09.01.2023 à 09:39
Après l'invasion de l'Ukraine en 2022, la Russie utilise des blogueurs nationalistes pour propager sa propagande. Malgré la restriction des médias officiels comme RT et Sputnik, ces blogueurs sur Telegram influencent les opinions globales. Des "passeurs de contenus" aident à internationaliser ces narratifs, déjouant la modération des plateformes.
L’article La propagande russe à l’épreuve de la déplateformisation est apparu en premier sur Observatoire stratégique de l'information.
En envahissant l’Ukraine en février 2022, la Russie s’est également lancée dans une campagne à l’échelle globale pour rallier les opinions mondiales à sa cause. Avec la “déplateformisation” de ses médias officiels RT et Sputnik, le dispositif de propagande officiel de l’État russe a accusé une perte importante en termes de visibilité et d’influence à l’international. Pour autant, la circulation des contenus pro-guerre reste assurée sur le web et les réseaux sociaux par une nébuleuse de blogueurs nationalistes russes dont les contenus, visant en premier lieu les opinions russes et ukrainiennes, sont traduits et relayés dans le reste du monde par l’entremise de “passeurs de contenus”. Une étude, réalisée par l’agence IDS, s’intéresse aux stratégies déployées par ces différents acteurs pour contourner la modération des plateformes, aux narratifs qu’ils diffusent et au processus d’internationalisation de ces contenus.
L’étude s’appuie sur une cartographie de 1 800 chaînes russophones publiant sur la guerre en Ukraine sur Telegram, à l’origine de plus de 8 millions de posts depuis janvier 2022. Certaines d’entre elles, comme Rybar, Colonel Cassad ou Golos Mordora, sont suivies par plusieurs centaines de milliers de personnes et jouent le rôle de véritables médias sur la guerre en Ukraine. Leur grande liberté de ton vis-à-vis du commandement militaire russe (notamment lors du retrait de l’armée russe de Kherson), leur idéologie nationaliste jusqu’au-boutiste et leur influence croissante interrogent sur le rôle que ces blogueurs pourraient jouer dans la suite du conflit – notamment en cas de défaite et de désaveu de l’actuel pouvoir russe.
Bien que ces blogueurs ne sont pas officiellement liés à l’État russe (mais entretiennent pour certains des liens avec des oligarques proches du Kremlin comme Evgueni Prigojine), leur contenus s’inscrivent pleinement dans l’entreprise globale de propagande autour de la guerre en Ukraine. Ceux-ci sont notamment repris et relayés par un écosystème de 23 faux médias locaux en Ukraine, qui cherchent à légitimer l’invasion auprès des minorités russes dans le pays. De même, l’étude met en lumière un écosystème de chaînes Telegram “officielles” créés en mars et avril 2022 cherche à normaliser la présence russe dans les territoires occupés.
Si les contenus diffusés par l’écosystème nationaliste sur Telegram visent en premier lieu les opinions russes et ukrainiennes, leur influence s’étend cependant à l’international. L’étude montre le rôle joué par certains « passeurs de contenus » qui continuent de relayer les contenus des médias russes (notamment ceux de Sputnik Afrique) en promouvant l’usage de VPN pour y accéder, en traduisant des posts de blogueurs nationalistes pour assurer leur diffusion ou en exploitant les failles de la modération des grandes plateformes.
Ainsi, l’analyse de la diffusion du terme “ukronazis” sur Twitter, popularisé depuis le début de l’invasion par des blogueurs nationalistes russes, montre que ce terme a acquis une grande popularité dans le monde entier, touchant selon les pays des segments différents. Si une partie de l’extrême-droite française s’est appropriée le terme, celui-ci connaît surtout un grand succès auprès de sphères d’extrême-gauche situées en Amérique du Sud. Des bots et comptes de spam semblent utilisés pour amplifier la visibilité de ces contenus.
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