11.12.2024 à 17:34
11.12.2024 à 16:46
Le royaume arabe, deuxième producteur mondial de pétrole, cherche depuis des années à redorer son bilan peu reluisant en matière de droits humains en organisant des événements sportifs de premier plan, tels que le Rallye Dakar annuel qui, depuis 2020, se déroule entièrement sur son territoire, de même qu'en signant une multitude d'accords commerciaux dans le domaine sportif, avec pas moins de 910 contrats signés à travers le monde au cours de la seule année 2024.
Au terme d'un processus (…)
Le royaume arabe, deuxième producteur mondial de pétrole, cherche depuis des années à redorer son bilan peu reluisant en matière de droits humains en organisant des événements sportifs de premier plan, tels que le Rallye Dakar annuel qui, depuis 2020, se déroule entièrement sur son territoire, de même qu'en signant une multitude d'accords commerciaux dans le domaine sportif, avec pas moins de 910 contrats signés à travers le monde au cours de la seule année 2024.
Au terme d'un processus électoral où elle était seule candidate et d'un vote quelque peu controversé, l'Arabie saoudite a obtenu la confiance du football mondial pour accueillir en tant que pays hôte unique la Coupe du monde, l'une des plus grandes manifestations sportives qui soient.
D'une part, s'agissant des votes : la FIFA a organisé la décision finale de telle sorte que ses 211 fédérations nationales ont voté en même temps sur l'attribution des Coupes du monde de 2030 (Espagne, le Portugal et le Maroc, avec des matches en l'honneur du centenaire de la compétition en Argentine, en Uruguay et au Paraguay), et celle de 2034 pour l'Arabie saoudite. Une telle façon de procéder, par un vote unique « oui » ou « non » pour les deux éditions, viserait ostensiblement à minimiser toute opposition à la candidature unique de Riyad.
Par ailleurs, le véritable problème se situe au niveau du bilan des droits humains, des conditions de travail et des libertés civiles limitées d'un régime autocratique qui jouit d'une très mauvaise réputation dans ces domaines.
Le royaume saoudien réprime la dissidence politique, discrimine et soumet les femmes, criminalise la communauté LGBTQI+ et occupe le troisième rang mondial en termes d'exécutions capitales, dont plus de 200 en 2024. Il restreint en outre systématiquement la liberté d'expression, recourt aux nouvelles technologies pour espionner et réduire au silence les militants, les opposants et les journalistes, et a procédé à des expropriations forcées de sites susceptibles d'accueillir la Coupe du monde de football.
L'Arabie saoudite interdit la syndicalisation et les grèves. Selon l'Indice mondial des droits dans le monde de la Confédération syndicale internationale (CSI), elle fait partie des 13 pays qui ont vu leur note se dégrader en 2024 (5 sur une échelle allant de 1 à 5+, où 1 est la meilleure note et 5+ la pire).
Pour les travailleurs migrants (concentrés dans la construction, les soins et les services), elle maintient la « kafala », un système de parrainage qui confère aux employeurs une autorité abusive sur leur statut juridique, y compris la rétention de leur passeport et le dernier mot sur leur salaire et la possibilité ou non de quitter leur emploi. Ceci expose ainsi des millions de travailleurs migrants à des situations d'exploitation, de vol de salaire, voire de travail forcé. La kafala n'a pourtant pas posé de problème à la FIFA à l'heure de confier l'organisation de la Coupe du monde 2022 au Qatar, alors qu'elle était également en vigueur dans ce pays.
Ce système concerne quatre employés sur cinq dans le secteur privé saoudien. « Il est presque certain qu'une Coupe du monde organisée par l'Arabie saoudite sera entachée de violations » des droits des travailleurs, selon Human Rights Watch. Un avis que partage la CSI-Afrique : le traitement réservé par ce pays aux « travailleurs migrants favorise les violations flagrantes et arbitraires des droits humains et des droits des travailleurs ».
En plus de regrouper les Coupes du monde 2030 et 2034 en un seul scrutin, le Conseil de la FIFA avait annoncé dès octobre 2023 qu'après avoir confirmé la candidature unique pour la Coupe du monde 2030, la Coupe du monde 2034 s'élirait par « rotation » des confédérations continentales : seuls les pays d'Asie ou d'Océanie seraient éligibles, avec un délai de 25 jours pour introduire leur candidature. Quatre-vingt et une minutes plus tard, l'Arabie saoudite avait déjà officiellement déposé sa candidature. Son seul rival potentiel, l'Australie, a décidé de miser sur d'autres tournois internationaux. Il y a quelques semaines, la candidature de Riyad a été approuvée avec la note la plus élevée de l'histoire de la FIFA.
« Il n'y a pas de meilleur test de l'engagement de la FIFA envers les droits humains que la manière dont elle attribue, prépare et met en œuvre son tournoi phare », déclare dans un rapport la Sports and Rights Alliance (SRA), qui compte parmi ses membres des organisations de défense des droits humains et la CSI elle-même. Selon le rapport, la FIFA et ses fédérations nationales auraient dû garantir une procédure d'appel à candidatures « rigoureuse et transparente », exiger « des engagements, y compris des réformes juridiques, pour prévenir les violations des droits humains liées au tournoi » avant d'approuver toute décision, tout en se réservant le droit d'annuler le tournoi dans n'importe quel site choisi en cas de non-conformité.
Vous voulez en savoir plus ? Voici quelques références utiles :
- Voir le rapport conjoint de la SRA et d'Amnesty International évoquant les dispositions que pourrait prendre la FIFA pour garantir la protection des droits humains.
- Du côté de la FIFA : Évaluation de la candidature de l'Arabie saoudite pour 2034, où la FIFA aborde la question des droits humains. Et un rapport, réalisé à la demande de la fédération norvégienne de football, sur les indemnisations et la reconnaissance de l'impact sur les travailleurs migrants (lors de la préparation de la Coupe du monde au Qatar, où des milliers d'entre eux ont trouvé la mort dans des conditions de travail abusives, parfois extrêmes).
- Voir le rapport mondial de Human Rights Watch sur la situation des droits humains en Arabie saoudite.
- Dans le Middle East Monitor : 21.000 ouvriers auraient trouvé la mort et 100.000 auraient disparu lors de la construction de « The Line », le mégaprojet saoudien de ville futuriste.