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30.04.2024 à 06:00

Au Liban, le désamour de la France et de l'Occident

Clothilde Facon-Salelles, Ségolène Ragu

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L'érosion de l'hégémonie occidentale s'étend au Liban où la population subit la menace israélienne depuis des décennies et vit au rythme des massacres à Gaza. Elle s'indigne largement du blanc-seing offert à Israël par Washington et ses alliés. Les discours critiques essaiment à présent au sein des couches sociales les plus « occidentalisées » de ce pays et touchent aussi la France. Avec la présence de 250 000 réfugiés et la posture de « résistance » affichée par le Hezbollah depuis trois (…)

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Texte intégral (3342 mots)

L'érosion de l'hégémonie occidentale s'étend au Liban où la population subit la menace israélienne depuis des décennies et vit au rythme des massacres à Gaza. Elle s'indigne largement du blanc-seing offert à Israël par Washington et ses alliés. Les discours critiques essaiment à présent au sein des couches sociales les plus « occidentalisées » de ce pays et touchent aussi la France.

Avec la présence de 250 000 réfugiés et la posture de « résistance » affichée par le Hezbollah depuis trois décennies, la cause palestinienne a souvent été instrumentalisée au Liban. Cependant, les enquêtes montrent que, depuis octobre 2023, elle fait l'objet d'une solidarité plus consensuelle. D'après le Centre arabe de recherche et d'études politiques (Carep), basé au Qatar et fondé par Azmi Bishara, le pourcentage « de Libanais estimant que la question palestinienne concerne tous les arabes et n'est pas simplement une cause palestinienne » est passé de 60 % l'année dernière à 84 % en janvier 20241. Comme l'analyse son directeur Mohamed Al-Masri,

les atrocités qui sont commises à Gaza, la réaction d'Israël qui refuse un cessez-le-feu tout comme des puissances occidentales, ont fait converger les Libanais par-delà leurs caractéristiques socioéconomiques et confessionnelles. L'opinion publique libanaise s'aligne sur celle des autres pays arabes en ce qui concerne le regard porté sur les pouvoirs occidentaux.

Le souvenir de Chirac et Villepin

En effet, le soutien sans grande réserve des pays occidentaux engendre une certaine désillusion chez les Libanais, alors que 89 % d'entre eux s'avouent affectés psychologiquement par la guerre à Gaza2. L'hypocrisie des tenants de l'ordre international qui s'indignent de la violence envers certains pour la légitimer à l'égard des Palestiniens entraîne colère et déception. Pour Steven Ghoul, mécanicien automobile vivant à Roumieh, « la vision que j'avais de la politique occidentale a complètement changé. Leur seule ligne politique est la protection d'Israël ». Nawal, commerçante libanaise de soixante ans installée à Paris, assure : « Pour nous, l'Occident, c'était les lois, les droits de l'homme, la démocratie… »

Or, « le génocide en cours à Gaza a révélé les limites de certaines valeurs telle que la liberté d'expression », observe Rana Sukarieh, professeure de sociologie à l'université américaine de Beyrouth (AUB) et spécialiste des mouvements de solidarité avec la Palestine. En témoigne la répression contre le soutien au peuple palestinien dans les rues, les universités et les médias. Rana Sukarieh précise :

Par conséquent, se développe chez les Libanais une critique accrue à l'encontre de la complicité occidentale avec le génocide et le colonialisme, ainsi que de l'hypocrisie de cette liberté d'expression sélective. Ceux qui étaient apolitiques, ou qui ne se faisaient pas entendre, sont devenus plus virulents dans leurs critiques.

L'écrasante majorité (97 %) des Libanais jugent « mauvaise » la réponse américaine au conflit. Pour 80 %, leur opinion sur la politique des États-Unis est devenue plus négative qu'avant octobre 20233.

L'Allemagne et la France cristallisent aussi les critiques. Certains attendaient davantage de Paris qui, il y a moins de vingt ans, se distinguait encore avec sa « politique arabe ». « Avant, je défendais la France, mais elle a perdu toute crédibilité vis-à-vis de ses valeurs », assène Nawal. Tony, consultant financier de 37 ans, avoue « être déçu par le comportement des élites françaises, leur double standard, et leur soumission à un État qui mène des actions génocidaires ». Même sentiment chez Ounsi Daif, franco-libanais travaillant pour une organisation environnementale :

Malgré ma conscience des intérêts économiques, géopolitiques, qui guident l'action des grandes puissances, demeurait en moi un reste inconscient de pensée selon laquelle Villepin, Chirac, étaient des personnalités dont les avis n'étaient pas exclusivement déterminés par les intérêts politiques et financiers. Mais à présent, c'est une claque monumentale. Il n'y a même pas un fond d'humanité ou de légalisme. Le peu de confiance que j'avais dans un système de valeur s'est complètement évanoui.

Ces remises en cause dépassent la simple réflexion et débordent sur la vie personnelle, entrainant parfois disputes familiales et ruptures amicales. Bien des Libanais interrogés témoignent de leur relecture du passé et de la déconstruction des récits hégémoniques qui tendent à propager une vision du monde occidentalisant les droits humains.

L'ancrage d'Israël dans un ordre colonial

Ces témoignages convergent pour inscrire la politique d'Israël dans un ordre colonial qui « légitime » les massacres à Gaza, une « violence prétendument nécessaire » qui a fait de l'Occident la force dominante du système international. Ainsi, au sein de franges intellectuelles et militantes, le combat de la Palestine s'inscrit dans un continuum de luttes mondiales contre l'impérialisme telle que la résistance algérienne, les luttes autochtones ou le combat contre l'apartheid en Afrique du Sud. Youssef, monteur et réalisateur, conçoit « ce qui se passe à Gaza comme la confrontation à un projet européen, colonial et impérialiste, inscrit dans une longue histoire de l'oppression ». Hadi, étudiant de 20 ans, ajoute :

Le Liban lui-même, en tant qu'entité dans ses frontières délimitées, est une idée de l'Occident, une entité créée par la colonisation. Nous devons décoloniser nos esprits et nos territoires du Nord global, construire un imaginaire politique de solidarité entre les peuples.

La dépendance militaire et économique du pays est remise en cause. Youssef prend l'exemple de Nestlé qui a racheté la marque d'eau minérale libanaise Sohat : « Il s'accapare des ressources pour les revendre à prix fort, ce qui va conduire à des pénuries et à la pollution des sols ».

Ces discours ont trouvé écho dans les pages du premier quotidien francophone de la région L'Orient-le-Jour. Dans une tribune du 20 janvier, l'ancien diplomate égyptien Mohamed El-Baradei, prix Nobel de la paix affirme :

Une rupture imminente se profile entre l'Occident et le monde arabo-musulman [qui] a perdu confiance dans les normes occidentales qu'il perçoit : droit international et institutions mondiales, droits de l'homme et valeurs démocratiques.

Et dans un article commentaire paru le 27 avril, la journaliste franco-syro-libanaise Soulayma Mardam Bey dénonce la « criminalisation » du soutien à la cause palestinienne considéré comme une « apologie du terrorisme », répétant qu'il y a « quelque chose de pourri au royaume de France »4.

Néanmoins, ces critiques ne conduisent pas à se réfugier dans le camp opposé et ne se transforment pas en alignement sur des pays comme l'Iran. La perte par l'Occident du monopole de la raison morale peut s'opérer au bénéfice d'États comme le Brésil ou l'Afrique du Sud, dont l'initiative portée à la Cour internationale de Justice (CIJ) est célébrée sans illusion. Beaucoup pensent comme Lina, employée d'une ONG : « C'est un beau symbole de voir un pays du Sud global prendre la parole, tenir des pays occidentaux pour responsable, toutefois je doute que ça mène quelque part ».

Dans un tout autre registre, depuis une décennie déjà, la Russie a pu consolider son image auprès d'une partie de la population libanaise favorable au régime syrien, du fait de son intervention militaire visant à soutenir ce dernier (aux côtés du Hezbollah). Depuis les frappes israéliennes à Gaza, la propagande pro-russe s'est même amplifiée5.

McDonald's et Starbucks à court de clients

Ces prises de distance s'accompagnent d'un boycott des biens issus de sociétés épinglées par la campagne Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) et identifiés grâce à l'application No Thanks. Quoique moins prononcé qu'en Jordanie ou aux Émirats arabes unis (EAU), le mouvement prend de l'ampleur. Rana Sukarieh assure :

On peut observer une progression certaine de [ces] pratiques à l'encontre de compagnies américaines ou connues pour leur complicité avec le colonialisme israélien. Prenez McDonald's ou Starbucks : certains établissements sont désormais vides.

La volonté de consommer des produits estampillés libanais fait son chemin, défi difficile dans un pays où 80 à 90 % des biens consommés sont importés. Ainsi, l'entreprise de soda, Cedars Premium, voit son chiffre d'affaires augmenter depuis octobre, car elle approvisionne les restaurants de Beyrouth qui remplacent Pepsi et Coca-Cola par des produits alternatifs tels que Jalloul et Zee Cola. Des Libanais relatent leurs recherches pour modifier leur mode de consommation : ils évitent des objets aussi variés que les films de Hollywood, les shampoings l'Oréal et Pantene, ou certaines marques de vêtements.

Pour les gérants du restaurant Mezyan, institution mythique au cœur du quartier de Hamra, l'actualité n'a fait qu'accélérer un processus de promotion de produits libanais engagé depuis des années, notamment en raison de la crise. De l'autre côté de la rue, sur les murs de la librairie Barzakh, sont étalés des posters appelant au boycott avec le QR code permettant de se renseigner sur l'origine des produits. Toutefois, Mansour Aziz, co-gérant des deux lieux estime que « le boycott est un signe de solidarité, mais concrètement ça peut se révéler très compliqué. Pour de nombreux produits, seule une très faible part provient de sociétés occidentales ou israéliennes complices ». Il a tenté de convaincre d'autres commerces de délaisser les produits occidentaux au profit d'une production locale, sans succès.

Cette grammaire d'action vise aussi certains médias européens accusés d'une couverture « criminelle du génocide ». Pour certains franco-libanais comme Nawal, la mobilisation passe par le refus de voter dans l'Hexagone afin de « ne plus être complice ».

Une attitude parternaliste

Si, comme dans les autres pays arabes de la région, les réseaux sociaux représentent la matrice privilégiée de la contestation, des rassemblements prospèrent également dans les rues. « Le 7 octobre a engendré une vague de mobilisations anti coloniales », témoigne Hadi, lui-même actif au sein d'un syndicat étudiant. Elles ne ciblent pas les autorités libanaises car elles n'entretiennent pas de relations diplomatiques avec Israël contrairement à des États comme le Maroc dont la normalisation des liens avec celui-ci est au cœur des critiques. Les manifestations visent les symboles du pouvoir occidental.

Le 17 octobre, alors que débutent les bombardements israéliens sur l'hôpital Al-Ahli Al-Arabi, les cortèges se dirigent spontanément vers les ambassades des États-Unis et de la France, mais aussi vers celles de l'Allemagne et de l'Union européenne. Des manifestants ont affiché des slogans de solidarité palestinienne lors d'une rencontre entre la ministre des affaires étrangères allemande Annalena Baerbock et son homologue Abdallah Abou Habib. Les rassemblements sont régulièrement organisés par des syndicats, des militants d'associations, et des partis de gauche et regroupent quelques dizaines ou centaines de personnes selon les jours. Ils sont réprimés par les forces de sécurité intérieure et par l'armée, ainsi que par les services de sécurité de l'ambassade américaine, avec mesures de détention préventive, arrestations et interrogatoires.

Par ailleurs, s'exacerbe un sentiment de frustration à l'égard de l'attitude paternaliste des institutions occidentales, tendant à imposer leurs « solutions » au pays et à monopoliser des activités que les organisations libanaises, qui connaissent mieux le terrain, pourraient mener à bien. Hadi a participé à la perturbation d'événements organisés par la Fondation Konrad-Adenauer à l'université Saint-Joseph.

Le 8 mars 2024, une centaine de manifestants se sont rassemblés devant le bureau d'ONU Femmes dans le quartier de Sin El-Fil à Beyrouth, pour dénoncer le silence de l'agence sur les massacres perpétrés par Israël à Gaza et cet « outil au service d'intérêts impérialistes, blancs, libéraux et capitalistes [qui] contribue à l'oppression, à l'agression et au meurtre des femmes à Gaza et en Palestine ». Pour les Libanais recevant des salaires de la part de ces organisations qui « parlent le langage de l'oppresseur », cette situation entraîne des « contradictions émotionnelles », s'épanche Lina.

Même son de cloche du côté de la culture, souvent dépendante de financements européens. Active dans le secteur du cinéma, Nour confie qu'elle ressent

toute cette énergie qui vient du monde arabe. Cela renforce ce sentiment d'appartenir à une nation qui se révolte, qui se réveille. On fait quand même partie d'un continent auquel on tourne complètement le dos. On ne regarde que ce qui se passe de l'autre côté de la Méditerranée !

Dalia, photographe très critique du Western gaze6 qui sévit dans son milieu professionnel, affirme qu'elle « veut adresser [ses] messages au Liban, pas à l'Occident ».

D'autres artistes ont quitté des collectifs américains tel que Women Photograph ou Diversify Photo en raison de leur absence de solidarité avec la Palestine, tandis qu'un mouvement timide de boycott des manifestations culturelles européennes s'est esquissé pendant l'hiver, visant notamment le festival du film de la Berlinale. « Plutôt que d'attendre qu'ils nous excluent, c'est nous qui décidons de ne plus y aller », conclut Nour.


1« Arab public opinion about the Israeli war on Gaza », Centre arabe de recherche et d'études politiques (Carep), 10 janvier 2024.

2« Arab public opinion about the Israeli war on Gaza », op.cit.

3« Arab public opinion about the Israeli war on Gaza », op.cit.

4Soulayma Mardam Bey, « Au royaume de France, la Palestine muselée », L'Orient-Le Jour, 27 avril 2024.

5Zeina Antonios, « Qui se cache derrière les affiches de soutien à Vladimir Poutine à Beyrouth », L'Orient-le-Jour, 9 mars 2024.

6Regard occidental véhiculant stéréotypes et idées préconçues dans la représentation de personnes non-occidentales, notamment à travers des sujets comme la pauvreté, la souffrance et la violence.

29.04.2024 à 06:00

« Les Israéliens utilisent une nouvelle arme, celle de la cigarette »

Rami Abou Jamous

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Rami Abou Jamous écrit son journal pour Orient XXI. Ce fondateur de GazaPress, un bureau qui fournissait aide et traduction aux journalistes occidentaux, a dû quitter son appartement de la ville de Gaza avec sa femme et son fils Walid, deux ans et demi. Il partage maintenant un appartement de deux chambres avec une autre famille. Il raconte son quotidien et celui des Gazaouis de Rafah, coincés dans cette enclave miséreuse et surpeuplée. Cet espace lui est dédié. Samedi 27 avril 2024. Je (…)

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Texte intégral (1230 mots)

Rami Abou Jamous écrit son journal pour Orient XXI. Ce fondateur de GazaPress, un bureau qui fournissait aide et traduction aux journalistes occidentaux, a dû quitter son appartement de la ville de Gaza avec sa femme et son fils Walid, deux ans et demi. Il partage maintenant un appartement de deux chambres avec une autre famille. Il raconte son quotidien et celui des Gazaouis de Rafah, coincés dans cette enclave miséreuse et surpeuplée. Cet espace lui est dédié.

Samedi 27 avril 2024.

Je vous ai déjà parlé de l'aide alimentaire qui arrive au compte-goutte, des prix qui peuvent être multipliés par dix ou par vingt. Aujourd'hui par exemple, on trouvait des bananes à Rafah à vingt fois leur prix d'avant la guerre. Mais je ne vous ai pas encore raconté la pénurie de cigarettes.

Cette question n'est pas aussi secondaire qu'elle peut paraître. Comme je ne fume pas, je ne m'y étais pas intéressé jusque-là. La cigarette à l'unité qui coûtait auparavant un ou deux shekels est aujourd'hui à 40 shekels (10 euros), et le paquet à peu près à 1 000 shekels, c'est-à-dire 250 euros.

Partager une cigarette à quatre

J'ai demandé à un ami qui appartient à la famille Chaher — connue pour importer le tabac depuis l'Égypte — pourquoi les prix ont tellement augmenté. Il m'a dit que depuis le 7 octobre, les Israéliens interdisent l'entrée du tabac sous toutes ses formes. Ici, les hommes fument en général la cigarette, et les femmes plutôt la chicha. Quelques cartouches passent en contrebande, mais c'est tellement peu que les prix sont astronomiques. Pour certaines marques comme le Marlboro, les prix peuvent aller jusqu'à 1 000 dollars la cartouche. Les contrebandiers essaient de convaincre les camions d'aide humanitaire d'en transporter. On m'a dit qu'un chauffeur pouvait se voir proposer plus de 5 000 dollars pour faire passer quelques cartouches, ou parfois un carton — c'est-à-dire 50 cartouches — qui peuvent valoir jusqu'à 100 000 dollars. J'ai dit à mes amis que ça me semblait incroyable. Qui peut acheter à ces prix-là ?

Personne, bien sûr. Alors les gens se débrouillent. Certains vont à la frontière demander des cigarettes aux soldats égyptiens. Sur Facebook, on voit des annonces qui disent : « On est trois, on cherche un quatrième pour partager une cigarette. » Ou bien : « J'ai une moitié de cigarette, je l'échange contre un peu de tabac pour chicha. » Au début, on croyait que c'était des blagues. Un ami m'a dit :

J'ai un peu d'argent, je peux me permettre d'acheter une cigarette par jour à 30 ou 40 shekels. Mais je connais beaucoup de gens qui partagent une cigarette à quatre, c'est devenu très courant.

Fumer de la corète au lieu du tabac

Les cigarettes étaient déjà chères avant, parce que le Hamas prélevait des taxes, même si pour eux le tabac est interdit par la religion. Quand le prix du paquet avait atteint 20-30 shekels (entre 5 et 7,5 euros), de nombreux fumeurs s'étaient rabattus sur le tabac à rouler qu'on avait surnommé « tabac arabe ». Mais le kilo de tabac est passé à 1 000 shekels (250 euros). Le rouleau de papier à rouler coûtait 1 shekel, il en vaut maintenant 100. Les cigarettes électroniques étaient à 30 shekels, elles sont passées à 500.

Les gens ont trouvé des produits de remplacement. Beaucoup fument les feuilles de corète potagère qu'ils roulent dans du papier. Normalement, cette plante sert à préparer la mouloukhiya, un plat très répandu dans la cuisine de la région. Le kilo de corète est à 10 shekels. D'autres fument du thé ou du carcadet. Conséquence : le prix du thé, du carcadet et de la corète a augmenté. Un ami fumeur me dit :

Je fumais un paquet par jour, aujourd'hui je fume deux ou trois cigarettes roulées avec un peu de tabac et un mélange de thé et de carcadet que je répartis bien, pour sentir le goût de la nicotine. Mais ça ne suffit pas, je reste très nerveux. Je n'arrête pas de faire des problèmes avec ma femme, avec mes enfants. Je ne supporte plus ce manque, un rien m'énerve.

Il emploie une expression arabe : « Je ne supporte pas la mouche qui se pose sur ma tête. » Il me dit que c'est le cas de tous les fumeurs à Gaza, et il y en a beaucoup. Il dit aussi que ce qu'il se passe n'est pas un hasard, que les Israéliens laissent passer pas mal de choses mais pas le tabac, en espérant sans doute augmenter la nervosité des Gazaouis, et ainsi aggraver le chaos sécuritaire : déjà que les gens sont affamés, qu'ils se précipitent pour récupérer les colis des parachutages et qu'ils attaquent les camions d'aide pour attraper un sac de farine…

La guerre psychologique israélienne

Mon ami poursuit : « Les disputes à cause des cigarettes sont devenues un problème majeur. » Un de ses amis s'est disputé avec sa femme parce qu'elle avait lavé sa chemise sans voir qu'il y avait une cigarette dans la poche. Ça s'est terminé par un divorce. Il ajoute : « Il y a beaucoup d'histoires comme ça. On croit d'abord que les gens plaisantent, mais on se rend compte que c'est vrai. » Je lui ai répondu que ce serait l'occasion d'arrêter, ce à quoi il a répondu : « Tu n'es pas fumeur, tu ne peux pas comprendre. Fumer, c'est une façon de se calmer. Quand on est énervé, une petite cigarette et ça passe. Pour réfléchir, une petite cigarette. » D'autres amis m'ont fait la même réponse : « Il faut une cigarette pour se calmer, une cigarette pour affronter la misère, une cigarette pour affronter la peur, pour affronter l'angoisse. » Et cela les Israéliens le savent bien.

Les Israéliens utilisent une nouvelle arme, l'arme de la cigarette. Le manque de cigarettes fait partie de la guerre psychologique israélienne, avec les rumeurs constantes d'assaut contre Rafah et d'une future occupation de toute la bande de Gaza. Comme je le dis souvent, quand on vit dans cette région du monde, il faut croire à la théorie du complot. Le tabac, c'est mauvais pour la santé, excellent pour la guerre des Israéliens.

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