18.05.2025 à 11:59
L'Autre Quotidien
Graciela Iturbide - Femme ange du désert de Sonora
The Claypool Lennon Delirium - Blood And Rockets : Movement I, Saga Of Jack Parsons
Printemps de ma vie
Dépassé
Je croque une fraise
Kato Shuson
Il n'y a pas de plume tombée sans oiseau plumé.
Proverbe français
On croit que, lorsqu'une chose finit, une autre recommence tout de suite. Non. Entre les deux, c'est la pagaille.
Marguerite Duras, Hiroshima mon amour
16.05.2025 à 11:13
L'Autre Quotidien
Land of Kinks : The Jamaican Upsetter Singles 1970 se concentre à une phase bien spécifique de la carrière tortueuse de Perry, en rassemblant 52 titres enregistrés pendant l'un de ses pics commerciaux en 1970. Bien que la chronologie du dub soit floue et très discutée, 1970 est encore un peu avant que les producteurs jamaïcains ne mixent régulièrement des versions dub lourdes d'échos pour amplifier les vocaux.
Land of Kinks est une étude intéressante de ce qui a précédé le dub, avec une grande partie de la production de Perry qui s'oriente vers des méthodes expérimentales et non conventionnelles, laissant tomber des instruments ou dispersant le traitement des effets d'une manière qui a prédit certaines des pratiques qui sont devenues des standards pour les productions dub. La compilation est en grande partie instrumentale, ce qui facilite l'inspection de ce son pré-dub. Sur l’nstrumental « Ferry Boat », d'ordinaire banale, Perry fait entrer et sortir du mix des sections entières de l'arrangement de manière rythmique, ce qui ajoute une qualité surréaliste et fournit un bon exemple de la facilité avec laquelle il pouvait utiliser le studio comme un instrument. Il y a des sifflements vocaux distordus et saturés de réverbération sur « Bush Tea », des émulations sonores de verre brisé et de tirs de mitrailleuse sur « OK Corral », et quelque chose qui ressemble à un collage sonore lo-fi d'orgue et d'incantations verbales sur « Kill Them All ». Il s'agit d'une lecture vraiment psychédélique du reggae, rendue encore plus étrange par le fait que beaucoup de ces titres étaient des singles destinés à être commercialisés. La reprise de « Let It Be » des Beatles par les Soulettes et la version instrumentale déglinguée de Perry (créditée comme étant celle des Upsetters sur « Big Dog Bloxie ») reprennent toutes deux un tube vérifiable et se retrouvent malgré tout dans des endroits étranges.
Cela fait bien sûr partie de la magie de Lee « Scratch » Perry. Avec la plupart de ces titres apparaissant pour la première fois au format numérique, et presque tous difficiles à trouver sur n'importe quel format depuis des années, Land of Kinks est une nouvelle approche de la discographie sans fond de Perry. Il brosse un tableau merveilleusement déformé d'une époque où le reggae passait des sons plus directs du ska et du rocksteady aux sons plus sauvages et moins inhibés du dub, et où Perry menait la charge. Super album !
JP Samba, le 19/05/2025
Lee Perry - Land of Kinks : The Jamaican Upsetter Singles 1970 - Doctor Bird
16.05.2025 à 10:10
L'Autre Quotidien
ET NOUS RESTERONS QUELQUES ABSENTS.©Thibaut de Saint Chamas.
Immédiatement on pense à celui de la période de rétention générale, il n’en n’est rien, même si une certaine semblance s’établit entre un temps où la ville dort pour s’éveiller plus tardivement et un Paris désertifié, ayant soustrait toute liberté à ses habitants, laissant la ville mourir à elle même comme emportée par l’épidémie. Je crois que cela se perçoit immédiatement, patent, ce Paris là, est un lieu vivant entre deux temps, une respiration lente, une vague calme où la ville ne se soustrait pas à elle même, mais devient, pour celui qui se lève tôt, un territoire d’aventures; ici assez proustien par l’évènement de ce hors temps dans ses anamnèses, une île à dé-couvrir encore et encore, un pays à conquérir du regard, plutôt à établir définitivement dans une cartographie visuelle, lisible comme un topographe, un lieu où se content les amours de la pierre et du ciel, de la lumière, clair-obscur assez souvent et des bâtiments qui, dans leur silhouette, par leurs lignes en font également un pur objet spéculaire, architectural, également un décor de cinéma permanent, où jouent toutes les citations lues et entendues des voix chères qui ne se sont pas encore tues; le silence parle toujours de ces curieuses affluences d’un temps circulaire, bénéfique, afin que les présences, impressions de cet ici et maintenant soient ce temps de la création là, piégeant les échos chuintés de ce temps culturel aux pages du livre.
ET NOUS RESTERONS QUELQUES ABSENTS.©Thibaut de Saint Chamas.
Ce Paris là est aussi un paris risqué, entre la volonté d’y trouver ces traces, celles de ses rues à soi pour commencer, ruelles ou s’accrochent sans doute toujours des souvenirs, et la mouvance de ce rêve en plein ciel, en plein écho, la possibilité d’être séduit, de suivre, tel un scripteur professionnel, un peintre, et il faut citer bien évidemment Magritte et De Chirico.
En effet, Magritte sera présent, pour les bleus de cette nuit, comme De Chirico pour sa dramaturgie silencieuse que Thibaut de Saint Chamas, tout comme André Delvaux « nordicisera », laissant l »heure bleue fondre ces ors et ces ocres dans une relecture de la couleur issue de l’ aplomb du midi, relue en son minuit , en les grisant et les bleutant, dans une correspondance assez élégante et juste, car, au fond elle est également cette expérience de la ville imaginaire, picturale, force créatrice imaginante se juxtaposant ou surgissant par les interstices que le rêve accorde à la réalité, là, où l’insémination de l’œil du photographe voit non seulement au delà du visible, mais réussit à laisser ce regard intérieur unir dans ces yeux éluardiens – ceux qui aiment sans réserve – ces voyages au sein de ce paris issus de la nuit, vespéral, virginal, pictural.
ET NOUS RESTERONS QUELQUES ABSENTS.©Thibaut de Saint Chamas.
Quand le pas de Saint Chamas se règle en sa marche solitaire et nuptiale, passant l’évocation de Breton, l’ombre précédent son propre fantôme, quelque chose de non dit encore, de non raconté, fait de cette photographie un double témoignage de ce qui à la fois va s’y inscrire, s’y loge, puis en émerge, en soutient l’action, toute l’aventure poétique est ce qui en réfracte les succédanés, le cinéma, les romans, l’enquête policière, pour ne pas les nommer, ayant tout spécialement un charme particulier, tout ce qui fonde et relie ce travail de photographie en une sorte de quête créative, sensible voire spirituelle, de roman du hasard, ou si l’on se réfère à Nadja, aux déambulations amoureuses dédiées au hasard des rencontres et à l’amour fou, toute cette photographie dans son épreuve en est en quelque sorte une mesure, une tentative d’enserrer en ses bras trop fragiles le ciel entier en sa terre de France, la lumière si spécifique des ciels de l’Île de France connue des peintres et des photographes, mais pas seulement… dans cette objectivité de l’optique qui, de fait, en tant qu’œil objectif comme il existe un hasard objectif, est devenu le substitut de ce troisième œil bien étrange qui est assez ouvert pour com-prendre, c’est à dire prendre avec….. toutes les images qui affleurent et qui circulent en même temps par cette cosmogonie intérieure du photographe, épris de sa furieuse décision dans son insolente technique jouant de sa vision et de son troisième œil.
Ceci ne dit pas la portée haptique de son regard, cette faculté de rendre la sensation du toucher et de l’espace, physiquement concret… comme si, en regardant ce livre de photographies, la sensation de l’humeur de l’heure, de sa salinité (les larmes daliniennes), de son humidité froide, des sensations qui en émergent, parce que vécues aussi par son spectateur, en font un objet sensible comme le rêve, un objet de partage et d’omniscience, car encore faut il pouvoir engendrer le flux du feu de la passion dans le souffle de la forge royale pour arriver à traduire chimiquement, alchimiquement en image ces sensations de la couleur, de l’ombre, du froid et du chaud, de l’humide et du sec; toutes impressions intimes relatives à la sensation. Saint Chamas pourrait-il être perçu à ce moment comment l’émergence d’un Christ Pantochrator, un œil en gloire… ou, sur un autre plan comme le témoin éveillé de ce sujet inavoué, Maître du temps, au projet pharaonique de photographier Paris en vingt mille photographies comme vingt mille lieux sur la terre de ce Lutetia Parisiorum..
ET NOUS RESTERONS QUELQUES ABSENTS.©Thibaut de Saint Chamas.
La résurgence des lieux est un parti pris délié de certaines circonstances faisant appel à l’ inaugural, à la dimension du destin et à sa confrontation afin que cet écrin du Paris de Thibaut de Saint Chamas devienne la scène primitive d’un enjeu du siècle, à l’aube de ce Grand Paris en construction et à sa réversion imaginaire, fantasmatique, sentimentale, en retour de ce qui demeure encore ce Paris populaire et actif, quand les grands bâtiments le disputent aux rues plus populaires de ce Paris de l’Est, là ou nos pas nous ont souvent mené, des cafés de Clichy aux petites rues du second arrondissement, du Marais, au pied de Pigalle, de la place Blanche, de la rue Fontaine et des clubs qui faisaient alors tintinnabuler magiquement la nuit parisienne.
On croise ici dans … ET NOUS RESTERONS QUELQUES ABSENTS, ce beau livre, superbement façonné, la place Dauphine, le Louvre, la Concorde, Opéra emballé à la Christo, l’œil intérieur de la spirale de la porte St martin, le Grand Rex silencieux, la gare de l’Est, bleue à 7H20, en plein hiver, les cours du Marais, la rue des Archives, le mur du Temple, les faubourgs qui remontent, Paris élégant et bourgeois des beaux quartiers et celui plus secret des grands boulevards, là où tout glisse sous l’œil complice jusqu’à Pigalle, Montmartre, au détour du métro aérien et des voies de fer où le célébrissime Tati jette son slogan à la face du ciel cotonneux et gris, alors que tout dort alentour et qu’un monde se repose.
ET NOUS RESTERONS QUELQUES ABSENTS.©Thibaut de Saint Chamas.
Soudain, tout est texte et prétexte à se mouvoir, a filmer le mouvement des bâtiments comme dans une course sage, dans un débordement de vagues, comme si ce fluctuat nec mergitur, au fond était ce mot d’ordre qui assemble tout ce qui est épars et invisible dans la ville, dans ces quartiers tant sus, tant aimés, sans revers. Car, de Paris sous sa houle, souvent un vent festif s’insurge et souffle sur la braise de ce Romantisme, toujours en mouvement, des surréalistes aux situationnistes… il y avait ces fêtes jusqu’au bout de la nuit, du Palace aux Bains Douches, de la Nouvelle Eve au Gibus, du Balajo à South Pigalle et quand plus littérairement, à la faveur de l’aube, Debord sortait de sa banlieue rouge pour faire le tour de la nuit spectrale et révolutionnaire, dans cette périphérie, afin de se déprendre de ce Paris haussmannien et de s’accorder aux bouches du fleuve du côté d’Asnières et de Montrouge.
….et puis comme toujours il y avait les gares et si l’on en croit Ferré, « les gares c’est con, SNCF, moi, je préfère les trains de la NRF « , comme quoi le train, le livre et la gare ne peuvent qu’additionner cette poétique du voyage physique ou cérébral comme il en est à l’amour décrit par Gainsbourg…
ET NOUS RESTERONS QUELQUES ABSENTS compte plus de références aux différents climats délinéant les grands palais comme l’évoque généralement les décors de Tardi en bande dessinée, Melville dans les bars du neuvième, ce Paris de Varda à Eustache, de Truffaut à Godard, quand la ville dort et que mille récits sont encore mille sources du rêve majeur de la vie qui va. Tout cela s’est inscrit dans le corps et l’âme de Paris, que l’on navigue de la rue des Envierges au Canal St martin, que l’on remonte Rivoli, que l’on flâne sur les quais que l’on descende à St Michel dans le métro, avant son automatisation et que l’on ait toujours été séduit de l’immense mur de soutien en acier gris riveté comme un corset de géante, Paris est là, visible et invisible, matière et histoire, ville et architectures, poésies enivrantes, sel de cette vie toujours active mais comme anoblie encore par ces cafés du boulevard Saint Germain et ses maisons d’éditions toujours fameuses, quand Paris est resté aussi cette capitale Lumière aux jais de 68 et aux Arts Visuels…
Thibaut de Saint Chamas nous en dit bien plus dans cette interview, discussion improvisée autour du livre, un dimanche matin de bonne heure.
Pascal Therme, le 19/05/2025
Thibaut de Saint Chamas : Et nous resterons quelques absents - éditions Odyssee
https://www.editionsodyssee.com/etnousresteronsquelquesabsents
ET NOUS RESTERONS QUELQUES ABSENTS.©Thibaut de Saint Chamas.