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13.11.2025 à 13:56

TotalEnergies et la diplomatie française : cinquante nuances de soutien

Olivier Petitjean
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Une nouvelle fois, la délégation officielle de la France à la conférence internationale sur le climat inclura des représentants des énergies fossiles, dont le PDG de TotalEnergies Patrick Pouyanné. Une illustration de la relation de symbiose qui continue de prévaloir entre le groupe pétrogazier et la diplomatie française, malgré la fin des soutiens financiers directs.
Une nouvelle fois, la délégation officielle de la France à la conférence internationale sur le climat de Belém, la COP30, (…)

- COP30 au Brésil : diplomatie climatique et intérêts économiques / , , , ,
Texte intégral (1940 mots)

Une nouvelle fois, la délégation officielle de la France à la conférence internationale sur le climat inclura des représentants des énergies fossiles, dont le PDG de TotalEnergies Patrick Pouyanné. Une illustration de la relation de symbiose qui continue de prévaloir entre le groupe pétrogazier et la diplomatie française, malgré la fin des soutiens financiers directs.

Une nouvelle fois, la délégation officielle de la France à la conférence internationale sur le climat de Belém, la COP30, inclura des représentants de l'industrie des énergies fossiles, au premier rang desquels Patrick Pouyanné, le PDG de TotalEnergies, et Jean-Pierre Clamadieu, le président du conseil d'administration d'Engie, avec d'autres cadres dirigeants des deux groupes. C'était déjà le cas il y a deux ans à Dubaï lors ce la COP28 [1].

Plusieurs organisations de la société civile dont l'Observatoire des multinationales avaient adressé il y a quelques jours, dans le cadre de la campagne Fossil Free Politics, une lettre ouverte à Emmanuel Macron et au gouvernement français demandant que la délégation officielle tricolore n'inclue pas à nouveaux de représentants du secteur des hydrocarbures. Cette lettre était restée sans réponse... jusqu'à ce que l'on découvre la liste des participants accrédités.

Hypocrisie, dissonance cognitive, signal désastreux... On ne sait comment qualifier cette présence de dirigeants de TotalEnergies et d'Engie (entreprise dont le cœur de métier reste le gaz), dans la délégation tricolore alors que la France se targue d'être parmi les pays en pointe sur le sujet de la sortie des énergies fossiles, par contraste avec des nations comme l'Arabie saoudite, la Russie et les États-Unis. TotalEnergies, en particulier, est l'une des principales majors pétrogazières mondiales, impliquée dans plusieurs nouveaux projets d'extraction qualifiés de « bombes climatiques » du fait de leurs impacts en termes de gaz à effet de serre. Le groupe a annoncé dans son dernier rapport sur l'énergie que le maintien du réchauffement des températures en deçà de 2°C était désormais hors de portée et qu'il continuerait plus que jamais à augmenter sa production de pétrole et de gaz pour répondre à la demande.

Collaboration profondément enracinée

Interrogé par Mediapart au au sujet de la présence de TotalEnergies dans la délégation française à la COP, le ministère de la Transition écologique a invoqué l'argument selon lequel « la présence et l'implication d'acteurs industriels, dont TotalEnergies, sont nécessaires pour faire progresser concrètement les engagements pris à l'échelle internationale ». Autrement dit : les géants des énergies fossiles sont certes le problème, mais ils donc sont aussi la solution. Un argumentaire contestable puisque cela permet aux « coupables » de façonner eux-mêmes la « solution » qui les arrange (par exemple : des aides publiques à la décarbonation, des solutions technologiques comme l'hydrogène ou la capture-séquestration du carbone, les marchés carbone). Une partie de la société civile, comme la campagne européenne Fossil Free Politics, plaide pour une exclusion totale des énergies fossiles des COP climat, à l'image de ce que l'Organisation mondiale de la santé a mis en place pour le tabac.

Cette justification suggère en outre que la collaboration entre l'État français et TotalEnergies est épisodique et superficielle, alors qu'en réalité elle est profondément enracinée et prend de multiples formes. La présence de Patrick Pouyanné à Belém n'est en quelque sorte que l'arbre qui cache la forêt.

Certes, la France a fini par franchir certains caps : la fin progressive de l'extraction de charbon, pétrole ou gaz sur le territoire français avec la loi Hulot de 2017, la fin des garanties export pour les projets d'hydrocarbures ailleurs dans le monde (dont avait largement bénéficié TotalEnergies avant cela) en 2022, l'adhésion à des initiatives public-privé telles que la Beyond Oil and Gas Alliance. Mais derrière ces engagements symboliques, les autorités françaises continuent, de fait, à travailler main dans la main avec des entreprises qui assument de poursuivre l'exploitation du gaz et du pétrole (et dans le cas d'Engie l'achat de gaz) encore durant des décennies.

La fin des soutiens financiers directs ne signifie pas la fin de cette collaboration, au contraire : elle sert au contraire à excuser la perpétuation de multiples formes de soutien non-financier, tout aussi importantes pour des multinationales qui font affaire avec d'autres gouvernements. L'invitation de représentants du secteur privé dans les conférences intergouvernementales n'en est qu'un exemple parmi d'autres. Il y a aussi évidemment le soutien diplomatique direct du plus haut niveau de l'Etat, qui n'est généralement nécessaire qu'en dernière instance, dans des situations complexes comme celles des projets du géants pétrogazier au Mozambique, en Papouasie-Nouvelle-Guinée ou en Ouganda.

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Portes tournantes

Et surtout il y a le tout-venant, comme la participation de dirigeants de TotalEnergies ou Engie aux déplacements officiels du président de la République, la désignation de cadres du groupe comme « conseillers du commerce extérieur » ou la co-organisation de missions économiques entre TotalEnergies et les associations industrielles dont le groupe fair partie et des agences publiques comme BusinessFrance [2]. Une enquête de Mickaël Correia pour Mediapart a montré à quel point point le groupe pétrogazier était associé aux activités des ambassades françaises, particulièrement en Afrique.

Au fondement de cette collaboration, sous ses formes les plus anodines comme sous ses formes les plus controversées, il y a le phénomène des « portes tournantes », les allers-retours entre TotalEnergies et la diplomatie française, sur lequel l'Observatoire des multinationales avait été l'un des premiers à alerter il y a quelques années, à propos des projets pétrolier du groupe en Ouganda (lire notre enquête). Près de cinquante haut fonctionnaires ont été travaillé chez TotalEnergies ces dernières années, apportant leur expérience, leur carnet d'adresses et leur familiarité avec les institutions, ou en sont revenus. Une directrice de la diplomatie économique qui a travaillé pendant plus de sept ans pour TotalEnergies, un cadre du groupe qui a travaillé entre deux postes comme conseiller à Matignon, un ancien conseiller du ministre des Affaires étrangères devenu lobbyiste en chef... Autant d'exemples qui illustrent la porosité totale entre intérêts pétroliers et diplomatie française [3].

Toutes nos enquêtes sur ces questions :


[1] Ce n'était pas le cas en 2024 à Bakou, où la délégation française était de toute façon minimale en raison du froid diplomatique entre les deux pays. Le PDG du groupe pétrogazier avait été convié directement par la présidence azerbaïdjanaise.

[2] Voir à ce sujet le récent rapport du Réseau Action Climat France qui cite plusieurs exemples.

[3] Voir aussi ce récapitulatif du Monde.

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