11.09.2025 à 18:10
Durant l'été, le milliardaire Pierre-Édouard Stérin a créé une holding baptisée du nom du journaliste qui a révélé l'existence du projet Périclès, Thomas Lemahieu, où il a placé l'essentiel de sa fortune. Provocation, étalage de son sentiment d'impunité, ou hommage du vice à la vertu ?
Encore inconnu du grand public il y a quelques mois, l'homme d'affaires Pierre-Édouard Stérin est désormais au centre de l'attention médiatique. Propriétaire de Smartbox, Bongo et autres diffuseurs de (…)
Durant l'été, le milliardaire Pierre-Édouard Stérin a créé une holding baptisée du nom du journaliste qui a révélé l'existence du projet Périclès, Thomas Lemahieu, où il a placé l'essentiel de sa fortune. Provocation, étalage de son sentiment d'impunité, ou hommage du vice à la vertu ?
Encore inconnu du grand public il y a quelques mois, l'homme d'affaires Pierre-Édouard Stérin est désormais au centre de l'attention médiatique. Propriétaire de Smartbox, Bongo et autres diffuseurs de coffrets cadeaux, financeur éminent de tout le secteur de la tech française à travers son fonds d'investissement Otium, le milliardaire, exilé fiscal en Belgique, a mis sa fortune au service de l'extrême droite. Sur le plan culturel d'abord, en finançant une myriade d'associations traditionalistes et de causes conservatrices, mais aussi désormais sur le plan politique à travers le projet « Périclès », doté de 150 millions d'euros sur dix ans. L'objectif est explicitement la conquête du pouvoir, en commençant par les élections municipales de 2026.
Jusqu'ici, Pierre-Édouard Stérin contrôlait son empire économique via la société B.A.D. 21, elle aussi basée en Belgique, qu'il détenait à 100%. Mais il y a du changement dans l'air. Au beau milieu de l'été (l'acte est daté du 31 juillet 2025), il vient de transférer la presque totalité de sa fortune, 98,3 % des actions de B.A.D. 21, à une nouvelle holding créée pour l'occasion, ne gardant lui-même que 1, 7 % des parts en détention directe.
À la manière des milliardaires américains de la tech qui financent l'extrême droite, comme Elon Musk ou Peter Thiel (lire notre enquête), Pierre-Édouard Stérin aime donner à ses sociétés des noms provocateurs, à consonance antique ou chrétienne, ou à double sens. En l'occurrence, il a baptisé cette nouvelle entité où est désormais nichée l'essentiel de sa fortune « Lemahieu Holding », du nom de Thomas Lemahieu, le journaliste de L'Humanité qui a révélé, en juillet 2024, l'existence du projet Périclès ou, plus récemment, le lien entre le milliardaire activiste et le label « plus belles fêtes de France » [1].
La propriété de Lemahieu Holding – elle aussi basée en Belgique – va-t-elle être transférée à une autre entité, comme une fondation ou un trust ? Cette création vise-t-elle à sécuriser le financement de ses « bonnes œuvres » en le séparant un peu plus de la personne de Pierre-Édouard Stérin et de sa famille ? En tout cas, le nom suggère clairement que l'opération est liée à la nouvelle notoriété de l'homme d'affaires et à ses ambitions politiques.
Les sommes en jeu sont considérables, puisque les 901 397 actions de B.A.D. 21 apportées à Lemahieu Holding sont valorisées à presque 1,4 milliard d'euros. Une estimation basée sur la valeur historique de l'ensemble des participations détenues directement ou indirectement par Pierre-Édouard Stérin via B.A.D. 21, qui serait sans doute encore supérieure si l'on se basait sur leur valeur de marché actuelle.
Depuis plusieurs années, le milliardaire annonce qu'il compte se délester un jour de sa fortune et la mettre au service de causes qu'il présente comme « humanitaires », mais qui reflètent surtout ses convictions chrétiennes et traditionalistes. À quoi sont venues s'ajouter plus récemment des visées plus spécifiquement politiques avec le projet Périclès. Pour porter ce dernier, le milliardaire a fondé en 2025 une autre société, séparée de B.A.D. 21, encore basée en Belgique, Graal Holding.
La création de Lemahieu Holding est une nouvelle étape dans ce jeu de meccano par lequel le milliardaire se met en ordre de bataille pour mener sa bataille culturelle et politique. Ce n'est probablement pas la dernière.
[1] Ce n'est peut-être pas un hasard que le nom Lemahieu, contraction de « Le Matthieu », signifie aussi « don de dieu ».