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25.03.2025 à 18:33

DpA bien marri face au SNA de Dati

L'Autre Quotidien
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« Pendant que les architectes se battent pour leur survie, l’État dessine des stratégies déconnectées ». Selon Défense Profession Architecte (DpA), la nouvelle Stratégie Nationale pour l’Architecture 2025 (SNA) dévoilée le 4 février 2025 par Rachida Dati, ministre de la Culture, illustre le décalage croissant entre les ambitions affichées et les réalités du terrain. Tribune.
Texte intégral (1457 mots)

« Pendant que les architectes se battent pour leur survie, l’État dessine des stratégies déconnectées ». Selon Défense Profession Architecte (DpA), la nouvelle Stratégie Nationale pour l’Architecture 2025 (SNA) dévoilée le 4 février 2025 par Rachida Dati, ministre de la Culture, illustre le décalage croissant entre les ambitions affichées et les réalités du terrain. Tribune.

« Alors que nos agences traversent une crise sans précédent, on nous propose des concepts sans moyens concrets d’action. Oui, l’architecture est « porteuse de solutions » comme le souligne Mme la ministre, mais il est temps pour l’État de passer des paroles aux actes », indique DpA.

Stratégie Nationale pour l’Architecture : quels bilans et quelles perspectives pour la profession ?

La nouvelle « Stratégie Nationale pour l’Architecture » annoncée par Rachida Dati, ministre de la Culture, se heurte à l’incompréhension et au désarroi des architectes praticiens. Alors que les agences d’architecture traversent une crise sans précédent, luttant quotidiennement pour leur survie économique, cette initiative apparaît déconnectée des réalités du terrain (Voir le constat alarmant sur les revenus des architectes Archigraphie 2025).

Les architectes, acteurs essentiels de la transformation de nos territoires, attendent des mesures concrètes.

Ce document largement alimenté par des propositions du CNOA, fait l’impasse sur la situation préoccupante des architectes et ne répond pas aux enjeux ni aux besoins d’une profession de plus en plus marginalisée dans le processus de production de l’architecture et du cadre bâti, alors même qu’elle est de plus en plus sollicitée pour répondre aux défis et enjeux de notre société, selon les propres propos de la ministre : « Face aux défis environnementaux et sociaux, l’architecture est porteuse de solutions ».

Avant de lancer une nouvelle stratégie, un bilan critique sur l’impact réel de la SNA de 2015 sur la pratique quotidienne des architectes s’impose.

En effet, force est de constater que loin d’avoir renforcé la position des architectes dans l’acte de bâtir, celle-ci a contribué à leur fragilisation progressive à travers des mesures telles que :
– la suppression de l’obligation de recours aux appels d’offres et aux concours pour les logements sociaux ;
– le contournement facilité de l’obligation de recours à l’architecte via les déclarations préalables ;
– une précarisation accrue des agences d’architecture.

« Cette absence d’évaluation critique démontre un décalage persistant entre les ambitions affichées des politiques publiques et la réalité du terrain vécue par les professionnels en charge de la production architecturale ». (Batiactu 17/05/2018)

Oui l’architecture est porteuse de solutions !

Mais l’architecture ne peut exister comme expression de la culture pour toute la société que si l’État lui donne les nécessaires moyens législatifs et financiers pour remettre les architectes en première ligne de la production architecturale.

À qui donc s’adresse la SNA ?

« Cette nouvelle stratégie s’adresse à l’ensemble des habitants de notre pays […] cette stratégie s’adresse aux décideurs […] elle renforcera l’action des différentes actions ministérielles », dit Mme Dati.

Vaste sujet qui explique le quiproquo pour les architectes !

Qui sont ces décideurs à qui s’adresse la SNA, sinon les élus territoriaux, les services de l’État, les maîtres d’ouvrage, les promoteurs, les entreprises, les lotisseurs, les BET et bien d’autres encore.

Autre motif de confusion : improprement et largement utilisé, le terme « architecture » recouvre en réalité tout ce qui concourt à la politique de la ville que ce soit l’aménagement, l’urbanisme, la réglementation ou l’environnement. Il eut été plus juste de parler de stratégie nationale pour le cadre de vie en général, bien que ce document n’aborde ni la question du logement ni la politique foncière ni les moyens indispensables aux ambitions annoncées.

Qu’en est-il de l’architecte ?

Si l’architecture disparaît dans ce concept, l’architecte lui, est dilué dans la nouvelle famille des « professionnels de l’architecture ».

Conséquences pour l’enseignement : les écoles devront former à la diversité des parcours, des « professionnels de l’architecture », et pas seulement les architectes.

Nous déplorons que l’augmentation du nombre d’étudiants ne soit pas destinée à augmenter le nombre des architectes mais celui de « professionnels de l’architecture » dont on ne cerne pas bien les qualifications ni les compétences.

Il est aussi question de s’adapter aux nouvelles formes de la commande.

Faut-il s’adapter à de nouveaux enjeux tels que « la privatisation de la commande publique » couplée à une série de mesures réglementaires qui ont contribué à « réduire la place des architectes dans la construction » (Le Monde 05/02/2025) ?

Sous couvert de « territorialisation, de sensibilisation des élus et de mobilisation collective », l’État, à travers cette SNA, se décharge de sa responsabilité en matière d’architecture et de cadre de vie, et fait porter aux architectes la responsabilité de leur situation d’impuissance.

Madame la ministre Rachida Dati, lorsque vous déclarez que :
– « l’architecture constitue une discipline autant qu’une politique publique incontournable pour faire face aux défis de notre temps » ;
– […]Dans un contexte marqué par l’économie des ressources et les enjeux de résilience, la réhabilitation forme le nouveau cadre de création architecturale. La nouvelle donne est celle du « déjà là », entre rénovation et restauration. C’est un changement de perspective que l’État doit accompagner ».
Nous vous prenons au mot !

Les architectes sont prêts à relever ce défi à condition que l’État leur en donne les moyens par un engagement politique clair qui vise à les remettre au cœur de la fabrication de l’architecture, de la ville, du cadre de vie et de tous les domaines où leurs compétences et leur expertise sont nécessaires à la société.

De sorte que :
– l’intérêt public de leur travail et le rôle central de leurs compétences soient reconnus, soutenus et renforcés par des dispositifs législatifs et financiers ;
– la profession d’architecte cesse d’être envisagée comme la variable d’ajustement financier des politiques publiques de réduction des coûts.

Défense Profession Architecte (DpA) 31/03/2025

25.03.2025 à 12:20

Les affiches ciné du Ghana, période 80/90, assurent grave leur folie

L'Autre Quotidien
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Les affiches de films du Ghana peintes à la main dans les années 1980-1990 sont réputées pour leur originalité et leur excentricité. Elles reflètent une interprétation des films internationaux par des locaux qui n’ont souvent même pas vu les œuvres mais qui enchérissent sur le scénario pour faire venir les spectateurs dans les salles obscures. Trip assuré !
Texte intégral (890 mots)

Les affiches de films du Ghana peintes à la main dans les années 1980-1990 sont réputées pour leur originalité et leur excentricité. Elles reflètent une interprétation des films internationaux par des locaux qui n’ont souvent même pas vu les œuvres mais qui enchérissent sur le scénario pour faire venir les spectateurs dans les salles obscures. Trip assuré !

L’avènement du magnétoscope a eu raison des petites salles de cinéma du pays et cette « tradition » des affiches de films du Ghana a fini par disparaître.

Mais, les posters, souvent peint sur des sacs de riz, qui ont franchi les ans s’échangent à des prix élevés sur les marchés de l’art.

Et, pour vous faire une idée plus complète de la chose : voici les affiches de films du Ghana les plus déjantées sélectionnées par All The Right Movies

Jim Lajungle, le 31/03/2025
Les affiches de films du Ghana les plus déjantées

25.03.2025 à 12:02

Venez vous faire empoissonner par Ned Beauman

L'Autre Quotidien
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Autour d’un poisson baltique apparemment voué à l’extinction, structurelle et accidentelle, un thriller science-fictif échevelé questionne cruellement tout ce qui nous sert d’excuses pour laisser venir le désastre prévisible.
Texte intégral (4565 mots)

Autour d’un poisson baltique apparemment voué à l’extinction, structurelle et accidentelle, un thriller science-fictif échevelé questionne cruellement tout ce qui nous sert d’excuses pour laisser venir le désastre prévisible.

Pas de note de lecture proprement dite pour « Poisson poison », sixième roman de Ned Beauman, paru en 2022, couronné par le prix Arthur C. Clarke en 2023, et traduit en janvier 2025 par Gilles Goullet aux éditions Albin Michel, dans la collection Imaginaire : l’ouvrage fait en effet l’objet d’un petit article de ma part dans Le Monde des Livres daté du vendredi 28 février 2025 (à lire ici). Comme j’en ai pris l’habitude en pareil cas, ce billet de blog est donc davantage à prendre comme une sorte de note de bas de page de l’article lui-même (et l’occasion de quelques citations du texte, bien sûr).

Elle s’apprêtait à envoyer le dernier poisson dans les airs quand Abdi déboula sur le pont pour la prévenir. Il montra le nord dans le crépuscule. Peu auparavant, Resaint avait remarqué sur l’horizon ce qu’elle avait pris pour un nuage d’orage isolé, la brume, épaissie par la tombée de la nuit, donnant un temps localement plus lourd. Mais la distance s’étant réduite, elle distinguait à présent les trois grandes colonnes à la base du nuage, semblables à des cheminées qui évacuaient la houle de la mer. Un embrunisateur, qui naviguait cap sur eux. Le premier qu’elle voyait depuis son arrivée, un bon moment auparavant, sur la mer Baltique.
Son drone de transport était censé s’envoler vers le nord. Elle se rendit compte que cette trajectoire le mettrait en plein sur celle de l’embrunisateur et le propulserait donc aussitôt dans les flots. La tempête qui entourait un embrunisateur ne ressemblait à aucun phénomène naturel. Elle était prodigieuse non par sa force, mais par sa géométrie. Les guillemots et les goélands argentés, capables de supporter sans broncher les plus furieuses tempêtes hivernales, étaient ballottés comme de vieux papiers. C’était trop étranger pour leurs ailes. Et ce drone, auquel les grands vents posaient rarement problème, ne se rendrait même pas compte de ce qui lui tombait dessus.
Ayant toujours l’itinéraire de vol sur l’écran de son téléphone, Resaint ajouta la surcouche qui indiquait les autres navires à proximité. Abdi montra l’embrunisateur, simple point blanc anonyme sur la carte. Resaint modifia l’itinéraire du drone pour qu’il le contourne à distance prudente par l’est.
« Merci », dit-elle en posant la main sur le bras d’Abdi. Elle consulta une nouvelle fois la trajectoire de l’embrunisateur. « On dirait qu’il nous vient droit dessus, non ?
– Il ne nous touchera pas. Mais nous frôler ne le gênera pas non plus. Clairement, mieux vaudrait pour toi ne plus être dehors quand ça arrivera.
De toute manière, songea-t-elle, le Varuna ayant presque la taille d’un porte-avions, l’embrunisateur sortirait sans doute perdant d’une collision. Ce qui était dommage, quelque part, car elle aurait bien aimé voir le Varuna éventré. Peut-être pas pendant qu’elle se trouvait à son bord, mais ce navire méritait malgré tout qu’on le coule. Pour l’embrunisateur, ce serait une manière d’employer sa soirée bien plus utile que de faire perdre le nord à quelques oiseaux de mer.
Elle murmura un ordre à son téléphone et les rotors du drone se mirent à vrombir. L’appareil décolla du pont en soulevant quatre câbles fixés à son ventre, puis ceux-ci se tendirent et la cargaison s’éleva à son tour : un aquarium en plastique qui contenait dix lompes venimeux évoluant dans plus de deux cent cinquante litres d’eau de mer. Le drone continua à monter jusqu’à ce que l’aquarium soit assez haut pour franchir le bastingage. Quelques gouttes d’eau débordèrent à ce moment-là, que Resaint sentit lui tomber sur le front tel un sacrement. Une fois au-dessus des flots, il accéléra en douceur, comme une cigogne avec un bébé particulièrement précieux en écharpe, cap au nord.
Il parcourrait une vingtaine de kilomètres jusqu’aux récifs du Kvarken du Sud, où les lompes venimeux se rassemblaient à chaque période de reproduction et où il déverserait le contenu de l’aquarium. En théorie, une fois ses expériences menées à bien, Resaint aurait pu les relâcher dans la mer autour du Varuna en les laissant rentrer chez eux tout seuls. Ils se débrouillaient très bien en navigation. Mais elle refusait de prendre ce risque. Il en restait si peu. Chacun d’eux était très précieux. Aussi aurait-il été particulièrement déplorable et regrettable que, disons, l’embrunisateur percute le drone avec assez de violence pour que tous ces poissons se brisent l’épine dorsale en heurtant les flots.

 Poisson poison », parmi les nombreux intérêts qu’il présente à la lecture, offre une jolie démonstration de ce qui peut se produire de particulièrement précieux à la frontière entre littératures de genre et littérature dite générale. Dans un registre plus proche de l’anticipation joueuse déployée par un Neal Stephenson dans son « Choc terminal », chez le même éditeur, Ned Beauman, qui n’est pas, lui, issu de l’univers science-fictif (il n’est pas né au sein du sérail ou du ghetto, selon le point de vue et le degré de radicalité d’un commentaire éventuel à ce sujet), mais bien de celui de la littérature ailleurs appelée « blanche » (ce qui ne veut rien dire en soi, nous sommes bien d’accord), réalise un tour de force digne de l’un des plus prometteurs jeunes auteurs britanniques signalés par Granta il y a déjà quelques années, mais digne aussi en tous points ou presque d’un auteur « spécialisé ».

Francis Berthelot, dont il faut lire et relire le toujours aussi précieux « Bibliothèque de l’Entre-Mondes », vingt ans après sa sortie, lorsqu’il analysait les transfictions, notion créée par lui pour désigner ces écrits prisés des lectrices et lecteurs qui sont aussi des coureurs de frontière et de marge, se gardait d’ailleurs bien de s’appuyer sur une poétique de la science-fiction dont les définitions risqueraient l’oscillation perpétuelle, impraticable, entre le trop vague et le trop restrictif. « Poisson poison » s’affranchit allègrement des barrières qui sépareraient le thriller de la science-fiction, le roman noir de l’anticipation, ou la satire socio-économique de la spéculation éco-financière.

Le pas de côté science-fictif, qui signe souvent la performance d’une expérience de pensée propre à ce genre littéraire (pris cette fois en son sens le plus large possible) se risque rarement sur le terrain du fonctionnement relativement détaillé de la finance mondiale, contemporaine ou à venir très bientôt. Kim Stanley Robinson, avec la puissance contenue dans ce domaine au sein de son « New York 2140 » et de son « Ministère du futur », y constitue l’une des rares exceptions. Il faudra désormais y ajouter Ned Beauman, dont la compréhension intime du détournement par l’absurde des « crédits carbone » (sans même parler des innombrables fraudes dont cet outil a été, encore récemment, la victime) emporte admiration et adhésion – à un certain cynisme vis-à-vis de ce « capitalisme de l’habillage ».

Au-delà du rusé cadre général créé par les crédits d’extinction, Ned Beauman a su imaginer plusieurs heureuses convergences inattendues (ou en tout cas relativement peu convenues), du côté du business de l’écologie (on songera par moments au formidable « Bleue comme une orange » de Norman Spinrad, par exemple, même si le titre français de son « Greenhouse Summer » fait à chaque fois un peu saigner le cerveau), comme du côté des intelligences de tous ordres, naturel et culturel, artificiel et animal, rejoignant par un détour digne de Georges Balandier les travaux d’un Philippe Descola ou d’un Baptiste Morizot – non pas directement en tant qu’anthropologues, voire éthologues, mais bien en tant qu’inventeurs de bribes salutaires de philosophies politiques nouvelles pour des temps particulièrement incertains.

Une autre fiction polie, enracinée plus profond, était indispensable au travail que Resaint menait à bord. Celle de son indépendance.
Ce n’était pas pour rien que la Brahmasamudram Mining Company l’avait installée dans un labo sur le Varuna alors que cette mission aurait pu tout aussi bien se mener depuis la côte suédoise. Il s’agissait là d’une de ces tactiques psychologiques, d’un de ces rites tribaux qui se glissaient si souvent à l’intérieur des transactions, même les plus impersonnelles, des multinationales qui l’employaient. Comme la majeure partie de ses clients, Brahmasamudram tenait à lui faire garder en permanence à l’esprit que, jusqu’à la fin de son contrat, elle leur appartenait. Elle vivait et travaillait dans le domaine de Brahmasamudram, en dehors duquel il n’y avait rien d’autre que l’eau glacée de la Baltique.
Sauf qu’il ne fallait pas le dire à voix haute. Oui, elle était dépendante, surveillée, confinée, elle n’était pas moins que les membres d’équipage une vassale du Varuna. Mais son travail partait du principe qu’une scientifique comme elle se livrerait à des jugements objectifs sans se laisser influencer par le client qui achetait son temps. Et toutes les parties impliquées bénéficiaient de ce principe… de son immaculée aura sacerdotale. Que Devi la traite ainsi – qu’elle révèle de manière aussi flagrante la coercition derrière leur hospitalité – souillait non seulement sa mission actuelle, mais toutes les précédentes.
Au moins la gêne de Devi ne semblait-elle pas moindre que sa propre indignation. De toute évidence, la décision ne venait pas d’elle. Quelque chose l’obligeait à agir ainsi. « Allons dans votre cabine, dit-elle. S’il vous plaît. »
Resaint savait qu’elle pouvait refuser. Devi n’allait pas la sortir de là en la traînant par les cheveux. Mais un baroud d’honneur à l’intérieur de la cabine d’Abdi ne ferait que compliquer grandement la situation pour lui, ce à quoi elle se refusait. « Si on retourne dans ma cabine, est-ce qu’on va régler ce foutoir auquel je ne comprends rien ?
– Oui, répondit Devi, soulagée de voir une ouverture. Oui, on va le régler. Promis. Quelqu’un vient vous parler.

Je suis toujours admiratif lorsque je lis une autrice ou un auteur capable de s’inscrire dans le rythme échevelé des meilleurs thrillers, tout en parvenant à convoyer sans lourdeur, ou même avec une certaine grâce, une information particulièrement dense sur un contexte inconnu a priori, en jouant de l’humour noir et de l’ellipse pour échapper aux diverses malédictions de l’exposition. Comme il nous l’avait prouvé, déjà très facétieusement, dans son « Glow » de 2014 (dont on vous parlera tôt ou tard sur ce blog), Ned Beauman maîtrise cette écriture-là quasiment à la perfection.

Plus tôt ce soir-là, dans un taxi qui l’emmenait dîner, Halyard vit une tumeur s’écraser sur le sol comme une météorite.
Ils se trouvaient à l’arrière du convoi, un minibus et trois taxis bondés qui transféraient tout le monde depuis le siège de Mosvatia Bioinformatics, à l’extérieur de Copenhague, jusqu’à un hôtel sur le front de mer. Halyard ne savait pas trop ce qui se serait passé si le taxi juste devant le sien n’avait pas quitté d’un coup la chaussée au tout dernier moment. Il s’agissait là d’une intéressante question à la papier-caillou-ciseaux, car la tumeur était faite de chair, traditionnellement perdante face à un pare-chocs, mais d’un autre côté, il savait qu’on pouvait se tuer en percutant une biche en voiture, et ce truc-là devait bien peser le triple d’une biche.
Son taxi à lui n’ayant pas fait d’embardée, mais seulement freiné – les précipitant, lui et les trois autres passagers, dans leurs ceintures de sécurité, tandis que son téléphone lui échappait des mains pour tomber sur le tapis de sol –, il bénéficiait à présent d’une vue dégagée par le pare-brise. La monstruosité, qui avait éclaté en percutant l’asphalte, gisait à présent en quatre fragments irréguliers, chacun au moins aussi volumineux qu’une caisse de transport. Le bruit de l’impact n’avait été qu’un coup de tambour sec, mais symphonique, d’une certaine manière – à la fois profond, humide, disruptif et bondissant, un effet sonore vraiment remarquable de la part de la tumeur –, et pourtant, en termes d’horreur texturale, l’image le dépassait. La viande, blanc rougeâtre, luisante, était ébouriffée et plissée, à part à certains endroits où elle était soit enveloppée comme du filet dans de l’épimysium translucide, soit recouverte d’un épais pelage blanc ou noir. Ici et là, un bout d’os dépassait.
Ce fut pour Halyard une expérience certes saisissante, mais pas tout à fait aussi cauchemardesque qu’elle aurait pu s’avérer s’il n’avait pas su de quoi il retournait. Et il le savait parce que les médias avaient parlé de la dernière fois où pareil événement s’était produit, pendant une conférence dans les environs de Madrid. Ce qui venait de tomber était un tératome, autrement dit une tumeur constituée de cellules germinales capables de devenir n’importe quel type de tissu (sans doute y avait-il donc là-dedans des dents, de la matière cérébrale, voire des globes oculaires, comme une anagramme d’un corps mammifère). Il avait été cultivé quelque part dans un laboratoire clandestin à partir d’ADN volé à Chiu Chiu, le « dernier » panda géant. Et catapulté pour protester contre la manière dont Halyard gagnait sa vie.
Chiu Chiu avait succombé à une infection respiratoire fongique, douze ans plus tôt, dans l’unité de soins intensifs du Centre de recherche sur le Panda géant de Chengdu. À l’époque, il était le dernier de son espèce. Il ne le resta pas longtemps, car on produisit ensuite une multitude de clones qu’on implanta dans l’utérus d’ourses noires. Il resterait toutefois à jamais le dernier d’une chaîne ininterrompue d’engendrements humides, le dernier panda né d’un panda né d’un panda né – ici, une ellipse – du tout premier panda.
Sur le pur plan du poids émotionnel, sa mort provoqua peut-être bien un bouleversement sans précédent dans l’histoire de l’humanité, le plus grand nombre de personnes multiplié par la plus grande sincérité de sentiments. On ne pouvait en temps normal se livrer à des généralisations sur une nation de 1,4 milliard d’habitants, mais presque tous les Chinois adoraient Chiu Chiu. Au point que dans les derniers jours de son existence, il avait été interdit au Centre de recherche de publier un bulletin de santé horaire, de crainte de déstabiliser les marchés boursiers. Cette mystérieuse infection fongique qui se riait même des plus strictes quarantaines avait déjà tué des centaines de pandas dans le monde, sauvages ou non. Et lorsqu’elle emporta Chiu Chiu à son tour, les Chinois sombrèrent dans de frénétiques lamentations et remords. Cet échec à sauvegarder leur propre animal national les remplissait d’une honte lancinante. Des jours durant, les rues furent bondées de ce qui ressemblait à des goules hurlantes libérées des enfers : il s’agissait en réalité d’enfants grimés en panda en hommage à ji mo de Chiu Chiu (Chiu Chiu sans personne), mais dont les pleurs incontrôlables avaient fait dégouliner le maquillage sur les joues. Un journaliste de Pékin ayant publié une chronique intitulée « Pourquoi je ne me soucie pas de Chiu Chiu » fut contraint de se cacher. Oui, il y aurait bientôt des clones de panda, mais une campagne du Parti communiste contre les « produits mensongers » battait son plein et les clones étaient souvent comparés à du boudin frauduleusement épaissi au formaldéhyde.
Pour le pays le plus puissant du monde, l’émotion trouva un exutoire dans l’action. Pendant la période que les cyniques présenteraient par la suite comme la grande aliénation nationale chinoise, cent quatre-vingt seize autres États, agissant à vrai dire sous la menace économique, adhérèrent à la toute nouvelle Commission mondiale sur l’extinction des espèces. « Il n’y aura plus de Chiu Chiu, proclama un représentant chinois lors de la création de cette CMEE. Chiu Chiu sera le dernier des derniers spécimens recensés. Car nous ne laisserons plus jamais se reproduire pareille tragédie. Le panda géant sera la dernière espèce dont les activités humaines ont provoqué la disparition. »
Bien entendu, ce ne fut pas du tout ce qui arriva. À la place, il arriva plutôt l’industrie de l’extinction.

Hugues Charybde, le 31/03/2025
Ned Beauman - Poisson poison - Albin Michel Imaginaire

l’acheter chez Charybde, ici

25.03.2025 à 11:46

Tom de Pekin et tout juste le ciel et les chemins

L'Autre Quotidien
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Avec cette foisonnante exposition déployée sur les quatre niveaux de la galerie Arts Factory, Tom de Pekin nous invite à le suivre dans ses déambulations, entre carte du tendre et voyages imaginaires. Nourri d'archives, de travaux exécutés sur le motif ou de souvenirs d'après photo, cet ensemble d'œuvres récentes évoque des instants suspendus au cœur de flamboyants paysages réalisés à la gouache et aux crayons de couleur. Juste le ciel, les chemins, les lacs ... dans cette errance contemplative les lieux défilent sans lien précis, amitiés retrouvées et nouvelles relations s'entremêlent, les émotions s'échappent, corps et âmes dansent au centre du temps qui passe.
Texte intégral (1548 mots)

Avec cette foisonnante exposition déployée sur les quatre niveaux de la galerie Arts Factory, Tom de Pekin nous invite à le suivre dans ses déambulations, entre carte du tendre et voyages imaginaires. Nourri d'archives, de travaux exécutés sur le motif ou de souvenirs d'après photo, cet ensemble d'œuvres récentes évoque des instants suspendus au cœur de flamboyants paysages réalisés à la gouache et aux crayons de couleur. Juste le ciel, les chemins, les lacs ... dans cette errance contemplative les lieux défilent sans lien précis, amitiés retrouvées et nouvelles relations s'entremêlent, les émotions s'échappent, corps et âmes dansent au centre du temps qui passe.

L’acte de naissance officiel de Tom de Pekin - sans accent, l’artiste y tient - est la parution en 2000 de Rêve au Cul aux éditions CBO. Ce petit opuscule sérigraphié détourne en mode pornogay les grands principes de la propagande Maoïste. D’autres publications dans la même veine érotico-ludique suivront, avec notamment Tom de Savoie ou le très prisé Des Godes et des couleurs. Conçus à partir de collages retravaillés sur ordinateur, ces livres fondateurs seront déclinés par la suite sous forme de courts-métrages animés, ils enchanteront de nombreux festivals internationaux tout au long des années 2000. La sortie en 2011 du livre Haldernablou chez United Dead Artists dévoile une facette plus intimiste de sa production. Ce recueil de dessins illustrant une pièce de jeunesse d'Alfred Jarry ouvre de nouvelles perspectives pour Tom de Pekin, qui abandonne Photoshop pour la mine de plomb et la gouache. Tourné en prise de vues réelles le film Haldernablou Quadriflore poursuit l’exploration de ce texte de 1894, l’une des premières œuvres théâtrales francophone à évoquer sans détour le désir homosexuel.

En 2013, Tom de Pekin illustre l’affiche controversée du film d'Alain Guiraudie L'inconnu du Lac. La même année paraît Le lac sombre, toujours aux éditions United Dead Artists. Cette envoûtante suite de dessins met en scène des hommes nus – mais toujours cagoulés – jouant avec leurs corps au sein d’une obscure nature. Elle pose les bases de l’univers que l’artiste va développer par la suite. Au fil des séries, le noir et blanc s’estompe peu à peu, il laisse place à palette de couleurs enflammée que l’on retrouve désormais dans ses peintures sur papier. L'exposition Où vont les fleurs du temps qui passe ? programmée en 2021 par la galerie Arts Factory marque 20 ans de collaboration commune. Elle est suivie par deux rétrospectives à l'Hôtel Goüin de Tours en 2023 - sur un commissariat de Fred Morin - et au Musée des Arts Précieux Paul-Dupuy de Toulouse en 2024, dans le cadre du Nouveau Printemps curaté par Alain Guiraudie.

Tom de pekin - "vers la pointe du diable", île de la réunion - gouache sur papier, 70x100 cm, 2024

A l’occasion de l’expo , lancement du second titre de la collection p.c.v. / petits • carnets • variés
livret 20 pages couleurs, format : 21 x 15 cm - tirage limité à 300 exemplaires signés et numérotés par tom de pekin
éditions arts factory - 12 euros => cliquez-ici pour réserver votre exemplaire ! à cette occasion lancement du second titre de la collection p.c.v. / petits • carnets • variés
livret 20 pages couleurs, format : 21 x 15 cm - tirage limité à 300 exemplaires signés et numérotés par tom de pekin
éditions arts factory - 12 euros => cliquez-ici pour réserver votre exemplaire ! 

John Paul Jeaunze le 31/03/2025
Tom de Pekin - JUSTE LE CIEL, LES CHEMINS, LES LACS ... -> 03/05/2025
Arts Factory 27, rue de Charonne 75011 paris

Tom de pekin - "jardin des archives, mémoires des sexualités", Marseille - gouache, 40x50 cm, 2023 

25.03.2025 à 10:07

Enfin, Paris Noir vint … 

L'Autre Quotidien
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De la création de la revue Présence Africaine à celle de Revue noire, «  Paris noir » retrace la présence et l’influence des artistes noirs en France entre les années 1950 et 2000. Elle met en lumière cent cinquante artistes, de l’Afrique aux Amériques en passant par la Caraïbe, dont les œuvres ont rarement été montrées en France. On va juste dire : il était temps… 
Texte intégral (4085 mots)

De la création de la revue Présence Africaine à celle de Revue noire, « Paris noir » retrace la présence et l’influence des artistes noirs en France entre les années 1950 et 2000. Elle met en lumière cent cinquante artistes, de l’Afrique aux Amériques en passant par la Caraïbe, dont les œuvres ont rarement été montrées en France. On va juste dire : il était temps… 

Harold Cousins (1916, États-Unis - 1992, Belgique) Roi des musiciens

« Paris noir » est une plongée vibrante dans un Paris cosmopolite, lieu de résistance et de création, qui a donné naissance à une grande variété de pratiques, allant de la prise de conscience identitaire à la recherche de langages plastiques transculturels. Des abstractions internationales aux abstractions afro-atlantiques, en passant par le surréalisme et la figuration libre, cette traversée historique dévoile l’importance des artistes afro-descendants dans la redéfinition des modernismes et post-modernismes.

Quatre installations produites spécifiquement pour « Paris noir » par Valérie John, Nathalie Leroy-Fiévée, Jay Ramier et Shuck One, rythment le parcours en portant des regards contemporains sur cette mémoire. Au centre de l’exposition, une matrice circulaire reprend le motif de l’Atlantique noir, océan devenu disque, métonymie de la Caraïbe et du « Tout-Monde », selon la formule du poète martiniquais, Édouard Glissant comme métaphore de l’espace parisien. Attentive aux circulations, aux réseaux comme aux liens d’amitié, l’exposition prend la forme d’une cartographie vivante et souvent inédite de Paris.

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Une cartographie artistique transnationale

Dès les années 1950, des artistes afro-américains et caribéens explorent à Paris de nouvelles formes d’abstraction (Ed Clark, Beauford Delaney, Guido Llinás), tandis que des artistes du continent esquissent les premiers modernismes panafricains (Paul Ahyi, Skunder Boghossian, Christian Lattier, Demas Nwoko). De nouveaux mouvements artistiques infusent à Paris, tels que celui du groupe Fwomaje (Martinique) ou le Vohou-vohou (Côte d’Ivoire). L’exposition fait également place aux premières mouvances post-coloniales dans les années 1990, marquées par l’affirmation de la notion de métissage en France.

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Un hommage à la scène afro-descendante à Paris

Après la Seconde Guerre mondiale, Paris devient un centre intellectuel où convergent des figures comme James Baldwin, Suzanne et Aimé Césaire ou encore Léopold Sédar Senghor qui y posent les fondations d’un avenir post et décolonial. L’exposition capte l’effervescence culturelle et politique de cette période, au cœur des luttes pour l’indépendance et des droits civiques aux États-Unis, en offrant une plongée unique dans les expressions plastiques de la négritude, du panafricanisme et des mouvements transatlantiques.

Un parcours entre utopie et émancipation

Le parcours de l’exposition retrace un demi-siècle de luttes pour l’émancipation, des indépendances africaines à la chute de l’apartheid, en passant par les combats contre le racisme en France. « Paris noir » souligne la puissance esthétique et la force politique des artistes qui, à travers leurs créations, ont contesté les récits dominants et réinventé un universalisme « des différences » dans un monde post-colonial. Cette toile de fond politique sert de contexte, et parfois de contour direct, à certaines pratiques artistiques. En parallèle ou en contrepoint, se déploient dans l’exposition des expérimentations plastiques souvent solitaires, mais qui trouvent dans le parcours des communautés esthétiques.

Reconnu à la fois comme espace majeur de formation artistique classique et comme centre d’expérimentation, Paris bénéficie d’une attractivité exceptionnelle pour les créateurs, qu’ils soient de passage ou résidents. La ville fonctionne comme un carrefour de rencontres et un point de circulation - notamment vers l’Afrique - propice à l’affirmation de trajectoires transnationales.

Une programmation culturelle ambitieuse

L’exposition est accompagnée d’une riche programmation culturelle à Paris et à l’international. Des conférences, des publications et l’acquisition d’œuvres par le Musée national d’art moderne, ainsi que d’archives au sein de la Bibliothèque Kandinsky, grâce au fonds « Paris noir », contribuent à renforcer la visibilité des artistes noirs. Ces initiatives permettent également de constituer une archive durable de la culture artistique et militante anticoloniale dans une institution nationale.

Gérard Sekoto, Self-Portrait [Autoportrait], 1947, huile sur carton, 45,7 × 35,6 cm The Kilbourn Collection © Estate of Gerard Sekoto/Adagp, Paris, 2025, Photo © Jacopo Salvi

En quoi la « présence noire » à Paris a-t-elle influencé l’évolution des modernismes et post- modernismes artistiques ?

A.K : Les présences noires et afro-descendantes à Paris ont largement contribué à enrichir
les vocabulaires et les iconographies modernes, et à les investir dans un même temps d'une dimension critique. Certains théoriciens qualifient ces artistes par exemple d'agents doubles, qui acquièrent à Paris les outils de la modernité pour pouvoir non seulement s'y inscrire mais aussi la contester, dans une période décisive d'autonomisation politique. Dans son œuvre La ronde-A qui le tour réalisée en 1970, l’artiste sénégalais Iba N’Diaye utilise par exemple l’iconographie classique des animaux écorchés pour représenter la fête musulmane du Tabaski, célébrée au Sénégal, tout en interrogeant le processus de décolonisation en Afrique.

Si l'on pense à la contribution africaine-américaine à l'histoire de l'abstraction à Paris, elle est essentielle du point de vue des innovations plastiques qu'elle génère chez un artiste comme l'américain Ed Clark qui y met en place son 'grand balayage' (tableaux brossés à l'aide d'un balai). Elle permet aussi d'affirmer l'origine afro-atlantique de l'expressionnisme abstrait via la culture

et les procédés du jazz, sensibles dans les collages d'artistes comme Romare Bearden ou Sam Middleton.

L'exposition permet aussi de relire l'histoire du surréalisme comme outil de décolonisation. C'est sensible notamment dans le dialogue fécond entre Wifredo Lam et Aimé Césaire. Les toiles de Lam de la fin des années 1940 lui permettent de reprendre la main sur les paysages caribéens marqués par l'exploitation coloniale, comme sur les syncrétismes religieux issus de l'esclavage. On y voit aussi l'imaginaire fantomatique du Passage du milieu habiter l'œuvre d'artistes proches de Lam à l'époque comme l'éthiopien Skunder Boghossian. Dans les peintures du cubain Guido Llinas, on décèle également la survivance d'écritures afro-atlantiques sous forme de signes, qui étaient également utilisés par les mouvements Lettriste ou CoBrA.

Beauford Delaney (1901, États-Unis - 1979, France) James Baldwin

Dernière grande expo avant le ripollinage nécessaire de Beaubourg, Paris Noir en 2025 se dévoile dans un contexte politique ahurissant qui, parle d’effort de guerre, de plus travailler et de moins toucher pour cela - comme disait Boris Vian “ Faut que les gros puissent engraisser … “, en même temps, on coupe les aides à la Culture et la Ministre concernée ( par un procès pour avoir fait la pie chez Ghosn) prône un retour à la musique folkorique et que dire alors de Richard Ferrand nommé au Conseil Constitutionnel pour absoudre Marine le Pen des ses escroqueries européennes. Quel entregent ! On voudrait nous faire vivre bol à raie qu’on ne procéderait pas autrement … Mais bon, comprendre mieux le passé permet d’éviter les mêmes erreurs, alors profitons de cet espace pour remettre en perspective l’apport de la culture black dans le paysage d’ici . Et tout son intérêt, avec Echos, est de se démultiplier dans de nombreux lieux exogènes à Beaubourg, dont voici la cartographie en lien.

Bob Thompson (1937, Etats-unis d'Amérique - 1966, Açores, Madère) The Struggle

Jean-Paul Makossa, le 31/03/2025, reportage photo Pascal Therme
Paris noir Circulations artistiques et luttes anticoloniales, 1950 – 2000 -> 30 juin 2025
Centre Pompidou
Galerie 1, niveau 6 Place Georges-Pompidou 75004 Paris

24.03.2025 à 11:14

Le kaléidoscope vibrant de Rammellzee au Palais de Tokyo - éblouit

L'Autre Quotidien
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Rammellzee aura été l’artiste le plus complet de la galaxie hip-hop du siècle dernier, déployant sa vision de graf en MC, de l’écrit aux costumes, la sculpture et aux jouets, de la peinture aux installations et au cinéma avec son pote Jim Jarmush. Mort en 2010 oublié de l’establishment artistique US, cette rétrospective au Palais de Tokyo montre l’étendue de ses possibles et de ses réalisations. Go !
Texte intégral (2646 mots)

Rammellzee aura été l’artiste le plus complet de la galaxie hip-hop du siècle dernier, déployant sa vision de graf en MC, de l’écrit aux costumes, la sculpture et aux jouets, de la peinture aux installations et au cinéma avec son pote Jim Jarmush. Mort en 2010 oublié de l’establishment artistique US, cette rétrospective au Palais de Tokyo montre l’étendue de ses possibles et de ses réalisations. Go !

Alors que le « wild style » s’impose dans le graffiti pour décomposer des langages alternatifs et communautaires, pour donner un flow aux lettres statiques, RAMMELLZEE y voit une renaissance de la pratique des enluminures médiévales permettant à sa génération de reprendre le pouvoir sur les langages corrompus. Dans son traité publié en 1979, à lire comme un manifeste poétique, RAMMELLZEE déploie ses réflexions sur le langage et développe deux théories qui guideront ses recherches. Avec ce qu’il nomme le « Gothic Futurism » et l’«Ikonoklast Panzerism », RAMMELLZEE affirme qu’il est un descendant des moines du Moyen-Âge et se donne pour mission d’armer les lettres pour élaborer un langage métaphysique guerrier, contre les oppressions des mots et des signes. Pour déconstruire le langage, pour détruire les lettres existantes et leurs dominations, il faut en armer d’autres : ainsi l’ornement devient armement. Une démarche qui rejoint l’afro-futurisme de Sun Ra avec lequel il jammera aux débuts des 80‘s.

Au début des années 1980, RAMMELLZEE déploie ses recherches pour ampliffier son rapport au monde et manipule désormais le dessin, la peinture, la sculpture, la performance et la musique. Il déjoue les codes virilistes de la scène rap en développant une identité fluidifiée par un travail de costumes et de manipulation de sa voix avec un vocodeur. Il collabore notamment avec le Rock Steady Crew en tant que Maître de Cérémonie, et développe une intonation nasale, signature vocale qualifiée de « gangsta duck » qui aura une influence certaine sur les Beastie Boys, Cypress Hill ou encore MF Doom. En 1981, il est invité à figurer dans le film Wild Style de Charlie Ahearn. En 1982, il participe au New York City Rap Tour, première tournée mondiale des pionniers du hip hop américain, et passe par Londres et Paris. En 1983, Jean-Michel Basquiat produit son vinyle Beat Bop et signe le visuel de ce projet inspiré notamment par Madonna. A cette époque, RAMMELLZEE bouleverse la scène new yorkaise et inspire sa génération, en témoigne l’un des tableaux les plus célèbres de son ami et concurrent Basquiat, titré Hollywood Africans (1983), figurant les portraits de RAMMELLZEE, Basquiat et Toxic.

RAMMELLZEE s’affirme dans sa complexité et son envie de faire œuvre totale. Il participe à de nombreuses expositions, des États-Unis à Italie en passant par les Pays-Bas, et collabore avec les galeristes Barbara Braathen, Joe La Placa, Yaki Kornblit, Lidia Carrieri, Annina Nosei, Suzanne Geiss et d’autres… Les critiques Edit deAk, Sylvère Lotringer, Greg Tate et Franco Berardi écrivent sur son travail qui évite toute transparence et simplification. Une œuvre désormais souvent éclairée en lumière noire aussi politique que poétique.

RAMMELLZEE apparait dans le film Stranger Than Paradise de son ami Jim Jarmusch qui était fasciné par sa manière de penser et de créer par écho, en répétitions de gestes, de formes, de matières, de sonorités, de rythmes. Longtemps retiré dans ce qu’il nommait sa « Battlestation », lieu de vie, laboratoire expérimental en retrait et limité d’accès sauf pour les ami·e·s proches et celles et ceux qui lui ramenaient sa boisson favorite (la bière Olde English800, du nom de la typographie inspirée des manuscrits médiévaux), RAMMELLZEE meurt dans une profonde indifférence du monde de l’art en 2010. Son œuvre a depuis été exposée au Redbull Center à New York, à la galerie Deitch, au MoMA, a été récemment célébrée par le créateur Virgil Abloh et a fait l’objet d’une monographie publiée par Rizzoli.

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Conçue conjointement par le Palais de Tokyo et le Capc Musée d’art contemporain de Bordeaux, l’exposition « ALPHABETA SIGMA », pensée en deux mouvements, regarde le travail de l’artiste américain RAMMELLZEE (1960-2010) par les substances qui le composent. Sans vouloir prendre la forme de la rétrospective ou prétendre à l’exhaustivité, elle s’engouffre dans les méandres d’une pratique tentaculaire qui se manifeste aussi bien par l’écriture théorique et poétique, la peinture, la sculpture, la musique, la performance, le cinéma, les costumes et les bijoux… Autant d’éléments fluorescents dans la lumière noire, qui participaient à l’entreprise de guerre menée par RAMMZELLZEE contre le langage et sa violence. Une guerre qui se jouait aussi bien sur les murs des galeries d’art que dans l’espace, public ou cosmique.

L’exposition du Palais de Tokyo se focalise sur les surfaces sensibles du travail de RAMMELLZEE, tandis que celle du Capc tentera d’en faire la radiographie. La Face A porte donc notamment son attention sur les matières qui font le travail de l’artiste (l’écriture, la peinture, le spray, la résine, la lumière noire et les textiles) ainsi que ses motifs fondateurs (la lettre, la flèche et le masque) permettant à l’artiste de faire de l’ornement un armement (l’artiste utilisait le terme d’armamentation).

« MILITARY FUNCTION RAMM*ELEVATION*Z MILITARY FUNCTION FORMATION RAMM*SIGMA*LL*Z*SIGMA, SIGMA (E) THE FIRST SUMMATION OPERATOR FIRST L – LONGITUDE SECOND L – LATITUDE Z – Z-BAR E E – SUMMATION » - l’équation de l’œuvre de Rammelzee

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A peu près ahuri de tout ce que j’ai lu sur la démarche de Rammelzee qui, œuvrant à déployer son travail l‘approche de toutes les manières qui lui viennent à l’esprit -se voit traiter par la critique d’artiste allant complexifiant son travail d’étape en étape. Un peu comme si l’émergence d’une culture construite de toutes pièces , à un moment donné, se devait d’en donner des clés. On pense au David Lynch narquois “ Pourquoi s’obstiner à vouloir donner un sens à l’art, quand on s’avère incapable d’en donner un à sa vie. “ Après avoir vu l’expo au Palais de Tokyo, on en se pose qu’une question le CAPC de bordeaux va-t-il organiser des voyages pour les visites de la fac B de l’expo, à suivre bientôt. Narquois un jour , fan de hip hop le reste du temps … Allez-y, c’est magistral, insolite, prenant et ouvert .

Jean-Pierre Simard, le 24/03/2025 avec reportage photo de Pascal Therme
Ramellzee ALPHABETA SIGMA (Face A) - > 11/05/2025
Palais de Tokyo 13, avenue du Président Wilson 75116 Paris

20.03.2025 à 13:57

Réinventer le soleil avec Greentea Peng en mode combatif

L'Autre Quotidien
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Pas simple, surtout en Angleterre, d’être fille de peu - entendre par là, passer de HLM en HLM défavorisé - de Londres Sud à Hastings, et même en bord de mer. Mais cela ne change rien à l’affaire, avec des rêves en grand et une quête de sens - et de soleil ici - omniprésents. Aria Wells aka Greentea Peng retrouve et développe et la néo-soul et le trip hop de Bristol ou le dub londonien qui faisaient les grandes nuits des 90’s en version 2025. Et ça tape juste ; Tell Dem It’s Sunny avec amour, passion et ironie.
Texte intégral (941 mots)

Pas simple, surtout en Angleterre, d’être fille de peu - entendre par là, passer de HLM en HLM défavorisé - de Londres Sud à Hastings, et même en bord de mer. Mais cela ne change rien à l’affaire, avec des rêves en grand et une quête de sens - et de soleil ici - omniprésents. Aria Wells aka Greentea Peng retrouve et développe et la néo-soul et le trip hop de Bristol ou le dub londonien qui faisaient les grandes nuits des 90’s en version 2025. Et ça tape juste ; Tell Dem It’s Sunny avec amour, passion et ironie.

Greentea Peng  sort  son second album de 14 titres à la fois profondément introspectif et riche sur le plan sonore, à base de r’n’b spirituel, cru et psychédélique.  Vous pouvez chercher des correspondances autant du côté de Massive Attack que Erikah Badu ou Earl Sweetshirt, avec la culture actualisée des sound systems londoniens qui font le fond de la culture black depuis les 70’s. Elle y aborde autant la recherche de sa place dans le monde, l'essence brute de l’être humain et la relation complexe avec soi-même. Rien de très étrange puisque c’est le quotidien des gens de couleurs en Europe mais depuis peu, aussi en Angleterre avec la remontée des crétins d’extrême-droite qui essayent de récupérer les déçus du Brexit, comme Retailleau ici ou Jourdain Bordelleux en tête de gondole.

« Dites-leur ce que vous voulez. Exploration de l'auto-politique, des fils qui composent ce patchwork qu'est la vie, toute d'histoire, de pensée et d'émotion. Des hauts et des bas, des flux et des reflux. Cet album est la vague qui rejoint l'anse, une expiration, la fermeture d'un livre. Des morceaux collés de l'âme à la recherche de nouvelles pages. 

TELL DEM IT'S SUNNY, au-dessus du chemin nuageux de la recherche de soi. Merci d'avoir écouté ! » 

- Greentea Peng

Une voix d’enfant, imitant celle de sa mère, introduit le titre de l’album, nous rappelant le contexte transformateur dans lequel cette nouvelle œuvre de Greentea Peng prend forme. Le paysage sonore est humide et presque surnaturel. Des exclamations chamaniques se mêlent à des lignes de basse qui ondulent, comme la respiration profonde d’un esprit mystérieux de la jungle en repos. Greentea Peng laisse flotter une incantation sur ces notes fantomatiques, à la fois apaisante et pleine de confiance. L’invitation qui nous est faite est celle de l’inconnu, un appel à libérer de l’espace intérieur pour accueillir ce qui est à venir. un peu de l’eau qui coule sur la matière des 90’s, du connu vers l’inconnu, du pressentiment à l’accomplissement. Une maison dont chaque pièce reflète un rêve ou une merde, mais qui fait sens au fil de la visite et retrouver ses sensation en jachère, des morceaux d’oubli qui étaient bien là, mais planqués en arrière-fond et qui remontent aujourd’hui nantis d’une autre lumière. Et merci pour les putains de basse ! Super album, star en perspective.

Jean-Pierre Simard, le 24/03/2025
Greentea Peng - TELL DEM IT'S SUNNY - Greentea Peng

20.03.2025 à 13:45

Éphémère exposition boisée du siècle au Grand Palais ?

L'Autre Quotidien
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Le XIXe siècle fut celui de la fonte et de l’acier, cela a duré un siècle ; le XXe siècle fut celui du béton, cela a duré un siècle ; c’est aujourd’hui le siècle du bois et des matériaux biosourcés. C’est à chaque fois un véritable renouvellement architectural. L’architecture demeure, c’est la construction qui change ». Le 14ème Forum International Bois Construction (FBC) s’est tenu au Grand Palais à Paris du 26 au 28 février 2025. Etait-ce la plus grande exposition d’architecture de l’année ?
Texte intégral (2206 mots)

“ Le XIXe siècle fut celui de la fonte et de l’acier, cela a duré un siècle ; le XXe siècle fut celui du béton, cela a duré un siècle ; c’est aujourd’hui le siècle du bois et des matériaux biosourcés. C’est à chaque fois un véritable renouvellement architectural. L’architecture demeure, c’est la construction qui change”. Le 14ème Forum International Bois Construction (FBC) s’est tenu au Grand Palais à Paris du 26 au 28 février 2025. Etait-ce la plus grande exposition d’architecture de l’année ?

Il ne fallut pas longtemps pour trouver Philippe Madec qui incarne aussi bien l’âme du lieu que l’âme de la foire. Le stand d’(apm) & associés* n’est qu’un parmi la centaine d’agences en démonstration mais la satisfaction bonhomme de l’architecte dit tout du plaisir de l’hôte de ces bois d’accueillir le visiteur. De quelque endroit de la galerie, la vue est imprenable sur la manifestation : les cabanons des industriels, deux auditoriums au design efficace, particulièrement réussis et qui donnent envie, du monde dans les allées et l’assurance tranquille que donne la certitude de l’entre-soi des vainqueurs, la construction bois devenue une évidence.

Le paradoxe est de découvrir cette démonstration parfaitement orchestrée et emprunte de bonnes intentions écologiques dans un bâtiment, le Grand Palais, dont le seul bois utilisé lors de son édification était celui du manche à balai du concierge. Philippe Madec de remarquer : « Le XIXe siècle fut celui de la fonte et de l’acier, cela a duré un siècle ; le XXe siècle fut celui du béton, cela a duré un siècle ; c’est aujourd’hui le siècle du bois et des matériaux biosourcés. C’est à chaque fois un véritable renouvellement architectural. L’architecture demeure, c’est la construction qui change », dit-il. Soit.

Du haut de la galerie, salué par tous comme un Jedi, le héraut de la frugalité heureuse se souvient avoir démarré ses études à UP7 (Unité pédagogique d’architecture numéro 7) exactement ici, dans le Grand Palais, sous la coupe de l’atelier Ciriani/Maroti ; c’est dire si, né en 1954, Philippe Madec était prédestiné. Évidemment donc qu’il était là pour l’occasion et évidemment donc qu’il est ému de boucler dans cet endroit, quarante ans plus tard, la boucle de son engagement en faveur de la construction bois avec cet évènement qui remplit le Grand Palais et dont il est une sorte d’invité honoris causa.

Ce qui frappe en premier lieu est la profusion d’agences et de projets qui garnissent toute la galerie du Grand Palais, un mini marathon d’en faire le tour : c’est la plus grande exposition architecturale de l’année ! Certes entièrement et seulement dédiée au bois – même si la mixité des matériaux fait désormais consensus – mais plus de 100 agences sont représentées, les agences historiques de l’architecture bois bien sûr, mais encore plein de jeunes agences inconnues avec des projets vraiment intéressants ici où là, et bien sûr toutes les agences nouvelles converties, que d’aucuns s’étonnent parfois de retrouver là. Enfin les agences qui, avec leurs gros sabots en bois, volent au secours de la victoire.

Comment en vouloir aux architectes quand ce sont les maîtres d’ouvrage qui insistent sans faire la différence entre canal historique et nouveau lobby vert ? De fait, les élus locaux sont contents de se satisfaire d’une politique du bois, soutenue au plus haut niveau, qui sert de cache-misère à une authentique politique durable. Du bois, lequel ? En quels volumes ? Une industrie ? Quelle place pour les artisans et les PME ? Et l’eau ? Et l’air ? Il leur est plus aisé d’éviter les questions qui dérangent avec des symboles glorieux et démonstratifs de leur bon vouloir, telle tour en bois forcément totemique ici ou tel autre bâtiment biosoucé évidemment iconique là. Les architectes sont opportunistes, à juste titre. Ils répondent aux vœux de leur maître d’ouvrage et il y a quarante ou cinquante ans de tels forums étaient dédiés à la construction en béton et 100 ans plus tôt des foires faisaient la démonstration des bienfaits de l’acier. Les mêmes étaient déjà là et comptaient les bouses.

Pour autant, si la sortie du premier numéro de Séquence Bois date de 1994 – le magazine a fêté ses 30 ans en octobre 2024 – et les questionnements climatiques sont depuis et au fil des années 2000 devenus de plus en plus pressants, la profusion étalée au Grand Palais démontre qu’en effet le temps des pionniers, qui parlaient du Voralberg avec des bûches dans les yeux, est révolu. Aujourd’hui, une génération entière est dotée de ce savoir-faire et l’architecte qui ne sait pas construire en bois une école ou un gymnase peut devenir accompagnateur Renov’. De fait, il faut espérer que demeurent dans les écoles des ateliers bétons, des purs et durs, jusqu’au diplôme, justement pour préserver ce savoir-faire dont les architectes en France sont encore champions. Rudy Ricciotti au musée, vous allez voir qu’Henri Ciriani va finir par nous manquer…

Toutefois, le siècle est encore jeune et, pour le bois, ne pas sous-estimer l’effet passion qui perdure et qui n’est pas qu’opportunisme. À découvrir en cette galerie éphémère certains projets qui suent la dévotion, c’est à se demander comment l’agence gagne sa vie. Pour autant, des bâtiments utilisant le bois ont déjà 20 ans et, pour certains, cela se passe mieux que pour d’autres. Il demeure que le retour d’expérience est la règle pour toutes les innovations architecturales, quels que soient le siècle, les matériaux et le talent des architectes. Dont acte.

De plain-pied, les stands des industriels, en bois évidemment, font penser à une sorte de mini Batimat mais dans un site qui a de la classe et tellement lumineux que n’importe quelle manifestation en son sein y gagne en élégance. C’est ici par exemple qu’eurent lieu les épreuves d’escrime des jeux olympiques. Si ce n’est pas un bâtiment réversible… Aujourd’hui, des architectes sont venus ici chercher des solutions techniques et ils les trouvent. L’innovation accompagne la demande.

Impossible de détailler la multitude de conférences, vingt minutes chacune, qui se sont tenues au fil de ces trois jours mais le programme – facilement accessible en ligne – rend compte de la richesse des évolutions de la pensée qui sont désormais plus que de simples éléments de langage, même si ces derniers demeurent.

De fait, la question de la ressource est assez vite évacuée. Le projet de la Cité Policière de Cayenne signé Ameller Dubois, équipement bioclimatique en chantier mettant en œuvre le bois d’Angélique, essence emblématique de la Guyane, est exposé et démontre encore l’intérêt et la diversité, comme un certain nombre d’autres maquettes, de l’architecture en bois quand la ressource est locale et abondante.

La question de ce que réserve l’avenir de l’industrie du bois à l’échelle de la métropole demeure cependant posée, surtout si la demande en vient à excéder les capacités de production made in France. Quelles forêts ? Quelle reconstruction après toutes ces guerres ? Se souvenir que le pays du Cèdre, comme nombre d’îles en Méditerranée, a vu ses forêts entièrement rasées pour la construction de bateaux de guerre romains. Aujourd’hui, quand elles ont repoussé, elles brûlent… Du bois en quelle quantité ? De quelle origine ? Jusqu’à quand ? Quelle alternative au bois quand il n’y en a pas assez, ou plus, ou qu’il est juste bon à faire brûler les chats ?

Malgré la réussite de cette manifestation, demeure le souci de l’injonction comme en témoigne ce forum mono orienté à l’atmosphère chalet bienveillant finalement étouffante. Il doit – devrait – revenir à la femme ou l’homme de l’art de décider, sans a priori, quels matériaux sont les mieux adaptés au projet selon le vœu et le budget du maître d’ouvrage. Libre de ses choix sans doute, l’architecte qui sait son métier saura les combiner au mieux pour des ouvrages contemporains en symbiose avec leur environnement intellectuel et contextuel.

Enfin, ce forum, justement parce qu’il a lieu au sein de ce monument de fonte et de verre qui passe les siècles, invite à la modestie. « Il faut revenir à la diversité, à l’universel, la diversité c’est l’universel concret », convient Philippe Madec.

Christophe Leray, le 24/03/2025
Ephémère exposition du siècle au Grand Palais

* Ecouter notre Podcast #04 – Philippe Madec, de la frugalité heureuse, dit-il et en savoir plus sur l’œuvre de Philippe Madec

20.03.2025 à 13:33

La Ferme du buisson et ses spectres tactiques interpellent

L'Autre Quotidien
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La voix des morts occupe une place centrale dans les réflexions contemporaines. Les morts ont encore leurs mots à dire et leur part de travail à effectuer. Par délégation bien entendu, mais ils sont présents, car bien représentés. Une exposition collective à la Ferme du buisson interpelle le passé au présent de l’art.
Texte intégral (1078 mots)

La voix des morts occupe une place centrale dans les réflexions contemporaines. Les morts ont encore leurs mots à dire et leur part de travail à effectuer. Par délégation bien entendu, mais ils sont présents, car bien représentés. Une exposition collective à la Ferme du buisson interpelle le passé au présent de l’art.

Assoukrou Aké, Les perfection-nés et le sacrifice de maturité, 2022, acrylique et crayon graphite sur contreplaqué gravé, 366 x 244 x 6 cm, Courtesy Ellipse Art project © l’artiste et Adagp — Paris, 2025 © Photo Théo Pitout

Comment les défunts insistent-ils, à travers le temps, pour nous tenir en question ? La voix des morts occupe une place centrale dans les réflexions contemporaines, qu’elles soient artistiques, littéraires, dramaturgiques, philosophiques, notamment chez des artistes qui articulent des appartenances diasporiques, transculturelles ou minoritaires. Orienté autour de la notion d’hantologie, pour citer le néologisme du philosophe Jacques Derrida dans son ouvrage Spectres de Marx, ce projet s’attache à présenter des œuvres ou des interventions qui portent en elles des voix du passé.

À travers elles s’expriment les irréconciliables contradictions dont nous héritons : des mirages de la modernité aux cendres du continuum colonial. S’il n’existe qu’un présent trouble et lourd de complexités dans lequel nous naviguons, les pratiques d’ancestralité ou de généalogie nous enseignent comment nous construire des lignées affectives et intellectuelles à travers le temps et entrer en conversation avec les spectres qui nous entourent.

Interpeller le passé au présent de l’art, lutter contre l’abêtissement proféré par Bolloré et consort…  A voir pour éviter de se laisser piéger par les diffuseurs de malheur.

Bill Prokosh, le 24/03/2025
Exposition collective - Tactical Specters -> 13/07/2025

La Ferme du Buisson Allée de la Ferme Noisiel 77186 Marne-la-Vallée

Chiara Fumai, I Did Not, 2020 — Installation, CAC Genève Courtesy de l’artiste

Avec les artistes Assoukrou Aké, Nils Alix-Tabeling, Vir Andres Hera, Chiara Fumai, Coco Fusco, Hamedine Kane, Belinda Kazeem-Kamiński, Élise Legal, Joshua Leon, Anne Le Troter, Anouk Maugein et Lorraine de Sagazan, Jota Mombaça, Publik Universal Frxnd, Samir Ramdani et Euridice Zaituna Kala.

20.03.2025 à 13:15

Ash Aurich vous tatoue en format timbre

L'Autre Quotidien
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L’artiste tatoueuse new-yorkaise Ash Aurich a trouvé une manière ingénieuse de rendre hommage aux chefs-d’œuvre de l’histoire de l’art avec ses tatouages en forme de timbre-poste. Utilisant une technique de fine ligne avec des ombrages délicats, elle crée des compositions rectangulaires aux bords crantés, représentant des figures romantiques et religieuses inspirées de la Renaissance.
Texte intégral (980 mots)

L’artiste tatoueuse new-yorkaise Ash Aurich a trouvé une manière ingénieuse de rendre hommage aux chefs-d’œuvre de l’histoire de l’art avec ses tatouages en forme de timbre-poste. Utilisant une technique de fine ligne avec des ombrages délicats, elle crée des compositions rectangulaires aux bords crantés, représentant des figures romantiques et religieuses inspirées de la Renaissance.

Aurich puise son inspiration chez des maîtres tels que Johannes Vermeer et Le Caravage, dont l’attention aux détails, l’utilisation de la lumière et de l’ombre, et la maîtrise de l’anatomie humaine se traduisent magnifiquement en tatouages.

Je voulais capturer l’essence de ces chefs-d’œuvre d’une manière unique et captivante. Avoir l’opportunité de tatouer ces motifs sur d’autres personnes qui apprécient l’art est une expérience enrichissante.

Elle souligne l’importance que les émotions et les récits de chaque portrait résonnent avec le porteur, surtout à cette petite échelle. Actuellement en résidence à l’Atelier Eva, Aurich propose des créneaux pour mars et avril à New York. Bien que les tatouages présentés ici soient des modèles flash, elle réalise également des compositions personnalisées.

(Plus de ses œuvres sur son compte Instagram ici)
Toutes les photos: crédits Ash Aurich alias inkedbyash.

Elliot Naze, le 24/03/2025
Les tattoo timbres d’Ash Aurich

20.03.2025 à 13:00

Perspective tempêtueuse avec Charlotte Monégier

L'Autre Quotidien
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Servi par une langue bien particulière, toute de poésie ambivalente, un roman de mémoires divergentes et d’épouvante tranquille, où le drame passé modèle le présent de manière fort inattendue.
Texte intégral (2984 mots)

Servi par une langue bien particulière, toute de poésie ambivalente, un roman de mémoires divergentes et d’épouvante tranquille, où le drame passé modèle le présent de manière fort inattendue.

La petite fille est morte, sa mère aussi. Elles ont les joues bleues des corps léchés par la mer et leurs jambes sont couvertes de sel. Sur leurs bras blancs, le cheminement des veines trace un dernier souvenir de vie. Les pompiers arrivent, se précipitent ; les sirènes hurlent. Un homme sort de l’eau. Il a ôté sa chemise et cache son visage dans ses mains. Il ne crie pas, il ne pleure pas. Il sait que c’est trop tard. La petite robe rouge flotte toujours sur l’estuaire de la Dives. Elle semble figée là pour l’éternité, malgré le ressac, malgré les tourbillons.
Deux fillettes se font face, l’une est brune aux yeux noirs, l’autre est rousse aux yeux verts. Elles se tiennent droites, poings serrés, et s’échangent des regards inquiets.
– C’est ta faute !
– Non, c’est la tienne. Je t’ai vue.
Pour elles, l’enfance est terminée.

Il y a bien des années, un drame a eu lieu en Normandie, à l’embouchure de la Dives. Une fillette s’est noyée. Trois femmes en ont été marquées à jamais, qu’elles le sachent ou non, qu’elles aient conservé une vision claire ou pas de ce qui s’est passé ce jour-là. Aube a longtemps – et peut-être toujours – rêvé de la capitale, mais s’est vue condamnée à rester vivre dans ce bocage qu’elle déteste, au cœur d’une campagne littorale qui l’oppresse et lui rappelle sans cesse toute la vie qu’elle a manqué. Aurore, sa fille, qui adore au contraire ces rivages normands, hérite de la lourde tâche de réaliser les rêves d’émancipation de sa mère, par personne interposée, en partant étudier à Paris. Borée, énigmatique en diable, et qui deviendra au moment opportun la meilleure amie, très exclusive, d’Aurore, semble attendre son heure, et ourdir en secret une possible machination que l’on devine, à bien des signes, effrayante.

Trois femmes aux destins étroitement enchevêtrés, qui ne tiendront néanmoins peut-être pas la place attendue d’abord par la lectrice ou le lecteur sur le diabolique échiquier des sentiments et des souvenirs élaboré par Charlotte Monégier.

À la gare de Caen, sur le quai, mes mains tremblent. J’invente des flocons de neige qui s’ébattent dans un vent trublion ; ils viennent glace mon nez, me pénètrent et se mêlent à ma respiration. Ils sentent la fin de quelque chose. Je ferme les yeux. Au fond, je sais bien que ces flocons n’existent pas. Si je les imagine, c’est pour éviter d’affronter ce qui me fait vraiment peur. Je ne tremble pas parce que j’ai froid. Je tremble parce que je m’apprête à quitter ma mère.
Je l’observe. Elle paraît si calme, si heureuse. D’une main délicate, elle serre son sac contre son ventre. Je me demande un instant si, elle aussi, me cache des choses. Puis j’abandonne l’idée. Je veux me concentrer sur son sourire. Il fait le tour de son crâne et ses lèvres forment un horizon sans fin. Je ne peux pas lui dire que Paris me terrifie. Je ne peux pas la regarder en face et lui avouer : « Je préférerais rester là, maman, auprès de toi, dans ce qui a toujours été ma vie. » Elle ne s’en remettrait pas.
J’ai l’habitude de modifier ma réalité, de la rendre plus chaude ou plus froide selon la température de mon coeur. Je ne sais pas encore très bien s’il s’agit pour moi de voir ce que d’autres ignorent ou alors, de bouleverser mon quotidien pour qu’il m’ennuie moins. Je peux changer des blessures en ravines sauvages. Prendre la lune pour une porte ouverte. Souffler sur un tas de bois pour créer une tornade, haute et silencieuse, et parler aux fleurs tout en jouant avec les galaxies. Je ne suis pas sorcière, non, j’adore seulement la poésie. Grâce à elle, je m’enfuis. Mais dans cette gare, je ne peux rien transformer. Je vais devoir monter dans ce train et partir loin d’ici. D’ailleurs, voilà que les flocons de neige ont cessé leurs mouvements. Voilà que je ne tremble plus.

Publié en octobre 2024 dans la collection Territoires de Calmann-Lévy, « Ne t’inquiète pas des tempêtes » est le premier roman de la jeune poétesse et nouvelliste Charlotte Monégier, dont on avait apprécié le recueil « Voyage(s) » de 2021, après deux de ses nouvelles en anthologie Antidata« Valise », dans « CapharnaHome », formidable mise en scène d’un voyage immobile, ou « Tout ce que tu fais est merveilleux », dans « Douze cordes », défendant le pouvoir de la musique, à préserver coûte que coûte.).

« Ne t’inquiète pas des tempêtes » nous offre d’abord le choc de deux décors, celui d’une campagne littorale normande qui évoque aussi bien par moments le « Blockhaus » de Mathieu Larnaudie que les échappées bocagières enflammées de « L’île batailleuse » de Nicolas Rozier, et celui d’un Paris à la fois parfaitement anodin et terriblement souterrain, tel qu’on le trouvait par exemple dans le « Sous le ciel vide » de Raphaël Nizan. Mais le choc de ces décors est avant tout un choc de mémoires et, davantage encore, d’interprétations de ces mémoires : c’est par le souvenir et le vécu profondément divergent qu’ont développé trois femmes à partir du même terrible accident, longtemps auparavant, que s’élabore un thriller faussement bucolique et parfaitement machiavélique, tirant du côté du film d’horreur potentiel comme de l’inquiétante étrangeté qui hantait le « Élise et Lise » (2017) de Philippe Annocque.

Ainsi apparaît un roman d’épouvante tranquille, accédant à une puissance encore supérieure grâce à sa langue bien particulière, certainement nourrie du travail poétique de l’autrice, une langue qui semble capable de véhiculer simultanément le diaphane et l’insondable, le mystère et la (fausse) évidence, le prétendument simple et l’effroyablement complexe.

Je suis née en Normandie, entre la mer et la campagne. Ma mère a poussé des cris de souffrance sous le toit de chaume. Mon père lui tenait la main ; il l’a serrée si fort que les marques de ses ongles sont restées longtemps dans sa paume. Chez nous, il y avait toujours le feu qui brûlait dans la cheminée et cette longue table en bois où nous soupions. Par terre, la paille semblait vouloir réchauffer l’atmosphère, sans jamais y parvenir. Je ne ressentais que le froid. Il a fixé mon enfance dans un paysage de sel et de terre ; la mer avalait la campagne entière, les champs étouffaient les marées, et tous ces éléments s’entremêlaient pour former un chaos vaseux et gelé, incapable d’ordre et de beauté. Avec les années, l’eau s’est incrustée dans ma peau. La bourbe a marqué des crevasses et des sillons, encrassant à son passage chaque pore, chaque cavité. J’ai souvent plongé mon visage dans la mer de Normandie et lorsque je revenais chez mes parents, dans les prés noirs du dedans, vers Gacé, je devais mettre à nouveau les mains dans la fange et les pieds dans le fumier.
Personne ne peut imaginer la saleté qu’on garde de ces choses-là.
Parfois je lèche la paume de ma main, alors je suis comme les vaches de mon père. Je sors une langue glutineuse et mouillée, et je parcours avec elle la surface de mon épiderme. Je respire au creux de mon poignet. Je ferme les yeux, mon nez devient naseau. Un instant, je pense retrouver l’effluve de mon existence, l’émanation parfaite de mon enfance, de mon adolescence et de ma vie d’adulte entière ; un air que mes couches de peaux, fermes comme le cuir, auraient su retenir. Je n’ai pas aimé ma jeunesse, encore moins ma vie de femme, et pourtant, j’y suis liée. J’ai sous les ongles et dans le sang des eaux montantes et descendantes. J’ai dans mes larmes la pluie qui trempe les plages, la mer qui noie les plantes. J’ai dans le ventre des bourrasques agressives qui volent jusqu’aux carreaux de ma chambre d’enfant et qui frappent, sans relâche, mes nuits d’insomnies. Mes pieds sont pleins de boue et mon cœur est un peu givré ; les enfances près des bêtes sont froides et solitaires.
Parfois aussi, je sens les traces des baisers de ma mère sur mes cheveux. Elle aimait déposer ses lèvres dans mon cou et me caresser de mots doux. Ma mère s’appelait Ange et c’était un ange. Elle était le seul visage aimé de mes petites années. Mon regard comme le sien, vert d’eau à la forme ronde, il n’a cessé de m’habiter. Un jour, elle m’a prise à part : « Je sais que tu rêves beaucoup, petite Aube. Mais ta vie n’ira pas au-delà de ces champs. Tu es née femme, tu es née à la campagne. C’est ainsi. »
Je l’aimais passionnément, mais son renoncement est devenu ma bataille. Je me suis promis de ne pas grandir au milieu des arbres. Promis d’aller voir ailleurs, plus loin, plus haut, si j’y étais. Je n’ai pas su imposer mes rêves. Me voilà prise dans des racines exsangues, des algues noires qui m’agrippent, et je l’assure : l’enfer a le charme de la mer qui tangue au loin sur Dives-sur-Mer.

Hugues Charybde, le 24/03/2025
Charlotte Monégier - Ne t’inquiète pas des tempêtes - Calmann-Lévy

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16.03.2025 à 11:40

Banlieues Bleues 2025 : le jazz dans tous ses éclats

L'Autre Quotidien
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Un peu incontournable et très intéressante la 42 ème édition de Banlieues Bleues a ouvert le 14/03 et va infuser du son jusqu’au 11/04. Autour des concerts du Festival comme de la Dynamo, les Actions musicales de Banlieues Bleues se placent dans une démarche alliant sensibilisation, pratique musicale et formation des publics. Parcours d’éducation artistique et culturelle, ateliers, résidences, master-class, concerts-rencontres, conférences, projets participatifs, ces modes d’interventions sont aussi variés que les publics auxquels elles s’adressent, provenant d’écoles, de collèges ou de lycées, de conservatoires, d’associations de quartiers, de musiciens amateurs…
Texte intégral (1492 mots)

Un peu incontournable et très intéressante la 42 ème édition de Banlieues Bleues a ouvert le 14/03 et va infuser du son jusqu’au 11/04. Autour des concerts du Festival comme de la Dynamo, les Actions musicales de Banlieues Bleues se placent dans une démarche alliant sensibilisation, pratique musicale et formation des publics. Parcours d’éducation artistique et culturelle, ateliers, résidences, master-class, concerts-rencontres, conférences, projets participatifs, ces modes d’interventions sont aussi variés que les publics auxquels elles s’adressent, provenant d’écoles, de collèges ou de lycées, de conservatoires, d’associations de quartiers, de musiciens amateurs…

Dans le vaste tour d’horizon musical qu’offre le 42ème  Festival Banlieues Bleues, se dégagent un bon nombre de propositions qui ouvrent de nouvelles perspectives à la musique, illustrant l’insatiable créativité d’artistes qui repoussent sans cesse les limites de leur art. Amateurs et amatrices d’inentendu, ne manquez pas les sons hypnotiques de Muqata’a (le 14 mars à Saint-Denis), le réenchantement des bruits ordinaires par Lia Kohl (le 17 mars à la Dynamo), l’improvisation sans limites de genres de Fred Frith et Susana Santos Silva (le 17 mars à la Dynamo), Clara Lévy, Sophie Agnel (le 19 mars aux Instants Chavirés, Montreuil), Pomme de Terre et Sakina Abdou, les hallucinantes boucles de Bill Orcutt avec son Guitar Trio (le 24 mars à la Dynamo), les rituels de transformation de Gaister (le 25 mars à la Dynamo) et Transformé de Fanny de Chaillé et Sarah Murcia (les 26 mars et 2 avril au TPM, Montreuil), la rencontre choc des Egyptiens Abdullah Miniawy et Maurice Louca (le 22 mars au Printemps des Humanités, Aubervilliers), les sons extra-atmosphériques d’Olivier Lété et la forêt luxuriante de Rafael Toral (le 7 avril à la Dynamo). Et laissez-vous transporter par la musique !

La programmation in extenso : vous cliquez et vous rriverez sur les pages dédiées…

lun 17 Mar - LIA KOHL + FRED FRITH & SUSANA SANTOS SILVA PANTIN 20:30

mer 19 Mar CLARA LÉVY + SOPHIE AGNEL Song Montreuil 20:30

jeu 20 Mar CÉCILE MCLORIN SALVANT Stains 20:30 Navette

ven 21 Mar EXPÉKA Romainville 20:30 Concert debout

sam 22 Mar dans le cadre du Printemps des Humanités, Campus Condorcet ABDULLAH MINIAWY & MAURICE LOUCA Aubervilliers 20:30

lun 24 Mar POMME DE TERRE + SAKINA ABDOU + BILL ORCUTT GUITAR TRIO with Ava Mendoza and Shane Parish PANTIN 20:30

mar 25 Mar GAISTER + Charlie Hope PANTIN 20:30

mer 26 Mar FANNY DE CHAILLÉ ET SARAH MURCIA Transformé Montreuil 20:00

jeu 27 Mar CALIFATO 3/4 Paris 20:30

ven 28 Mar LEX AMOR PANTIN 20:30 Concert debout

sam 29 Mar JOWEE OMICIL SpiriTuaL HeaLinG Bwa KaYimaN FreeDoM SuiTe Stains 20:30 Navette

mar 01 Avr ARAT KILO FEAT. MAMANI KEITA & MIKE LADD Pantin 20:30 Concert debout


mer 02 Avr FANNY DE CHAILLÉ ET SARAH MURCIA Transformé Montreuil 20:00


jeu 03 Avr NUBIYAN TWIST Find Your Flame CLICHY-SOUS-BOIS 20:30 Navette

ven 04 Avr Deena Abdelwahed Jbal Rrsas Live Set + AÏTA MON AMOUR Tremblay-en-France 20:30 Concert debout | Navette

sam 05 Avr STOGIE T + MOONCHILD SANELLY + PÖ (live) SAINT-OUEN 20:00 Soirée debout

dim 06 Avr JUPITER & OKWESS Épinay-sur-Seine 17:00 Concert debout

lun 07 Avr OLIVIER LÉTÉ Trucking + RAFAEL TORAL PANTIN 20:30 Soirée debout

jeu 10 Avr ARCHETYPAL SYNDICATE Happy Transmutation + BLACK FLOWER PANTIN 20:30 Soirée debout

jeu 10 Avr CELIA KAMENI, CLAIRE LAMOTHE,CHARLES AMBLARD Krisis Paris / Aubervilliers 19:30

ven 11 Avr ARTICLE15 + ANGRY BLACKMEN + DEF MAMA DEF Aubervilliers 20:30 Soirée debout

Bon festival à vous ! Enjoy, c’est du service public !

Jean-Pierre Simard, le 17/03/2025
Festival Banlieues Bleues 2025 - lieux divers -> 111/04/2025

15.03.2025 à 13:10

kxdgraphics réinvente les logos à la sauce 80's : rétro c'est t(r)op !

L'Autre Quotidien
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Le designer tchèque Kostya Petrenko, alias kxdgraphics, s’est amusé à réimaginer les logos en version années 80 en leur insufflant une bonne touche rétro. Son projet en cours donne une nouvelle vie à de célèbres marques en transformant leurs designs épurés en versions évoquant l’ère des jeux d’arcade et des néons lumineux, sans toutefois tomber complètement dans le cliché des jeux vidéos d’époque.
Texte intégral (1332 mots)

Le designer tchèque Kostya Petrenko, alias kxdgraphics, s’est amusé à réimaginer les logos en version années 80 en leur insufflant une bonne touche rétro. Son projet en cours donne une nouvelle vie à de célèbres marques en transformant leurs designs épurés en versions évoquant l’ère des jeux d’arcade et des néons lumineux, sans toutefois tomber complètement dans le cliché des jeux vidéos d’époque.

Chaque refonte intègre des dégradés audacieux, une typographie massive et des palettes de couleurs vives typiques des années 80. Pour parfaire l’effet rétro, Kostya ajoute un filtre CRT TV, donnant l’impression que les logos scintillent sur les vieux téléviseurs à tube de notre enfance.

Son style unique associe des textures et des effets visuels caractéristiques des années 80, tout en jouant sur l’ironie et la nostalgie. En détournant des logos modernes, il propose une expérience visuelle qui ravive les souvenirs des anciens magnétoscopes et des ambiances lumineuses aux néons colorés.

En réimaginant les logos de marques célèbres, kxdgraphics parvient à créer un pont entre le passé et le présent (même si certaines fonctions de ces nouvelles marques existaient dans les années 1980), invitant les spectateurs à redécouvrir des icônes modernes sous un angle nostalgique.

Voici quelques logos en version années 80 par kxdgraphics. Et, plus de ses créations sur son compte Instagram ici ou sur sa page Behance là.

JIm Morrisong, le 17/03/2025
kxdgraphics réinvente les logos à la sauce 80's

15.03.2025 à 12:38

Blasé envoie son Blablabla et ça fait sens. Unique !

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S’il emprunte son pseudo accentué à une tuerie mythique d’Archie Shepp, (avec la chanteuse Jeanne Lee), Romain Hainaut est un auteur, compositeur, arrangeur, producteur et chanteur pas trop adepte du cynisme de sa/ses profession(s) . Versatile, une fois mais pas que, au fil de 15 titres éparpillés façon puzzle. Développement.
Texte intégral (1363 mots)

S’il emprunte son pseudo accentué à une tuerie mythique d’Archie Shepp, (avec la chanteuse Jeanne Lee), Romain Hainaut est un auteur, compositeur, arrangeur, producteur et chanteur pas trop adepte du cynisme de sa/ses profession(s) . Versatile, une fois mais pas que, au fil de 15 titres éparpillés façon puzzle. Développement.

Le trentenaire franco-américain aime Bill Withers, 50 Cent, The Cure et les Strokes, et alors ? Avant de s’établir il y a huit ans à Paris, Romain grandit à New York avec des parents qui lui transmettent le virus de la musique, à tel point que leur bibliothèque iTunes devient son terrain de jeu privilégié. Attiré par le saxophone qui traîne à la maison, il prend des cours dès ses 9 ans mais finit par décourager son professeur. La révélation lui vient de l’écran de cet ordinateur familial où il se met à composer sur Garageband, avec Dr. Dre et le label parisien Ed Banger comme lumières à suivre. Il contacte par mail un label français qui accroche direct sur ses instrus et il signe à 15 ans son premier contrat d’édition. Durant ses études à Montréal, il fait connaissance d’une autre Franco-américaine, Anna Majidson, avec laquelle il fonde le duo Haute. Tous deux revenus en France à la fin de leurs études, leur carrière décolle, avec un album paru en 2020, et en point d’orgue le hit « Shut Me Down » dont la session Colors cumulera plus de 30 millions de vues. En parallèle, il officie en tant que producteur pour Anna en solo, ainsi qu’avec le rappeur montréalais Rowjay, Niro, Jwles, Le Lij, Rad Cartier, Timothée Joly, Ehla Luciani, Lala&Ce et DJ Pone.

Le duo Haute mis en veille (définitive ou non, l’avenir le dira), Romain s’attèle au décollage de sa fusée Blasé. Invité à poser sa voix par Agoria sur le titre « You’re Not Alone », le voilà qui se prend au jeu du micro. Le chant s’impose comme une constante de son projet qui prend forme en 2023 à travers l’EP Pourquoi Blasé ?. En ce début 2025, ce premier album se pose comme un manifeste personnel de ses obsessions sonores qui ouvrent presque autant de pistes. Mais pas question de les prendre à toute vitesse ou à contresens, au risque des collisions et de la tôle froissée. BLABLABLA impose une circulation qui respecte les règles de conduite dans le sens d’une quête du groove commune. Grâce à ses oreilles éduquées aux radios et aux charts d’outre Atlantique, il honore cette vision généreuse de la pop qui englobe hip-hop old school, R&B, jazz, funk, disco et new-wave. Naviguer entre différents styles à la manière des artistes américains ne fait même pas débat. Ainsi passe-t-on sur BLABLABLA d’un studio hanté par Quincy Jones à une cave où répète The Cure de Boys Don’t Cry . Souvent conscientes, les inspirations de Romain témoignent parfois d’une grande inconscience. « Instant Magique » convoque le phrasé de Serge Gainsbourg, l’esprit de la bossa nova et les cuivres de Kool and the Gang. « Different Mind » et « Ange » renvoient à l’ancienne et à la nouvelle cold-wave, celle qui a rebondi via TikTok, là où « Mirror » et « I Know You » rembobinent les années 80 des Stranglers et Dire Straits. Bill Withers et St Germain se croisent sur « Ice Comfortable », MC Solaar et la BO de Matrix  sur « Jacques ». « I Need It (From You) » enregistré avec le regretté Cola Boyy, adresse un clin d’œil aux Bee Gees, « Chemicals » réalise le rêve d’un Drake en mode cumbia, « Faces » marie les atmosphères trip-hop de Zero 7 aux mélodies magiques d’America, quand « Free » réunit DJ Premier et « Sure Thing » de St Germain. « It Feels So Good » paie son coup à Chic et Benny Sings, « Super Strong » déploie la puissance de Justice et de Van Halen, et « Maria » rêve des guitares des Deftones. Soit le reflet de l’insatiable gourmandise de Blasé, petit démon incapable de rester dans sa boîte et qui pose sa guitare sur tous les titres. Quant au travail sur les voix, il assure la cohérence de l’œuvre, autant pour la sienne que celles de ses proches invités (Anna Majidson, Jwles, Cola Boyy…) dont chaque nuance imprime son monde.

Quand il passe au micro, il chante l’amour selon toutes ses variations : il se sent fort, il la sent comme son miroir, il se sent pousser des ailes. En français ou en anglais, sa voix ne se fait jamais blasée, tout juste indolente, toujours dans l’émerveillement, inscrite dans cette lignée légère qui, de Pierre Vassiliu à Voyou, excelle dans l’art du chant faussement naïf, juste en apesanteur. Tel un Flavien Berger en mode funky groovy, elle le pose idéalement au carrefour du hip-pop où se croisent tous ses fantasmes musicaux. Côté mixage, du beau monde se partage le boulot (Neal Pogue, Stéphane Alf Briat, Pierrick Devin, I:Cube, Bambounou) pour un résultat à la hauteur de son défi : 15 tracks - 15 claques. Malgré son titre, pas de temps mort ni de bavardage inutile, mais un « BLABLABLA » qui reflète une envie de s'exprimer librement et sincèrement en tant qu’artiste accompli. « J'aimerais bien qu'on passe la vie ensemble, toi et moi » chantait-il sur le titre « J’aimerai » qui l’a fait connaître. Un vœu au conditionnel, titré au futur, qui s’accorde désormais au présent.

Icey Colors, le 17/03/2025
Blasé - Blablabla - Record Makers

15.03.2025 à 12:22

Concevoir avec impact : comment Pentawards se fait le champion de l'emballage orienté vers un but précis

L'Autre Quotidien
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Alors que la date limite pour 2025 approche, le dernier rapport de Pentawards sur les tendances révèle comment les designers utilisent l'emballage pour communiquer des messages forts, favoriser le changement social et redéfinir les normes de l'industrie.
Texte intégral (2269 mots)

Alors que la date limite pour 2025 approche, le dernier rapport de Pentawards sur les tendances révèle comment les designers utilisent l'emballage pour communiquer des messages forts, favoriser le changement social et redéfinir les normes de l'industrie.

La conception d'emballages n'a jamais été une simple question d'apparence. Si les visuels frappants attirent l'attention, les meilleurs designs vont plus loin, en communiquant des messages clés, en résolvant des problèmes concrets et même en soutenant des causes sociales ou environnementales. Telle est la philosophie qui sous-tend le thème "Designing with Impact", thème central du dernier rapport de Pentawards sur les tendances.

Les Pentawards, qui en sont à leur 19e édition, sont la principale plateforme mondiale pour la conception d'emballages, ayant jugé plus de 36 000 candidatures provenant de plus de 95 pays. En étant aux premières loges pour observer les évolutions de l'industrie, ils ont constaté une demande croissante d'emballages qui ne se contentent pas d'être jolis. Les concepteurs et les marques repensent le rôle de l'emballage en utilisant la narration, le choix des matériaux et les détails de conception pour laisser une impression durable, non seulement sur les consommateurs, mais aussi sur la planète.

Raras by Kids (Spain), 2024 Pentawards Gold winner, Design with Purpose (Copyright © Pentawards, 2025)

Les lauréats des Pentawards de l'année dernière mettent en lumière des projets d'emballage qui remettent en question les conventions et font avancer le secteur. Certaines conceptions sortent des sentiers battus sur le plan visuel, tandis que d'autres repensent la fonctionnalité ou se font les champions du développement durable. Prenons l'exemple de Raras by Kids, qui réutilise des bouteilles de vin aux formes bizarres qui seraient autrement jetées, pour en faire un concept d'emballage qui permet de financer la recherche sur les maladies rares. Ou encore OT Condoms, conçu non seulement pour emballer un produit, mais aussi pour éduquer les consommateurs sur l'inégalité des sexes au Kazakhstan. Ces projets montrent que l'emballage peut être plus qu'un simple conditionnement - il peut raconter une histoire, résoudre un problème et créer un changement significatif.

Pour renforcer cette évolution, les Pentawards ont récemment introduit une catégorie "Design with Purpose", qui récompense les emballages qui soutiennent activement des causes sociales ou environnementales. Lancée à l'origine comme un prix unique en 2023, cette catégorie est devenue permanente à la suite d'une demande massive. "L'ajout de cette catégorie est incroyable", déclare Anita Kuit, membre du jury et directrice de la création chez PKDG. "Elle met en lumière les emballages qui placent l'objectif avant l'esthétique, avant la valeur commerciale. Il faut de la passion, de la conviction, un certain désintéressement". Les projets récompensés dans cette catégorie vont au-delà des attentes traditionnelles en matière d'emballage, que ce soit en offrant un avantage supplémentaire au destinataire ou en soutenant une cause plus large.

OT by Brand Forma (Kazakhstan), 2024 Pentawards Gold winner, Packaging Brand Identity Projects (Copyright © Pentawards, 2025)

L'engagement des Pentawards en faveur d'un design percutant va au-delà de la compétition. Le festival de cette année était consacré à l'exploration du rôle de l'emballage dans le façonnement de la culture, du comportement des consommateurs et de la responsabilité environnementale. Des intervenants experts ont expliqué comment les choix de conception, des matériaux aux messages, peuvent influencer la perception et conduire à un changement positif. L'événement a rassemblé des créatifs de toute l'industrie, renforçant l'idée que le design peut être un outil de transformation.

Au-delà de la reconnaissance, participer au concours signifie faire partie d'une communauté créative mondiale. Le réseau Pentawards met en relation des designers, des marques, des agences et des fabricants, offrant un espace pour échanger des idées, acquérir des connaissances sur l'industrie et obtenir des commentaires de la part d'experts de premier plan. Les gagnants bénéficient d'une exposition mondiale, mais même les projets non gagnants contribuent à la conversation, nombre d'entre eux étant présentés dans le rapport annuel sur les tendances.

Les Pentawards sont actuellement dans la dernière ligne droite de leur concours 2025. Pour les concepteurs d'emballages qui cherchent à être reconnus par l'industrie, c'est l'occasion de présenter leur travail, de recevoir des commentaires d'experts et d'être à l'avant-garde de l'élaboration des tendances futures. La date limite de dépôt des candidatures est fixée au 28 mars. Prêt à faire parler de vous ?

Paul Prébeurre avec Itsnicethat le 17/03/2025
Concevoir avec un impact

Cleo's Tea by Brum Brand and Packaging Designers (Netherlands), 2024 Pentawards Silver winner, Design with Purpose (Copyright © Pentawards, 2025)

15.03.2025 à 11:41

Lise Thiollier ne manque pas de sel à Noisy-le-Sec

L'Autre Quotidien
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Le sel, la terre, le temps. Trois éléments qui traversent et structurent l’exposition Métamorphoses de sel de Lise Thiollier, présentée à La Galerie , centre d’art contemporain de Noisy-le-Sec. Sculptures cristallisées, structures immersives et installations sonores tissent un récit sensible sur la transformation de la matière, la fragilité des écosystèmes et les mutations invisibles du monde qui nous entoure.
Texte intégral (1055 mots)

Le sel, la terre, le temps. Trois éléments qui traversent et structurent l’exposition Métamorphoses de sel de Lise Thiollier, présentée à La Galerie, centre d’art contemporain de Noisy-le-Sec. Sculptures cristallisées, structures immersives et installations sonores tissent un récit sensible sur la transformation de la matière, la fragilité des écosystèmes et les mutations invisibles du monde qui nous entoure.

Lise Thiollier, Waiting waders, 2024 Porcelaine, cuivre, sel, écrans LCD recyclés Adagp, 2024

À travers cette recherche entamée en 2022, lors d’une résidence au Chili (programme ISLA/SACO) et poursuivie l’année suivante à l’Antre Peaux à Bourges, Lise Thiollier suit la piste du sel et des cristaux de lithium. Le lithium est un élément chimique non seulement utilisé dans la pharmacopée psychiatrique, mais aussi pour la fabrication de nos batteries de téléphones et dans l’industrie. Il est, pour Lise Thiollier, le point de départ d’une réflexion sur la transformation de la matière, l’exploitation et l’épuisement des ressources. Du désert d’Atacama aux carrières de kaolin de l’Allier, sa recherche met en lumière la fragilité des écosystèmes, et déploie un ensemble de conversations et de mises en lien interdisciplinaires.

Vue de l’exposition Lise Thiollier, Métamorphoses de sel à La Galerie, Noisy-le-Sec Photo © Salim Santa Lucia © Adagp, Paris, 2025

Sculptures cristallisées, structures immersives, installations sonores et vidéos aux temporalités multiples sont autant de propositions pour penser l’invisible et la mutation — qu’elle soit physique, chimique ou narrative. Imaginée comme un lieu de repos et de soin dans les espaces de La Galerie, l’exposition « Métamorphoses de sel » nous propose un changement d’état : ralentir pour écouter la cristallisation du sel se former, les chants des oiseaux et les sons du désert, se recharger pour se permettre d’ouvrir la voie à d’autres possibles.

Commissaire invitée : Alexia Pierre

« Métamorphoses de sel » est un projet lauréat du Fonds régional pour les talents émergents (FoRTE), financé par la Région Île-de-France, avec le soutien de La Galerie, centre d’art contemporain d’intérêt national de Noisy-le-Sec.

Bill Orkhmutt, le 17/03/2025
Lise Thiollier - Métamorphoses du sel -> 26/04/2025
La Galerie 1 rue Jean-Jaurès 93130 Noisy-le-Sec

14.03.2025 à 17:38

Comment jazzer dans le noir à Athènes avec Makis Malafékas

L'Autre Quotidien
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En pleine méga-quinquennale d’art contemporain à Athènes, l’enquête déjantée, tragique et hilarante, d’un auteur spécialisé dans le jazz, détective malgré lui. Entre paillettes et euros, hype et art de vivre au soleil, un polar contemporain incisif pour déjouer conventions et attentes.
Texte intégral (3631 mots)

En pleine méga-quinquennale d’art contemporain à Athènes, l’enquête déjantée, tragique et hilarante, d’un auteur spécialisé dans le jazz, détective malgré lui. Entre paillettes et euros, hype et art de vivre au soleil, un polar contemporain incisif pour déjouer conventions et attentes.

Moi, l’art contemporain, je n’y connaissais rien. J’avais bu mon deuxième café, le gobelet était dans le filet à magazines et la tablette relevée en position atterrissage. Mes tempes étaient prêtes à subir l’offensive. À côté, les deux Français n’avaient pas arrêté de jacter une seule seconde. Là, ils parlaient d’art. Différences et points d’accroche entre kitsch et surréalisme. A vrai dire, tout le monde n’avait que ça à la bouche, l’art. Sous toutes ses formes. Tout le monde, sauf les deux Suédoises de la rangée 8.
« Mesdames et messieurs, nous commençons notre descente vers l’aéroport Elefthérios-Venizélos. Veuillez… »
Je n’aurais pas pu choisir meilleure période pour sortir un livre sur John Coltrane. Lancement d’un bouquin sur le jazz à Athènes au cœur de l’été et en pleine « Documenta 14 », cette grand-messe de l’art contemporain qui semblait concerner la terre entière… Ça sentait le fiasco à plein nez. Personne n’allait venir, pas même mon éditeur. Où est-ce que je foutais les pieds ?
« Tiens regarde, là, par exemple, tu vois la tour de contrôle ? Elle te fait pas penser à une colonne dorique ? a dit l’un des Français.
– C’est vrai ça, a répondu l’autre, c’est carrément une colonne dorique. Carrément.
– Oui et non. C’en est une, sans l’être. Maintenant, imagine que les Grecs l’aient recouverte de plaques de marbre, comme ça, de haut en bas, pour qu’elle évoque réellement une colonne dorique, disons en référence à leur patrimoine culturel et tout et tout : à ce moment-là, on serait sur du kitsch. Tu vois ce que je veux dire ? »
Mon véritable problème, à cet instant, ce n’était ni Coltrane ni la Documenta. C’était ces putains d’Airbus d’Aegean Airlines et leurs cabines en plastoc. La dépressurisation brutale à l’approche de l’atterissage. Chaque fois, je passais par toutes les teintes du bleu. J’ai commencé à me masser les tempes et les sinus, en prévision des dix prochaines minutes. Les Français ne facilitaient pas les choses.
« Tandis que si, par contre… euh, je voulais dire : si, en revanche, on prenait, telle quelle, une colonne antique, ou même néoclassique, et qu’on la recouvrait d’une couche vitrée, avec un tissu argenté…
– Comme Christo !
– Exactement, comme les Christo. À la différence qu’eux, ils emballent, alors que là, ce qu’on veut, c’est déguiser.
– Tout à fait.
– Donc mettons que tu déguises la colonne en tour de contrôle, avec des matériaux modernes, eh bien là, on parlerait de surréalisme. »
« Cabin crew ready for landing. »
J’ai arrêté de me masser, encore un peu et mon front se déchirait comme un sac plastique. Mes tympans battaient la mesure avec fracas, j’avais l’impression que mes yeux allaient me sortir des trous de nez. Les rayons du soleil traversaient la cabine à l’horizontale. Il n’y avait pas l’ombre d’un nuage. En dessous, des champs d’oliviers.
« Et si cette colonne, c’était celle de la place Vendôme, on pourrait presque faire enfiler à Napoléon une tenue de pilote !
– Ou de contrôleur aérien !
– C’est ça ! De contrôleur aérien ! Ah ah ah !
– Aha aha aha !
Atterrissage. Applaudissements. Ça commençait bien. J’ai attendu que tout le monde sorte pour me lever de mon siège. J’ai enfilé mes Ray-ban. Au moins, la canicule était au rendez-vous.

Athènes, été 2017. La Documenta 14, quinquennale comptant parmi les manifestations les plus prestigieuses et les plus courues du monde de l’art contemporain, bat son plein sous l’effrayante canicule à laquelle la Grèce essaie de s’habituer depuis quelques années. Tout juste débarqué de Paris où il réside une partie de l’année, Mikhalis Krokos est venu préparer la soirée de lancement de son nouveau livre, « Une traînée de cuivre », une biographie de John Coltrane, lorsque sa chère amie Kris se retrouve plus qu’impliquée dans la disparition d’un tableau, créé en happening lors d’une grosse soirée privée chez un vieil ami commun, le collectionneur d’art Harry Drummond.

Alors qu’il se prépare simplement à aller rendre le tableau « emprunté » du fait d’un pari d’ivrogne, le factotum improvisé voit les choses se compliquer à vive allure, et se retrouve bien malgré lui embringué dans une enquête à ramifications qui, très vite, n’ont plus rien de gentiment joueuses, surtout lorsque les premiers cadavres apparaissent. S’agit-il uniquement d’un canular ayant mal tourné, ou y a -t-il là quelque chose de beaucoup plus sombre, souterrainement à l’œuvre ? Dans les rues surchauffées d’Athènes ou dans les collines de l’île d’Hydra où l’on ne sent plus un seul souffle de vent, Mikhalis Krokos découvre au fil des nuits chaudes un univers âpre et sans merci à peine dissimulé derrière l’amour de l’art – et peut-être surtout, de ci de là, de la réputation et de l’argent qui l’accompagnent.

Les Suédoises ont attrapé la première navette pour Athènes, celle que j’ai ratée. Je les ai vues à travers la vitre alors que le bus s’éloignait. Des sportives. Sacs de rando, sandales anatomiques, bandana autour du cou, qu’elles ont desserré en sortant du terminal. Il y avait quelque chose de cool dans leur façon de marcher. Des jambes divines. Adieu la Suède.
Le bus suivant, plein à craquer du fait de l’arrivée simultanée de quatre vols internationaux, « parlait art » d’une seule et même voix : quel était le programme du lendemain, les lieux et les events à ne pas manquer, est-ce qu’on trouvait toujours des anarchistes dans le quartier d’Exarcheia et, si oui, était-il possible d’en voir, est-ce que la température retombait un peu la nuit, et les moustiques tigres, il y en avait ? Moi, je n’écoutais pas. J’avais encore les oreilles complètement bouchées. D’ici trois quarts d’heure, j’aurais remis les pieds dans mon deux-pièces rue Asklipiou, j’aurais téléphoné à mon éditeur pour les détails de la soirée de lancement, j’aurais récupéré ma Seat Ibiza et je me serais engouffré dans les rues vibrantes du centre-ville.

Nous avions déjà goûté à de somptueuses satires du milieu – ou plutôt DES milieux, dès que l’on y regarde de près – de l’art contemporain. Du redoutable « Rites sanglants de la bourgeoisie » (2010) de Stewart Home à l’halluciné « Block Party – Un roman à dix étages » (2009) de Richard Milward, du monstrueux et génialement décalé « Trash Vortex » (2024) de Mathieu Larnaudie au paradoxal et audacieux « Les tentacules » (2015) de Rita Indiana, en passant par le magnifiquement science-fictif « Les employés » (2018) d’Olga Ravn, le décapant « Basqu.IA.t » (2021) de Ian Soliane, le parfaitement vénitien « Black Bottom » (2018) de Philippe Curval, ou encore le subtilement ironique « Le dernier cri » (2017) de Pierre Terzian, nous avons pu saisir les tours et détours de ce creuset des grandeurs et des palinodies du contemporain, à l’âge du capitalisme tardif.

Le sel bien particulier répandu par Makis Malafékas avec ce « Dans les règles de l’art », publié en 2018 et traduit du grec en 2022 par Nicolas Pallier chez Asphalte, aura été de confronter brillamment cet univers-là à un registre tout droit issu du roman le plus noir, celui des détectives hardboiled à chapeau mou, réincarnés en un formidable amateur de free jazz et d’alcools nocturnes plus ou moins exotiques. Dans une Grèce bien contemporaine qui tient plus de Yannis Tsirbas ou de Chrìstos Ikonòmou (voire de la libre interprétation proposée par Cédric Klapisch dans sa récente série « Salade grecque ») qu’au pourtant robuste commissaire Kostas Charitos de Petros Markaris, on se délectera sans retenue de ce brio ravageur, où l’humour noir et le rêve éveillé tiennent la part belle.

« C’est toi qui as volé le tableau que t’a volé Kris ? »
Harry me regardait, les yeux écarquillés. Il essayait de comprendre ce que je lui racontais. Puis son menton est redescendu d’un cran, il a basculé la tête en arrière et s’est mis à glousser. De trois doigts, il m’a fait signe d’entrer, et a ri pendant tout le trajet jusqu’au salon.
« Frigo, ai-je dit en posant sur une table les deux bouteilles de vin que j’avais achetées au port en arrivant. Tu crois que je peux prendre une douche ? »
Je venais de grimper quatre cents marches.
« Fais comme chez toi, Mike. »
Harold Edgar Drummond. Écossais. Passeports britannique et français, à ce que je savais, mais plus grec qu’un Grec, sans une once d’accent. Juste un enrouement chronique. Né quelque part en Italie, de parents bohèmes lancés dans un tour du monde ; deux mois plus tard ils se séparaient, à Athènes. Sa mère, française, l’a gardé avec elle à Hydra, où elle venait d’acheter pour une bouchée de pain une maison de maître en ruines. Elle l’a retapée au fil des années, pièce par pièce, avec l’aide de ses frangins et autres cousins… Tous des artistes.
Enfance à Hydra, donc. À l’âge de dix ans, il commence à se rendre régulièrement à Glasgow, du côté de chez son père, puis à voyager un peu partout – et, à partir de quinze ans, seul. À sa majorité, il hérite d’une fortune colossale et devient collectionneur d’art. Il rencontre tout le milieu, tous les gens qu’il faut connaître. Après quelques séjours en Allemagne, il décide de tout plaquer, du jour au lendemain, et il revient à Hydra. Ce qu’il y fait exactement ? Aucune idée.
Harry était un peu plus jeune que moi, quarante piges, pas beaucoup plus, mais on lui en donnait facilement cinquante. Un grand roux dégarni au front immense, d’une lenteur extrême dans tous ses mouvements. Plutôt dysfonctionnel, socialement parlant. Mais un chouette gars. L’argent ne lui était pas monté à la tête. Il était avenant, lisait beaucoup, écrivait même, de temps en temps. Des trucs abscons, quasi incompréhensibles. Mais pas dégueulasses. Il y a quelques années de ça, on était très souvent fourrés ensemble. Ces derniers temps, il se faisait plus rare à Athènes, et moi encore davantage à Hydra. Aller à Hydra, pour y faire quoi ?
« Pour se payer une chemise Brooks Brothers, pardi, a proposé Harry. Quelle question !
– Oui, j’ai vu ça en bas. Ça a ouvert quand, cette saloperie ?
– Il y a trois mois. Et attention, s’il te plaît : juste en face du débarcadère des voiliers ! T’arrives avec ton mal de mer, tu t’offres une chemise, un plat de spaghetti al limone dans un resto du port, et t’es requinqué. « Brooks Brothers », rien qu’à la sonorité… tu sais que t’es arrivé à bon port. C’est l’ancre. L’assurance. T’es chez toi ! Bienvenue à la maison, mon Krokos ! » s’est-il exclamé en levant un verre à ma santé.
Je l’avais retrouvé sur la terrasse après ma douche. Il portait un bermuda kaki deux tailles trop grand, et rien au-dessus de la ceinture : un ventre à binouze, un grand coup de soleil dans le dos et un vieux tatouage d’ours en dessous de l’épaule. Sur la table, le service était digne d’un vrai bar : alcool et glaçons à volonté, cendriers, briquets. Magazines en vrac, livres, stylos. Vue panoramique sur tout le village. Le port, le golfe Argosaronique, en arrière-plan les montagnes du Péloponnèse et leur quarantaine d’éoliennes à l’arrêt. Je n’aurais pas été étonné d’apprendre qu’il faisait plus chaud qu’à Athènes. Je me suis servi du vin.

Hugues Charybde, le 17/03/2025
Makis Malafékas - Dans les règles de l’art - éditions Asphalte

l’acheter chez Charybde, ici

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