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10.11.2024 à 17:37

Fiscalité et construction européenne, quels enjeux ?

Équipe de l'Observatoire

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À l'occasion du conseil européen « Affaires économiques et financières » qui se tient le 15 novembre sur le sujet du budget de l'Union européenne, nous reproduisons ici un texte d'Attac publié dans la Revue de l'Union européenne (éditions Dalloz) n° 679 de juin 2024.
L'évolution de la fiscalité européenne est consubstantielle à celle de la construction européenne et des États qui la composent. Ceux-ci ont une histoire riche et mouvementée, de la Grèce antique ou de l'Empire Romain en (…)

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Texte intégral (3482 mots)

À l'occasion du conseil européen « Affaires économiques et financières » qui se tient le 15 novembre sur le sujet du budget de l'Union européenne, nous reproduisons ici un texte d'Attac publié dans la Revue de l'Union européenne (éditions Dalloz) n° 679 de juin 2024.

L'évolution de la fiscalité européenne est consubstantielle à celle de la construction européenne et des États qui la composent. Ceux-ci ont une histoire riche et mouvementée, de la Grèce antique ou de l'Empire Romain en passant par le Moyen Âge jusqu'à la période actuelle

Les « finances publiques » ont accompagné, parfois impulsé ces évolutions. Elles se sont progressivement centralisées avec le passage de l'État féodal à l'État monarchique et à l'État moderne. Cette évolution s'est effectuée en raison de la nécessité de financer les guerres, elle a vu émerger la question de la représentation nationale, elle-même intimement liée au consentement à l'impôt. Ce dernier eut du mal à devenir ce qu'il est aujourd'hui : le pilier d'une société démocratique. En effet, la nécessité de lever l'impôt a abouti à la création de « Parlements » dés 1215 en Angleterre et 1302 en France, avec la création des États généraux par Philippe le Bel. En 1435, avec la création d'impôts permanents, les États généraux se sont toutefois privés de leur pouvoir. Ils ne seront plus convoqués par le roi de France. La théorie du consentement est réapparue à la fin du XVII ème siècle. Pour John Locke notamment [1], il n'y a pas d'autorité légitime sans consentement. Le droit des citoyens à consentir l'impôt est d'ailleurs au fondement des révolutions américaine et française de la fin du XVIII ème siècle [2]. Le consentement à la fiscalité européenne et au transfert d'une part plus ou moins importante de souveraineté est l'un des enjeux majeurs de la construction de l'Union européenne.

Les États modernes se sont construits sur deux attributs de souveraineté : battre monnaie et lever l'impôt. Le premier échappe désormais largement aux États membres de la zone euro. Le second est de plus en plus partagé entre l'Union européenne et ses États membres. Il est également fortement impacté par la concurrence fiscale et sociale. Dans un contexte troublé marqué par un affaiblissement du consentement à l'impôt aux raisons multiples, il est essentiel de revenir sur la façon dont les politiques fiscales évoluent au sein de l'Union européenne, avant d'envisager comment elles peuvent aider l'Union européenne à se réorienter pour faire face aux défis de la période.

Un cadre communautaire de la fiscalité orienté pour favoriser le marché intérieur

En matière de fiscalité, la construction et les politiques européennes ont profondément impacté les systèmes fiscaux et sociaux nationaux. Rappelons que la stratégie de l'Union européenne consiste à orienter les politiques fiscales pour promouvoir le marché unique et la croissance économique [3]. Ses objectifs sont notamment d'éliminer les obstacles fiscaux qui pénaliseraient les activités économiques transfrontalières mais aussi de lutter contre les aspects délétères de la concurrence fiscale et de l'évasion fiscale, sans pour autant en remettre en cause le principe.

Plusieurs éléments contribuent à influencer le niveau et la structure des recettes et des dépenses publiques, et donc le niveau et l'efficacité des politiques publiques. Il en va évidemment ainsi, au sein de la zone euro, de la gouvernance budgétaire et du cadre visant à limiter les déficits et la dette publics. D'autres évolutions concernent très directement les politiques fiscales nationales, même s'il faut ici distinguer les prérogatives de l'Union de celles des États membres.

La fiscalité est en principe une prérogative des États membres, les compétences de l'Union européenne étant officiellement limitées en la matière. Celles-ci s'inscrivent dans des politiques dont le but principal est de garantir le bon fonctionnement du marché unique. C'est ce qui explique que les premières règles fiscales communes aient surtout concerné la fiscalité indirecte, puisque celle-ci affecte directement le prix des marchandises et des services et, par conséquent, le fonctionnement du marché unique.

Les textes le stipulent assez clairement. Dans le chapitre sur les dispositions fiscales (articles 110 à 113), le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne porte sur l'harmonisation de la législation relative à la taxe sur le chiffre d'affaires, les droits d'accises et les autres formes de fiscalité indirecte tandis que le chapitre relatif au rapprochement des législations (articles 114 à 118 du traité FUE) couvre les taxes ayant un effet indirect sur la mise en place du marché unique.

Le cas de la TVA, impôt le plus rentable des États membres, est emblématique. Pour éviter des différences trop importantes dans les taux de TVA, ce qui pourrait fausser les échanges au sein du marché européen, un seuil minimal de 15 % pour le taux normal a été instauré en 1993 (directive d'octobre 1992). Au-delà de ce niveau, les États membres peuvent fixer le taux de TVA de leur choix. Ils peuvent également prévoir des taux réduits pour certaines activités ou certains produits et services (culture, presse, vélos électriques…) dans certaines limites déterminées par l'Union européenne. La directive TVA du 28 novembre 2006 dresse ainsi la liste les produits ou activités sur lesquels les États membres peuvent appliquer un taux réduit.

Quant aux impôts directs, si l'Union européenne n'a pas de compétence particulière dans le domaine, ils sont toutefois soumis à la jurisprudence européenne. Celle-ci veille à éviter un traitement fiscal différencié entre les résidents d'un pays et les autres ressortissants européens. Cette jurisprudence européenne s'invite également dans l'application de dispositifs particuliers. Dans son arrêt Waldner contre France du 7 décembre 2023, la Cour européenne des droits de l'homme juge que l'ancien taux de la majoration de 25 % automatiquement applicable à un avocat non-adhérent d'un organisme de gestion agréé entraînait une surcharge financière disproportionnée à l'encontre du requérant ayant introduit le recours. Il s'en est d'ailleurs suivi une série de contentieux que l'administration fiscale doit désormais traiter sur l'application de cette majoration. Cette construction jurisprudentielle peut donc conduire les États à revoir certaines de leurs dispositions fiscales nationales, de sorte que l'Union européenne, sans en avoir les compétences, influe aussi la fiscalité directe. Et ce, alors que celle-ci est en principe une prérogative des États membres.

La concurrence fiscale et ses dérives, autre marqueur de la construction européenne

Au-delà de cette construction fiscale européenne complexe, le choix historique de l'Union européenne a consisté à faire de la concurrence fiscale entre les États membres (et au-delà des frontières européennes) un mode de régulation, à la condition qu'elle ne soit pas faussée ni dommageable au bon fonctionnement du marché unique. Or, cette concurrence fiscale pèse sur les politiques fiscales et la capacité des États membres à « lever l'impôt ». Elle se traduit en effet, de longue date, par un double transfert. Le premier consiste à alléger les impôts des « bases mobiles » (les plus riches et les multinationales, dont les déplacements de richesses enjambent les frontières) vers les « bases immobiles » (l'immense majorité de la population et les PME, qui n'ont pas les mêmes possibilités), ce qui modifie profondément la répartition de la charge fiscale, donc des richesses. Le second consiste à baisser les moyens financiers alloués aux services publics et à la protection sociale, ce qui se traduit par une baisse de la qualité de l'éducation, un accès plus difficile au soin, une baisse de la couverture sociale, etc.

Si la question de la justice fiscale et sociale se pose légitimement, on peut également considérer que ce double transfert a un impact sur le marché unique lui-même. Certes, pour garantir son bon fonctionnement, l'Union européenne s'est intéressée à la question de la fraude et de l'évasion fiscales, aux effets délétères tant pour les populations, les budgets publics (suivis de près par la Commission européenne) que pour le fonctionnement du marché unique, puisque ces pratiques fausses l'allocation des ressources. Reste que les progrès sont minces et lents à mettre en œuvre, les décisions en matière de fiscalité devant être prises à l'unanimité par les États membres. Il suffit ainsi que l'un d'eux, qui se juge plus attractif fiscalement que ses voisins, pour bloquer un projet. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le projet d'harmonisation des bases de l'impôt sur les sociétés par exemple reste en suspend depuis plus de 20 ans…

L'Union européenne s'est largement inspiré des travaux de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui, dans son plan « BEPS » visant l'érosion des bases fiscales, a par exemple favorisé la mise en œuvre d'un système d'échanges automatiques d'informations et d'une imposition mondiale minimale au taux de 15 % des bénéfices des multinationales. Mais outre que ce dispositif peut être contourné via les territoires qui ne l'appliqueront pas, il fait déjà l'objet d'un détricotage qui l'éloignera de son but initial, au demeurant déjà bien modeste.

L'évitement de l'impôt a fait l'objet de plusieurs directives. Sans prétendre ici à l'exhaustivité, on citera quelques exemples. La Directive relative à l'évasion fiscale adoptée en juin 2016 et appliquée depuis janvier 2019 vise à empêcher les entreprises de développer des dispositifs hybrides leur permettant de diminuer leurs charges fiscales en profitant des écarts de législation entre les pays (membres ou tiers). En juillet 2020, la Commission européenne a adopté un paquet de mesures. Celui-ci comporte un plan d'action de 25 initiatives, une révision de la directive relative à la coopération administrative (DAC 7, visant à garantir l'échange automatique d'informations entre les États membres sur les recettes générées par les vendeurs sur les plateformes numériques, qu'elles soient situées ou non dans l'Union), une proposition de nouvelle révision de la directive relative à la coopération administrative (DAC 8, sur l'échange d'informations sur les crypto-actifs et la monnaie électronique) et une communication relative à la bonne gouvernance fiscale dans l'Union et au-delà. En 2021, l'Union européenne a adopté après de longues négociations (le texte avait été proposé par Commission européenne en 2016) une directive rendant obligatoire, pour les entreprises réalisant plus de 750 millions d'euros de chiffre d'affaires par an, de publier leurs revenus, bénéfices, effectifs et impôts payés dans chaque pays où elles sont présentes. Souvent dénommé « reporting pays par pays », ce dispositif doit s'appliquer aux exercices ouverts à compter du 1er juillet 2024. Il devrait permettre davantage de transparence et d'identifier si les impôts que ces grands groupes paient dans un État correspondent à l'activité économique qu'elles y exercent. En matière de fiscalité, l'Union européenne a donc évolué, elle ne peut plus se contenter du « code de bonne conduite » non contraignant adopté en 1997 qui visait certains régimes préférentiels. Le cadre européen est donc beaucoup plus prégnant qu'auparavant.

Continuer ou réorienter ?

Le mouvement d'européanisation de la fiscalité devrait se poursuivre. Plusieurs projets montrent par ailleurs que les compétences fiscales de l'Union européenne devraient sensiblement s'accroître à l'avenir, au point d'interroger sur la nature même de la construction européenne. Certes, l'harmonisation fiscale est bien loin d'être achevée et n'a d'ailleurs jamais été un objectif, la stratégie fiscale de l'Union européenne prenant davantage les allures d'une coordination dont le but reste inchangé : favoriser le bon fonctionnement du marché intérieur. Il n'empêche, la tendance est nette.

L'extension de la compétence fiscale de l'Union européenne pourrait provenir de l'évolution des ressources fiscales propres de l'Union et de la création d'impôts européens. Le premier du genre pourrait être le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF ou Carbon Border Ajustement Mecanism, CBAM) proposé dans le paquet climat présenté le 14 juillet 2014 par la Commission européenne dans le but d'atteindre les objectifs du Green Deal et finalement adopté en décembre 2022. Le mécanisme devrait entre en vigueur en 2032, il a pour objectif la réduction du bilan carbone lié aux entreprises qui exportent vers l'Union. Les biens importés se verront donc taxés lorsque le « prix carbone » sera faible ou nul. L'Union européenne se retrouverait ainsi de facto à « lever l'impôt » et, par conséquent, à accélérer potentiellement l'intégration européenne.

Le 12 septembre dernier, elle a en effet proposé une directive destinée à remplacer celles proposées en 2016 relative à l'ACIS (assiette commune pour l'IS) et à l'ACCIS (assiette commune consolidée pour l'IS), laquelle visait à harmoniser l'imposition des sociétés en Europe. L'initiative datait du début des années 2000 mais s'était heurtée aux désaccords entre États membres. L'objectif de cette nouvelle directive baptisée « BEFIT » (Business in Europe : Framework for Income Taxation ou « Entreprises en Europe : cadre pour l'imposition des revenus ») demeure la mise en place un nouvel ensemble unique de règles pour déterminer la base d'imposition des groupes d'entreprises. La Commission européenne justifiait sa proposition en estimant qu'il fallait « instaurer un ensemble commun de règles qui permettent aux entreprises de l'UE de calculer, à partir d'une formule, leur base imposable tout en garantissant une répartition plus efficace des bénéfices entre les pays ». Cette directive, une fois adoptée par le Conseil, pourrait entrer en vigueur le 1er juillet 2028. Au sein de l'Union européenne, au sein de laquelle cohabitent 27 régimes fiscaux nationaux différents, l'idée d'un cadre commun qui compléterait le taux d'imposition minimal est intéressante, quels que soient les objectifs qu'on lui assigne, qu'il s'agisse de permettre une répartition plus équitable des droits d'imposition entre les États membres, de réduire les charges administratives, de supprimer les obstacles fiscaux ou encore de limiter l'évasion fiscale.

D'autres projets ont vu le jour. Le 19 juin 2023, la Commission européenne publiait sa proposition de directive dite FASTER (« Faster and Safer Relief of Excess Withholding Taxes ») dont l'objectif est d'améliorer les procédures de remboursement de retenue à la source au sein de l'UE. Elle a également publié, le 12 septembre 2023, une proposition de directive visant à harmoniser les règles en matière de fixation des prix de transfert au sein de l'UE et à garantir une approche commune des prix de transfert.

Les multiples affaires révélant l'ampleur de l'évitement fiscal a incontestablement poussé les instances européennes et nombre d'États membres à prendre des mesures. LuxLeaks, des Panama Papers, Paradise Papers, etc, les révélations ont mis en cause des États comme le Luxembourg, l'Irlande, ou encore les Pays-Bas.

Si les débats sont nourris sur l'efficacité et la pertinence de ces projets, ils portent toutefois rarement sur l'évolution de l'Union européenne. La souveraineté fiscale nationale est le pendant de la souveraineté en matière de dépenses en matière de protection sociale, d'éducation nationale, de sécurité, etc. De plus, avec l'euro et la politique monétaire européenne, les États-nations de la zone euro sont privés de l'outil monétaire (ils ne peuvent plus jouer sur les taux d'intérêt ni dévaluer). Il leur reste donc la fiscalité et les cotisations sociales pour agir sur le pouvoir d'achat notamment, même si tout cela est encadré par des règles sur les déficits excessifs qui limitent leur autonomie. Le débat devrait logiquement porter non seulement sur l'orientation des politiques européennes, mais également sur la construction de l'Union européenne. A l'image de l'évolution des finances publiques des États du Moyen-âge jusqu'au XX ème siècle, va-t-on vers une européanisation des finances publiques basée sur une accélération de la coordination en matière d'impôts de toute nature, directs et indirects ? La question est d'importance, elle mérite d'être posée.

En matière de fiscalité, si des mesures ont été prises et que d'autres se profilent, l'absence de remise en cause du modèle de la concurrence fiscale et sociale empêche de prendre des mesures à la hauteur des enjeux de la période. Les inégalités augmentent, les moyens manquent pour faire face au réchauffement climatique, le mécontentement social capté par les mouvements d'extrême droite, etc. L'Union européenne est devant un choix historique. Le premier consiste à poursuivre sur la même lancée, ce qui empêchera de relever les défis de la période et favorisera une extrême droite climato-sceptique, nationaliste et profondément réactionnaire. Cela signifierait le début de la fin de la construction européenne. Le second consiste à réorienter l'Union européenne et à faire des questions sociales et écologiques une priorité.

Pour ce faire, il est tout à fait possible d'améliorer les projets ou dispositifs existants. L'harmonisation des bases de l'impôt sur les sociétés pourrait être assorti de l'instauration d'un impôt européen sur les bénéfices et d'un « taux plancher » tandis qu'une taxation unitaire des multinationales compléterait le dispositif (chaque État prélèverait une quote-part du bénéfice consolidé sur la base de critères objectifs : chiffre d'affaires, immobilisations, nombre de salariés). Une véritable harmonisation du système de TVA intracommunautaire permettrait de neutraliser la fraude carrousel et pourrait s'accompagner d'un taux plafond à ne pas dépasser. Un impôt européen sur la fortune et une taxe sur l'ensemble des transactions financières permettraient d'instaurer davantage de progressivité et de dégager des ressources utiles pour les investissements publics. Un renforcement de la coopération en matière de lutte contre l'évitement fiscal pourrait prévoir des procédures de contrôle harmonisées et la capacité pour le procureur européen de prononcer des sanctions. Le tout prendrait la forme d'un « serpent fiscal européen » qui, à l'instar du « serpent monétaire européen » destiné à limiter les écarts dans les fluctuations monétaires, limiterait les écarts de fiscalité.
En réorientant son action vers la justice fiscale, sociale et écologique, la légitimité de l'Union européenne en sortirait renforcée. Et le consentement à une politique fiscale européenne également.


[1] John LOCKE, Le second traité du gouvernement. Un essai sur l'origine véritable, l'étendue et la fin du Gouvernement Civil, Paris, PUF,1994

[2] L'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen précise la nécessité du consentement.

[3] Voir notamment sur le site du Parlement européen la fiche thématique consacrée à la politique fiscale.

13.10.2024 à 08:05

Taux minimum d'imposition des revenus de 20 % : un aveu, intéressant mais très insuffisant

Équipe de l'Observatoire

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Le gouvernement vient d‘annoncer l'instauration d‘une contribution temporaire sur les plus hauts revenus consistant à créer un taux effectif minimum de 20 %. Cette disposition confirme ce que Attac avait déjà repéré et qui a été confirmé par les travaux de l'Institut des politiques publiques : au-delà d'un certain niveau de revenu, le taux réel d'imposition des revenus baisse alors que l'impôt sur le revenu (IR) est censé être progressif. Elle s'inscrit par ailleurs dans le débat sur (…)

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Le gouvernement vient d‘annoncer l'instauration d‘une contribution temporaire sur les plus hauts revenus consistant à créer un taux effectif minimum de 20 %. Cette disposition confirme ce que Attac avait déjà repéré et qui a été confirmé par les travaux de l'Institut des politiques publiques : au-delà d'un certain niveau de revenu, le taux réel d'imposition des revenus baisse alors que l'impôt sur le revenu (IR) est censé être progressif. Elle s'inscrit par ailleurs dans le débat sur l'instauration d'une imposition mondiale minimum sur les plus riches dont on ne peut que souhaiter qu'elle débouche sur un système véritablement juste et redistributif.

Combien de foyers fiscaux concernés ?

Le seuil au-delà duquel s'applique cette contribution temporaire est fixé à 250 000 euros pour un célibataire et 500 000 euros pour un couple. Les données publiques disponibles portent sur les revenus de l'année 2022 imposés en 2023. Elles ne distinguent pas la composition des foyers fiscaux par part du quotient familial. Elles sont toutefois intéressantes car elles montrent que :
• 105 000 foyers environ perçoivent un revenu fiscal de référence (RFR) supérieur à 300 000 euros,
• près de 63 000 foyers perçoivent un RFR de plus de 400 000 euros,
• près de 42 500 perçoivent un RFR de plus de 500 000 euros.

Quel rendement ?

En France, cette mesure aurait un impact que l'on peut mesurer ainsi. En matière d'IR, les données de l'administration fiscale montrent en effet que, ramené au revenu fiscal de référence (RFR), le taux effectif moyen d'imposition des plus aisés atteint 22 % pour les foyers ayant un RFR compris entre 500 000 et 700 000 euros. Mais contrairement au principe de progressivité, ce taux baisse ensuite progressivement, pour passer sous les 20 % pour les foyers au RFR compris entre 4 et 6 millions d'euros et s'abaisse même à 16,9 % pour les foyers au RFR au-delà de 9 millions d'euros.

En 2023, près de 1 900 foyers, dont le revenu est supérieur à 4 millions d'euros, présentaient un taux effectif réel d'imposition inférieur à 20 %. Appliqué en 2023, un taux minimum d'imposition de 20 % aurait ainsi dégagé un peu plus de 400 millions d'euros. Le rendement annoncé de 2 milliards d'euros a donc de quoi interroger : il paraît largement surévalué.

L'impôt sur le revenu est et restera dégressif

Il est intéressant de préciser que cette dégressivité de l'IR n'est pas nouvelle. Au surplus, bion que dégressifs, les taux réels d'imposition étaient supérieurs avant l'instauration du prélèvement forfaitaire unique (PFU, la flat tax, constituée de 12,8 % d'impôt sur le revenu et de 17,2 % de CSG), qui a tiré les taux vers le bas.

La chute est même spectaculaire. A titre d'exmples :
pour les foyers fiscaux dont le RFR se situait entre 600 000 et 700 000 euros en 2017, le taux effectif moyen d'imposition atteignait 27 %. Il s'abaissait à 26,42 % en 2018, 24,0 % en 2019 et 22 % en 2023.
pour les foyers dont le RFR dépassait 9 millions d'euros en 2017, le taux effectif moyen était légèrement supérieur à 20 % en 2017, il était inférieur à 17 % en 2023.

Plus largement, au-dessus de 100 000 euros de revenus (777 899 foyers fiscaux en 2017, plus de 1,1 million en 2023), les taux réels sont sensiblement inférieurs en 2023 à ce qu'ils étaient en 2017, avant la mise en place du PFU (applicable en 2018). De manière générale, l'ensemble des foyers fiscaux dont le RFR se situe au-delà de 500 000 euros, la baisse des taux effectifs moyen est nette. Elle peut atteindre dépasser 5 points.

Ce taux minimum d'imposition constitue en quelque sorte un aveu quant à la dégressivité de l'IR. Elle limite certes l'effet régressif du PFU, sans toutefois le remettre en cause. Il eut en effet été plus rentable, plus juste et plus simple d'imposer l'ensemble des revenus au barème progressif de l'impôt sur le revenu au lieu d'instaurer un tel mécanisme. Avec cette contribution temporaire, le taux effectif minimum ne pourra plus être inférieur à 20 % pendant 3 ans mais, en l'absence de réforme d'ensemble, l'impôt sur le revenu restera dégressif.

26.09.2024 à 08:31

L'étude de Tax Justice Network révèle que les pays peuvent collecter 2 000 milliards de dollars en imitant l'impôt sur la fortune espagnol

Équipe de l'Observatoire

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Nous reproduisons ici un résumé de l'étude du Tax Justice Network d'août 2024 qui montre que les Etats ont tout intérêt à instaurer un impôt sur les super-riches.
La suppression de ce que le réseau tax justice network (TJN) dénomme « le traitement fiscal spécial accordé aux super-riches » (autrement dit les mesures fiscales taillées sur mesure) peut couvrir les besoins estimés en matière de financement de la lutte contre le changement climatique. TJN montre que, en suivant l'exemple de (…)

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Nous reproduisons ici un résumé de l'étude du Tax Justice Network d'août 2024 qui montre que les Etats ont tout intérêt à instaurer un impôt sur les super-riches.

La suppression de ce que le réseau tax justice network (TJN) dénomme « le traitement fiscal spécial accordé aux super-riches » (autrement dit les mesures fiscales taillées sur mesure) peut couvrir les besoins estimés en matière de financement de la lutte contre le changement climatique. TJN montre que, en suivant l'exemple de l'impôt sur la fortune de l'Espagne, qui frappe les 0,5 % des ménages les plus riches, les pays récolteraient 2000 milliards de dollars par an au niveau mondial.

Pour TJN, il est démontré que les réformes fiscales ciblant les richesses extrêmes n'ont pas entraîné la délocalisation des super-riches vers d'autres pays.
En moyenne, la moitié de la population d'un pays ne possède que 3 % de sa richesse, tandis que les 0,5 % les plus riches en possèdent un quart.
L'extrême richesse insécurise les économies et est directement liée au fait que les personnes doivent dépenser plus qu'ils ne gagnent. Le traitement à deux vitesses de la richesse (impôts moins élevés sur la richesse perçue, c'est-à-dire les dividendes, les loyers, les gains en capital ; impôts plus élevés sur la richesse gagnée, comme les salaires) alimente l'extrême richesse et rend les économies plus pauvres.

Les pays peuvent collecter la somme de 2000 milliards de dollars par an en suivant l'exemple de l'Espagne qui a réussi à imposer la richesse des 0,5 % des ménages les plus riches. C'est le double du montant nécessaire chaque année pour le financement externe des pays en développement pour le climat, qui devrait être au centre des négociations de la COP29 cette année.

La dernière étude du Tax Justice Network estime le montant des recettes que chaque pays peut individuellement générer en taxant la richesse des seuls 0,5 % des ménages les plus riches à un taux léger de 1,7 % à 3,5 %. L'impôt sur la fortune ne s'appliquerait qu'à la partie supérieure du patrimoine des ménages, et non à l'ensemble de leur patrimoine.

Bien que l'étude reproduise l'approche de l'impôt espagnol sur la fortune pour chaque pays, elle constate qu'en moyenne, chaque pays pourrait collecter l'équivalent de 7 % de son budget de dépenses. Elle montre également que les réformes fiscales précédentes visant les super-riches n'ont pas entraîné leur délocalisation vers d'autres pays, malgré les titres des médias affirmant le contraire. Seuls 0,01 % des ménages les plus riches ont déménagé après la mise en œuvre des réformes de l'impôt sur la fortune visant les ménages les plus riches en Norvège, en Suède et au Danemark. Une étude britannique prévoit que les réformes relatives au statut de personne non domiciliée entraîneraient un taux de migration compris entre 0,02 % et 3,2 % au maximum. Les estimations de l'étude sur le montant des impôts que les pays peuvent percevoir grâce à l'impôt sur la fortune reposent par conséquent sur l'hypothèse très prudente qu'un tel taux de migration de 3,2 % se produirait.

Le traitement à deux vitesses de la richesse insécurise les économies. Les sommes considérables que pourrait rapporter un modeste impôt sur la fortune sont possibles en raison des niveaux extrêmes de richesse accumulée par les plus riches. L'étude révèle qu'en moyenne, dans chaque pays, la moitié de la population possède à peine 3 % de l'ensemble des richesses, tandis que les 0,5 % les plus riches en détiennent un quart (25,7 %).

Selon le rapport, cette richesse extrême des super-riches rend les économies incertaines et est directement liée à une productivité économique plus faible, aux ménages non riches qui doivent dépenser plus qu'ils ne gagnent et à des résultats sociétaux plus médiocres tels qu'un niveau d'éducation plus faible et une espérance de vie plus courte.

Selon TJN, la racine du problème réside dans le traitement à deux vitesses de la richesse collectée et de la richesse gagnée. La richesse collectée, c'est-à-dire les dividendes, les plus-values et les loyers tirés de la possession de biens, est généralement imposée à des taux bien inférieurs à ceux de la richesse gagnée (soit les revenus du travail). Dans le même temps, la richesse collectée croît généralement plus vite que la richesse gagnée. Aujourd'hui, seule la moitié de la richesse créée chaque année dans le monde va aux personnes qui gagnent leur vie. Le reste est collecté sous forme de loyers, d'intérêts, de dividendes et de plus-values.

Si les superriches peuvent travailler et avoir un emploi, la quasi-totalité de leur richesse provient de la possession d'entreprises et d'empires immobiliers, et non de leur travail dans ces empires. Les salaires qu'ils peuvent percevoir ne sont qu'une goutte d'eau dans l'océan de leur richesse. Trois des cinq hommes les plus riches de la liste des milliardaires de Forbes pour 2024 gagnent un salaire d'un dollar : Elon Musk, Mark Zuckerberg et Larry Elison. Selon une étude de 2011, le "PDG à 1 dollar" moyen renonce à 610 000 dollars de salaire, mais gagne 2 millions de dollars d'autres rémunérations basées sur la propriété.
Le traitement à deux vitesses a produit des résultats extrêmes en ce qui concerne les personnes les plus riches. Les milliardaires ont tendance à payer des taux d'imposition inférieurs de moitié aux taux payés par le reste de la société. Et leur richesse augmente deux fois plus vite que celle du reste de la société. Cela a contribué à quadrupler la richesse des 0,0001 % depuis 1987, au détriment des économies, des sociétés et de la planète.

L'accumulation extrême de richesses ne se contente pas de créer des déséquilibres extrêmes aux conséquences néfastes, elle rend ces richesses accumulées moins productives sur le plan économique - par exemple en détournant une part disproportionnée de la richesse vers des produits dérivés spéculatifs plutôt que vers des biens et des services de l'économie "réelle". Le porte-parole du Tax Justice Network explique ainsi "pourquoi le monde ne se sent pas plus riche aujourd'hui alors qu'il n'y a jamais eu autant de richesses que maintenant".

Le traitement à deux niveaux de la manière dont les gens acquièrent la richesse amplifie cette tendance. En permettant à la richesse collectée de dépasser de façon spectaculaire la richesse gagnée, le traitement à deux vitesses pousse la richesse vers des formes moins productives tout en augmentant l'endettement des ménages non riches.

Le réseau Tax Justice Network appelle les gouvernements à mettre fin au traitement à deux vitesses de la richesse en introduisant des impôts sur la fortune.

26.08.2024 à 15:04

Remboursements de crédit de TVA et de crédit d'impôt recherche : des coûts qui explosent et peu de contrôles

Équipe de l'Observatoire

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Si les « niches fiscales » (nommées « dépenses fiscales » dans le jargon budgétaire) font régulièrement débat, la littérature sur l'évolution du coût des dégrèvements et des remboursements d'impôt (issus de certaines « niches fiscales », de dispositions fiscales spécifiques et de la mécanique propre à certains impôts) est bien mince. En la matière, un paradoxe mérite d'être souligné : en 2023, le niveau des recettes publiques a diminué et est inférieur aux prévisions, celui des (…)

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Si les « niches fiscales » (nommées « dépenses fiscales » dans le jargon budgétaire) font régulièrement débat, la littérature sur l'évolution du coût des dégrèvements et des remboursements d'impôt (issus de certaines « niches fiscales », de dispositions fiscales spécifiques et de la mécanique propre à certains impôts) est bien mince. En la matière, un paradoxe mérite d'être souligné : en 2023, le niveau des recettes publiques a diminué et est inférieur aux prévisions, celui des remboursements et des dégrèvements a sensiblement augmenté et est supérieur aux estimations.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes : dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2024, le montant des remboursements et dégrèvements d'impôts d'État s'élève à 135,9 milliards d'euros, en hausse de près de 9 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2023 (soit 127,1 milliards d'euros) et ont plus que doublé depuis 2001 (ils s'établissaient alors à 61 milliards d'euros). C'est tout bonnement le plus haut niveau jamais atteint, hors Covid. Dans la période récente, cette hausse concerne essentiellement les remboursements et dégrèvements en matière d'impôts d'État (ceux concernant les impôts locaux diminuent en effet du fait de la suppression progressive de la taxe d'habitation sur les résidences principales et de la réforme des impôts dits « de production »).

Plusieurs raisons expliquent cette tendance à la hausse. Si l'on pense notamment à la législation ou à l'évolution du tissu économique, il faut y ajouter la faiblesse des contrôles due, principalement, au manque de moyens de la Direction générale des finances publiques (DGFiP).
L'analyse des demandes de remboursement de crédit de TVA et du crédit d'impôt recherche (CIR) l'illustre hélas à merveille.

Le cas préoccupant des remboursements de crédit de TVA

Rappelons tout d'abord sommairement le fonctionnement de la TVA. L'entreprise assujettie à la TVA facture la TVA à ses clients, elle déduit de cette TVA collectée la TVA qu'elle paie à ses fournisseurs et reverse la différence à l'administration fiscale. Dans certains cas toutefois (période d'achats importants, exportations non assujetties à la TVA, etc), le montant de la TVA déductible peut dépasser celui de la TVA collectée. L'assujettie est alors en situation de crédit de TVA et peut soit imputer ce crédit sur la TVA collectée future, soit se la faire rembourser. Cette seconde solution est largement privilégiée par les entreprises.

La TVA est, de loin le premier, impôt en France. En 2024, le rendement brut de la TVA pourrait atteindre 303 milliards d'euros. Pour calculer son rendement net, il faut déduire de ce montant brut 83,5 milliards d'euros de remboursements et dégrèvements (dont les 79,33 milliards d'euros au titre des restitutions de crédits de TVA). Précisons ici que 119 milliards d'euros de recettes de TVA échappent au budget de l'État et sont transférés à la Sécurité sociale (pour 60 milliards d'euros), aux collectivités territoriales (pour 55 milliards d'euros) et, pour 4 milliards d'euros, en compensation de la suppression de la contribution à l'audiovisuel public. En PLF 2024, les restitutions de TVA sont donc estimées à 79,3 milliards d'euros, ce qui représente une augmentation de 15,4 % par rapport à la LFI 2023 (soit 10,56 milliards d'euros) après une hausse de 8,3 % entre 2022 et 2023 et de 10,2 % entre 2021 et 2022. Sur une période plus longue, entre 2014 et 2024, la hausse des remboursements de TVA s'élève à 66,6 % (soit 31,7 milliards d'euros).

Ce niveau élevé des remboursements nécessite une vigilance accrue sur les risques de montages frauduleux. Rappelons qu'en 2022, l'INSEE estimait la fraude à la TVA entre 20 et 26 milliards d'euros [1]. Or, le montant des crédits de TVA rejetés interpelle pas sa faiblesse : 134 millions en 2021 et 137 millions en 2022, soit 0,23 % du montant total des remboursements de crédit de TVA de 2021 (57,6 milliards d'euros en 2021) et 0,2 % du montant total des remboursements de crédit de TVA pour 2022. Autrement dit, le contrôle de ces demandes est faible… Deux raisons principales expliquent cette situation : la réduction des effectifs de la Direction générale des finances publiques (DGFiP) et l'objectif assigné au programme « 200 - Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État » en matière de rapidité de traitement des demandes de remboursements.

Le CIR, première niche fiscale

Le crédit d'impôt recherche (CIR) est la première « niche fiscale ». Son coût ne cesse de croître et devrait atteindre 7,64 milliards d'euros en 2024. Pour autant, les dernières évaluations sur le CIR et son impact en termes d'investissement, d'emploi et d'attractivité des entreprises innovantes datent de 2021 et se basent sur des données allant jusqu'en 2018. Or, depuis cette date, le coût du CIR a augmenté de 1,8 milliard d'euros. Le CIR est très concentré : les 200 premières entreprises représentent près des deux tiers du coût total et 28 groupes déclarent le tiers des dépenses de R&D et bénéficient de 27 % de créances de CIR.

Dans leurs rapports spéciaux consacrés au programme « Remboursements et dégrèvements », les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat se montrent particulièrement critiques sur le CIR [2]. Leurs travaux montrent que la hausse du coût du CIR est importante et qu'elle dépasse les prévisions. Le rapporteur spécial de la commission des finances estime nécessaire de « mener une nouvelle évaluation qui viserait à mesurer l'impact du dispositif en établissant une différenciation par type d'entreprise et par secteur d'activité à partir des données les plus récentes » tandis que le rapport spécial de la commission des finances de l'Assemblée nationale relève que « L'efficience de ce dispositif a fait l'objet d'une littérature critique abondante. Au sujet du CIR, France Stratégie relève des « effets positifs sur les PME [3] , mais pas d'effet significatif établi en ce qui concerne les ETI et les grandes entreprises ». Elle observe également que « le CIR n'a pas suffi à contrecarrer la perte d'attractivité du site France pour la localisation de la R&D des multinationales étrangères ». La question de l'efficacité du CIR est donc posée. Le rapport cite également les travaux cités par France Stratégie, selon lesquels ce sont les PME qui ont la propension la plus grande à réaliser des innovations de rupture et que le CIR conduit à un « effet d'aubaine » pour les grandes entreprises, et propose de « recentrer le CIR sur les petites et les moyennes entreprises (PME) et à plafonner les dépenses éligibles pour les grands groupes ».

À ce propos, on notera que le Conseil des prélèvements obligatoires préconise, de son côté, soit un plafond de 20 millions d'euros, soit un plafond de 20 millions d'euros associé à une hausse du taux de CIR à 40 %. La DGFiP estime que la première option permettrait de réduire le coût du CIR de 1,6 milliard d'euros aux finances publiques alors que la seconde conduirait à l'augmenter de 200 millions d'euros.

Le rapport spécial de la commission des finances du Sénat note également que « le CIR est un crédit d'impôt particulièrement difficile à contrôler qui nécessite une coordination entre les services de la DGFIP et ceux du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ». Or, ces deux administrations perdent des emplois. Curieusement, les données sur le nombre de contrôles du CIR sont rares. Après une augmentation des rectifications entre 2008 et 2013, passant de 269 à 1523, le rythme décroît depuis 2014. Ainsi, en 2019, 1 071 contrôles ont fait l'objet d'une rectification CIR. Ramené aux 21 087 bénéficiaires du CIR en 2019, la proportion de celles ayant fait l'objet d'un contrôle est donc de 5 %...

Ces deux focus sur, d'une part, un dispositif lié à la mécanique d'un impôt (la TVA en l'occurrence) et d'autre part, la première « niche fiscale », montrent que la hausse de leur coût budgétaire est en partie artificielle et résulte d'une utilisation optimisée, et parfois frauduleuse, de ces dispositifs. Une véritable « revue » de ces dispositifs et un renforcement de l'ensemble des moyens de contrôle devrait constituer une véritable priorité en matière de finances publiques. Mais jusqu'à présent, ces préconisations sont restées « lettres mortes ».


[1] INSEE, Estimation des montants manquants de versements de TVA : exploitation des données du contrôle fiscal, 25 juillet 2022.

[2] Rapport spécial de la Commission des finances de l'Assemblée nationale « Annexe 40, remboursements et dégrèvements » (Mme Pires Beaune, rapporteure spéciale) du 14 octobre 2023 et rapport spécial de la Commission des finances du Sénat « Annexe 27, remboursements et dégrèvements » (M. Husson, rapporteur spécial) du 23 novembre 2023.

[3] France Stratégie (CNEPI), « Évaluation du crédit d'impôt recherche », Gilles de Margerie (président), Mohamed Harfi et Rémi Lallement (rapporteurs), juin 2021

30.07.2024 à 14:04

« Budget vert » : une tendance à la dégradation préoccupante

Équipe de l'Observatoire

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Depuis fin 2020, un rapport annexé à chaque projet de loi de finances tente d'évaluer l'impact environnemental des dépenses et des recettes du budget de l'État. L'ambition, louable dans son principe, est de coter les dépenses prévisionnelles du budget de l'État selon leur impact sur l'environnement et de mieux prendre en compte la dimension environnementale dans l'évolution des finances publiques.
Ce document a été discuté. Les résultats apparaissent en effet bien modestes. Comme le note (…)

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Texte intégral (905 mots)

Depuis fin 2020, un rapport annexé à chaque projet de loi de finances tente d'évaluer l'impact environnemental des dépenses et des recettes du budget de l'État. L'ambition, louable dans son principe, est de coter les dépenses prévisionnelles du budget de l'État selon leur impact sur l'environnement et de mieux prendre en compte la dimension environnementale dans l'évolution des finances publiques.

Ce document a été discuté. Les résultats apparaissent en effet bien modestes. Comme le note la Cour des comptes dans un rapport intitulé « Observations définitives : la prise en compte de l'environnement dans le budget et les comptes de l'État » du 15 mai 2023 ; ce budget vert « ne cote que les crédits budgétaires, les taxes affectées et les dépenses fiscales, et non l'ensemble des dépenses du budget général de l'État et des ressources publiques, y compris les dépenses fiscales présentées dans le projet de loi de finances de l'année, ayant un impact favorable ou défavorable significatif sur l'environnement ».

Malgré d'évidentes limites, il est tout de même assez instructif de revenir sur les principaux enseignements des 4 premières livraisons de ce rapport.

Quelle méthode de classement ?

Le « budget vert » classe les dépenses publiques évaluées en plusieurs grandes catégories présentées de la manière suivante.

Les dépenses favorables, cette catégorie recouvrant trois types de dépenses :
les dépenses ayant un objectif environnemental principal ou participant directement à la production d'un bien ou service environnemental (éco-activité) ;
les dépenses sans objectif environnemental mais ayant un impact indirect avéré ;
les dépenses favorables mais à l'impact controversé en présence notamment d'effets de court terme favorables pouvant présenter un risque de verrouillage technologique à long terme
À titre d'exemple, on retrouve dans ces dépenses les dépenses de soutien aux énergies renouvelables (2,1 milliards d'euros en PLF 2024).

Les dépenses dites « mixtes », favorables à l'environnement sur au moins un axe mais qui ont des effets négatifs sur un ou plusieurs autres axes. On y classe les dépenses relatives aux nouvelles infrastructures de transport ferroviaire ou fluvial.

Les dépenses neutres : dépense sans effet significatif sur l'environnement ; information non disponible ou insuffisamment étayée pour déterminer un impact environnemental favorable ou défavorable. On retrouve dans cette catégorie les aides pour le logement (APL, 13,9 milliards d'euros en PLF 2024).

Les dépenses défavorables : la dépense constitue une atteinte directe à l'environnement ou incite à des comportements défavorables à celui-ci. On retrouve ici les mesures relatives aux taux réduits sur les carburants (3,5 milliards d'euros en PLF 2024) qui encouragent le transport routier

Quels résultats et quelles évolutions ?

En 2020, 41,8 milliards d'euros de dépenses ont été identifiées comme ayant un impact sur l'environnement et de 52,8 milliards d'euros en y ajoutant les dépenses fiscales (les niches fiscales), ce qui est peu par rapport aux 574,2 milliards d'euros de dépenses budgétaires et fiscales (9,19%).

Les dépenses dites « vertes », c'est-à-dire favorables à l'environnement sur au moins un axe environnemental sans être défavorables par ailleurs représentent 72,6 % de ces dépenses : elles atteignent 38,1 milliards d'euros en PLF pour 2021.
Les dépenses « mixtes » qui sont favorables à l'environnement sur un moins un axe mais qui ont des effets négatifs sur un ou plusieurs autres axes représentent 8,9 % de ces dépenses, soit 4,7 milliards d'euros. Enfin, 10,0 milliards d'euros de dépenses ont un impact défavorable sur au moins un axe environnemental sans avoir un impact favorable par ailleurs, ce qui recouvre principalement des dépenses fiscales (7,2 milliards d'euros)

En PLF 2024, parmi l'ensemble des dépenses budgétaires et fiscales du budget de l'État (569,7 milliards d'euros), 55,9 milliards d'euros (soit 9,81 % du total) ont été identifiés comme ayant un impact environnemental. Parmi elles, 39,7 milliards d'euros (soit 71%) sont considérées comme ayant un impact favorable à l'environnement, 3,1 milliards d'euros un impact mixte (soit 5,45%) et 13,1 milliards d'euros un impact défavorable soit 23,43%).

En d'autres termes, la situation s'est dégradée, tant en valeur qu'en proportion. Cela n'est hélas guère étonnant : les choix politiques de ces dernières années n'ont pas orienté l'action publique en fonction des priorités environnementales. Quant à la gouvernance budgétaire, elle reste tournée vers la « performance », synonyme de « faire plus avec moins » pour les services publics. Orienter les finances publiques vers la bifurcation sociale et écologique est cependant non seulement souhaitable mais aussi possible. C'est l'une des grandes priorités de la période. Attac et l'Observatoire de la justice fiscale répondront présents pour que, à l'occasion du prochain débat budgétaire, cet objectif soit publiquement rappelé.

27.05.2024 à 08:51

L'impôt sur le revenu en chiffres

Équipe de l'Observatoire

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Créé en 1914, l'impôt sur le revenu est un impôt déclaratif et progressif. Il a connu de nombreuses réformes. Sous l'effet de la concurrence fiscale, ses taux, notamment les plus élevés, ont baissé. Le taux le plus élevé du barème est ainsi passé de 65 % en 1982 à 45 % actuellement. De nombreuses « niches fiscales » ont également été instaurées. Récemment, Emmanuel Macron a décidé de créer le prélèvement forfaitaire unique, un impôt à taux proportionnel pour les revenus financiers (au taux (…)

- Comprendre la fiscalité
Texte intégral (914 mots)

Créé en 1914, l'impôt sur le revenu est un impôt déclaratif et progressif. Il a connu de nombreuses réformes. Sous l'effet de la concurrence fiscale, ses taux, notamment les plus élevés, ont baissé. Le taux le plus élevé du barème est ainsi passé de 65 % en 1982 à 45 % actuellement. De nombreuses « niches fiscales » ont également été instaurées. Récemment, Emmanuel Macron a décidé de créer le prélèvement forfaitaire unique, un impôt à taux proportionnel pour les revenus financiers (au taux de 30 %, soit 12,8 % au titre de l'impôt sur le revenu et 17,2 % au titre des prélèvements sociaux). Tous les revenus ne sont donc pas logés à la même enseigne. L'incessant triturage de l'impôt sur le revenu l'a fortement éloigné de son objectif initial : dégager des recettes et réduire les inégalités de revenus.

Cet impôt s'applique aux particuliers qui résident en France. Ceux-ci, comme chaque année au printemps, doivent déclarer leurs revenus à l'administration fiscale afin de calculer l'impôt sur le revenu (IR). Jugé tout à la fois plus juste et plus complexe que les autres en raison de sa progressivité et des règles qui le régissent (quotient familial, « niches fiscales, etc.), l'IR reste l'impôt le plus connu, même s'il n'est pas, et de loin, le plus rentable. Cette période de déclaration des revenus est l'occasion de dresser un rapide panorama de l'impôt sur le revenu.

Quel rendement ?

En 2022, l'IR aura rapporté 82,1 milliards d'euros, soit 23,1 % du budget de l'État. Par comparaison, cette année-là, la TVA aura dégagé 202,7 milliards d'euros de recettes (affectées à l'État, aux collectivités locales et à la Sécurité sociale) tandis que la contribution sociale généralisée (CSG) rapportait 106,9 milliards d'euros aux caisses de la Sécurité sociale. L'impôt sur les sociétés, pour sa part, aura rapporté moins que l'IR, soit 68 milliards d'euros en 2022.

Qui paie l'IR ?

En 2022 toujours, on dénombrait 40,7 millions de foyers fiscaux, tous appelés à remplir leur déclaration de revenus. Parmi eux, 18,2 millions auront effectivement payé un IR. Les raisons qui expliquent cette faible proportion sont les suivantes. Le revenu imposable tient compte des prélèvements sociaux, déductibles (à l'exception de la contribution au remboursement de la dette sociale et d'une fraction de la CSG). Les dispositifs comme le quotient conjugal et familial ou les niches fiscales permettent à de nombreux foyers fiscaux de réduire leur impôt, voire de l'annuler. Enfin, le niveau global des revenus reste insuffisant, de nombreux foyers fiscaux ne percevant pas un niveau suffisant pour être imposable. Ces différents facteurs, combinés aux inégalités importantes de revenus, expliquent que les plus hauts revenus paient une part importante de l'IR.

Qu'ils soient imposables ou non, les 40,7 millions de foyers fiscaux ont déclaré 1 389 milliards d'euros de revenus ce qui, ramené au rendement net de l'IR, revient à un taux réel d'imposition moyen de 5,9 %. La majorité provient des salaires (61,7 %), mais on y retrouve aussi les pensions et les rentes (25,7 %), les bénéfices industriels et commerciaux (provenant des commerçants notamment, pour 1,4 %), les bénéfices non commerciaux (provenant des professions libérales, pour 2,9 %), les revenus fonciers (pour 2,1 %) ou encore les revenus de capitaux mobiliers (les revenus financiers, pour 3,5 %) et les revenus agricoles (pour 0,5 %).

Quid des « niches fiscales » ?

L'IR concentre près de la moitié des « dépenses fiscales », également dénommés « niches fiscales ». Parmi les 40,7 millions de foyers fiscaux, 12 millions (soit 29,5 %) bénéficient d'une de ces « niches fiscales », autrement dit d'un crédit ou d'une réduction d'impôt. L'importance de l'avantage fiscal procuré par les « niches » diffère toutefois selon le revenu. Si 3,3 millions de foyers déclarent des dons à des organismes d'intérêt général pour une réduction d'impôt moyenne de 411 euros, ils ne sont que 40 000 à déclarer des investissements en outre-mer (pour un manque à gagner global de 584 millions d'euros) pour une réduction d'impôt moyenne de 14 566 euros ou un investissement locatif dit « Pinel » pour une réduction d'impôt moyenne de 4 025 euros.

Si ces dispositifs grèvent évidemment le rendement de l'IR, ils affectent également la progressivité de l'IR, qui est pourtant un principe fondateur de cet impôt. La concentration de l'utilisation des niches fiscales sur les hauts revenus est une réalité. Le montant moyen des réductions et crédits d'impôt est de 47 euros pour les 10 % des foyers fiscaux les plus pauvres, il s'élève à 577 euros pour les foyers situés dans le 9ème décile et à 2 206 euros pour les 10 % les plus aisés. Mais au sein des 10 % les plus aisés, les disparités sont importantes. Pour le dire simplement, plus les revenus sont élevés et plus l'effet des « niches fiscales » se fait sentir. Cette concentration rend mêmes l'IR régressif au-delà d'un certain seuil. Le taux réel moyen d'imposition atteint en effet 22,68 % pour les revenus compris entre 400 000 et 500 000 euros pour s'abaisser et se situer entre 17 et 19 % pour les revenus supérieurs à 5 millions d'euros…

04.05.2024 à 15:31

Quelle fiscalité européenne ?

Équipe de l'Observatoire

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Les élections au Parlement européen se profilent, mais la fiscalité est largement absente du débat public. Elle est pourtant au cœur des enjeux sociaux, environnementaux et économiques et, par son incidence sur le pouvoir d'achat, les services publics et la protection sociale notamment, elle a un impact direct sur les conditions de vie des populations. Il est donc essentiel de revenir sur les principaux enjeux en la matière. Attac et la fondation Copernic publient un livre intitulé « Leur (…)

- Actualités
Texte intégral (1921 mots)

Les élections au Parlement européen se profilent, mais la fiscalité est largement absente du débat public. Elle est pourtant au cœur des enjeux sociaux, environnementaux et économiques et, par son incidence sur le pouvoir d'achat, les services publics et la protection sociale notamment, elle a un impact direct sur les conditions de vie des populations. Il est donc essentiel de revenir sur les principaux enjeux en la matière. Attac et la fondation Copernic publient un livre intitulé « Leur Europe et la nôtre » (éditions Textuel) pour alimenter le débat public. Ce billet précise les enjeux fiscaux de la période.

La concurrence fiscale, véritable boussole de la fiscalité européenne

Alors qu'elle devrait avoir pour objectif de financer l'action publique, réduire les inégalités et inciter à des comportements vertueux, la fiscalité est l'un des principaux leviers utilisés par les États pour améliorer leur compétitivité économique et attirer les investissements. C'est particulièrement vrai au sein de l'Union européenne, qui a fait de la concurrence fiscale et sociale (entre États membres et avec le reste du monde) son principal axe. La libéralisation progressive des flux de capitaux, de biens et de services, leur rapidité de circulation, la numérisation de l'économie et la déréglementation sont autant de facteurs qui ont accéléré et aggravé cette concurrence globale.

Celle-ci se traduit notamment par une baisse de l'imposition de ce que l'on nomme les « facteurs mobiles » (les entreprises et les plus riches, c'est-à-dire des agents économiques que les États veulent attirer et/ou retenir sur leurs territoires) et une hausse des « facteurs immobiles » (le reste des populations). Pour financer les politiques publiques qui, bien qu'en retrait, occupent toutefois une place importante dans les économies, elle se traduit ainsi par une hausse des impôts indirects notamment, payés par les consommateurs. Au fil des années, c'est donc un véritable transfert de la charge fiscale des grandes entreprises et des plus riches vers l'immense majorité de la population et les PME qui s‘est opéré.

Le taux nominal de l'impôt sur les sociétés s'est effondré. En Allemagne, il est passé de 50 % (pour les bénéfices non distribués) et de 36 % (pour les bénéfices distribués) en 1990 à 29,83 % en 2023 (que les bénéfices soient distribués ou non). En France, il est passé de 50 % en 1986 à 25 % actuellement. En Belgique, il est passé de 43 % en 1990 à 25 % en 2023, etc. Dans le même temps, des taux spécifiques ont été instaurés sur les revenus financiers (comme le prélèvement forfaitaire unique en France), plus avantageux que l'imposition aux barèmes progressifs des impôts sur les revenus. Ceux-ci ont par ailleurs vu leurs taux les plus élevés s'abaisser. Comparer les taux est certes insuffisant : il faudrait pouvoir évaluer les assiettes auxquels ils s'appliquent mais également étudier les taux réduits (comme celui de 10 % sur les revenus de la propriété intellectuelle applicable en France) et les mesures dérogatoires comme les incitations en faveur de la recherche et de l'innovation (comme le crédit d'impôt recherche en France), mais cela ne ferait que confirmer le mouvement global..

L'Institut des politiques publiques relève que, « Comme pour la France (avec 65 %), les taux marginaux supérieurs étaient aussi plus élevés au début des années 1980 qu'à la fin des années 2000 : 72 % aux Pays-Bas et en Belgique, 62 % en Italie, 66 % en Espagne, 53 % en Allemagne (…), l'imposition marginale des hauts revenus a baissé dans la plupart des pays d'Europe entre 1995 (47,4 % en moyenne) et 2008 (38,9 % en moyenne) mais les évolutions divergent depuis (…) Depuis l'après-guerre, l'imposition réelle des 1 % les plus aisés a crû jusqu'en 1982 (taux moyen de 34,2 %) puis a diminué depuis (25 % en 1998) [1] ».

Autre illustration de la concurrence fiscale, dans la quasi-totalité des États, la fiscalité du patrimoine a baissé. Outre les mesures prises en faveur des revenus financiers, les impôts sur la fortune ont quasiment disparu et la fiscalité de la transmission du patrimoine a également été allégée. Cinq pays ont supprimé leurs droits de succession depuis 2000 (l'Autriche, la Norvège, la Slovaquie, la Suède et la République tchèque). Rapportées aux recettes fiscales globales, les droits de donation et de succession représentaient entre 0 % (là où ils n'existent pas) et 1,46 % (Belgique) en 2019. Ce faible ratio s'explique par l'existence de nombreux dispositifs (abattement sur donations et succession, mécanismes particuliers de donations) permettant de transmettre le patrimoine en franchise d'impôt.

La TVA en revanche a été singulièrement rehaussée. Entre 1980 et 2019, son taux normal est ainsi passé ; de 17,6 % à 20 % en France, de 13 % à 19 % en Allemagne, de 18 % à 21 % aux Pays-Bas ou encore de 14 % à 22 % en Italie. Le transfert de la charge fiscale des impôts directs, par nature les plus justes, vers les impôts indirects est particulièrement visible.

En finir avec la concurrence fiscale (et sociale) : pourquoi, comment ?

Il serait illusoire de penser que l'on peut unifier 27 régimes fiscaux différents, rapidement et sans débat de fond sur la nature de la construction européenne. Pour autant, il est nécessaire de neutraliser la concurrence fiscale et sociale pour rééquilibrer les systèmes fiscaux, dégager des marges de manœuvre budgétaires face aux enjeux sociaux et écologiques, réduire les inégalités et renforcer les services publics ainsi que les systèmes de protection sociale.

De ce point de vue, l'instauration de la taxation minimale de 15 % sur les bénéfices réalisés par les multinationales et groupes nationaux transposée dans le droit national de l'ensemble des 27 États membres de l'UE au 1er janvier 2024 est une mesure très insuffisante. Cette mesure ne concernera que les entreprises réalisant plus de 750 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel et exclut d'office les entreprises réalisant moins de 10 millions d'euros (en France, 570 entreprises françaises sont concernées). Quant à la proposition de la Commission d'harmoniser les bases de l'impôt sur les sociétés (le projet « Befit »), elle ne pourrait avoir d'impact positif que si elle s'accompagnait de la mise en place d'un taux minimal suffisamment élevé pour empêcher le développement de la concurrence fiscale. Enfin, il faut signaler que le projet de taxe sur les transactions financières est discuté au sein de l'Union européenne depuis 2011. La France empêche cependant sa mise en œuvre par son refus d'intégrer la coopération renforcée, Emmanuel Macron ayant fait le choix de concurrencer « La City » de Londres depuis le brexit. Autrement dit, en l'état actuel des choses, la concurrence fiscale a hélas de beaux jours devant elle.

Il faut donc aller beaucoup plus loin. Plusieurs propositions sont sur la table. Il en va ainsi de la création d'un impôt européen sur la fortune. Selon l'Observatoire européen de la fiscalité, la création d'un impôt mondial de 2 % sur le patrimoine des milliardaires permettrait de générer 40 milliards d'euros de recettes en Europe. Une pétition « Tax The Rich » (soutenue par Attac) a d'ailleurs été lancée au niveau européen par plusieurs parlementaires européens. Attac a par ailleurs lancé une action d'interpellation des candidats aux élections européennes en ce sens.

À l'image du serpent monétaire européen qui limitait les écarts entre les monnaies, un « serpent fiscal européen » [2] pourrait limiter les écarts entre les systèmes fiscaux grâce à plusieurs mesures.
L'harmonisation des assiettes de l'impôt sur les sociétés (IS), couplée à l'instauration d'un taux effectif d'IS « plancher » (calculé sur la base harmonisée). Relever le taux de 15% de l'imposition minimale des multinationales qui se décline au sein des États membres à 25 % constituerait un taux plancher en matière d'imposition sur les sociétés. Au-delà, l'IS doit prendre en compte des activités numériques. De manière générale, il s'agit d'éviter les transferts artificiels de richesse et de bénéfices pour imposer la richesse là où elle est créée.
Une véritable taxe sur les superprofits de l'ensemble des secteurs, telle que proposée par l'Alliance écologique et sociale (AES) dont Attac est membre.
L'harmonisation de la TVA et l'instauration d'un taux plafond afin d'éviter une dérive à la hausse et d'en finir avec la fraude carrousel, un mécanisme de fraude à la TVA intracommunautaire particulièrement couteux.
Le renforcement de la coopération afin de mieux lutter contre la fraude fiscale avec la création d'un système d'échange automatique d'informations (bancaires, juridiques et financières) et d'un cadastre financier européen, la mise en place d'une procédure européenne de contrôle fiscal ou encore le renforcement des obligations déclaratives (comptables et fiscales en cas de montages et de prix de transfert notamment). Une véritable « liste noire » des paradis fiscaux assortie de mesures dissuasives (comme la présomption de fraude pour tout lien avec ces territoires par exemple) est également nécessaire.
La création d'impôts européens (impôt sur les sociétés, impôt sur la fortune, taxe sur les transactions financières applicable à l'ensemble des transactions…) permettrait de revaloriser le budget européen et de mieux financer les solidarités européennes et internationales d'une part et la bifurcation sociale et écologique d'autre part.

Ces mesures indispensables à prendre pour réorienter l'Union européenne accompagnent le débat sur la nature de la construction européenne, le rôle de la politique monétaire, l'évolution des institutions européennes, etc. Autant de questions qu'une véritable campagne européenne devrait poser.


[1] Institut des politiques publiques, « 1914-2014, cent ans d'impôt sur le revenu », Les notes de l'IPP, n°12, juillet 2014.

[2] Voir notamment « Pour un serpent fiscal européen », Syndicat national unifié des impôts, éditions Syllepse, 2015.

09.04.2024 à 18:32

Le crédit d'impôt pour emploi d'un.e salarié.e à domicile en questions

Équipe de l'Observatoire

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Le crédit d'impôt pour emploi à domicile coûte 6 milliards d'euros par an. 46% vont aux foyers gagnant plus de 75000 euros. Dans le cadre d'une « revue des niches fiscales » proposée par Attac, la question de baisser le plafond de cette disposition se pose. L'objectif serait d'épargner les classes moyennes, de faire davantage contribuer les plus aisés et de maintenir l'effet incitatif de la mesure. Ce faisant, l'État pourrait gagner de 1,5 à plus de 2 milliards d'euros.
La Cour des (…)

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Texte intégral (1081 mots)

Le crédit d'impôt pour emploi à domicile coûte 6 milliards d'euros par an. 46% vont aux foyers gagnant plus de 75000 euros. Dans le cadre d'une « revue des niches fiscales » proposée par Attac, la question de baisser le plafond de cette disposition se pose. L'objectif serait d'épargner les classes moyennes, de faire davantage contribuer les plus aisés et de maintenir l'effet incitatif de la mesure. Ce faisant, l'État pourrait gagner de 1,5 à plus de 2 milliards d'euros.

La Cour des comptes a publié un rapport, mercredi 27 mars, soulignant la nécessité de revoir le soutien de l'État aux services à la personne. Plusieurs impositions sont visées, dont le crédit d'impôt pour emploi d'un·e salarié·e à domicile, jugé trop onéreux pour les finances publiques. De quoi faire bondir les ménages qui craignent de ne plus bénéficier de cette aide et les personnes qui pensent que revoir le dispositif va favoriser la hausse du travail non déclaré. Pour Attac, qui défend une « revue des niches fiscales et sociales », il est important de revenir en détail sur cette mesure.

Rappel du dispositif

Le crédit d'impôt au titre de l'emploi d'un salarié à domicile a été créé en 1992 (pour un montant maximum de 12 500 francs à l'époque), ce dispositif visait à combattre le travail non déclaré et à favoriser l'emploi dit « domestique ». Le plafond de ce dispositif a connu une histoire mouvementée pendant plusieurs années pour être finalement porté à 6 000 voire 7 500 euros comme indiqué ci-dessous.

La mesure consiste en effet à appliquer un taux de 50 % des dépenses engagées (incluant salaires et charges sociales), dans la limite de 12 000 euros par foyer (15 000 euros pour un couple avec deux enfants). Le crédit d'impôt atteint donc un maximum de 6 000 euros par foyer (ou 7 500 euros pour un couple avec deux enfants). Ce plafond est moins élevé pour certaines prestations (« petits bricolages », assistance informatique et Internet et petits travaux de jardinage). S'agissant d'un crédit d'impôt, si son montant dépasse le montant de l'impôt à payer, la différence est remboursée par l'administration fiscale.

Le crédit d'impôt en chiffres

Sur 40 millions de foyers fiscaux, 4,48 millions d'entre eux (soit 11%) bénéficiaient de cette mesure en 2023. Le coût budgétaire du crédit d'impôt, 5,92 milliards d'euros pour 2023, est estimé à 6,1 milliards pour 2024. Il s'accroît continuellement.

La moyenne du crédit d'impôt pour emploi d'un salarié à domicile était de 1 319 euros en 2023. Comme le crédit représente 50 % des dépenses engagées au cours d'une année, cela signifie que la dépense moyenne des 4,48 millions de foyers fiscaux qui bénéficient de cette mesure est de 2 638 euros (soit un peu moins de 225 heures sur une année sur la base d'un salaire horaire brut de 11,75 euros). Cela s'explique aisément : seule une infime minorité a les moyens de verser un salaire de 12 000 voire de 15 000 euros par an pour bénéficier à plein de la mesure. C'est là qu'intervient la question du dosage de la mesure pour qu'elle conserve son caractère incitatif tout en évitant les effets d'aubaine.

Quant à l'impact sur l'emploi domestique, le rapport de la Cour des comptes l'estime décevant : 75 000 emplois seulement ont été créés (ou régularisés) depuis 2005 dans les secteurs couverts par les aides fiscales à la personne.

Comment conjuguer justice fiscale et efficacité ?

Cette mesure permet à de nombreuses personnes appartenant aux classes moyennes et aux classes moyennes supérieures de pouvoir employer une personne à domicile, souvent pour quelques heures par semaine. Autrement dit, sur une année, le salaire versé par l'immense majorité des foyers est très loin d'atteindre le plafond prévu par cette disposition. La situation est différente chez les personnes les plus aisées : elles ont les moyens d'employer pour un nombre important d'heures un·e ou plusieurs salarié·es à domicile. Le crédit d'impôt dont elles bénéficient est élevé, mais la mesure s'avère alors moins incitative. En effet, avant sa création en 1992 de cette « niche », ces personnes déclaraient déjà leur emploi à domicile. Au reste, dans le passé, les relèvements du plafond de cette disposition ne se sont pas traduits par davantage d'embauches. Il existe donc, chez les plus aisés, un effet d'aubaine.

Le bénéfice de cette mesure est d'ailleurs très concentré. Pour les 75 premiers centiles de revenu, le taux de recours aux services à la personne est inférieur à 10 %, alors qu'il est supérieur à 50 % parmi les 3 % de foyers les plus aisés. Dans le détail, en 2020, 409.000 foyers fiscaux (soit 9 % du nombre de foyers concernés par cette « niche ») captaient plus de 1 milliard d'euros, un peu moins de 820.000 en captant plus de 35 % (soit 2 milliards).

L'État pourrait donc simplement baisser le plafond pour que les classes moyennes ne soient pas touchées (leurs dépenses sont loin d'atteindre le plafond actuel de 12 000 euros pour un célibataire, 15 000 euros pour un couple avec deux enfants, ce qui signifie employer une personne 1.276 heures sur l'année).
La baisse peut être plus ou moins importante.
En abaissant le plafond de sorte que 90 % des bénéficiaires de la mesure ne seraient pas perdants, l'État récupérerait près de 1,5 milliards d'euros qui proviendrait des contribuables qui bénéficient du montant maximum du crédit d'impôt ou qui s'en approchent.
En le baissant un peu plus tout en permettant à 80 % des bénéficiaires de la mesure de ne pas être touchés, ce sont 2,1 milliards d'euros qui pourraient être dégagés.

Au final, l'impôt progressif sur le revenu gagnerait quelques couleurs et les inégalités devant les services à domicile cesseraient d'augmenter. Ces recettes pourraient en effet être utilisées pour développer le service public (pour l'ensemble de la population et pas seulement ceux qui en ont les moyens) des aides à la personne, à prendre en charge la perte d'autonomie, améliorer les conditions de travail des salarié·es à domicile, etc.

10.03.2024 à 10:53

Où en est-on de l'impôt sur les sociétés ?

Équipe de l'Observatoire

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Évitement fiscal, taux minimal de 15 % sur les multinationales, débats sur le « poids » de l'imposition des entreprises, etc : c'est peu de dire que l'impôt sur les sociétés (IS) défraie régulièrement la chronique. Si les informations sont plutôt nombreuses en la matière, peu en revanche dressent un portrait fidèle de cet impôt qui, avec les impôts sur le patrimoine des particuliers, est le plus sensible à la concurrence fiscale internationale, et par conséquent souvent le plus trituré par (…)

- Comprendre la fiscalité
Texte intégral (1514 mots)

Évitement fiscal, taux minimal de 15 % sur les multinationales, débats sur le « poids » de l'imposition des entreprises, etc : c'est peu de dire que l'impôt sur les sociétés (IS) défraie régulièrement la chronique. Si les informations sont plutôt nombreuses en la matière, peu en revanche dressent un portrait fidèle de cet impôt qui, avec les impôts sur le patrimoine des particuliers, est le plus sensible à la concurrence fiscale internationale, et par conséquent souvent le plus trituré par les pouvoirs publics. Le présent billet revient sur l'évolution du taux de l'IS et présente les principales données et règles relatives à l'IS.

En 2017, Emmanuel Macron a décidé de baisser le taux nominal de l'IS pour le porter progressivement de 33,3 % à 25 %, pour un coût global sur le quinquennat estimé à l'époque à 11 milliards d'euros (rappelons que que le taux de l'IS était de 50% jusqu'en 1985 pour être abaissé à 33,3 % en 1986). Si l'IS était alors souvent présenté comme l'un des plus élevés au monde, aujourd'hui encore, on peut entendre ici et là qu'en dépit de cette baisse, le taux de l'IS reste dans la moyenne haute des taux nominaux de l'IS en vigueur dans de nombreux autres pays. Or, comparer les taux n'enseigne pas grand-chose si on n'analyse pas ce à quoi il s'applique et si on ne prend en compte ni les « niches fiscales », ni les sommes qui échappent à l'IS du fait de l'évitement fiscal.

L'IS français s'applique en effet à une base étroite : le bénéfice fiscal (qui découle du bénéfice comptable et de quelques retraitements ultérieurs) admet en déduction de nombreuses écritures comptables telles que les amortissements ou les provisions. Dans d'autres pays, comme l'Allemagne par exemple, ces déductions sont moins nombreuses. Lorsque le taux de l'IS s'applique à la base, celle-ci est déjà réduite du fait de ces déductions. Une fois le taux appliqué, un « IS brut » est déterminé. Pour calculer l'IS net réellement dû par la société, on déduit certaines « niches fiscales », comme le fameux crédit d'impôt recherche par exemple. Signalons en outre que certains régimes de groupes se montrent particulièrement avantageux également et permettent de réduire le taux d'IS réel au stade du groupe. Tout ceci concourt à expliquer pourquoi le poids de l'IS français (un indicateur intéressant sur le « poids de l'IS » dans l'économie) rapporté au PIB est peu élevé.

L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) publie régulièrement ses statistiques des recettes publiques. Celles-ci montrent que, contrairement à ce que prétendent les tenants des politiques néolibérales, l'IS français représente une faible part du produit intérieur brut (PIB). Il représentait en effet 2,5 % du PIB français en 2021, soit presque autant que l'Allemagne (2,4 %), présentée comme très avantageuse, contre 2,6 % en Espagne, 3,5 % en Irlande, 3,8 % aux Pays-Bas ou encore 4 % au Danemark.

Signalons par ailleurs que le taux d'imposition taux effectivement payé par les grandes entreprises est désormais proche de celui payé par les plus petites : en 2019, il s'élevait à 19,9 % pour les PME, 21,3 % pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI), et 17,1 % pour les grandes entreprises. Soit un écart de tout de même 2,8 points calculé sur les bénéfices déclarés [1].Si l'écart s'est manifestement réduit au cours des dernières années, il est difficile d'en tirer la conclusion que l'équité fiscale progresse. Car ces taux réels d'imposition ne prennent pas en compte les stratégies d'évitement fiscal.

En effet, s'il est difficile de l'évaluer précisément et d'en tirer une conclusion sur le taux réel d'IS (soit l'IS payé par rapport aux bénéfices réellement réalisés), il est impossible de ne pas mentionner à ce stade les diverses stratégies d'évitement de l'impôt qui, par voie d'optimisation agressive, d'évasion et de fraude fiscales, viennent faire chuter le taux réel de l'IS. Le CEPII estimait ainsi qu'en matière de contournement de l'impôt : « Plusieurs instruments peuvent ainsi être utilisés : manipulation des prix de transfert sur les transactions entre filiales d'un même groupe (échanges de biens ou de services) et la localisation des dettes ou d'actifs générant des revenus (brevets, marques, dette) au sein du groupe génèrent artificiellement des flux internationaux de dividendes entre filiales et maisons-mères, des pays à faible fiscalité vers ceux à fiscalité élevée [2] ». Et selon Gabriel Zucman, 40 % des profits des multinationales réalisés à l'étranger sont logés dans les paradis fiscaux [3].

Annexe : comprendre l'IS

L'IS, c'est combien ?

En 2023, les recettes d'impôt sur les sociétés sont estimées à 61,3 milliards d'euros. En 2024, les recettes d'impôt sur les sociétés s'élèveraient à 72,2 Md€, soit 10,9 milliards d'euros de plus qu'en 2023, en raison principalement du fort dynamisme du bénéfice fiscal en 2023 du principalement aux superprofits. Par comparaison, l'impôt sur le revenu aurait rapporté 90,7 miliards d'euros en 2023. Quant à la TVA, elle, aurait rapporté 208,7 milliards d'euros en 2023.

Qui paie l'IS ?

L'impôt sur les sociétés (IS) concerne les entreprises exploitant en France, c'est-à-dire celles qui réalisent leur activité commerciale habituelle sur le territoire et y ont un établissement stable. Il concerne principalement les bénéfices de certaines sociétés et personnes morales. Il en va par exemple ainsi des sociétés de capitaux comme les sociétés anonymes notamment. Les sociétés passibles de l'IS ne sont imposables que sur les bénéfices qu'elles réalisent sur le territoire.

Quels sont les taux applicables ?

Le taux de l'impôt sur les sociétés est de 25 % à compter des exercices ouverts à partir 1er janvier 2022. Il était de 33,3 % en 2017 puis s'est progressivement abaissé depuis. Il existe cependant des taux spécifiques. Pour les PME (qui réalisent un chiffre d'affaires inférieur à 10 millions d'euros), le taux est ainsi de 15 % jusqu'à 42 500 euros de bénéfices (25 % au-delà).

Par ailleurs, certaines cessions d'éléments d'actif (cession de brevets, de titres de participations de licence d'exploitation, etc) relèvent du régime d'imposition des plus ou moins-values à long terme. Ces opérations sont imposées à des taux spécifiques qui, selon la nature de ces opérations de cession, oscillent entre :
• 0 % pour les plus-values nettes à long terme réalisées sur les cessions de titres de participations, autres que les titres de sociétés à prépondérance immobilière, sont imposées au taux de 0% (sous réserve de la réintégration d'une quote-part de frais et charges de 12 %) ;
• 19 % sur les plus-values nettes à long terme réalisées sur certaines opérations immobilières ;
• 15 % les autres plus-values à long terme ;
• 10 % sur certains revenus de la propriété intellectuelle.


[1] Rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises, juillet 2023.

[2] Laurence Neyman et Vincent Vicard, « Les revenus des multinationales dans les paradis fiscaux », Blog du CEPII, 14 septembre 2018.

[3] Gabriel Zucman, « La richesse cachée des nations, enquête sur les paradis fiscaux », 2ème édition, collection La République des idées, Éditions du Seuil, novembre 2017.

21.02.2024 à 10:02

Nos concitoyens, les « prélèvements obligatoires » et la dépense publique

Équipe de l'Observatoire

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Alors que l'association Attac lance sa campagne en faveur de la justice fiscale, il est intéressant de revenir sur les rapports de nos concitoyens à l'impôt, sur la base des travaux du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO). Cette institution rattachée à la Cour des comptes a en effet publié la seconde édition du « Baromètre des prélèvements fiscaux et sociaux en France » en janvier 2024. Sur la base de sondage, le CPO mesure la perception que les français ont des prélèvements dans un (…)

- Actualités
Texte intégral (989 mots)

Alors que l'association Attac lance sa campagne en faveur de la justice fiscale, il est intéressant de revenir sur les rapports de nos concitoyens à l'impôt, sur la base des travaux du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO). Cette institution rattachée à la Cour des comptes a en effet publié la seconde édition du « Baromètre des prélèvements fiscaux et sociaux en France » en janvier 2024. Sur la base de sondage, le CPO mesure la perception que les français ont des prélèvements dans un contexte de forte érosion du consentement à l'impôt et, plus largement, aux « prélèvements obligatoires » (soit l'ensemble des impôts , taxes et recettes sociales)

Le principal enseignement qui se dégage de cette étude est ainsi résumé dans le communiqué du CPO qui accompagne la sortie de l'étude : « Une majorité de Français continue à porter un jugement négatif sur le niveau et l'équité des prélèvements fiscaux et sociaux, mais considère aussi que le paiement des impôts et cotisations est un acte citoyen et soutient le renforcement de la lutte contre la fraude ».

Ce constat qu'Attac partage très largement n'a rien d'étonnant. Les mesures fiscales de la période passée ont choqué une large partie de la population ; ciblées principalement sur les plus riches et les grandes entreprises, elles ont nourri les inégalités, provoqué un sentiment d'injustice profonde et n'ont en rien soutenu l'activité économique. C'est peu de dire que, malgré les injustices fiscales et sociales, il est remarquable de voir qu'une majorité de personnes interrogées parvient à distinguer ce qu'il faut défendre, le principe d'une contribution commune, et la politique fiscale.

Dans le détail, on apprend certes que le niveau de prélèvements est trop élevé, ce que les tenants des politiques néolibérales ont salué. Ils oublient au passage que ce niveau n'est pas élevé pour tout le monde et que c'est précisément ce qui est par ailleurs dénoncé puisque le système de français est largement jugé « inéquitable ». Mieux, la majeure partie des sondés déclare ne pas être prête à accepter une baisse de la dépense publique en échange d'une baisse d'impôt. Très instructif, ce résultat montre que la population demeure très attachée aux services publics et à la protection sociale, malgré une dégradation provenant directement des choix politiques de ces dernières années. De la même manière, on ne peut pas être surpris de constater que l'immense majorité des personnes interrogées ne souhaitent pas un repli supplémentaire des services publics et de la protection sociale, même si l'injustice du système de prélèvements les conduit à espérer davantage de services publics sans hausse d'impôt. Pour Attac, il est aisé d'en conclure qu'une réforme fiscale mettant fin aux injustices serait particulièrement bien jugée en ce qu'elle permettrait une amélioration du système redistributif, au demeurant encore peu appréhendé dans les enquêtes d'opinion.

L'évitement de l'impôt occupe ici une place de choix ; « 79 % des personnes ayant répondu à l'enquête s'accordent ainsi pour reconnaître que payer ses impôts constitue un acte citoyen, tandis que 55 % d'entre eux souhaitent renforcer les moyens dédiés à la lutte contre la fraude ». Un niveau analogue à celui de 2019. Là aussi, il n'y a rien de surprenant vu l'ampleur de l'évitement fiscal, par voie d'optimisation ou de fraude et le nombre d'affaires en la matière.

L'étude montre en outre un faible niveau de connaissance du système de prélèvement et de redistribution et un besoin de pédagogie. À titre d'exemple, « 16 % des Français ne savent pas s'ils payent la CSG, et parmi ceux qui affirment la payer, 58 % ne connaissent pas son taux. Seuls 15 % des Français situent le taux de prélèvements obligatoires par rapport au PIB entre 40 % et 49 % en France ». Le CPO en déduit qu'il faut donc « améliorer l'information des contribuables sur la façon dont est utilisé l'argent public et les sensibiliser davantage au contrôle de cette dépense ». Mais la recommandation du CPO de « réinterroger régulièrement l'utilisation des prélèvements obligatoires par des revues de dépenses » est toutefois plus ambiguë. Le terme a en effet été utilisé, notamment par Bruno Lemaire, pour « tailler » dans les dépenses, notamment dans les dépenses sociales.

Pour Attac, si la pédagogie de l'impôt et des recettes sociales ainsi que de leur utilisation est une nécessité, ce débat ne doit pas être instrumentalisé par ceux qui mettent en œuvre des politiques qui affaiblissent le consentement à l'impôt et augmentent les injustices de toutes sortes. C'est la raison pour laquelle une campagne en faveur de la justice fiscale est lancée sur la base de propositions visant à renforcer la progressivité de l'impôt et à rééquilibrer la répartition de la contribution commune en faveur de davantage de justice fiscale. Il s'agit d'un enjeu citoyen majeur, notamment à l'heure où le gouvernement entend mettre chacun à contribution pour baisser les dépenses publiques mais refuse de revenir sur ses choix fiscaux alors qu'ils ont provoqué un important manque à gagner budgétaire, n'ont pas relancé l'activité économique et ont au surplus creusé les inégalités et les injustices.

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