02.07.2025 à 14:05
La présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, s'est exprimée sur le futur projet de loi de finances pour 2026. Dans une interview donnée au quotidien Les Échos, elle s'attaque au dogme macroniste et gouvernemental consistant à refuser toute hausse d'impôt sur les plus riches et les grandes entreprises (le gouvernement n'étant par ailleurs pas gêné par l'introduction d'une « TVA sociale »*). Elle y déclare notamment que « On ne peut exclure d'emblée toute hausse d'impôts ». Elle (…)
- ActualitésLa présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, s'est exprimée sur le futur projet de loi de finances pour 2026. Dans une interview donnée au quotidien Les Échos, elle s'attaque au dogme macroniste et gouvernemental consistant à refuser toute hausse d'impôt sur les plus riches et les grandes entreprises (le gouvernement n'étant par ailleurs pas gêné par l'introduction d'une « TVA sociale »*). Elle y déclare notamment que « On ne peut exclure d'emblée toute hausse d'impôts ». Elle propose même de « se pencher sur la taxation des "super héritages" ». Elle pointe notamment une réalité statistique : « 0,1 % des héritiers reçoivent des montants supérieurs à 13 millions d'euros et ne paient en moyenne que 10 % de droits de succession ».
Ce constat est factuel et implacable. Il est pourtant peu connu car peu abordé dans les « grands médias ». Certes, Attac ne partage ni les autres pistes évoquées par Yaël Braun-Pivet (comme celle de l'année blanche, qui, en matière d'impôt sur le revenu, rendrait imposables de nombreux foyers aujourd'hui exonérés en raison du niveau de leurs revenus), ni la politique qu'elle soutient. Mais nous reconnaissons que c'est tout le mérite de la présidente de l'Assemblée nationale de remettre dans le débat public la taxation des super héritages et de pointer une des injustices majeures du système fiscal.
Pour compléter le constat dressé dans cette interview, on rappellera que, selon l'INSEE, la moitié des ménages français ne bénéficie d'aucun héritage et que, pour ceux qui en reçoivent un, l'immense majorité n'est pas imposable (85 à 87 %) en raison de la faiblesse de la valeur du patrimoine transmis. France stratégie a, par ailleurs, calculé que le taux moyen d'imposition effectif sur les successions en France est d'environ 5 %, il s'abaisse même entre 2 % et 3 % pour les transmissions dites « en ligne directe » (entre parents et enfants). Mais si la plupart des ménages n' héritent pas ou peu ,ceux ou celles qui héritent beaucoup ont vu leur part considérablement augmenter : le Conseil d'analyse économique a démontré que la part de la richesse héritée dans la richesse nationale s'accroît considérablement : elle en représente 60 % aujourd'hui, contre 35 % dans les années 1970.
Réformer les droits de donation et de succession pour qu'ils soient non seulement rentables sur le plan budgétaire, mais aussi plus équitables et progressifs est d'autant plus nécessaire qu'en France, d'ici à 2040, 9 000 milliards d'euros de patrimoine seront transmis.
Plusieurs chantiers doivent donc être engagés :
– plafonner le « Pacte Dutreil » (une exonération de 75 % sur la transmission de titres d'une société) afin d'épargner la transmission des PME mais de mettre davantage à contribution les transmissions organisées par les plus riches,
– remettre en cause les autres « niches fiscales », comme l'assurance-vie par exemple,
– revoir les barèmes d'imposition, aujourd'hui calculés selon le lien de parenté, afin de promouvoir un barème unique,
– revoir simultanément les abattements qui se superposent,
– rendre transparent et améliorer les données statistiques sur la valeur des patrimoines transmis par voie de donation et de succession.
* Lire l' article d' Attac "La TVA anti-sociale , d'un gouvernement anti -social"
05.05.2025 à 15:47
Comme chaque année, la Cour des comptes a publié son rapport sur le budget de l'État en 2024. Ce rapport, publié en avril 2025, se montre sévère, en des termes de moins en moins feutrés au fur et à mesure des années, sur plusieurs points avec les gouvernements qui ont officié au cours de l'année dernière. Nous revenons ici sur quelques éléments saillants de ce rapport qui en dit long sur l'approche budgétaire du pouvoir dans la période récente.
En matière de recettes, le rapport dresse le (…)
Comme chaque année, la Cour des comptes a publié son rapport sur le budget de l'État en 2024. Ce rapport, publié en avril 2025, se montre sévère, en des termes de moins en moins feutrés au fur et à mesure des années, sur plusieurs points avec les gouvernements qui ont officié au cours de l'année dernière. Nous revenons ici sur quelques éléments saillants de ce rapport qui en dit long sur l'approche budgétaire du pouvoir dans la période récente.
En matière de recettes, le rapport dresse le constat selon lequel, « les écarts entre l'exécution et la prévision des recettes fiscales nettes en loi de finances sont importants ». Cette question des écarts entre les prévisions des projets de lois de finances et les résultats budgétaires effectivement constatés a d'ailleurs été à l'origine de la création en octobre 2024 d'une commission d'enquête de l'Assemblée nationale « afin d'étudier et de rechercher les causes de la variation et des écarts des prévisions fiscales et budgétaires des administrations publiques pour les années 2023 et 2024 ».
Outre ces écarts, la Cour des comptes déplore qu'en 2024, aucune loi de finances rectificative n'ait été prévue. Elle remarque ainsi que « il convient de relever le paradoxe qui a vu le Gouvernement réviser sa prévision de croissance à 1,0 % dès le mois de février 2024 sans déposer pour autant de projet de loi de finances rectificative (PLFR), qui seul aurait permis d'actualiser les prévisions de recettes et les plafonds de dépenses ».
Cette question du PLFR est abordé à plusieurs reprises, notamment dans la partie qui recense les coupes budgétaires décidées en 2024 : « À défaut de recourir à une loi de finances rectificative pour tirer les conséquences des résultats 2023 dès le début de l'exercice, le Gouvernement a choisi d'annuler, d'une part, 10,4 Md€ par voie réglementaire - 10,15 Md€ en février puis 283 M€ en juillet 2024 – et, d'autre part, 6,5 Md€ à l'occasion de la loi de fin de gestion, et a redéployé en cours d'année 1,4 Md€ par décrets de transfert et de virement. Enfin, 13,4 Md€ de crédits disponibles n'ont pas été dépensés : 11,6 Md€ ont été reportés sur 2025 sur le budget général (incluant les fonds de concours) tandis que 1,8 Md€ devraient être annulés en loi de règlement »
Ces extraits soulèvent plusieurs questions.
– La première porte sur la manière dont les pouvoirs publics établissent leurs prévisions de croissance et, par suite, de recettes et de dépenses publiques. Il est manifestement apparu que Bruno Le Maire, lorsqu'il était ministre de l'économie et des finances, a surévalué le taux de croissance et le rendement des recettes fiscales.
– La seconde porte sur la méthode avec laquelle le gouvernement a procédé à des coupes budgétaires, sans loi de finances rectificative, donc sans passer par un débat au parlement. Les coupes budgétaires sont en effet importantes et auraient mérité un débat parlementaire, que les 2 précédents gouvernements ainsi que l'actuel ont esquivé. Au final, les crédits annulés ou non compensés et non reportés sur 2025 s'élèvent à 17,3 milliards d'euros, un montant presque comparable au budget de la mission « cohésion des territoires » en 2024 (19 milliards d'euros).
– La troisième porte sur une forme de bricolage budgétaire, les coupes ayant été décidées précipitamment et mise en œuvre « à la hache ». Les récentes annonces de la ministre des comptes publics sur le projet de fusionner ou de supprimer certains opérateurs de l'État en attestent. Derrière l'idéologie néolibérale consistant à s'attaquer sans cesse au périmètre et aux moyens de l'action publique, la précipitation avec laquelle cette annonce a été faite, sans aucune précision, montre une absence cruelle de méthode et de vision.
Certes, Attac ne peut en aucun cas suivre ni encore moins soutenir la Cour des comptes lorsque, par exemple, elle préconise constamment une baisse des dépenses publiques ou lorsque son premier Président relativise la fraude fiscale par rapport à la fraude sociale. Ces critiques méritent cependant d'être connues car, venant d'un organisme important mais très sensible au néolibéralisme ambiant, elles montrent en quoi, en plus d'être injuste, la politique budgétaire gouvernementale est, au mieux, mal maîtrisée sur le plan technique, ou au pire, biaisée et faussée.
22.04.2025 à 18:48
La ministre des comptes publics, Amélie de Montchalin, a déclaré vouloir passer en revue l'ensemble des « niches fiscales » afin de « supprimer ce qui est inutile ». "Il y a 85 milliards [d'euros] de niches fiscales.Si vous avez 10% de niches en moins, ça fait huit milliards, a-t-elle ajouté. Bien que la ministre n'ait pas défini ce qui était utile de ce qui ne l'était pas, en soi, cette déclaration est intéressante : elle pointe une réalité sur le grand nombre de « niches » qui affecte le (…)
- ActualitésLa ministre des comptes publics, Amélie de Montchalin, a déclaré vouloir passer en revue l'ensemble des « niches fiscales » afin de « supprimer ce qui est inutile ». "Il y a 85 milliards [d'euros] de niches fiscales.Si vous avez 10% de niches en moins, ça fait huit milliards, a-t-elle ajouté. Bien que la ministre n'ait pas défini ce qui était utile de ce qui ne l'était pas, en soi, cette déclaration est intéressante : elle pointe une réalité sur le grand nombre de « niches » qui affecte le rendement du système fiscal. Il est évident que réduire le nombre et le coût budgétaire de ces dispositifs constitue un enjeu important. Pour autant, cette annonce semble surtout destinée à justifier la remise en cause de l'abattement des 10 % applicables aux retraités en matière d'impôt sur le revenu.
Une « niche fiscale » est une disposition fiscale légale qui permet de réduire l'impôt (impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés, impôt sur la fortune immobilière, etc.) ; concrètement, elle prend la forme d'une réduction d'impôt, d'un crédit d'impôt, d'une déduction du revenu ou du bénéfice imposable ou encore d'un régime dérogatoire. Au final, l'impôt réellement payé est donc inférieur à ce qu'il aurait été sans l'application de cette disposition.
Une niche sociale est un allègement de cotisation sociale. Concrètement, une niche sociale s'entend, selon le ministère des comptes publics, comme toute mesure d'exonération, de réduction ou d'abattement d'assiette applicable aux contributions et cotisations sociales, entraînant une perte de recettes pour la Sécurité sociale par rapport à ce qui serait résulté de l'application du taux normal de cotisations ou de contributions sociales.
Pour Attac, une « revue des niches, fiscales et sociales » est une nécessité absolue. Une telle revue permettrait en effet d'analyser le rapport « coût/efficacité/impact sur la redistribution fiscale et sociale » de chacun de ces dispositifs dont le coût global avoisine les 200 milliards d'euros. Il faut également prévoir la suppression des niches « climaticides ». A titre d'exemple, l'Institut for climate economics estime que les niches fiscales climaticides provoquent un manque à gagner de 16 miliards d'euros.
Le coût des niches fiscales se situe entre 85 à 90 milliards d'euros et environ autant pour les « niches sociales ». Il faut par ailleurs ajouter le coût, élevé, de certains régimes dérogatoires comme l'exonération de plus-values sur cessions de titres pour les entreprises (la « niche Copé »), le régime de l'intégration fiscale (qui permet à un groupe de consolider l'ensemble de ces bénéfices et pertes) et le régime dit « filles-mère » (une exonération sur les versements de dividendes au sein d'un groupe de sociétés). Ces trois dispositifs ne sont plus mentionnés dans les documents annexés aux lois de finances depuis 2019. A l'époque, ils représentaient un manque à gagner global de 41 milliards d'euros.
Une véritable revue de ces dispositifs permettrait de supprimer ceux qui sont inefficaces et injustes (car procurant un avantage indu à leurs bénéficiaires), réformer ceux qui pourraient atteindre leur objectif voire maintenir les dispositifs justes et efficaces. On en est encore bien loin.
En réalité, les déclarations du gouvernement ressemblent surtout à un écran de fumée destiné à légitimer la mesure qu'il cherche à imposer : la suppression de l'abattement de 10 % sur les pensions de retraites. Précisons ici que, contrairement à ce qui est souvent avancé, cet abattement, instauré en 1978, n'est pas destiné à couvrir les frais professionnels des retraité·es. Il a été instauré pour compenser le fait qu'ils avaient moins la possibilité de dissimuler leurs revenus au fisc que d'autres catégories de contribuables comme les commerçants et les professions libérales notamment.
Supprimer cet abattement ne répond en rien aux objectifs qu'une « revue des niches » digne de ce nom devrait se fixer : rétablir davantage de justice fiscale, neutraliser les stratégies d'optimisation fiscale et dégager des recettes. Une telle suppression introduirait des injustices supplémentaires puisqu'elle reviendrait à rendre imposables des retraité·es qui, grâce à cet abattement, ne paient pas d'impôt sur le revenu en raison de revenus trop faibles. Les retraité·es imposables paieraient, pour leur part, davantage sans que leur pension ne soit revue à la hausse. Par ailleurs, cet abattement n'a rien à voir avec les stratégies d'optimisation fiscale mises en œuvre par les plus aisés (au point que leur taux réel d'imposition décroît au-delà d'un certain niveau de revenu) : en effet, à la différence des « niches » et autres dispositifs utilisés dans certains montages (pacte Dutreil, réduction pour placements dans certains fonds, etc), les retraités ne choisissent pas d'actionner cet abattement, celui-ci s'appliquant automatiquement. Enfin, s'agissant des recettes, le surcroît d'impôt qui serait payé par les retraité·es obérera leur consommation, donc certaines rentrées fiscales.
Une fois de plus, le gouvernement reste obstinément fermé à l'idée de mettre davantage à contribution les agents économiques les plus aisés, grands gagnants des politiques fiscales mises en œuvre depuis 2018 notamment. Ce faisant, il contribuera une fois de plus à dégrader le consentement à l'impôt, pilier d'une vie en démocratie, et à aggraver la crise démocratique. Rarement un dogme fiscal n'aura été à ce point défendu, envers et contre tout, notamment contre les travaux menés ex-post et démontrant que ces mesures ont été injustes, coûteuses et inefficaces. L'enjeu n'est donc pas de faire payer davantage les retraité·es en général, mais les personnes ls plus aisées en fonction de leurs facultés, qu'elles soient actives ou retraité·es, dans le respect de l'article 13 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen. En la matière, des propositions justes existent.
La ficelle est un peu grosse. Attac met le gouvernement au défi d'engager une véritable revue des niches fiscales et sociales dont l'objectif serait de rétablir davantage de justice fiscale, donc de progressivité, et de dégager des recettes qui seraient particulièrement utiles pour financer l'action publique.