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01.12.2025 à 12:25

“Desire” de Tuxedomoon revient encore plus surprenant avec 45 ans au compteur

L'Autre Quotidien
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Après la pochette proto-papier peint rose 60’s de Half Mute, le premier Tuxedomoon, celle de Desire anticipait les visions de David Lynch avec sa forêt violette et un son inouï pour l’époque qui mixait, l’air de rien, jazz et cabaret, électro et avant-garde. Inutile de dire qu’on l’a usé, cherchant, au volant, à trouver des correspondances entre paysages ruraux français et envolées inconnues. Un parfait décalage qui absorbait le passéisme de sons radio hexagonaux en offrant une autre leçon de géographie sonore. Il revient remixé et augmenté. Super !
Texte intégral (1051 mots)

Après la pochette proto-papier peint rose 60’s de Half Mute, le premier Tuxedomoon, celle de Desire anticipait les visions de David Lynch avec sa forêt violette et un son inouï pour l’époque qui mixait, l’air de rien, jazz et cabaret, électro et avant-garde. Inutile de dire qu’on l’a usé, cherchant, au volant, à trouver des correspondances entre paysages ruraux français et envolées inconnues. Un parfait décalage qui absorbait le passéisme de sons radio hexagonaux en offrant une autre leçon de géographie sonore. Il revient remixé et augmenté. Super !

Un album qui créait son propre paysage. Et tellement prenant qu’on en a fait un classique instantané, sur lequel on revenait de loin en loin, y trouvant un trait d’union entre un Hexagone soulevant le joug de la Giscardie à l’accordéon et pas encore au fait des radios libres à venir. Comme une brise issue du label des Residents ( Ralph Records) et soufflant fort sur une musique en pleine évolution avec MX 80, Yello ou Snakefinger. Quelque chose d’autre, quelque chose qui venant d’ailleurs avait l’attrait de la nouveauté, et qui s’éloignait du post-punk et de la new wave anglaise ; avec pour seule correspondances Wire ou Joy Division. Pas mal quand même …

DESIRE - 45th Anniversary Edition a été remasterisé à partir des bandes originales et comprend trois titres inédits, deux morceaux rares, des versions live (voir la liste des titres ci-dessous) et des souvenirs écrits par Steven Brown, Gareth Jones (ingénieur et coproducteur), John Foxx (qui a participé au processus d'enregistrement), ainsi que des notes écrites par Blaine Reininger et Peter Principle en 2015, des photos et d'autres souvenirs.

Étape importante dans l'expérimentation post-punk, Desire capture Tuxedomoon à son apogée cinématographique et atmosphérique. Son ambiance romantique hantée et son mélange musical qui défie les catégories lui ont permis de rester influent parmi des générations de musiciens explorant les intersections entre le rock, la musique électronique, le cabaret, le minimalisme, le jazz et la musique classique.

Desire a été écrit juste avant le déménagement du groupe de San Francisco vers l'Europe. Il a été enregistré au Royaume-Uni et sorti en 1981 sur Ralph Records, le label des Residents, avant d'être réédité en 1987 sur CramBoy, le label créé par Crammed Discs pour accueillir la production du groupe. Et, en parlant de post-punk on découvre le clip de No Tears.

Vues d’ailleurs quelques échos de l’importance du groupe :

L'œuvre considérable de Tuxedomoon (16 albums à ce jour, avec un nouvel album en préparation) reste unique et toujours aussi pertinente aujourd'hui, grâce à la capacité visionnaire du groupe à transcender les genres et à l'esprit romantique, rebelle et imaginatif qui illumine leur musique.

  • Ils ont été une anomalie dès le début. La plupart de leurs œuvres semblaient être des bandes originales de films noirs inexistants. Parfois, ils semblaient distants et étrangers, parfois ils créaient des mélodies d'une grande chaleur et d'une grande sophistication. Mais quoi qu'ils fassent, c'était toujours intelligent, beau et provocateur. Glenn O'Brien (dans le magazine Interview d'Andy Warhol, 1982)

  • Un paysage de tension cinématographique, de mélancolie de musique de chambre et de pulsations électroniques enfumées. Desire n'a pas tant été enregistré qu'évoqué, à partir de souvenirs fragmentaires et de signaux radio lointains. Desire donne l'impression d'un rêve fiévreux capturé sur bande magnétique, une carte postale d'un groupe en pleine évolution, traversant les continents et les genres pour trouver son propre langage. Gareth Jones (coproducteur, 2025)

  • Nous étions jeunes et stupides, intrépides et convaincus de notre immortalité. Nous avons cet album classique pour le prouver. Blaine L. Reininger (2015)

  • TuxedoWorld est urbain et spectral. On y trouve des trajets en métro dignes d'un opéra et des chansons brisées provenant de voitures qui passent. C'est romantique, déchiré et magnifiquement dérangeant. C'est une musique qui évolue dans une strate qui lui est propre, avec toute la magie abîmée d'un film retrouvé. C'est ce qui la rend merveilleuse. John Foxx (2025)

Jean-Pierre Simard, le 2/12/2025
Tuxedomoon - Desire 45th Anniversary edition - Crammed Disc

28.11.2025 à 13:58

L’autrice italienne Elena Mistrello empêchée de venir à un festival BD en France par la Police nationale

L'Autre Quotidien
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Vendredi 21 novembre, Elena Mistrello a été sommée de remonter dans un avion en arrivant à l’aéroport de Toulouse où elle s’apprêtait à se rendre au festival BD Colomiers invitée par sa maison d’édition Presque Lune pour dédicacer son album “Syndrome Italie”, réalisé avec Tiziana Francesca Vaccaro.
Texte intégral (4234 mots)

Vendredi 21 novembre, Elena Mistrello a été sommée de remonter dans un avion en arrivant à l’aéroport de Toulouse où elle s’apprêtait à se rendre au festival BD Colomiers invitée par sa maison d’édition Presque Lune pour dédicacer son album “Syndrome Italie”, réalisé avec Tiziana Francesca Vaccaro.

💡 Mise à jour le 25 novembre 2025 à 16h34, avec l’ajout d’une Lettre ouverte du Groupement des Auteurs de Bande dessinée (SNAC) au ministre de l’Intérieur, reproduite en intégralité en fin d’article.

Ce livre publié cette année en France par Presque Lune a reçu le prix du Meilleur Scénario au Treviso Comic Book Festival et le prix du Meilleur Premier Ouvrage au Napoli Comicon en 2022 (année de sa sortie en Italie), et l’autrice venait présenter Syndrome Italie au public français pour la première fois, à BD Colomiers [lire l’interview Amandine Doche, directrice artistique du festival BD Colomiers].

Cet album raconte l’histoire de Vasilica, une Roumaine venue travailler comme aide à domicile en Italie ; et à travers son histoire les autrices abordent les thématiques des travailleurs migrants, de l’impact économique et social liés aux métiers d’aide à la personne dans une fiction inspirée des recherches de sa co-autrice Tiziana Francesca Vaccaro.

Elle raconte dans une chronique [reproduite en fin d’article dans son intégralité] sa mésaventure à l’aéroport ; le peu d’informations qu’elle a obtenu sur ce refus de pouvoir entrer sur le sol français faisant l’objet d’une « mesure d’interdiction d’entrée » sans plus de précisions autres qu’elle constituerait « une menace grave pour l’ordre public français » ; et la menace de l’envoyer dans un Centre de rétention administrative pour migrants (CRA) en cas de refus. 

Dans son texte, Elena Mistrello s’interroge sur les raisons qui ont pu conduire à être qualifiée de « menace grave pour l’ordre public français » via son travail ou ses prises de position personnelles, tout en remettant cet événement en perspective : comment en Europe, en 2025, peut-on être interdit de circulation et de séjour sur le sol français sans explications claires ; comment des individus peuvent être intimidés par les forces de l’ordre, d’arrestation, de détention sans précisions, Elena Mistrello n’apprendra qu’une fois dans l’avion du retour, après ces menaces, être l’objet d’une « mesure d’interdiction d’entrée », en lisant le procès-verbal de rapatriement. 

Elle écrit : « je tiens à souligner la gravité de ce qui s’est passé : si, d’une part, je pense que la dérive autoritaire et répressive des États européens à l’encontre des militants et des activistes politiques est désormais évidente pour tous, d’autre part, je constate une dérive arbitraire croissante de la part des forces de police, qui peuvent décider sans explication de vous renvoyer chez vous simplement parce que vous êtes « indésirable », créant ainsi un système de contrôle et de surveillance basé non pas sur des faits, mais sur les opinions et les fréquentations des personnes.

J’ai pensé que cela ne pouvait pas rester une simple « mauvaise expérience » personnelle, mais qu’il était judicieux de la partager, afin de contribuer, dans la mesure du possible, à démanteler des mécanismes destinés à empirer s’ils ne sont pas combattus de toute urgence. »

En juin dernier, nous évoquions, l’arrestation l’autrice cinéaste et militante féministe franco-kurde Kudret Günes en Turquie, inquiétée pour son travail et ses prises de postions. En soutien à  Kudret Günes, le militant associatif et poète Amar Benhamouche rappelait que « Les régimes autoritaires ont peur des artistes ». De son côté, Elena Mistrello, s’interroge encore sur l’absence de faits ou de justifications sur place, et de l’attitude menaçante de la police qui l’a empêchée de venir au festival et de défendre son album.

✍️ Petite chronique d’un refus forcé, Toulouse 2025.
Elena Mistrello

« Ce week-end (21-23 novembre 2025), j’aurais dû assister au festival de bande dessinée BD COLOMIERS (https://www.bdcolomiers.com/), auquel j’ai été invitée suite à la publication en traduction française de mon livre  « Sindrome Italia » par les éditions PresqueLune (https://www.presquelune.com/syndrome-italie).

La maison d’édition avait organisé mon voyage, mon hébergement ainsi que deux jours de dédicaces pour la sortie du livre. Inutile de dire que j’étais impatiente : c’est un très beau festival, où j’aurais pu rencontrer de nombreux collègues, une occasion importante pour mon travail.

Vendredi soir. Le vol Francfort-Toulouse atterrit à 18 heures et, dès que je descends de l’avion, je trouve trois agents de la Police nationale (la police française) qui m’attendent. Ils m’arrêtent et me mettent au courant du fait que je ne peux pas mettre les pieds en France, qu’ils ne savent pas exactement pourquoi, mais qu’il existe un signalement du ministère de l’Intérieur concernant le danger que je représenterais. Je reste interdite, mais après un premier moment de surprise mêlée de panique, j’explique tout d’abord que je n’ai jamais eu de problèmes avec la justice française et je montre la lettre d’invitation du festival, en précisant que je suis là pour mon travail. Ils ne m’écoutent pas, ils sont inflexibles.

On me dit que je dois immédiatement remonter dans l’avion et retourner à Milan : ils ont reçu l’ordre de me rapatrier et si je refuse, « ce sera pire pour moi », ils seront obligés de m’arrêter et, probablement, de me transférer dans un CRA (Centre de rétention administrative pour migrants). Tout cela dure 15 minutes, je me sens acculée et je décide de remonter dans l’avion.

Dans l’avion, on me remet une sorte de procès-verbal de rapatriement dans lequel il est précisé que je n’ai pas pu entrer en France car je constituerais « une menace grave pour l’ordre public français » et qu’en conséquence, je fais l’objet d’une « mesure d’interdiction d’entrée ». En cherchant une explication à cela, je me souviens du mois de juin 2023, lorsque j’ai participé aux journées d’assemblées, de concerts et de manifestations publiques organisées à Paris à l’occasion du dixième anniversaire du meurtre de Clément Méric, un jeune antifasciste tué en 2013 à Paris à l’âge de 18 ans par trois extrémistes de droite. Bien que ces initiatives se soient déroulées sans aucune tension, en présence de milliers de personnes venues à Paris de toute l’Europe, j’ai appris que certains de mes compagnons de voyage italiens avaient eu des problèmes aux frontières dans les mois qui ont suivi, avec quelques questions supplémentaires de la part de la police sur les raisons de leurs déplacements, mais personne n’a jamais été bloqué ou refoulé. 

Il y a donc encore quelque chose qui m’échappe et je vais certainement devoir me faire aider par des personnes plus compétentes en matière de jurisprudence française pour clarifier les aspects juridiques de cette affaire.

Cela dit, je tiens à partager quelques brèves réflexions.

Mon travail de dessinatrice de bandes dessinées m’amène souvent à voyager : découvrir le monde, parler aux gens, m’informer pour écrire et dessiner ce qui se passe autour de moi, tout cela fait partie de ma vie. Tout comme être active politiquement, participer à des initiatives, des manifestations et des assemblées : tout cela se mélange et se reflète également dans ce que je dessine. Face à tout cela, je ne suis donc pas surprise de pouvoir faire l’objet d’une « attention » particulière de la part des forces de police, étant donné que désormais, l’activisme politique, même modéré et au grand jour, constitue un motif de profilage de la part de l’État. C’est pourquoi j’ai toujours pris en compte les responsabilités et les conséquences que cela implique, tout comme je suis consciente que ce que j’écris peut ne pas plaire à tout le monde.

Mais être rapatriée de force avec ce genre de justification a vraiment dépassé mon imagination et m’oblige à écrire ces lignes pour donner une explication au festival, à la maison d’édition et aux personnes qui seraient venues me rendre visite au stand, à la fois pour les remercier de leur compréhension et pour m’excuser de la situation dans laquelle je les ai mises.

Mais surtout, je tiens à souligner la gravité de ce qui s’est passé : si, d’une part, je pense que la dérive autoritaire et répressive des États européens à l’encontre des militants et des activistes politiques est désormais évidente pour tous, d’autre part, je constate une dérive arbitraire croissante de la part des forces de police, qui peuvent décider sans explication de vous renvoyer chez vous simplement parce que vous êtes « indésirable », créant ainsi un système de contrôle et de surveillance basé non pas sur des faits, mais sur les opinions et les fréquentations des personnes.

J’ai pensé que cela ne pouvait pas rester une simple « mauvaise expérience » personnelle, mais qu’il était judicieux de la partager, afin de contribuer, dans la mesure du possible, à démanteler des mécanismes destinés à empirer s’ils ne sont pas combattus de toute urgence. »

✍️ Petite chronique d’un refus forcé, Toulouse 2025.
Elena Mistrello

« Ce week-end (21-23 novembre 2025), j’aurais dû assister au festival de bande dessinée BD COLOMIERS (https://www.bdcolomiers.com/), auquel j’ai été invitée suite à la publication en traduction française de mon livre  « Sindrome Italia » par les éditions PresqueLune (https://www.presquelune.com/syndrome-italie).

La maison d’édition avait organisé mon voyage, mon hébergement ainsi que deux jours de dédicaces pour la sortie du livre. Inutile de dire que j’étais impatiente : c’est un très beau festival, où j’aurais pu rencontrer de nombreux collègues, une occasion importante pour mon travail.

Vendredi soir. Le vol Francfort-Toulouse atterrit à 18 heures et, dès que je descends de l’avion, je trouve trois agents de la Police nationale (la police française) qui m’attendent. Ils m’arrêtent et me mettent au courant du fait que je ne peux pas mettre les pieds en France, qu’ils ne savent pas exactement pourquoi, mais qu’il existe un signalement du ministère de l’Intérieur concernant le danger que je représenterais. Je reste interdite, mais après un premier moment de surprise mêlée de panique, j’explique tout d’abord que je n’ai jamais eu de problèmes avec la justice française et je montre la lettre d’invitation du festival, en précisant que je suis là pour mon travail. Ils ne m’écoutent pas, ils sont inflexibles.

On me dit que je dois immédiatement remonter dans l’avion et retourner à Milan : ils ont reçu l’ordre de me rapatrier et si je refuse, « ce sera pire pour moi », ils seront obligés de m’arrêter et, probablement, de me transférer dans un CRA (Centre de rétention administrative pour migrants). Tout cela dure 15 minutes, je me sens acculée et je décide de remonter dans l’avion.

Dans l’avion, on me remet une sorte de procès-verbal de rapatriement dans lequel il est précisé que je n’ai pas pu entrer en France car je constituerais « une menace grave pour l’ordre public français » et qu’en conséquence, je fais l’objet d’une « mesure d’interdiction d’entrée ». En cherchant une explication à cela, je me souviens du mois de juin 2023, lorsque j’ai participé aux journées d’assemblées, de concerts et de manifestations publiques organisées à Paris à l’occasion du dixième anniversaire du meurtre de Clément Méric, un jeune antifasciste tué en 2013 à Paris à l’âge de 18 ans par trois extrémistes de droite. Bien que ces initiatives se soient déroulées sans aucune tension, en présence de milliers de personnes venues à Paris de toute l’Europe, j’ai appris que certains de mes compagnons de voyage italiens avaient eu des problèmes aux frontières dans les mois qui ont suivi, avec quelques questions supplémentaires de la part de la police sur les raisons de leurs déplacements, mais personne n’a jamais été bloqué ou refoulé. 

Il y a donc encore quelque chose qui m’échappe et je vais certainement devoir me faire aider par des personnes plus compétentes en matière de jurisprudence française pour clarifier les aspects juridiques de cette affaire.

Cela dit, je tiens à partager quelques brèves réflexions.

Mon travail de dessinatrice de bandes dessinées m’amène souvent à voyager : découvrir le monde, parler aux gens, m’informer pour écrire et dessiner ce qui se passe autour de moi, tout cela fait partie de ma vie. Tout comme être active politiquement, participer à des initiatives, des manifestations et des assemblées : tout cela se mélange et se reflète également dans ce que je dessine. Face à tout cela, je ne suis donc pas surprise de pouvoir faire l’objet d’une « attention » particulière de la part des forces de police, étant donné que désormais, l’activisme politique, même modéré et au grand jour, constitue un motif de profilage de la part de l’État. C’est pourquoi j’ai toujours pris en compte les responsabilités et les conséquences que cela implique, tout comme je suis consciente que ce que j’écris peut ne pas plaire à tout le monde.

Mais être rapatriée de force avec ce genre de justification a vraiment dépassé mon imagination et m’oblige à écrire ces lignes pour donner une explication au festival, à la maison d’édition et aux personnes qui seraient venues me rendre visite au stand, à la fois pour les remercier de leur compréhension et pour m’excuser de la situation dans laquelle je les ai mises.

Mais surtout, je tiens à souligner la gravité de ce qui s’est passé : si, d’une part, je pense que la dérive autoritaire et répressive des États européens à l’encontre des militants et des activistes politiques est désormais évidente pour tous, d’autre part, je constate une dérive arbitraire croissante de la part des forces de police, qui peuvent décider sans explication de vous renvoyer chez vous simplement parce que vous êtes « indésirable », créant ainsi un système de contrôle et de surveillance basé non pas sur des faits, mais sur les opinions et les fréquentations des personnes.

J’ai pensé que cela ne pouvait pas rester une simple « mauvaise expérience » personnelle, mais qu’il était judicieux de la partager, afin de contribuer, dans la mesure du possible, à démanteler des mécanismes destinés à empirer s’ils ne sont pas combattus de toute urgence. »

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📨 Lettre ouverte du Groupement des Auteurs de Bande dessinée (SNAC) à Monsieur Laurent Nuñez, ministre de l’Intérieur
Paris, le 25 novembre 2025

« Monsieur le ministre,

Nous venons à vous, mu·es par une profonde perplexité pour ne pas dire sidération, après avoir appris ce week-end l’interdiction d’entrée sur le territoire français d’une collègue italienne. En effet, l’autrice de bande dessinée, Elena Mistrello, s’est vu signifier son renvoi dans son pays depuis le tarmac lors de son arrivée à l’aéroport de Toulouse Blagnac, alors même qu’elle était invitée par le festival de Colomiers à dédicacer son album Syndrome Italie aux Editions Presque Lune.

Pour rappel, le nouvel ouvrage de l’autrice à la carrière affirmée et solide, traite du sort réservé aux femmes migrantes arrivant dans son pays.

Monsieur le Ministre, nous ne pouvons que souligner l’ironie d’une telle situation…

Si nous nous adressons à vous aujourd’hui, c’est afin de comprendre les motivations de vos services. En effet, nous sommes dans l’ignorance la plus complète, aucune raison n’ayant été fournie à notre collègue, si ce n’est – nous citons -, qu’elle représenterait « une grave menace pour l’ordre public français ».

Cette personne n’ayant commis à notre connaissance, aucun crime ou délit, ou tout acte susceptible de mettre en péril la sécurité publique, notre incompréhension est totale. Elle l’est d’autant plus que nous nous permettons de rappeler à qui lirait ce courrier, que dans la hiérarchie des normes, et ce depuis la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, le principe de liberté est supérieur à celui d’une éventuelle « anticipation » d’atteinte à la sécurité. Nous renvoyons pour cela, outre le texte de 1789, au préambule de la Constitution de 1946, à la Constitution de la Ve République – norme suprême de notre nation depuis 1958 -, ou enfin, si cela ne suffisait pas, à quelques décisions du Conseil constitutionnel prises ces dernières années, dans le cadre strict de Questions Prioritaires de Constitutionnalité.

En outre, de par les règles établies au sein de l’Union européenne et de l’espace Schengen dont nos deux pays (France et Italie) font partie des membres fondateurs, souhaitez-vous faire valoir qu’écrire ou dessiner des livres pourrait dorénavant motiver de tels actes d’autoritarisme, c’est-à-dire d’empêcher la liberté de déplacement des citoyen·nes européen·nes ? L’actualité est pourtant brûlante sur ce sujet ces dernières semaines et ont donné lieu à de vives tensions internationales…. Nous sommes sans voix, Monsieur le ministre, vis-à-vis de ce deux poids deux mesures et cette singulière incohérence…Rajoutons encore une fois la thématique spécifique de l’ouvrage : dénonciation des mauvais traitements réservés à d’autres êtres humains. Les artistes ayant pour motivation de défendre par leurs œuvres les personnes en migration, se retrouveraient-ielles désormais non grata en France ?

De telles mesures, Monsieur le ministre, ne font qu’entériner des soupçons pointés et soulevés, et nous inquiètent à juste titre, quant à une dérive illibérale de certaines fonctions régaliennes dans notre pays.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous ne pouvons que considérer cette expulsion comme une fâcheuse erreur administrative, du zèle dans les ordres transmis à vos services, ou encore une initiative malheureuse d’un échelon hiérarchique ayant échappé à votre regard. Comprenez toutefois notre émoi. Nous sommes honteux.ses d’être associé·es à de tels faits qui méritent réparations et excuses.

Nous ajoutons qu’il nous semble incontestable qu’une enquête doit être diligentée, afin de saisir la mécanique des dysfonctionnements qui se sont donnés lieu pour arriver à une telle situation à tout le moins déplorable.

Certain·es que le bien-fondé de ces demandes ne manquera pas de vous sauter au visage, nous vous prions, Monsieur le ministre, d’agréer nos sincères salutations.

Le Conseil Syndical du Snac »

Thomas Mourier , le 2/12/2025

Illustration principale : planches de l’album Syndrome Italie © Elena Mistrello / Tiziana Francesca Vaccaro / Presque Lune

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