19.12.2024 à 11:42
Entre début 2020 et fin 2023 (derniers chiffres disponibles), les groupes du CAC 40 ont engrangé 486 milliards d'euros de profits. C'est 333 millions d'euros par jour, un milliard d'euros tous les trois jours.
Après le ralentissement de 2020 dû aux confinements (avec 35 milliards d'euros de bénéfices tout de même), les groupes du CAC40 ont connu trois années de superprofits autour de 150 milliards d'euros.
486 milliards d'euros, cela correspond à peu près aux dépenses de l'État français (…)
Entre début 2020 et fin 2023 (derniers chiffres disponibles), les groupes du CAC 40 ont engrangé 486 milliards d'euros de profits. C'est 333 millions d'euros par jour, un milliard d'euros tous les trois jours.
Après le ralentissement de 2020 dû aux confinements (avec 35 milliards d'euros de bénéfices tout de même), les groupes du CAC40 ont connu trois années de superprofits autour de 150 milliards d'euros.
486 milliards d'euros, cela correspond à peu près aux dépenses de l'État français en 2024. Pour rappel, le déficit budgétaire s'élève cette année à 163 milliards d'euros.
Sur la même période de 4 ans, le CAC 40 a reversé 246 milliards d'euros à ses actionnaires sous forme de dividendes. L'année 2023 a vu un record historique de dividendes versés avec 74 milliards d'euros.
Dans le même temps, les groupes du CAC 40 ont racheté leurs actions – toujours pour gratifier leurs actionnaires – à hauteur de 90 milliards, avec là aussi un record en 2023 avec plus de 30 milliards d'euros.
Autrement dit, sur ces quatre années, le CAC 40 a consacré 336 milliards d'euros à ses actionnaires, soit 230 millions d'euros par jour.
Certes, sur la même période, les groupes du CAC 40 ont créé de l'emploi au niveau mondial, + 9% sur quatre ans. Des créations qui sont essentiellement le fait de quelques groupes dans les services à distance (Capgemini, Teleperformance) et le BTP.
En France cependant, les groupes du CAC 40 qui publient des chiffres à ce sujet ont très légèrement réduit leurs effectifs (-0,1%). Plusieurs piliers du CAC 40, dont Michelin et ArcelorMittal, ont annoncé de nouvelles suppressions d'emploi en 2024 qui vont toucher notamment la France.
Sur la même période de quatre ans, les groupes du CAC 40 ont consacré plus d'un milliard d'euros à rémunérer leur quarante patrons. Leur rémunération moyenne a augmenté de 48% entre 2020 et 2023, passant de 4,8 à 7,2 millions d'euros annuels.
Dans le même temps, la France a versé 200 milliards d'euros par an (entre 157 et 223 selon les modes de calcul), soit 800 milliards d'euros d'aides publiques aux entreprises en quatre ans.
Les prix à la consommation ont augmenté de 12,8% en moyenne et beaucoup plus pour les couches sociales défavorisées.
Les petites et moyennes entreprises subissent elles aussi la crise, et plusieurs sous-traitants et fournisseurs des grands groupes en France sont contraints de fermer.
Une vaste redistribution des richesses... au profit des grandes entreprises et de leurs actionnaires.
Parce que le débat démocratique mérite mieux que la com' du CAC 40.
Faites un don18.12.2024 à 10:33
Depuis quelques années, l'hydrogène nous est présenté comme LA solution à tous nos problèmes de crise climatique et de transition énergétique. Mais derrière les effets d'annonce et les promesses de lendemains plus verts se cache une industrie polluante et étroitement liée aux énergies fossiles. Dans son livre Hydrogène Mania, Aline Nippert « se coltine les réalités techniques » et tente de faire dialoguer logiques industrielles et sciences humaines et sociales pour prendre la mesure de ce (…)
- Actualités / ArcelorMittal, Air Liquide, TotalEnergies, Climat et greenwashing, énergies fossiles, greenwashing, nouvelles technologies, gaz à effet de serreDepuis quelques années, l'hydrogène nous est présenté comme LA solution à tous nos problèmes de crise climatique et de transition énergétique. Mais derrière les effets d'annonce et les promesses de lendemains plus verts se cache une industrie polluante et étroitement liée aux énergies fossiles. Dans son livre Hydrogène Mania, Aline Nippert « se coltine les réalités techniques » et tente de faire dialoguer logiques industrielles et sciences humaines et sociales pour prendre la mesure de ce grand écart qui révèle, selon elle, l'impasse des stratégies actuelles de décarbonations. Entretien.
L'hydrogène est un sujet dont on entend beaucoup parler, mais peu de gens ont vraiment pris la peine de se plonger dedans. Comment avez-vous été amenée à vous y intéresser ?
Aline Nippert : Je suis une journaliste scientifique spécialisée sur le secteur de l'énergie. J'avais donc déjà passé la barrière à l'entrée qu'il peut y avoir sur des sujets comme l'hydrogène, qui sont des sujets a priori techniques et scientifiques, mais qui sont aussi éminemment politiques. Mais, justement, pour creuser ces aspects politiques, il faut d'abord se coltiner les réalités techniques.
Initialement, j'imaginais un livre plus concis et pédagogique, qui aurait mis en lumière certains paradoxes de la transition énergétique telle qu'elle commence à se déployer et telle qu'elle est défendue par nos responsables politiques – paradoxes qu'il me semblait important de mettre en mots et de rendre accessibles au grand public. Le secteur de l'aviation, par exemple, me semblait une bonne illustration de beaucoup des absurdités actuelles liées à la transition énergétique. Mais je ne voulais pas non plus en faire des caisses, parce que j'avais l'impression que, malgré toutes leurs limites, les technologies mises en avant aujourd'hui, comme l'hydrogène, représentaient quand même un progrès par rapport aux énergies fossiles.
Au fil du chemin, j'ai interrogé des industriels, des ingénieurs, des physiciens et des chimistes, mais aussi – ce qui est plus rarement le cas sur ces questions – des chercheurs en sciences humaines et sociales. Et je me suis rendu compte qu'en réalité, la direction que nous prenons aujourd'hui en matière de transition énergétique – celle de la croissance verte et de l'illusion techno-solutionniste – nous mène droit dans une impasse, et qu'il faudrait changer totalement de braquet, et que c'est donc un sujet absolument crucial qui mérite qu'on s'y attarde avec sérieux.
L'hydrogène symbolise effectivement cette promesse d'une technologie qui va nous permettre de garder le même mode de vie tout en évitant la catastrophe climatique. Cependant, et c'est l'un des premiers enseignements que l'on tire de votre livre, l'industrie de l'hydrogène existe en réalité depuis longtemps. Qu'est-ce qu'il y a de nouveau dans ce qui est proposé aujourd'hui ?
A.N. : Effectivement, l'industrie de l'hydrogène est en place depuis un demi-siècle. Pire encore : cette industrie est entièrement fondée sur l'exploitation des énergies fossiles. L'hydrogène qui est consommé et produit actuellement est majoritairement issu de gaz fossile. La molécule de méthane CH4 est décomposée au moyen d'un procédé industriel, pour récupérer la molécule H2, le dihydrogène qui nous intéresse, tandis que le reste – en particulier le CO2 – est relâché dans l'atmosphère. L'autre procédé pour produire de l'hydrogène aujourd'hui est lui aussi basé sur une énergie fossile : c'est la gazéification du charbon. La conséquence de ceci, c'est que les 97 millions de tonnes d'hydrogène fossile qui sont produites dans le monde actuellement tous les ans génèrent 900 millions de tonnes de CO2, ce qui représente environ 2% des émissions globales. C'est comparable aux émissions de l'aviation.
Voilà pour la situation actuelle. Ce qui a changé, pour l'instant, ce sont seulement les discours. L'hydrogène est désormais présenté par certains acteurs industriels et par beaucoup de responsables politiques comme une solution indispensable pour décarboner nos économies. Il continue à être produit de manière tout aussi « sale », mais on met en avant le fait qu'il pourrait être produit autrement, notamment à travers un procédé industriel qui s'appelle l'électrolyse de l'eau, consistant à utiliser des grandes quantités de courant électrique pour casser la molécule H₂O en deux parties : la molécule H₂ qui nous intéresse et la molécule O₂, dioxygène, qui est inoffensive. Ce mode de production alternatif est quasi inexistant aujourd'hui, mais il est mis en avant, avec d'autres, pour dire qu'il faut investir, flécher des subventions publiques et des capitaux privés afin de faire émerger un marché totalement nouveau.
C'est en référence à ces différents modes de productions que l'on parle aujourd'hui d'hydrogène vert, d'hydrogène bleu, gris ou blanc ?
Ce qui a changé, pour l'instant, ce sont seulement les discours. L'hydrogène continue à être produit de manière tout aussi « sale », mais on met en avant le fait qu'il pourrait être produit autrement.
A. N. :Quand on se penche sur le secteur de l'hydrogène, on tombe très rapidement sur cette typologie arc-en-ciel qui est, au fond, un « narratif » conçu par les industriels. L'hydrogène est différencié en fonction du mode de production : l'hydrogène gris produit à partir de gaz fossile, l'hydrogène noir à partir de charbon, et ensuite toute une palette de plus jolies couleurs. L'hydrogène vert serait produit à partir d'électricité d'origine renouvelable, comme notamment le solaire, l'éolien ou la biomasse. L'hydrogène blanc est l'hydrogène dit « naturel », qui serait extrait directement du sol. J'y consacre un sous-chapitre entier de mon livre. Et l'hydrogène bleu consisterait à produire de l'hydrogène toujours à partir de combustibles fossiles, mais en y ajoutant une technologie de capture de CO2 pour en faire comme par magie une solution « bas carbone ». Pourtant, cette dernière technologie pose beaucoup de questions en termes de méthodologie de comptabilisation des émissions tout au long de la chaîne de valeur. L'hydrogène jaune (ou rose, cela dépend de des typologies) consiste à fabriquer l'hydrogène à partir d'électricité nucléaire.
L'objectif de cette typologie arc-en-ciel, c'est de suggérer que la situation actuelle n'est pas définitive, et qu'il y a pléthore de solutions pour décarboner la production d'hydrogène. Aujourd'hui, cependant, elle est devenue un peu encombrante pour les industriels du secteur. Ils préfèrent mettre en avant un autre paradigme, celui de la « neutralité technologique ». L'idée est qu'il suffit de fixer un seuil limite d'émissions de CO2 à ne pas dépasser, en invisibilisant le mode de production, pour que cela revienne au même de produire de l'hydrogène avec du nucléaire, des éoliennes ou de la capture du CO2.
Parce que le débat démocratique mérite mieux que la com' du CAC 40.
Faites un donL'hydrogène a fait irruption dans le débat public en 2020. Pourquoi à ce moment là ?
Comme me l'a dit sans faux-semblants le directeur de Hydrogen Europe, principale organisation défendant les intérêts du secteur, le secret du lobbying, c'est de délivrer le bon message au bon moment.
A. N. : À partir de 2020, on assiste effectivement à un boom mondial de l'hydrogène – qui n'est d'ailleurs pas le premier de l'histoire. Que cela ait lieu en 2020, cela démontre au fond que le choix d'une technique par rapport à une autre est moins lié aux qualités intrinsèques de ces techniques qu'au contexte politique et social. C'est là un des grands enseignements des sciences humaines et sociales sur le secteur de l'énergie. En 2020, on était en pleine pandémie du Covid. L'activité économique était en pause, et il y avait de nombreuses craintes quant à l'avenir de l'industrie européenne et de l'emploi. Comme me l'a dit sans faux-semblants le directeur de Hydrogen Europe, principale organisation défendant les intérêts du secteur, le secret du lobbying, c'est de délivrer le bon message au bon moment. L'industrie de l'hydrogène a su profiter de ce contexte en présentant sa technologie comme un moyen de redynamiser l'industrie européenne tout en sauvant les objectifs climatiques de l'Union. L'effet a été immédiat. Dès juillet 2020, la Commission présentait une stratégie européenne sur l'hydrogène.
Ce soutien a été confirmé et renforcé deux ans plus tard au moment de la guerre en Ukraine. Les questions de souveraineté énergétique et de dépendance au gaz russe occupaient toute l'attention, et là encore Hydrogen Europe a su mettre en avant l'idée que l'hydrogène pourrait être produit à partir de différentes sources énergétiques et de manière locale. Ils ont obtenu un doublement des objectifs européens, de 10 millions de tonnes d'hydrogène bas carbone consommées en Europe chaque année à 20 millions de tonnes, dont la moitié seraient importées.
Lire aussi Plans de relance européens : l'hydrogène, bouée de sauvetage pour l'industrie des énergies fossiles
Vous parlez de l'industrie de l'hydrogène en général. De qui s'agit-il concrètement ? On a l'impression que beaucoup de secteurs industriels différents sont concernés.
A. N. : Il y a d'abord les piliers historiques que sont les trois géants mondiaux Air Liquide, Air Products et Linde, qui abondent le marché mondial d'hydrogène fossile depuis des décennies. Stratégiquement, ils misent surtout sur l'hydrogène dit bleu, avec capture du carbone, parce que cela ne remet pas en question leurs installations existantes ni leur savoir-faire en matière de gaz fossile. Il y a aussi, toujours du côté de la production, les entreprises qui se positionnent sur l'électrolyse de l'eau, dont les intérêts ne sont pas forcément alignés sur ceux des précédents.
Les trois géants mondiaux Air Liquide, Air Products et Linde, qui abondent le marché mondial depuis des décennies, misent surtout sur l'hydrogène dit bleu, avec capture du carbone.
Ensuite, il y a les industriels qui utilisent l'hydrogène. Là aussi, il y a des utilisateurs historiques, à savoir les raffineries et les producteurs d'ammoniac. Ils ont l'habitude de consommer de l'hydrogène à 1,5 euro du kilo, et n'ont pas l'intention de voir leur facture augmenter. TotalEnergies a lancé un appel à projets l'an dernier pour 500 000 tonnes d'hydrogène dit bas carbone pour ses raffineries européennes, mais récemment Patrick Pouyanné a déclaré publiquement qu'au vu des premiers retours, ce n'était pas soutenable financièrement. S'y ajoutent les nouveaux utilisateurs potentiels, comme le secteur de l'aéronautique, l'automobile, le chauffage domestique, les sidérurgistes, qui misent en partie sur l'hydrogène pour se décarboner.
Enfin, il y a les acteurs du transport, qui sont surtout les gestionnaires de réseaux comme GRTgaz en France. Historiquement spécialisés dans le transport et la distribution de gaz fossile, ils veulent se diversifier pour survivre, et ils mettent en avant leur capacité à transporter l'hydrogène sur de longues distances, par pipelines, en construisant au prix de subventions massives un corridor européen de l'hydrogène.
À côté de ça, il y a les lobbies nationaux de l'hydrogène, qui peuvent avoir des divergences de vues. Le plaidoyer de France Hydrogène, qui regroupe les industriels français, met l'accent sur le nucléaire et n'est pas du tout le même que celui des Allemands qui mise beaucoup plus sur l'importation massive d'hydrogène de pays d'Afrique du nord ou australe.
Tous les acteurs n'ont donc pas exactement les mêmes intérêts et les mêmes objectifs. Ce qui fait qu'une entité comme Hydrogen Europe, le lobby européen de la filière qui regroupe de nombreuses d'entreprises dans tous les pays européens et sur toute la chaîne de valeur, a parfois du mal à trouver des lignes communes.
Depuis 2020, les pouvoirs publics ont annoncé plusieurs milliards d'euros d'aides publiques à la filière hydrogène. Est-ce que ces annonces se traduisent aujourd'hui par des projets concrets ?
Selon l'Agence internationale de l'énergie, seulement 4% des projets annoncés dans le monde sont en construction ou ont atteint la décision finale d'investissement.
A. N. : On a effectivement vu se multiplier les annonces et les stratégies nationales. La France a promis 9 milliards d'euros d'aides publiques à la filière sur un horizon de dix ans. Pour l'instant cependant, et notamment en France, ça traîne. Cela fait un an que la stratégie française de 2020 est censée être révisée et que les industriels attendent, parce que la mise en place d'un mécanisme de soutien à la production bas carbone d'hydrogène est cruciale. Il y a eu beaucoup d'annonces sur la production d'hydrogène bas carbone ou sur la fabrication d'électrolyseurs, autrement dit les machines destinées à produire cet hydrogène bas carbone, mais dans les faits très peu de projets sont effectivement en construction ou ont même atteint l'étape de la décision finale d'investissement. Pour ce qui est de la production d'hydrogène par électrolyse de l'eau, selon l'Agence internationale de l'énergie, seulement 4% des projets annoncés dans le monde sont en construction ou ont atteint la décision finale d'investissement.
Quelle garantie y a-t-il que l'argent public aille véritablement à des projets vertueux d'un point de vue climatique ?
A. N. : La directive européenne sur les énergies renouvelables de 2020 contraint les industriels à utiliser de l'hydrogène produit à partir d'électricité renouvelable. La France ne l'entendait pas de cette oreille et a mené et continuer de mener un lobbying massif pour l'inclusion de l'hydrogène produit à partir d'électricité nucléaire. Elle a déjà remporté plusieurs victoires. Le sujet aujourd'hui, c'est de savoir si l'hydrogène bleu peut lui aussi être intégré dans les stratégies européennes et bénéficier des aides publiques qui en découlent. Il y a actuellement beaucoup de controverses sur le fait d'octroyer des subventions publiques à ce type de projet qui n'a pas encore prouvé ses bénéfices pour le climat.
J'ai publié récemment une enquête sur ce sujet en collaboration avec un scientifique du CNRS pour le média sur la désinformation climatique DeSmog et Le Monde. Nous avons comptabilisé la quantité de gaz fossile que nécessiterait l'ensemble des projets d'hydrogène bleu annoncés en Europe. Si tous ces projets voyaient le jour, cela nécessiterait d'augmenter la demande de gaz fossile de 58 milliards de mètres cube par an, soit l'équivalent de la consommation de la France. Nous avons aussi comptabilisé les émissions de gaz à effet de serre sur toute la chaîne de valeur de ces projets, en prenant en compte les fuites de méthane, ou encore l'efficacité partielle des unités de captage. Cela résulterait dans l'émission d'une trentaine de millions de tonnes de carbone par an, l'équivalent d'un pays comme le Danemark.
Des aides publiques assez importantes ont été annoncées pour décarboner les installations sidérurgiques d'ArcelorMittal à Dunkerque. Vont-ils utiliser de l'hydrogène vert ?
Quand je demande la convention qui lie l'Agence de la transition écologique (Ademe), au nom de l'État français, à ArcelorMittal, je me heurte à des fins de non-recevoir.
A. N. : On ne le sait toujours pas. On parle tout de même de 850 millions d'euros d'aides publiques, ce qui est énorme. Cet argent est censé aider à la décarbonation de la production d'acier d'ArcelorMittal en France en installant des fours de réduction directe des minerais de fer, qui peuvent être alimentés aussi bien par du gaz fossile que par de l'hydrogène, en lieu et place des hauts-fourneaux. Il y a une double incertitude. Si c'est du gaz fossile qui est utilisé, le bénéfice climatique sera négligeable, et les centaines de millions de subventions posent question. S'ils utilisent de l'hydrogène, est-ce que ce sera de l'hydrogène fossile ou de l'hydrogène bas carbone ? J'ai essayé de vérifier auprès du gouvernement si les aides publiques étaient conditionnées à l'utilisation d'hydrogène bas carbone ou non. Je n'ai toujours pas eu de réponse. Quand je demande la convention qui lie l'Agence de la transition écologique (Ademe), au nom de l'État français, à ArcelorMittal, je me heurte à des fins de non-recevoir. La question n'est plus totalement d'actualité, ArcelorMittal ayant de toute façon annoncé le mois dernier mettre en pause les projets de décarbonation sur son site de Dunkerque.
Donc on ne peut pas s'attendre à utiliser de sitôt de l'hydrogène vert dans notre vie quotidienne ?
A. N. : La priorité aujourd'hui dans la plupart des stratégies européennes, et en France en particulier, est de flécher l'hydrogène bas carbone, qui est donc une ressource rare, vers les utilisateurs qui consomment déjà de l'hydrogène, autrement dit le marché qui existe déjà. Cela peut paraître logique. Mais en regardant d'un peu plus près, les consommateurs actuels sont les raffineries, pour désulfurer le pétrole, et les usines d'ammoniac, molécule utilisée ensuite pour produire des engrais azotés pour l'agriculture industrielle et intensive. On a donc pour priorité la décarbonation de produits – le pétrole et les engrais azotés – qui sont climaticides par nature. C'est la meilleure illustration de la fuite en avant technologique dans laquelle nous sommes engagés au nom de la transition.
Malgré ces incertitudes et ces doutes, il y a une véritable fascination pour l'hydrogène. Comment l'expliquez-vous ?
La typologie arc-en-ciel s'inscrit également dans cette « jolie histoire » de la transition énergétique qui se déploierait sans aucun dommage collatéral et à la limite sans même qu'on s'en rende compte.
A. N. : C'est pour cette raison que j'ai sous-titré mon livre « Enquête sur le totem de la croissance verte ». L'hydrogène a une symbolique très forte : une molécule dont la combustion ne générerait que de l'eau. Il y a un roman de Jules Verne, très souvent cité par les industriels, dont le personnage principal, un ingénieur, dit que l'eau est l'avenir du charbon. C'est un peu vu comme une prophétie. La typologie arc-en-ciel s'inscrit également dans cette « jolie histoire » de la transition énergétique qui se déploierait sans aucun dommage collatéral et à la limite sans même qu'on s'en rende compte.
Un des enjeux de mon livre c'était d'essayer de rendre visible tout ce qu'il y a derrière, de donner la technologie à voir dans toute sa matérialité. Quand on ne travaille pas dans le secteur de l'énergie, c'est extrêmement abstrait. C'est compliqué de se rendre compte de tout ce qu'il a fallu pour produire les électrons qui nous permettent d'allumer la lumière. C'est pour cette raison aussi que j'ai eu à cœur de faire du terrain, de me rendre dans des usines de production d'hydrogène pour pouvoir montrer et raconter les choses physiquement.
Dans votre livre, vous examinez en détail plusieurs technologies et vous montrez souvent leurs limites ou les nuisances directes ou indirectes qu'elles génèrent. Est-ce qu'il y en a qui vous paraissent tout de même utiles ou prometteuses ?
A. N. : De manière marginale, il pourrait y avoir des développements intéressants basés sur l'hydrogène. Mais certainement pas à l'échelle qui est envisagée aujourd'hui. Pour le secteur de l'acier, il y a peu d'alternatives réelles au charbon. L'hydrogène est l'une des rares options. Si c'était vraiment de l'hydrogène bas carbone qui était utilisé, pour une certaine quantité d'acier réservée à des projets jugés collectivement utiles et nécessaires, pourquoi pas ? Mais on serait sur des volumes relativement minimes. On ne peut pas, même d'un point de vue purement physique, remplacer l'ensemble des hauts fourneaux en opération aujourd'hui par des fours de réduction alimentés par de l'hydrogène renouvelable. Cela demanderait des quantités d'électricité renouvelable beaucoup trop importantes.
Une des spécificités de votre enquête est que vous avez échangé avec beaucoup d'industriels et visité leurs sites. Quand vous leur parlez, vous donnent-ils l'impression de croire vraiment à toutes leurs promesses sur le potentiel de l'hydrogène ?
Remettre en question le projet politique qu'est la croissance verte, c'est remettre en question les fondements de toutes les stratégies de décarbonation à l'oeuvre aujourd'hui, et c'est vrai que c'est un peu vertigineux.
A. N. : C'est difficile de répondre à cette question, mais je pense que beaucoup y croient vraiment. C'est aussi pour cela que ma démarche de décloisonner les savoirs a un intérêt. Beaucoup ont une perspective très technico-économique : il y a un problème, qui est de réduire les émissions de CO2, il faut une solution. Réintroduire une perspective politique permet de voir le déploiement de la filière hydrogène, au fond, comme une brique d'un projet plus vaste qui est celui de la croissance verte, projet qui nous mène dans une impasse d'un point de vue climatique.
Mais les grilles de lecture du monde sont tellement différentes que c'est difficile de parler la même langue. C'est pour ça que j'ai fait ce travail là, en essayant d'être irréprochable sur le plan technique, pour ensuite injecter du politique et des travaux en sciences humaines et sociales dans le débat. Remettre en question le projet politique qu'est la croissance verte, c'est remettre en question les fondements de toutes les stratégies de décarbonation à l'oeuvre aujourd'hui, et c'est vrai que c'est un peu vertigineux.
Propos recueillis par Olivier Petitjean
16.12.2024 à 10:46
Présenté comme un « minerai stratégique » pour la transition, le niobium est surtout utilisé dans des secteurs comme la sidérurgie, les énergies fossiles, l'armement et l'aéronautique.
- Chiffres / Brésil, extractivisme, Climat et greenwashing, chaîne d'approvisionnementCliquez ici pour voir l'infographie en grand
Réputé pour sa résistance et son point de fusion élevé, le niobium est l'exemple même de ces « minerais critiques » réputés nécessaires pour la transition énergétique. Ce métal figure dans la liste des minerais critiques et stratégiques élaborée par l'Union européenne, de même que dans celle des États-Unis.
S'il trouve effectivement des utilisations dans l'électrification, le niobium sert aussi et surtout à fabriquer de l'acier, en particulier pour des usages en conditions de forte pression comme l'aérospatiale, les moteurs d'avions à réaction, les pipelines ou les turbines. Il est aussi utilisé pour fabriquer des drones ou des missiles hypersoniques.
85% des réserves mondiales de niobium sont situées au Brésil. Et la grande majorité d'entre elles, soit 75% des réserves mondiales, sont exploitées par une seule entreprise, Companhia Brasileira de Metalurgia e Mineração ou CBMM.
Le groupe Mapping (De)Globalization de l'université du Sussex et de King's College London, en partenariat avec le Transnational Institute et Greenpeace, s'est penché sur la chaîne d'approvisionnement du niobium en utilisant des bases de données commerciales. (Leur note détaillée est à lire ici en anglais.)
Le résultat de cette enquête confirme que la majeure partie du niobium est utilisé dans la sidérurgie (acteurs marqués en gris), l'automobile (jaune), les énergies fossiles (noir) et l'armement et l'aéronautique (rouge). Les utilisations pour l'électricité – d'origine renouvelable ou non – sont marquées en vert.
Dans beaucoup de cas, les clients sont des conglomérats (marqués en bleu), de sorte qu'il est encore plus difficile de distinguer entre des usages qui seraient « bons » pour le climat et d'autres qui bénéficieraient à des secteurs très polluants.
Dans une enquête publiée l'année dernière alors que l'Union européenne mettait la dernière main à son Règlement sur les minerais critiques, nous alertions sur le risque que, derrière les beaux discours verts, cette législation serve surtout les intérêts d'industries problématiques pour le climat ou plus généralement les droits et la paix, comme l'industrie de l'armement et de l'aéronautique (lire Du sang sur le Pacte vert ?).
Cette analyse sur la chaîne d'approvisionnement du niobium confirment que la ruée actuelle sur les « minerais critiques » pourrait se révéler contre-productive du point de vue climatique.
13.12.2024 à 14:10
Bienvenue dans la lettre d'information de l'Observatoire des multinationales.
N'hésitez pas à la faire circuler, et à nous envoyer des réactions, commentaires et informations. Si elle vous a été transférée, vous pouvez vous abonner ici pour la recevoir directement dans votre boîte mail.
Notre Observatoire est en pleine campagne annuelle d'appel à dons ! Objectif 30 000 euros d'ici la fin de l'année. Si vous appréciez notre travail et si vous pensez comme nous qu'il est d'utilité (…)
Bienvenue dans la lettre d'information de l'Observatoire des multinationales.
N'hésitez pas à la faire circuler, et à nous envoyer des réactions, commentaires et informations. Si elle vous a été transférée, vous pouvez vous abonner ici pour la recevoir directement dans votre boîte mail.
Notre Observatoire est en pleine campagne annuelle d'appel à dons ! Objectif 30 000 euros d'ici la fin de l'année. Si vous appréciez notre travail et si vous pensez comme nous qu'il est d'utilité publique, merci de nous soutenir et de faire passer le message autour de vous !
Bonne lecture
Du climato-scepticisme dur au climato-scepticisme « soft ». Cette semaine, en partenariat avec le média anglophone DeSmog, nous nous sommes plongés dans les archives de l'Atlas Network et nous avons suivi les traces du réseau libertariens et de ses partenaires, y compris en France, jusqu'à aujourd'hui.
Dans le premier volet de cette enquête, nous révélons comment Atlas a touché des financements du géant pétrolier ExxonMobil à la fin des années 1990 et au début des années 2000 – un moment crucial des négociations internationales sur le sujet – pour mettre en doute la science climatique et faire passer le message, via son réseau international de think tanks, qu'agir contre les émissions de gaz à effet de serre était une atteinte à la liberté d'entreprendre.
Les documents que nous révélons montrent que les dirigeants d'ExxonMobil ont demandé qu'une partie de leurs fonds aille à un think tank français, l'institut Molinari. Sa directrice Cécile Philippe s'est effectivement distinguée par ses prises de position sur le sujet et notamment par un livre dont le titre en dit long : C'est trop tard pour la Terre.
Dans une enquête publiée en mai dernier, nous avions levé le voile sur l'histoire et les méthodes d'Atlas Network et sur ses partenaires en France, parmi lesquels l'Ifrap ou encore l'Institut de formation politique. Ce sont les mêmes méthodes que l'on retrouve à l'oeuvre sur la question du climat.
Et aujourd'hui ? Les représentants de l'Atlas Network et certains de ses partenaires en France affirment n'avoir pas de position de principe sur la science climatique. Ils sont tout simplement opposés à tout ce qui ressemble de près ou de loin à une régulation ou à une intervention des pouvoirs publics.
Dans le second volet de l'enquête, nous y regardons tout de même d'un peu plus près. Si les discours ouvertement climato-sceptiques se font effectivement moins nombreux et moins visibles au sein du réseau, l'obstruction à toute action rapide et ambitieuse dans ce domaine prend d'autres formes : la promotion du nucléaire et d'autres solutions technologiques par exemple, la critique répétée des énergies renouvelables, ou les appels à la criminalisation des militants climat. C'est ce que l'on constate avec des partenaires français historiques d'Atlas comme l'IFRAP ou l'institut Molinari.
Mais il ne faut pas gratter beaucoup pour trouver des discours plus virulents. Le président de l'Iref, Jean-Philippe Delsol, nous a ainsi expliqué attendre « de meilleures démonstrations de la part des scientifiques qui entendent exiger des sacrifices considérables des citoyens du monde entier pour réduire la température ».
Un récent ouvrage sur l'obstruction climatique en Europe confirme le rôle crucial des think tanks pour élaborer et diffuser des messages anti-renouvelables ou niant le consensus scientifique sur le sujet. Des messages qui souvent repris ensuite par les partis d'extrême-droite.
Lire les deux volets de l'enquête « Un allié précieux et généreux » : quand Exxon finançait le réseau Atlas pour bloquer l'action climatique et Nucléaire, critique des renouvelables et criminalisation des militants : le réseau Atlas et les nouveaux habits du climato-scepticisme.
Ces jours ci se tenait à Bruxelles la « semaine des matières premières », EU Raw Materials Week. Organisé tous les ans par la Commission européenne, cet événement est un moment de réseautage entre hauts fonctionnaires et représentants de grandes entreprises. Bureaucrates et industriels occupent la quasi totalité des places à la tribune, ne laissant qu'un espace minuscule à la société civile, et encore moins à ceux et celles qui pourraient remettre en cause le narratif bien rôdé des « minerais critiques ».
Les industriels et les responsables publics présents à Bruxelles ne cachaient d'ailleurs pas leur intention de donner au secteur minier une « meilleure réputation ».
L'année dernière, nous avons alerté sur l'influence qu'ont exercé les secteurs de l'aéronautique, de l'automobile et même de l'armement sur le contenu du règlement européen sur les matières premières critiques, ou « Critical Raw Materials Act » (CRMA), qui a été adopté entre-temps à une large majorité. Lire à ce sujet notre enquête Du sang sur le Pacte vert ?.
Sautant sur le prétexte de la transition énergétique, les industriels ont obtenu des privilèges et des facilités qu'ils réclamaient depuis des années, pour des productions n'ayant rien à voir avec la sauvegarde du climat, voire allant dans le sens exactement inverse.
Sur ce sujet, on relira aussi notre entretien avec Célia Izoard : « Invoquer la nécessité de créer des mines “pour la transition” est très hypocrite ».
L'industrie minière est intrinsèquement destructrice, intrinsèquement émettrice de quantités massives de gaz à effet de serre. Le risque est énorme qu'au nom des « minerais critiques », les questions nécessaires ne soient pas posées, et que les objectifs européens servent d'argument pour faire taire les critiques des mines en Europe même (par exemple en Serbie, où Rio Tinto veut ouvrir une mine de lithium).
Presque rien dans les législations actuelles ne garantit que les minerais prétendument critiques seront utilisés pour construire des éoliennes plutôt que des missiles, des drones ou des avions, par des entreprises dont les actionnaires ne seront même pas majoritairement basés en Europe.
De quels minerais avons-nous vraiment besoin et pour quels usages ? C'est pour faire en sorte que ces questions soient posées et débattues publiquement que nous avons lancé avec nos partenaires du réseau ENCO, ainsi que d'autres ONG et organisations de recherche, un « Observatoire des minerais critiques ». Et nous continuerons de notre côté à enquêter sur ce secteur.
Pour plus d'information, voir la page dédiée sur le site du réseau ENCO.
TotalEnergies et son sulfureux partenaire indien. Dans une enquête parue il y a quelques mois, nous vous présentions le groupe indien Adani et ses relations étroites avec TotalEnergies. Pour le groupe français, le partenariat avec Adani est tout sauf anodin. Sa prise de participation en 2020 lui a permis d'augmenter significativement son portefeuille nominal d'énergies renouvelables, de mettre le pied en Inde, et de se lancer dans d'autres partenariats avec Adani sur l'hydrogène et le gaz. Aujourd'hui, les deux groupes construisent le plus grand parc solaire et éolien du monde. Las, les accusations de corruption et de manipulation financière pleuvent désormais sur Adani. Lire notre article.
Mauvaise nouvelle : Bolloré génère du cash. Le lundi 9 décembre, les actionnaires de Vivendi ont approuvé, malgré les doutes de certains investisseurs, le plan de scission du groupe en plusieurs entités, qui verra Canal+ coté à Londres, Havas à Amsterdam, Hachette à Paris et le reste transformé en holding. Le groupe Bolloré pourra ainsi profiter de législations plus accommodantes qui lui permettront de diluer encore sa part au capital tout en gardant un contrôle total, comme Vincent Bolloré a toujours sur le faire tout au long de sa carrière de chevalier de la finance. L'opération pourrait permettre – c'est la justification brandie vis-à-vis des autres actionnaires – d'augmenter la valeur boursière cumulée de l'ensemble. Et donc éventuellement de générer encore davantage de cash qui pourra être mis au service du projet politique du milliardaire d'extrême-droite.
Les portes tournent entre CMA-CGM et la Macronie. Encore peu connu du grand public il y a quelques années, le groupe de transport maritime CMA-CGM monte en puissance sur la scène économique, politique et médiatique française. Outre le rachat de plusieurs médias dont BFM et RMC, l'entreprise présidée par Rodolphe Saadé a recruté depuis 2021 une dizaine d'anciens conseillers ministériels, selon le décompte de Jérôme Lefilliâtre dans Le Monde. Sans compter les portes tournantes auxquelles la Haute autorité pour la transparence de vie publique a mis son veto, comme la tentative d'embauche de l'ancien ministre des Transports Jean-Baptiste Djebbari. Ou encore le recrutement d'anciens piliers de Bercy comme Ramon Fernandez, directeur du Trésor sous Sarkozy, entre-temps directeur financier d'Orange et candidat malheureux à la succession de Stéphane Richard au poste de PDG. Ramon Fernandez a été immédiatement mis à contribution par CMA-CGM pour faire du lobbying au Parlement pour défendre la niche fiscale très contestée qui lui aurait rapporté jusqu'à 5,6 milliards d'euros en 2023.
Les grands patrons sur la ligne Trump-Musk-Milei. Toujours dans les pages du Monde, Isabelle Chaperon revient sur les nombreuses déclarations de grands patrons français ces derniers jours qui semblent suggérer qu'ils sont de plus en plus séduits par une ligne dérégulatrice dure inspirée par l'Amérique de Donald Trump et l'Argentine de Javier Milei. Dénonçant « l'enfer d'investir en France ») (Luc Rémont d'EDF), le caractère « assassin » de la « lourdeur fiscale » (Xavier Niel, Iliad), les « délires bureaucratiques qui ne servent à rien » (Jean-Laurent Bonnafé, BNP Paribas), ils multiplient aussi les signes de validation tacite des positions du RN sur le sujet. La tentative très bancale de Michel Barnier d'équilibrer les comptes publics en réduisant un peu les privilèges des entreprises, ajoutée à la crainte de voir le Nouveau Front Populaire au gouvernement, semblent avoir radicalisé les positions dans le monde patronal.
Faites un don à l'Observatoire des multinationales ! Objectif : 30 000 euros d'ici la fin de l'année
Cette lettre a été écrite par Olivier Petitjean.
13.12.2024 à 09:45
Le procureur fédéral de Brooklyn aux États-Unis a annoncé le 20 novembre dernier l'inculpation pour corruption du magnat indien Gautam Adani et de plusieurs cadres dirigeants de son groupe. L'annonce a précipité la chute du groupe en bourse.
Conglomérat présent dans de nombreux secteurs, Adani a construit sa fortune sur son port de Mundra, dans le Gujarat, et a profité de ses relations privilégiées avec le Premier ministre Narendra Modi pour devenir l'un des hommes les plus riches au (…)
Le procureur fédéral de Brooklyn aux États-Unis a annoncé le 20 novembre dernier l'inculpation pour corruption du magnat indien Gautam Adani et de plusieurs cadres dirigeants de son groupe. L'annonce a précipité la chute du groupe en bourse.
Conglomérat présent dans de nombreux secteurs, Adani a construit sa fortune sur son port de Mundra, dans le Gujarat, et a profité de ses relations privilégiées avec le Premier ministre Narendra Modi pour devenir l'un des hommes les plus riches au monde. Son groupe est à la fois l'un des plus gros producteurs mondiaux de charbon et l'un des premiers producteurs d'énergies renouvelables. Il construit aujourd'hui en partenariat avec TotalEnergies le plus grand parc solaire et éolien du monde.
Nous vous présentions le groupe Adani et ses relations avec le groupe pétrolier français dans notre enquête Gautam Adani : milliardaire magnat du charbon et faux ami écolo de Total en Inde.
Pour TotalEnergies, le partenariat avec Adani est tout sauf anodin. Sa prise de participation dans la filiale verte du conglomérat indien en 2020 lui a permis d'augmenter significativement son portefeuille nominal d'énergies renouvelables. Cela lui a fourni des arguments précieux pour rassurer les investisseurs institutionnels soucieux de l'impact climatique de leur portefeuille et contrer les militants qui contestent ses nouveaux projets dans le pétrole et le gaz (sur cette dynamique, lire notre rapport TotalEnergies : comment mettre une major pétrogazière hors d'état de nuire).
Les deux groupes ont également noué des partenariats dans le secteur du gaz et de l'hydrogène. Ce caractère stratégique explique sans doute que malgré une première alerte en janvier 2023 lorsque le cabinet Hindenburg a alerté l'opinion sur les manipulations financières d'Adani, TotalEnergies a maintenu et même renforcé son partenariat avec le conglomérat indien.
Encore récemment, en septembre 2024, le groupe français a injecté 444 millions de dollars dans sa coentreprise avec Adani Green Energy pour prendre une part dans le parc solaire de Khavda, au centre des accusations de corruption. Et ce, alors même que les dirigeants du groupe indien se savaient sous le coup d'une enquête.
Les accusations de corruption concernent spécifiquement le secteur des énergies renouvelables. Le magnat est accusé d'avoir versé des pots-de-vin à des fonctionnaires pour obtenir des marchés dans l'énergie solaire.
Adani est la cible des militants du climat pour ses investissements massifs dans le charbon, notamment en Australie (lire Sous pression, les banques françaises renoncent au charbon australien).
Suite à l'annonce de la mise en examen, TotalEnergies s'est contenté d'annoncer un gel de ses nouveaux investissements dans ses coentreprises avec le groupe indien.
11.12.2024 à 12:00
Aujourd'hui, l'Atlas Network affirme ne plus travailler sur les questions environnementales. Cependant, quand on examine les activités des think tanks qui sont ou ont été partenaires du réseau, ils restent nombreux à s'opposer aux politiques de réduction des émissions de CO2. Leurs messages et leurs tactiques révèlent une convergence entre une vision du monde ultra-libérale, les intérêts de l'industrie fossile… et les narratifs portés par les groupes politiques les plus réactionnaires, de (…)
- Le réseau Atlas, la France et l'extrême-droitisation des esprits / France, États-Unis, Climat et greenwashing, Lobbying et influence, gaz à effet de serre, nucléaire, énergies fossilesAujourd'hui, l'Atlas Network affirme ne plus travailler sur les questions environnementales. Cependant, quand on examine les activités des think tanks qui sont ou ont été partenaires du réseau, ils restent nombreux à s'opposer aux politiques de réduction des émissions de CO2. Leurs messages et leurs tactiques révèlent une convergence entre une vision du monde ultra-libérale, les intérêts de l'industrie fossile… et les narratifs portés par les groupes politiques les plus réactionnaires, de Trump au RN en France.
Lire le premier volet de cette enquête : « Un allié précieux et généreux » : quand Exxon finançait le réseau Atlas pour bloquer l'action climatique.
Si les archives que nous révélons dans la première partie de cette enquête attestent qu'entre 1998 et 2004 au moins, l'Atlas Network a reçu des fonds d'ExxonMobil et d'autres entreprises pour critiquer le GIEC ou diffuser des livres appelant à ne pas céder à la « propagande écologiste », qu'en est-il aujourd'hui ?
En réponse à nos sollicitations, le réseau nous a affirmé ne plus recevoir d'argent d'entreprises pétrolières ou gazières ni de leur fondations depuis quinze ans. Il ne nous a pas donné d'explication sur la fin de ces financements. Le réseau Atlas précise aussi que les fonds reçus d'entreprises ne représentent qu'une infime partie de son budget (0,5 % du budget annuel), la majorité venant de dons de fondations et d'individus.
Bien sûr, ces individus et fondations peuvent avoir des liens avec des entreprises fossiles. La Fondation Scaife, par exemple, dont la vice-présidente siège au conseil d'administration du réseau Atlas, a été fondée par un milliardaire héritier d'une fortune pétrolière et bancaire. De même pour les fondations financées par Charles Koch, qui tire sa fortune des produits pétroliers [1].
Pour Adam Weinberg, directeur de la communication du réseau, cependant, ces liens ne sont pas pertinents, d'une part parce que liens de ces fondations avec les industries fossiles sont anciens et concernent des personnes aujourd'hui décédées, et d'autre part parce qu'Atlas n'a « pas de programmes de subventions ni de priorités politiques concernant le pétrole, le gaz, l'énergie, l'environnement ou le changement climatique » [2]. Le réseau affirme d'ailleurs ne pas avoir de position de principe sur les politiques climatiques et ne pas prescrire de position en la matière à ses partenaires, qui restent indépendants et ne partagent que les valeurs « des droits individuels et de la liberté d'entreprendre ».
Ces valeurs peuvent néanmoins amener le réseau à prendre position sur des politiques en lien avec l'énergie ou le climat. Dans une optique libérale, il saluera ainsi le travail de son partenaire philippin Foundation for Economic Freedom pour ouvrir le marché des énergies renouvelables aux investissements étrangers. Dans sa perspective de minimiser le poids de l'État, il encourage ses partenaires qui s'opposent aux taxes carbone (comme aux impôts de manière générale). Par contraste, on ne trouve pas sur son site web d'articles favorables à des actions de protection de l'environnement.
L'American Conservation Coalition a été fondée en 2017 pour défendre une vision opposée à celle de Greta Thunberg et des activistes climatiques qui s'en prennent selon elle à la liberté d'entreprendre.
Certes, parmi les partenaires mis en avant aujourd'hui par Atlas Network, il y a une organisation qui se présente comme un mouvement environnementaliste : l'American Conservation Coalition (ACC). L'ACC a été fondée en 2017 pour défendre une vision opposée à celle de Greta Thunberg et des activistes climatiques qui s'en prennent selon elle à la liberté d'entreprendre. L'organisation veut créer un réseau de jeunes, en particulier sur les campus, pour promouvoir une écologie basée sur le marché et l'innovation. Ses priorités ? Libérer le nucléaire, laisser les Américains libre de construire et choisir, se débarrasser des régulations qui entravent les entrepreneurs... Un programme pour le moins atypique dans la mouvance écologiste, quand la vaste majorité des associations appellent justement à plus de régulation pour permettre de contrôler les émissions de CO2.
Chris Barnard, président de l'ACC, est soucieux de se débarrasser de l'étiquette de climato-sceptique : « Dès qu'on essaie de s'opposer à des manifestations de Just Stop Oil ou au Green new deal, les gens pensent qu'on nie le problème » [3]. Or, dit-il, ACC reconnaît bien l'existence des changements climatiques. C'est seulement que l'organisation mise exclusivement, pour y faire face, sur des solutions comme le nucléaire, la capture-séquestration du carbone, le gaz naturel (une énergie fossile) ou encore l'hydrogène, qui sont très loin de faire consensus chez les écologistes…
Autre originalité d'ACC : la coalition s'est publiquement réjouie de travailler avec Donald Trump, dont plusieurs anciens collaborateurs siègent à son conseil consultatif. Chris Barnard est lui-même membre du conseil consultatif de la jeunesse du Parti républicain.
Les liens d'ACC avec le réseau Atlas se reflètent dans les membres de ses différentes instances. Par exemple, la présidente du réseau Atlas Debbie Gibbs est membre de son conseil consultatif. Deux représentants du Leadership Institute, partenaire historique d'Atlas et institut de formation des conservateurs aux États-Unis (dont s'est inspiré en France l'Institut de formation politique) siègent respectivement à son conseil de surveillance et à son conseil d'administration.
Le Safari Club International, club de chasseurs soutien de Donald Trump, affirme contribuer à la protection de l'environnement, mais a été épinglé, entre autres, pour [ses encouragements à la chasse d'espèces menacées.
On trouve aussi dans ces instances des profils assez surprenants pour un mouvement écologiste, tels que Seth Levey, responsable des relations avec le gouvernement américain et des affaires générales chez le géant minier Glencore (et qui a aussi travaillé pour Exxon par le passé). Ou encore Yuval Levin, un directeur de l'American Enterprise Institute, think tank qui fut épinglé par Greenpeace USA pour son obstruction climatique, ou Paul Teller, ancien de l'administration Trump, et aujourd'hui directeur d'Advancing American Freedom. Cette organisation a récemment envoyé un mémoire d'amicus curiae à la Cour Suprême pour qu'elle révoque le droit de la Californie de réglementer plus strictement les émissions des voitures et camions.
Fait aussi partie du conseil consultatif d'ACC Ben Cassidy, ancien de la National Rifle Association, le lobby des armes à feu, aujourd'hui à la tête du Safari Club International. Il s'agit d'un club de chasseurs, soutien de Donald Trump, qui affirme contribuer à la protection de l'environnement, mais a été épinglé, entre autres, pour ses encouragements à la chasse d'espèces menacées.
On trouve enfin dans le conseil consultatif d'ACC une autre figure qui pourrait paraître plus attendue : Jason Grumet, le directeur de l'American Clean Power Association, principale association commerciale des États-Unis dans le domaine des énergies renouvelables. Mais c'est un personnage controversé pour son approche centrée sur le business et le fait qu'il ait fondé puis travaillé pendant quinze ans pour une organisation qui a soutenu les exportations de pétrole et de gaz naturel liquéfié, le Bipartisan Policy Center.
Doit-on s'étonner, au vu de ces liens, que l'American Conservation Coalition ne s'alarme pas des positions de Donald Trump en matière d'écologie ? Lui qui a fait sortir son pays des accords de Paris lors de son premier mandat, il continue de clamer que le changement climatique est un « big hoax » (« un gros canular ») et veut encourager les industries à toujours plus forer (avec le slogan « drill, baby drill ! ») et insinue que les éoliennes offshore tuent les baleines, une fausse information colportée par les mouvements anti-éoliens.
Derrière le Project 2025, on retrouve plusieurs instituts liés à la galaxie Atlas.
Un projet anti-écologie qui va dans le sens du Project 2025 – programme officieux du futur président Trump dont celui-ci a dû se distancer publiquement pendant la campagne de par son caractère explosif (lire « Project 2025 », ou comment la droite américaine imagine une seconde présidence Trump). Il prévoit de faire disparaître la plupart des agences fédérales en matière d'environnement, recommande de supprimer toute référence au réchauffement climatique des documents officiels aux États-Unis et d'« arrêter la guerre contre le pétrole et le gaz naturel » [4]. Derrière ce document, on retrouve plusieurs instituts liés à la galaxie Atlas : sa rédaction a été coordonnée par la Heritage Foundation, qui fut longtemps un partenaire du réseau [5], et il compte dans son conseil consultatif d'autres think tanks qui en font ou ont aussi fait partie : Heartland Institute, Claremont Institute, James Madison Institute, First Liberty, Leadership Institute, Pacific Research Institute...
Ainsi, même si Atlas prend ses distances par rapport aux questions climatiques, les activités d'au moins une partie de ses membres semblent toujours se placer du côté des industries fossiles et de l'obstruction climatique. Et pas uniquement aux États-Unis.
Pour Jeremy Walker, « toutes les campagnes contre les politiques climatiques depuis la fin des années 80 ont des liens avec le réseau Atlas » (lire notre entretien avec lui). Ce professeur à l'University of Technology de Sydney étudie depuis des années les agissement du réseau Atlas, et a dénoncé la mobilisation de ses membres en Australie contre un référendum qui donnerait plus de voix aux populations aborigènes (dont les terres sont souvent riches en ressources minérales), mais aussi pour faire la promotion du nucléaire. Focaliser ainsi l'attention sur une solution technologique qui ne pourra être mise en place qu'à long terme, en plus d'être risquée, est selon le chercheur un moyen de retarder le déploiement des renouvelables, qui pourraient venir remplacer plus rapidement les énergies fossiles.
Tous les think tanks du réseau Atlas qui ont des liens avec le secteur des énergies fossiles publient des contenus sur les questions climatiques qui vont dans le sens des intérêts pétroliers.
Au Canada, Nicolas Graham, de l'University of British Columbia, s'est penché sur les think tanks partenaires d'Atlas dans un article publié dans la Revue canadienne de Sociologie en 2024, et a relevé de nombreux liens avec l'industrie des énergies fossiles. L'un des vice-présidents du Fraser Institute, Andrew Judson, a par exemple travaillé vingt-quatre ans sur les marchés des capitaux et dans le secteur du capital-investissement, se concentrant sur tous les aspects de l'industrie de l'énergie, dont les services pétroliers. Dans ce même conseil d'administration, on trouve aussi Gwyn Morgan, magnat du pétrole, qui a fondé et dirigé l'entreprise d'exploitation de pétrole et gaz EnCana. Ou encore Jill Angevine, administratrice de la société Tourmaline, grand producteur de gaz naturel du Canada, et Grant Fagerheim, président et directeur général de Whitecap Resources Inc., entreprise canadienne spécialisée dans l'exploration, la séquestration et la production de pétrole et de gaz naturel. Fagerheim est également le fondateur de Ketch Energy Ltd., une autre société pétrolière et gazière. On note aussi la présence d'Alejandro Chafuen, ancien directeur du réseau Atlas qui a été – ainsi que le montre le premier volet de cette enquête – un cheville ouvrière de sa collaboration avec ExxonMobil.
Graham écrit qu'au Canada, tous les think tanks du réseau Atlas qui ont des liens avec le secteur des énergies fossiles (l'Institute for Liberal Studies et la Canadian Constitution Foundation n'en ont pas) publient des contenus sur les questions climatiques qui vont dans le sens des intérêts pétroliers. Certaines nient plus ou moins ouvertement la réalité des changements climatiques, leur cause humaine ou leur gravité, tandis que d'autres le font de manière plus subtile, en critiquant les politiques mises en place pour y faire face, présentées comme nuisibles à l'économie ou au bien-être – notamment les énergies renouvelables.
Ruth McKie, chercheuse membre du Climate social science network, qui travaille sur l'obstruction climatique et les narratifs portés par les think tanks, constate elle aussi une tendance à la baisse des discours ouvertement climato-sceptiques, au profit de stratégies d'obstruction plus indirectes : « On voit un nombre plutôt limité de messages de déni du changement climatique, et on a surtout des messages attaquant les activistes climatiques, critiquant les politiques d'adaptation et de mitigation, se focalisant sur le nucléaire plutôt que les renouvelables... »
« Les recherches sur le rôle des think tanks conservateurs révèlent un effort de plus en plus coordonné et international pour diffuser des informations scientifiques erronées et plaider contre une action climatique rapide et solide. »
McKie est l'une des autrice de l'ouvrage Climate Obstruction Across Europe (« Obstruction climatique à travers l'Europe »), une compilation d'articles de recherche sur les activités d'entrave aux politiques climatiques dans une dizaine de pays et au niveau de l'Union européenne publiée en mai 2024. Les dynamiques et acteurs identifiés sont variés (lobbying, campagnes de communication, influence sur les universités…) et peuvent dépendre de contextes nationaux. Mais les think tanks apparaissent clairement comme des institutions clés de la désinformation climatique dans la majorité des pays étudiés : « Les recherches sur le rôle des think tanks conservateurs révèlent un effort de plus en plus coordonné et international pour diffuser des informations scientifiques erronées et plaider contre une action climatique rapide et solide en sapant la confiance dans les énergies renouvelables et d'autres solutions légitimes en matière de climat. »
Un partie de ces acteurs européens a ou a eu des liens avec l'Atlas Network. En Suède, les chercheurs pointent ainsi Timbro, qui apparaissait déjà dans le programme « énergie et environnement » d'Atlas en 1998 financé par ExxonMobil (voire la première partie de l'enquête). En Allemagne, ils citent le Centrum für Europaeische Politik, en République Tchèque le Liberální institut et le Civic Institute : Občanský Institut, en Italie l'Istituto Bruno Leoni, en Espagne l'Instituto Juan de Mariana et l'institut Civismo, au Royaume Uni, l'Institute of Economic Affairs (IEA) et le Centre for Policy Studies (CPS)… Ainsi que, au niveau des institutions européennes bruxelloises, Epicenter, une organisation qui regroupe douze think tanks européens, dont l'institut Molinari en France. Une liste non exhaustive.
Lire aussi Comment le réseau Atlas cible l'Europe
Comme le réseau Atlas lui-même, ces organisations n'affichent pas l'écologie comme le cœur de leurs actions. Mais leurs positions en faveur des marchés libres et de la réduction du rôle des États se trouvent coïncider avec les intérêts des secteurs pétroliers et gaziers.
Comme le réseau Atlas lui-même, ces organisations n'affichent pas l'écologie comme le cœur de leurs actions. Mais leurs positions en faveur des marchés libres et de la réduction du rôle des États se trouvent coïncider avec les intérêts des secteurs pétroliers et gaziers. D'autant plus quand ils les appliquent de manière sélective. Par exemple, en défendant la nécessité de réduire le rôle de l'État pour s'opposer aux politiques de soutien public aux énergies renouvelables, sans critiquer les subventions publiques directes ou indirectes quand elles bénéficient aux énergies fossiles.
C'est ce que fait le très libéral Istituto Bruno Leoni, lorsqu'il demande que la capture et le stockage du carbone (une technique non prouvée qui permettrait en théorie de continuer à brûler des énergies fossiles en atténuant leur impact sur le climat) reçoive des soutiens publics. Si cette position ne semble pas très compatible avec leur appel à ce que le marché s'auto-régule sans l'État, elle est en revanche dans la continuité des tendances passées de l'institut italien. En 2010, il était l'un des co-sponsors d'une conférence très climato-sceptique du Heartland Institute (aux côtés du réseau Atlas). Aujourd'hui, il contribue au narratif attaquant les écologistes comme des ennemis de l'homme. Son directeur des études Carlo Stagnaro, également membre du conseil consultatif académique de l'Institute for Economic Affairs (IEA) au Royaume-Uni, qui a inspiré la création de l'Atlas Network, a très récemment contribué à la défense de la multinationale pétrolière ENI, poursuivie en justice pour sa contribution aux dérèglements climatiques.
« Ils [les think tanks] sont importants pour disséminer les informations, ce sont des organisations qui peuvent pénétrer l'esprit des gens, explique Ruth McKie. Certains vont avoir des podcasts, comme l'IEA, et puis ils ont de très bonnes relations avec les médias, ils vont être régulièrement invités dans des émissions télé comme Question Time ou BBC News, au Royaume Uni. Donc ils peuvent développer des idées et changer la façon de penser des gens. » Cet impact est difficile à mesurer, mais une étude récente affirme que l'exposition répétée à des affirmations climato-sceptiques augmente la perception de sa véracité, y compris chez les personnes qui font confiance aux scientifiques [6].
En plus de contribuer à cet effet de « chambre d'écho », certaines de ces organisations se livrent aussi à des activités plus classiques de lobbying, en formulant des propositions politiques concrètes et en les défendant directement auprès des décideurs. En juin 2023, l'ancien Premier ministre britannique Rishi Sunak a ainsi confirmé que le think tank Policy Exchange l'avait aidé à rédiger une loi répressive contre les activistes climat – un sujet devenu ces dernières années un cheval de bataille pour de nombreux partenaires du réseau. Policy Exchange a été membre du réseau Atlas pendant plusieurs années, mais ne fait plus parti des partenaires actuels.
De l'AFD en Allemagne, à Vox en Espagne en passant par Fratelli D'Italia ou le PVV aux Pays Bas, les partis les plus radicaux minimisent la réalité ou les impacts de la crise climatique, défendent les industries fossiles et s'opposent à une transition vers les renouvelables.
Dans la plupart des pays européens, les chercheurs constatent qu'à côté des industriels et des think tanks, les partis d'extrême-droite font parti des agents de l'obstruction climatique. De l'AFD en Allemagne, à Vox en Espagne en passant par Fratelli D'Italia ou le PVV aux Pays Bas, les partis les plus radicaux minimisent la réalité ou les impacts de la crise climatique, défendent les industries fossiles et s'opposent à une transition vers les renouvelables. « Je dirais que si on regarde les différents éléments de la rhétorique populiste, qu'il s'agisse de l'immigration et des réfugiés ou des changements climatiques, il s'appuient sur la désinformation, et sur une peur du changement. Les gens ont peur du changement, ils veulent que tout reste pareil. »
Or la lutte contre la crise climatique implique des modifications conséquentes des modes de vie dans les pays occidentaux. Qu'il s'agisse de jouer sur les peurs de la population, de s'assurer du soutien de gros industriels ou de défendre des intérêts économiques personnels, les mouvements réactionnaires s'alignent sur les positions anti-climat des think tanks pro-marché. Et deviennent ainsi des alliés des industriels et grandes fortunes qui n'ont pas intérêt à ce que le modèle qui leur a profité soit remis en cause.
La France ne fait pas partie des pays couverts par le rapport « Climate Obstruction Across Europe », mais les mêmes dynamiques semblent s'y retrouver. La droite la plus radicale (Rassemblement national et les Républicains) s'oppose aux renouvelables, à la fin des voitures thermiques, et promeut une transition basée sur le nucléaire. Chez le RN et Reconquête, on trouve encore des élus franchement climato-sceptiques qui n'hésitent pas à remettre en cause le travail des scientifiques.
Le président de l'Iref, Jean-Philippe Delsol, explique qu'il attend « de meilleures démonstrations de la part des scientifiques qui entendent exiger des sacrifices considérables des citoyens du monde entier pour réduire la température ».
Du côté des think tanks liés au réseau Atlas [7], l'Institut de recherches économiques et fiscales (Iref) (voir notre présentation) est celui qui publie les charges les plus virulentes, remettant en cause les liens entre émissions de CO2 et dérèglements climatiques, à l'encontre du consensus des chercheurs qualifiés dans le domaine [8]. En réponse à nos questions, le président de l'Iref, Jean-Philippe Delsol, explique qu'il attend « de meilleures démonstrations de la part des scientifiques qui entendent exiger des sacrifices considérables des citoyens du monde entier pour réduire la température », en citant notamment une déclaration du physicien-climatologue François-Marie Bréon, contributeur du GIEC, sur les liens entre CO2 et climat, qu'il a « critiqué vertement » dans une note. Il défend le droit de scientifique comme M. Koonin (réputé pour son climato-scepticisme) à être entendu, et précise aussi que les contributeurs de l'Iref « assument la responsabilité scientifique de leurs propos ».
Parmi ces contributeurs, il y a par exemple Alain Mathieu. Pour l'Iref, cet ancien chef d'entreprise écrivait en mars 2023 que « les émissions humaines ne sont responsables que d'une faible partie de l'augmentation du CO2 de l'atmosphère ; l'augmentation de la température de l'atmosphère est due principalement à des causes naturelles, l'augmentation du CO2 n'y jouant qu'un rôle marginal ». Alain Mathieu est aussi un contributeur du site climato-sceptique « Climat et Vérité ». Il a également été vice-président de la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (Ifrap) pendant cinq ans, et il est Président d'honneur de Contribuables associés. Il n'y était pas spécialement en charge des sujets liés à l'écologie, mais sa présence à la tête de ces organisations donne le ton.
Contribuables associés (voir notre présentation) est extrêmement opposé aux énergies renouvelables, relayant les propos de la Marine Le Pen qualifiant les éoliennes d'escroquerie ou un article selon lequel elles tueraient les vaches – une allégation qui a depuis été démentie par l'agence de sécurité sanitaire Anses. L'organisation pourfendeuse des impôts et des dépenses publiques, et proche de l'extrême-droite, est aussi membre de l'association des climato-réalistes présidée par Benoit Rittaud, mathématicien et ambassadeur français de la World Climate Declaration de 2022, qui appelait l'ONU à considérer qu'il n'y a pas d'urgence climatique. Un texte signé par 1 107 personnes, dont « six morts, huit employés du pétrolier Shell, et aucun climatologue à temps plein « , selon le décompte de Libération.
Parmi les signataires, on trouve également Bertrand Alliot, porte-parole d'Action écologie, une association que Benoit Perrin, le directeur de Contribuables associés (que l'on dit par ailleurs proche d'Eric Zemmour [9]), a contribué à fonder. Action Ecologie se donne pour premier objectif de « dénoncer dans les médias les arnaques de l'écologisme » et met en doute la gravité de la crise climatique comme l'effondrement de la biodiversité. Des critiques débunkées, mais pourtant reprises dans certains médias comme Le Point [10]. Contacté par l'Observatoire des multinationales, le directeur de Contribuables associés récuse la qualification de climato-sceptique et affirme ne placer « uniquement sous l'angle de l'efficacité de la dépense d'argent public ». Il explique que l'association va ainsi préférer le nucléaire, qu'elle considère comme une source d'énergie « peu chère et abondante ».
Sans être climatologues, ils s'expriment sur les réseaux sociaux et dans les médias pour vilipender les politiques climatiques, contribuant ainsi, comme le veut le réseau Atlas, à changer le « climat des idées ».
Côté Ifrap ou institut Molinari, autres partenaires historiques d'Atlas en France, le ton est moins outrancier. Ces think tanks ne s'en opposent pas moins aux objectifs de déploiement de énergies renouvelables fixés par l'Europe, à la fin des voitures thermiques ou à la fiscalité écologique. Des positions qui sont justifiées par leur vision économique qui implique de réduire le poids de l'État et des régulations, et de donner plus de liberté aux marchés. Mais s'ils accordent beaucoup d'attention au coût des éoliennes, ils ne semblent pas beaucoup se préoccuper de celui du nucléaire, une énergie que les deux think tanks défendent comme propre et qui devrait être priorisée par les politiques publiques.
Se présentant comme des experts, ils diffusent ainsi sur les questions écologiques des messages assez similaires à ceux des autres partenaires (ou anciens partenaires) du réseau Atlas. Eux, qui ne sont pas climatologues, ils s'exprimeront sur les réseaux sociaux mais aussi sur des plateaux télévisés, à la radios ou dans la presse écrite, pour vilipender les politiques climatiques, contribuant ainsi, comme le veut le réseau Atlas, à changer le « climat des idées ». S'il reste moindre qu'aux États-Unis, la dernière étude de l'Ademe sur le sujet constate d'ailleurs une augmentation du climato-scepticisme en France. Avec des think tanks qui s'inspirent des méthodes et des idéologies américaines, faut-il s'en étonner ?
Anne-Sophie Simpere
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Photo : wissenschaftsjahr cc by-sa via flickr
[1] Voir par exemple l'enquête de Greenpeace USA sur les financements des frères Koch à des organisations climato-sceptiques, où le réseau Atlas apparaît. Le président et PDG du fonds DonorsTrust, qui aurait aussi reçu de l'argent des frères Koch, siège également au conseil d'administration du réseau Atlas.
[2] Email de Adam Weinberg, directeur de la communication et du marketing du réseau Atlas, en réponse à nos questions, 25 octobre 2024.
[3] Atlas network 2024 Smart Bets virtual pitch competition : https://www.youtube.com/embed/9k0O1uzgPawsi=aSIExRigSw_do6xh&start=399
[5] Le réseau Atlas nous a informé.e.s, en octobre 2024, que la Heritage Foundation ne faisait plus partie de ses membres. Le think tank apparaît dans la liste de ses membres dans des publications passées, par exemple en 2020.
[6] Jiang Y, Schwarz N, Reynolds KJ, Newman EJ (2024) Repetition increases belief in climate-skeptical claims, even for climate science endorsers. PLoS ONE 19(8) : e0307294. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0307294
[7] Les organisations citées ici (Iref, Ifrap, Contribuables associés et institut Molinari) sont membres, ou en ont été membres du réseau Atlas. Ce dernier refusant de fournir une liste actualisée de ses partenaires, nous nous basons sur une liste de 2020, corroborée avec d'autres éléments indiquant des collaborations entre ces instituts et le réseau étatsunien.
[9] Selon l'enquête d'Etienne Girard sur Eric Zemmour, Benoit Perrin aurait participé à des réunions chez Sarah Knafo en vue de la candidature de Zemmour aux présidentielles de 2022. Voir Etienne Girard, Le radicalisé. Enquête sur Eric Zemmour, éd. du Seuil, oct. 2021
09.12.2024 à 12:00
Des documents internes révélés conjointement par l'Observatoire des multinationales et le média anglophone DeSmog montrent comment Atlas Network, réseau international de think tanks libertariens, a mené un travail d'obstruction à un moment crucial des discussions internationales sur le climat pour le compte du géant pétrolier ExxonMobil.
Le 29 mars 1999, Alejandro Chafuen, alors directeur d'un réseau international de think tanks libertariens connu sous le nom d'Atlas Network, envoie une (…)
Des documents internes révélés conjointement par l'Observatoire des multinationales et le média anglophone DeSmog montrent comment Atlas Network, réseau international de think tanks libertariens, a mené un travail d'obstruction à un moment crucial des discussions internationales sur le climat pour le compte du géant pétrolier ExxonMobil.
Le 29 mars 1999, Alejandro Chafuen, alors directeur d'un réseau international de think tanks libertariens connu sous le nom d'Atlas Network, envoie une lettre de remerciement à un cadre d'ExxonMobil.
« Au nom d'Atlas et des instituts qu'il soutient, nous tenons à vous remercier une nouvelle fois pour les généreuses contributions d'Exxon Corporation à ces programmes, écrit Chafuen, et pour la confiance qu'Exxon et vous-même nous avez accordée. »
Sans le soutien financier d'Exxon, peu de ces réalisations auraient été possibles.
La lettre adressée à William E. Hale, du département des affaires publiques d'Exxon, inclut un résumé de cinq pages sur la portée mondiale et la diversité des activités que l'entreprise a financées en 1998, « en tout ou en partie », à travers ses dons au programme « Energie et environnement : Solutions basées sur le marché » du réseau Atlas.
Parmi ces activités, des conférences sur la « peur du réchauffement climatique », des réunions internationales de briefing avec d'éminents climato-sceptiques et la distribution à grande échelle de livres destinés à empêcher les écoliers de devenir des « croisés suffisants » de la protection de l'environnement. Sans le soutien financier d'Exxon, précise Chafuen, « peu de ces réalisations auraient été possibles ».
DeSmog et l'Observatoire des multinationales publient aujourd'hui pour la première fois cette lettre, ainsi que d'autres documents qui mettent en évidence la collaboration de longue durée entre l'une des plus grandes entreprises pétrolières et gazières au monde et le réseau Atlas.
Dans un rapport publié en mai dernier, l'Observatoire des multinationales a levé le voile sur l'histoire et les méthodes d'Atlas Network et sur ses partenaires en France, parmi lesquels l'Ifrap ou encore l'Institut de formation politique.
Dès les années 1990, un travail de sape des politiques climatiques a été coordonné au niveau mondial, notamment à travers les think tanks partenaires du réseau Atlas, en s'attaquant au « climat des idées ».
Atlas s'est construit pour mener la « bataille des idées » à l'échelle internationale à travers un réseau de think tanks et d'autres organisations, en facilitant leur financement, en organisant des échanges de bonnes pratiques et en coordonnant leur action et la diffusion des mêmes messages. Ce sont ces mêmes méthodes que l'on retrouve à l'oeuvre, à la fin des années 1990 et au début des années 2000, dans le cadre des conférences climat.
Alors que la COP29 vient de s'achever en Azerbaïjan sur un accord décevant, les documents que nous révélons illustrent comment, dès les années 1990, un travail de sape des politiques climatiques a été coordonné au niveau mondial, notamment à travers les think tanks partenaires du réseau Atlas, qui a oeuvré à influencer politiques, médias et opinion publique en s'attaquant au « climat des idées ». Et ceci avec le soutien financier direct d'ExxonMobil.
Dans une déclaration envoyée par courriel à l'Observatoire des multinationales, Brad Lips, directeur d'Atlas Network, a défendu les relations de l'organisation avec ExxonMobil en déclarant que « ces dons de la fin des années 1990 et du début des années 2000 reflètent le point de vue de nos dirigeants de l'époque, à savoir qu'une réglementation environnementale trop zélée, sous prétexte de changement climatique, serait préjudiciable à la croissance économique en général, et en particulier à la possibilité d'augmenter le niveau de vie dans le Sud ».
Toutefois, selon lui, le réseau Atlas a désormais changé d'orientation. « Lorsque je suis devenu directeur du réseau Atlas il y a quinze ans, il était clair qu'il n'y avait pas de consensus sur ces sujets parmi nos partenaires. J'ai décidé que ce n'était pas un domaine sur lequel le réseau Atlas devait se concentrer, car nous voulons travailler de manière constructive avec tous nos partenaires sur nos principales priorités, sans nous préoccuper de leur position sur les questions de science climatique », a-t-il écrit.
Alejandro Chafuen n'est pas le seul signataire de la lettre de 1999 à Exxon (qui fusionne avec Mobil cette même année). L'autre signataire est Paul Driessen, son vice-président, aujourd'hui contributeur du célèbre think tank climato-sceptique Heartland Institute.
Dès la fin des années 1970, les scientifiques d'Exxon prévenaient les dirigeants de l'entreprise que des « réductions importantes » de l'utilisation des énergies fossiles seraient nécessaires.
Ce document et plus d'une douzaine d'autres, obtenus par le Corporate Genome Project, s'ajoutent à un nombre croissant de preuves que le retard pris dans la lutte contre le changement climatique peut être attribué en partie aux efforts de désinformation discrètement organisés par des compagnies pétrolières et des think tanks à la fin des années 1990 et au début des années 2000.
Il s'agit d'années cruciales au cours desquelles les gouvernements commençaient à tenter de maîtriser les émissions de gaz à effet de serre. Dès la fin des années 1970 et le début des années 1980, les scientifiques d'Exxon eux-mêmes prévenaient les dirigeants de l'entreprise que des « réductions importantes » de l'utilisation des énergies fossiles seraient nécessaires pour éviter des « événements potentiellement catastrophiques » à l'avenir.
Les documents révèlent aussi la manière dont Atlas Network a canalisé l'argent d'ExxonMobil vers des think tanks libertariens dans le monde entier, cherchant à propager des politiques favorables aux entreprises derrière le voile d'une analyse objective.
L'un des principaux objectifs d'Atlas Network est de former des leaders politiques conservateurs, dont certains finissent par accéder au pouvoir. Parmi les bénéficiaires de ces programmes : Ana Lamas, alors directrice de la Fondación MEL en Argentine. Selon un compte rendu d'Atlas en 1998, elle a passé plusieurs semaines dans la région de Washington, rencontrant et travaillant avec Atlas, le Cato Institute, le Competitive Enterprise Institute (CEI), la Heritage Foundation, SEPP et d'autres organisations impliquées dans les efforts d'obstruction de toute politique climatique ambitieuse aux États-Unis, et au-delà.
Dans le document de collecte de fonds d'Atlas de 1998, la Fondación MEL est citée comme destinataire de 5 000 dollars de l'American Petroleum Institute, le grand lobby pétrolier étatsunien, pour des dépenses diverses liées à l'organisation d'« événements sur le réchauffement de la planète ». Lamas est également mentionnée comme ayant reçu personnellement 850 dollars pour ces activités.
Aujourd'hui, Ana Lamas est sous-secrétaire à l'Environnement dans le gouvernement de Javier Milei. dont les liens avec le réseau Atlas et ses partenaires sont nombreux. En 2024, en amont de la COP29, elle annonçait vouloir appréhender les questions climatiques comme un enjeu de marché, et assume la position climate-sceptique de Javier Milei.
Les négociateurs argentins se sont retirés de la COP29 sur ordre de leur gouvernement seulement quelques jours après qu'elle ait commencé.
Ana Lamas n'a pas répondu à nos sollicitations.
Sollicité par l'Observatoire des multinationales, le porte-parole du réseau Atlas, Adam Weinberg, a déclaré que « le réseau Atlas n'a pas reçu de financement de la part de compagnies pétrolières ou gazières ou de leurs fondations depuis 15 ans ».
« Le réseau Atlas lui-même ne défend pas de politiques spécifiques en matière d'énergie, d'environnement ou de changement climatique », a-t-il ajouté, affirmant que « la collecte de fonds auprès d'entreprises n'a jamais représenté une part substantielle du budget du réseau Atlas ».
« Le budget annuel que nous collectons est dérisoire par rapport à de nombreuses autres organisations à but non lucratif ayant des missions mondiales, et certainement par rapport à l'argent des contribuables gaspillé par pratiquement n'importe quel gouvernement dans le monde. »
« Mais nous sommes extraordinairement reconnaissants aux nombreuses personnes et aux généreuses fondations qui partagent notre engagement en faveur des droits individuels et de la libre entreprise et qui nous fournissent les ressources nécessaires pour renforcer le mouvement mondial en faveur de la liberté. »
ExxonMobil n'a pas répondu à nos demandes de commentaires, pas plus qu'Alejandro Chafuen, qui est aujourd'hui directeur d'un think tank appelé l'Acton Institute for the Study of Religion and Liberty.
Pour obtenir le soutien de donateurs tels qu'Exxon, Atlas met en avant son talent pour faire passer des idées de politiques publiques à travers des instituts qui seront perçus comme neutres (contrairement aux entreprises dont les conflits d'intérêts sont évidents).
Atlas met en avant son talent pour faire passer des idées de politiques publiques à travers des instituts qui seront perçus comme neutres, contrairement aux entreprises dont les conflits d'intérêts sont évidents.
Un document intitulé « Avantages à soutenir l'Atlas Economic Research Foundation » souligne la capacité du réseau à promouvoir des politiques favorables aux multinationales, tout en permettant aux entreprises qui financent ces recherches de rester dans l'ombre.
« Les idées de politique publique ont souvent plus de valeur lorsqu'elles sont défendues par des organisations qui ne sont pas perçues comme reflétant des intérêts étroits et particuliers », souligne ainsi le document. « Les dons faits à Atlas, puis donnés à des think tanks à la discrétion d'Atlas, injectent une mesure supplémentaire d'indépendance et de crédibilité dans les études. »
Ces dons ont aussi l'avantage d'être déductibles des impôts, Atlas étant une organisation à but non lucratif (nonprofit, section 501).
Mais Atlas souligne aussi sa capacité à développer et mobiliser des réseaux partout dans le monde – Europe, Asie, Afrique, Amérique latine. Par exemple, dans la lettre qu'Atlas envoie en 1999 à Exxon pour présenter son programme « Énergie et environnement », le réseau accorde une large part au soutien apporté à des instituts hors des États-Unis, notamment en Chine (Unirule Institute of Economics, Institute of World Economics and Politics), en Inde (Center for Civil Society, Liberty Institute), au Chili (Libertad y Desarollo), en Argentine (Fundacion Libertad) ou au Canada (Fraser Institute)...
Parmi les nombreuses conférences, séminaires et ateliers financés par le programme sur différents continents, on peut citer une série de réunions d'information organisées dans cinq villes argentines, qui ont rassemblé des centaines de personnes pour discuter des « aspects scientifiques, économiques et technologiques » de la « peur du réchauffement planétaire ». La couverture médiatique de ces événements « inclut 8 apparitions à la télévision et à la radio, plus de 12 articles dans des journaux et des magazines, et 19 interviews ».
Selon le document, le climato-sceptique Fred Singer, président du Science and Environmental Policy Project (SEPP), a été discuter « des questions relatives au changement climatique mondial devant un certain nombre de groupes en Argentine, au Brésil, au Chili et en France avant et pendant le sommet COP-4. (Atlas fournit un financement important au SEPP) ».
En Europe, on peut citer Timbro en Suède, ou le Civic institute en République tchèque, alors dirigé par Michal Semin, journaliste et commentateur, figure chrétienne conservatrice, anti-avortement, opposé au mariage homosexuel, au libéralisme social, et qui a pu attribuer les attaques du 11 septembre aux élites américaines.
Les documents montrent qu'à l'époque où Exxon apportait ses « généreuses contributions », l'Atlas Network gérait un programme de « Fellows » qui a permis à des personnalités d'Argentine, de France, du Mexique et de Turquie d'acquérir de l'expérience au sein de think tanks, d'organiser et d'assister à des conférences et de poursuivre des études à l'université George Mason. Cette université conservatrice a reçu des dizaines de millions de dollars depuis 2005 de la part de fondations liées aux milliardaires du pétrole et du gaz Charles et feu David Koch, selon leurs déclarations fiscales.
Chafuen et Driessen signalent dans leur lettre de 1999 à Exxon qu'« Atlas a envoyé des paquets de livres, d'articles et de vidéos sur la science et l'économie du changement climatique mondial à neuf instituts en Asie et en Amérique latine ».
Parmi ces livres - distribués de la Turquie au Chili en passant par l'Espagne - se distingue Facts, Not Fear, un manuel pour enfants présenté comme un guide pour s'opposer aux « affirmations irresponsables des extrémistes de l'environnement » dans les salles de classe et empêcher les écoliers de devenir des « croisés suffisants dont les connaissances sont, au mieux, fragiles ».
Une proposition que Chafuen envoie à ExxonMobil en mai 2000 détaille les ressources qu'Atlas Network peut mettre en œuvre pour défendre les intérêts de ses donateurs. Adressée à T.J. Randy Randoll, cadre d'ExxonMobil, la lettre d'accompagnement contient une mise en garde amicale à l'intention de la compagnie pétrolière.
Bientôt, dit Chafuen à Randoll, les « alarmistes du réchauffement climatique » utiliseront un prochain rapport sur le climat pour « convaincre les États-Unis et d'autres pays de ratifier le protocole de Kyoto », le traité de 1997 qui engage les riches pollueurs comme les États-Unis à des réductions substantielles et juridiquement contraignantes de leurs émissions de gaz à effet de serre.
M. Chafuen semble en effet particulièrement préoccupé par le troisième rapport d'évaluation du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), l'organisme créé par les Nations unies pour fournir des évaluations scientifiques aux décideurs politiques, qui devait être publié l'année suivante.
Atlas propose alors de contrer ces études par une campagne visant à convaincre les « membres du Congrès, aux journalistes, aux ambassadeurs et aux autres responsables aux États-Unis et à l'étranger que la science du réchauffement climatique est loin d'être établie ».
« Les données satellitaires ne démontrent qu'un léger réchauffement de l'atmosphère terrestre - bien moins que ce que prédisent les alarmistes du réchauffement planétaire ».
Le consensus sur le fait que les émissions de gaz à effet de serre provenant de la combustion des énergies fossiles engendrent des risques catastrophiques pour le climat a commencé à émerger au moins dès 1979, lorsqu'un groupe ad hoc de climatologues s'est réuni en juillet à la Woods Hole Oceanographic Institution, dans le Massachusetts. Leurs délibérations ont été compilées dans « Carbon Dioxide and Climate : A Scientific Assessment ». Connue familièrement sous le nom de rapport Charney, cette étude est toujours considérée comme un pilier de la science du climat en raison de la précision avec laquelle elle prévoit la vitesse à laquelle l'augmentation de la concentration de CO2 dans l'atmosphère provoquée par l'homme entraînerait une hausse des températures mondiales.
En 2000, deux décennies de recherches ultérieures n'ont fait que renforcer les conclusions du rapport Charney. Chafuen semble néanmoins désireux de démontrer à ExxonMobil que les scientifiques « indépendants » soutenus par le réseau Atlas peuvent rassembler suffisamment de preuves pour semer le doute.
« De fait, la communauté scientifique reconnaît de plus en plus que les données satellitaires et autres ne démontrent qu'un léger réchauffement de l'atmosphère terrestre - bien moins que ce que prédisent les modèles climatiques et les alarmistes du réchauffement planétaire, écrit M. Chafuen. Un nombre important et croissant de scientifiques respectés reconnaissent également que les phénomènes naturels sont les principaux responsables des changements climatiques observés et que les activités humaines pourraient ne jouer qu'un rôle mineur. »
Atlas Network prévoit alors de dépenser 17 500 dollars rien que pour les frais d'impression, ainsi que des milliers de dollars supplémentaires pour organiser des réunions d'information à l'intention de groupes de décideurs, d'hommes politiques et de « responsables religieux sélectionnés », ainsi que de think tanks tels que le Heartland Institute. Le budget prévoit également 6 000 dollars pour couvrir quatre jours de « briefings aux journalistes » et 1 500 dollars pour les conférences de presse.
Bien que les médias en ligne n'en soient alors qu'à leurs débuts, M. Chafuen présente à ExxonMobil une stratégie numérique détaillée, comprenant l'achat de « bannières publicitaires sur des sites web sélectionnés » et 1 500 dollars pour la création et l'affichage d'« hyperliens internet » qui attireraient les gens vers des pages contenant des informations contestant le consensus scientifique sur le changement climatique.
Atlas promet aussi de mesurer soigneusement son influence : « Le succès de ce projet sera mesuré par le nombre : de 'hits' reçus par les sites web, d'articles et d'articles d'opinion distribués et effectivement placés, de personnes présentes aux briefings et aux conférences de presse, d'apparitions dans les talk-shows et autres programmes, d'interviews avec les médias, d'invitations aux réunions de comités éditoriaux et à des audiences du Congrès, de stations de radio et de télévision utilisant le matériel qui leur a été fourni - ainsi que par les niveaux d'intérêt généralement exprimés par les publics cibles », écrit Chafuen dans sa proposition. « Les niveaux de financement globaux détermineront le nombre d'éléments du projet décrits ici qui pourront être réalisés dans les délais spécifiés et selon les normes que vous êtes en droit d'attendre des programmes Atlas. »
« La dernière chose qu'Atlas souhaite faire est de décevoir un allié précieux et généreux. »
Le mois suivant, en juin 2000, Gary Ehlig, cadre d'ExxonMobil, envoie à Atlas un chèque de 65 000 dollars « de la Fondation ExxonMobil pour soutenir la poursuite de vos travaux sur le changement climatique ».
M. Ehlig écrit que les fonds sont « destinés à soutenir les activités liées à l'évaluation scientifique de plusieurs rapports, y compris la version actuelle du troisième rapport d'évaluation du GIEC et le rapport d'évaluation national des États-Unis lorsqu'il sera disponible », et qu'il attend avec impatience « des informations sur vos activités dans le domaine du changement climatique au fur et à mesure que l'année progressera ».
Cependant, moins de deux semaines plus tard, Brad Lips, le nouveau directeur des opérations de l'Atlas Network - et qui en est aujourd'hui le directeur - écrit à Exxon pour lui faire part d'une mauvaise nouvelle. En raison de « circonstances imprévues », l'organisation « doit retourner le chèque d'ExxonMobile [sic] ».
Lips est conciliant : « La dernière chose qu'Atlas souhaite faire est de décevoir un allié précieux et généreux. » Mais, explique-t-il, son organisation n'est plus convaincue « que cet important projet peut être réalisé dans les conditions que nous avions prévues ».
Il n'a pas été possible dans l'immédiat de vérifier dans quelle mesure le programme envisagé par le réseau Atlas a été finalement mis en œuvre.
Au même moment, en juin 2000, Brad Lips relève que le réseau ne devrait peut-être pas autant construire ses projets autour des intérêts de ses bailleurs.
Dans un mémo, il explique : « Les programmes ont eu tendance à être planifiés en fonction de donateurs particuliers. Il serait plus respectable qu'Atlas détermine les grandes lignes et les objectifs de son programme environnemental avant de solliciter le soutien d'ExxonMobil, au lieu de notre ancienne procédure, qui consistait à rédiger une proposition pour ExxonMobil et à le labeliser ensuite comme étant notre programme environnemental. »
Il recommande que les équipes définissent leurs projets avant de solliciter les financeurs... tout en gardant la possibilité de s'adapter aux souhaits de ces derniers (« Atlas conserverait la flexibilité nécessaire pour répondre aux intérêts d'un nouveau donateur »).
Le même mémo identifie les donateurs potentiels pour des projets environnementaux sur les thèmes de la science et la réglementation internationale : Exxon, Procter & Gamble, American Petroleum Institute.
Quelles que soient ses préoccupations, Lips n'en continue pas moins à promouvoir la capacité de son réseau à servir les intérêts des entreprises. Il écrit en mai 2002 à un cadre de Shell dont il cherche à obtenir le soutien : « Atlas agissant comme un "groupe de coordination" [umbrella group] au service de tout ce réseau [de think tanks], nous pouvons aider à coordonner les efforts visant à atteindre des objectifs politiques qui représentent les meilleurs intérêts de nos deux organisations ».
« Veuillez conserver mon nom dans vos dossiers, écrit Lips, au cas où vous souhaiteriez des références sur les alliés locaux d'Atlas dans différents pays. (Si je me souviens bien, la Russie, le Nigeria et la Turquie font partie des pays que vous avez mentionnés la semaine dernière) ».
« Nous veillerons à l'avenir à informer les bénéficiaires de cette ligne de crédit de l'origine des fonds et du partenariat Atlas/ExxonMobil. »
Les liens mondiaux d'Atlas Network ont certainement séduit ExxonMobil, qui a utilisé l'organisation au début des années 2000 pour acheminer des subventions vers des think tanks en Afrique et en Asie, comme le montrent les documents que nous révélons.
En janvier 2004, Lips envoie un courriel à Walt F. Buchholtz, cadre d'ExxonMobil, pour l'informer qu'Atlas Network a transféré des fonds donnés par l'entreprise pour son programme « Eco-Imperialisme et instituts liés » à des think tanks au Nigeria, au Kenya, au Bangladesh et en Inde, par le biais de subventions d'une valeur comprise entre 2 500 et 6 000 dollars.
« Comme nous en avons discuté, nous veillerons à l'avenir à informer les bénéficiaires de cette ligne de crédit de l'origine des fonds et du partenariat Atlas/ExxonMobil visant à les aider et à promouvoir leur bon travail », écrit M. Lips.
En cette année 2004, la bataille à gagner est celle de la COP10 à Buenos Aires, et le réseau Atlas fait encore une fois appel au soutien du géant pétrolier américain. « Nous sommes très bien placés pour avoir une influence positive sur l'orientation du débat et la couverture médiatique en Argentine. (...) Nous avons déjà réservé un local idéal à côté du centre de convention, qui peut servir de base ou de "war room" pour nos efforts », explique le directeur du réseau Alejandro Chafuen.
Un effort présenté comme colossal, pour obtenir une couverture médiatique favorable autour de la COP, en mobilisant un maximum d'alliés de toutes les régions du monde, en particulier de régions « stratégiques », ainsi que de nombreux think tanks où siègent, voire qui sont présidés, par des administrateurs du réseau Atlas. Chafuen demande une subvention supplémentaire à ExxonMobil pour soutenir ce programme.
Les documents disponibles n'indiquent pas clairement si ExxonMobil a accepté cette proposition. Cependant, la correspondance entre Atlas et l'entreprise au cours de la première partie de l'année 2004 montre qu'ExxonMobil avait récemment fait des dons de 30 000 et 55 000 dollars au réseau.
En février 2005, Chafuen écrit à Buchholtz pour lui exprimer sa gratitude pour un nouveau don de 45 000 dollars.
« Je tiens à vous remercier personnellement pour votre dévouement à la mission d'Atlas », écrit Chafuen.
Le nom d'un think tank français apparaît alors dans les échanges entre le réseau Atlas et ExxonMobil : « Je mets également sur notre liste de choses à faire de veiller à ce qu'une subvention soit accordée à l'Institut Molinari et à ce que Tim Evans, du CNE, soit informé de votre aide, puisqu'il vous a présenté à Cécile Philippe. Je sais que notre directeur des relations avec les instituts, Jo Kwong, a consulté Cécile sur ses efforts depuis leur rencontre à Londres fin 2002. L'année dernière, nous avons utilisé 3000 dollars (provenant d'une autre ligne de financement) pour l'aider à suivre une formation en gestion de groupe de réflexion à l'Institut économique de Montréal » (message de Brad Lips à Walt Buchholtz, 29 janvier 2004).
ExxonMobil exprime d"ailleurs les mêmes demandes de fléchage des financements : « J'aimerais également qu'une partie de ces fonds soit allouée aux associés d'Atlas au sein des groupes de réflexion des pays en développement en Afrique, en Amérique latine et en Asie. En outre, il existe un nouveau groupe de réflexion sur le marché libre en France, l'Institut Molinari, qui devrait recevoir une petite subvention » (courrier de Walt Buchholtz à Alejandro Chafuen, 4 mars 2004, par lequel ExxonMobil approuve un don de 55 000 dollars au réseau Atlas).
De fait, en 2005, Cécile Philippe appelle à s'attaquer aux taxes sur le pétrole plutôt qu'aux profits des pétroliers. En 2007, elle publie le livre C'est trop tard pour la Terre, qui dénonce « l'alarmisme environnemental » qui alimente « les propositions des politiques qui surfent avec enthousiasme et démagogie sur la vague écolo ». Elle s'en prend au principe de précaution et déconstruit ce qu'elle considère comme des mythes : la fin du pétrole, la responsabilité de l'homme dans les changements climatiques, les effets néfastes du marché et les bénéfices d'un développement durable.
Dans une tribune publiée cette même année, Cécile Philippe défend ardemment le pétrole : « Réglementer les émissions ou taxer le CO2, c'est pénaliser notre principale source d'énergie, le pétrole. Qu'on le veuille ou non, aucune source alternative ne peut s'y substituer sans subventions. Le pétrole est tout simplement la clef de voûte de nos sociétés industrialisées. (…) Le consensus sur les causes du changement climatiques n'existe pas et (…) de nombreux spécialistes affirment que le rôle de l'homme ne peut être que mineur dans ce changement (...) Lutter contre les émissions de CO2 pourrait n'être qu'un coup d'épée dans l'eau si elles ne sont pas la cause majeure du changement climatique. »
Aujourd'hui, en matière d'énergie, l'institut Molinari défend surtout le nucléaire, en arguant notamment que cette énergie serait la meilleure solution pour éviter les émissions de CO2 [1]. Une évolution par rapport à 2007, où le think tank contestait la nécessité même de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Mais il n'est pas devenu un soutien des politiques climatiques pour autant : il continue de dénoncer les énergies renouvelables et s'abstient de parler de sobriété énergétique. (Nous avons contacté l'institut Molinari, qui ne nous a pas répondu.)
Le réseau Atlas lui aussi affirme que ses objectifs - et ses financements - ont eux aussi changé. Pourtant, comme le montrera la deuxième partie de notre rapport, plusieurs partenaires du réseau sont toujours impliqués dans des activités d'obstruction aux politiques climatiques, alors que l'urgence environnementale ne cesse de s'intensifier.
Anne-Sophie Simpere
Lire le second volet de cette enquête : Nucléaire, critique des renouvelables et criminalisation des militants : le réseau Atlas et les nouveaux habits du climato-scepticisme.
[1] Voir ici ou là ou encore là devant les parlementaires.
07.12.2024 à 14:18