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01.08.2022 à 15:58

Les Uber Files et la corruption académique

Marc Chesney

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Comment les grandes banques ont créé un corps professoral ex-nihilo, tout au service des intérêts des marchés dérégulés. Prof. Marc Chesney (intiatlement paru dans le Temps, le 19/07/22) Récemment les Uber Files ont révélé que des professeurs de finance ou d’économie, connus dans leur pays respectif, la France et l’Allemagne, avaient écrit en 2016 des […]

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Texte intégral (1064 mots)

Comment les grandes banques ont créé un corps professoral ex-nihilo, tout au service des intérêts des marchés dérégulés.

Prof. Marc Chesney (intiatlement paru dans le Temps, le 19/07/22)

Récemment les Uber Files ont révélé que des professeurs de finance ou d’économie, connus dans leur pays respectif, la France et l’Allemagne, avaient écrit en 2016 des rapports commandés par Uber, pour vanter les mérites de cette société en termes de supposé désenclavement des banlieues ou d’augmentation de la productivité. Mettre en avant les salaires des chauffeurs, de 20 euros par heure, sans d’ailleurs tenir compte des frais d’assurance et d’essence, alors que ces auteurs auraient perçu 100.000 euros chacun pour ce travail de lobbying, ne manque pas de piquant… et de cynisme. Plus généralement, il s’agissait de promouvoir l’ubérisation de l’économie, c’est-à-dire en réalité, une précarisation accélérée des conditions de travail.

Le monde universitaire en économie et finance, feutré par excellence, joue ainsi un rôle essentiel dans la défense d’intérêts bien particuliers. Recevoir des compléments de salaire de grandes institutions, ou espérer y avoir accès, y incite. La presse fournit ponctuellement quelques exemples. Selon Le Monde Diplomatique de mai 2011, avant la crise financière de 2008, un professeur réputé de la London Business School, aurait ainsi été grassement rémunéré pour apparaître comme auteur d’un rapport vantant les prouesses du secteur financier en Islande. On connaît la suite, les trois grandes banques du pays ont fait faillite en quelques jours en 2008.

L’arbre qui cache la forêt

Ces exemples médiatisés sont l’arbre qui cache la forêt. Ils mettent en lumière un phénomène de corruption au sein du monde académique. Pour mieux comprendre et situer ce phénomène, il convient de remonter le temps pour remarquer que les premiers départements uniquement dédiés à la finance, ont été créés dans les années 1980, 1990.

Auparavant, les quelques professeurs actifs dans ces domaines faisaient partie de départements d’économie ou de gestion. C’était l’époque où le néo-libéralisme, avec ses vagues de dérégulations et de privatisations, a commencé à jouer un rôle dominant. Les professeurs ayant une formation classique en économie ou en gestion ne pouvaient pas vraiment répondre aux nouvelles questions que se posaient dorénavant les institutions financières. Il s’agissait ni plus ni moins que de changer leur business model. La tâche classique des banques, qui consiste à générer un profit sur la base de la différence entre taux prêteurs et emprunteurs, était et est toujours une activité lente, pour ne pas dire ennuyeuse pour les nouvelles générations de banquiers. Les vagues de dérégulations et de privatisations, d’une part, et de progrès informatique, d’autre part, ont permis à d’autres activités d’émerger, sources de profits larges et rapides. La gestion des fusions et acquisitions ainsi que le développement d’immenses salles de marché, où étaient traités actions, obligations, produits dérivés… ont donné le jour respectivement à la finance d’entreprise et à celle de marché. Dans ce dernier cas, une formation initiale en mathématiques, physique ou informatique, devenait souvent plus utile qu’un diplôme en économie.

La finance casino s’est ainsi développée rapidement. Les grandes banques ont acquis une dimension internationale et sont devenues systémiques. C’est-à-dire qu’elles prennent des risques démesurés et bénéficient d’une aide de l’État, en cas de pertes trop importantes, le tout bien sûr au nom du libéralisme. Il fallait donc créer de toutes pièces un corps professoral, qui forme les futurs spécialistes de ces deux domaines.

Les coûts de ces formations, initialement maintes fois supportés par le secteur privé : notamment les business schools, ont souvent été socialisés, dans le sens où ils ont été pris en charge par le contribuable, dans le cadre de formations universitaires. C’est ainsi par exemple que des budgets publics sont aujourd’hui utilisés pour former les futures embauches de fonds spéculatifs, dont l’objectif prioritaire est de permettre à des individus déjà extrêmement riches, de le devenir encore plus… Un minimum de décence voudrait que ces coûts soient assumés par ces structures privées.

Mercenaires en col blanc

En poussant à la création de ce corps professoral, les grandes banques avaient aussi pour objectif de se draper, si nécessaire, dans les habits de la science. Par exemple, pouvoir justifier «scientifiquement», c’est-à-dire en se basant sur des publications «scientifiques», les rémunérations grotesques des directions de ces institutions, malgré des performances parfois catastrophiques, leur est particulièrement utile. Vouloir, et le cas échéant, pouvoir disposer de mercenaires académiques, qui s’expriment publiquement en faveur de ces institutions, ou simplement de laquais serviles, qui préfèrent se taire, devenait stratégique face à ceux qui osent critiquer ces rémunérations grotesques et plus généralement les dérives de la finance casino.

Dans de nombreuses universités publiques, et particulièrement en Suisse, les professeurs de finance, disposent, grâce au contribuable, de bons salaires. Il serait donc logique qu’au lieu de centrer leurs activités d’enseignement et de recherche sur les besoins du secteur financier, ils cherchent à promouvoir le bien commun et les intérêts du plus grand nombre, en analysant ces dérives et en proposant des solutions.

Une analyse critique du pouvoir exorbitant atteint par ce secteur et de l’ubérisation de l’économie est à l’ordre du jour.

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28.07.2022 à 12:22

Pour 15 minutes de défilé dans le désert, quand Yves Saint Laurent montre la voie de la sobriété écologique

Alexis Poulin

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Dans le désert marocain d’Agafay, Kering a organisé un show hors normes pour le défilé de la nouvelle collection Yves Saint Laurent. Anthony Vaccarello, originaire de Belgique et directeur artistique de la maison Saint Laurent depuis 2016, a invité plus de 300 journalistes, TikTokers et célébrités dans le désert d’Agafay pour la mise en scène […]

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Texte intégral (2262 mots)

Dans le désert marocain d’Agafay, Kering a organisé un show hors normes pour le défilé de la nouvelle collection Yves Saint Laurent.

Anthony Vaccarello, originaire de Belgique et directeur artistique de la maison Saint Laurent depuis 2016, a invité plus de 300 journalistes, TikTokers et célébrités dans le désert d’Agafay pour la mise en scène de son nouveau défilé masculin.

À 45 mn de Marrakech, sous un soleil de plomb, Kering a loué un terrain, créé une route de 6 kilomètres pour accéder au site, avec arrosage quotidien, bâtiments éphémères, climatisations et espace VIP.

Sobriété oblige, de nombreuses climatisations ont été acheminées sur place.

C’est un studio hollywoodien digne d’un blockbuster qui a été conçu et réalisé par Bureau BETAK pour Yves Saint Laurent, sous la direction artistique de Anthony Vaccarello, avec une Stargate de 12 tonnes réalisée par l’artiste anglais Ed Devlin.

Sur le site du défilé, plusieurs bâtiments de 35 mètres, un bâtiment de régie technique, un salon VIP, et d’autres bâtiments recouverts de panneaux miroirs pour les bureaux et collections.


Plus fou encore, la construction d’une piscine pour accueillir le catwalk. C’est 50 camions de 10m3 qui ont été nécessaires pour la remplir, selon les témoins, soit près de 500 m3 dans une région désertique.

Le risque d’assèchement des puits était réel et durant cette période la canicule n’a pas épargné le Maroc, avec des températures moyennes de 45 à 47 degrés (55 degrés sous le soleil). Pour monter ce décor, les techniciens marocains ont été mobilisés plus de 3 semaines et payés en moyenne 15 euros par jour.

Le tournage a eu lieu le 15 juillet, et parmi les 250 invités VIP présents, on retrouvait Catherine Deneuve et Aurélien Enthoven, le fils de Carla Bruni et Raphaël Enthoven, qui défilait ce jour là pour YSL. Jets et vans affrétés du monde entier pour 15 minutes de show, dans le désert, c’est toute une conception par le luxe de l’écoresponsabilité et de la sobriété.

Ce fut donc une réussite spectaculaire pour les organisateurs, adeptes de développement durable et soucieux de la planète.

On peut ainsi lire les objectifs climat de YSL sur le site de la marque de luxe :

«EN LIGNE AVEC LA STRATÉGIE DÉVELOPPEMENT DURABLE DE KERING POUR 2025, SAINT LAURENT SE DIRIGE VERS UNE RÉDUCTION DE 40 % DE L’INTENSITÉ DE L’EP&L RELATIVEMENT À LA CROISSANCE, EN PRENANT 2015 COMME ANNÉE DE RÉFÉRENCE. CET OBJECTIF NÉCESSITE DE PRENDRE DES MESURES SUR LA CHAÎNE D’APPROVISIONNEMENT, DE LA FERME À LA FABRICATION DU PRODUIT JUSQU’À SA MISE SUR LE MARCHÉ. EN OUTRE, SAINT LAURENT S’ENGAGE À ATTEINDRE ZÉRO ÉMISSION NETTE DE GAZ À EFFET DE SERRE D’ICI 2050. LA MAISON ATTEINT SES OBJECTIFS DE COMPENSATION CARBONE GRÂCE À DES PROJETS VÉRIFIÉS REDD+ QUI, EN PLUS DE PRÉSERVER LES FORÊTS ESSENTIELLES ET LA BIODIVERSITÉ, SOUTIENNENT LE DÉVELOPPEMENT DES COMMUNAUTÉS LOCALES.»

Idem pour le prestataire reconnu du luxe, Bureau Betak, organisateur de nombreux défilés et événements :

«En 2020, Bureau Betak avait annoncé sa volonté de s’engager pour une production plus responsable, recevant alors la norme ISO 20121. Cette norme internationale a été élaborée pour promouvoir une consommation responsable et atténuer les effets négatifs sur les infrastructures et les services publics locaux .»

Toujours plus, pour souligner le caractère quasiment super écolo de cet événement, selon le magazine Vanity Fair : «Saint Laurent a déployé un important dispositif visant à limiter au maximum l’empreinte de l’événement, à commencer par la consultation d’experts locaux de la flore et de la faune, surtout les reptiles et les oiseaux. Le long des pistes parcourues pour emmener les invités sur le lieu du défilé, des systèmes de tuyaux spécifiques ont été mis en place pour permettre aux animaux, particulièrement ceux de milieux humides, de s’abriter. L’eau utilisée, non potable, servira ensuite à des projets d’irrigations dans le désert d’Agafay.» 

Nous voilà rassurés.

Jeux Olympiques hors budget, stades climatisés au Qatar, combien de kilomètres en jet pour 15 minutes de défilé dans le désert ? Décidément, pour les membres hors-sol du 0,1%, la sobriété énergétique est un songe, racheté par la communication et le green washing assumé. La sobriété énergétique, un truc de pauvres !

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