01.04.2025 à 21:27
(Washington) – La Hongrie devrait refuser l'entrée au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou ou l'arrêter s'il entre dans le pays, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch. Le bureau de Netanyahou a annoncé qu'il prévoit de se rendre en Hongrie le 2 avril 2025 à l'invitation du Premier ministre Viktor Orban.
Netanyahou est visé par un mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI) le 21 novembre 2024, date à laquelle les juges de la Cour ont émis des mandats d'arrêt contre lui et Yoav Gallant, son ministre de la Défense de l'époque, pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis dans la bande de Gaza à partir du 8 octobre 2023 au moins. Ces crimes comprennent notamment la famine imposée aux civils, des attaques intentionnelles contre une population civile, des meurtres et des persécutions. Human Rights Watch a documenté des crimes de guerre, des et des actes de génocide commis par les autorités israéliennes à Gaza.
« L'invitation d'Orban à Netanyahou est un affront aux victimes de crimes graves », a déclaré Liz Evenson, directrice du programme Justice internationale à Human Rights Watch. « La Hongrie devrait respecter ses obligations légales en tant qu’État partie à la CPI et arrêter Netanyahou s'il met les pieds dans le pays. »
En tant que pays membre de la CPI, la Hongrie est tenue de coopérer dans l'arrestation et la remise de tout suspect entrant sur son territoire. Ne disposant pas de sa propre force de police, la CPI compte sur les États pour l'aider à procéder aux arrestations.
Malheureusement, des responsables de plusieurs gouvernements de l'UE, dont la France, la Pologne, l'Italie, la Roumanie et l'Allemagne, ont récemment explicitement déclaré qu'ils ne respecteraient pas leurs obligations ou ont refusé de s'engager à faire exécuter le mandat de la Cour et à arrêter Netanyahou. Des militants des droits humains et des organisations non gouvernementales en Pologne ont protesté contre des déclarations du gouvernement polonais en janvier, selon lesquelles Netanyahou serait le bienvenu dans le pays sans risquer d'être arrêté.
Tous les pays membres de la CPI devraient respecter leurs obligations en vertu du traité de la Cour, a déclaré Human Rights Watch. La décision prise par l'UE sur la CPI engage le bloc régional à soutenir la coopération avec la CPI, y compris pour les arrestations. Les dirigeants de l'UE et des États membres de l'UE, ainsi que les autres pays membres de la CPI, devraient appeler publiquement la Hongrie et tous les pays membres de la CPI à coopérer avec elle en arrêtant Netanyahou s'il se rendait sur leur territoire.
En mai 2024, le Procureur de la CPI a demandé cinq mandats d'arrêt dans le cadre de l'enquête sur la Palestine : contre Netanyahou, Gallant, ainsi que contre trois hauts responsables du Hamas. Le Bureau du Procureur a par la suite retiré la demande contre deux des dirigeants du Hamas après confirmation de leur mort. En novembre 2024, les juges de la CPI ont décidé de délivrer un mandat d'arrêt contre le dernier dirigeant du Hamas, Mohammed Diab Ibrahim al-Masri (« Mohammed Deif »), en même temps qu'ils ont délivré les mandats contre Netanyahou et Gallant. En février, après confirmation de la mort de Deif, les juges de la CPI ont mis fin aux poursuites contre lui.
Au moment où les mandats ont été émis, le ministre hongrois des Affaires étrangères, Peter Szijjártó, a critiqué les mandats en les qualifiant de « honteux et absurdes » et d'« inacceptables », et Orbán a annoncé son intention d'inviter Benyamin Netanyahou en Hongrie. Vera Jourova, alors Commissaire européenne à la Justice, a rappelé à la Hongrie que cela constituerait une « violation évidente » de ses obligations en vertu du Statut de Rome, le traité fondateur de la CPI, et nuirait à la réputation de la Hongrie.
Lorsque le président américain Donald Trump a publié en février un décret autorisant l'utilisation de sanctions contre les responsables de la CPI, dans le but notamment de contrarier l'action de la Cour contre Netanyahou, Orbán a annoncé son soutien aux sanctions américaines et a appelé à une « révision » des relations de son pays avec la CPI.
Depuis sa victoire électorale en 2010, Orban et son gouvernement ont fait preuve d'un mépris de plus en plus flagrant pour l'État de droit et les droits humains. Au cours des 14 dernières années, le gouvernement a réduit l'indépendance de la justice, restreint et harcelé la société civile et porté atteinte à l'indépendance des médias.
La détérioration de la situation de la Hongrie en matière de démocratie et de droits a conduit l'UE à engager en 2018 une procédure d'exécution politique en vertu de l'article 7 du traité de l'UE, en raison du risque que les actions de la Hongrie violent les valeurs fondamentales de l'UE. Orban s'est rendu à Moscou en juillet 2024 pour rencontrer le président russe Vladimir Poutine, lui-même faisant l'objet d'un mandat d'arrêt de la CPI pour crimes graves en Ukraine.
« Autoriser la visite de Netanyahou en violation des obligations de la Hongrie envers la CPI serait le dernier exemple en date des attaques d'Orban contre l'État de droit, qui s’ajouterait au triste bilan du pays en matière de droits humains », a déclaré Liz Evenson. « Tous les pays membres de la CPI doivent clairement signifier qu'ils attendent de la Hongrie qu'elle respecte ses obligations envers la Cour, et qu'ils feront de même. »
31.03.2025 à 06:15
(Beyrouth) – Les autorités iraniennes menacent de renvoyer la militante des droits humains Narges Mohammadi, lauréate du prix Nobel de la paix, en prison pour purger le reste de sa peine injuste, afin de la contraindre à cesser ses activités de défense des droits humains, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Les autorités devraient immédiatement mettre fin à leur harcèlement continu de Narges Mohammadi et la libérer sans condition ; elles devraient aussi libérer toutes les autres personnes détenues arbitrairement en raison de leur activisme en faveur des droits humains.
Narges Mohammadi purge une peine de 13 ans et neuf mois de prison, basée sur des accusations liées à ses activités en faveur des droits humains. Le 4 décembre 2024, elle a été libérée provisoirement de la prison d'Evin après que les autorités ont suspendu sa peine de prison pendant 21 jours. Elle suit actuellement un traitement médical pour divers problèmes de santé, et sa remise en liberté temporaire lui a été accordée après plusieurs mois durant lesquels les autorités pénitentiaires lui ont refusé des soins médicaux. Précédemment, en novembre 2024, Narges Mohammadi avait déjà bénéficié d’une brève libération provisoire afin de subir une opération chirurgicale à une jambe, l’ablation d’une lésion osseuse suspectée d’être cancéreuse ; suite à cette opération et malgré l’avis des médecins, les autorités l’avaient renvoyée en prison.
« Narges Mohammadi a profité de ce bref répit pour poursuivre son activisme et mettre en lumière la situation désastreuse des droits humains en Iran. La menace des autorités iraniennes de la renvoyer en prison rappelle brutalement leur tolérance zéro envers la dissidence », a déclaré Federico Borello, directeur exécutif par intérim de Human Rights Watch. « Les autorités iraniennes ont l'obligation légale de libérer sans condition Narges Mohammadi, lauréate du prix Nobel de la paix, ainsi que toutes les autres personnes détenues arbitrairement, et de garantir à toutes les personnes détenues l'accès à des soins médicaux rapides et adéquats. »
Précédemment en mars 2025, Narges Mohammadi a participé à une réunion virtuelle avec Federico Borello, afin de discuter de la situation des droits humains en Iran. Elle a attiré l'attention sur la crise des droits dans ce pays, en particulier sur l'escalade choquante du recours à la peine de mort par les autorités et sur la répression continue des défenseurs des droits humains. Elle a décrit le traitement des prisonniers politiques, y compris la privation de soins médicaux, ainsi que la torture et les mauvais traitements, notamment l'isolement cellulaire prolongé pour extorquer des aveux forcés. Elle a souligné l'importance de maintenir une surveillance internationale sur le bilan désastreux des autorités iraniennes en matière de droits humains.
Durant plusieurs mois avant sa libération provisoire, Narges Mohammadi a souffert de divers problèmes de santé, notamment de troubles cardiaques, de douleurs aiguës au dos et au genou, et d'une hernie discale. Les autorités lui ont refusé l’accès à des soins médicaux adéquats, malgré les nombreux appels leur demandant de le faire.
Le 25 décembre 2024, date d’expiration de la suspension temporaire de sa peine de prison qui lui avait été accordée le 4 décembre, Narges Mohammadi a refusé de retourner à la prison d'Evin. Le 28 décembre, son avocat a déposé une demande auprès de l'Organisation iranienne de médecine légale, placée sous l’autorité de la branche judiciaire, afin de prolonger la suspension de la peine de prison de Narges Mohammadi conformément à l'avis de ses médecins. Selon les informations reçues par Human Rights Watch, l'Organisation de médecine légale a approuvé cette demande, mais les autorités ont néanmoins exercé des pressions sur Narges Mohammadi pour qu'elle retourne en prison. Ses médecins ont affirmé qu'elle avait besoin d'au moins six mois hors de prison, pour bénéficier d'examens et de soins médicaux approfondis et réguliers.
Les autorités iraniennes exercent depuis longtemps une politique axée sur le refus d’accorder aux prisonniers l’accès adéquat et rapide aux soins médicaux ; cette politique est appliquée en particulier dans le cas de personnes détenues arbitrairement en raison d’accusations liées à la sécurité nationale et basées sur des motifs politiques, en tant que tactique pour les punir davantage et les réduire au silence. Des dizaines de prisonniers politiques continuent de se voir refuser des soins médicaux rapides et adéquats, tels que des traitements spécialisés dans des hôpitaux. Parmi ces personnes figurent Zeynab Jalalian, une prisonnière politique kurde condamnée à la prison à vie ; Fatemeh Sepehri, condamnée à 18 ans de prison après avoir critiqué de manière répétée le Guide suprême de la République islamiste d’Iran, l’Ayatollah Ali Khamenei ; Raheleh Rahemi-Pour, une militante des droits civiques âgée de 72 ans ; Warisha Moradi, une militante kurde condamnée à mort ; et Motaleb Ahmadian, un prisonnier politique kurde. Par ailleurs, Mahvash Sabet, ex-codirigeante de la communauté bahaïe en Iran, a été provisoirement libérée de prison pour motif médical, après s'être vu refuser des soins médicaux pendant longtemps ; mais elle risque toujours d'être renvoyée en prison.
Selon l'Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus, ceux « qui requièrent des traitements spécialisés ou soins chirurgicaux doivent être transférés vers des établissements spécialisés ou vers des hôpitaux civils ». Le refus de soins médicaux aux personnes détenues peut s'apparenter à de la torture ou à d'autres mauvais traitements, interdits de manière absolue par le droit international. Comme l'a constaté Amnesty International, certains prisonniers privés des soins médicaux nécessaires sont décédés lors de leur détention en Iran, ce qui a constitué une privation arbitraire de la vie.
« La politique odieuse des autorités iraniennes consistant à refuser des soins médicaux aux détenus et aux prisonniers peut avoir des conséquences mortelles », a conclu Federico Borello. « La communauté internationale devrait les tenir responsables de leur mépris flagrant non seulement à l’égard du droit à la liberté, mais aussi à l’égard du droit à la vie des personnes placées sous leur garde. »
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28.03.2025 à 16:29
(New York, 28 mars 2025) – L'État du Manipur, dans le nord-est de l'Inde, est confronté à un regain de violence depuis la démission de son ministre en chef, figure controversée, et la décision du gouvernement de placer cet État sous l’autorité de la présidente indienne, le 13 février, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui ; cet État est maintenant régi selon le système « President’s rule ».
Au moins cinq personnes ont été tuées et de nombreuses autres blessées, dont des membres des forces de sécurité, lors de récents affrontements. Le 8 mars, un homme a été tué et plusieurs autres blessés dans le district de Kangpokpi lorsque des violences ont éclaté après que les autorités ont tenté de rétablir les liaisons de transport dans l'État. Le 19 mars, un autre homme a été tué à la suite d'affrontements entre deux communautés tribales dans le district de Churachandpur. Le gouvernement national, dirigé par le Premier ministre Narendra Modi, devrait agir pour mettre fin aux violences, qui ont fait plus de 260 morts et déplacé plus de 60 000 personnes depuis mai 2023, et veiller à ce que l'aide humanitaire parvienne à toutes les personnes touchées. Les groupes armés, les groupes d'autodéfense soutenus par le gouvernement et les forces de sécurité de l'État devraient être tenus responsables des abus.
« La démission du ministre en chef du Manipur, qui avait attisé les clivages, n'a pas mis fin à la méfiance entre les communautés, ni aux violences qu’elle suscite », a déclaré Elaine Pearson, directrice de la division Asie à Human Rights Watch. « Le placement de cet État sous l’autorité de la présidente indienne devrait être perçu comme une opportunité de rétablir la sécurité, de poursuivre en toute impartialité les responsables d'abus, de mettre fin aux violences au Manipur et d’y promouvoir le respect des droits humains. »
De février à mars 2025, Human Rights Watch a mené des entretiens avec 15 personnes, dont des militants des droits humains, des avocats, des animateurs communautaires, des professionnels de la santé, des journalistes et des universitaires des communautés Meitei et Kuki-Zo touchées par les violences au Manipur.
Depuis près de deux ans, des violences ethniques entre la communauté Meitei, majoritairement hindoue, et des communautés tribales Kuki-Zo, essentiellement chrétiennes, ravagent le Manipur dont la population est estimée à 3,2 millions d'habitants. Des groupes de membres armés des deux camps, après une pause, sont de nouveau actifs.
Le gouvernement de l'État du Manipour, dirigé jusqu'au 9 février par le ministre en chef N. Biren Singh, du Bharatiya Janata Party (BJP) au pouvoir, a systématiquement favorise la communauté Meitei dans sa réponse aux violences. Les autorités dirigées par Biren Singh, y compris la police, auraient protégé des groupes d'autodéfense Meitei, tels que l'Arambai Tenggol et le Meitei Leepun, qui ont pillé des armes dans les arsenaux de l'État et mené des attaques collectives contre les Kuki-Zo. Singh a nié ces allégations de parti pris.
L'État du Manipour a été divisé en deux zones ethniques séparées par des zones tampons dotées de postes de police et de patrouilles des forces de sécurité. La vallée, qui abrite la capitale de l'État, Imphal, des bureaux administratifs, des centres de santé et le principal aéroport, est dominée par la communauté majoritaire Meitei, tandis que les Kuki-Zo et d'autres communautés tribales sont en grande partie confinées dans les collines.
Plusieurs femmes Kuki ont signalé des violences sexuelles, notamment des viols, commis par des hommes Meitei. Des groupes de Meitei, dont des militants armés, ont incendié, attaqué et vandalisé des maisons, des commerces, des villages et des lieux de culte, ciblant principalement la communauté Kuki-Zo. En septembre 2024, des combattants Kuki présumés ont attaqué des villages dans les districts d'Imphal Ouest et de Bishnupur, tuant trois personnes de Meitei. En novembre, des combattants Kuki présumés ont enlevé et tué trois femmes et trois enfants Meitei dans le district de Jiribam, tandis que deux hommes ont été brûlés vifs.
L'administration Modi a appelé à la récupération des armes volées et a entamé des négociations pour réduire la violence. De nombreux habitants du Manipour estiment que le gouvernement central aurait dû agir plus tôt. « Nous avions supplié le Premier ministre d'intervenir, mais il s'en est désintéressé, alors que des centaines de personnes ont été tuées et blessées », a déclaré un militant. « Aujourd'hui, les liens communautaires sont complètement rompus. »
Click to expand Image Décombres d’une maison détruite lors d’affrontements entre des membres de la communauté Meitei (majoritairement hindoue) et de la minorité Kuki (essentiellement chrétienne) dans le village de Torbung (district de Churachandpur) dans l’Etat de Manipur dans le nord-est de l’Inde, photographiés le 3 mai 2023. © 2023 Biplov Bhuyan/SOPA Images/Sipa USA via AP PhotoEn août 2023, la Cour suprême indienne a exprimé ses inquiétudes face à ce qu'elle a qualifié de « rupture totale de l'ordre public » au Manipur. Elle a souligné « de graves allégations, notamment des témoignages de témoins, indiquant que les forces de l'ordre ont été incapables de contrôler les violences et, dans certains cas, ont collaboré avec les auteurs », et a demandé l'ouverture d'une enquête sur ces allégations.
Un agriculteur kuki de 40 ans, originaire du district de Kangpokpi, vit avec sa famille dans un camp de secours géré par la communauté dans le district de Churachandpur depuis une attaque par une foule Meitei en mai 2023. « Il y avait plus de 200 personnes, accompagnées d'une douzaine de policiers, et la foule était armée d'armes sophistiquées », a-t-il déclaré. « Nous n'avions aucun moyen de nous défendre, alors nous avons couru vers la jungle. Nous avons grimpé aux arbres et nous les avons vus brûler les maisons et l'église avec du kérosène et de l'essence qu'ils transportaient. »
Le soutien de l'ancien gouvernement de l'État aux combattants Meitei et sa complicité dans les violences ont érodé la confiance dans l'État de droit et ravivé les revendications des Kuki-Zo pour un territoire fédéral distinct.
Les autorités indiennes devraient démobiliser et désarmer les groupes d'autodéfense, garantir une réparation rapide aux victimes et aux survivants d'abus, et prévoir des mesures impartiales de justice et de responsabilisation, a déclaré Human Rights Watch. Toutes les personnes déplacées à l'intérieur du pays devraient bénéficier d'une alimentation adéquate, d'un abri, d'eau potable, de vêtements appropriés, de services médicaux essentiels, d'installations sanitaires, d'une éducation pour les enfants et d'autres services d'assistance et de protection de base, conformément au droit international des droits humains, indépendamment de leur religion, de leur origine ethnique ou de leur citoyenneté.
Les autorités devraient garantir le droit au retour des personnes lorsque les conditions seront réunies pour un processus sûr et volontaire, mené conformément aux Principes directeurs des Nations Unies relatifs au déplacement de personnes à l'intérieur de leur propre pays, avec la participation pleine et entière de toutes les communautés concernées, y compris la participation égale des femmes.
Les forces de sécurité devraient respecter les Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application des lois, qui exigent que les forces de sécurité n'utilisent que le minimum de force nécessaire en tout temps. Pour disperser des rassemblements violents, les armes à feu ne peuvent être utilisées que lorsque d'autres moyens moins dommageables ne sont pas possibles, mais dans la mesure minimale nécessaire. Les forces de l'ordre ne peuvent recourir intentionnellement à la force meurtrière que lorsque cela est absolument indispensable pour protéger des vies.
Le gouvernement indien a annoncé des mesures visant à désarmer les groupes, à rétablir la libre circulation des véhicules et à démanteler les points de contrôle communautaires afin de mettre fin à la ségrégation des communautés et de rétablir la normalité dans l'État.
« Le gouvernement indien a pris les premières mesures nécessaires, mais il devrait s'engager véritablement à respecter les droits humains, à assurer réparation et réhabilitation aux victimes, et à garantir une justice impartiale », a conclu Elaine Pearson. « Les communautés doivent pouvoir regagner leur confiance les unes envers les autres, mais aussi envers le gouvernement, pour que ces violences cessent. »
Suite détaillée en ligne en anglais.
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27.03.2025 à 22:00
Cette semaine, le Comité des droits des personnes handicapées, un organe des Nations Unies, a publié un compte-rendu alarmant sur le système canadien de détention des immigrants ; ce rapport appelle le Canada à protéger les droits à la capacité juridique des personnes handicapées en détention. et préconise de mettre un terme à la détention des immigrants.
Les conclusions du comité, publiées après un examen du bilan du Canada en matière de droits des personnes handicapées, font écho aux préoccupations soulevées par Human Rights Watch et ses partenaires depuis des années.
Le comité a souligné que les demandeurs d’asile et les migrants handicapés sont détenus de manière disproportionnée au Canada, souvent dans des établissements correctionnels où ils sont susceptibles d’être placés à l’isolement en cas de crise de santé mentale.
Le message du comité est clair : le Canada devrait « mettre fin à la détention des immigrants en offrant davantage d’alternatives communautaires et indépendantes, qui fournissent un accès à un soutien holistique, tel que le logement, les soins de santé, les services de santé mentale, la représentation juridique, les soutiens liés aux handicaps et les services pour les enfants ». Le groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire appelle également depuis longtemps à l’abolition progressive de la détention des immigrants au nom du respect des droits humains.
Le comité a également condamné l’utilisation par le Canada de la prise de décision au nom d’autrui pour les personnes handicapées en détention pour des raisons d’immigration. Dans le cadre de cette pratique, des représentants désignés – nommés sans avoir fait l’objet d’une évaluation ou d’un contrôle digne de ce nom – sont habilités à prendre des décisions cruciales au nom des détenus, souvent à l’insu de ces derniers et sans leur consentement. Human Rights Watch a documenté la manière dont ce système prive les personnes de leur capacité juridique, ce qui a souvent des conséquences sur leur vie, voire la met en danger.
Le comité a exhorté le Canada à remplacer ce système par un modèle de prise de décision assistée qui respecte la volonté et les préférences des détenus.
Les conclusions du comité reflètent directement les cas documentés par Human Rights Watch, y compris celui de Prosper Niyonzima, un survivant du génocide rwandais qui a passé près de cinq ans en détention liée à l’immigration. Après une crise de santé mentale qui l’a rendu catatonique, le tribunal a nommé un représentant désigné que Prosper n’a jamais rencontré et qu’il n’a pas pu révoquer. Pendant des années, les audiences concernant Prosper se sont déroulées avec cet étranger qui parlait en son nom.
L’expérience de Prosper Niyonzima n’est pas unique. Human Rights Watch a largement documenté la façon dont le système de détention pour raisons d’immigration du Canada portait atteinte de manière disproportionnée aux personnes handicapées. Les efforts de plaidoyer, notamment la campagne #BienvenueAuCanada, ont conduit les dix provinces à s’engager à mettre fin à leurs accords de détention des immigrants, conclus avec l’Agence des services frontaliers du Canada, bien que l’Ontario ait décidé une prolongation jusqu’en septembre 2025.
Malgré cela, le gouvernement fédéral tente de renégocier l’utilisation des prisons provinciales aux fins de détention des immigrants et a étendu le système aux terrains des prisons fédérales.
Les recommandations du comité apportent un poids au niveau international quant à la nécessité d’un changement de ce système. Le Canada devrait agir en faveur de l’abolition de la détention des immigrants et aligner son cadre juridique sur les normes relatives aux droits humains.
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27.03.2025 à 17:20
(Nairobi) – La junte militaire du Burkina Faso a arrêté trois journalistes le 24 mars 2025 pour avoir couvert la répression gouvernementale contre les médias, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.
Les autorités ont arrêté Guezouma Sanogo et Boukari Ouoba, respectivement président et vice-président de l'Association des journalistes du Burkina (AJB), et Luc Pagbelguem, journaliste à la chaîne de télévision privée BF1, dans la capitale, Ouagadougou. Le lieu actuel où se trouvent les trois hommes demeure inconnu, ce qui suscite des inquiétudes quant à de possibles cas de disparitions forcées.
« L'arrestation arbitraire et la disparition des trois journalistes montrent que la junte du Burkina Faso cherche désespérément à contrôler la vérité et à s’assurer que les autorités militaires puissent commettre des abus en toute impunité », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur le Sahel à Human Rights Watch. « La junte militaire devrait prendre des mesures immédiates pour localiser et libérer les trois journalistes. »
Depuis sa prise de pouvoir lors d’un coup d'État en 2022, la junte militaire du président Ibrahim Traoré a systématiquement réprimé les médias, l'opposition politique et la dissidence pacifique. Dans un contexte d'insurrection islamiste croissante, la junte militaire a eu recours à une loi d'urgence de grande ampleur pour faire taire la dissidence et enrôler illégalement dans l'armée des détracteurs, des journalistes, des activistes de la société civile et des magistrats.
Le 21 mars, l’AJB a tenu une conférence de presse pour dénoncer les restrictions à la liberté d'expression imposées par la junte militaire et demander aux autorités de libérer les journalistes arbitrairement détenus. Le 24 mars, des hommes en civil se présentant comme des policiers travaillant pour les services de renseignements burkinabè ont arrêté Guezouma Sanogo et Boukari Ouoba. Deux membres des services de renseignement ont arrêté Luc Pagbelguem pour avoir couvert la conférence de presse de l’AJB. Le lendemain, le ministre de l'Administration territoriale et la Mobilité a dissous l’AJB.
Les collègues de Guezouma Sanogo et de Boukari Ouoba ont déclaré que des avocats les avaient cherchés en vain dans plusieurs commissariats de police et gendarmeries de la capitale, et que les autorités n'avaient pas répondu officiellement à leurs demandes d'information. Le 25 mars, les services de renseignement ont emmené Guezouma Sanogo et Boukari Ouboa à leurs domiciles pour faciliter les recherches de la police, puis les ont de nouveau emmenés dans un lieu inconnu, selon leurs collègues.
La chaîne BF1 a déclaré que des agents du Conseil national de Sécurité avaient assuré « qu'ils [souhaitaient] seulement entendre notre confrère », mais on ignore toujours où se trouve Luc Pagbelguem. La chaîne s'est formellement excusée d'avoir diffusé la conférence de presse.
Dans un autre cas récent d'arrestation, le 18 mars, des hommes prétendant être des gendarmes ont arrêté le célèbre militant politique et journaliste Idrissa Barry à Ouagadougou. Le lieu où il se trouve reste également inconnu. Idrissa Barry est membre du groupe politique Servir et Non se Servir (SENS) qui, quatre jours avant son arrestation, a publié une déclaration dénonçant les « attaques meurtrières » menées par les forces gouvernementales et les milices alliées contre les civils autour de Solenzo, dans l'ouest du Burkina Faso, le 11 mars.
En juin 2024, des membres des forces de sécurité ont arrêté l'éminent journaliste Serge Oulon, directeur du journal d'investigation L'Événement, ainsi que les commentateurs de télévision Adama Bayala et Kalifara Séré. Les autorités ont nié leur détention jusqu'en octobre 2024, quand elles ont fini par reconnaître que les trois hommes avaient été enrôlés dans le service militaire. Le lieu où ils se trouvent reste également inconnu.
En avril 2024, le Conseil supérieur de la communication (CSC), qui supervise les médias du Burkina Faso, a suspendu la chaîne de télévision française TV5 Monde et plusieurs autres médias pendant deux semaines après qu'ils aient rendu compte d'un rapport de Human Rights Watch selon lequel l'armée avait commis des crimes contre l'humanité à l'encontre de civils dans la province du Yatenga. Le CSC a également bloqué le site web de Human Rights Watch dans le pays.
Des dizaines de journalistes ont été contraints de fuir le Burkina Faso sous la menace d'emprisonnement, de torture, de disparition forcée et d'enrôlement forcé en raison de leur travail.
« J'ai quitté Ouagadougou et je n'ai pas l'intention d'y revenir », a déclaré un journaliste à Human Rights Watch après l'arrestation d'Idrissa Barry. « Les médias libres sont morts dans ce pays – tout ce qu'on entend, c'est la propagande du gouvernement. »
La dernière vague de répression à l'encontre des médias indépendants a coïncidé avec une escalade des combats dans tout le pays. Au cours des deux dernières semaines, le Groupe pour le soutien de l'islam et des musulmans (GSIM, ou Jama'at Nusrat al-Islam wa al-Muslimeen, JNIM), lié à Al-Qaïda, a attaqué des positions de l'armée dans plusieurs régions, tuant des soldats et des civils. Des sources locales ont rapporté que le 15 mars, des combattants du GSIM ont attaqué la base militaire de Séguénéga, dans le nord du pays, et ont tué sept civils ainsi qu'au moins quatre soldats qui se battaient aux côtés des milices locales. Human Rights Watch a vérifié une vidéo montrant des combattants du GSIM prenant d'assaut un complexe fortifié sur une colline au centre de Séguénéga.
« La descente inexorable du Burkina Faso dans la violence à grande échelle ne reçoit pas l'attention et la couverture médiatique qu'elle mérite au niveau national, parce que les médias indépendants ont été réduits au silence », a déclaré un journaliste burkinabè en exil. « Les récents événements, tels que l'attaque meurtrière contre des civils à Solenzo et ailleurs, ne sont jamais couverts par les médias pro-gouvernementaux ou le sont de manière biaisée. »
Le droit international relatif aux droits humains interdit les restrictions arbitraires aux droits à la liberté d'expression, y compris par la détention ou la disparition forcée de journalistes. La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, à laquelle le Burkina Faso est un État partie, définit les disparitions forcées comme l'arrestation ou la détention d'une personne par des fonctionnaires de l'État ou leurs agents, suivie d'un refus de reconnaître la privation de liberté ou de révéler le sort réservé à la personne ou l'endroit où elle se trouve.
« Le besoin de médias indépendants au Burkina Faso n'a jamais été aussi important », a déclaré Ilaria Allegrozzi. « Les autorités devraient changer de cap et mettre fin à leur répression brutale à l’encontre des journalistes, des dissidents et des opposants politiques ».
27.03.2025 à 12:33
(Washington, le 18 mars 2025) – L’administration Trump devrait, dans le cadre des discussions avec le président russe, Vladimir Poutine, accorder la priorité à la libération des civils ukrainiens détenus et des Russes injustement emprisonnés pour avoir exercé leur droit à la liberté d'expression et de religion, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch dans une lettre adressée au président des États-Unis, Donald Trump.
« Toute discussion sur la fin de la guerre en Ukraine devrait inclure la libération des civils détenus et l’ouverture de voies pour assurer la justice concernant les crimes de guerre », a déclaré Sarah Yager, directrice de Human Rights Watch à Washington. « Malheureusement, rien n'indique jusqu’à présent que les violations en cours seront à l’ordre du jour. »
Il est prévu que Trump et Poutine s'entretiennent par téléphone le 18 mars 2025, à la suite d'une rencontre entre l'envoyé spécial américain Steve Witkoff et Poutine le 14 mars, et d'une réunion entre des responsables américains et ukrainiens à Djeddah le 11 mars.
Dans sa lettre, Human Rights Watch exhorte Trump à faire de la libération immédiate et inconditionnelle de tous les civils ukrainiens détenus par la Russie une priorité et le point de départ de toute négociation concernant l'Ukraine. Tout accord devrait également inclure la justice pour les crimes graves commis par les autorités russes, notamment la torture de civils détenus et de prisonniers de guerre, les exécutions sommaires, le transfert forcé ou la déportation de civils, y compris d'enfants, ainsi que les bombardements et les tirs d'artillerie indiscriminés contre des civils et des infrastructures civiles.
Trump devrait également exiger du gouvernement russe qu'il mette fin aux violations du droit international humanitaire dans les régions d'Ukraine occupées par les forces russes, a déclaré Human Rights Watch. Selon les données du gouvernement ukrainien, au moins six millions de civils vivent actuellement dans des territoires occupés par la Russie.
Les autorités russes contraignent les habitants à servir dans l'armée russe, imposent la citoyenneté russe, procèdent à des transferts forcé de civils vers d'autres régions, imposent le programme scolaire de l'État russe dans les écoles et autres établissements d'enseignement, et soumettent les écoliers à un endoctrinent politique pour les empêcher d'apprendre et d'exprimer leur identité ukrainienne. Elles appliquent également des mesures discriminatoires en matière de religion, notamment à l'encontre des Témoins de Jéhovah, de l'Église grecque-catholique et de trois communautés protestantes.
Trump devrait également exhorter Poutine à libérer les personnes emprisonnées pour avoir exercé leur droit à la liberté d'expression et de religion, a déclaré Human Rights Watch. La répression en Russie s'est considérablement intensifiée depuis le premier mandat de Trump et après l'invasion à grande échelle de l'Ukraine en 2022. L'État de droit en Russie a été gravement affaibli : les autorités russes ont instrumentalisé le système judiciaire pour réprimer les dissidents, en adoptant de nouvelles lois criminalisant la liberté d'expression et en abusant de lois existantes.
L’ONG Memorial, l'une des principales organisations russes de défense des droits humains, recense actuellement 883 prisonniers politiques, dont 222 détenus pour leur opposition à la guerre.
Par ailleurs, au moins 151 Témoins de Jéhovah sont actuellement incarcérés en Russie pour avoir pratiqué leur religion, selon leur organisation.
La persécution par les autorités russes des avocats défendant des personnes critiques du pouvoir devrait alerter les responsables américains qui envisagent de renouer des liens commerciaux avec la Russie, a déclaré Human Rights Watch. En janvier, trois avocats de l'opposant décédé Alexeï Navalny ont été condamnés à des peines de prison pour avoir assuré sa défense. L'État a assimilé leur travail juridique auprès de Navalny à une participation à une « organisation extrémiste ».
« Trump a réussi par le passé à convaincre Poutine de libérer des personnes détenues à tort », a déclaré Sarah Yager. « L'engagement actuel de l'administration avec Poutine et le gouvernement russe est une occasion de renouveler ces efforts. »
27.03.2025 à 05:00
(Beyrouth, le 27 mars 2025) – Le 3 mars 2025, un tribunal de Casablanca a condamné Fouad Abdelmoumni, un militant marocain de premier plan, à six mois de prison et à une amende pour un post publié sur Facebook, ont déclaré aujourd’hui Human Rights Watch et Democracy for the Arab World Now (DAWN). Les autorités marocaines devraient d’urgence mettre fin à leur répression grandissante contre les militants, les journalistes et les défenseurs des droits humains uniquement en raison de l’exercice de leur droit à la liberté d’expression, et annuler sa condamnation.
Fouad Abdelmoumni, qui se trouvait alors à l’extérieur du pays, a été condamné par contumace à six mois de prison et à une amende de 2 000 dirhams (208 dollars), pour un message publié sur Facebook lors de la visite d’État du président Emmanuel Macron. Fouad Abdelmoumni, qui est membre du Comité consultatif de Human Rights Watch pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, a déclaré qu’il ferait appel de cette condamnation.
« Traîner un énième militant marocain devant un tribunal et le condamner à une peine de prison simplement parce qu’il a exprimé une opinion sur les relations entre le Maroc et un autre pays montre à quel point cette répression de la liberté d’expression est scandaleuse », a déclaré Balkees Jarrah, Directrice par intérim de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Le président Macron devrait faire pression sur le roi du Maroc, son allié, pour qu’il mette fin à ses pratiques répressives et qu’il libère toutes les personnes détenues pour s'être exprimé pacifiquement. »
La police marocaine a arrêté Fouad Abdelmoumni le 30 octobre 2024 à Temara. Le 1er novembre, un procureur du tribunal pénal d’Ain Sebaa l’a inculpé pour « outrage à des corps constitués » et « signalement d'un crime fictif dont il sait l'inexistence ». Ces accusations font référence à un message publié le 28 octobre sur Facebook qui critiquait les relations maroco-françaises et prétendait que le gouvernement utilisait un logiciel espion pour cibler les dissidents. Fouad Abdelmoumni a été remis en liberté provisoire le 1er novembre.
Le 31 octobre, le procureur général de Casablanca a déclaré que les allégations selon lesquelles les autorités marocaines seraient « impliquées dans la traite d’êtres humains, l’organisation de l’immigration clandestine et l’espionnage à l’aide du logiciel Pegasus » ne reposaient pas sur des preuves suffisantes et étaient fausses.
Une pétition signée par près de 300 activistes et défenseurs des droits humains a appelé les autorités marocaines à annuler la condamnation de Fouad Abdelmoumni, et a aussi demandé « la libération de tous les détenus d’opinion au Maroc et dans les autres pays du Maghreb ».
Fouad Abdelmoumni est le coordinateur de l’Association marocaine de soutien aux prisonniers politiques, et a ouvertement critiqué le système politique marocain. Les autorités le prennent pour cible depuis des années, notamment au moyen de la surveillance numérique, en portant atteinte à sa vie privée et en le harcelant de manière répétée via des médias liés aux services de sécurité marocains, a-t-il déclaré à Human Rights Watch. Il a été prisonnier politique en 1977 et en 1982, période durant laquelle il dit avoir été sujet à la torture et à la disparition forcée.
Fouad Abdelmoumni a appris en 2019 que son téléphone était infecté par Pegasus, un logiciel espion développé et vendu par la société NSO Group, basée en Israël. Ce logiciel donne un accès complet à l’appareil photo, au micro, aux appels vocaux, supports, courriels, messages texte et à d’autres fonctions d’un téléphone, permettant une surveillance étendue de la personne ciblée et de ses contacts. Les enquêtes menées par Amnesty International et Forbidden Stories ont révélé que les autorités marocaines étaient à l’origine, à l’aide de Pegasus, du piratage des smartphones de plusieurs journalistes et défenseurs des droits, ainsi que, probablement, de milliers d’autres personnes entre 2019 et 2021.
En décembre 2020, Fouad Abdelmoumni ainsi que d’autres victimes du logiciel espion ont déposé une demande d’enquête auprès de la Commission nationale marocaine de contrôle de la protection des données à caractère personnel. La Commission n’a pas donné suite à la plainte, affirmant qu’elle « n’était pas compétente pour ce type d’affaires », selon Abdelmoumni. Les autorités marocaines ont nié à plusieurs reprises avoir utilisé Pegasus pour espionner des dissidents.
En 2020, un compte WhatsApp anonyme a envoyé six vidéos à quelques dizaines de personnes, dont des amis, des activistes et des proches d’Abdelmoumni et de sa compagne, les montrant dans des situations intimes avant leur mariage. Fouad Abdelmoumni pense que des caméras ont été secrètement placées dans son appartement.
Le code pénal marocain punit les relations sexuelles consensuelles entre adultes non mariés de peines pouvant aller jusqu’à un an de prison. La diffusion de ces relations peut exposer les femmes en particulier à une stigmatisation durable. Abdelmoumni a déclaré que la diffusion des vidéos l’avait incité à faire temporairement profil bas pour protéger sa partenaire, sa sécurité et sa vie privée.
Mais en octobre 2020, suite à de nouvelles critiques exprimées par Fouad Abdelmoumni envers les autorités marocaines, Chouf TV a publiquement identifié sa partenaire, cherchant à jeter l’opprobre sur elle.
Ces dernières années, les autorités marocaines ont intensifié leur répression à l’encontre de dizaines de journalistes et d’activistes des réseaux sociaux, en les condamnant pour diffamation, publication de « fausses nouvelles », « insultes » ou « diffamation » à l’égard de responsables locaux, d’organes de l’État ou de chefs d’État étrangers, et « atteinte » à la sécurité de l’État ou à l’institution de la monarchie.
Une escalade majeure s’est produite lorsque la brigade nationale de la police judiciaire de Casablanca a arrêté, le 1er mars 2025, quatre membres de la famille du créateur de contenu marocain basé au Canada, Hicham Jerando, en représailles apparentes à ses vidéos YouTube qui dénoncent la corruption présumée de personnalités publiques et de hauts fonctionnaires marocains. Les quatre personnes, la sœur de Jerando, son mari, son neveu et sa nièce de 13 ans, attendent d’être jugées pour complicité présumée de « diffusion de faits erronés après atteinte à la vie privée de personnes » et pour leur participation présumée à des menaces.
Ismail Lghazaoui, un activiste, a été convoqué pour interrogatoire en novembre 2024, suite à des appels à protester contre la facilitation par le Maroc des transferts d’armes américaines vers Israël, et a été accusé d’incitation à commettre des infractions. Un tribunal de Casablanca l’a condamné à un an de prison et à une amende de 5 000 dirhams (520 dollars) le 10 décembre. Le 5 février 2025, la Cour d’appel de Casablanca a réduit cette peine à quatre mois de prison, dont deux mois avec sursis, et ordonné sa libération.
Le 11 novembre 2024, le tribunal de première instance de Rabat a condamné Hamid Elmahdaouy, rédacteur en chef du site Internet Badil et critique fréquent du gouvernement, à 18 mois de prison et à une amende de 1,5 million de dirhams (156 600 dollars) pour avoir prétendument « diffusé et distribué de fausses allégations et des faits erronés dans le but de diffamer des personnes, de calomnier et d’insulter publiquement », après avoir mentionné un ministre dans une vidéo. Il avait déjà été condamné à plusieurs peines de prison pour des propos pacifiques.
Le Parlement marocain devrait abroger toutes les dispositions qui criminalisent les délits de parole non violents, notamment les insultes à l’égard des fonctionnaires et des institutions de l’État, qui peuvent être punies de peines d’emprisonnement en vertu du code pénal.
La constitution marocaine garantit la protection de la vie privée et de la pensée, de l’opinion et de l’expression. Le Maroc est aussi un État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui garantit les droits à la liberté d’expression et à la vie privée.
« Les efforts de la monarchie marocaine pour se présenter comme progressiste contrastent fortement avec les agissements des forces de sécurité répressives du pays », a déclaré Balkees Jarrah. « La seule façon d’aligner ces positions est de mettre fin à la répression des opposants et de veiller à ce que les personnes puissent exprimer leurs opinions de manière pacifique. »
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26.03.2025 à 14:00
(Sydney) – Les autorités chargées de la protection de l'enfance en Australie-Occidentale retirent de manière disproportionnée des enfants aborigènes à leurs familles afin de les placer dans des foyers d'accueil, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui. Près de deux décennies après que le gouvernement australien a présenté des excuses aux Premières Nations pour avoir séparé de force des enfants de leurs familles, cette pratique perdure.
26 mars 2025 “All I Know Is I Want Them Home”Le rapport de 86 pages, intitulé « “All I Know Is I Want Them Home”: Disproportionate Removal of Aboriginal Children from Families in Western Australia » (« “Je voudrais juste qu'ils rentrent à la maison” : Retrait disproportionné d'enfants aborigènes de leurs familles en Australie-Occidentale »), décrit comment les autorités de l'État d'Australie-Occidentale ont rapidement retiré des enfants à des mères aborigènes fuyant la violence domestique et à des parents aborigènes sans logement adéquat, au lieu de fournir des services appropriés pour lutter contre la violence domestique et le sans-abrisme. Parmi tous les États et territoires australiens, l’Australie-Occidentale présente le plus haut taux de surreprésentation des enfants aborigènes placés dans des foyers d'accueil, ce taux étant 20 fois supérieur a celui concernant les enfants non autochtones.
« En Australie-Occidentale, les services de protection de l'enfance retirent des enfants aborigènes de leurs familles avec une fréquence choquante, en raison d'un système qui privilégie la surveillance de ces familles au lieu du soutien dont elles ont besoin », a déclaré Annabel Hennessy, chercheuse sur l’Australie auprès de Human Rights Watch. « Séparer les enfants de leurs familles leur inflige un traumatisme durable, et ne devrait être envisagé qu'en dernier recours. »
Human Rights Watch et une organisation non gouvernementale basée en Australie-Occidentale, le Projet national de prévention du suicide et de rétablissement des traumatismes (National Suicide Prevention and Trauma Recovery Project, NSPTRP) ont mené des entretiens avec 54 personnes de plusieurs générations : des parents et des grands-parents d’enfants que le Département des Communautés de l’Australie-Occidentale a placés dans des foyers d’accueil, des enfants actuellement placés dans de tels foyers, et de jeunes adultes ayant grandi dans ces foyers. Human Rights Watch a adressé au Département des Communautés un courrier comprenant des questions au sujet des constatations de son rapport, n'a pas reçu de réponse à ce jour.
La prise en charge par ce Département d’un enfant peut impliquer son placement auprès d’autres proches, auprès d’une famille d'accueil, ou dans l’une des institutions généralement gérées par des travailleurs sociaux.
Le Département des Communautés de l’Australie-Occidentale, qui est responsable de ce type de décision, enquête sur des familles et retire les enfants lorsqu'il soupçonne un préjudice ou un risque de préjudice pour l’enfant.
Le nombre d'enfants aborigènes placés dans un foyer d’accueil en Australie-Occidentale a fortement augmenté au cours des deux dernières décennies. En 2003, 570 enfants aborigènes étaient placés dans des foyers d’accueil, soit 35 % des cas dans cet État. En 2023, 3 068 enfants aborigènes, soit 59 % des cas, ont été placés dans des foyers d’accueil.
Les familles interrogées ont cité la violence domestique comme motif le plus souvent invoqué par le Département des Communautés pour justifier le retrait de leurs enfants. Cette explication concorde avec les données publiées par ce Département. Cependant, Human Rights Watch a constaté que le gouvernement ne fournit pas suffisamment de logements aux victimes de violences domestiques.
Certaines femmes ont expliqué craindre une approche de « culpabilisation des victimes » (« victim-blaming ») de la part des agents du Département des Communautés. Plusieurs femmes ont déclaré être restées dans des relations abusives par crainte que cette agence ne leur retire leurs enfants si elles demandaient de l'aide. Certaines femmes évitaient même de consulter un médecin après des incidents de violence domestique, par crainte de perdre leurs enfants.
Certains documents décrivant les politiques officielles sur la négligence familiale semblaient assimiler le manque de logement adéquat – un symptôme de pauvreté – à de la négligence, a déclaré Human Rights Watch.
« Les familles aborigènes sont confrontées à des difficultés de logement, et pourtant, un foyer sûr – l'un des besoins les plus fondamentaux pour l'épanouissement d'un enfant – leur est refusé », a déclaré Marianne Headland Mackay, membre de la communauté aborigène Noongar et coordinatrice de l’organisation NSPTRP. « Au lieu d'apporter un soutien aux familles en difficulté, le gouvernement a recours au retrait des enfants, causant encore plus de dommages et aggravant les blessures au sein de nos communautés. »
Le gouvernement d'Australie-Occidentale n’a pas remédié aux préjudices causés aux « Générations volées ». Durant une période qui a duré jusqu'aux années 1970, les responsables gouvernementaux ciblaient intentionnellement des enfants aborigènes pour les retirer de leurs familles, dans le cadre de politiques racistes visant à « intégrer » les Aborigènes à la population blanche. En Australie-Occidentale, les survivants de ces « Générations volées » n'ont jamais obtenu réparation. De nombreuses familles ont déclaré être des descendants de survivants de ces « Générations volées ». Une grand-mère a révélé que sa famille avait subi six générations de retraits d'enfants.
Malgré le taux particulièrement élevé de surreprésentation des enfants aborigènes dans son système de protection de l'enfance, l’Australie-Occidentale est l’État australien qui consacre le moins de fonds aux programmes de soutien aux familles. Cet État consacre moins de 5 % de son budget de protection de l'enfance à ces programmes, un taux nettement inférieur à la moyenne nationale de 15 %.
Si l'objectif déclaré du système de protection de l'enfance est de protéger les enfants contre des dangers, ces derniers peuvent être victimes de maltraitance dans le cadre du placement hors du foyer familial. Dans plusieurs cas documentés, des enfants ont subi des violences sexuelles, physiques et psychologiques dans ce nouveau cadre.
Le gouvernement d'Australie-Occidentale devrait veiller à ce que les familles bénéficient d'un soutien adéquat dès le plus jeune âge, y compris d'une représentation juridique. Il devrait garantir que les Premières Nations puissent jouer un rôle central dans les décisions relatives aux politiques de protection de l'enfance. Le gouvernement de cet État devrait nommer un commissaire chargé d'ouvrir des enquêtes, et de recevoir et de statuer sur les plaintes individuelles concernant des enfants aborigènes placés hors du foyer familial.
« Le gouvernement d'Australie-Occidentale devrait mettre fin d’urgence aux politiques punitives et inefficaces menant au retrait d’enfants aborigènes de leurs familles et de leurs communautés », a conclu Annabel Hennessy. « Une refonte complète du système est requise depuis longtemps, et devrait commencer par la création d'un nouveau commissaire d'État pour les enfants et les jeunes aborigènes, doté du pouvoir d'enquêter sur les plaintes relatives au placement d’enfants hors du foyer familial. »
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24.03.2025 à 20:00
(Istanbul, le 24 mars 2025) – La décision d'un tribunal d'Istanbul d’ordonner l'incarcération du maire d'Istanbul, Ekrem İmamoğlu, est le dernier exemple en date de l'instrumentalisation du système judiciaire en Turquie afin d’écarter un opposant politique de premier plan, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.
L’ordonnance sur l’emprisonnement d’Ekrem İmamoğlu, prétendument fondée sur une enquête pour corruption menée par le parquet d'Istanbul, a été rendue le matin du 23 mars, date à laquelle le Parti républicain du peuple (Cumhuriyet Halk Partisi, CHP), l'a désigné comme candidat de ce parti à la prochaine élection présidentielle. Le placement en détention d’Ekrem İmamoğlu démontre l'influence excessive de l’actuel président, Recep Tayyip Erdoğan, sur les procureurs et les tribunaux turcs.
« C'est une période sombre pour la démocratie en Turquie, marquée par une manœuvre manifestement illégale visant à instrumentaliser le système judiciaire pour annuler le processus démocratique », a déclaré Hugh Williamson, directeur de la division Europe et Asie centrale de Human Rights Watch. « La détention injustifiée d'Ekrem Imamoğlu viole le droit de millions d'électeurs d’Istanbul de choisir leurs représentants, et reflète une pression accrue exercée par la présidence Erdoğan contre l'opposition politique turque, bien au-delà des individus concernés par cette affaire. »
Le tribunal a ordonné la détention d'Ekrem İmamoğlu et du maire du district de Beylikdüzü à Istanbul, membre du même parti, ainsi que de 43 autres personnes, dans l'attente de la clôture de l'enquête pour corruption ; le tribunal a aussi ordonné la remise en liberté de 41 autres personnes, sous contrôle judiciaire. Par ailleurs, dans le cadre d'une enquête distincte sur des liens présumés avec le terrorisme, le tribunal a ordonné la détention de trois autres personnes, dont le maire du district de Şişli à Istanbul. Le tribunal a rejeté, pour l'instant, la demande du procureur d'incarcérer Ekrem İmamoğlu dans le cadre de cette enquête, en plus de l’enquête pour corruption. Aucune des personnes détenues n'a été inculpée.
Dans le cadre de l’enquête pour corruption, le parquet affirme enquêter sur Ekrem İmamoğlu en vue de l'inculper de « création d'une organisation criminelle et rôle de dirigeant [de cette organisation] », « acceptation de pots-de-vin », « enregistrement illégal de données personnelles » et « manipulation d'appels d'offres publics ». Les preuves retenues contre lui incluent de vagues déclarations de témoins dont l'identité est protégée.
La deuxième enquête, pour liens présumés avec le terrorisme, serait motivée par la formation d'une alliance électorale entre le parti CHP et le Parti pour l'égalité et la démocratie des peuples (DEM), pro-kurde, avant les élections locales du 31 mars 2023, afin de soutenir les candidats du parti CHP au niveau des districts. Le procureur allègue que cette stratégie politique, pourtant entièrement légale, aurait été ordonnée par le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), un mouvement armé.
Le tribunal d'Istanbul a déclaré qu'il n'y avait « aucune raison, à ce stade » de détenir Ekrem İmamoğlu dans le cadre de cette deuxième enquête pour terrorisme, car il est déjà détenu dans le cadre de l'enquête pour corruption. Le message explicite du tribunal selon lequel il pourrait être disposé à détenir Ekrem İmamoğlu une deuxième fois s’il est libéré dans le cadre de l’enquête pour corruption est une reconnaissance effrontée et troublante de la manière dont les ordres de détention peuvent être utilisés comme une arme pour maintenir un individu incarcéré à des fins politiques, a déclaré Human Rights Watch.
Le gouvernement de Recep Tayyip Erdoğan a de longs antécédents en matière d’incarcération de personnes à des fins politiques. En 2020, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a conclu « au-delà de tout doute raisonnable » que les autorités turques ont placé en détention l'homme politique Selahattin Demirtaş dans le but « d’étouffer le pluralisme et de limiter le libre jeu du débat politique » ; précédemment, en 2019, la CEDH a conclu que la détention du défenseur des droits humains Osman Kavala visait à « réduire le requérant au silence ». La CEDH et le Comité des ministres du Conseil de l'Europe avaient demandé la libération immédiate des deux hommes, ce que le gouvernement turc refuse toujours de faire.
Le Procureur d'Istanbul a également engagé quatre autres poursuites contre Ekrem İmamoğlu, toutes à des stades différents. Dans trois d'entre elles, le procureur a demandé au tribunal d'interdire à İmamoğlu d'exercer des fonctions politiques.
Le maire du district de Şişli, Resul Emrah Şahan, a été arrêté pour liens présumés avec le terrorisme, et les autorités ont invoqué contre lui des articles de la loi sur les municipalités, qui permettent de révoquer des élus dans de tels cas et de les remplacer par un « administrateur » nommé par le gouvernement. Dans le cas de Şahan, il a été remplacé par le gouverneur du district de Şişli. Depuis les élections locales de 2023, le gouvernement d'Erdogan a eu recours à la tactique consistant à remplacer des maires élus faisant l'objet d'enquêtes et de poursuites infondées pour terrorisme, par des « administrateurs » dans le cadre de 13 affaires.
Le maire du district de Beylikdüzü, Mehmet Murat Çalık, a aussi été arrêté. Ekrem İmamoğlu et Mehmet Murat Çalık seront remplacés par deux membres du Conseil municipal, choisis par celui-ci.
Des manifestations de masse ont eu lieu à Istanbul et dans d'autres villes du pays contre la destitution d'Ekrem Imamoğlu. Ces manifestations ont été majoritairement pacifiques. Les policiers ont procédé à des arrestations et ont dispersé les manifestations parfois violemment, utilisant dans certains cas des gaz lacrymogènes et des canons à eau, notamment à Ankara contre des étudiants.
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20.03.2025 à 20:36
(Genève, le 20 mars 2025) – Le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies (CDH) devrait renouveler le mandat de la Rapporteure spécial de l’ONU sur les droits de l'homme en Iran et garantir la pérennité d'un mécanisme d'enquête international indépendant et complémentaire, doté d'un mandat élargi, afin de s'appuyer sur les travaux de la Mission d'établissement des faits de l'ONU. C'est ce qu'ont déclaré 42 organisations iraniennes et internationales de défense des droits humains le 18 mars, dans une lettre conjointe adressée aux États membres du CDH.
Le 18 mars, les représentants de la Mission d'établissement des faits et la Rapporteure spéciale ont présenté leurs rapports de travail au Conseil des droits de l'homme. Après deux années d'enquêtes indépendantes et approfondies et d'analyse d'un important corpus de preuves, la Mission d'établissement des faits a conclu que des violations flagrantes des droits humains, dont certaines constituent des crimes contre l'humanité, sont toujours commises et que les autorités poursuivent leurs actes de persécution contre les femmes et les filles, les membres des minorités, les victimes en quête de justice et leurs familles en Iran.
« Les rapports de la Mission d'établissement des faits et du Rapporteur spécial dressent un sombre tableau d'une crise généralisée des droits humains et de l'impunité en Iran, qui exige une réponse ferme du Conseil des droits de l'homme », a déclaré Hilary Power, directrice du plaidoyer de Human Rights Watch auprès de l’ONU à Genève. « En l'absence de perspectives de justice et de recours en Iran, ces mandats sont essentiels pour ouvrir la voie à l’obligation de rendre des comptes et soutenir les victimes, les survivants et leurs familles qui cherchent courageusement à obtenir justice. »
Le mandat du Rapporteur spécial des Nations Unies sur l'Iran a été établi en 2011 ; depuis lors les personnes nommées à ce poste ont joué un rôle crucial en surveillant et en signalant un large éventail de violations des droits humains en Iran, en publiant des rapports et en lançant des appels urgents afin de protéger les personnes dans des situations à risque, notamment en cas de risque d’exécution imminente.
La Mission d'établissement des faits a été créée en novembre 2022 dans un contexte de répression brutale des manifestations déclenchées en Iran par la mort de Jina Mahsa Amini ; cette jeune femme kurde avait été détenue arbitrairement, dans le contexte des lois dégradantes sur le port obligatoire du voile. Outre la conduite d'enquêtes, la Mission a été mandatée pour faire en sorte que les auteurs de violations flagrantes des droits humains et de crimes de droit international répondent de leurs actes, notamment en collectant et en préservant des preuves et en identifiant les auteurs présumés d’abus.
Dans son premier rapport, publié en mars 2024, la Mission d'établissement des faits a conclu que, dans le contexte de la répression meurtrière des manifestations « Femme, Vie, Liberté », les autorités iraniennes avaient commis de graves violations des droits humains et des crimes contre l'humanité : meurtres, emprisonnements, tortures, viols et autres formes de violences sexuelles, disparitions forcées, autres actes inhumains et persécutions fondées sur le genre, la religion et l'origine ethnique. En 2025, la Mission a conclu que certains de ces crimes se poursuivaient sans relâche.
La situation des droits humains en Iran ne cesse de se détériorer. Les autorités poursuivent leurs attaques incessantes contre le droit à la vie, avec plus de 900 exécutions en 2024. La peine de mort est utilisée contre des mineurs, en violation flagrante du droit international, et comme arme de répression politique, notamment pour écraser le militantisme et la résistance des femmes et des minorités. Les femmes, les filles et les minorités ethniques et religieuses continuent d'être victimes de formes systématiques et extrêmes de discrimination, ainsi que de violences commise par des agents de l’État.
Les autorités ont refusé de remédier aux violations passées et actuelles, y compris certains crimes relevant du droit international. Au lieu de cela, elles ont persécuté les familles des victimes et d'autres personnes en quête de vérité et de justice. La répression exercée par les autorités iraniennes n’est pas limitée aux frontières intérieures du pays. Le harcèlement des dissidents, des journalistes et des professionnels des médias à l'étranger par les autorités iraniennes, constitue un type de répression transnationale qui s'est intensifié ces dernières années, certaines personnes étant menacées de mort.
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20.03.2025 à 05:00
(New York) – Les forces armées israéliennes ont causé des décès de patients palestiniens et des souffrances évitables quand elles ont occupé des hôpitaux dans la bande de Gaza lors des hostilités qui se poursuivent, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui ; ces actes ont constitué des crimes de guerre.
Des témoins dans trois hôpitaux ont affirmé à Human Rights Watch que les forces israéliennes ont privé les patients d’électricité, d’eau, de nourriture et de médicaments ; tiré sur des civils ; maltraité des personnels de santé ; et détruit délibérément des installations médicales et des équipements. Des évacuations forcées illégales ont exposé des patients à de graves risques et rendu hors d’état de fonctionner des hôpitaux dont la population a désespérément besoin.
« Les forces israéliennes ont fait preuve à plusieurs reprises d’une cruauté meurtrière vis-à-vis des Palestiniens hospitalisés dans les établissements qu’elles ont saisis », a déclaré Bill Van Esveld, directeur adjoint de la division Droits des enfants à Human Rights Watch. « Les privations d’eau et les coupures d’électricité imposées par l’armée israélienne ont entraîné la mort de personnes malades ou blessées, les soldats ont maltraité et déplacé de force des patients et des prestataires de soins, et ont endommagé ou détruit des hôpitaux. »
Les autorités israéliennes n’ont pas annoncé l’ouverture d’enquêtes sur les graves violations présumées du droit international humanitaire, y compris d’apparents crimes de guerre, commises par les forces armées terrestres israéliennes lorsqu’elles avaient le contrôle de ces hôpitaux, parmi d’autres. Des évacuations forcées illégales d’hôpitaux, effectuées sciemment dans le cadre de la politique de déplacement forcé de Palestiniens de Gaza mise en œuvre par le gouvernement israélien, constitueraient des crimes contre l’humanité.
Human Rights Watch a mené des entretiens avec neuf patients et deux professionnels de santé qui étaient présents quand les forces israéliennes ont investi et occupé le complexe médical Al-Shifa à Gaza en novembre 2023, puis de nouveau en mars 2024 ; l’hôpital Kamal Adwan à Beit Lahia en janvier 2024 ; et le complexe médical Nasser à Khan Younis en février 2024. Le ministère de la Santé de Gaza a affirmé que 84 patients, et peut-être beaucoup plus, sont morts par manque de soins dans ces trois hôpitaux durant ces périodes, sans compter les personnes tuées par les bombardements ou les tirs d’armes individuelles.
Les forces israéliennes occupant des hôpitaux ont gravement interféré dans le traitement de patients blessés et malades. Des membres des personnels de santé ont affirmé que les forces israéliennes ont rejeté les demandes de médecins d’apporter des médicaments et des fournitures aux patients et ont bloqué les accès aux hôpitaux et aux ambulances, entraînant la mort de personnes blessées ou souffrant d’une maladie chronique, y compris des enfants sous dialyse.
Ansam al-Sharif, qui était hospitalisée après avoir perdu une jambe lors d’une frappe aérienne israélienne et nécessitait des béquilles pour se déplacer, a affirmé que les soldats israéliens ont dit aux patients à l’hôpital Nasser de dormir à l’étage mais de descendre au rez-de-chaussée de 7 heures du matin à 21 heures, le soir. « Nous sommes restés là pendant quatre jours sans nourriture, ni eau, ni médicaments », a-t-elle dit. Ansam Al-Sharif a été témoin de la mort de quatre patients plus âgés pendant cette période.
Les forces israéliennes ont fait évacuer des hôpitaux de force et exposé des patients, des personnels de santé et des personnes déplacées à de graves risques. Elles ont ordonné à des patients de quitter ces hôpitaux sans assistance, y compris ceux qui avaient besoin de civières ou de fauteuils roulants. Elles n’ont que rarement facilité les transferts vers d’autres établissements médicaux, lesquels n’étaient parfois pas en mesure d’assurer des soins. Après avoir évacué certains bâtiments hospitaliers, les forces israéliennes les ont illégalement incendiés ou détruits.
Des soldats israéliens ont commis des abus à l’encontre de patients, de membres du personnel médical et de personnes déplacées dans les hôpitaux. Ils ont tué des civils par balles, tiré sur des prestataires de soins et maltraité des personnes qui étaient sous leur contrôle.
Human Rights Watch a précédemment documenté des attaques israéliennes illégales d’hôpitaux et d’ambulances, ainsi que la détention arbitraire et la torture de professionnels de santé. À la date de septembre 2024, seulement quatre des 36 hôpitaux de Gaza n’avaient pas été endommagés ou détruits par les forces israéliennes, a affirmé l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ce qui pose une menace critique pour la santé, à court et à long terme, de la population.
Depuis les attaques menées par le Hamas le 7 octobre 2023 contre Israël, les autorités israéliennes ont délibérément imposé des conditions de vie précaires, voire mortelles, à la population palestinienne de Gaza, notamment en la privant systématiquement de nourriture, d’eau et d’autres biens nécessaire à la survie comme les médicaments, ce qui équivaut au crime contre l’humanité d’extermination, ainsi que des actes de génocide.
Depuis le 2 mars 2025, le gouvernement israélien a de nouveau bloqué l’acheminement d’aide humanitaire à Gaza, y compris de carburant, en violation flagrante du droit international humanitaire. Le 18 mars, l’armée israélienne a lancé une nouvelle vague de frappes aériennes et de tirs d’artillerie contre la bande de Gaza, tuant plus de 400 personnes, selon le ministère de la Santé de Gaza.
« L’occupation par l’armée israélienne des hôpitaux de Gaza a transformé des sites destinés aux soins médicaux et à la guérison en centres de mort et de mauvais traitements », a conclu Bill Van Esveld. « Les responsables de ces horribles abus, y compris des dirigeants israéliens de haut rang, devraient être amenés à rendre des comptes. »
Suite en anglais, comprenant des informations plus détaillées.
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Médias
LaLibre.be
20.03.2025 à 01:00
Le célèbre activiste politique et journaliste Idrissa Barry a été arrêté mardi à Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, par des hommes affirmant être des gendarmes, faisant craindre une possible disparition forcée.
Idrissa Barry, âgé de 48 ans, est le Secrétaire national du mouvement politique d'opposition Servir et non se servir (SENS).
Selon des collègues du journaliste ainsi que des médias, Idrissa Barry a été arrêté alors qu'il participait à une réunion avec des fonctionnaires à la mairie de la commune de Saaba, en banlieue de Ouagadougou. La voiture qui l'a emmené n'avait pas de plaque d'immatriculation. SENS a publié un communiqué condamnant l'arrestation et appelant les autorités à le libérer.
Quatre jours avant qu’il ne soit arrêté, SENS a publié une déclaration dénonçant des « attaques meurtrières » menées le 11 mars par des forces gouvernementales et des milices alliées, connues sous le nom de Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), contre des civils aux alentours de Solenzo, dans l'ouest du Burkina Faso.
Human Rights Watch a analysé des vidéos qui ont circulé sur les réseaux sociaux et semblent impliquer les milices VDP dans le massacre de plusieurs dizaines de civils, y compris des enfants. On peut voir sur ces images des hommes armés qui portent des uniformes de milice identifiables. L'attaque était en apparente représailles contre la communauté locale, accusée par le gouvernement de soutenir des groupes armés islamistes.
Depuis qu'elle a pris le pouvoir à la suite d'un coup d'État en octobre 2022, la junte militaire a eu recours à une loi d'urgence d’une vaste portée pour réduire au silence la dissidence ainsi que des journalistes et des activistes de la société civile. Les autorités ont également informé officiellement des membres des partis d'opposition, des journalistes et des magistrats qu'ils seraient enrôlés pour participer à des opérations anti-insurrectionnelles dans tout le pays. Le gouvernement a mis ses menaces à exécution et a commencé à intégrer de force, au sein des VDP, des individus perçus comme des opposants au gouvernement.
Ceci suscite de graves inquiétudes quant au risque qu’Idrissa Barry ne soit illégalement enrôlé de force dans le service des milices VDP.
L'arrestation d'une personne par le gouvernement sans reconnaissance de sa détention ou du lieu où elle se trouve est une disparition forcée, ce qui constitue une grave violation du droit international relatif aux droits humains. Les disparitions forcées sont susceptibles de violer divers droits humains, y compris l'interdiction de la détention arbitraire, de la torture et d'autres mauvais traitements, et des exécutions extrajudiciaires.
Les autorités devraient immédiatement révéler où se trouve Idrissa Barry, et le libérer.
19.03.2025 à 23:00
Mise à jour : Le 20 mars 2025, le Parlement indonésien a approuvé à l’unanimité les amendements proposés à la loi sur les forces armées. Le texte a été soumis au président Prabowo, en vue de sa signature.
(New York) – Le Parlement indonésien devrait rejeter les amendements proposés à la loi de 2004 sur les forces armées, qui élargiraient considérablement le rôle de l'armée dans la gouvernance civile et affaibliraient les restrictions légales imposées aux fonctionnaires responsables d'abus, ont déclaré aujourd'hui Human Rights Watch et six organisations indonésiennes de défense des droits humains. Le projet de modification de la loi n° 34/2004 sur l’Armée nationale indonésienne (« Tentara Nasional Indonesia, TNI), dite « loi TNI », sera soumis au Parlement le 20 mars et fera l’objet d’un vote au plus tard le 25 mars, dernier jour de cette session parlementaire.
Les amendements proposés, déjà approuvés par la Commission de défense et de sécurité de la Chambre des représentants indonésienne, permettraient au gouvernement de nommer davantage d’officiers militaires en service actif à des postes civils, notamment auprès d’institutions judiciaires et dans des entreprises publiques. Le président Prabowo Subianto devrait demander au Parlement de reporter le vote et de consulter les organisations de la société civile afin de répondre à leurs préoccupations, notamment concernant le risque du retour du système « dwifungsi » (« double fonction ») de l'armée, qui était au cœur du régime militaire autoritaire du président Suharto de 1965 à 1998, permettant à l’armée d’exercer une double fonction aux niveaux militaire et civil.
« Le président Prabowo semble déterminé à rétablir le rôle de l'armée indonésienne dans les affaires civiles, malgré les nombreuses violations et l'impunité liées à ce rôle dans le passé », a déclaré Andreas Harsono, chercheur senior sur l'Indonésie à Human Rights Watch. « L'empressement du gouvernement à adopter ces amendements contredit ses propres déclarations en faveur des droits humains et de l’obligation de rendre des comptes. »
Les six organisations indonésiennes qui ont soulevé ces préoccupations, avec Human Rights Watch, sont la Commission pour les personnes disparues et les victimes de violence (Komisi untuk Orang Hilang dan Korban Tindak Kekerasan, KontraS), Imparsial, l'Association indonésienne d'aide juridique et de défense des droits humains, l'Association indonésienne d'aide juridique pour les femmes, l'Institut d'aide juridique Kaki Abu, et Kapal Perempuan.
Actuellement, les officiers militaires sont censés prendre leur retraite ou démissionner avant d'occuper des postes civils, à l'exception des postes dans dix ministères et institutions étatiques dont le ministère de la Défense, l'Agence nationale de renseignement et l'Agence de recherche et de sauvetage, ainsi qu’à la Cour suprême, dans les cas de postes de juges militaires.
Les modifications proposées à la loi sur les forces armées donneraient au président le pouvoir de nommer des militaires à des postes dans de nombreuses autres institutions, dont le bureau du Procureur général, l'Agence nationale de prévention des catastrophes, l'Agence nationale de lutte contre le terrorisme, l'Agence indonésienne de sécurité maritime et l'Agence nationale de gestion des frontières.
« Ces amendements proposés, dans le cadre d’un processus de ratification rapide et imprudent, semblent destinés à rétablir la "double fonction" de l'armée indonésienne dans la gouvernance du pays », a déclaré Dimas Bagus Arya Saputra, coordinateur de KontraS. « L'extension de l'autorité des forces armées au domaine civil constituerait un revers pour la démocratie en Indonésie. »
Le commandant des forces armées indonésiennes, le général Agus Subiyanto, a déclaré que la loi TNI de 2004 était « obsolète » et « inefficace », et insuffisante pour mettre en œuvre les politiques fondamentales de l'État. Il a ajouté que les amendements élargiraient les fonctions non combattantes de l'armée indonésienne, permettant à ses membres de servir ainsi dans des institutions chargées de poursuites judiciaires, de la cybersécurité, de la lutte contre les stupéfiants et d'autres affaires intérieures.
Le ministre de la Défense, Sjafrie Sjamsoeddin, a déclaré que certains militaires en service actif prendraient une « retraite anticipée » et que leurs compétences seraient testées avant d'être sélectionnés pour des postes civils. Cependant, un rapport d'Imparsial, une organisation de défense de la sécurité et des droits humains basée à Jakarta, a révélé qu'avant même l'examen des amendements, au moins 2 569 officiers en service actif occupaient des fonctions civiles, certains en dehors du cadre légal.
Une coalition de 186 organisations de la société civile a lancé une pétition contre les amendements. KontraS a déclaré que certains de ses membres avaient reçu des menaces après avoir protesté contre le projet de loi début mars.
Le président Prabowo a déjà nommé au sein de son cabinet plusieurs personnes au bilan préoccupant en matière de droits humains, dont des officiers des forces spéciales impliqués dans l'enlèvement de militants étudiants en 1998. Le ministre de la Défense Sjafrie Sjamsoeddin a lui-même été impliqué dans la répression des manifestations étudiantes de Jakarta en mai 1998, et dans les graves violations des droits humains au Timor oriental en 1999. Il est donc à craindre que l'adoption de la loi révisée sur les forces armées permette à des officiers militaires actuellement suspectés d’abus de jouer un rôle élargi au sein du gouvernement.
« Les amendements à la loi sur les forces armées, notamment la possibilité de nommer des militaires en service actif à des postes civils, risquent de légitimer la nomination d’officiers auteurs d'abus au sein du gouvernement », a déclaré Ardi Manto Adiputra, directeur d'Imparsial. « Le Parlement devrait reporter l'examen de ces amendements, qui pourraient rétablir l'implication de l'armée dans la sphère sociopolitique de la société civile. »
En vertu de la loi indonésienne de 1997 sur les tribunaux militaires, tout membre de l’armée impliqué dans une activité criminelle, y compris une personne exerçant des fonctions civiles, doit faire l'objet d'une enquête par les autorités militaires ; cette personne doit être jugée, le cas échéant, devant un tribunal militaire plutôt que devant un tribunal de droit commun. Les procureurs et juges militaires rendent compte à leurs commandants respectifs. Le système de justice militaire indonésien a une longue histoire d'échec à enquêter et à poursuivre adéquatement le personnel militaire, en particulier les officiers supérieurs, pour des allégations de violations des droits humains.
Des organisations indonésiennes de défense des droits des femmes ont exprimé des inquiétudes particulières concernant les amendements proposés, qui prévoient que tout militaire suspecté de violences sexuelles ou d’autres abus lors de l’exercice de ses fonctions civiles fasse néanmoins l’objet d’une enquête dans le cadre du système judiciaire militaire, et non civil.
« L'impartialité judiciaire est un élément important de l'accès des femmes à la justice », a déclaré Uli Arta Pangaribuan, de l'Association indonésienne d'aide juridique pour les femmes. « Mais si les amendements à la loi sur les forces armées sont approuvés, cela signifierait que le système de justice militaire traitera les cas de violences contre les femmes, même dans la sphère civile. »
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19.03.2025 à 21:00
(Istanbul, 19 mars 2025) – L'arrestation du maire d'Istanbul, Ekrem İmamoğlu, ainsi que d'environ 106 autres élus municipaux et responsables politiques, le 19 mars, a été basée sur des motifs politiques et vise à entraver des activités politiques légales, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. La détention arbitraire du maire porte atteinte aux droits des électeurs qui ont voté pour lui, ainsi qu’au au processus démocratique en Turquie.
Le Parquet général d'Istanbul a déclaré avoir ordonné l'arrestation d'Ekrem İmamoğlu et d'autres personnes dans le cadre de deux enquêtes criminelles distinctes à son encontre. Son arrestation a eu lieu quatre jours avant le 23 mars, date à laquelle il doit être désigné par le Parti républicain du peuple (Cumhuriyet Halk Partisi, CHP), principal parti d'opposition turc, pour se présenter contre le président Recep Tayyip Erdoğan à la prochaine élection présidentielle prévue en 2028.
« Ekrem İmamoğlu et les autres individus détenus devraient être immédiatement libérés », a déclaré Hugh Williamson, directeur de la division Europe et Asie centrale de Human Rights Watch. « Le gouvernement du président Erdoğan devrait veiller à ce que les résultats des élections municipales d'Istanbul soient respectés, et à ce que le système judiciaire ne soit pas instrumentalisé à des fins politiques. »
Au cours des cinq derniers mois, le Parquet d'Istanbul a mené une série d'enquêtes et d’arrestations à motivation politique visant des municipalités gouvernées par le Parti républicain du peuple. Les deux dernières enquêtes menées contre İmamoğlu, l'une concernant des liens présumés avec le terrorisme et l'autre portant sur des allégations de corruption, s'inscrivent dans cette tendance.
Parmi les personnes arrêtées le 19 mars figuraient les maires de Şişli et de Beylikdüzü, deux districts de la province d'Istanbul.
Les procureurs ont ouvert cinq affaires pénales contre İmamoğlu, toutes fondées sur des preuves insuffisantes d'activités criminelles. Le 18 mars, l'Université d'Istanbul lui a retiré son diplôme universitaire. Les juristes turcs ont largement condamné cette décision, la qualifiant d'abus de pouvoir par l'université, visant à l'empêcher de se présenter à la prochaine élection présidentielle.
Le jour même des arrestations, le gouverneur de la province d'Istanbul a interdit les rassemblements publics et les manifestations à Istanbul, durant la période du 19 au 23 mars. L’Internet a été soumis à une réduction de la bande passante (technique du bridage), limitant l'accès aux réseaux sociaux et aux sites d'information.
Avant les arrestations du 19 mars, trois maires d'arrondissement et de nombreux conseillers municipaux du parti CHP avaient déjà été placés en détention provisoire à la suite d’enquêtes douteuses menées par le Procureur général d'Istanbul, au sujet de liens présumés avec le terrorisme et de soupçons portant sur la corruption.
La tentative d'accuser le parti CHP de liens terroristes avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), groupe armé, a débuté avec l'arrestation et la destitution, le 30 octobre 2024, d'Ahmet Özer, professeur d'université âgé de 65 ans et maire du district d'Esenyurt à Istanbul. Ce jour-là, un tribunal a ordonné sa détention provisoire, l’accusant d’« appartenance » au PKK, et les autorités l’ont démis de ses fonctions, nommant à sa place le vice-gouverneur d’Istanbul.
Le 13 février 2025, les autorités ont arrêté dix membres élus du Conseil municipal appartenant au parti CHP, également accusés d’« appartenance au PKK ». Tous avaient été élus à des postes municipaux dans le cadre d'une stratégie politique du parti CHP et du Parti pour l'égalité et la démocratie des peuples (DEM), pro-kurde, visant à coopérer aux élections locales.
Les accusations du procureur dans le cadre de ces enquêtes reposent sur l'hypothèse, non fondée, que tous les responsables politiques agissaient sur les instructions du PKK ou travaillaient pour un organe du PKK sous couvert d'une plateforme d'opposition, le Congrès démocratique des peuples, qui regroupe des groupes kurdes et de gauche ainsi que des organisations de la société civile. Cette plateforme, créée en 2011, n'a été ni interdite ni fermée.
Les autorités ont également invoqué des enquêtes et des accusations de terrorisme comme raison pour remplacer les maires élus dans 10 municipalités du sud-est de la Turquie contrôlées par le parti DEM et deux municipalités contrôlées par le parti CHP, dont le district d’Esenyurt, par des fonctionnaires nommés par le gouvernement.
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19.03.2025 à 07:00
(Mexico, 19 mars 2025) – Les autorités mexicaines devraient mener une enquête approfondie et impartiale au sujet des centaines de fragments d'os et de vêtements récemment découverts par une association de familles de personnes disparues, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.
Le 5 mars, un groupe local de bénévoles qui recherchent des personnes disparues au Mexique a annoncé avoir découvert des restes humains calcinés, des centaines de vêtements et de chaussures, ainsi que de trois fosses qualifiées de « crématoriums » sur le terrain d’un ranch situé près de la ville de Guadalajara, dans l'État de Jalisco. Six mois plus tôt, en septembre 2024, le Parquet de l'État de Jalisco et la Garde nationale avaient déjà inspecté ce site, suite à des opérations de la Garde nationale qui avait arrêté dix individus et secouru deux personnes ; mais cette enquête n’avait alors abouti qu’à la découverte d’un cadavre.
« Il est choquant et décourageant que des membres des familles de victimes, munis de pioches et de pelles, aient été contraints d'achever le travail que les autorités affirmaient avoir effectué près de six mois plus tôt », a déclaré Juanita Goebertus, directrice de la division Amériques à Human Rights Watch. « La présidente Claudia Sheinbaum devrait y voir un signal pour entreprendre un effort urgent à l'échelle nationale, afin de professionnaliser les enquêtes criminelles menées par les parquets des États. »
Suite à cette récente découverte, le Procureur général de l'État de Jalisco a déclaré aux journalistes qu'en septembre dernier, des enquêteurs de son bureau et des membres de la Garde nationale avaient fouillé « certaines parties » du ranch, mais qu'ils n'avaient trouvé ni restes humains, ni vêtements, ni crématoriums, car « le ranch est très vaste ». Début mars, des membres du collectif de bénévoles ont décidé de fouiller le site, après avoir reçu un appel anonyme indiquant que des restes de personnes disparues y avaient été enterrés.
La découverte de restes humains dans l’État de Jalisco met en lumière les graves lacunes systémiques des enquêtes sur les homicides et les disparitions au Mexique, a déclaré Human Rights Watch.
Dans un rapport publié en février, Human Rights Watch a constaté que les autorités mexicaines n’enquêter pas efficacement sur la plupart des homicides en raison de divers problèmes systémiques, notamment un manque de ressources et de formation, de lourdes charges de travail et une mauvaise coordination entre les autorités. Entre 2010 et 2022, les parquets de divers États mexicains ont ouvert environ 300 000 enquêtes pour homicide volontaire, mais n'ont formellement identifié des suspects que dans 17 % des cas. Le nombre réel d'homicides est probablement plus élevé. Depuis 2007, plus de 94 000 personnes ont été portées disparues au Mexique, et n'ont toujours pas été retrouvées.
Le 11 mars, le Procureur général du Mexique a annoncé que son bureau envisageait de demander aux autorités fédérales d’assumer le contrôle de cette enquête, affirmant qu'« il est peu vraisemblable qu'une situation de ce type ait été ignorée des autorités étatiques ou locales ».
Depuis la découverte des ossements, le collectif et le parquet ont commencé à publier des centaines de photos, de vidéos et de descriptions des objets personnels retrouvés sur le site, afin que les familles de personnes disparues puissent tenter de les identifier.
« La négligence dont ont fait preuve les autorités mexicaines dans cette enquête est choquante, mais malheureusement loin d'être rare », a conclu Juanita Goebertus. « Cette affaire devrait servir de signal d’alarme : des réformes urgentes sont nécessaires pour améliorer les enquêtes criminelles au Mexique. »
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19.03.2025 à 05:00
(New York, 19 mars 2025) – Les autorités pakistanaises ont intensifié des pratiques abusives et d’autres moyens de pression visant des réfugiés afghans afin de les pousser à retourner en Afghanistan, bien qu’ils risquent d'y être persécutés par les talibans et confrontés à des conditions économiques désastreuses, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.
La situation des droits humains en Afghanistan n'a cessé de se détériorer depuis le retour au pouvoir des talibans en août 2021. Les femmes et les filles n’y ont pas accès à l'enseignement post-primaire, et sont privées de plusieurs droits et de libertés. Les défenseurs des droits humains, les journalistes et les ex-fonctionnaires de l’ancien gouvernement sont particulièrement menacés. Toutes les personnes qui retournent en Afghanistan luttent pour survivre face au taux de chômage élevé, au système de santé défaillant et à la diminution de l'aide étrangère.
« Les autorités pakistanaises devraient immédiatement cesser de contraindre des Afghans à retourner dans leur pays, et permettre à ceux qui risquent l'expulsion de solliciter une protection au Pakistan », a déclaré Elaine Pearson, directrice de la division Asie à Human Rights Watch. « Les autorités talibanes en Afghanistan devraient empêcher toute représailles contre les Afghans revenus dans le pays, et mettre fin à leurs politiques abusives à l'encontre des femmes et des filles. »
Le 31 janvier, le ministère pakistanais de l'Intérieur a annoncé que les Afghans non munis de documents de séjour officiels, ainsi que les détenteurs de cartes de citoyenneté afghane, devaient quitter les villes d'Islamabad et de Rawalpindi ou risquer d’être expulsés du Pakistan. La directive ordonnait aussi aux Afghans titulaires d'une carte confirmant leur enregistrement en tant que réfugiés (« Proof of Registration Card », ou carte PoR) de quitter le pays avant le 30 juin.
En 2024, Human Rights Watch a mené des entretiens avec 35 personnes afghanes au Pakistan, ainsi qu’avec plusieurs Afghans revenus dans leur pays, au sujet des raisons de leur départ et des conditions de vie suite à leur retour dans leur pays. Human Rights Watch a également mené des entretiens avec des représentants d'organisations humanitaires apportant une aide aux réfugiés afghans, des deux côtés de la frontière.
Durant la période de septembre 2023 à janvier 2024, une précédente vague d'expulsions menées par le Pakistan a conduit au départ de plus de 800 000 Afghans – dont beaucoup étaient nés au Pakistan ou y vivaient depuis des décennies – vers l'Afghanistan. Depuis novembre 2024, les autorités pakistanaises ont renouvelé leur pression pour expulser les Afghans. Plus de 70 % des personnes rentrées en Afghanistan sont des femmes et des enfants, y compris des filles en âge de fréquenter l'école secondaire et des jeunes femmes qui n'auront plus accès à l'éducation.
Des policiers pakistanais ont perquisitionné des domiciles, battu et détenu arbitrairement des réfugiés afghans, et confisqué des documents dont des permis de séjour. Ils ont exigé des pots-de-vin pour permettre à des Afghans de rester au Pakistan. Les Nations Unies ont rapporté que la plupart des Afghans rentrés en Afghanistan ont invoqué la crainte d'être détenus par les autorités pakistanaises comme motif principal de leur départ.
Masood Rahmati, un journaliste sportif afghan, a déclaré que même les Afghans enregistrés auprès du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) ou possédant des cartes de séjour valides n'étaient pas en sécurité. « Nous avions des cartes PoR [Proof of Registration] », a déclaré Atifi. « Mais la police a découpé nos cartes, et nous a renvoyés en Afghanistan. »
Parmi les Afghans les plus exposés à des risques figurent ceux qui étaient affiliés aux forces de sécurité de l'ancien gouvernement afghan. Human Rights Watch et l'ONU ont documenté des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées, des arrestations et détentions arbitraires, ainsi que des actes de torture et autres mauvais traitements infligés à des personnes affiliées aux forces militaires et policières de l'ancien gouvernement, dont certaines étaient rentrées en Afghanistan après avoir d'abord cherché refuge au Pakistan. Les journalistes et les activistes qui ont fui au Pakistan après avoir critiqué les talibans craignent également des représailles. De plus, les talibans ont menacé, détenu arbitrairement et torturé des femmes qui protestaient contre leurs politiques.
« J'ai quitté l'Afghanistan parce que j'étais un militant des droits humains et que je protestais contre les talibans », a déclaré Naheed, qui, après avoir fui l'Afghanistan en août 2024, vivait caché au Pakistan, craignant d'être expulsé, et dont le nom de famille (comme celui d'autres personnes) n'est pas divulgué pour sa protection. « Une fois mon identité révélée, j'ai dû partir [vers un autre pays]. Je ne peux pas rentrer [en Afghanistan] tant que les talibans sont au pouvoir. »
De nombreux réfugiés afghans qui sont de retour dans leur pays ont dû laisser leurs biens et leurs économies au Pakistan, et disposent de peu de moyens de subsistance ou de terres en Afghanistan. Suite à la prise de pouvoir par les talibans, l'Afghanistan a perdu son accès au système bancaire international et à la quasi-totalité de l'aide étrangère au développement, qui finançait en grande partie l'ancien gouvernement afghan. Son économie s'est alors fortement contractée, entraînant la perte de dizaines de milliers d'emplois.
En janvier, plus de 22 millions d'Afghans, soit près de la moitié de la population, avaient besoin d'une aide alimentaire d'urgence et d'autres formes d'assistance, et on estimait à 3,5 millions le nombre d'enfants souffrant de malnutrition aiguë. Très peu de services de soutien sont disponibles pour les personnes handicapées. L'interdiction par les talibans d'employer des femmes dans des organisations non gouvernementales a aggravé la crise, en limitant leur accès à des emplois et à divers services.
« Ne me demandez pas de vous décrire la vie ici », a soupiré Mohmadullah, un Afghan qui a dû revenir à Kandahar en février 2024. « Il n'y a ni électricité, ni ventilateur. Ce n'est pas une vie. Notre tente est trouée, le sol devient mouillé [en cas de pluie]. Mes enfants s’endorment sans avoir assez mangé. »
Les femmes et les filles qui retournent en Afghanistan sont confrontées à de graves restrictions de leurs droits à l'éducation, à l'emploi et à la liberté de circulation. « Il y a une école juste en face de chez nous [à Kandahar], mais les filles n’ont pas le droit d’y aller », a déclaré Hamidullah, qui a vécu au Pakistan pendant 40 ans et a été expulsé vers l'Afghanistan en 2024. « Mes cinq filles allaient à l'école [au Pakistan]. »
Les pays qui accueillent des réfugiés afghans, notamment les États-Unis, l'Australie, le Royaume-Uni, le Canada et la Nouvelle-Zélande, devraient maintenir leur politique basée sur l’hypothèse qu’un retour en Afghanistan dans des conditions sûres n’est pas possible. Les expulsions d’Afghans par le Pakistan, ainsi que les mesures coercitives et les reconduites d’Afghans à la frontière, pourraient constituer des violations des obligations du Pakistan en tant qu’État partie à la Convention des Nations Unies contre la torture. Ces actions sont aussi susceptibles de violer le principe de non-refoulement inscrit dans le droit international coutumier ; ce principe interdit le renvoi forcé de personnes vers un pays où elles seraient exposées à un risque réel de persécution, de torture ou d'autres mauvais traitements, ou à une menace pour leur vie. L'Allemagne et d'autres pays ont également mis des Afghans en danger, en les expulsant vers l'Afghanistan.
« L’Afghanistan n’est pas un pays sûr pour le retour forcé d’Afghans réfugiés dans d’autres pays », a conclu Elaine Pearson. « Face à l’urgence de la situation au Pakistan, les autres pays qui se sont engagés à accueillir des Afghans exposés à des risques devraient accélérer les procédures de réinstallation de ces personnes. »
Suite détaillée en anglais.
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17.03.2025 à 14:00
(Honiara, Îles Salomon)– L'élévation du niveau de la mer aux Îles Salomon, ainsi que d’autres impacts climatiques aggravés par l'insécurité foncière, l'accès limité à la terre et l'insuffisance du soutien gouvernemental, compromettent les droits de la communauté autochtone Walande, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui. Malgré leur décision de quitter l’île où ils vivaient afin d’échapper aux effets du changement climatique, les membres de cette communauté sont toujours exposés à divers risques.
17 mars 2025 “There’s Just No More Land”Le rapport de 66 pages, intitulé « “There’s Just No More Land”: Community-led Planned Relocation as Last-resort Adaptation to Sea Level Rise in Solomon Islands » (« “Il n'y a plus de terre” : La réinstallation d’une communauté due à l'élévation du niveau de la mer aux Îles Salomon »), explique pourquoi les membres de la communauté Walande ont pris la décision difficile de se réinstaller après des décennies d'adaptation au changement climatique, comment ils l’ont fait sans aide adéquate du gouvernement ni assistance internationale, et comment leurs droits économiques, sociaux et culturels continuent d’être menacés. Human Rights Watch a constaté que le gouvernement des Îles Salomon a pris certaines mesures importantes pour soutenir les communautés confrontées aux impacts les plus graves de la crise climatique, notamment en adoptant des Directives sur la planification de réinstallations, mais qu'il ne les a pas encore pleinement mises en œuvre.
« L'histoire de la communauté Walande devrait servir d’avertissement : les communautés ne peuvent pas faire face à la crise climatique, toutes seules », a déclaré Erica Bower, chercheuse à Human Rights Watch sur les déplacements liés à la crise climatique. « Le gouvernement des Îles Salomon pourrait jouer un rôle de leader mondial en matière de réinstallation planifiée d’une manière respectueuse des droits, mais seulement en appliquant d’urgence ses propres directives et en soutenant de façon adéquate les communautés déplacées par la crise climatique. »
Human Rights Watch a mené des entretiens avec plus de 130 personnes : des membres de la communauté Walande, des habitants d'autres villages côtiers aux Îles Salomon, des responsables gouvernementaux, et divers experts ; Human Rights Watch a aussi analysé des images satellite, des données sur l'aide à la réinstallation, ainsi que d’autres documents.
Click to expand Image Carte montrant l’emplacement du village de Walande, au sud-est de l’île de Malaita, l’une des Îles Salomon dans l’océan Pacifique. La capitale des Îles Salomon, Honiara, est située sur l’île de Guadalcanal à l’ouest de Malaita. © 2025 Human Rights WatchLa communauté Walande compte environ 800 personnes qui vivent sur la côte sud de Malaita, l’une des Îles Salomon. Jusqu'au milieu des années 2010, cette communauté vivait sur un petit îlot au large de de Malaita. Pendant des décennies, même après que leur îlot fut frappé par des cyclones et des tempêtes, les habitants reconstruisaient leurs maisons et tâchaient de s'adapter à leur environnement. Toutefois, suite aux marées dévastatrices de 2009, toute la communauté a fini par se réinstaller sur l’île de Malaita voisine.
L'expérience vécue par la communauté Walande met en lumière les dangers liés au manque de soutien par le gouvernement et par des donateurs internationaux à un tel projet de réinstallation. Malgré leur demande d'aide, les membres de la communauté ont en grande partie financé et exécuté leur réinstallation eux-mêmes. Cette réinstallation n'a toutefois permis qu'une sécurité à court terme. L'eau de mer brise déjà les digues censées protéger leur nouveau site, et est en train de détruire les sources de leur alimentation traditionnelle.
Comparaison entre deux images satellite (mai 2010 et juin 2024)
Comparaison entre deux images satellite montrant le sud-est de l’île de Malaita (Îles Salomon), en mai 2010 et en juin 2024.
27 mai 2010 : À gauche de l’image, l’on voit la côte de Malaita, avec quelques maisons, de nombreux arbres et une végétation allant jusqu’à la côte (ligne jaune). À droite de l’image de mai 2010, le petit îlot de Walande, avec de nombreuses maisons, est encore visible (tâche partiellement blanche).
27 juin 2024 : À gauche de cette image, sur la côte de Malaita, l’on voit plus de maisons, suite à la réinstallation des villageois de Walande, mais moins d’arbres, ainsi que l’érosion de la côte (ligne rouge). À droite, l’îlot de Walande n’est plus visible, ayant été submergé par la mer.
© 2025 Images satellite Maxar/Airbus/Google Earth. Graphisme © Human Rights Watch.
La communauté Walande ne dispose que de fonds limités pour se protéger de l'élévation du niveau de la mer sur son nouveau site, sur l’île de Malaita ; ses droits fonciers y sont précaires, et elle n'a pas accès à d'autres terres plus éloignées de la mer. Certains membres envisagent une nouvelle relocalisation. « Nous cherchons à nouveau des terres situées a un niveau plus élevé », a expliqué un membre de la communauté.
Les femmes de la communauté de Walande sont particulièrement préoccupées, car leur contrôle sur les terres est limité par le système foncier patriarcal de la province de Malaita. Quelques femmes ont déclaré que des dirigeants communautaires les avaient même poussées à se marier en dehors de leur communauté, afin de mieux s’adapter à ces circonstances difficiles.
Une réinstallation planifiée est une mesure d'adaptation de dernier recours comportant de graves risques. Toute planification doit respecter les principes des droits humains, tels que le consentement éclairé des membres de la communauté concernée, comme celle de Walande, et prévoir leur participation à toutes les étapes du processus. Le nouveau site d'installation d'une communauté doit permettre à ses membres de bénéficier de leurs droits économiques, sociaux et culturels.
En vertu du droit international, le gouvernement des Îles Salomon a l'obligation de protéger les communautés contre les risques climatiques prévisibles en prenant des mesures d’adaptation respectueuses de leurs droits, notamment les droits autochtones, les droits fonciers coutumiers et les droits des femmes. En 2022, le gouvernement des Îles Salomon a adopté des Directives sur la planification de réinstallations, qui établissent en théorie un cadre solide pour respecter ces obligations. Mais tant que ces Directives ne sont pas opérationnelles, les populations réinstallées ou en cours de réinstallation restent exposées aux effets du changement climatique, et aux risques pour leurs droits humains.
Click to expand Image Un jeune garçon, membre de la communauté de Walande (province de Malaita) aux Îles Salomon dans l’océan Pacifique, cherchait du poisson dans cette région affectée par le changement climatique. © 2025 Cyril Eberle for Human Rights WatchLe gouvernement des Îles Salomon devrait pleinement mettre en œuvre ces Directives, notamment en établissant un plan d'évaluation à l'échelle nationale afin d'identifier les communautés les plus exposées aux risques climatiques, et de prioriser les mesures de soutien en fonction de leurs besoins. Le gouvernement devrait également augmenter le financement des relocalisations communautaires, en veillant à ce que les fonds couvrent non seulement les coûts de reconstruction des logements et de mesures sécuritaires, mais aussi la garantie de l'ensemble des droits, notamment dans les domaines de l'éducation, de la santé et du patrimoine culturel.
En vertu du droit international relatif au climat et aux droits humains, les pays les plus développés ont l'obligation de soutenir l'adaptation des pays les moins développés, comme les Îles Salomon, au changement climatique. Pourtant, entre 2011 et 2021, les habitants des Îles Salomon n'ont reçu une aide internationale que de 20 dollars US en moyenne par an, pour faciliter leur adaptation au changement climatique.
Quelques pays ont commencé à soutenir les efforts d'adaptation menés par les communautés affectées, notamment l'Australie qui a cofinancé la mise en place du nouveau site de la communauté Walande. Cependant, les donateurs internationaux devraient rapidement intensifier leur assistance financière et technique afin de garantir que les Îles Salomon puissent répondre au changement climatique, et que les communautés en première ligne, comme celle de Walande, puissent s'adapter sur place ou se relocaliser en protégeant leurs droits, a déclaré Human Rights Watch.
Un rapport publié par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC, ou IPCC en anglais) prévoit qu'« à mesure que le risque climatique s'intensifie, le besoin de relocalisations planifiées augmentera ». Tout pays doté d'un littoral devrait, au minimum, anticiper ce défi, en tirant les leçons des relocalisations menées par les communautés comme celle de Walande, et mettre en place des politiques comme l’adoption de directives semblables à celles élaborées aux Îles Salomon.
« Le soutien aux communautés qui sont en première ligne face à la crise climatique est déjà urgent, et ne fera que devenir plus impératif », a conclu Erica Bower. « Relever ces défis croissants ne sera pas possible sans mettre en œuvre des politiques axées sur les droits humains. »
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Médias
Radio France (podcast)
14.03.2025 à 23:30
(Nairobi) – Des milices pro-gouvernementales au Burkina Faso sont impliquées dans des séquences vidéo circulant sur les réseaux sociaux et montrant le massacre de dizaines de civils dans et autour de la ville de Solenzo, dans l'ouest du pays, les 10 et 11 mars 2025, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Les autorités devraient mener une enquête impartiale et poursuivre de manière appropriée tous les responsables de ces crimes graves.
Human Rights Watch a examiné 11 vidéos qui ont circulé sur les réseaux sociaux à partir du 11 mars, montrant des dizaines d'hommes, de femmes et d'enfants morts, ainsi que des dizaines d'autres en vie, certains avec des blessures visibles, les mains et les pieds liés. Dans les vidéos, des hommes armés se tiennent à côté des corps ou marchent parmi eux, donnant des instructions aux personnes détenues et, dans certains cas, les insultant. Les hommes armés portent des uniformes identifiables de milices locales connues sous le nom de Volontaires pour la défense de la patrie (VDP). Certains portent des T-shirts verts sur lesquels on peut lire « Groupe d'autodéfense de Mahouna » et « Force Rapide de Kouka », deux milices locales des localités de Mahouna et Kouka dans la province de Banwa, dont la capitale est Solenzo.
« Les vidéos macabres d'un massacre apparent perpétré par des milices pro-gouvernementales au Burkina Faso soulignent l'absence généralisée de reddition des comptes pour les crimes commis par ces forces », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur le Sahel à Human Rights Watch. « Les autorités burkinabè devraient prendre des mesures immédiates pour mettre fin aux attaques des milices contre les civils en punissant les responsables d'atrocités comme celles commises à Solenzo. »
D'après l'analyse de vidéos, des informations collectées par des médias et des sources locales, la plupart des victimes semblent être de l'ethnie peule. Selon des sources, les 10 et 11 mars, des forces de sécurité et des milices alliées ont mené des opérations de grande envergure dans la campagne de Solenzo et ciblé des Peuls déplacés, apparemment en représailles contre la communauté, que le gouvernement accuse depuis longtemps de soutenir les combattants islamistes. Au Burkina Faso, les groupes armés islamistes ont concentré leurs efforts de recrutement sur les Peuls en exploitant leurs frustrations face à la corruption du gouvernement et à la concurrence pour les ressources naturelles.
Les autorités burkinabè n'ont publié aucune communication publique sur les vidéos – qui ont été visionnées des milliers de fois – ni sur les opérations militaires à Solenzo. Human Rights Watch n'a pas été en mesure de confirmer les lieux exacts où les vidéos ont été filmées.
Une vidéo de 29 secondes partagée sur Telegram le 12 mars montre une femme morte saignant de la tête sur le sol, à côté d'un enfant en bas âge dans un état apparemment critique, allongé face contre terre. On entend l'homme qui filme dire en mooré, une langue largement parlée au Burkina Faso : « C'est le travail de vos parents qui vous a amenés ici. Vous pensez que vous pouvez avoir tout le Burkina Faso. C'est votre fin. »
Une autre vidéo, d'une durée de deux minutes et huit secondes, montre une jeune femme au sol, qui semble gravement blessée, et un enfant d'environ deux ans à côté d'elle. On entend deux voix masculines s'exprimer en mooré et demander à la femme : « Tu dis que tu ne peux pas te lever – tu veux qu'on parte avec ton enfant ? Pourquoi ne te lèves-tu pas ? » La femme répond qu'elle a mal.
Quelqu'un hors champ dit : « Vous, les Peuls, vous pensez que vous pouvez prendre le contrôle du Burkina Faso ? Vous n'y arriverez jamais ! Ce qui vous reste à faire ici, c'est de disparaître. Où sont ceux qui portent des armes ? » La femme répond qu'elle ne sait pas, et l'une des deux voix masculines dit : « Comment se fait-il que tu ne saches pas ? Nous allons t'achever. » À la fin de la vidéo, un homme prend l'enfant dans ses bras.
Dans une vidéo de 33 secondes, des hommes armés de couteaux et de fusils jettent un homme encore vivant sur un véhicule à trois roues chargé de ce qui semble être au moins 10 corps d'hommes et de femmes. Certains hommes armés célèbrent l’incident alors que le véhicule s'éloigne.
Human Rights Watch a dénombré 58 personnes qui semblent mortes ou mourantes dans les vidéos, une estimation prudente car certains corps ont été empilés sur d'autres. Deux corps paraissent être ceux d'enfants. Dans une vidéo, un homme est vivant et parle aux hommes en armes. Dans une autre, le même homme semble mort, son corps ayant été jeté à l'arrière du véhicule à trois roues. Dans une autre vidéo, quatre personnes, dont un jeune enfant, sont en vie, entourées d'environ 35 personnes mortes ou mourantes. Human Rights Watch n'a pas pu confirmer ce qui leur est arrivé.
Des médias internationaux comme l'AFP, RFI et Jeune Afrique ont fait état de ces meurtres dans les jours qui ont suivi le 11 mars.
Les groupes armés islamistes au Burkina Faso se sont rendus coupables de nombreuses et graves exactions, notamment de meurtres et de déplacements forcés de civils. Le Groupe pour le soutien de l'islam et des musulmans (GSIM, ou Jama'at Nusrat al-Islam wa al-Muslimeen, JNIM), lié à Al-Qaïda, a attaqué à plusieurs reprises des civils ainsi que les forces de sécurité gouvernementales et les milices VDP dans la province de Banwa.
L'organisation non gouvernementale Armed Conflict Location and Event Data (ACLED) a rapporté que le 31 octobre 2024, le GSIM a tué 51 civils dans le village de Ban, à 15 kilomètres de Solenzo, en représailles apparentes contre la communauté locale accusée d'avoir rejoint les VDP. ACLED a également rapporté que le 21 novembre, le GSIM a attaqué les VDP dans le village de Baye, à 12 kilomètres de Solenzo, tuant 17 membres de la milice. Le 25 novembre, les habitants de Solenzo ont protesté contre l'insécurité croissante. La manifestation est devenue violente et la foule a tué le chef du village.
En réponse à la présence croissante de groupes islamistes armés, les forces de sécurité burkinabè et les VDP ont mené des opérations militaires dans la province de Banwa. Le 2 janvier 2025, le président Ibrahim Traoré a nommé le capitaine Papa Parfait Kambou commandant du Bataillon d'Intervention Rapide (BIR-18), une force spéciale impliquée dans les opérations de contre-insurrection, qui, selon l'agence de presse officielle burkinabè, est basée à Solenzo.
Human Rights Watch a établi que les forces armées burkinabè et les VDP ont commis des abus généralisés au cours des opérations de contre-insurrection dans tout le pays, y compris des meurtres illégaux de civils peuls qu'ils accusent de soutenir les combattants islamistes.
« Chaque attaque djihadiste s'accompagne de représailles », a déclaré un homme d'origine peule qui a fui la région de Solenzo il y a plus d'un an. « Être peul aujourd'hui est synonyme de terroriste.... Les membres de ma famille se trouvent toujours dans les environs de Bèna [à 16 kilomètres de Solenzo], et je crains que certains d'entre eux n'aient été attaqués à leur tour. »
Toutes les parties au conflit armé au Burkina Faso sont tenues de respecter le droit international humanitaire, qui comprend l'article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 et le droit international coutumier. L'article 3 commun interdit le meurtre, la torture et les mauvais traitements des civils et des combattants capturés. Les personnes qui commettent des violations graves des lois de la guerre avec une intention criminelle sont responsables de crimes de guerre. Les commandants qui savaient ou auraient dû savoir que leurs forces commettaient des abus graves et qui ne prennent pas les mesures nécessaires peuvent être poursuivis au titre de la responsabilité du commandement.
« Alors que le conflit armé au Burkina Faso entre dans sa neuvième année, les forces de sécurité et leurs milices alliées ainsi que les groupes armés islamistes commettent des crimes graves contre une population civile épuisée, sans craindre les conséquences », a déclaré Ilaria Allegrozzi. « Une réponse concertée des autorités aux informations impliquant les milices à Solenzo enverrait le message que le gouvernement prend au sérieux la fin de l'impunité. »
12.03.2025 à 15:30
(Manille, le 12 mars 2025) – L'arrestation de l'ex-président des Philippines, Rodrigo Duterte, et son transfert à la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye constituent un pas historique vers la justice, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.
Le 11 mars, les autorités philippines, donnant suite à un mandat d'arrêt émis par la CPI et transmis à Interpol, ont arrêté Duterte à Manille. La CPI a requis son arrestation pour crimes contre l'humanité, liés aux exécutions extrajudiciaires présumées survenues entre 2011 et 2019. Le président Ferdinand Marcos Jr. a confirmé qu'un avion transportant Duterte à La Haye avait quitté l'aéroport international Ninoy Aquino de Manille à 23h03, le 11 mars.
« L'arrestation et le transfert à La Haye de l'ex-président Duterte constituent une victoire attendue depuis longtemps contre l'impunité aux Philippines, et un pas en avant dans la quête de justice pour les victimes et leurs familles », a déclaré Bryony Lau, directrice adjointe de la division Asie à Human Rights Watch. « Cet événement historique envoie un message clair aux auteurs de violations des droits humains partout dans le monde : un jour, ils pourraient aussi être tenus responsables de leurs actes. »
Le mandat d’arrêt contre Duterte contient des allégations d’exécutions extrajudiciaires commises durant son mandat en tant que maire de Davao, puis dans le cadre de la brutale « guerre contre la drogue » menée à l’échelle nationale après son accession à la présidence en 2016.
Selon les statistiques officielles de la police, plus de 6 000 Philippins – principalement des personnes défavorisées vivant dans des zones urbaines – ont été tués dans le cadre de cette « guerre contre la drogue ». Toutefois, des organisations philippines de défense des droits humains affirment que le chiffre réel est nettement plus élevé, évoquant plus de 30 000 victimes. De nombreux enfants figuraient parmi les victimes, ou ont subi les conséquences néfastes de la campagne antidrogue de Duterte.
Des agents de la police nationale philippine ont perquisitionné des domiciles la nuit sans présenter de mandat, arrêtant puis exécutant des suspects, et fabriquant fréquemment des preuves pour justifier leurs actes. Parmi les milliers d'affaires, seul un très petit nombre ont fait l'objet d'enquêtes ou de poursuites ; seules quatre affaires ont abouti à des condamnations, toutes concernant des policiers subalternes accusés d’avoir commis des exécutions extrajudiciaires.
La violence généralisée a incité le Bureau du Procureur de la CPI à ouvrir un examen préliminaire de la situation aux Philippines, ce qui a conduit le président Duterte à retirer ce pays du traité fondateur de la CPI, le Statut de Rome, en mars 2018. Ce retrait est entré en vigueur un an plus tard. En vertu du Statut de Rome, la CPI conserve toutefois sa compétence sur les crimes commis avant ce retrait. L'ancienne Procureure de la CPI, Fatou Bensouda, a annoncé l'ouverture d'une enquête officielle en 2021.
Ces dernières années, le gouvernement philippin a modifié sa position concernant l'enquête de la CPI. Initialement, l'administration Marcos, entrée en fonction en 2022, avait contesté la compétence de la Cour sur les infractions présumées. Mais après une brouille politique entre les camps Marcos et Duterte en 2024, l'administration Marcos a assoupli son discours sur la CPI et a déclaré en novembre qu'elle collaborerait avec Interpol, l'organisation internationale de police criminelle, si un mandat d'arrêt visant Duterte était émis.
Alors que la CPI est attaquée par certains gouvernements, comme l’illustre la récente décision du président américain Donald Trump d’infliger des sanctions à son Procureur, l'arrestation de Rodrigo Duterte et son transfert à La Haye confirment la pertinence de la Cour ; ceci montre son importance pour garantir que les auteurs de crimes graves soient tenus de rendre des comptes, a déclaré Human Rights Watch.
Le président Marcos devrait désormais prendre des mesures supplémentaires pour lutter contre les violations persistantes des droits humains aux Philippines, comme les récentes exécutions extrajudiciaires et attaques contre des activistes et des organisations de la société civile. Le gouvernement philippin devrait aussi redevenir un pays membre de la CPI, une démarche soutenue par un nombre croissant de Philippins.
« Le président Marcos a fait un premier pas vers la fin de l'impunité qui règne depuis longtemps pour les meurtres liés aux affaires de drogue aux Philippines », a conclu Bryony Lau. « Il devrait aller encore plus loin, en annulant les décrets de Duterte qui ont déclenché la “guerre antidrogue”, et en donnant la priorité à des réformes en profondeur de la police philippine. »
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12.03.2025 à 05:00
Révision : Human Rights Watch a été alerté sur le fait qu'un numéro de téléphone couramment utilisé par Human Rights Watch et d'autres pour joindre le porte-parole de l'AFC, Lawrence Kanyuka, pourrait ne pas lui appartenir. Le 15 mars 2025, après que Human Rights Watch a publié le communiqué de presse ci-dessous citant Kanyuka, ce dernier a posté sur X qu'il ne nous avait pas parlé. Kanyuka et Human Rights Watch ont communiqué en utilisant le même canal WhatsApp depuis plusieurs années, notamment pour partager des communiqués et des réponses de l'AFC/M23 aux publications de Human Rights Watch. Nous enquêtons sur cette affaire.
Le groupe armé M23, soutenu par le Rwanda, et l’Alliance Fleuve Congo qui lui est alliée, ont menacé, placé en détention et attaqué des journalistes, des détracteurs et des activistes de la société civile depuis la prise de Goma en janvier.Le rétablissement d’une certaine normalité dans les villes de Goma et de Bukavu, toutes deux occupées par le M23, exige de permettre aux journalistes et aux activistes de faire leur travail sans menaces, violences ou pire.L’Union européenne, ses États membres et les autres gouvernements préoccupés par la situation devraient adopter d’urgence de nouvelles sanctions ciblées contre le M23, ainsi que contre les hauts fonctionnaires rwandais et congolais responsables d’abus graves.(Nairobi) – Le groupe armé M23 soutenu par le Rwanda, ainsi que l’Alliance Fleuve Congo (AFC) dont le M23 fait partie, ont menacé, placé en détention et attaqué des journalistes, des détracteurs et des activistes de la société civile depuis leur prise de Goma dans l’est de la République démocratique du Congo à la fin du mois de janvier 2025, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. L’Alliance Fleuve Congo est une coalition politico-militaire qui inclut le M23.
Dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, les combattants du M23 ont fait des descentes dans des maisons et proféré des menaces de mort et de représailles, sapant le travail des médias indépendants et d’organisations de la société civile. Les combattants du M23 ont également placé en détention des leaders de la société civile et commis des exécutions sommaires, notamment le meurtre d’un chanteur qui était aussi activiste à son domicile et de cinq hommes soumis à du travail forcé.
« Le M23, soutenu par le Rwanda, harcèle et attaque des activistes, des journalistes et des détracteurs pacifiques dans les zones qu’il contrôle à l’est de la RD Congo », a indiqué Clémentine de Montjoye, chercheuse senior sur la région des Grands Lacs à Human Rights Watch. « Le rétablissement d’une certaine normalité dans les villes de Goma et de Bukavu, toutes deux contrôlées par le M23, exige de permettre aux journalistes et aux activistes de la société civile de faire leur travail sans menaces, violences ou pire. »
Depuis la fin du mois de janvier, Human Rights Watch a mené des entretiens avec plus d’une vingtaine d’activistes congolais et de journalistes nationaux et étrangers dans les villes de Goma, Kinshasa et Bujumbura, et a examiné des enregistrements audio d’appels téléphoniques, des captures d’écran de messages et des enregistrements vidéo et audio de discours prononcés par des responsables de l’AFC et du M23. Human Rights Watch a reçu des informations crédibles indiquant que plus de 200 activistes ont fait des demandes de protection depuis que le M23 a lancé son offensive sur Goma en janvier puis a pris la capitale provinciale du Sud-Kivu, Bukavu, en février.
Les autorités du M23 et de l’AFC ainsi que le gouvernement rwandais sont tenus de respecter le droit international humanitaire dans les zones qu’ils occupent. Ils devraient permettre aux activistes de la société civile et aux journalistes de travailler et de se déplacer librement, sauf pour des raisons impérieuses de sécurité, et faire rendre des comptes à leurs membres responsables d’abus.
Le 5 mars, Human Rights Watch a transmis par courrier électronique ses conclusions préliminaires aux autorités rwandaises pour solliciter une réponse, mais n’a reçu aucun retour au moment de la publication du présent rapport.
Après la prise de Goma par le M23 et les forces rwandaises le 27 janvier, l’AFC a remplacé la police et d’autres institutions gouvernementales nationales dans la ville. Depuis lors, des combattants du M23 ont battu et exécuté sommairement des personnes suspectées de soutenir les forces armées congolaises et leurs alliés, ainsi que des criminels présumés, et ont pillé des maisons.
Un habitant de Goma a raconté qu’un groupe de combattants du M23 est venu à son domicile le 29 janvier et l’a accusé d’avoir aidé leurs ennemis à tuer leurs « amis » sur la ligne de front. « Ils m’ont frappé le dos à coups de bâtons toute la journée », a-t-il expliqué. « Je ne peux plus marcher. Ils m’ont battu, m’ont agressé et ont pillé ma maison. »
Le 13 février, des combattants du M23 ont abattu le chanteur et activiste Delphin Katembo Vinywasiki, connu sous le nom de Delcat Idengo, à son domicile, apparemment dans une situation de non-combat. Le 20 février, le porte-parole de l’AFC, Lawrence Kanyuka, a accusé Delcat Idengo d’être membre du mouvement de jeunes Lutte pour le Changement (LUCHA), et a déclaré à Human Rights Watch que les combattants du M23 l’avaient tué parce qu’il portait des « insignes militaires ». Lors d’un autre incident, une source indépendante a rapporté que des combattants du M23 ont exécuté sommairement un activiste de la LUCHA ainsi que quatre autres hommes, après qu’ils ont effectué du travail forcé pour le groupe armé.
Le M23 a depuis longtemps recours à des menaces et à l’intimidation pour restreindre l’accès de la population à l’information et étouffer les voix critiques. Les journalistes ont déjà rencontré des difficultés pour rendre compte de la situation à Goma.
Le gouvernement rwandais a arrêté des civils congolais sans fondement juridique clair. En février, les autorités rwandaises ont arrêté un activiste congolais qui était entré au Rwanda avant de le remettre aux services de renseignement militaire du M23 à Goma, qui l’ont détenu pendant sept jours. Lawrence Kanyuka a confirmé que l’activiste avait été arrêté au Rwanda à la demande du M23, et détenu dans des installations des services de renseignement militaire parce qu’il « était opposé à notre régime » et avait « émis de nombreuses critiques à notre égard ». Plusieurs activistes congolais ont été placés en détention et menacés par des responsables de l’AFC et du M23.
Les forces armées congolaises et leurs groupes armés alliés sont également responsables de graves abus. Lors des combats dans l’est de la RD Congo en 2024, plusieurs groupes armés alliés à l’armée congolaise ont multiplié les attaques contre les défenseurs des droits humains. Des journalistes ont rapporté avoir subi des pressions de la part du M23 et des autorités nationales congolaises afin qu’ils ne publient que des articles positifs sur les opérations militaires.
Le gouvernement congolais a également menacé de prendre des mesures contre les journalistes qui couvrent le conflit dans le pays. Le 7 janvier, le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC) a annoncé que Radio France Internationale, France 24 et le programme Afrique de TV5Monde risquaient d’être suspendus pour avoir fait état des « prétendues avancées des terroristes ». Le ministre de la Justice, Constant Mutamba, a averti que toute personne, y compris les journalistes, qui relaie des informations sur le M23 et les forces rwandaises ferait face à de graves conséquences légales, allant éventuellement jusqu’à la peine de mort.
Les parties au conflit armé dans l’est de la RD Congo, y compris le Rwanda et le M23, ainsi que la RD Congo et ses groupes armés alliés, sont soumis au droit international humanitaire, ou droit de la guerre. Les textes de droit pertinents figurent dans les Conventions de Genève de 1949, notamment à l’article 3 commun, dans la Convention de La Haye de 1907, ainsi que dans le droit international coutumier. Le droit de l’occupation concernant la protection des civils s’applique aux zones, y compris Goma et Bukavu, que des forces rwandaises ou du M23 contrôlent. Alors que le droit de l’occupation permet aux forces d’occupation d’imposer des restrictions en matière de sécurité aux civils, il les oblige également, au fil du temps, à rétablir et à garantir l’ordre public et la vie civile pour la population occupée.
L’Union européenne, ses États membres et les autres gouvernements préoccupés par la situation devraient adopter d’urgence de nouvelles sanctions ciblées contre le M23 et les hauts fonctionnaires rwandais et congolais responsables d’abus graves.
Le 20 février, les États-Unis ont imposé des sanctions financières et matérielles au général James Kabarebe, ministre d’État et ancien commandant militaire du Rwanda, et à Lawrence Kanyuka, porte-parole de l’AFC. Les gouvernements devraient également faire pression sur le Rwanda pour s’assurer que les civils, y compris les journalistes et les activistes, bénéficient de la liberté de mouvement dans le territoire contrôlé par le M23, conformément au droit international humanitaire.
L’UE devrait également suspendre son accord sur les minerais avec le Rwanda à la lumière de l’implication des forces rwandaises dans des abus avec le M23, et revoir ses accords de coopération militaire et sécuritaire avec le Rwanda, y compris dans le cadre de la Facilité européenne pour la paix (FEP).
« En ces temps difficiles dans les villes contrôlées par le M23, la population locale a besoin d’accéder aux informations essentielles et à des actualités fiables », a conclu Clémentine de Montjoye. « Les gouvernements devraient faire pression sur le Rwanda pour s’assurer que le M23 permette aux journalistes et aux activistes de travailler sans restrictions inutiles qui exposent les civils à un risque accru. »
Pour plus de précisions, veuillez lire la suite.
Activistes et journalistes menacés à Goma
L’offensive militaire du M23 en 2024 a entraîné la fermeture de nombreuses stations de radio locales en raison d’attaques directes, de pillages, de prises de contrôle du M23 et de journalistes qui ont fui les combats. Reporters sans frontières a rapporté que plus de 25 stations de radio dans la province du Nord-Kivu ont cessé leurs activités en raison des combats et des pillages.
Depuis le début du mois de février, les nouvelles autorités administratives de l’AFC ont fait des déclarations menaçant la société civile, affirmant que l’AFC « fait le ménage » à Goma. De telles déclarations ont renforcé les craintes des journalistes et des activistes d’être pris pour cible.
Quelques jours après avoir pris la ville, les combattants du M23 ont commencé à harceler les journalistes, les activistes et les leaders de la société civile qu’ils considéraient comme une menace. Le 27 janvier, le colonel Erasto Bahati Musanga, un commandant du M23 qui a depuis été nommé gouverneur de Goma, a téléphoné à un activiste de la ville pour lui dire qu’ils le recherchaient parce qu’ils avaient suivi son travail dans le domaine des droits humains, portant sur les abus commis par le M23. « Après cela, je n’ai plus passé deux nuits au même endroit », a raconté l’activiste. Un autre activiste a expliqué à Human Rights Watch qu’Erasto Bahati Musanga l’avait également menacé de la sorte.
Les médias locaux ont rapporté que le 10 février, Ephraïm Kabasha, l’administrateur du territoire de Nyiragongo, juste au nord de Goma, a déclaré lors d’une réunion avec des chefs locaux que « la société civile et le CTJ [Conseil Territorial de la Jeunesse] sont les premiers semeurs de troubles et de conflits dans le territoire de Nyiragongo. Par conséquent, nous avons décidé de les écarter sous notre gouvernance. »
Human Rights Watch a examiné des captures d’écran de messages qu’Ephraïm Kabasha a envoyés pour menacer un activiste avant la prise de Goma. Après la prise de contrôle par le M23, Ephraïm Kabasha a téléphoné à au moins un autre activiste. « Il m’a gravement menacé et m’a dit : “Je sais où tu es, tu ne peux pas t’échapper” », a raconté l’activiste. « Depuis, je me cache. Je ne sais pas comment nous pouvons quitter Goma. Des inconnus se sont aussi rendus au domicile de ma famille. »
Au début du mois de mars, des combattants du M23 dans le Nord-Kivu ont détenu séparément deux leaders de la société civile, selon des informations crédibles. Les deux hommes avaient reçu des menaces du M23 en raison de leur travail sur le conflit. Ephraïm Kabasha aurait placé en détention Jacques Niyonzima, un leader de la société civile de Rutshuru, après son arrivée au bureau administratif du territoire de Nyiragongo. Le 4 mars, Ephraïm Kabasha a conduit l’homme dans un centre de détention militaire. Il a été libéré plus tard dans la journée après avoir été interrogé sur son travail sur les abus du M23. Jacques Niyonzima a été sévèrement battu et on lui a dit que d’autres seraient également arrêtés.
À la demande de Human Rights Watch de répondre aux allégations le visant, Ephraïm Kabasha a répondu que Human Rights Watch n'était pas la police judiciaire et devait cesser de lui poser des questions.
Le 3 mars, David Muisha, un leader de la société civile à Masisi, a été placé en détention à Goma et transféré vers un poste de police, selon des sources. Il a été libéré le 6 mars après avoir été battu et menacé en détention. Le 4 mars, à Goma, le M23 a placé en garde à vue Didace Jimmy Butsitsi Nchimiyimana, un activiste travaillant pour une organisation qui documente les crimes liés au M23 et à l’offensive militaire rwandaise dans l’est de la RD Congo. Des sources ont indiqué qu'il était détenu par le M23 à Goma dans un centre de détention militaire.
Le 2 février, le membre de l’AFC Jean-Louis Kulu Musubao, aujourd’hui maire de la commune de Kirumba, a prononcé un discours à la paroisse CBCA Virunga et a déclaré que le M23 « ne veut plus de la société civile, des mouvements citoyens et des groupes de pression, comme le mouvement de jeunesse LUCHA. Si vous y prenez part, vous aurez affaire à nous. »
Interrogé sur ces menaces privées et publiques, Lawrence Kanyuka, le porte-parole de l’AFC, a répondu à Human Rights Watch : « Il y a des règlements de comptes, des gens qui sont contre notre lutte, c’est tout à fait normal... Il y a des petits conflits auprès de la société civile qui travaille avec le gouvernement central… [mais] les mouvements citoyens c’est autre chose que la société civile. » Lawrence Kanyuka a également expliqué que des chefs de quartier locaux et des « points focaux » à Goma et Bukavu ont été emmenés à Bunagana, où le M23 possède une base, pour y recevoir une « formation idéologique ».
Plus d’une dizaine d’activistes et de journalistes ont raconté à Human Rights Watch qu’ils avaient été menacés par des combattants du M23 et qu’ils avaient peur pour leur sécurité. « Tous les activistes qui sont venus de Rutshuru [un territoire du Nord-Kivu] sont davantage en danger parce qu’ils sont connus de bon nombre des éléments du M23, en particulier ceux qui sont toujours à Goma », a expliqué un activiste qui est maintenant à Kinshasa. « Les menaces remontent à l’époque où les activistes ont fui Rutshuru, et maintenant que le M23 est à Goma, il demande à tous les activistes de rejoindre le mouvement et de remettre les copies de tous les rapports qu’ils ont établis contre le M23. » Un autre activiste de Rutshuru a fourni des captures d’écran et des enregistrements audio des menaces qu’il a reçues de la part de combattants et d’un commandant du M23 alors qu’il était à Goma, ce qui l’a incité à fuir avant que la ville ne soit prise.
Plusieurs activistes et journalistes ont rapporté que des combattants et des commandants du M23 étaient venus dans leurs maisons depuis que le M23 avait pris le contrôle de Goma. Un activiste a raconté que des hommes qu’il croyait être des membres du M23 sont venus à son domicile à deux reprises. Il a indiqué qu’un commandant du M23 lui avait également téléphoné et l’avait accusé de travailler pour le président congolais Félix Tshisekedi : « Il m’a dit que… si je me rends, il ne m’arrivera rien à part quelques jours de prison pour que j’accepte de devenir l’un des leurs, mais que si je refuse et que le M23 m’attrape, je pourrais mourir. » Un journaliste qui vit dans la clandestinité a raconté que quatre combattants du M23 sont venus chez lui en jeep au début du mois de février.
Deux journalistes qui ont fait des reportages à Bweremana, contrôlée par le M23, Jonas Kasula de Labeur Info et Jonathan Mupenda de Molière TV, ont déclaré avoir reçu des messages de menaces anonymes. Un message reçu le 9 janvier disait : « Vous étiez à Bweremana le 31 décembre et nous avions l’opportunité de vous assassiner. Sachez que nous surveillons tous vos mouvements. Lorsque nous arriverons à Goma, nous en finirons avec vous. »
Le 18 février, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a exprimé son inquiétude pour la sécurité des avocats et d’autres membres du personnel judiciaire, en particulier ceux qui poursuivaient des personnes pour des crimes graves et qui se sont, depuis, évadées de prisons à Goma et à Bukavu. Le 17 février, la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation des défenseurs des droits humains a exprimé son « extrême préoccupation » quant à la situation des défenseurs des droits humains dans l’est de la RD Congo.
Le 5 mars, la Rapporteuse spéciale a déclaré qu’elle avait reçu des « informations crédibles selon lesquelles des défenseurs des droits de l’homme sont détenus au secret, disparus de force et torturés à Rutshuru et Masisi, dans le Nord-Kivu, tandis qu’au moins six défenseurs des droits de l’homme sont portés disparus après avoir tenté de fuir Goma, suite à la prise de la ville par le M23 ».
L’article 3 commun aux Conventions de Genève exige des autorités qu’elles traitent les civils avec humanité en permanence et interdit les atteintes portées à leur vie et à leur personne, ainsi que les meurtres et les atteintes à la dignité des personnes. La quatrième Convention de Genève, qui traite des obligations légales qui incombent aux forces d’occupation, autorise la détention de civils uniquement pour d’« impérieuses raisons de sécurité ». Pour prévenir toute privation de liberté arbitraire, les autorités sont tenues d’informer la personne arrêtée des motifs de son arrestation ; de traduire rapidement devant une autorité indépendante la personne arrêtée pour une infraction pénale ; et de lui donner la possibilité de contester la légalité de sa détention.
Garantir la sécurité des activistes et des journalistes
Au cours des récents combats, des milliers de civils congolais ont cherché à atteindre des zones plus sûres, soit en RD Congo, soit de l’autre côté de la frontière, au Rwanda ou au Burundi. Le Rwanda n’a pas stoppé la plupart des civils qui tentaient d’entrer dans le pays. Depuis la prise de Goma par le M23 et les forces rwandaises le 27 janvier, la fermeture de l’aéroport de Goma et leur prise de Bukavu le 16 février, il n’y a pas de voies sûres pour quitter Goma vers d’autres régions de la RD Congo.
Des activistes inquiets pour leur sécurité dans les zones contrôlées par le M23 figurent parmi les personnes qui ont tenté de quitter Goma et Bukavu. Thomas D’Aquin Muiti Luanda, activiste et détracteur connu du gouvernement rwandais, et Clovis Munihire, coordinateur dans le Nord-Kivu d’un programme de désarmement dirigé par le gouvernement congolais avec qui Thomas D’Aquin Muiti Luanda a travaillé, ont été placés en détention à Gisenyi, au Rwanda, le 4 février après avoir traversé la frontière, a indiqué une source crédible à Human Rights Watch. Les autorités les ont détenus pendant plusieurs heures avant de les transférer au M23. Ils ont été libérés le 11 février sans avoir été informés des motifs de leur arrestation, ni avoir eu la possibilité de contester leur détention.
Interrogé sur leur détention, Lawrence Kanyuka, le porte-parole de l’AFC, a répondu : « Même quand on était à Rutshuru, Masisi, Kirumba, Kanyabayonga… ils étaient contre notre régime. Ils émettaient beaucoup de critiques à notre encontre. Nous sommes l’unique coq qui chante maintenant, nous n’avons pas le choix. » Il a expliqué que le renseignement militaire du M23 s’était occupé de leur cas.
Un autre activiste qui tentait de fuir au Burundi en passant par le Rwanda a été placé en garde à vue le 12 février à la frontière de la RD Congo par des responsables rwandais, qui l’ont accusé de voyager avec de faux documents de voyage, selon plusieurs sources. L’activiste est membre d’une organisation qui documente des abus commis par les forces rwandaises et le M23. Les sources ont indiqué que les documents de voyage de l’activiste étaient authentiques et ont exprimé des inquiétudes quant au fait qu’il était pris pour cible en raison de son travail.
Plusieurs activistes congolais qui ont fui vers Bujumbura, la plus grande ville du Burundi, ont déclaré à Human Rights Watch qu’ils étaient préoccupés par le risque de retour forcé. Depuis la prise de Bukavu par le M23, plus de 60 000 personnes ont fui au Burundi. Human Rights Watch a appris le 15 février que les autorités burundaises avaient placé en détention plusieurs activistes parmi des hommes et des garçons congolais, et avaient menacé de les renvoyer en RD Congo.
Le Rwanda et le Burundi, en tant que parties aux conventions de l’ONU et africaine relatives aux réfugiés, ont l’interdiction d’expulser ou de renvoyer des réfugiés vers des endroits où leur vie ou leur liberté seraient menacées, y compris en raison de leurs opinions politiques. Les gouvernements ont la responsabilité, en collaboration avec l’agence des Nations Unies pour les réfugiés, de fournir une protection physique efficace aux demandeurs d’asile et aux réfugiés sur leur territoire.
Exécutions sommaires commises par le M23
Le M23 a un long passé de graves violations des droits humains et du droit international humanitaire dans les zones qu’il contrôle, notamment des exécutions sommaires de civils et de combattants capturés. Depuis que le groupe a pris le contrôle de Goma à la fin du mois de janvier, les organisations nationales de la société civile, les médias et l’ONU ont fait état de meurtres commis par le M23. Les exécutions sommaires apparentes de deux détracteurs connus du M23 ont accru les craintes des activistes et des journalistes selon lesquelles les personnes jugées critiques à l’égard des autorités du M23 et de l’AFC pourraient être prises pour cible.
Pierre Katema Byamungu
Click to expand Image Pierre Katema Byamungu. © PrivéLe 12 février, dans le territoire de Kalehe, dans la province du Sud-Kivu, le M23 a forcé Pierre Katema Byamungu, membre du mouvement activiste de la LUCHA, et sept autres hommes, dont des membres d’un conseil local de la jeunesse, à effectuer du travail non rémunéré, a rapporté une source indépendante à Human Rights Watch.
Après avoir transporté des combattants du M23 blessés et morts depuis le village de Muhongoza, ils ont été conduits au village de Buziralo. Le M23 a accusé Pierre Katema Byamungu et les autres d’être des membres des Wazalendos, une coalition de groupes armés alliés à l’armée congolaise. La source a indiqué que les combattants du M23 ont ensuite exécuté Pierre Katema Byamungu et quatre autres hommes.
Le porte-parole de l’AFC, Lawrence Kanyuka, a déclaré à Human Rights Watch le 20 février que le M23 n’était pas responsable de ces meurtres.
Delphin Katembo Vinywasiki (Delcat Idengo)
Le 13 février, à Goma, des combattants du M23 ont abattu Delphin Katembo Vinywasiki, un chanteur et activiste connu sous le nom de Delcat Idengo.
Click to expand Image Delphin Katembo Vinywasiki (Delcat Idengo). © Ministère de la Culture, des Arts et du Patrimoine de la République démocratique du CongoLes témoignages audio et vidéo que Human Rights Watch a examinés indiquent que, lorsque des jeeps sont arrivées chez Delcat Idengo, ce dernier a tenté de s’enfuir et des hommes armés l’ont abattu. Des vidéos et des photographies prises après le meurtre montrent de multiples blessures sur le corps de Delcat Idengo, plus précisément à la tête, aux bras et à la main droite. Des experts médico-légaux indépendants ont conclu que Delcat Idengo semble s’être protégé la tête avec ses bras lorsqu’on lui a tiré dessus.
Lawrence Kanyuka a confirmé que des combattants du M23 ont tué Delcat Idengo et l’a accusé d’être un membre de la LUCHA. « On a interdit à la population de porter des insignes militaires », a déclaré Lawrence Kanyuka. « On l’a trouvé chez lui avec des insignes militaires lors d’une opération de ratissage. »
Les informations concernant les vêtements que Delcat Idengo portait lorsqu’il a été tué sont contradictoires. Les médias ont rapporté que Delcat Idengo tournait un clip de musique lorsqu’il a été abattu. Certaines photos prises après le meurtre et diffusées sur les réseaux sociaux le montrent en pantalon de camouflage de style militaire ; d’autres le montrent portant un pantalon blanc avec un drapeau congolais brodé. Cela suggère que quelqu’un a changé le pantalon de Delcat Idengo après qu’il a été tué. Aucune arme n’est visible sur les photographies.
Un membre de la LUCHA a indiqué que Delcat Idengo était actif dans le mouvement entre 2018 et 2020 à Beni. En 2021, Delcat Idengo a été poursuivi, mais finalement acquitté pour avoir insulté le président Félix Tshisekedi et propagé de « fausses rumeurs » dans des chansons accusant Félix Tshisekedi de ne pas tenir ses promesses. Dans d’autres chansons, Delcat Idengo a également critiqué le M23 et d’autres groupes armés. Il attendait son procès après avoir été emprisonné en 2024 pour avoir prétendument incité à un soulèvement armé afin de forcer les Casques bleus de l’ONU à quitter le pays. Selon des informations relayées par les médias, il s’était échappé de la prison de Goma lors de l’offensive du M23 sur la ville. Le 12 février, la veille de son meurtre, il a sorti une chanson critiquant « l’occupation tutsie » et le M23.
Restrictions des médias dans l’est de la RD Congo
Restrictions imposées par le Rwanda et le M23
Conformément au droit international humanitaire, les journalistes qui réalisent des reportages dans des zones de conflit armé doivent être protégés et respectés. Cependant, les puissances occupantes peuvent prendre des mesures pour garantir la sécurité de leurs forces, à condition que ces mesures soient proportionnées et légales.
Plusieurs journalistes ont déclaré que Lawrence Kanyuka, le porte-parole de l’AFC, demandait aux journalistes étrangers de présenter une accréditation de presse rwandaise pour être autorisés à franchir la frontière pour rejoindre Goma. L’aéroport de Goma étant fermé, toutes les personnes se rendant à Goma doivent passer par le Rwanda. Lawrence Kanyuka a indiqué à Human Rights Watch que les journalistes pouvaient accéder aux zones contrôlées par le M23 avec une accréditation de presse rwandaise ou ougandaise.
Des témoins ont expliqué avoir vu des hauts responsables rwandais, y compris des membres du Service du Porte-Parole du Gouvernement rwandais, et Vincent Karega, ambassadeur itinérant du Rwanda pour la région des Grands Lacs, à Gisenyi, au Rwanda, organiser des transferts de journalistes à Goma. La décision du Rwanda de traiter les accréditations de presse pour les zones contrôlées par le M23 est révélatrice de la proximité du pays avec le groupe armé.
Des sources ont déclaré que Lawrence Kanyuka avait demandé à certains journalistes de remplir un formulaire détaillé, examiné par Human Rights Watch, recueillant notamment des informations sur le sujet et la nature de leurs reportages et les lieux où ils souhaitaient travailler. Lawrence Kanyuka a indiqué à Human Rights Watch que les sommes versées pour l’accréditation ne dépassaient pas 500 dollars US. Cependant, des sources ont affirmé que Lawrence Kanyuka avait exigé des paiements pour l’accréditation allant de 600 à 1 000 dollars, ce que Lawrence Kanyuka a confirmé.
Restrictions des médias et de la liberté d’expression par le gouvernement congolais
Le gouvernement congolais a souvent restreint les médias et le droit à la liberté d’expression dans l’est de la RD Congo pour des motifs politiques apparents.
Au cours de l’offensive du M23 sur Goma à la fin du mois de janvier 2025, les autorités congolaises ont coupé Internet et, en février, ont bloqué l’accès à des réseaux sociaux tels que TikTok et X.
Bien avant les récents combats, les autorités congolaises ont ciblé des détracteurs présumés du gouvernement, procédant à des arrestations, des détentions et des poursuites motivées par des considérations politiques. En mai 2021, le gouvernement a instauré l'état de siège dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, ce qui a facilité les restrictions de la couverture médiatique indépendante du conflit, notamment les restrictions imposées par l’organe gouvernemental de régulation des médias, le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC).
En février 2024, le CSAC a publié une directive appelant les médias à ne pas diffuser de débats sur les opérations de l’armée congolaise sans la présence d’au moins un « expert en la matière ». Il a également indiqué aux journalistes d’éviter les émissions à téléphone ouvert portant sur le conflit et de s’abstenir d'interviewer les « forces négatives ».
En avril, le CSAC a recommandé aux médias de ne plus « diffuser les informations en rapport avec la rébellion dans l’est de la RDC sans se référer aux sources officielles [gouvernementales] ».
En juillet, le CSAC a suspendu le journaliste Jessy Kabasele à la suite d’une interview radiophonique avec Koffi Olomide, un chanteur, au cours de laquelle ce dernier a critiqué la réponse de l’armée au M23. Le régulateur des médias a indiqué que Jessy Kabasele n’avait pas recadré correctement les propos de Koffi Olomide, qui « sape[nt] les énormes efforts et sacrifices consentis par le Gouvernement de la République ».
En juillet, des hommes non identifiés ont enlevé l’activiste Fortifi Lushima après qu’il a critiqué à la télévision la réponse du gouvernement au conflit. Il a été libéré quelques jours plus tard.