13.12.2024 à 14:10
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Bonne lecture
Du climato-scepticisme dur au climato-scepticisme « soft ». Cette semaine, en partenariat avec le média anglophone DeSmog, nous nous sommes plongés dans les archives de l'Atlas Network et nous avons suivi les traces du réseau libertariens et de ses partenaires, y compris en France, jusqu'à aujourd'hui.
Dans le premier volet de cette enquête, nous révélons comment Atlas a touché des financements du géant pétrolier ExxonMobil à la fin des années 1990 et au début des années 2000 – un moment crucial des négociations internationales sur le sujet – pour mettre en doute la science climatique et faire passer le message, via son réseau international de think tanks, qu'agir contre les émissions de gaz à effet de serre était une atteinte à la liberté d'entreprendre.
Les documents que nous révélons montrent que les dirigeants d'ExxonMobil ont demandé qu'une partie de leurs fonds aille à un think tank français, l'institut Molinari. Sa directrice Cécile Philippe s'est effectivement distinguée par ses prises de position sur le sujet et notamment par un livre dont le titre en dit long : C'est trop tard pour la Terre.
Dans une enquête publiée en mai dernier, nous avions levé le voile sur l'histoire et les méthodes d'Atlas Network et sur ses partenaires en France, parmi lesquels l'Ifrap ou encore l'Institut de formation politique. Ce sont les mêmes méthodes que l'on retrouve à l'oeuvre sur la question du climat.
Et aujourd'hui ? Les représentants de l'Atlas Network et certains de ses partenaires en France affirment n'avoir pas de position de principe sur la science climatique. Ils sont tout simplement opposés à tout ce qui ressemble de près ou de loin à une régulation ou à une intervention des pouvoirs publics.
Dans le second volet de l'enquête, nous y regardons tout de même d'un peu plus près. Si les discours ouvertement climato-sceptiques se font effectivement moins nombreux et moins visibles au sein du réseau, l'obstruction à toute action rapide et ambitieuse dans ce domaine prend d'autres formes : la promotion du nucléaire et d'autres solutions technologiques par exemple, la critique répétée des énergies renouvelables, ou les appels à la criminalisation des militants climat. C'est ce que l'on constate avec des partenaires français historiques d'Atlas comme l'IFRAP ou l'institut Molinari.
Mais il ne faut pas gratter beaucoup pour trouver des discours plus virulents. Le président de l'Iref, Jean-Philippe Delsol, nous a ainsi expliqué attendre « de meilleures démonstrations de la part des scientifiques qui entendent exiger des sacrifices considérables des citoyens du monde entier pour réduire la température ».
Un récent ouvrage sur l'obstruction climatique en Europe confirme le rôle crucial des think tanks pour élaborer et diffuser des messages anti-renouvelables ou niant le consensus scientifique sur le sujet. Des messages qui souvent repris ensuite par les partis d'extrême-droite.
Lire les deux volets de l'enquête « Un allié précieux et généreux » : quand Exxon finançait le réseau Atlas pour bloquer l'action climatique et Nucléaire, critique des renouvelables et criminalisation des militants : le réseau Atlas et les nouveaux habits du climato-scepticisme.
Ces jours ci se tenait à Bruxelles la « semaine des matières premières », EU Raw Materials Week. Organisé tous les ans par la Commission européenne, cet événement est un moment de réseautage entre hauts fonctionnaires et représentants de grandes entreprises. Bureaucrates et industriels occupent la quasi totalité des places à la tribune, ne laissant qu'un espace minuscule à la société civile, et encore moins à ceux et celles qui pourraient remettre en cause le narratif bien rôdé des « minerais critiques ».
Les industriels et les responsables publics présents à Bruxelles ne cachaient d'ailleurs pas leur intention de donner au secteur minier une « meilleure réputation ».
L'année dernière, nous avons alerté sur l'influence qu'ont exercé les secteurs de l'aéronautique, de l'automobile et même de l'armement sur le contenu du règlement européen sur les matières premières critiques, ou « Critical Raw Materials Act » (CRMA), qui a été adopté entre-temps à une large majorité. Lire à ce sujet notre enquête Du sang sur le Pacte vert ?.
Sautant sur le prétexte de la transition énergétique, les industriels ont obtenu des privilèges et des facilités qu'ils réclamaient depuis des années, pour des productions n'ayant rien à voir avec la sauvegarde du climat, voire allant dans le sens exactement inverse.
Sur ce sujet, on relira aussi notre entretien avec Célia Izoard : « Invoquer la nécessité de créer des mines “pour la transition” est très hypocrite ».
L'industrie minière est intrinsèquement destructrice, intrinsèquement émettrice de quantités massives de gaz à effet de serre. Le risque est énorme qu'au nom des « minerais critiques », les questions nécessaires ne soient pas posées, et que les objectifs européens servent d'argument pour faire taire les critiques des mines en Europe même (par exemple en Serbie, où Rio Tinto veut ouvrir une mine de lithium).
Presque rien dans les législations actuelles ne garantit que les minerais prétendument critiques seront utilisés pour construire des éoliennes plutôt que des missiles, des drones ou des avions, par des entreprises dont les actionnaires ne seront même pas majoritairement basés en Europe.
De quels minerais avons-nous vraiment besoin et pour quels usages ? C'est pour faire en sorte que ces questions soient posées et débattues publiquement que nous avons lancé avec nos partenaires du réseau ENCO, ainsi que d'autres ONG et organisations de recherche, un « Observatoire des minerais critiques ». Et nous continuerons de notre côté à enquêter sur ce secteur.
Pour plus d'information, voir la page dédiée sur le site du réseau ENCO.
TotalEnergies et son sulfureux partenaire indien. Dans une enquête parue il y a quelques mois, nous vous présentions le groupe indien Adani et ses relations étroites avec TotalEnergies. Pour le groupe français, le partenariat avec Adani est tout sauf anodin. Sa prise de participation en 2020 lui a permis d'augmenter significativement son portefeuille nominal d'énergies renouvelables, de mettre le pied en Inde, et de se lancer dans d'autres partenariats avec Adani sur l'hydrogène et le gaz. Aujourd'hui, les deux groupes construisent le plus grand parc solaire et éolien du monde. Las, les accusations de corruption et de manipulation financière pleuvent désormais sur Adani. Lire notre article.
Mauvaise nouvelle : Bolloré génère du cash. Le lundi 9 décembre, les actionnaires de Vivendi ont approuvé, malgré les doutes de certains investisseurs, le plan de scission du groupe en plusieurs entités, qui verra Canal+ coté à Londres, Havas à Amsterdam, Hachette à Paris et le reste transformé en holding. Le groupe Bolloré pourra ainsi profiter de législations plus accommodantes qui lui permettront de diluer encore sa part au capital tout en gardant un contrôle total, comme Vincent Bolloré a toujours sur le faire tout au long de sa carrière de chevalier de la finance. L'opération pourrait permettre – c'est la justification brandie vis-à-vis des autres actionnaires – d'augmenter la valeur boursière cumulée de l'ensemble. Et donc éventuellement de générer encore davantage de cash qui pourra être mis au service du projet politique du milliardaire d'extrême-droite.
Les portes tournent entre CMA-CGM et la Macronie. Encore peu connu du grand public il y a quelques années, le groupe de transport maritime CMA-CGM monte en puissance sur la scène économique, politique et médiatique française. Outre le rachat de plusieurs médias dont BFM et RMC, l'entreprise présidée par Rodolphe Saadé a recruté depuis 2021 une dizaine d'anciens conseillers ministériels, selon le décompte de Jérôme Lefilliâtre dans Le Monde. Sans compter les portes tournantes auxquelles la Haute autorité pour la transparence de vie publique a mis son veto, comme la tentative d'embauche de l'ancien ministre des Transports Jean-Baptiste Djebbari. Ou encore le recrutement d'anciens piliers de Bercy comme Ramon Fernandez, directeur du Trésor sous Sarkozy, entre-temps directeur financier d'Orange et candidat malheureux à la succession de Stéphane Richard au poste de PDG. Ramon Fernandez a été immédiatement mis à contribution par CMA-CGM pour faire du lobbying au Parlement pour défendre la niche fiscale très contestée qui lui aurait rapporté jusqu'à 5,6 milliards d'euros en 2023.
Les grands patrons sur la ligne Trump-Musk-Milei. Toujours dans les pages du Monde, Isabelle Chaperon revient sur les nombreuses déclarations de grands patrons français ces derniers jours qui semblent suggérer qu'ils sont de plus en plus séduits par une ligne dérégulatrice dure inspirée par l'Amérique de Donald Trump et l'Argentine de Javier Milei. Dénonçant « l'enfer d'investir en France ») (Luc Rémont d'EDF), le caractère « assassin » de la « lourdeur fiscale » (Xavier Niel, Iliad), les « délires bureaucratiques qui ne servent à rien » (Jean-Laurent Bonnafé, BNP Paribas), ils multiplient aussi les signes de validation tacite des positions du RN sur le sujet. La tentative très bancale de Michel Barnier d'équilibrer les comptes publics en réduisant un peu les privilèges des entreprises, ajoutée à la crainte de voir le Nouveau Front Populaire au gouvernement, semblent avoir radicalisé les positions dans le monde patronal.
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Cette lettre a été écrite par Olivier Petitjean.