennent. Le fait que le mouvement ait grossi numériquement et aussi en férocité malgré tant de répression est un signe de sa vitalité et de sa force.
Cette situation peut nous rappeler les circonstances dans lesquelles le mouvement Black Lives Matter a originellement décollé/démarré. Il y a dix ans, quand la révolte de Ferguson a commencé en réponse au meurtre de Michael Brown, il était difficile d’obtenir des informations sur le nombre de gens tués par la police chaque année ; les abolitionnistes étaient les seules personnes qui s’intéressaient à cette question. Par conséquent, le mouvement a trouvé son impulsion à mesure que cette question gagnait en intérêt pour le grand public, parce qu’il n’y avait pratiquement personne pour présenter un compte-rendu concluant de ce qu’il se passait et pourquoi. De la même manière, le fait que ni les Républicains, ni les Démocrates ne soient désireux de reconnaître la vérité sur ce qu’il se passe à Gaza, qui s’oppose au génocide, et pourquoi ils et elles s’y opposent constitue un formidable point de vulnérabilité.
C’est la responsabilité de chaque personne désirant mettre fin à ce génocide de s’assurer que ce cauchemar de politicien devienne réalité. Et cela le devrait : le Soulèvement George Floyd est toujours vivant dans les mémoires des millions de gens qui y ont participé.
L’état cherche à écraser ces manifestations avant qu’elles ne s’étendent. Toute personne qui souhaite réellement mettre fin au génocide à Gaza devrait vouloir que cette crise politique s’étende et s’approfondisse. Sur le long terme, la seule manière de mettre fin au génocide à Gaza sera de démanteler la machine de guerre américaine et les conseils d’administration qui la gouvernent.
Si les précédentes hypothèses sont les bonnes, ils existent plusieurs pièges que les participant.es à ce mouvement devrait éviter avec précaution.
Le premier campement de solidarité à Gaza de l’Université de Columbia a commencé par rejeter les promesses vides :
« L’administration a envoyé des représentants pour négocier. Dans un premier moment de discussion, ils ont proposé « un référendum non contraignant à l’échelle de l’université sur la question du désinvestissement » - une offre de peu de poids vu que l’université a refusé de prendre des mesures après la tenue, en 2020 au Columbia College, d’un référendum similaire avec 61 % des voix en faveur du désinvestissement. »
La vague d’installation de campements à travers le pays a été rendue possible uniquement par le refus des étudiant.es de Columbia de tomber de nouveau dans un tel piège.
Abandonner les campements et l’esprit de confrontation qui les a rendu possibles signifie oblitérer l’espace d’une possibilité politique dont nous avons désespérément besoin actuellement. Cela veut dire faire disparaître une zone de rencontres potentielles, une zone où les participants peuvent expérimenter et développer une sorte de sens politique et tactique nécessaire à la construction d’une forme de vie post-impérialiste et post-coloniale.
Dans un même temps, la seule manière qu’ont réellement ces occupations de mettre fin au génocide serait d’être le catalyseur d’une explosion sociale et d’une crise politique bien plus grande. L’espace concerné ici dépasse largement l’université – et les participant.es de chaque occupation devraient agir avec cela à l’esprit. Notre objectif ne peut pas être atteint à travers des promesses, ou grâce à des comités, ou au désinvestissement en soi ; notre but devrait être que la libération palestinienne soit un aspect d’une libération totale. Nous devrions évaluer chaque tactique à l’aune de la possibilité qu’elle offre de s’approcher de nos objectifs, en comprenant que la libération palestinienne résultera uniquement d’une crise politique d’ampleur aux États-Unis.
La machine de guerre qui tue les Palestinien.nes est une part essentielle des institutions fondées sur la guerre de l’empire états-unien, elle inclut non seulement les universités et les entreprises d’armement, mais l’économie elle-même. Toutes ces institutions sont interconnectées avec d’autres gouvernements et projets coloniaux à travers le monde. Arrêter le génocide du peuple palestinien signifie contester tous les aspects de l’ordre mondial en place.
Les voix de celles et ceux qui souffrent à cause de cet ordre mondial sont rarement entendues à l’intérieur des universités.
Comme la lutte contre Cop City à Atlanta a pu le rendre clair, l’oppression du peuple palestinien est l’avant-goût d’un possible futur qui nous concerne tous. En luttant pour une Palestine libre, nous luttons aussi pour notre propre futur. Reconnaître cela doit renforcer notre détermination à mettre fin immédiatement au génocide.
Les Palestinien.nes ont toujours affirmé leur solidarité avec les combats qui ont eu lieu aux États-Unis, des émeutes de Ferguson aux soulèvements de 2020 (et au-delà). Les étudiant.es de l’université de Columbia ont réaffirmé ces connexions quand iels ont commencé à crier « Stop Cop City » lors de l’intervention policière du 30 avril. Cop City est partout, les racines du génocide de Gaza sont partout, la résistance est partout.
Il n’y a pas de honte à avoir peur pour sa sécurité. La situation devient de plus en plus effrayante. Il faut se demander comment nous pouvons construire cette capacité collective à prendre des risques – et en endurer les conséquences – qui est nécessaire pour créer un monde sans terreur d’État. Une des conditions minimales de cette entreprise est que nous ne devons pas dicter aux autres quelles actions sont possibles ou acceptables.
Si vous n’êtes pas préparé.es aux risques qui vous semblent associés à une tactique ou une stratégie spécifique, n’essayez pas d’empêcher les autres de l’employer. Cherchez simplement quel autre rôle vous pourriez jouer ou quelle autre stratégie complémentaire vous pourriez mettre en place.
« Ce que j’entends par « audacieuse » est une tendance à s’aventurer dans des territoires jusque là inexplorés. Ce que j’entends par « prudence » est la perception que notre capacité à approcher ces territoires ne grandit qu’à mesure que ceux qui nous ressemblent s’en approchent avec autant d’audace. Nous atteignons un champ de possibilités qui ne peut être atteint que si nous avançons ensemble vers là où nous ne sommes jamais allés ; nous procédons avec prudence parce que ceux qui s’avancent trop loin seront pris sans le fil qui les rattacherait à nous. Ce qu’il me semble se dérouler autour de moi est un mouvement consistant en de petits pas que nous faisons tous ensemble. Chacun de ces petits pas crée les conditions nécessaires au prochain pas. Chaque mouvement qui nous empêche d’avancer tous ensemble met fin à la possibilité que l’un d’entre nous continue d’avancer. »
-Fredy Perlman
La grille d’appréciation des risques peut vous aider à prendre des décisions vis-à-vis des risques et de leurs conséquences.
Connaître son appréciation des risques
Savoir où l’on se situe dans le modèle d’appréciation des risques est une bonne manière d’évaluer le genre de risques que l’on est capable de prendre dans un mouvement de protestation.
Certaines personnes peuvent avoir une faible tolérance aux actions qui implique une grande prise de risque physique, alors que d’autres peuvent avoir une faible tolérance pour des actions qui comportent un grand risque d’être arrêté. Certaines personnes n’ont pas la capacité à supporter aucun de ces types de risques, ce qui ne les empêche pas de jouer un rôle de soutien.
Ce génocide pourrait être un processus long. Essayer de conserver votre capacité à vous battre : ayez toujours un plan pour vous échapper si les défenses tombent.
Gauche : Tolérance au risque élevée et faible tolérance à l’arrestation. Ce groupe prend les policiers en sandwich de l’extérieur grâce à des banderoles renforcées. Leur but est de pousser la police à partir tout en pouvant fuir rapidement et sûrement.
Une plus faible tolérance au risque et à l’arrestation : ce groupe inclut les personnes présentes sur les piquets de grève, les éclaireurs et les personnes endossant d’autres rôles de soutien.
La plus faible tolérance au risque et à l’arrestation : Ce groupe est engagé dans un soutien à l’extérieur du site, en aidant aux communiqués de presse, en multipliant les déclarations en ligne ou en s’occupant des lignes téléphoniques de soutien aux prisonniers, etc.
Droite : Tolérance la plus élevée au risque et à l’arrestation : Il s’agit des personnes occupants les bâtiments.
Tolérance à l’arrestation élevée mais tolérance au risque faible : Ce groupe participe à travers des actions de désobéissance civile, en formant des chaînes humaines et en refusant de se disperser.
« L’élément chaotique » : Les milliers de personnes prêtes à vous rejoindre. Il faut démanteler la police-pacificatrice pour nourrir ce chaos.
Depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, le génocide a été perçu comme l’exemple le plus évident de mal absolu. « Plus jamais ça ! » a été brandi comme un impératif moral. Bien que les États-Unis ont cyniquement usé de ce narratif à de nombreuses occasions pour justifier leurs interventions militaires, il exprime cependant une affirmation louable des personnes conscientisées partout dans le monde.
Le conflit actuel peut se résumer ainsi : soir l’empire des États-Unis est démantelé soit c’est la conscience de toute une génération qui sera détruite.
Compte tenu de ces enjeux, les participant.es de chaque campement ou occupation – incluant ceux qui ont été évacués – doit prendre en considération les questions stratégiques suivantes.
Quelle est la prochaine étape dans l’intensification de la lutte ? Comment réagirez-vous à une intervention policière, une évacuation ou à la mort lente des occupations à cause de l’essoufflement provoquée par la bureaucratie militante ? Quel est votre plan si Israël entame une invasion terrestre de Rafah ? Occuperez-vous un bâtiment, irez-vous manifester en centre ville et provoquer des conséquences économiques en bloquant les autoroutes et les ports, ou ferez-vous quelque chose d’entièrement nouveau ? Si les campements deviennent impossibles à défendre, quelle sera la prochaine étape pour permettre aux gens de continuer à lutter ensemble ?
Comment faire pour que le mouvement grossisse à la fin du semestre ? A quel point les luttes qui se déroulent sur les campus peuvent-ils bénéficier du soutien de personnes non-étudiantes ? Est-ce que la puissance/force bâtie dans les campus peut déborder et inonder les communautés qui les entourent ?
Comment faire pour que les griefs contre les administrateurs des universités, que les politiciens utilisent actuellement comme des boucliers sacrificiels, se tournent contre ces adversaires dont la défaite entraverait réellement la machine de guerre ? Le désinvestissement de celles et ceux qui tirent leur profit de la guerre serait une bonne première étape ; occuper les usines et bloquer les ports serait une étape logique pour poursuivre et intensifier la lutte. Qui sont les millionnaires et quels sont les intérêts financiers particuliers qui mènent la répression sur les campus ? Qui a le plus à perdre à mettre fin au soutien inconditionnel qu’apportent les États-Unis à la violence coloniale et militaire d’Israël ?
Comment pouvons-nous agir de manière à se préparer au probable retour au pouvoir de Donald Trump en janvier 2025 ? Nous aurons besoin de chaque innovation tactique, de chaque nouvelle rencontre, de tous les réseaux et infrastructures que nous pouvons construire pour faire face à la pleine force du fascisme d’extrême droite qui nous attend dans le futur. Nous sommes à un moment où l’histoire s’ouvre et où d’infinies et nouvelles possibilités, mais aussi dangers, apparaissent au même moment où l’ordre ancien s’effrite.
Ce qui arrive pourrait être terrifiant. Mais le rôle que nous avons à jouer est entre nos mains.
Alors que les fascistes antisémites ont cherché à répandre l’idée qu’Israël contrôle les États-Unis, c’est tout l’opposé : Israël est l’associé minoritaire dans cette relation en étant un outil pour le gouvernement états-unien, et de la même manière les nationalistes chrétiens aux États-Unis font des Israéliens des pions pour servir leur objectif. ↩
Référence au « long, hot summer of 1967 » qui désigne un ensemble de 150 émeutes raciales qui eurent lieu à travers les Etats-Unis en 1967. ↩
23.04.2024 à 21:40
CrimethInc. Ex-Workers Collective
Le 22 avril 2023, inspiré∙es par la résilience du Campement de Solidarité avec Gaza à l’Université de Colombia et par d’autres manifestations dans le pays, des étudiant∙es du campus de Cal Poly Humboldt à Arcata, California ont occupé un bâtiment en solidarité avec les palestinien∙nes, qui a précipité des affrontements avec la police à travers la région. Dans le communiqué suivant, des participant∙es de l’occupation décrivent ce qui a eu lieu et ce qu’iels ont appris. Ces événements représentent une escalation importante dans la vague actuelle de manifestations étudiantes de solidarité avec la Palestine. Comme l’organisation locale Humboldt for Palestine l’a annoncée, “ce n’était pas une manifestation organisée par Humboldt for Palestine, mais un mouvement spontané organisé par les étudiant∙es.”
Après des heures d’affrontements, les médias locaux ont relayé que la police avait été forcée de se retirer :
22h50 : Toutes les forces de police se sont éloignées du bâtiment et semblent avoir quitté le campus. Les radios de police semblent confirmer qu’ils ont quitté les lieux. Un agent a dit que les forces de polices se “dispersaient”. Des étudiant∙es sont en train de rentrer et sortir du bâtiment occupé.
Cal Poly Humboldt restera fermé au moins demain, d’après l’administration.
Il est possible de lire plus sur l’histoire récente des occupations de bâtiments comme tactique du mouvement étudiant ici.
Lundi 22 avril, un groupe de 45 étudiant∙es, alumnis et habitant∙es des alentours ont occupé le Hall Siemens du campus de Cal Poly Humboldt, sur la côte nord de la Californie, en solidarité avec celleux qui subissent un génocide à Gaza.
Après une heure, la police du campus a tenté de négocier avec les occupant∙es, qui ont refusé de quitter le bâtiment. Rapidement, des forces de polices de tous les coins du comté sont arrivées – dont un hélicoptère, des unités canines, et des policiers qui n’étaient pas en service. Les étudiant∙es ont répondu en se défendant massivement.
La tactique initiale de la police de procéder à des arrestations massives a été mis à mal par une série d’affrontements à l’intérieur et à l’extérieur du bâtiment. Les occupant∙es ont repoussé la police, malgré une violence policière qui n’avait jamais été atteinte dans la dernière décennie de luttes dans le comté d’Humboldt. Il est important de noter que les policiers ont utilisé à la fois des matraques et des boucliers comme armes pour violenter des manifestant∙es ; aux mains de la police, tout outil est une arme.
La police a arrêté deux personnes et les a tirées hors du bâtiment par les cheveux ; ils ont infligé de multiples lacérations au crâne d’une autre personne, ce qui a nécessité d’aller à l’hôpital . De nombreuses autres personnes se sont retrouvées avec des blessures à la tête, dont au moins une concussion.
Durant les affrontements, la police a foncé dans la foule avec un camion de l’université, poussant les manifestant∙es vers une ligne de CRS. Malgré cette violence, il s’est fait de plus en plus évident que la police était trop peu préparée face à la férocité et l’intelligence des occupant∙es étudiant∙es. La police fut physiquement repoussé du Hall Siemens et d’immenses barricades furent érigées avec les fournitures du bâtiment, dont des chaises, des bureaux, des poubelles, et des portes qui avaient été démontées. La police a encerclé le bâtiment occupé, tandis qu’une grande foule d’étudiant∙es, professeur∙es et d’autres membres de la communauté ont encerclé la police, chantant “dé-escaladez en partant !” et “Pouvoir populaire ! Nous sommes plus fort∙es !” entre autres slogans.
Après six heures d’affrontement, la police est partie. Des centaines d’étudiant∙es se sont précipité∙es dans le bâtiment et ont accouru joyeusement vers les occupant∙es. La division imposée par la police s’est effondrée et nous avons pris le dessus. L’université a déclaré une fermeture pour trois jours. Pour nous, ce n’est que le début.
Ce communiqué émerge de l’occupation. Nous aimerions diffuser quelques leçons tirées de celle-ci.
Il est évident que pour davantage développer cette crise, les occupations étudiantes doivent viser les bâtiments dès que possible. La première action de la police était de demander aux occupant∙es de se déplacer vers les pelouses extérieures. En disant cela, ils ont montré que nous possédons davantage de pouvoir en occupant les espaces où les classes ont lieu et l’administration a ses bureaux. De plus, les bâtiments du campus sont remplis de tout le nécessaire pour construire des barricades et protéger une occupation.
Il a fallu seulement d’un faible nombre d’étudiant∙es pour occuper le Hall Siemens. N’ayez pas peur de défendre le territoire. Ce mouvement est fort. Comme si sortant de nulle part, des centaines voire des milliers vont venir pour vous soutenir. Les foules à l’extérieur ont aussi eu un rôle important pour gêner la police en divisant leur attention. Les flics se sont retrouvés nassés et ne savaient pas dans quel sens se tourner. Quelqu’un a lancé un barbecue – des hot-dogs gratuits ont donné de l’énergie à la foule.
La police n’hésitera jamais à violenter celleux qui appellent à la fin du génocide en Palestine. A Gaza, les palestinien∙nes font face à l’armée israélienne ; aux États-Unis, en France et ailleurs, nous faisons face à la police. Nous devons affirmer que ces forces n’en sont en réalité qu’une seule : ils sont tous les soldats de l’empire.
Nous n’avons pas besoin de la permission des militant∙es professionnel∙les pour fixer les modalités de la lutte. Les occupant∙es étudiant∙es ont agi de façon autonome pour prendre le bâtiment sans le soutien d’aucune organisation établie. Nous avons collectivement établi que nous avions les compétences, l’expérience et la créativité qui étaient nécessaires pour mener à bien notre action. Alors que les organisations étudiantes recommandent de commencer par établir une liste de revendications atteignables et d’entrer dans des négociations sans fin avec l’administration, notre occupation n’avait qu’une seule revendication six heures durant : que la police quitte le campus.
Notre ville est généralement calme. Nous avons sous-estimé l’ampleur de la répression policière que nous allions subir. Quatre ans après le Soulèvement George Floyd, nous devons garder en tête ses leçons. Il est recommandé de venir à toutes manifestations avec des lunettes de protection, des masques à gaz, des lasers, et des boucliers. On ne sait jamais ce qu’une simple soirée pyjama peut devenir.