15.10.2025 à 17:00
Human Rights Watch
(Beyrouth) — Les autorités marocaines ont violemment réprimé des manifestations organisées par un collectif de jeunes appelant à de vastes réformes des services publics, ce qui a entraîné des décès et des arrestations massives, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Les autorités devraient plutôt écouter les appels des manifestants et respecter les droits aux soins de santé et à l’éducation, ainsi que le droit de manifester pacifiquement. Elles devraient également enquêter sur le recours par la Gendarmerie royale à la force létale, et sur les autres allégations d’abus généralisés commis par les forces de sécurité publique à l’encontre des manifestants.
Des manifestations d’ampleur nationale ont éclaté le 27 septembre ; des représentants du mouvement de jeunesse GenZ 212 ont exhorté les Marocains à descendre pacifiquement dans la rue, afin d'exiger une augmentation des dépenses consacrées aux systèmes publics de soins de santé et d’éducation, ainsi que la fin de la corruption. Les manifestants ont critiqué les dépenses publiques consacrées aux méga-événements sportifs que le pays s’apprête à accueillir, tels que la Coupe du monde de la FIFA 2030.
Certains manifestants ont endommagé des biens privés et publics. La police et la Gendarmerie royale ont réagi en interdisant les manifestations et en dispersant les manifestants par la force, y compris par la force létale. Trois personnes ont été tuées et douze blessées. Près de 1 000 personnes ont été arrêtées et au moins 270 manifestants, dont 39 mineurs, ont été traduits en justice, dont certains sont toujours en détention. Certains tribunaux ont condamné les manifestants à des peines de prison et à des amendes.
« Des jeunes Marocains expriment leur mécontentement face à l’état des soins de santé et de l’éducation dans le pays », a déclaré Hanan Salah, directrice adjointe de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Le gouvernement devrait tenir compte des appels des manifestants, et remplacer ses tactiques répressives par un dialogue public et des réformes de grande envergure. »
Les carences du système de santé marocain, amplifiées par la mort récente de plusieurs femmes enceintes au sein d’un hôpital public d’Agadir, ont contribué à attiser la colère et à susciter des manifestations. Pendant ce temps, le Maroc se prépare à accueillir la Coupe d’Afrique des Nations en décembre 2025 et à co-organiser la Coupe du monde de la FIFA de 2030, ce qui engendrerait cinq milliards de dollars de dépenses destinées à la construction de stades, de complexes sportifs, de transports publics et de logements.
Des manifestations largement pacifiques ont débuté le 27 septembre dans au moins 11 villes, notamment à Rabat, Casablanca, Tanger, Salé, Agadir, Marrakech, Sidi Taïbi et Inezgane.
Human Rights Watch a géolocalisé une vidéo publiée sur les réseaux sociaux le 1er octobre, où l’on voit une camionnette des forces de sécurité de couleur sombre fonçant sur des manifestants dans un rond-point à Oujda, dans la nuit du 30 septembre, avant de repartir. Une autre vidéo publiée sur les réseaux sociaux le 1er octobre et géolocalisée par les chercheurs montre une camionnette des forces de sécurité de couleur sombre fonçant sur un groupe de manifestants à environ 350 mètres du rond-point d’Oujda, écrasant un homme contre un mur avant de faire marche arrière et de repartir. Selon les informations recueillies, les voitures des forces de sécurité utilisées pour percuter les manifestants ont blessé au moins deux personnes à Oujda cette nuit-là, dont Wassim Eltaibi, 17 ans, dont la mère a déclaré aux journalistes qu’il avait besoin de soins médicaux urgents, et Amine Boussaada, 19 ans, dont le père a déclaré qu’il avait été amputé de la jambe gauche.
Le 1er octobre, la Gendarmerie royale a fait usage de la force létale pour réprimer des manifestations qui avaient dégénéré devant un poste de gendarmerie à Lqliâa, dans la préfecture d’Agadir, tuant apparemment trois hommes et blessant d’autres personnes, dont un enfant. Parmi les personnes tuées figurent Abdessamade Oubalat, un étudiant en cinéma de 22 ans, ainsi qu’un homme de 25 ans. Dans une déclaration télévisée du 2 octobre, un porte‑parole du ministère de l’Intérieur a cherché à justifier le recours à la force létale, affirmant que les manifestants avaient utilisé des pierres et, semble-t-il, des couteaux comme armes. Il a déclaré que les forces armées avaient d’abord utilisé des gaz lacrymogènes pour disperser la foule, puis fait usage de leurs armes à feu « en situation de légitime défense ».
Human Rights Watch a analysé et géolocalisé une série de vidéos des événements s’étant produits à Lqliâa, publiées sur les réseaux sociaux le 2 octobre.
Des images de vidéosurveillance filmées à l’extérieur du poste de gendarmerie et horodatées à 21 h 28 montrent des dizaines de manifestants jetant de grosses pierres, défonçant la porte d’entrée et allumant des feux. La vidéo diffusée en ligne constitue un montage d’extraits de vidéos de surveillance. Un homme en uniforme à l’intérieur du poste tire avec une arme en direction des manifestants. Cette vidéo est horodatée à 21h34.
Les images montrent également l’utilisation de gaz lacrymogène à l’extérieur une minute plus tard, mais Human Rights Watch n’a pas pu déterminer de manière concluante si les autorités avaient utilisé le gaz lacrymogène avant la force meurtrière, comme elles l’ont affirmé. Une vidéo montrait un homme gravement blessé, ou peut-être mort, allongé à environ 70 mètres de l’entrée, avec une blessure ensanglantée dans le dos, mais Human Rights Watch n’a pas pu déterminer de manière concluante s’il avait reçu une balle dans le dos.
Les autorités marocaines devraient mener de toute urgence une enquête transparente sur les événements de Lqliâa et sur l’assassinat présumé de trois hommes, et demander des comptes à tout membre de la gendarmerie jugé responsable d’actes répréhensibles, a déclaré Human Rights Watch.
Les manifestations nationales du 1er octobre ont également fait 354 blessés, dont 326 membres de la sécurité publique, et endommagé 271 de leurs véhicules et 175 véhicules privés, selon un porte-parole du ministère de l’Intérieur.
Le 2 octobre, de violents affrontements ont éclaté à Marrakech entre la police et les manifestants, qui auraient endommagé trois agences bancaires. Les autorités ont arrêté des dizaines de personnes.
Des poursuites sont en cours contre les manifestants. Le 4 octobre, le tribunal de première instance d’Agadir aurait condamné un homme à quatre ans de prison et à une amende de 50 000 dirhams (environ 5 400 dollars) pour « incitation à des délits et crimes mineurs par la voie des réseaux sociaux ». Le 8 octobre, la Cour d’appel d’Agadir aurait condamné un homme à 10 ans de prison pour son rôle supposé dans la destruction de biens publics lors des événements de Lqliâa, ainsi que pour des violences qu’il aurait commises contre les forces de sécurité. Le 9 octobre, la Cour d’appel de Silla aurait condamné plusieurs accusés à des peines allant jusqu’à 20 ans de prison pour de supposés « actes de vandalisme ».
Les manifestations de la GenZ 212 font suite aux manifestations de la génération Z qui ont eu lieu à Madagascar, en Indonésie, au Kenya, au Népal, au Pérou et aux Philippines. Les appels des manifestants font écho à des griefs de longue date, un tiers des jeunes Marocains étant confrontés au chômage, ainsi qu’à des systèmes d’éducation publique et de santé de mauvaise qualité et à des filets de sécurité sociale insuffisants.
En 2022, les dépenses publiques de soins de santé du Maroc ne représentaient que 2,3 % de son PIB, soit moins de la moitié du pourcentage de référence international, qui s’établit à 5 % au moins, selon les données de l’Organisation mondiale de la Santé. Dans le cadre de la Déclaration d’Abuja de 2001, le Maroc a également pris des engagements clairs à consacrer au moins 15 % de son budget national à la promotion de la santé, mais moins de la moitié de cette somme a été dépensée en 2022. La loi-cadre sur le système de protection sociale de 2021 du Maroc visait à combler les lacunes en matière de protection sociale, mais près de la moitié des 38 millions d’habitants du pays ne bénéficient pas d’une couverture de soins de santé.
Les dépenses publiques destinées à l’éducation au Maroc, à l’exclusion du territoire du Sahara occidental qu’il occupe, ont atteint 6 % de son PIB en 2023, pourcentage conforme aux recommandations en matière de dépenses publiques pour l’éducation. Cependant, en 2022, moins de 20 % des adolescents avaient atteint les compétences minimales en lecture et en mathématiques et les taux d’alphabétisation des adultes et des jeunes stagnaient à 77 %.
Dans un discours prononcé le 10 octobre, le roi du Maroc Mohamed VI a déclaré que « la création d’emplois pour les jeunes et l’amélioration concrète des secteurs de l’éducation et de la santé » étaient des priorités, sans mentionner les manifestations des jeunes ni les mesures que le gouvernement prendrait pour atteindre ces objectifs.
Le Maroc devrait adopter une approche des droits de l’homme qui mette l’accent sur la distribution équitable des ressources pour réaliser des droits tels que l’accès universel à des soins de santé de qualité, à l’éducation et à la sécurité sociale, en vertu du droit international des droits de l’homme, et veiller à ce que la population reçoive un salaire décent, a déclaré Human Rights Watch. La Constitution de 2011 du pays garantit « le droit aux soins de santé, à la protection sociale, à l’éducation, à un logement décent [et] au travail ».
En vertu de la législation sur les droits humains, les gouvernements et les institutions financières internationales qui les soutiennent sont tenus d’apporter une réponse aux crises économiques en mettant tout en œuvre pour protéger et faire progresser les droits. Ils devraient veiller à ce que les réformes proposées, notamment en matière de politique fiscale et de dépenses publiques, respectent au mieux les droits économiques, sociaux et culturels des citoyens.
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel le Maroc est un État partie, consacre les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique. Toute intervention des forces de l’ordre lors de manifestations devrait respecter les normes internationales. Les principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois disposent que les forces de sécurité doivent utiliser des moyens non violents avant de recourir à la force. Lorsque cela est nécessaire à des fins légitimes de maintien de l’ordre au cours d’un rassemblement, seule la force minimale nécessaire peut être utilisée. L’utilisation intentionnelle d’armes à feu à des fins létales ne peut avoir lieu que lorsqu’elle est strictement inévitable pour protéger la vie.
Correction du 10 octobre 2024 : Le communiqué de presse a été mis à jour afin d'indiquer que certaines des personnes arrêtées par la police et la Gendarmerie royale, et non toutes, sont toujours en détention.
« Les jeunes Marocains réclament clairement de meilleurs soins de santé, une meilleure éducation et la fin de la corruption », a conclu Hanan Salah. « Si le gouvernement peut financer des stades de football ultramodernes, il peut aussi financer son système de santé, et les personnes qui réclament une chance équitable pour leur avenir ne devraient pas être confrontées à la force létale et à la répression. »
15.10.2025 à 06:00
Human Rights Watch
(São Paulo) – L’élevage illégal de bétail dans l’État brésilien du Pará, qui accueillera cette année le sommet sur le climat COP30, y a dévasté les territoires de petits agriculteurs et de communautés autochtones, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui. L’entreprise brésilienne JBS, principal producteur de viande dans le monde, a peut-être exporté vers l’Union européenne du bœuf et des cuirs provenant de bétail élevé dans des ranchs illégaux de cette région.
15 octobre 2025 TaintedLe rapport de 86 pages, intitulé « Tainted: JBS and the EU’s Exposure to Human Rights Violations and Illegal Deforestation in Pará, Brazil » (« Un processus terni : JBS et l’exposition de l’UE aux violations des droits humains et à la déforestation illégale dans l’État du Pará, au Brésil ») détaille comment des éleveurs de bétail ont illégalement saisi des terres et détruit les moyens de subsistance des habitants légitimes de la petite colonie agricole de Terra Nossa et du territoire autochtone de Cachoeira Seca, portant atteinte à leurs droits au logement, à la terre et à la culture. L’analyse de sources officielles réalisée par Human Rights Watch montre que des ranchs illégaux de ces régions ont vendu du bétail à plusieurs fournisseurs directs de JBS.
« L’entreprise JBS ne dispose toujours pas d’un système de traçage de ses fournisseurs indirects de bétail, alors qu’elle s’était engagée à mettre un tel processus en place dès 2011 », a déclaré Luciana Téllez Chávez, chercheuse senior à la division Environnement et droits humains de Human Rights Watch. « Sans ce système, l’entreprise ne peut pas tenir ses engagements visant à éliminer la déforestation de sa chaîne d’approvisionnement d’ici la fin de l’année 2025. »
Click to expand Image Cleve Gonçalves da Silva, membre d’une communauté autochtone vivant sur le territoire agricole PDS Terra Nossa dans l’État de Pará, en Amazonie brésilienne, y conduisait sa moto le 11 novembre 2024. Des éleveurs de bétail ont illégalement saisi des terres dans cette zone, déboisé des parties de la forêt tropicale afin d’y établir des ranchs, et menacé les habitants qui protestaient contre ces actions. © 2024 Thaís Farias pour Human Rights WatchEn s’appuyant sur l’analyse des permis de transport de bétail délivrés par le gouvernement régional de l’État du Pará, Human Rights Watch a identifié cinq cas dans lesquels des ranchs illégalement établis dans les territoires de Terra Nossa et de Cachoeira Seca ont fourni du bétail à d’autres ranchs situés en dehors de ces zones en principe protégées ; ces autres ranchs ont ensuite vendu le bétail à des abattoirs de JBS. Les ranchs d’élevage bovin dans les deux territoires sur lesquels Human Rights Watch a enquêté sont illégaux, au regard de la loi fédérale brésilienne.
En 2006, l’agence brésilienne chargée de la réforme agraire (Instituto Nacional de Colonização e Reforma Agrária, INCRA), a créé la colonie rurale Terra Nossa pour des petits agriculteurs. Ce projet était conçu pour permettre à des familles d’y cultiver la terre, récolter les fruits et les noix de la forêt tropicale – qui représentait initialement 80 % des 150 000 hectares de la colonie – et vendre leurs produits sur les marchés locaux.
Des éleveurs ont toutefois empiété illégalement sur Terra Nossa. Ils ont violemment riposté contre les personnes qui s’opposaient à eux. En 2023, 45,3 % de ce territoire avait été converti en pâturages.
À partir de 2016, l’agence chargée de la réforme agraire a inspecté la colonie Terra Nossa et a finalement constaté que 78,5 % de celle-ci était illégalement occupée. Pendant des années pourtant, elle n’a pris aucune mesure pour expulser les éleveurs illégaux. L’agence examine actuellement un plan qui consisterait à diviser ce territoire et à réviser son statut, ce qui aurait toutefois probablement pour effet de maintenir l’impunité des auteurs de crimes environnementaux.
À Cachoeira Seca, le peuple autochtone Arara dépend de la forêt tropicale qui couvre une partie de son territoire de 733 000 hectares. Le gouvernement fédéral est légalement tenu d’expulser les occupants non autochtones. Mais au lieu de cela, des éleveurs se sont installés pour y exploiter d’autres ranchs illégaux, ce qui réduit la quantité de gibier et de produits forestiers disponibles, restreint la liberté de mouvement des peuples autochtones sur leur propre territoire et porte atteinte à leurs droits culturels. Parmi les territoires autochtones de l’Amazonie brésilienne, Cachoeira Seca a enregistré en 2024 la plus grande superficie déboisée.
Déforestation dans l'État de Pará, au Brésil
2000: © 2025 Human Rights Watch 2024: © 2025 Human Rights Watch
Carte montrant le déboisement progressif (via le curseur rouge) de la forêt amazonienne dans l'État de Pará, au Brésil, entre 2000 et 2024.
L’entreprise JBS ne procède pas à un traçage systématique de ses fournisseurs indirects, et n’est donc pas en mesure de garantir que sa chaîne d’approvisionnement n’inclut pas du bétail lié à des pratiques illégales, a déclaré Human Rights Watch. Le Brésil ne dispose pas au niveau fédéral d’une règlementation obligeant le traçage individuel des bovins transportés d’un ranch à l’autre.
Dans ses échanges de courrier avec Human Rights Watch, l’entreprise JBS a soutenu qu’elle vérifiait que les exploitations agricoles de ses fournisseurs directs respectaient sa politique d’approvisionnement. L’entreprise a également déclaré qu’à compter du 1er janvier 2026, ses fournisseurs directs seraient tenus de divulguer des informations sur leurs fournisseurs sous-traitants.
Le gouvernement de l’État du Pará a annoncé qu’il mettrait en place un système de traçabilité individuelle du bétail d’ici 2026, et des responsables ont déclaré à Human Rights Watch qu’ils cesseraient de manière générale de délivrer des permis pour le déplacement du bétail dans les forêts protégées. Le gouvernement fédéral a annoncé un plan visant à mettre en œuvre un système national de traçabilité individuelle du bétail d’ici 2032. Compte tenu de la dynamique transfrontalière du commerce illégal de bétail, la lenteur de la mise en œuvre du système fédéral risque toutefois d’entraver les progrès dans ce sens, a déclaré Human Rights Watch.
Les pays de l’UE devraient appliquer le Règlement sur les produits sans déforestation à compter de janvier 2026. Ce règlement interdira la mise sur le marché d européen de produits bovins provenant de terres déboisées après 2020, ou dont la production enfreindrait les lois nationales du pays d’origine. Les législateurs européens envisagent cependant de reporter d'un an l'application de ce règlement. Un tel report signifierait toutefois que des produits liés à des pratiques illégales continueraient d’affluer sur le marché européen, et remettrait en question l'engagement de l'UE à lutter contre son la déforestation à l’échelle mondiale, a observé Human Rights Watch.
Human Rights Watch a analysé des chiffres relatifs aux échanges commerciaux entre 2020 et 2025 et a constaté que l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la France, l’Irlande, les Pays-Bas, et la Suède importaient du bœuf provenant des municipalités qui accueillent des installations de JBS identifiées dans le rapport de l’organisation ; l’Italie était une destination majeure pour les produits en cuir.
Le gouvernement brésilien devrait démanteler les ranchs illégaux, et exiger que les responsables de l’occupation et de l’utilisation illégales des terres versent des réparations aux communautés touchées. Le gouvernement fédéral devrait également accélérer la mise en œuvre et l’application effective d’un système de traçabilité du bétail.
L’entreprise JBS devrait prendre des mesures pour remédier à toute fraude foncière, déforestation illégale ou violation des droits humains à laquelle elle aurait pu contribuer, même involontairement, à Terra Nossa et Cachoeira Seca.
« La lutte contre la déforestation et les abus liés aux chaînes d’approvisionnement en bétail est une responsabilité qui incombe aux vendeurs ainsi qu’aux acheteurs », a conclu Luciana Téllez Chávez. « Le Brésil et l’UE devraient travailler ensemble pour protéger la forêt tropicale, et défendre les droits des communautés qui en dépendent. »
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13.10.2025 à 07:00
Human Rights Watch
(Beyrouth) – Le 9 octobre, le gouvernement libanais a chargé le ministère de la Justice d'examiner les mesures juridiques qui pourraient être prises à l’encontre d’Israël suite aux attaques menées par les forces de ce pays contre des journalistes lors du dernier conflit ; ceci présente une nouvelle occasion de rendre justice aux victimes, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch.
Deux ans après l'attaque apparemment délibérée menée par les forces israéliennes le 13 octobre 2023 contre des journalistes dans le sud du Liban, lors de laquelle le journaliste de Reuters Issam Abdallah a été tué, les victimes de crimes de guerre au Liban n'ont toujours pas accès à la justice, ni à la possibilité de voir les auteurs de ces crimes tenus de rendre des comptes, selon Human Rights Watch. Le nouveau gouvernement libanais, nommé en février 2025, n'a toujours pas pris de mesures significatives pour faire progresser l’obligation de rendre des comptes.
« Le meurtre apparemment délibéré d'Issam Abdallah par Israël aurait dû servir de message clair au gouvernement libanais : l'impunité pour les crimes de guerre engendre davantage de crimes de guerre », a déclaré Ramzi Kaiss, chercheur sur le Liban à Human Rights Watch. « Toutefois, depuis le meurtre d'Issam Abdallah, des dizaines d'autres civils ont été tués au Liban lors d'attaques apparemment délibérées ou indiscriminées ayant violé les lois de la guerre et constitué des crimes de guerre. »
Depuis l’attaque du 13 octobre 2023 au Liban, selon Reporters sans frontières, les forces israéliennes ont tué plus de 200 journalistes à Gaza, dont beaucoup délibérément. Récemment, les forces israéliennes ont également mené une frappe contre un centre médiatique à Sanaa, au Yémen tuant 31 journalistes et professionnels des médias, selon le Comité pour la protection des journalistes.
Au Liban, Human Rights Watch a documenté une série d'attaques illégales et de crimes de guerre apparents commis par l'armée israélienne pendant les hostilités, y compris d'autres attaques apparemment délibérées contre des journalistes, ainsi que contre des Casques bleus de l’ONU, des secouristes et des structures civiles. La démolition délibérée par Israël de maisons civiles, la destruction de vastes portions d'infrastructures civiles et de services publics essentiels, ainsi que son utilisation d'armes explosives dans des zones peuplées ont empêché de nombreux habitants de retourner dans leurs villages et leurs maisons.
Human Rights Watch a également documenté l'utilisation généralisée par l'armée israélienne de phosphore blanc, y compris de manière illégale au-dessus de zones résidentielles densément peuplées, la destruction et le pillage d'écoles de manière apparemment délibérée, et l'utilisation illégale de dispositifs piégés. Human Rights Watch a également constaté que le Hezbollah n'avait pas pris les précautions nécessaires pour protéger les civils lors de ses attaques contre le nord d'Israël entre septembre et novembre 2024, lançant des armes explosives dans des zones peuplées et omettant d'avertir efficacement les civils des attaques.
Play VideoHuman Rights Watch a constaté que les frappes israéliennes qui ont tué Issam Abdallah et blessé six autres journalistes d'Al-Jazeera, de Reuters et de l'AFP constituaient apparemment une attaque délibérée contre des civils et donc un crime de guerre. Une enquête menée par la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) a conclu qu'un char israélien avait tiré deux obus de 120 mm sur ce groupe de « journalistes clairement identifiables », dont Issam Abdallah, en violation du droit international. Les enquêteurs ont déclaré que le personnel de la FINUL n'avait enregistré aucun échange de tirs à la frontière entre Israël et le Liban pendant plus de 40 minutes avant que le char israélien Merkava n'ouvre le feu.
Les journalistes se trouvaient loin des hostilités en cours, étaient clairement identifiables comme membres des médias et étaient restés immobiles pendant au m oins 75 minutes avant d'être touchés par deux frappes consécutives. Human Rights Watch n'a trouvé aucune preuve de la présence d'une cible militaire à proximité de l'endroit où se trouvaient les journalistes. Les preuves examinées par Human Rights Watch indiquent en outre que l'armée israélienne savait ou aurait dû savoir que le groupe de personnes sur lequel elle tirait était composé de civils.
En janvier et février 2025, l'armée israélienne s'est retirée de la plupart des villages et villes frontaliers du sud du Liban qu'elle occupait depuis fin 2024, mais ses forces sont restées stationnées sur le territoire libanais dans au moins cinq endroits. La Banque mondiale a évalué le « coût économique » des hostilités au Liban a près de 14 milliards de dollars US, dont 6,8 milliards de dollars de dommages matériels. Plusieurs villes et villages frontaliers ont été réduits en ruines et, en mai 2025, plus de 80 000 personnes étaient déplacées a l’intérieur du pays.
Le Liban n'a pas encore pleinement intégré les crimes internationaux ou les violations du droit de la guerre dans son cadre juridique national. Le 10 octobre, suite à sa visite au Liban, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, Morris Tidball-Binz, a appelé les autorités libanaises à « signaler et, le cas échéant, poursuivre les comportements pouvant constituer des crimes internationaux, conformément aux obligations du Liban en vertu du droit international des droits humains et, le cas échéant, du droit international humanitaire ».
Bien qu'un cessez-le-feu soit entré en vigueur entre Israël et le Hezbollah le 27 novembre 2024, au moins 103 civils ont été tués au Liban au cours des dix mois qui ont suivi l'entrée en vigueur du cessez-le-feu, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme.
En mars 2024, le gouvernement libanais de l'époque avait annoncé sa décision d'accorder à la Cour pénale internationale (CPI) la compétence pour juger les crimes commis sur le territoire libanais depuis le 7 octobre 2023 ; toutefois, le gouvernement est revenu sur cette décision, un peu plus d'un mois plus tard. Les autorités judiciaires libanaises devraient ouvrir des enquêtes nationales sur les attaques illégales ; le gouvernement devrait aussi adhérer au Statut de Rome de la CPI et soumettre une déclaration acceptant la compétence de la Cour avant la date d'adhésion, y compris depuis au moins le 7 octobre 2023, selon Human Rights Watch.
« Le gouvernement libanais peut et doit honorer les demandes de justice des victimes en permettant l'ouverture d'enquêtes sur les attaques illégales et les crimes de guerre qui ont causé des dommages et des souffrances indicibles », a conclu Ramzi Kaiss.
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