09.12.2025 à 11:14

Poème séditieux, partition cadencée ou texte appelé à être mis en scène : qu'importe la forme puisque tel il est donné ici, dans son déroulement brutalement serein, où page après page une esquisse de récit nous est présentée/livrée sur la vague carrière d'un prétendu Belhomme – "avec un grand A", A comme Anonyme ou juste comme se-croyant-premier – un individu dit aussi "petit animal", et qui semble destiné à n'être répertorié dans ce monde-ci que par des pourcentages et des attributs, tant son "cerveau intérieur cuir" n'est disposé qu'aux calculs qui permettent de tenir à distance l'infinie et floue tribu des "Etc". Belhomme est le contraire du Plume de Michaux: un être pesable et pourcentable qui aborde le monde comme un fichier tristement excell, avec matelas à l'avenant. Un éventuel et banal winner, comme il en pleut, et dont on ne pleurera pas l'inéluctable épuisement dans le vide acide de sa vie.
Pour lui, "prendre un café une douche un sac de riz un stylo" est un héritage venu d'un quasi préhistorique passé, son but qui est une cible s'étant détaché de cette histoire et rêvant de choses qui ne sont plus des rêves, juste des parts de camember. Il préfère "imagine[r] tous les probables", tel un baladin d'un monde hyper occidentalisé, "surdimensionné", autant dire "une vie sans échelles".
Que dit le texte de Cholz? À coups de moins de dix lignes-flèches par page, comme autant de portraitures brisées, Trois pour cent sauvages met en scène le hiatus entre celui-qui-croit-savoir et ceux-qui-font, entre celui qui sait de quel côté dormir et ceux qui ont compris depuis longtemps que fructifier "son destin sur le destin de l'autre" est acte inique. Le texte de Cholz, par ses légers écarts, ses redites soignées, sa presque narration aux subtiles découpes, trace une saine logomachie entre ce Belhomme rivé aux bourses des valeurs et les "petites choses" qu'absorbe le quotidien des anonymes dits"Etc" – que piétinent, froides, ces valeurs.
Sous la langue faussement encalminée, bat un tempo, net, imparable. Nul besoin pour Cholz de monter dans les tours ou de fracasser les remparts: il lui suffit de fragmenter son Belhomme en ses pathétiques parties pour qu'on sente monter l'impensé de la violence sociétale. Mais: lisez, c'est toujours mieux:::
"Le corps de Belhomme n'a pas de contours / pas de limites et trop de place / Il s'étale tellement sur le globe qu'en se parcourant / il peut se dire bonjour / chaque fois / quand il passe// Se reconnaît à l'horizon / Un événement à lui seul // Prend sa mesure de taille / savoir ce qu'il pèse / un poids vif sans le reste / le reste n'a pas d'importance / le reste c'est le poids de caracasse qu'on retrouve chez les porCs."
Claro, le 9/12/2025
Rachel M. Cholz, Trois pour cent sauvages, éd. La Lettre volée
02.12.2025 à 15:07

Lunar Eclipse and Sailor. Cyanotype on Paper, unique image © Cynthia Katz
Les segments d'images de ces œuvres ont été sélectionnés dans une boîte d'échecs destinés à être déchirés ou jetés au feu. Mais en tant que recycleuse, je ne pouvais pas me résoudre à jeter les parties que j'aimais, et j'ai commencé à découper des fragments, transformant ce qui était des « déchets » en compositions soigneusement sélectionnées. Les moments qui traversent la surface des grilles créent des liens, ralentissant le regard du spectateur pour lui permettre d'apprécier les formes qui racontent des histoires à travers des traces, des objets et de nouveaux liens visuels.
— Cynthia Katz
Blue Moons. Cyanotype on Paper, unique image © Cynthia Katz
Blue Lightening. Cyanotype on Paper, unique image © Cynthia Katz
Quadrants. Cyanotype and thread on Paper, unique image © Cynthia Katz
Found. Cyanotype and thread on Paper, unique image © Cynthia Katz
Cynthia Katz, le 2/12/2025
De nouvelles œuvres à partir de fragments ratés
02.12.2025 à 11:59

Father and Son Watching a Parade, West End, Newcastle; UK, 1980 © Chris Killip
Agnes Obel - Broken Sleep
De temps en temps
Les nuages nous reposent
De tant regarder la lune.
Matsuo Bashõ
Le monde est une mer, notre cœur en est le rivage.
Proverbe chinois
“Si je ne sentais pas ma misère, comment pourrais-je sentir ma joie qui est fille aînée de ma misère et qui lui ressemble à faire peur ?”
Léon Bloy - Le mendiant ingrat