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07.11.2024 à 22:36

Trump, saison 2 : pourquoi les droits des travailleurs américains sont sur le gril ?

Donald J. Trump a non seulement remporté l'élection pour devenir le 47e président des États-Unis, mais il l'a fait avec une marge encore plus importante que la première fois, celles et ceux qui s'intéressent au sort des travailleurs américains tournent désormais leur attention vers les implications possibles de la victoire de Trump pour les syndicats et les travailleurs.
D'aucuns voient dans cette victoire une nouvelle catastrophique pour les droits reproductifs des femmes, les droits des (…)

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Donald J. Trump a non seulement remporté l'élection pour devenir le 47e président des États-Unis, mais il l'a fait avec une marge encore plus importante que la première fois, celles et ceux qui s'intéressent au sort des travailleurs américains tournent désormais leur attention vers les implications possibles de la victoire de Trump pour les syndicats et les travailleurs.

D'aucuns voient dans cette victoire une nouvelle catastrophique pour les droits reproductifs des femmes, les droits des migrants et les droits des personnes LGBTQ+, pour la quête permanente de justice raciale et l'absolue nécessité de prendre des mesures climatiques urgentes et audacieuses pour enrayer l'accélération du réchauffement de la planète, ainsi que pour tout espoir d'une paix juste en Palestine et en Ukraine et pour la démocratie dans le monde entier.

  • Mais qu'en est-il pour les droits des travailleurs ?

M. Trump ne s'est guère étendu sur les politiques du travail qu'il serait susceptible de mettre en œuvre en cas d'élection ; il a surtout insisté sur sa promesse d'augmenter les tarifs douaniers pour protéger les emplois américains et de mener, selon ses termes, « la plus grande opération de déportation de l'histoire de notre pays », laquelle toucherait des millions de travailleurs sans papiers. Toutefois, selon une analyse détaillée du Washington Post basée sur des entretiens avec huit anciens fonctionnaires de l'administration Trump et sept experts conservateurs du monde du travail, les politiques de l'emploi de M. Trump devraient se concentrer sur les points suivants : le limogeage de membres du National Labor Relations Board, nommés par Biden (qui ont préparé le terrain pour un certain nombre de campagnes syndicales importantes, notamment chez Amazon et Starbucks) ; la révision des règles fédérales en matière d'heures supplémentaires afin que moins de travailleurs soient éligibles au paiement des heures supplémentaires ; la limitation de l'accès aux droits et aux prestations pour les travailleurs à bas salaires, en particulier ceux de l'économie des petits boulots ou « gig economy » ; et l'assouplissement des protections en matière de santé et de sécurité sur le lieu de travail, entre autres mesures.

Il a aussi été question de mettre fin aux taxes fédérales sur les pourboires et aux taxes sur la rémunération des heures supplémentaires, bien que certains économistes aient suggéré qu'une telle mesure entraînerait un coût économique important tout en creusant les inégalités.

  • Quels indices pourrait nous donner son précédent mandat sur ce qu'une deuxième présidence Trump dans ce domaine ?

Trump est anti-réglementation, anti-syndicat et farouchement pro-entreprise – son principal soutien lors de cette campagne électorale n'est autre que le patron ultra-conservateur et antisyndical de Tesla, Elon Musk – et les politiques qu'il a menées au cours de son premier mandat en attestent.

Selon la fédération syndicale AFL-CIO : « Au cours de ses quatre précédentes années de mandat, le président Trump a affaibli les syndicats et les travailleurs tout en favorisant les concessions fiscales aux plus riches. Il a rempli les tribunaux de juges qui veulent faire reculer nos droits en tant que travailleurs. Il a réduit notre sécurité au travail. Il a donné carte blanche aux grandes entreprises pour baisser les salaires et rendre plus difficile pour les travailleurs de se regrouper au sein d'un syndicat ». Il a, notamment, promulgué plusieurs décrets exécutifs visant à réduire le pouvoir des syndicats, en particulier ceux qui représentent les travailleurs fédéraux. Il a noyauté le National Labor Relations Board en nommant des personnes qui avaient tendance à voter en faveur des employeurs plutôt que des travailleurs. Il a failli à sa promesse de faire revenir les emplois manufacturiers bien rémunérés dans des États comme la Pennsylvanie, le Michigan et l'Ohio. Il a réduit de 21 % le budget du Département du Travail et n'a pas soutenu les appels en faveur d'une augmentation du salaire minimum fédéral, qui a été maintenu à 7,25 USD de l'heure depuis 2009 (bien que le salaire minimum n'ait pas changé non plus sous l'administration Biden-Harris).

  • On entend beaucoup parler du « Project 2025 ». De quoi s'agit-il et quelles en sont les implications pour les travailleurs aux États-Unis ?

Project 2025 est un document politique de 922 pages préparé par le think tank conservateur Heritage Foundation, qui propose une stratégie de refonte totale du gouvernement américain. S'agissant du monde du travail à proprement parler, le rapport présente, entre autres mesures, des propositions visant à limiter le droit d'organisation, à autoriser les États à interdire les syndicats, à abroger les lois sur le paiement des heures supplémentaires, à intensifier les descentes des services d'immigration sur le lieu de travail et à supprimer les protections en matière de santé et de sécurité ainsi que les protections contre le travail des enfants, le tout dans le but de « stimuler la création d'emplois et l'investissement, les salaires plus élevés et la productivité ». Bien que Trump ait cherché à prendre ses distances avec ce document, celui-ci a été rédigé par un réseau d'une centaine de personnes associées à son équipe gouvernementale.

  • Les syndicats américains ont-ils soutenu Donald Trump ou Kamala Harris ?

La plupart des grands syndicats américains ont apporté leur soutien à la campagne de Kamala Harris, et certains, comme l'AFL-CIO et le syndicat des travailleurs de l'automobile UAW, figuraient au nombre des intervenants lors de la convention nationale démocrate de 2024. Il convient de noter que le syndicat Teamsters a choisi de ne soutenir aucun des deux candidats (bien que le président du syndicat, Sean O'Brien, soit devenu le premier membre des Teamsters, en 121 ans d'existence, à prendre la parole lors de la convention nationale républicaine). M. Trump a également obtenu le soutien de l'International Union of Police Association.

  • Trump a remporté le vote populaire avec une marge significative. Comment expliquer le soutien des électeurs de la classe ouvrière au vu de sa position anti-ouvrière ?

De multiples facteurs expliquent le soutien populaire à Donald Trump. Beaucoup de gens se souviennent de la période qui a précédé la pandémie de Covid et la guerre en Ukraine comme d'une époque où ils avaient plus d'argent en poche, et ils attribuent cela à la gestion économique de Donald Trump plutôt qu'aux événements mondiaux plus larges. Ils se rallient par ailleurs à son discours lorsqu'il se présente comme une alternative au statu quo – une alternative à ce qu'il nomme le « marécage » de Washington – qui a fait fi de la voix des « gens ordinaires ». On ne peut pas ignorer non plus l'attrait qu'exerce sa position agressivement nativiste, xénophobe et anti-immigration sur une frange de l'électorat qui cherche la cause de son mécontentement économique au bas de l'échelle plutôt qu'au sommet.

Pour aller plus loin :

« Les travailleurs syndiqués, un électorat indispensable pour Kamala Harris, mais pas acquis d'avance » – The Conversation

« Le retour du travailleur sur la scène politique américaine » – Le Monde Diplomatique (Novembre 2024)

« États-Unis. Le bilan de la présidence Trump en matière d'emploi : quels défis pour les organisations syndicales ? » Par Donna Kesselman, dans Chronique Internationale de l'IRES (2021)

« Projet 2025 présente un plan anti syndical » Par Jenny Brown (Labor Notes), traduction d'un article paru dans Jacobin.

05.11.2024 à 11:01

Mettre fin à la violence à l'égard des enfants, l'objectif d'une conférence mondiale historique qui appelle à revoir les politiques de protection

« J'avais cinq ans lorsque j'ai été violée pendant les vacances d'été par un cousin d'âge adulte. » Voici comment Mié Kohiyama, militante des droits de l'enfant, aujourd'hui âgée de 52 ans et cofondatrice du Brave Movement, une campagne visant à mettre fin aux violences sexuelles subies par les enfants, décrit l'instant de violence qui a fait basculer sa vie. Pendant 32 ans, elle n'a rien dit à personne. Son cerveau a refoulé le souvenir – une réaction documentée comme un traumatisme. En (…)

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« J'avais cinq ans lorsque j'ai été violée pendant les vacances d'été par un cousin d'âge adulte. » Voici comment Mié Kohiyama, militante des droits de l'enfant, aujourd'hui âgée de 52 ans et cofondatrice du Brave Movement, une campagne visant à mettre fin aux violences sexuelles subies par les enfants, décrit l'instant de violence qui a fait basculer sa vie. Pendant 32 ans, elle n'a rien dit à personne. Son cerveau a refoulé le souvenir – une réaction documentée comme un traumatisme. En 2009, toutefois, elle s'est souvenue. « La mémoire du crime a surgi de manière très brutale... comme si je le revivais dans la chair », dit-elle.

Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), chaque année, jusqu'à un milliard d'enfants de deux à dix-sept ans sont victimes de violences physiques, sexuelles ou émotionnelles, ou de négligence. Il s'agit notamment de châtiments corporels à la maison, de harcèlement à l'école, de violence en ligne, d'abus sexuels, de violence en bande, de mariage et de travail des enfants. À l'occasion de la première Conférence ministérielle mondiale sur l'élimination de la violence à l'égard des enfants (EVE) qui se tiendra ce mois de novembre à Bogota, en Colombie, des ministres du monde entier se réuniront pour sensibiliser à ce problème et encourager les pays à s'engager dans la prévention.

Organisée par le gouvernement colombien, avec le soutien du gouvernement de Suède, de l'UNICEF, de l'OMS et de la représentante spéciale du secrétaire général des Nations Unies chargée de la question de la violence à l'égard des enfants, Najat Maalla M'Jid, cette conférence réunira deux jours durant des enfants, des jeunes survivants et des représentants de la société civile, qui partageront leurs témoignages personnels et proposeront des solutions.

Le docteur Etienne Krug, directeur du département Déterminants sociaux de la santé à l'OMS, a confié à Equal Times son espoir que l'événement contribue à faire passer deux messages fondamentaux. La violence à l'égard des enfants est une violation des droits humains, selon M. Krug.

« Il s'agit, toutefois, aussi d'un problème social, un grave problème de santé publique, en raison des conséquences directes et indirectes qu'il entraîne. »

Les violences subies pendant l'enfance ont un impact sur la santé et le bien-être tout au long de la vie. Les victimes sont plus susceptibles de souffrir de problèmes de santé mentale dans l'enfance et à l'âge adulte, tels que le syndrome de stress post-traumatique, la dépression, l'anxiété ou le suicide. Elles sont plus susceptibles de s'adonner à des comportements à risque, notamment à des pratiques sexuelles non protégées, à l'abus de drogues et d'alcool, voire de devenir elles-mêmes violentes. Ces personnes courent également un risque plus élevé de développer des maladies non transmissibles telles que maladies cardiaques, diabètes et cancers, selon INSPIRE, une stratégie de l'OMS qui vise à l'élimination de la violence à l'égard des enfants.

La compréhension de ces conséquences a permis à certains pays de mettre sur pied des programmes efficaces de prévention de la violence, suivis de soins pour les enfants. « Nous savons ce qui doit être fait », affirme M. Krug.

Objectif INSPIRE

L'un des objectifs de la conférence est d'accélérer l'adoption de la stratégie INSPIRE au niveau des pays. L'OMS a élaboré cette approche fondée sur des données probantes en 2016, en collaboration avec la Banque mondiale, plusieurs agences onusiennes et les centres de contrôle et de prévention des maladies (Centers for Disease Control and Prevention, CDC) aux États-Unis, notamment. INSPIRE s'articule autour de sept stratégies qui appellent les gouvernements à mettre en œuvre et à appliquer des lois interdisant aux parents de punir violemment leurs enfants et criminalisant les abus et l'exploitation sexuels des enfants. L'une de ces stratégies est axée sur l'appui aux parents et aux soignants par des visites à domicile. Elle recommande aux pays de renforcer les revenus des familles et de veiller à la scolarisation des enfants. Elle appelle en outre à l'amélioration des services d'intervention adaptés aux enfants, tels que l'offre de conseils et d'approches thérapeutiques.

Cinq ans après son lancement, un examen de la mise en œuvre d'INSPIRE a révélé que 67 pays ont adhéré au cadre au moins en partie et ont adopté ses stratégies au niveau national ou local. Parmi eux figuraient 37 pays dits « éclaireurs » qui, outre un engagement gouvernemental formel, devraient lancer un plan d'action national chiffré pour la mobilisation de ressources et la mise en œuvre. Le rapport cite une étude de l'OMS de 2020, selon laquelle 88 % des pays en moyenne disposent de lois visant à prévenir la violence à l'égard des enfants.

Toutefois, seuls 47 % des gouvernements consultés estiment que ces lois sont « appliquées avec suffisamment de vigueur pour que les contrevenants soient dûment sanctionnés ».

Un autre indicateur d'impact est l'enquête sur la violence à l'égard des enfants et des adolescents (Violence Against Children and Youth Survey, VACS). À ce jour, le partenariat Together for Girls (TfG) a réalisé 26 enquêtes nationales sur les ménages auprès de jeunes de 13 à 24 ans en collaboration avec des partenaires du monde entier. Au Kenya, le gouvernement a procédé à l'exercice à deux reprises et dispose donc de données comparables. Grâce à la mise en œuvre de politiques de lutte contre la violence à l'égard des enfants, entre 2010 et 2019, les taux de violence sexuelle à l'égard des enfants ont diminué de moitié chez les jeunes femmes et de deux tiers chez les jeunes hommes âgés de 18 à 24 ans. En revanche, chez les filles âgées de 13 à 17 ans, la fréquence des tentatives de rapports sexuels non désirés a augmenté.

« Les choses évoluent dans une certaine mesure, mais pas assez rapidement », explique M. Krug. Il avertit que le monde accuse du retard sur la cible 16.2 des Objectifs de développement durable des Nations unies, qui appelle à mettre fin, d'ici à 2030, à la maltraitance, à l'exploitation, à la traite et à toutes les formes de violence et de torture à l'égard des enfants. De manière cruciale, ajoute-t-il, les discussions lors de l'événement incluront deux groupes de personnes indispensables à la réalisation de progrès : les survivants et les jeunes.

Mme Kohiyama, elle-même une survivante, a fait campagne pour améliorer la justice pour les enfants victimes d'abus sexuels en France. Lorsque, à l'âge adulte, elle s'est rendue compte du crime dont elle-même a été victime, il était trop tard pour engager des poursuites à l'encontre de l'auteur. « L'affaire a été classée en vertu du délai de prescription », explique-t-elle. À l'époque des faits, le délai limite pour signaler un délit était de dix ans. Néanmoins, grâce aux campagnes menées avec des organisations locales en France, Mme Kohiyama et d'autres ont réussi à faire modifier la loi en 2018, ce qui signifie que les enfants victimes de violences sexuelles peuvent désormais porter plainte jusqu'à l'âge de 48 ans. En 2021, ils ont obtenu l'adoption d'une nouvelle loi qui instaure un âge minimal de consentement de 15 ans, et de 18 ans dans les cas d'inceste.

Ayant constaté le changement en France, Mme Kohiyama espère que sa participation à la conférence ministérielle se traduira par un impact plus important à l'échelle internationale. Elle a rejoint le Brave Movement dont elle occupe aujourd'hui l'exécutif aux côtés de 13 autres membres qui, comme elle, sont tous des survivants. Lors de la conférence, elle siègera au sein d'un nouveau Conseil mondial des survivants qui partagera son expérience avec les délégués.

Mme Kohiyama souhaite que les gouvernements du monde entier s'engagent à créer des conseils nationaux de survivants, un modèle qui existe déjà en Allemagne. Depuis 2010, le gouvernement allemand a également nommé une commissaire indépendante pour les questions d'abus sexuels sur les enfants. « Les personnes qui en ont une expérience vécue doivent avoir une voix politique ainsi que la capacité de concevoir des politiques publiques de lutte contre la violence sexuelle à l'égard des enfants. Des politiques qui tiennent mieux compte des traumatismes, qui soient plus efficaces, plus appropriées, mieux adaptées et plus empathiques, parce que nous savons ce que sont ces crimes », a déclaré la commissaire.

La violence à l'égard des enfants, un enjeu politique majeur

Mme Kohiyama espère que d'autres pays feront de la violence à l'égard des enfants une question politique prioritaire et qu'une plus grande attention sera portée à la lutte contre la violence en ligne visant les enfants. En 2023, plus de 100 millions d'images et de vidéos d'abus sexuels sur des enfants ont été signalées rien qu'en Europe. « Il ne s'agit là que de la partie émergée de l'iceberg », a déclaré Mme Kohiyama. « Derrière ces images se cachent de vrais crimes. »

Daniela Ligiero, fondatrice du Brave Movement, qui est également directrice générale et présidente de TfG, reconnaît qu'il faut avant tout une volonté politique pour lutter contre la violence à l'égard des enfants. Elle ajoute cependant que les médias ont aussi un rôle important à jouer dans la sensibilisation sur la prévention. « Historiquement, les médias ont eu tendance à se focaliser sur les défaillances en matière de sécurité des enfants, qu'il s'agisse de défaillances institutionnelles ou de cas individuels atroces, en braquant l'attention sur les agresseurs », explique-t-elle. « Il est toujours plus difficile d'attirer l'attention sur ce qui fonctionne, mais nous espérons que la conférence de Bogota marquera aussi un tournant à ce niveau. Les gouvernements nationaux seront tenus de rendre compte des engagements pris, ce qui devrait permettre d'attirer l'attention sur ce qui fonctionne. »

Une autre initiative qui figurera en bonne place à l'ordre du jour de la conférence sera le lancement du premier mouvement de jeunes sur l'EVE. Bryanna Mariñas, 22 ans, étudiante en licence, originaire des Philippines, fait partie des dix « jeunes mobilisateurs » qui mènent cette action, avec le soutien de Restless Development, une organisation de jeunes à but non lucratif. Dans son entretien avec Equal Times, elle explique que son intérêt pour l'EVE vient du fait qu'elle a personnellement été témoin de cette situation dans son enfance. Une étude montre que 80 % des enfants de 13 à 24 ans aux Philippines sont victimes de violence sous une forme ou une autre. « La plupart du temps, cela se passe à la maison », dit-elle. « De nombreuses personnes y sont confrontées, mais rares sont celles qui en parlent. »

Inspiré par d'autres mouvements civiques menés avec succès par des jeunes, notamment dans les domaines du changement climatique et de la sécurité routière, le collectif mène actuellement une enquête qui vise à recueillir les avis des jeunes dans dix pays. Celle-ci servira de base pour l'élaboration d'un manifeste mondial de la jeunesse sur l'EVE qui sera présenté à Bogotá. « Par la suite, nous espérons mettre officiellement en place des réseaux au sein des pays et entre les régions », a indiqué Mme Mariñas. Bien que les enfants et les jeunes aient été inclus dans les stratégies de prévention de la violence à l'encontre des enfants par le passé, cette participation reste, selon elle, trop souvent limitée et symbolique. « Nous voulons changer cela en mettant au premier plan le leadership des enfants et des jeunes sur cette question », a déclaré la jeune mobilisatrice.

« Nous pouvons difficilement espérer mettre fin à la violence à l'égard des enfants si les jeunes eux-mêmes ne sont pas équipés ou reconnus comme étant ceux qui mettront fin aux cycles de violence pour la génération suivante. »

La conférence abordera également la question de la violence subie par les enfants dans le monde du travail. Selon Benjamin Smith, responsable principal de l'Organisation internationale du travail (OIT) pour le travail des enfants, l'organisation a participé, en amont de la conférence, à des discussions stratégiques avec Najat Maalla M'Jid. L'OIT compte sa propre initiative, l'Alliance 8.7, qui appelle les pays à éliminer le travail forcé, l'esclavage moderne, la traite des êtres humains et le travail des enfants. « C'est une excellente occasion d'intégrer les enjeux du travail des enfants dans les efforts du mouvement contre la violence à l'égard des enfants », a déclaré M. Smith. « Il s'agit d'un problème très très sérieux : 160 millions d'enfants travaillent alors que les investissements sont faibles et inadéquats. Sans placer trop d'espoirs dans cette conférence, il faut néanmoins espérer qu'elle puisse susciter davantage d'actions et d'investissements. »

Alors que le nombre d'enfants au travail dans le monde était en baisse depuis 2000, l'OIT a signalé en 2021 que leur nombre avait augmenté de 8,4 millions en quatre ans. Ces enfants se trouvent exposés à différentes formes de violence, y compris des conditions de travail dangereuses liées à l'utilisation de machines lourdes ou de pesticides. Avec l'évolution des climats, les conditions météorologiques sévères, telles que la chaleur extrême, constituent des facteurs de risque supplémentaires. M. Smith attire également l'attention sur un autre problème de plus en plus répandu, celui de la pornographie enfantine en ligne. « On assiste à une véritable prolifération sur Internet – les autorités ont énormément de mal à se maintenir à niveau sur le plan des évolutions technologiques dans ce domaine », explique-t-il. « Le travail des enfants est extrêmement préjudiciable pour les enfants qui en sont victimes, mais aussi pour les pays où il sévit, car c'est de la main-d'œuvre de demain qu'il s'agit », ajoute-t-il.

Dans le même temps, le nombre croissant de conflits armés dans le monde pousse les enfants à se mettre au travail, soit en raison de la pauvreté, soit parce qu'ils sont contraints de prendre part à des activités militaires. Gaza est l'endroit le plus meurtrier au monde pour un enfant, après plus d'un an de bombardements militaires israéliens et d'opérations spéciales qui ont tué plus de 43.000 personnes, dont près de 17.000 enfants, selon les derniers chiffres et blessé et mutilé des centaines de milliers de personnes, auxquels s'ajoute une situation humanitaire catastrophique, qui affecte gravement la santé des enfants.

En juin, un rapport du Conseil de sécurité de l'Assemblée générale des Nations unies faisait état d'une augmentation de 21 % des violations extrêmes commises à l'encontre d'enfants pris dans des conflits armés, les chiffres les plus élevés ayant été enregistrés en Israël et dans les territoires palestiniens occupés, en République démocratique du Congo, au Myanmar, en Somalie, au Nigéria et au Soudan. Selon un autre rapport présenté en octobre par Najat Maalla M'jid, un sixième des jeunes dans le monde vit actuellement dans des zones de conflit. « La violence à l'encontre des enfants a atteint des niveaux inédits, causés par des crises multidimensionnelles et interconnectées », a-t-elle déclaré lors de la présentation du rapport.

En septembre, en prévision de la conférence de Bogota, les responsables des agences onusiennes, les survivants et les militants pour l'EVE se sont réunis dans le cadre de l'Assemblée générale des Nations unies, à New York. Pour marquer cette occasion, une lettre ouverte a été publiée demandant une action urgente. Elle était signée par les défenseurs de la cause, dont Mme Kohiyama, Mme Ligiero et Mme Mariñas. « Avec un milliard d'avenirs en jeu, l'occasion nous est donnée, en ce mois de novembre, d'écrire une page d'histoire », peut-on lire dans la lettre ouverte. « Une occasion que nous ne pouvons pas et nous ne devons pas laisser passer. »

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