15.04.2025 à 11:49
L’Insoumission inaugure sa nouvelle rubrique « Cultures populaires » en publiant son premier article sur l’invention du football moderne à l’aune de son histoire populaire, de la soule aux pieds des paysans jusqu’aux clubs formés par les ouvriers du textile de Manchester. L’Insoumission vous plonge dans cette histoire passionnante du football et vous raconte comment le ballon rond est un puissant moteur de réappropriation, d’intégration et de luttes populaires. Dans un deuxième épisode à paraître, nos lecteurs pourront découvrir en quoi ce sport a été durant le 20ème siècle le lieu privilégié des luttes communistes, antifascistes et anticoloniales. Notre article
Depuis la fin de l’année 2024, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau est engagé dans une surenchère réactionnaire qui vise d’abord à servir la soupe au Rassemblement national afin d’éviter une censure du Gouvernement Bayrou ; et ensuite à combiner face à Laurent Wauquiez pour la présidence des Républicains. Pensant que chaque polémique lui sont utiles, ses sujets de prédilection sont alors l’immigration, l’Algérie et le narcotrafic.
Le sport a également été l’objet de cette croisade : d’une part les deux principaux groupes de supporters de l’AS Saint-Etienne ont été dissous (avant que le ministre ne recule) ; et d’autre part la proposition de loi adoptée par le Sénat interdisant le port du voile dans le sport a été défendue par Retailleau et Darmanin – et désormais inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale par le gouvernement.
Si ces mesures semblent de nature assez distinctes, elles se concentrent en particulier sur le football comme terrain privilégié d’expérimentation de la répression et du contrôle du peuple. Par exemple, alors qu’une traduction des interdictions de stade en une interdiction de manifester a été proposée par Edouard Philippe durant la crise des Gilets jaunes, l’exclusion des sportives voilées – en premier lieu au sein du football dès 2016, puis du basketball en 2022, du volley-ball en 2023, du rugby en 2024 – présage une généralisation de ces méthodes
Et pour cause, la fenêtre d’Overton est déplacée et Jordan Bardella annonce en conséquence le 19 mars que “le port du voile devrait être interdit dans les bâtiments publics. Dans la rue, c’est un objectif à terme”.
Le 27 juin 2023, Gérald Darmanin alors ministre de l’Intérieur avait remarqué que “les terrains de sport sont sans doute les derniers endroits où la neutralité religieuse, politique et syndicale est quasi parfaite”. Cette neutralité est autant une contre-vérité historique naturalisant l’ordre établi et niant les luttes de pouvoir de chacun pour avoir le droit d’exister au sein de ce sport, qu’une volonté politique de contrôler nos lieux de divertissement, d’expression, d’affirmation et de combats.
“Créé par le pauvre, volé par le riche” avaient brandis les supporters du Club Africain de Tunis contre le PSG en 2017. L’histoire du football n’est pas seulement celle d’un business, elle est avant tout le récit d’un jeu populaire, féroce instrument de répression et de domestication des dominés ; mais aussi puissant outil de subversion pour l’émancipation des ouvriers, des femmes, des colonisés, des quartiers populaires…
Cette série vise à retracer cette dimension sociale et politique, ou tout simplement populaire du sport. Pour cela, nous nous sommes amplement inspirés du formidable travail de Mickaël Correia dans son ouvrage “Une histoire populaire du football” (2018) que nous vous invitons à lire si vous voulez prolonger le sujet.
Dans ce premier épisode, nous allons revenir sur l’invention du football moderne. À rebours d’une histoire qui naturalise les règles du jeu, nous allons montrer en quoi elles sont le reflet des évolutions socio-économiques de la société britannique qui transforment son peuple et ses élites.
Pour aller plus loin : Rupture du jeûne lors du match Angers – Monaco : quand l’extrême droite s’attaque à la liberté de culte
Les jeux collectifs de balle existent depuis l’Antiquité sous des formes très diverses en Grèce et dans l’Empire romain. L’ethnographe Emile Souvestre analyse ce proto-football comme “un dernier vestige du culte que les Celtes rendaient au soleil. Ce ballon, par sa forme sphérique, représentait l’astre du jour ; on le jetait en l’air comme pour le faire toucher cet astre, et lorsqu’il retombait, on se le disputait ainsi qu’un objet sacré”.
Plus précisément, les premières mentions de la pratique du football au Moyen-Âge sont liées à son interdiction. En effet, le roi Edouard II d’Angleterre promulgue une ordonnance en 1314 visant à rétablir l’ordre public et à privilégier les exercices militaires. Pour autant, dès le XIVe siècle, on retrouve des descriptions similaires de pratiques nombreuses nommées folk football (ou mob football) en Grande-Bretagne et soule (ou choule) dans le Nord-Ouest de la France.
Les règles sont très variables : le ballon est en cuir, en bois ou en osier ; un mur, la limite d’un champ, la porte d’une église ou une marre servent de but ; le terrain est une prairie ou toute une paroisse ; le jeu peut comporter des centaines de joueurs et dure parfois plusieurs jours.
Mais derrière cet aspect fruste, cette pratique semble avoir des vertus fonctionnelles. D’une part, les parties s’organisent autour du travail agricole selon le rythme des moissons, de l’ensemencement et de la mise en jachère. D’autre part, les délimitations du terrain s’étendent à travers les coteaux, les rivières ; et par conséquent, la victoire revient à celui qui exploite le mieux les potentialités de la topographie. Finalement, le football correspond à un rituel d’affirmation du mode de vie communautaire et d’intégration au sein de la paysannerie, à travers des symboliques puissantes du calendrier et du territoire au sein de l’imaginaire paysan.
Plus que cela, ces jeux permettent le défoulement de rivalités, voire de haines entre individus. En raison d’une production agricole collectivisisée à l’échelle villageoise, le football correspond à un mode de régulation des conflits intervillageois, à un espace public donnant lieu à une justice autonome et populaire selon le sociologue Patrick Vassort.
Il faut à ce titre noter ce qu’écrit l’historien Jean-Michel Mehl à propos de la dimension politique d’une partie de soule en 1369 : “Dans les violences qu’il exerce sur un écuyer qui participe comme lui au jeu, Martin le Tanneur cherche à se venger de la noblesse. Un réflexe de “classe” dicte sa façon de jouer. Quand on sait que cette soule a lieu dans le comté de Clermont-en-Beauvaisis, la leçon de cet exemple est plus nette : ce sont les rancunes nées de la Jacquerie et de sa répression qui s’étalent à l’occasion d’une manifestation ludique”.
Les parties de jeu seront même détournées à des fins insurrectionnelles durant les XVIIe et XVIIIe siècle, une période de privatisation du foncier agricole et de la fin des droits d’usage des terres. Par exemple, une partie est organisée en 1638 dans le comté d’Ely afin de saccager des digues mises en place pour transformer des marais communaux en terres arables ; en 1740 dans le Northamptonshire pour détruire un moulin privatisé ; en 1765 à West Haddon pour brûler des clôtures.
On comprend alors en quoi le football répond à une dimension conflictuelle et, reflétant les transformations socio-économiques violentes, il est un outil de régulation des tensions sociales et politiques. C’est pourquoi “la capacité de cette pratique à perdurer dans le temps démontre son efficience dans le rôle qui lui est dévolu : celui d’une justice populaire et immanente créatrice de pouvoirs” selon Patrick Vassort.
Or, cette fonction de “justice locale autogérée” va très vite s’attirer les foudres autoritaires jusqu’à la fin du XIXe siècle. Les parties de football sont réprimées dès 1314 avec une première ordonnance d’Edouard II d’Angleterre, puis en 1319 par Philippe V en France. L’Archevêque de Paris va également réprimander les prêtres s’adonnant à ces jeux en 1512.
Le sociologue Norbert Elias inscrit ces condamnations du ballon rond dans un mouvement plus général de régulation de la violence qui touche les pratiques alimentaires, sanitaires, guerrières et sexuelles. La normalisation de ces dernières correspond à un double processus de contrôle des affects et d’apparition de structures étatiques centralisées qui acquièrent progressivement le monopole de la violence légitime.
Si les jeux persistent et restent populaires malgré la répression, c’est l’instauration des enclosures qui signe leur disparition. Et pour cause, la production agricole reposait traditionnellement sur une exploitation communautaire villageoise avec une collectivisation des biens fonciers. Seulement, apparaît à partir du XVIIe siècle un phénomène de mise sous clôture de parcelles : les grands champs sont individualisés en pâturage ou cultures plus rentables.
C’est un mouvement de rationalisation du système agraire qui est un instrument de concentration au profit des propriétaires terriens. Concomitamment, à mesure que la bourgeoisie rurale s’accapare le foncier, elle monte en puissance politique et sont affermis les droits d’acquisition et la propriété privée. Ainsi, les parties de folk football deviennent impossibles : d’une part du fait de la privatisation et de la mise sous clôture car les jeux sauvages sont férocement réprimés par les nouvelles forces de police de l’Etat ; et d’autre part en raison de la paupérisation rapide des paysans contraints à l’exode rural. La communauté paysanne et ses sociabilités se désintègrent, or nous avions vu que le football avait un rôle fonctionnel.
Ainsi, la monopolisation de la violence par les institutions étatiques et l’ouvriérisation de la société préfigurent le football moderne. En effet, les restrictions spatiales obligent la pratique à se rationaliser. On va déterminer des limites de terrain, de temps et de joueurs, interdire la violence et instaurer un arbitre comme autorité supérieure. De surcroît, dans un contexte d’industrialisation, le peu de temps donné aux ouvriers mettent définitivement un terme aux pratiques populaires du folk football. “Les pauvres ont été dépossédés de tous leurs jeux, tous leurs amusements, toutes leurs réjouissances” constate le Times en 1842. Le peuple perd ses terres, puis ses sports.
Ce sont alors dans les public schools britanniques nés à la fin du XVIIIe que se confine la pratique du football. En effet, il s’agit d’un système d’éducation privé et élitiste marqué par des insurrections d’élèves armés de pistolets. Dans ce cadre, le corps professoral n’avait aucune autorité et l’ordre ne se maintenait pas dans les écoles. Parallèlement, chaque établissement développait son propre football, alors interdit en ce début du XIXe siècle.
Dans le contexte de la révolution industrielle, les élites devaient pourtant être formées à la prise en main du capitalisme industriel et colonial. Face aux nouvelles nécessités sociales et économiques de la société victorienne, un profond mouvement de réforme morale naît dans les années 1830 : il s’inspire de l’association des Muscular Christians fondée après la bataille de Waterloo en 1815 et fascinée par la renommée gymnastique des allemands et leurs succès militaires lors de la campagne napoléonienne.
L’idée est alors de purger les écoles de leurs traditions archaïques et de théoriser les bienfaits pédagogiques et moraux de l’exercice physique. Le football est alors intégré dans les enseignements par opportunisme pédagogique avec des nouvelles pratiques corporelles codifiées. D’abord, la discipline et le self-government sont indispensables, et pour cela de nouvelles règles doivent être inventées : le dribbling game de l’établissement d’Eton (football moderne) et le handling game de Rugby (rugby moderne).
Progressivement, des clubs universitaires se fondent dans chaque établissement et la volonté de compétitions régionales impose l’exigence d’unifier les règles. Le processus de standardisation continue son chemin avec les règles de Cambridge (1848) qui est le fruit de sept heures de débat entre plusieurs étudiants de Cambridge autorisant les passes en avant et interdisant la course avec le ballon dans les mains. Aussi, les règles de Sheffield (1855) vont instituer les concepts des coups-francs, des corners et des touches.
La Football Association est créée en 1863 et interdit définitivement les coups violents, la prise en main du ballon, les hors-jeu et instaure la règle des 90 minutes et des 11 joueurs. A mesure que le foncier se renchérit avec l’expansion urbaine, les limites du terrain sont ramenées à 100 mètres. En somme, il y a ici l’adoption progressive des traits manifestes de la révolution industrielle : des pratiques corporelles et un contrôle de la violence sont édictés au sein d’un espace-temps rationalisé, avec l’arbitre comme loi, une spécialisation des postes comme division taylorienne du travail, et le but comme finalité de production.
L’Effort, journal de l’entreprise Berliet, écrit en 1920 qu’une “usine bien organisée doit être comme une équipe de football”. Par ailleurs, les premiers comptes-rendus sont rédigés avec un vocabulaire industriel : une équipe bien huilée, des joueurs pistons, des dynamos, des coups de masse.
En définitive, le football correspond à la formation des élites à la sociabilité du gentleman apte à prendre en main le capitalisme.
Alors que la Grande-Bretagne entre dans sa seconde phase de révolution industrielle, 70% de sa population est ouvrière en 1867. C’est le tournant du chemin de fer mais aussi celui des organisations partisanes et syndicales ouvrières (Association internationale des travailleurs en 1864 et Trades Union Congress en 1868) et des premières réglementations sociales : après le Factory Act (1850), le Bank Holiday Act (1871) limite le temps de travail à 6h30 le samedi.
De même en France, la loi Millerand en 1900 limite les journées de travail à 11h et la loi de 1906 instaure la semaine de 6 jours. Or, les autorités industrielles et morales perçoivent le risque de laisser les travailleurs se livrer aux vices de l’alcool et des jeux d’argent. Une conscience sociale paternaliste et hygiéniste se traduit alors dans les institutions caritatives et philanthropiques, à l’image de l’armée du Salut qui promeut le football.
Ce dernier est alors un instrument pour combattre la décadence d’une jeunesse dépravée en accord avec la formule d’Henry Ford : “Faites faire du sport aux ouvriers. Pendant ce temps, ils ne penseront pas à l’organisation syndicale”. Des clubs apparaissent autour des ouvriers du textile de Manchester, des métallurgistes de Birmingham, des dockers de Liverpool et des mineurs du Yorkshire. Au sein des conseils d’administration, les patrons et ecclésiastiques contrôlent la direction des équipes de football.
Toutefois, le football se popularise rapidement au sein de la working class. A mesure que les pubs se multiplient au sein des quartiers populaires, ils sont le lieu de préparation, de vestiaire, de réunions, de paris sportifs, de fêtes. De même, le télégraphe transmet rapidement les résultats des matchs. Enfin, les tramways et transports ferroviaires permettent aux joueurs de faire des déplacements dans les villes adverses. Les finales de FA Cup (coupe d’Angleterre) sont désormais l’occasion pour des milliers d’ouvriers de supporter leur équipe.
45 000 spectateurs assistent à la finale de 1893, 120 000 en 1913. En quelques décennies, le football est une passion populaire, une “religion laïque du prolétariat britannique” selon l’historien Eric Hobsbawm, avec une Église – le club -, son lieu de culte – le stade – et ses fidèles – les supporters. Le footballeur Charles Burgess Fry écrit en 1895 que “le football a désormais conquis la première place au cœur du peuple”. Le football a été réapproprié par celui-ci.
Encore plus, tandis que le Queen’s Park FC de Glasgow développe un combination game très tactique, les migrations de main-d’œuvre écossaise dans le Lancashire apportent ce jeu en l’hybridant au dribbling game anglais : le passing game comme sport collectif est né au sein des clubs industriels. Jusqu’en 1883, seuls des public schools et leur dribbling game avaient réussi à remporter la Cup. La finale de 1883 sera l’occasion d’une confrontation entre les Old Etonians, club amateur tenant du titre, et le Blackburn Olympic, équipe ouvrière du Lancashire.
Le symbole est fort : il oppose le jeu de dribble qui met en valeur l’action individuelle et le jeu de passe collectif qui mise sur l’entraide. Le tournant est entamé avec la victoire du Blackburn Olympic comme premier titre de l’histoire d’une équipe de la classe populaire, marquant la fin de l’hégémonie des public schools. Le capitaine, plombier de profession, affirme aisément son appartenance régionale au Nord industriel face au Londres des gentlemen.
Dès lors, un clivage se constitue entre le Sud historiquement dominé par l’esprit classique des clubs amateurs réservés à une élite sociale, tandis que le Nord accepte de plus en plus l’idée de professionnalisation. Et pour cause, les industriels doivent rentabiliser leurs investissements et les footballeurs demeurent assignés à leur précaire condition d’ouvriers.
Avec l’idée que “tout travail mérite salaire”, le professionnalisme est alors autorisé en 1885 et le premier championnat de Football League se dispute en 1888-1889. Les patrons inventent alors en 1893 le système de retain and transfer, c’est-à-dire que le joueur devient la propriété exclusive du club et ne peut le quitter sans l’accord de ses dirigeants. L’analogie ouvrière est totale : à l’image d’un industriel qui cherche à perfectionner son usine avec un sidérurgiste, il investit dans son équipe de football – au risque de faire face à des turbulences syndicales.
Dans une ville de Manchester traversée par un mouvement ouvrier puissant, l’Association of Football Players’ and Trainers’ Union (AFPTU) est créée en 1907 en raison du plafond salarial de 4 livres par semaine et de l’absence d’indemnisations pour les blessés. Mais lorsque l’AFPTU projette en 1909 de rejoindre la General Federation of Trade Unions, immense centrale syndicale, les autorités suspendent tous les joueurs affiliés. Toutefois, Manchester United refuse de renoncer à cet engagement militant, et une célèbre photographie fait apparaître le demi-centre Charlie Roberts avec une pancarte “The Outcasts F.C.” (les parias)
Malgré tout, en raison d’un compromis, la suspension est levée et le projet est annulé. Par conséquent, la convergence des luttes entre ouvriers du football et de l’industrie a échoué en ce début du XXe siècle.
En définitive, le football est un sport moderne dont l’invention lente est le fruit de processus sociaux et politiques du XVIe au XIXe siècle. S’il a été l’instrument de répression et de domestication par la bourgeoisie rurale et les industriels capitalistes, il contient également des rôles fonctionnels communautaires paysans et ouvriers. Des émeutes paysannes aux grèves syndicales, le ballon rond est un puissant moteur de réappropriation, d’intégration et de luttes populaires.
Dans ce premier épisode, nous avons vu l’invention du football moderne à l’aune de son histoire populaire, socio-économique et politique. Dans le suivant, nous verrons en quoi ce sport a été durant le XXe siècle le lieu privilégié des luttes communistes, antifascistes et anticoloniales.
15.04.2025 à 10:37
Mélenchon. Le livre évènement de la rentrée 2023, « Faites mieux ! Vers la Révolution citoyenne », est désormais disponible en anglais, sous le titre de « Now the people! ». Déjà traduit en espagnol, et prochainement en italien, l’ouvrage s’incruste durablement sur la scène internationale. Il est disponible dans toutes les librairies du Royaume-Uni et des États-Unis.
L’Avenir en commun, le programme de LFI porté par Jean-Luc Mélenchon, avait lui été traduit en japonais il y a quelques mois. D’un bout à l’autre du globe, les idées de la gauche de rupture portées par le mouvement insoumis s’exportent et se diffusent. Par ailleurs, Jean-Luc Mélenchon est arrivé ce dimanche à Montréal, en « soutien effectif et affectif » au Canada, à son indépendance et à nos cousins québecois. Il participera à une série de rencontres et d’évènements avant de se rendre à New York la semaine prochaine. Celui qui a reconstruit la gauche radicale en France avec 8 millions de voix obtenues à l’élection présidentielle 2022 et une victoire aux élections législatives de 2024 confirme qu’il est aussi l’artisan de sa reconstruction à l’échelle mondiale.
Dans cet ouvrage théorique sur la révolution citoyenne, le leader insoumis développe un argumentaire utile à quiconque souhaite fortifier sa compréhension du monde et agir pour le changer. Plus qu’un bréviaire, il est aussi une invitation au voyage avec à la clé une perception du réel renouvelée et modifiée par l’exploration de nouveaux concepts.
Dans Faites Mieux ! Vers la Révolution citoyenne, Jean-Luc Mélenchon formule un « appel à l’insoumission permanente contre un ordre du monde injuste et destructeur ». Au fil de 316 pages, il explore de nouveaux concepts (la « noosphère », « poly-individu »), dans le cadre de la théorie de l’ère du peuple et de la Révolution citoyenne, formulée il y a une dizaine d’années déjà. Il explique l’effondrement du capitalisme financier dans un monde toujours plus peuplé et la nécessaire bifurcation écologique que l’Humanité doit mener si elle ne veut pas courir à sa perte. Une véritable boite à outils, indispensable pour comprendre notre monde. « L’action est aveugle sans la théorie. La théorie est vaine sans l’action », avait-il rappelé aux journalistes de l’insoumission.fr.
« Faites mieux ! » : d’aucuns se souviennent très bien de cette phrase prononcée par Jean-Luc Mélenchon le soir du 1ᵉʳ tour de l’élection présidentielle de 2022. Je ne voulais pas vous dire comme un prétentieux ‘faites mieux que moi’ » avait précisé le leader insoumis à la Fête de l’Humanité mi-septembre. Puis, le tribun insoumis avait enflammé le public par ces mots : « Faites mieux c’est faire mieux que ma génération qui n’est arrivée à rien ! Abattez la citadelle, faites mieux, abattez ce système ! ». Une parole qui n’est pas tombée dans l’oreille de sourds. Depuis, près de 80 000 personnes, dont une majorité de jeunes, ont rejoint les rangs de la France insoumise, prêts à abattre la Citadelle.
Vous voulez savoir comment faire mieux ? Pour commander le livre de Jean-Luc Mélenchon en format poche, c’est par ici !
14.04.2025 à 18:48
Racisme. Le 12 mars 2025, un étudiant racisé de 29 ans a tenté de se suicider en sautant d’une passerelle du campus Pasteur de l’Université de Rouen. Cette tentative de suicide ferait suite à un harcèlement raciste et xénophobe de la part d’un professeur de master de l’Institut d’Administration des Entreprises (IAE), Pierre-Antoine Sprimont, également conseiller municipal et métropolitain Les Républicains de Rouen.
À un étudiant lors du salon Studyrama au Zénith de Rouen, il aurait déclaré : « On reconnaît une bonne formation au nombre de Noirs et d’Arabes ; s’il y a trop d’étudiants étrangers originaires d’Afrique ou du Maghreb, c’est que la formation n’est pas recherchée. » en plus de nombreuses autres déclarations marquées d’un profond racisme que l’Insoumission vous dévoile.
Suite à cet évènement tragique, les étudiants rouennais ont créé le Collectif Universitaire anti-raciste pour exiger l’exclusion définitive du professeur Sprimont et une transparence totale de l’Université de Rouen sur la gestion de l’affaire. Notre article.
Le professeur Pierre-Antoine Sprimont est accusé de harcèlement raciste et xénophobe envers des étudiants du Master CCA dans lequel il enseigne, mais également envers ses collègues. Ce harcèlement serait à l’origine d’une tentative de suicide d’un étudiant racisé de 29 ans, survenue le 12 mars sur le campus Pasteur de l’Université de Rouen. Les propos racistes et xénophobes de ce professeur seraient connus depuis des années, tant à l’Université de Rouen que dans les conseils municipaux et métropolitains, où il est élu sous l’étiquette Les Républicains. Voici certains propos dont nous avons connaissance.
À un étudiant lors du salon Studyrama au Zénith de Rouen, il aurait déclaré : « On reconnaît une bonne formation au nombre de Noirs et d’Arabes ; s’il y a trop d’étudiants étrangers originaires d’Afrique ou du Maghreb, c’est que la formation n’est pas recherchée. »
Lors d’une présentation de projet de l’étudiant qui a tenté de se suicider : « Tu devrais faire un projet venant de chez toi, venant de la jungle. » À un étudiant après une conférence : « Vous avez froid ? Ah non, c’est normal, vous venez des pays chauds. » À un collègue d’origine malgache lors d’un conseil de PAE : « Tu as un comportement tribal de petit caïd de cité. »
Il est également reproché au professeur d’avoir installé un climat de tension avec ses étudiants et ses collègues. Celui-ci aurait à plusieurs reprises interrompu de manière injustifiée les cours de ses collègues, exclu certains enseignants des décisions pédagogiques et avoir un profond mépris envers la direction de l’IAE. De plus, celui-ci aurait exercé de nombreuses fois des pressions excessives sur les étudiants, notamment avec des moqueries en pleins cours et une surveillance exagérée des étudiants, et un traitement inégal lors des examens oraux avec une durée variable et des digressions hors sujet.
Pour aller plus loin : Zemmour condamné pour racisme : les médias complices par leur silence
C’est après cette tentative de suicide que les étudiants de l’URN ont appris qu’en décembre 2024, la section disciplinaire de l’Université avait sanctionné le professeur Sprimont d’une interdiction d’enseigner au sein du Master CCA pour une durée de 18 mois, sans suspension de salaire. Cette sanction a fortement interrogé et indigné les étudiants, ainsi que des membres du personnel. En effet, pourquoi le professeur raciste est interdit d’enseigner dans ce Master, et pas dans les autres enseignements ? Pourquoi son salaire est-il maintenu ?
Le lundi 24 mars, le Président de l’Université et les autres membres de la présidence ont tenu une conférence devant plus de 600 étudiants et membres du personnel pour donner des explications sur la tentative de suicide de l’étudiant et sur le professeur mis en cause.
Les étudiants présents ont dénoncé une conférence honteuse durant laquelle ils ont essuyé le mépris des membres de la présidence et leurs questions restées sans réponse. Cette séquence a également été le théâtre de révélations sur les agissements de l’Université.
Depuis les premières Assemblées Générales et manifestations étudiantes, la présidence de l’Université de Rouen use de pratiques qui interrogent. Les étudiants et des membres du personnel dénoncent des contrôles excessifs visant selon eux, à « étouffer » ce drame et de faire en sorte « que l’on n’en parle pas ». Lors des journées où se tient une Assemblée Générale, les sacs des étudiants et de certains professeurs sont fouillés par la sécurité, ce qui n’arrive jamais le reste de l’année.
On essaie d’empêcher les étudiants de diffuser des tracts et de mettre des affiches pour appeler à des manifestations, durant lesquelles leurs pancartes peuvent être confisquées. Au-delà des étudiants, les enseignants sont, eux aussi, surveiller. Il a été révélé durant la conférence que l’on demandait aux enseignants de ne pas parler de ce drame entre eux et avec leurs étudiants. Dans certains cas, on leur demandait aussi de laisser leur porte ouverte pour les surveiller.
Après le drame survenu le 12 mars sur le campus Pasteur, les étudiants de l’Université se sont réunis en Assemblée Générale et ont créé le Collectif Universitaire anti-raciste (CUAR). Ils exigent l’exclusion immédiate du professeur Pierre-Antoine Sprimont de l’enseignement, mais également de sa fonction d’élu municipal et métropolitain à Rouen. Aussi, le collectif exige une transparence totale de la part de l’Université de Rouen et des moyens concrets pour lutter efficacement contre le racisme et toutes les formes de discriminations, afin que ce genre de drame ne se reproduise plus. Plusieurs actions ont été menées dans ce sens par le collectif.
Le 20 mars, près de 400 étudiants rouennais ont participé à un sit-in et à une manifestation dans l’enceinte du campus Pasteur. Les étudiants qualifient cette manifestation comme un « événement historique » dans l’histoire des mobilisations étudiantes à Rouen, d’autant plus que le campus Pasteur est considéré comme le fief de l’UNI, le syndicat étudiant d’extrême droite, et comme un campus « difficile à mobiliser ».
Deux jours plus tard, le Collectif s’est joint à la grande manifestation contre le racisme et l’extrême droite qui avait lieu partout en France. Près de 2000 personnes ont manifesté dans les rues de Rouen, et le Collectif est venue défendre ses revendications pour éradiquer le racisme à l’Université.
Le 24 mars, à la suite de la conférence du président de l’URN et de son équipe, les étudiants révoltés contre leur mépris et leur inaction ont à nouveau manifesté. Un nouveau record pour cette manifestation qui a réuni plus de 600 étudiants et membres du personnel, qui ont défilé du campus Pasteur jusqu’à l’Hôtel de ville de Rouen. Le vendredi, une nouvelle mobilisation faisant pression sur le Conseil d’Administration leur a permis d’obtenir une dispense d’assiduité deux fois par semaine pour pouvoir mieux organiser les Assemblées Générales et les manifestations.
Ne constatant aucune réaction de la part d’une grande majorité d’élus de la métropole, une délégation d’une quarantaine d’étudiants a pénétré dans le Conseil métropolitain qui se tenait le 31 mars, dans lequel siège Pierre- Antoine Sprimont, qui était absent. Deux membres du collectif se sont adressés aux élus de la métropole et ont dénoncé les propos de l’élu Sprimont, et ont rappelé aux élus que peu d’entre eux avaient réagi sur le drame survenu le 12 mars.
Pour continuer à faire pression, le 3 avril, les étudiants et le CUAR ont à nouveau manifesté du campus Pasteur jusqu’à l’Hôtel de ville où se tenait un Conseil municipal où siège Pierre-Antoine Sprimont. Les étudiants en colère se sont invités dans le Conseil pour dénoncer une nouvelle fois le manque de réaction de la part des élus, et ont directement interpellé le professeur raciste qui était présent, celui-ci ignorant totalement les dizaines d’étudiants derrière lui, une « forme de mépris qui le caractérise » selon une étudiante présente à la manifestation.
Par Ilan Laudrel