14.11.2024 à 20:38
Human Rights Watch
(Beyrouth) – Depuis la mi-octobre, les autorités houthies du Yémen ont soumis au Parquet pénal spécialisé les dossiers d’au moins 12 individus, dont d’anciens employés de l’ambassade des États-Unis et des Nations Unies, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui ; les Houthis les ont accusés de crimes dont certains sont passibles de la peine de mort, tout en les privant de leur droit à une procédure régulière. Depuis le 31 mai, les autorités houthies ont arrêté arbitrairement et fait disparaître de force des dizaines de membres du personnel des Nations Unies et de la société civile ; des sources bien informées ont indiqué à Human Rights Watch que le nombre de personnes détenues n’a cessé d’augmenter.
Depuis le 10 juin, les autorités houthies ont diffusé sur les réseaux sociaux plusieurs publications et vidéos dans lesquelles on voit 10 hommes yéménites, dont certains font partie du groupe de 12 hommes susmentionnés, avouer avoir espionné pour les États-Unis et Israël. Il existe toutefois un risque élevé que ces aveux aient été obtenus sous la contrainte. Human Rights Watch a précédemment documenté le recours à la torture par les Houthis pour extorquer des aveux, et trois personnes dont les cas étaient bien connus sont mortes en détention au cours de l’année écoulée. La publication de telles vidéos d’« aveux » porte atteinte au droit à un procès équitable, et manque de crédibilité.
« Les Houthis ont régulièrement fait preuve d’un mépris pour les procédures régulières et les protections fondamentales des accusés depuis leur prise de contrôle de Sanaa, la capitale du Yémen, et ce mépris n’a fait que s’accentuer au cours des derniers mois », a déclaré Niku Jafarnia, chercheuse sur le Yémen et Bahreïn à Human Rights Watch. « Les récents décès dans les centres de détention des Houthis devraient alarmer la communauté internationale, et inciter à agir immédiatement afin que les centaines d’autres personnes détenues arbitrairement par les Houthis ne connaissent pas le même sort. »
Human Rights Watch a mené des entretiens avec trois personnes, dont deux fonctionnaires de l’ONU, qui sont au courant de ces affaires pénales. Parmi les 12 personnes faisant l’objet d’une enquête du Parquet pénal spécialisé des Houthis figurent d’anciens employés de l’ambassade des États-Unis au Yémen et des membres du personnel de l’ONU arrêtés entre 2021 et 2023. Plusieurs d’entre eux ont été détenus au secret depuis leur arrestation, sans accès à leur famille, ce qui constitue une forme de disparition forcée.
Suite du communiqué en ligne en anglais.
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14.11.2024 à 06:01
Human Rights Watch
(Jérusalem) – Depuis octobre 2023, les autorités israéliennes ont provoqué le déplacement forcé massif et délibéré de civils palestiniens à Gaza, ce qui les rend responsables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport rendu public aujourd’hui. Ce rapport est publié alors même qu’une campagne militaire israélienne dans le nord de Gaza a très probablement créé une nouvelle vague de déplacements forcés de centaines de milliers de civils.
14 novembre 2024 “Hopeless, Starving, and Besieged”Le rapport de 154 pages, intitulé « ‘‘Hopeless, Starving, and Besieged’’: Israel’s Forced Displacement of Palestinians in Gaza » (« ‘‘Désespérés, affamés et assiégés’’ : Le déplacement forcé de Palestiniens à Gaza ») examine la manière dont les autorités israéliennes ont provoqué le déplacement de plus de 90 % de la population de Gaza – soit 1,9 million de Palestiniens – et ont causé la destruction généralisée d’une grande partie de ce territoire au cours des 13 derniers mois. Les forces israéliennes ont procédé à des démolitions délibérées d’habitations et d’infrastructures civiles, y compris dans des zones qu’elles souhaitent apparemment convertir en « zones tampons » et de « couloirs sécuritaires », et d’où les Palestiniens sont susceptibles d’être définitivement déplacés. Contrairement aux affirmations des responsables israéliens, leurs actions ne sont pas conformes aux lois de la guerre.
« Le gouvernement israélien ne peut prétendre assurer la sécurité des Palestiniens alors qu’il les tue le long des voies d’évacuation, bombarde les prétendues zones de sécurité et coupe l’accès aux vivres, à l’eau et aux installations sanitaires », a déclaré Nadia Hardman, chercheuse auprès de la division Droits des réfugiés et migrants à Human Rights Watch. « Israël a violé de manière flagrante son obligation de garantir le retour des Palestiniens chez eux, en rasant pratiquement tout dans de vastes zones. »
Human Rights Watch a mené des entretiens avec 39 Palestiniens déplacés à Gaza, et a analysé le système d’évacuation mis en place par Israël, notamment en examinant 184 ordres d’évacuation. Human Rights Watch a également examiné des images satellite qui confirment les destructions généralisées, et vérifié des vidéos et des photographies d’attaques contre des zones de sécurité et des voies d’évacuation désignées comme telles.
Play VideoLes lois des conflits armés applicables dans les territoires occupés n’autorisent le déplacement de civils qu’à titre exceptionnel, en cas d' « impérieuses raisons militaires » ou pour la sécurité de la population, et exigent des garanties et des « installations convenables » pour accueillir les personnes déplacées. Les responsables israéliens affirment que, parce que les groupes armés palestiniens combattent en se déployant parmi la population civile, l’armée a évacué les habitants en toute légalité pour attaquer les combattants des groupes armés, tout en limitant les dommages causés aux civils. Les recherches de Human Rights Watch montrent toutefois que cette affirmation est en grande partie fausse.
Il n’existe pas d'« impérieuses raisons militaires » qui pourraient justifier de manière plausible le déplacement massif par Israël de la quasi-totalité de la population de Gaza, souvent à de multiples reprises, selon Human Rights Watch. Le système d’évacuation mis en place par les autorités israéliennes a gravement nui à la population, et n’a souvent servi qu’à répandre la peur et l’anxiété. Plutôt que d’assurer la sécurité des civils déplacés, les forces israéliennes ont ciblé à plusieurs reprises les itinéraires d’évacuation désignés et les zones qualifiées de « sûres ».
Les ordres d’évacuation ont été incohérents, inexacts et souvent communiqués aux civils trop tard pour permettre leur évacuation ; dans certains cas, les civils n’ont même pas reçu de tels ordres d’évacuation. En outres, ces ordres n’ont pas tenu compte des besoins des personnes handicapées et d’autres personnes, qui ne peuvent partir de chez eux sans assistance.
En tant que puissance occupante, Israël garantir des installations adéquates pour accueillir les civils déplacés à Gaza, mais les autorités ont bloqué en grande partie l’acheminement de l’aide humanitaire requise, de l’eau, de l’électricité et du carburant, n’autorisant qu’une livraison très limitée de ces biens essentiels. Les attaques israéliennes ont endommagé et détruit de nombreuses ressources vitales à Gaza, notamment des hôpitaux, des écoles, des infrastructures de transport d’eau et d’énergie, des boulangeries et des terres agricoles.
Click to expand Image La route Salah al-Din (ligne jaune), principale voie d'évacuation désignée par l'armée israélienne en tant que voie de « passage sûr » pour les personnes fuyant du nord vers le sud de la bande de Gaza, du 13 octobre 2023 au 4 janvier 2024. Entre le 4 janvier 2024 et le 7 août 2024, les autorités israéliennes ont fermé cette route et désigné la route côtière d'Al Rashid comme une voie d’évacuation durant cette période, jusqu’à la réouverture de la route Salah al-Din, le 7 août 2024. © 2024 Copernicus Sentinel Data (image) / Human Rights Watch (graphisme).Israël doit également assurer le retour des personnes déplacées dans leurs foyers dès la cessation des hostilités dans la région. Mais au lieu de cela, les actions d’Israël ont rendu inhabitables de vastes zones de Gaza. L’armée israélienne y a intentionnellement démoli ou gravement endommagé des infrastructures civiles, notamment en se livrant à des démolitions contrôlées d’immeubles, dans le but apparent de créer une « zone tampon » étendue le long du périmètre de Gaza avec Israël et un corridor qui divisera le territoire. Les destructions sont d’une telle ampleur qu’elles indiquent une intention de déplacer de manière permanente de nombreuses personnes.
Israël devrait respecter le droit des civils palestiniens à retourner dans les zones de Gaza d’où ils ont été déplacés. En outre, depuis près de 80 ans, les autorités israéliennes refusent à près de 80 % des habitants de Gaza le droit de retourner dans leurs régions d’origine ; il s’agit de réfugiés palestiniens, ou de descendants de réfugiés qui en 1948 ont été expulsés ou ont fui leurs foyers situés dans ce qui est aujourd’hui Israël, lors des événements que les Palestiniens appellent la « Nakba » (« catastrophe »). Cette violation de leurs droits continue de peser sur l’expérience des Palestiniens à Gaza ; plusieurs personnes interrogées par Human Rights Watch ont décrit les événements actuels comme une deuxième « Nakba ».
Dès les premiers jours des hostilités, de hauts responsables du gouvernement et du cabinet de guerre israéliens ont annoncé leur intention de déplacer la population palestinienne de Gaza, des ministres ayant déclaré que son territoire diminuerait, que le faire exploser et l’aplatir était « magnifique », et que des terres seraient transférées aux colons. « Nous avons maintenant lancé la Nakba de Gaza », a déclaré le ministre israélien de l’Agriculture et de la sécurité alimentaire, Avi Dichter, en novembre 2023.
Human Rights Watch a constaté que les déplacements forcés sont généralisés, et les éléments de preuve démontrent qu’ils sont systématiques et font partie d’une politique d’État. De tels actes constituent des crimes contre l’humanité.
Organisés par les autorités israéliennes, les déplacements violents de Palestiniens de Gaza, qui sont membres d’un autre groupe ethnique, sont probablement planifiés pour être permanents dans les zones tampons et les couloirs de sécurité. De telles actions de la part des autorités israéliennes constituent une forme de nettoyage ethnique.
Les victimes de graves abus en Israël et en Palestine sont confrontées à un mur d’impunité depuis des décennies. Les Palestiniens de Gaza vivent sous un blocus illégal depuis 17 ans, qui constitue une partie des crimes contre l’humanité continus d’apartheid et de persécution que les autorités israéliennes commettent contre les Palestiniens.
Les gouvernements étrangers devraient condamner publiquement le déplacement forcé de la population civile de Gaza par Israël, en tant que crime de guerre et crime contre l’humanité . Ils devaient faire pression sur Israël pour que ce pays mette immédiatement un terme à ces crimes et se conforme aux nombreuses ordonnances contraignantes de la Cour internationale de justice (CIJ), et aux obligations énoncées dans son avis consultatif de juillet.
Le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) devrait enquêter sur le déplacement forcé et l’entrave au droit au retour par Israël, en tant que crime contre l’humanité. Les gouvernements étrangers devraient également condamner publiquement les efforts visant à intimider ou à entraver le travail de la Cour, ses responsables et ceux qui coopèrent avec cette juridiction.
Les gouvernements étrangers devraient imposer des sanctions ciblées et prendre d’autres mesures, y compris la révision d’accords bilatéraux avec Israël, pour pousser ce pays à respecter ses obligations internationales en matière de protection des civils.
Les États-Unis, l’Allemagne et d’autres pays devraient immédiatement suspendre leurs transferts d’armes et leur aide militaire à Israël. En continuant à livrer des armes à Israël, ils risquent de se rendre complices de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et d’autres graves violations des droits humains.
« Personne ne peut nier les atrocités que l’armée israélienne commet contre les Palestiniens de Gaza », a conclu Nadia Hardman. « La vente d’armes supplémentaires et la poursuite de l’aide à Israël par les États-Unis, l’Allemagne et d’autres pays sont un chèque en blanc pour commettre de nouvelles atrocités, et exposent de plus en plus ces pays à des accusations de complicité d’abus. »
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11.11.2024 à 17:00
Human Rights Watch
La semaine dernière, une source gouvernementale a déclaré aux médias que la junte militaire du Burkina Faso envisage de rétablir la peine de mort, qui avait été abolie dans le Code pénal de 2018. Les dernières exécutions avérées au Burkina Faso remontent à 1988. Il s'agit du dernier coup porté à la situation dégradante des droits humains de ce pays d'Afrique de l'Ouest.
La source a déclaré que le gouvernement discutait du rétablissement de la peine de mort avant de soumettre une proposition pour son adoption à l'Assemblée législative de transition. Aucun calendrier n'a été fourni. Le 8 novembre, le ministre burkinabè de la Justice, Edasso Rodrigue Bayala, a corroboré les propos des médias, déclarant que « la question de la peine de mort ... est discutée et ... va être instaurée » dans le projet de Code pénal, « pour aller dans le sens de la vision et des instructions données par le chef de l'État, le capitaine Ibrahim Traoré ».
Des sources judiciaires et de la société civile au Burkina Faso ont indiqué à Human Rights Watch que le gouvernement envisage d'appliquer la peine de mort aux crimes liés au terrorisme.
Les forces armées du Burkina Faso combattent des groupes islamistes armés liés à Al-Qaïda et à l'État islamique dans le Grand Sahara (EIGS) depuis près d'une décennie. L'organisation non gouvernementale Armed Conflict Location and Event Data (ACLED) a indiqué que plus de 26 000 personnes ont été tuées dans le cadre de ce conflit depuis 2016, dont environ 15 500 personnes depuis que la junte militaire a pris le pouvoir en septembre 2022.
L’Assemblée générale des Nations Unies et la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (CADHP) n'ont cessé d'appeler les gouvernements à instaurer un moratoire sur la peine de mort, à progressivement restreindre cette pratique et à réduire les infractions pour lesquelles elle peut être imposée, en vue de son ultime abolition. À l'heure actuelle, environ 170 pays ont aboli la peine de mort ou ont instauré un moratoire à son sujet, que ce soit en droit ou en pratique, ou ont cessé les exécutions depuis plus de dix ans. Human Rights Watch s'oppose depuis longtemps à la peine capitale dans tous les pays et dans toutes les circonstances, en raison de sa cruauté inhérente et de son irréversibilité.
En 2007, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution affirmant « qu'il n’y a pas de preuve irréfutable que la peine de mort a un effet dissuasif et que toute erreur judiciaire dans l'application de la peine de mort est irréversible et irréparable ».
Le Burkina Faso est confronté à de réelles préoccupations en matière de sécurité, mais ce pays devrait reconnaître la cruauté inhérente de la peine de mort et rejeter tout projet visant à la rétablir.