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Humans Right Watch enquête sur les violations des droits humains commises à travers le monde

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24.04.2025 à 19:24

États-Unis : Les 100 premiers jours de Trump, une série d’attaques contre les droits

Human Rights Watch
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Click to expand Image Un manifestant tenait une pancarte avec le message « Bring Kilmar Home » (« Ramenez Kilmar chez lui ») lors d’un rassemblement près de la Maison-Blanche à Washington, le 19 avril 2025. La pancarte faisait allusion à l’expulsion illégale de Kilmar Abrego Garcia vers le Salvador, en mars 2025. D’autres personnes tenaient d’autres pancartes protestant contre les politiques de l’administration Trump. © 2025 Richard Pierrin/AFP via Getty Images

(Washington, le 24 avril 2025) – Les 100 premiers jours de la deuxième administration Trump ont été une avalanche incessante d’actions qui violent, menacent ou affaiblissent les droits humains des personnes aux États-Unis et à l’étranger, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Pour illustrer l'ampleur et la profondeur des dégâts causés depuis l'entrée en fonction de Donald Trump le 20 janvier 2025, Human Rights Watch a publié une liste de 100 actions néfastes (dossier spécial – liste) sous son administration, au cours de ces 100 jours.

« En 100 jours seulement, l’administration Trump a infligé d’énormes dégâts aux droits humains aux États-Unis et ailleurs dans le monde », a déclaré Tanya Greene, directrice du programme États-Unis à Human Rights Watch. « Nous sommes profondément préoccupés par le fait que ces attaques contre les libertés fondamentales se poursuivent sans relâche. »

Parmi les préjudices causés par les 100 premiers jours de l'administration Trump, et recensés par Human Rights Watch, figurent des attaques contre la liberté d'expression ; les droits des demandeurs d'asile et des immigrants ; la santé, l'environnement et la protection sociale ; l'éducation ; l'aide étrangère et l'assistance humanitaire ; et l'état de droit.

100 atteintes aux droits humains en 100 jours

L'assaut de l'administration Trump contre les droits aux États-Unis et à l'étranger

Dossier spécial (en anglais, traduction FR à suivre)

Depuis le 20 janvier, l’administration Trump a transféré illégalement dans son pays d'origine Kilmar Abrego Garcia, un ressortissant salvadorien, expulsé d'autres immigrants vers le Salvador dans des circonstances qui équivalent à une disparition forcée, et a renvoyé des demandeurs d'asile de diverses nationalités vers le Panama et au Costa Rica en violation du droit international. L’administration Trump a également attaqué les droits à la liberté d’expression et de réunion, notamment en détenant arbitrairement et en cherchant à expulser des personnes non citoyennes, en raison de leur activisme lié à la Palestine.

Ces politiques néfastes se répercutent à l’échelle mondiale, car l’administration Trump a réduit le soutien aux droits humains au-delà des frontières des États-Unis. L’administration a mis brutalement fin aux programmes d'aide étrangère des États-Unis, mettant en danger la vie de nombreuses personnes qui en bénéficiaient. L’administration a supprimé une aide vitale à des centaines de milliers de personnes dans les zones de conflit et a abandonné ses efforts de longue date pour soutenir les défenseurs des droits humains, les journalistes indépendants et les groupes d’enquête, notamment ceux qui documentent les atrocités en cours.

Human Rights Watch répertorie également les efforts déployés par l'administration pour faciliter des pratiques racistes. L'administration Trump exerce de nouvelles pressions entravant le travail important visant à garantir que les citoyens aient accès à la vérité sur l'histoire des États-Unis, et elle a mené de nouvelles attaques virulentes contre les programmes de diversité, d'équité et d'inclusion (DEI), qui sont des outils importants pour promouvoir l'égalité de traitement, inscrits dans la législation relative aux droits humains et le 14e amendement de la Constitution des États-Unis.

De nombreuses mesures prises par l'administration Trump sont actuellement contestées devant des tribunaux. Des citoyens, tant aux États-Unis qu’à l'étranger, expriment également leur opposition à ces mesures.

« Les manifestations à travers le pays soulignent l’importance cruciale des libertés et droits fondamentaux », a conclu Tanya Greene. « Aux États-Unis et à l’étranger, les citoyens devront s’appuyer sur ces mêmes libertés fondamentales qui sont menacées pour démontrer leur résistance et leur résilience. »

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24.04.2025 à 06:00

États-Unis/Panama : Expulsion massive de ressortissants de pays tiers

Human Rights Watch
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Un homme et une femme qui souhaitaient demander l’asile aux États-Unis s’étreignaient à Panama City, au Panama, le 8 mars 2025. En février 2025, ils avaient été expulsés des États-Unis vers le Panama avec de nombreuses autres personnes, puis transférés vers un centre de rétention de migrants dans la région de Darién au Panama. Début mars, les autorités panaméennes leur ont accordé un « permis de séjour humanitaire » provisoire, pour une durée de 30 jours. © 2025 AP Photo/Matias Delacroix Les États-Unis ont procédé à des expulsions massives de 299 ressortissants de pays tiers vers le Panama, les soumettant à des conditions de détention difficiles et à des mauvais traitements, tout en les privant de toute procédure régulière et du droit de demander l'asile.Nombre de ces personnes avaient fui des persécutions en raison de leur origine ethnique, de leur religion, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leurs liens familiaux et de leurs opinions politiques.Les États-Unis devraient traiter les demandes d'asile des personnes arrivant à la frontière américaine et reprendre en charge les personnes expulsées à tort. Le Panama devrait garantir que les personnes présentes sur son territoire puissent accéder à des procédures d'asile complètes et équitables et cesser d'accepter les ressortissants de pays tiers expulsés des États-Unis.

(Washington) – Les États-Unis ont procédé à des expulsions massives de ressortissants de pays tiers vers le Panama entre le 12 et le 15 février 2025, les privant du droit de demander l'asile selon une procédure régulière, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui. Les États-Unis et le Panama ont détenu ces personnes dans des conditions difficile, et sans possibilité de communication externe.

24 avril 2025 “Nobody Cared, Nobody Listened”

Le rapport de 40 pages, intitulé « ‘Nobody Cared, Nobody Listened:’ The US Expulsion of Third-Country Nationals to Panama » (« “Personne ne s'en souciait, personne n'écoutait” : Expulsion par les États-Unis de ressortissants de pays tiers vers le Panama »), documente ces expulsions massives. Human Rights Watch décrit les conditions de détention difficiles et les mauvais traitements subis par les migrants aux États-Unis, ainsi que le déni de procédure régulière et du droit de demander l'asile. Le rapport détaille également la détention au secret des migrants au Panama, où dans un premier temps, les autorités ont confisqué leurs téléphones, bloqué les visites et les ont isolés du monde extérieur.

« Les États-Unis ont envoyé des personnes enchaînées vers un pays tiers sans leur donner la chance de demander l'asile », a déclaré Bill Frelick, directeur de la division Droits des réfugiés et des migrants à Human Rights Watch. « Les États-Unis et le Panama ont le devoir de garantir des procédures d'asile équitables : nul ne devrait être renvoyé de force vers un lieu dangereux sans une évaluation complète et équitable de sa demande d'asile. »

Human Rights Watch a pu mener des entretiens privés avec 48 des 299 ressortissants de pays tiers (c’est-à-dire des personnes qui ne sont citoyennes ni des États-Unis ni du Panama), expulsées des États-Unis vers le Panama. Ces 48 personnes – 15 hommes, 32 femmes et un enfant – sont originaires de divers pays : l’Afghanistan, l'Angola, le Cameroun, la Chine, l'Érythrée, l'Éthiopie, l'Iran, le Népal, l’Ouzbékistan, le Pakistan, la Russie, la Somalie et le Sri Lanka.

Les personnes expulsées vers le Panama avaient toutes traversé la frontière américaine depuis le Mexique après l'investiture du président Donald Trump, le 20 janvier 2025. Nombre d'entre elles avaient fui des persécutions liées à leur origine ethnique, leur religion, leur genre, leur orientation sexuelle, leurs liens familiaux et leurs opinions politiques.

Le jour de son investiture, le président Trump a évoqué une « invasion » à la frontière américano-mexicaine et a interdit aux personnes en situation irrégulière de demander l'asile ; la législation américaine accorde pourtant aux personnes se trouvant à la frontière ou sur le territoire des États-Unis, quel que soit leur statut, le droit de demander l'asile, a rappelé Human Rights Watch.

Une Iranienne de 27 ans a fui son pays après s'être convertie au christianisme, craignant d'être arrêtée et persécutée par les autorités. Les convertis exposés à de graves violations des droits humains en Iran, et peuvent même y être condamnés à mort. Elle a confié à Human Rights Watch avoir demandé l'asile à plusieurs reprises une fois arrivée aux États-Unis : « Je ne comprenais pas pourquoi ils ne m'écoutaient pas. Puis un agent de l'immigration m'a dit que le président Trump avait mis fin à l'asile et qu'ils allaient donc nous expulser. »

Toutes les personnes interrogées par Human Rights Watch avaient l'intention de demander l'asile aux États-Unis, et nombre d'entre elles avaient déployé de grands efforts pour faire part aux autorités américaines de leur souhait de demander l'asile et de leur crainte d'être renvoyées dans leur pays d'origine. Cependant, aucune d'entre elles n'a été interrogée sur les raisons de leur départ, ni interrogée sur leur crainte réelle de retourner dans leur pays d'origine.

« Je ne suis peut-être pas une immigrante légale, mais les États-Unis ont un système juridique ; pourtant je ne l'ai pas vu », a déclaré une femme ayant fui la Chine. « Personne ne m'a rien dit. Ils ne m'ont pas laissée parler. » Elle a expliqué avoir fui la Chine parce qu'elle ressentait « la peur et la souffrance », en raison du « contrôle gouvernemental sur tous les aspects de la vie ».

Le gouvernement américain a détenu ces personnes dans de dures conditions. Elles étaient souvent enfermées dans des pièces très froides, empêchées de contacter leur famille et leurs avocats ; les agents leur mentaient ou ne leur disaient pas ce qui leur arrivait, notamment lorsqu'elles étaient menottées et enchaînées, et emmenées de force dans des avions militaires à destination du Panama.

Une Afghane de 21 ans ayant fui un mariage forcé était détenue depuis dix jours aux États-Unis lorsqu'un matin, des policiers sont arrivés, ont lu à voix haute les noms de plusieurs personnes et les ont fait s'aligner. « Quand ils m'ont appelée ce matin-là, j'étais tellement heureuse, car je pensais qu'ils allaient nous libérer », a-t-elle déclaré. Mais à l’inverse, ces personnes ont été embarquées dans des avions militaires américains. Elles ignoraient où elles étaient transportées. Elles ne se sont rendu compte qu'elles étaient au Panama qu'après l'atterrissage.

Au Panama, les autorités ont placé ces personnes en détention sans possibilité de communication externe, d'abord dans un hôtel du centre-ville de Panama, puis dans un « centre d'accueil » des services d’immigration dans la province de Darién, à la frontière avec la Colombie. Les autorités ont confisqué leurs téléphones, les ont empêchées de recevoir des visites et ont déployé d'autres efforts pour les empêcher de contacter le monde extérieur.

Ces personnes ont été libérées début mars, lorsque les autorités panaméennes leur ont délivré des « permis [de séjour] humanitaires » d’une durée initiale de 30 jours, renouvelables jusqu'à 90 jours. Les autorités panaméennes leur ont conseillé de profiter de ce délai pour quitter le pays, soit en retournant dans leur pays d'origine, soit en se rendant dans un autre pays. En avril, les autorités panaméennes ont prolongé ces permis d’une durée de 60 jours supplémentaires.


Sur les 299 personnes expulsées, 180 ont ensuite été renvoyées dans leur pays d'origine dans le cadre du programme « retour volontaire avec assistance » (« assisted voluntary return ») de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). Cependant, leurs conditions de détention et les options limitées qui leur ont été offertes laissent planer de sérieux doutes sur l’aspect « volontaire » de ces retours.

Un homme gay russe âgé de 28 ans, qui a fui les persécutions liées à son orientation sexuelle, a déclaré s'être entretenu à plusieurs reprises avec des responsables de l'OIM. « Je leur ai dit que je serais certainement arrêté si je revenais… Mais l'OIM s'est contentée de me dire : “Vous n'avez pas d'autre choix que de rentrer dans votre pays…” Ils ont continué à ignorer ce que je leur disais. »

Les États-Unis devraient cesser d'expulser ou de transférer des personnes étrangères vers des pays tiers. Ils devraient autoriser les personnes expulsées illégalement à revenir aux Etats-Unis et à demander l'asile, conformément aux obligations internationales du pays. De manière encore plus importante, les États-Unis devraient cesser de violer le principe de non-refoulement – ​​c'est-à-dire ne pas renvoyer des personnes vers un pays où elles risquent d'être exposées à des dangers – en traitant les demandes d'asile à leurs propres frontières, plutôt que de déléguer cette responsabilité à des pays dont la capacité d'évaluer les demandes ou d'offrir une protection est limitée.

Le Panama devrait cesser d'accepter que les États-Unis y transfèrent des ressortissants de pays tiers. Si de tels transferts reprennent, ils ne devraient avoir lieu que dans le cadre d'un accord formel garantissant le strict respect des garanties procédurales et du droit international, notamment l'accès à des procédures d'asile complètes et équitables et le respect du principe de non-refoulement. Le Panama devrait garantir que les personnes déjà arrivées puissent accéder à des procédures d'asile complètes et équitables.

« Malgré l’irrégularité de l'expulsion de ces demandeurs d'asile par les États-Unis, et quelles que soient les futures mesures qui pourraient être prises pour remédier aux mauvais traitements qu'ils ont déjà subis aux mains du gouvernement américain, le Panama a actuellement la responsabilité de protéger ces personnes », a conclu Bill Frelick. « Le premier pas devrait être un examen exhaustif et équitable de leurs demandes d'asile. »

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23.04.2025 à 06:00

Liban : Attaques israéliennes indiscriminées contre des civils

Human Rights Watch
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Click to expand Image Des décombres et des véhicules partiellement détruits étaient visibles sur le site d’une frappe aérienne israélienne menée le 25 septembre 2024 à Younine (district de Baalbek), dans l’est du Liban. © 2024 Human Rights Watch Deux frappes israéliennes illégales menées en septembre et en novembre 2024 à Younine, dans le nord-est du Liban, ont manifestement constitué des attaques indiscriminées contre des civils.Un nombre croissant de preuves montrent que les forces israéliennes ont systématiquement failli à leur devoir de protéger les civils ou de distinguer de manière adéquate les civils et les cibles militaires, lors de leurs frappes menées au Liban en 2023 et 2024.Le gouvernement libanais devrait ouvrir la voie à la justice pour les familles endeuillées, notamment en conférant à la Cour pénale internationale la compétence pour enquêter sur ces crimes et engager des poursuites. Tous les pays, notamment les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada et l'Allemagne, devraient suspendre leur assistance militaire et leurs ventes d'armes à Israël.

(Beyrouth) – Deux frappes illégales menées par Israël en septembre et en novembre 2024 à Younine, dans le nord-est du Liban, ont tué 33 civils dont 15 enfants, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui ; ces deux frappes ont manifestement constitué des attaques indiscriminées contre des civils.

Au moins une de ces deux attaques a été menée avec une bombe larguée par voie aérienne et équipée d'un kit de guidage GPS (Joint Direct Attack Munition, JDAM) fabriqué aux États-Unis. Les deux attaques devraient faire l'objet d'enquêtes en tant que crimes de guerre.

« Un nombre croissant de preuves montrent que les forces israéliennes ont systématiquement manqué à leur obligation de protéger les civils lors de leurs frappes menées au Liban en 2023 et 2024, ou de faire une distinction adéquate entre les cibles militaires d’une part, et les civils d’autre part », a déclaré Ramzi Kaiss, chercheur sur le Liban à Human Rights Watch. « Le gouvernement libanais devrait fournir aux familles endeuillées une voie vers la justice, notamment en conférant à la Cour pénale internationale la compétence d'enquêter et de poursuivre les auteurs de ces crimes. »

En mai 2024, le précédent gouvernement libanais est revenu sur une décision prise un mois plus tôt, qui conférait à la Cour pénale internationale (CPI) la compétence d'enquêter et de poursuivre les crimes graves commis sur le territoire libanais depuis le 7 octobre 2023. Le nouveau gouvernement libanais devrait d’urgence reconnaitre a nouveau cette compétence de la CPI, afin de conférer à son Procureur le mandat d'enquêter sur les crimes internationaux graves commis sur le territoire libanais.

Le 25 septembre 2024, une attaque a tué une famille de 23 personnes, toutes syriennes, dont 13 enfants, à Younine. Le 1er novembre, une frappe contre une maison à deux étages y a tué 10 personnes : cinq femmes, trois hommes et deux enfants, dont un jeune enfant âgé d'un an. Human Rights Watch n'a trouvé aucune preuve d'activité militaire, ni de cibles militaires, sur ces deux sites.

Human Rights Watch a également enquêté sur une troisième frappe à Younine, survenue le 21 novembre, qui a coûté la vie à une famille de quatre adultes. Les chercheurs ont vu plusieurs affiches du Hezbollah à Younine et en ligne, qui qualifiaient l'une des victimes masculines de « martyr », sans pouvoir vérifier qui avait conçu ces affiches ; un examen des photos de la tombe de cet homme indique qu'il pourrait s'agir d'un combattant du Hezbollah.

Entre novembre 2024 et février 2025, les chercheurs de Human Rights Watch se sont rendus sur les lieux des deux frappes à Younine, près de Baalbeck, dans l'est du Liban. Ils ont également visité le cimetière de Younine afin d’y examiner les lieux de sépulture des habitants du village tués lors des attaques israéliennes, notamment des combattants et des civils. Human Rights Watch a également examiné des photos et des vidéos partagées sur les réseaux sociaux au lendemain des frappes.

Human Rights Watch a mené des entretiens avec dix personnes ; certains entretiens ont été menés en personne sur les sites des deux frappes à Younine, et d'autres entretiens etaient téléphoniques. Des fragments d'armes découverts sur les sites des frappes du 25 septembre et du 21 novembre, et examinés par les chercheurs en armement de Human Rights Watch, indiquent que l'armée israélienne a utilisé une bombe polyvalente larguée par voie aérienne de la série MK-80, équipée d'un kit JDAM de fabrication américaine, le 25 septembre. Des restes d'armes découverts sur le site de la frappe du 1er novembre indiquent également l'utilisation d'une bombe polyvalente de la série MK-80.

L'armée israélienne n'a pas averti les civils en leur transmettant un ordre d’évacuation avant les deux frappes, ont déclaré des habitants de Younine à Human Rights Watch. Human Rights Watch a vérifié cette affirmation en examinant les publications sur les réseaux sociaux du porte-parole en langue arabe de l'armée israélienne, ainsi que les chaînes Telegram en langue arabe de cette armée, qui diffusent généralement de tels avertissements appelant à l’évacuation d’un site.

Le 24 mars, Human Rights Watch a envoyé à l'armée israélienne une lettre résumant ses constatations et comprenant plusieurs questions, mais n'a reçu aucune réponse.

En vertu du droit international humanitaire, toutes les parties à un conflit sont tenues, en tout temps, de faire la distinction entre combattants et civils et de ne diriger leurs attaques que contre les combattants ou d'autres objectifs militaires. Les individus qui commettent de graves violations des lois de la guerre avec une intention criminelle – c'est-à-dire intentionnellement ou par imprudence – peuvent être poursuivis pour crimes de guerre. Ils peuvent également être tenus pénalement responsables d'avoir aidé, facilité, aidé ou encouragé un crime de guerre. Tous les gouvernements participant à un conflit armé sont tenus d'enquêter sur les crimes de guerre présumés commis par des membres de leurs forces armées.

Lorsqu'elles mènent une attaque, les parties belligérantes doivent prendre toutes les précautions possibles pour minimiser les dommages causés aux civils et aux biens civils. Cela inclut la prise de toutes les mesures nécessaires pour vérifier que les cibles sont des objectifs militaires.

Entre octobre 2023 et décembre 2024, les attaques israéliennes au Liban ont tué plus de 4 000 personnes et déplacé plus d'un million de personnes. Depuis l'entrée en vigueur de l'accord de cessez-le-feu du 27 novembre entre Israël et le Hezbollah, les attaques israéliennes auraient tué au moins 146 personnes au Liban, dont au moins 26 personnes qui tentaient de regagner des villes et villages où les forces israéliennes ne s'étaient pas encore retirées. Au 20 mars, près de 100 000 personnes étaient déplacées dans le pays en raison du récent conflit, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).

Le Liban et les autres États membres des Nations Unies devraient ouvrir une enquête internationale sur toutes les violations des droits humains commises par toutes les parties impliquées dans le conflit au Liban. Une telle enquête devrait viser à documenter les crimes en cours, recueillir des preuves et rendre publics ses conclusions. Le gouvernement libanais devrait également renforcer sa coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH) et les enquêtes en cours sur les attaques israéliennes au Liban, afin de garantir une documentation précise au sujet des attaques illégales, notamment des crimes de guerre commis entre octobre 2023 et décembre 2024.

En fournissant à Israël des armes qui ont été utilisées à plusieurs reprises pour commettre des crimes de guerre apparents, les États-Unis se sont rendus complices de leur utilisation illégale. Human Rights Watch a précédemment documenté l'utilisation illicite d'armes américaines lors de deux attaques illégales menées au Liban par Israël : l’une menée contre des secouristes en mars 2024, et l’autre menée de manière apparemment délibérée contre des journalistes en octobre 2024.

Fournir une assistance militaire à Israël viole la législation américaine, qui interdit les transferts d'armes vers « tout pays dont le gouvernement commet de façon récurrente de graves violations des droits humains internationalement reconnus ». Tous les États, y compris les principaux alliés d'Israël tels que les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada et l'Allemagne, devraient suspendre leur assistance militaire et leurs ventes d'armes à Israël.

Le parlement libanais devrait également ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, a ajouté Human Rights Watch.

« Les pays qui continuent de fournir des armes à Israël, notamment les États-Unis, doivent prendre conscience que leur soutien militaire continu, malgré de nombreuses preuves d'attaques illégales, les rend complices du meurtre illégal de civils », a conclu Ramzi Kaiss. « Les victimes ont droit à la justice et à des réparations, et les auteurs de ces violations devraient être tenus de rendre des comptes. »

Frappe aérienne israélienne du 25 septembre 2024

Le 25 septembre 2024, peu après 22 heures, une frappe aérienne israélienne a touché un immeuble résidentiel le long de la route principale reliant Baalbek et Qaa, près d’un carrefour menant au centre de la ville de Younine, tuant 22 membres d'une famille syrienne, dont 13 enfants. Un autre membre de la famille est décédé huit jours plus tard dans un hôpital de Damas des suites de ses blessures. Sept personnes ont survécu à l'attaque, dont trois Libanais ; six d’entre elles souffraient de blessures diverses.

Click to expand Image Un tas de décombres sur le site d’une frappe aérienne israélienne menée le 25 septembre 2024, qui a touché un immeuble résidentiel situé le long de la route principale reliant Baalbek et Qaa, près d’un carrefour menant au centre-ville de Younine, dans l’est du Liban. © 2024 Human Rights Watch

Lors d'une visite sur le site le 2 décembre, les chercheurs ont pu examiner les restes d'une bombe équipée d'un kit de guidage JDAM fabriqué aux États-Unis, retrouvés parmi les décombres.

L'armée israélienne n'a pas commenté directement la frappe, mais a indiqué sur X et Telegram le lendemain matin que ses forces avaient frappé environ 75 cibles du Hezbollah dans la région de la Bekaa et dans le sud du Liban pendant la nuit, notamment « des installations de stockage d'armes, des lanceurs prêts à tirer, des terroristes et des infrastructures terroristes ».

Le maire de Younine, Ali Kassas, a déclaré que deux autres frappes aériennes avaient ciblé la ville plus tôt dans la journée. Human Rights Watch n'a trouvé aucune preuve de la présence d'une cible militaire dans la zone de la frappe du 25 septembre ; toutes les personnes interrogées ont insisté sur l'absence de combattants et de matériel militaire dans le bâtiment, et au-delà, dans le quartier.

« Nous essayons encore de comprendre cette frappe, d'en trouver la raison », a déclaré le maire, Ali Kassas. « Nous ne comprenons toujours pas pourquoi ils ont ciblé un bâtiment rempli de Syriens. Ils ne sont même pas libanais. Toute la [zone du] carrefour est principalement habitée par des Syriens, de nombreux […] camps se trouvent aux alentours et la plupart des bâtiments sont loués à des Syriens. »

Frappe aérienne israélienne du 1er novembre 2024

Le 1er novembre 2024 vers 14 heures, une frappe israélienne contre le quartier d'al-Salah à Younine a détruit un immeuble de deux étages.

Click to expand Image Des décombres et des parties de vêtements étaient visibles sur le site d’une frappe israélienne qui a détruit un petit immeuble de deux étages le 1er novembre 2024, dans le quartier d'al-Salah à Younine, dans l’est du Liban. © 2024 Human Rights Watch

Des chercheurs de Human Rights Watch se sont rendus sur place le 2 décembre 2024 et le 12 février 2025, et ont mené un entretien avec Ali Salah, qui a perdu dix membres de sa famille lors de la frappe. Ali Salah vivait dans le même quartier et se trouvait à proximité au moment de l'attaque. Le 12 février, Human Rights Watch a également recueilli le témoignage d’un autre voisin et proche de la famille Salah qui vivait dans le même quartier ; le 21 mars, Human Rights Watch a mené un entretien téléphonique avec le maire de Younine au sujet de la frappe.

Ali Salah a fourni les noms des 10 membres de sa famille qui ont été victimes de la frappe israélienne : ses deux sœurs, Wadha, née en 1959, et Fairouz, née en 1975 ; ses deux beaux-frères, Haidar Mahdi Salah (peintre et propriétaire d'un supermarché) et Mohammad Mahdi Salah (chauffeur de taxi) ; ses deux nièces, Elissar, 27 ans, et Zeina, 17 ans ; son neveu Ali Haidar Salah, 30 ans ; la femme d’Ali, Nour Boudaq ; leur fils Haidar, âgé d'un an, et la belle-mère d’Ali, Um Bachir Boudaq.

L'armée israélienne n'a pas commenté directement cette frappe. Cependant, un message publié sur le compte Telegram des forces armées israéliennes le 2 novembre, au lendemain de la frappe, indiquait ceci : « Au cours de la dernière journée, [l'armée de l'air israélienne] a frappé plus de 120 cibles terroristes appartenant au Hamas et au Hezbollah. Parmi celles-ci figuraient des sites de lancement de missiles antichars, des terroristes, des infrastructures terroristes, des installations de stockage d'armes et des centres de commandement au Liban. »

Human Rights Watch a mené des recherches « source ouverte » sur la frappe, notamment sur les noms des personnes tuées, afin de déterminer s'il s'agissait de combattants. Les chercheurs n'ont trouvé aucun élément indiquant la présence de combattants ou d'un objectif militaire sur le site de la frappe. Toutes les personnes interrogées ont déclaré qu'aucun avertissement ni ordre d'évacuation n'avait été donné aux habitants avant la frappe.

Informations plus détaillées sur les deux frappes : en ligne en anglais.

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22.04.2025 à 17:00

Tunisie : Des peines sévères dans le simulacre de procès de « l’affaire de complot »

Human Rights Watch
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Click to expand Image Dix personnes jugées et condamnées à l’issue du procès de « l’affaire du complot » le 19 avril 2025 à Tunis, en Tunisie. De nombreuses autres personnes ont aussi été condamnées par le Tribunal de première instance. EN HAUT (de gauche à droite) : Noureddine Bhiri, Khayam Turki, Abdelhamid Jelassi, Ghazi Chaouachi et Lazhar Akremi. EN BAS (de gauche à droite) : Ridha Belhaj, Issam Chebbi, Chaima Issa, Jaouhar Ben Mbarek et Said Ferjani.  © Privé

(Beyrouth) – Le 19 avril 2025, un tribunal tunisien a condamné 37 prévenus à des peines de 4 à 66 ans d’emprisonnement dans le cadre d’une affaire de « complot » aux motifs politiques, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Le tribunal de première instance de Tunis a prononcé ces peines après seulement trois audiences dans ce procès de masse, sans permettre aux accusés de réellement présenter leur défense et ni leur accorder les autres garanties d’une procédure régulière.

Le 2 mai 2024, un procureur de Tunis a affirmé que des avocats, des opposants politiques, des activistes, des chercheurs et des hommes d’affaires complotaient en vue de renverser le président Kais Saied en déstabilisant le pays, et qu’ils fomentaient même son assassinat. Quarante personnes ont été inculpées et déférés au tribunal en vertu de nombreux articles du Code pénal tunisien et de la loi antiterroriste de 2015, dont certains articles prévoyant la peine de mort. Le procès a débuté le 4 mars. Des peines ont été prononcées contre 37 accusés, tandis que les trois autres ont des plaintes en attente de traitement auprès de la Cour de cassation.

« Le tribunal tunisien n’a même pas donné aux accusés un semblant de procès équitable. Il les a condamnés à de longues peines de prison après un procès de masse lors duquel ils n’ont pas pu se défendre correctement », a déclaré Bassam Khawaja, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Les autorités tunisiennes font clairement savoir que toute personne prenant part à l’opposition politique ou à un quelconque militantisme s’exposent à des années d’emprisonnement après un procès expéditif qui bafoue les procédures régulières ».

Selon le jugement que Human Rights Watch a examiné, le tribunal a condamné l’ancien ministre de la Justice et un haut dirigeant du parti d’opposition Ennahda, Noureddine Bhiri, à 43 ans de prison ; l’homme d’affaires Kamel Ltaief, à 66 ans et le politicien d’opposition Khayam Turki à 48 ans. Ghazi Chaouachi, Issam Chebbi, Jaouhar Ben Mbarek, Ridha Belhaj et Chaima Issa, opposants de premier plan, ont tous été condamnés à 18 ans de prison. Abdelhamid Jelassi, militant politique et ancien membre du parti Ennahda, et Said Ferjani, ancien député Ennahda, ont été condamnés à 13 ans de prison; Lazhar Akremi, avocat et ancien ministre, a lui été condamné à huit ans d’emprisonnement. Le tribunal a condamné 15 autres personnes, notamment la militant féministe en exil Bochra Belhaj Hamida, à 28 ans de prison.

La plupart des accusés ne sont pas en détention, certains se trouvent à l’étranger et ont été jugés par contumace. Au moins 12 d’entre eux ont été arrêtés en février 2023 et en janvier 2025, huit étaient toujours en détention. Certains ont été détenus de façon abusive pendant plus de deux ans avant le jugement, une durée supérieure à la durée maximum prévue en droit tunisien.

Dans cette affaire, les autorités tunisiennes ont pris des mesures supplémentaires portant atteinte au droit à un procès équitable. Le 26 février, avant la première audience, le président du tribunal et les magistrats ont ordonné aux prévenus en détention de comparaître en visioconférence, invoquant un « véritable danger ». La pratique des procès à distance est par essence abusive, puisqu’elle porte atteinte au droit des détenus à être présentés physiquement devant un juge afin qu’il puisse évaluer leur état de santé ainsi que la légalité et les conditions de leur détention.

Lors des audiences suivantes, le tribunal a interdit à des journalistes et des observateurs, dont Human Rights Watch, de pénétrer dans la salle d’audience. Une accusée, Chaima Issa, n’a elle non plus pas été autorisée à y entrer pour assister à son propre procès lors de la session du 11 avril.

Le 21 avril, des agents de la brigade antiterroriste de la Garde nationale ont arrêté Ahmed Souab, avocat dans cette affaire, à son domicile après qu’il a fait des déclarations aux médias concernant le verdict. Il a été placé en détention en vertu de la loi antiterroriste de 2015 et accusé d’« infractions terroristes et de droit commun », notamment de « menace de commettre des actes terroristes dans le but de contraindre une personne à se livrer à un acte ou à s’en abstenir et de mettre la vie d’une personne protégée en danger ».

D’autres avocats de la défense en Tunisie sont soumis à un harcèlement judiciaire accru et des poursuites pénales pour avoir légitimement exercé leur profession. Ayachi Hammami, ancien avocat de la défense dans l’affaire, lui-même devenu accusé en mai 2023, a été condamné à huit ans de prison.

Le gouvernement tunisien a recours à la détention arbitraire et à des poursuites motivées par des fins politiques afin d’intimider, de punir et de réduire au silence les critiques, a affirmé Human Rights Watch. Après la prise de contrôle des institutions étatiques par le président Kais Saied le 25 juillet 2021, les autorités ont considérablement renforcé leur répression de la dissidence. Depuis début 2023, elles ont intensifié les arrestations et détentions arbitraires de personnes de tout bord politique perçues comme critiques du gouvernement. Les attaques répétées des autorités contre le pouvoir judiciaire — notamment le démantèlement par Saied du Conseil supérieur de la magistrature — ont profondément sapé son indépendance et mis en péril le droit des Tunisiens à un procès équitable.

La Tunisie est un État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, qui garantissent le droit à la liberté d’expression et d’assemblée, à un procès équitable et à ne pas faire l’objet d’une arrestation ou d’une détention arbitraire.

Les autorités tunisiennes devraient annuler ces condamnations, garantir des procès équitables et cesser de poursuivre des personnes pour avoir exercé leurs droits humains, a déclaré Human Rights Watch. Les partenaires internationaux de la Tunisie devraient rompre le silence, exhorter le gouvernement à mettre fin à la répression et à protéger l’espace de la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique.

« Le simulacre de procès dans l’“affaire de complot” montre jusqu’où le gouvernement du président Kais Saied ira pour éliminer les derniers vestiges de l’opposition politique et de la liberté d’expression dans le pays », a déclaré Bassam Khawaja. « Les gouvernements concernés doivent s’exprimer, sans quoi les autorités tunisiennes continueront d’engager despoursuites abusives dans des affaires fabriquées de toutes pièces, tout en ne répondant pas la crise économique que traverse le pays », a-t-il conclu.

22.04.2025 à 03:00

Vietnam : La répression de la dissidence s'intensifie

Human Rights Watch
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Click to expand Image Dao Ba Cuong, un ouvrier métallurgiste vivant dans la province de Phu Yen au Vietnam, avait organisé à son domicile un événement protestant contre le décès de son fils, survenu lors de sa garde à vue en octobre 2022. En avril 2023, la police l'a arrêté et inculpé d'« atteinte aux intérêts de l’État » en vertu de l'article 331 du Code pénal vietnamien. En décembre 2023, il a été condamné à deux ans de prison. © 2025 John Holmes pour Human Rights Watch Le gouvernement vietnamien a intensifié sa répression contre la dissidence, punissant des personnes ayant simplement exprimé des inquiétudes ou des griefs au sujet de politiques gouvernementales ou de responsables locaux.Les autorités vietnamiennes recourent de manière abusive à l'article 331 du Code pénal, concernant les « atteintes aux intérêts de l'État », non seulement pour réduire au silence des activistes de premier plan, mais aussi pour exercer des représailles contre des citoyens ordinaires qui se plaignent de services gouvernementaux médiocres, ou dénoncent des abus policiers.Les autorités devraient immédiatement mettre fin à cette répression systémique, et libérer toutes les personnes détenues ou emprisonnées pour avoir exercé leurs droits fondamentaux.

(Bangkok) – Le gouvernement vietnamien a intensifié sa répression contre la dissidence en punissant des personnes ayant simplement exprimé des inquiétudes ou des griefs au sujet de politiques gouvernementales ou de responsables locaux, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui.

21 avril 2025 “We’ll All Be Arrested Soon”

Ce rapport de 26 pages, intitulé «‘We’ll All Be Arrested Soon’: Abusive Prosecutions under Vietnam’s ‘Infringing of State Interests’ Law » (« “Nous serons tous bientôt arrêtés” : Poursuites abusives en vertu de la loi vietnamienne sur les atteintes aux intérêts de l'État »), documente le recours accru du gouvernement vietnamien à l'article 331 du Code pénal pour cibler des personnes qui utilisent les réseaux sociaux ou d'autres moyens de communication pour aborder publiquement des questions telles que la liberté religieuse, les droits fonciers, les droits des populations autochtones et la corruption au sein du gouvernement et du Parti communiste vietnamien. Les autorités devraient immédiatement mettre fin à cette répression systémique, et libérer toutes les personnes détenues ou emprisonnées simplement pour avoir exercé leurs droits fondamentaux.

« Les autorités vietnamiennes recourent de manière abusive à la loi sur les atteintes aux intérêts de l'État, non seulement pour réduire au silence des activistes et des lanceurs d'alerte de premier plan, mais aussi pour exercer des représailles contre des citoyens ordinaires qui se plaignent de services publics de mauvaise qualité, ou dénoncent des abus policiers », a déclaré Patricia Gossman, directrice adjointe de la division Asie à Human Rights Watch. « Le gouvernement se sert de l’article 331 en tant qu’outil pour porter atteinte aux droits fondamentaux des citoyens vietnamiens. »

Human Rights Watch a examiné des dizaines de documents judiciaires vietnamiens, de nombreuses sources médiatiques et des centaines de publications et de vidéos sur les réseaux sociaux. Entre 2018 et février 2025, les tribunaux vietnamiens ont condamné au moins 124 personnes à de lourdes peines de prison en vertu de l'article 331 du Code pénal. Il s'agit d'une augmentation significative par rapport aux six années précédentes (2011-2017), lors desquelles seulement 28 personnes auraient été condamnées à des peines de prison pour violation de cet article.

Par le passé, les personnes condamnées en vertu de l’article 331 étaient souvent des blogueurs ou des militants des droits humains ; le gouvernement cherchait à réduire ces personnes au silence, mais ne les considérait pas comme une réelle menace pour le monopole du Parti communiste au pouvoir. Ces personnes étaient donc condamnées pour des crimes considérés comme moins graves que des atteintes à la sécurité nationale.

Toutefois, Human Rights Watch a constaté que les autorités vietnamiennes ont élargi la portée et l’application de l’article 331. Elles ont élargi l’application de cet article à d’autres tranches de la société, au-delà des défenseurs des droits humains et de la démocratie – dont la plupart sont aujourd’hui en prison – afin de potentiellement cibler toutes les personnes qui expriment publiquement leurs griefs. Par conséquent, des citoyens ordinaires risquent l’arrestation et jusqu’à sept ans de prison, simplement pour avoir critiqué des fonctionnaires subalternes.

Parmi les personnes condamnées en vertu de l’article 331 figurent les cas suivants :

Dao Ba Cuong, un ferronnier, avait organisé à son domicile un événement protestant contre le décès de son fils, survenu lors de sa garde à vue en octobre 2022. Un membre de sa famille avait alors retransmis cet événement en direct sur les réseaux sociaux. Dao Ba Cuong s’était aussi promené dans la rue, vêtu d’une tenue funéraire et tenant une grande photo de son fils, afin de sensibiliser le public à sa mort. En décembre 2023, un tribunal de la province de Phu Yen l'a condamné à deux ans de prison.Vu Thi Kim Hoang, une couturière, avait autorisé son compagnon Nguyen Thai Hung à vivre chez elle et à utiliser son ordinateur portable afin de publier sur les réseaux sociaux ses opinions sur diverses questions politiques. En guise de punition, un tribunal de Dong Nai l'a condamnée en novembre 2022 à deux ans et six mois de prison. Lors du même procès, Nguyen Thai Hung a été condamné à quatre ans de prison.Danh Minh Quang, d'origine khmère, s'était plaint sur les réseaux sociaux de discrimination envers les Khmers – notamment de la rétention d'aide pendant la pandémie de Covid-19 – et avait plaidé pour la reconnaissance des peuples autochtones. En février 2024, un tribunal de la province de Soc Trang l'a condamné à trois ans et six mois de prison.Le Minh The avait abordé sur les réseaux sociaux diverses questions sociopolitiques, notamment le développement économique du Vietname, la corruption, la pauvreté et les droits fonciers. Il avait déjà purgé 21 mois de prison entre 2018 et 2020 pour avoir exprimé ses opinions. En 2023, il a été de nouveau arrêté, reconnu coupable et condamné à deux ans de prison, également pour avoir critiqué les autorités. La sœur cadette de Le Minh The, Le Thi Binh, a également purgé deux ans de prison entre 2020 et 2022 pour avoir « publié, diffusé en direct et partagé » des contenus critiquant certaines politiques de l'État, et jugées « diffamatoires » envers l'État.

Le recours accru à l'article 331 par les autorités vietnamiennes est une facette peu connue de la répression croissante du gouvernement contre la dissidence, a déclaré Human Rights Watch. Cette tactique montre que le gouvernement – ​bien que le Vietnam soit actuellement un pays membre du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, et cherche à renforcer son profil international – n’aborde pas les questions sociales d'une manière compatible avec les droits humains et la bonne gouvernance.

« Les partenaires commerciaux du Vietnam, portant leur attention sur des questions de développement économique et des opportunités d'investissement, ignorent régulièrement les violations croissantes des droits humains commises par son gouvernement », a conclu Patti Gossman. « Les donateurs internationaux et les partenaires commerciaux du Vietnam devraient faire pression sur ce pays, publiquement et en privé, pour qu'il libère immédiatement toute personne détenue pour avoir exprimé pacifiquement ses opinions en ligne, et qu'il abroge la loi sur les atteintes aux intérêts de l'État. »

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17.04.2025 à 20:04

Turquie : Des étudiants et des journalistes poursuivis pour avoir manifesté

Human Rights Watch
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Click to expand Image Des étudiants étaient rassemblés à Kadiköy, dans la province d’Istanbul en Turquie, le 8 avril 2025, pour protester contre la détention d’autre étudiants ayant manifesté contre l’arrestation en mars du maire d'Istanbul, Ekrem İmamoğlu.  © 2025 Human Rights Watch

(Istanbul, 17 avril 2025) – Les autorités turques ont entamé des poursuites contre des centaines de personnes, principalement des étudiants, qui ont manifesté contre la détention du maire d'Istanbul, Ekrem İmamoglu, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui ; l’ouverture du premier procès collectif hâtivement organisé est prévue le 18 avril.

La précipitation et l'ampleur de ces procès, qui ne reposent pas sur des preuves concrètes d'infractions pénales, illustrent à quel point les restrictions imposées par la Turquie au droit de réunion sont arbitraires et incompatibles avec les principes d’un l'État de droit et d’une société démocratique.

« Compte tenu de l'absence flagrante de preuves de crimes, il est difficile de ne pas conclure que le véritable objectif de ces procès hâtivement organisés est de dissuader les gens d’exercer leurs droits de manifester pacifiquement et de s’exprimer librement », a déclaré Hugh Williamson, directeur de la division Europe et Asie centrale de Human Rights Watch. « Le procureur devrait demander l'abandon de ces poursuites, sauf preuve directe et substantielle que des individus particuliers ont commis des crimes spécifiques. »

Les deux premières audiences, prévues le 18 avril, concernent 189 accusés, dont de nombreux étudiants, deux journalistes et cinq photojournalistes. Ils sont notamment accusés d'avoir participé à une manifestation non autorisée et de ne pas avoir obéi aux ordres de dispersion de la police ; de port d'armes ou de dissimulation du visage ; et d'incitation à commettre un crime. Ce dernier chef d'accusation est basé sur des publications sur les réseaux sociaux.

Les peines encourues vont de six mois à quatre ans pour les deux premiers chefs d'accusation, et jusqu'à cinq ans pour l'incitation à commettre un crime. Dans la quasi-totalité des cas, les actes d'accusation manquent de preuves individualisées que les accusés se soient livrés à une activité s'apparentant à une activité criminelle.

Le parquet général d'Istanbul a annoncé que 819 personnes sont poursuivies dans le cadre de 20 enquêtes criminelles sur des manifestations.

Human Rights Watch a examiné neuf actes d'accusation impliquant 650 accusés d'infractions liées à des manifestations. Cent sept d'entre eux sont accusés uniquement de participation à des manifestations non autorisées et de refus de dispersion (article 32/1 de la loi sur les rassemblements et les manifestations, n° 2711).

Le parquet qualifie ces manifestations de « non autorisées » car, le 19 mars, le gouverneur d'Istanbul a annoncé une interdiction générale de quatre jours de toutes les manifestations et de tous les rassemblements à Istanbul, prolongée par la suite de quatre jours supplémentaires jusqu'au 26 mars.

Malgré l'interdiction annoncée par le gouverneur, des rassemblements de masse rassemblant des milliers de participants ont eu lieu devant le bâtiment de la municipalité d'Istanbul, et des étudiants ont organisé des marches pacifiques depuis d'autres quartiers d'Istanbul pour se joindre à eux. De plus, 120 personnes sur 650 sont accusées d'avoir participé aux manifestations pacifiques du 27 mars, après la levée de l'interdiction.

Sur les 189 accusés lors des audiences du 18 avril, 62 sont accusés de port d'armes ou de dissimulation du visage pour éviter d'être identifiés lors d'une manifestation (article 33/1 de la loi 2911). Or, la seule preuve fournie dans l'acte d'accusation concernant le port d'arme est l'allégation selon laquelle un manifestant avait une pierre à la main.

En réalité, de nombreuses personnes de tous âges présentes aux manifestations de masse se sont couvertes le visage pour se protéger des effets du gaz lacrymogène et des plombs de chasse utilisés par la police à plusieurs reprises, ainsi que lors de sa dispersion. Certaines personnes pourraient avoir choisi de se couvrir le visage compte tenu des restrictions imposées au droit de manifester ces dernières années en Turquie, a déclaré Human Rights Watch.

Vingt personnes jugées le 18 avril sont accusées d'avoir tenté d'« inciter à commettre un crime » via des publications sur les réseaux sociaux (article 214 du Code pénal turc). Ces publications consistent en grande partie en des appels généralisés à manifester et en des déclarations contre le gouvernement, et non en des appels à la violence ou à la criminalité.

Sept journalistes qui couvraient les manifestations sont traités par le procureur comme des manifestants, et l'acte d'accusation précise que leur affirmation d'être journalistes « n'a pas été prise en compte » par le parquet, la police n'ayant pas établi qu'ils étaient présents à des fins journalistiques. Des centaines de milliers de personnes ont participé aux manifestations, majoritairement pacifiques, devant le bâtiment municipal d'Istanbul pendant sept jours après l'arrestation par la police du maire Ekrem İmamoglu, ainsi que d'environ 90 fonctionnaires, responsables politiques et conseillers municipaux.

Des images vidéo vérifiées par Human Rights Watch montrent que la police a utilisé du gaz poivre et des balles de poivre à bout portant pour disperser les manifestants, et a violemment appréhendé d'autres manifestants qu’ils ont accusés d'ignorer les ordres de dispersion. Certains manifestants ont ensuite été interpellés à leur domicile sur la base d'images vidéo de la police montrant leur participation à des rassemblements.

Les tribunaux d'Istanbul ont initialement ordonné la détention provisoire de 278 manifestants présumés, en assignant d'autres à résidence ou en leur imposant des interdictions de voyager. Sur les 40 procès-verbaux d'audience de détention provisoire concernant 352 personnes examinés par Human Rights Watch, 30 personnes allèguent des violences physiques ou verbales de la part des policiers. Les détenus ou leurs avocats ont déclaré aux juges que la police les avait battus, insultés verbalement ou maltraités lors de leur interpellation. Au moins une femme détenue s'est plainte de mauvais traitements policiers, de harcèlement sexuel verbal et physique et d'attouchements. Une enquête rapide et efficace doit être menée sur toutes les allégations de mauvais traitements policiers, de harcèlement et de recours excessif à la force, a déclaré Human Rights Watch.

Le ministère de l'Intérieur a annoncé qu'il menait une enquête sur l'intervention de la police lors des manifestations.

Environ 230 personnes en détention provisoire ont été libérées deux à trois semaines plus tard, notamment en raison de la pression publique liée au fait qu'il s'agissait d'étudiants sur le point de passer des examens universitaires.

La Cour européenne des droits de l'homme a rendu plus de 70 arrêts en 15 ans contre la Turquie. Tous ont conclu à une atteinte disproportionnée et illégale au droit à la liberté de réunion pacifique, notamment par des poursuites contre des participants et un recours excessif à la force pour disperser des manifestations pacifiques.

Le Comité des ministres du Conseil de l'Europe, chargé de surveiller l'exécution des arrêts de la Cour européenne, a vivement exhorté la Turquie à réviser sa loi sur les réunions et les manifestations afin de garantir le droit de réunion pacifique et de la mettre en conformité avec la jurisprudence de la Cour européenne.

« La dispersion violente par la police de manifestations que les autorités turques jugent illégales est un problème persistant qui nécessite une modification de la législation et des pratiques, afin de garantir le droit de réunion pacifique », a conclu Hugh Williamson. « L'utilisation abusive du système judiciaire pour arrêter et inculper des étudiants pour des manifestations pacifiques n'est que le dernier exemple en date d'une série d'affaires au sujet desquelles la Cour européenne des droits de l'homme a constaté de nombreuses violations des droits. »

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Articles

Libération  OLJ

TV

France24

17.04.2025 à 18:00

Haïti : L’escalade de violence met la population en grave danger

Human Rights Watch
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Click to expand Image Un manifestant brandissait une pancarte sur laquelle on pouvait lire : « La sécurité est un droit, Haïti le mérite » lors d'une manifestation à Port-au-Prince, en Haïti, le 2 avril 2025. © AP Photo/Odelyn Joseph

(Washington) – La montée de la violence en Haïti due aux groupes criminels et aux affrontements avec des groupes dits d’« d’autodéfense » contribue à une insécurité préoccupante pour la population du pays, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Les groupes criminels ont renforcé leur emprise sur la capitale haïtienne Port-au-Prince et ont étendu leurs activités à d’autres régions. Les dirigeants de l’opposition et les groupes « d’autodéfense » ont mené de violentes actions de protestation contre le gouvernement de transition.

Le Conseil de sécurité des Nations Unies devrait veiller d’urgence à ce que la Mission multinationale de soutien à la sécurité (MMAS), autorisée par l'ONU, dispose du personnel et des moyens dont elle a besoin pour remplir son mandat, et convenir des mesures à prendre pour transformer cette mission en une véritable opération des Nations Unies dotée d’un mandat pour protéger les droits humains et prévenir une nouvelle escalade de la violence.

« La situation sécuritaire en Haïti est en chute libre et les Haïtiens subissent d’horribles abus », a déclaré Nathalye Cotrino, chercheuse senior auprès de la division Amériques à Human Rights Watch. « Les États membres de l’ONU devraient immédiatement renforcer les capacités de la MMAS et prendre des mesures urgentes pour la transformer en une véritable mission de l’ONU . »

Seulement dix pour cent de la capitale Port-au-Prince sont encore sous le contrôle du gouvernement, et les groupes criminels y ont multiplié leurs attaques depuis la fin de l’année 2024. Ces groupes ont attaqué des infrastructures essentielles, des institutions de l’État, des écoles, des centres de santé, des médias, ainsi que des zones résidentielles et commerciales. Ils ont également infiltré les quartiers proches de Pétion-Ville, l’une des rares zones à échapper encore à leur contrôle, où vivent les classes moyennes et aisées et où se trouvent les bureaux de l’ONU. Des meurtres, enlèvements, violences sexuelles et recrutements d’enfants sont signalés presque quotidiennement, alors que la police et la MMAS se débattent avec des financements et du personnel insuffisants.

Entre fin janvier et mars 2025, au moins 262 personnes ont été tuées et 66 autres blessées dans les communes de Kenscoff et Carrefour, dans le sud de Port-au-Prince, selon l’ONU. La violence a également continué à toucher le département de l’Artibonite, où plus de 11 personnes ont été tuées à Gros-Morne fin janvier, et où la MMAS a déploré sa première perte en vie humaine fin février dans la commune de Petite-Rivière. Fin mars et début avril, la violence s’est étendue à deux villes du département du Centre, Mirebalais et Saut-d’Eau, où plus de 80 personnes ont été tuées, selon le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH). Plus récemment, des menaces d’attaques imminentes contre la ville voisine de Hinche ont aussi été signalées.

L’escalade de la violence criminelle, aggravée par les affrontements avec les groupes « d’autodéfense » – formés par des membres de la communauté opérant souvent en collusion avec la police – ainsi qu’avec les forces de l’ordre, a forcé plus de 90 000 personnes à fuir leurs foyers depuis le début de l’année, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). De nombreuses organisations humanitaires et de défense des droits humains, nationales et internationales, ont également été contraintes de déménager ou de suspendre leurs activités, ce qui affecte encore plus les 6 millions d’Haïtiens qui ont besoin d’aide humanitaire et aggrave les conditions des 5,7 millions de personnes confrontées à des niveaux importants d’insécurité alimentaire grave, le chiffre le plus élevé de ces dernières années.

« Les habitants n’ont plus d’endroit sûr où se réfugier », a déclaré un travailleur humanitaire à Human Rights Watch. « Les femmes qui viennent chercher de l’aide ici n’ont pas seulement perdu des êtres chers, elles ont aussi été violées, déplacées et jetées à la rue, elles ont faim et luttent pour survivre. Nous ne savons pas combien de temps encore elles pourront endurer de telles souffrances... Tout ce que [les victimes] demandent, c’est que les violences cessent. Sans soutien de la part de la police ou du gouvernement, elles se sentent abandonnées. Elles demandent : “Pourquoi personne ne nous vient-il en aide ? Pourquoi la vie des Haïtiens est-elle sans importance, si nous aussi sommes des êtres humains ?” »

Le gouvernement de transition, dont trois membres sont impliqués dans des affaires de corruption, a mis en place début mars un groupe de travail pour lutter contre les groupes criminels, et a procédé à des frappes de drones à l’aide de munitions explosives sans rendre compte des abus commis. Les dirigeants des groupes criminels ont également menacé de déployer ce type de technologie.

Des membres des communautés de Port-au-Prince, Pétion-Ville et Kenscoff, ainsi que des personnes déplacées à l’intérieur du pays, sont descendus dans les rues de la capitale ces dernières semaines pour réclamer la destitution du gouvernement actuel. Des membres de plusieurs groupes « d’autodéfense » et des officiers de police se sont joints à certaines manifestations. En réponse, le 7 avril, le gouvernement de transition a déclaré un nouvel état d’urgence, et annoncé, entre autres mesures, une augmentation des ressources affectées aux forces de sécurité.

La gestion de cette situation par le gouvernement a conduit à la réapparition de figures de l’opposition comme l’ancien premier ministre Claude Joseph, l’ancien commandant de police Guy Philippe, qui a passé six ans dans une prison américaine pour blanchiment d’argent et trafic de drogue, et l’ancien chef de l’unité de sécurité générale du palais national Dimitri Hérard, qui a été inculpé dans le cadre de l’assassinat du président Jovenel Moïse, en 2021. Ces trois hommes ont appelé à de nouvelles manifestations.

Face à cette instabilité croissante, les gouvernements étrangers sont restés largement silencieux, a déclaré Human Rights Watch. Aucune action concrète n’a été engagée depuis la publication, le 24 février, par le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, d’un document contenant des recommandations assorties d’un éventail d’options à l’intention du Conseil de sécurité de l’ONU.

Ce document appelait à la création d’un bureau d’appui de l’ONU financé par des contributions obligatoires et destiné à apporter un soutien logistique et opérationnel à la MMAS afin de renforcer sa capacité à mener des opérations musclées et ciblées avec la police nationale haïtienne contre les groupes criminels. Il appelait également à « accroître et renforcer les effectifs de la Mission et la doter de capacités militaires et de matériel létal supplémentaires fournis bilatéralement par les États Membres pour combler les insuffisances actuelles », ainsi qu’à consolider la collecte de renseignements et ses capacités d’analyse. Le Secrétaire général a également demandé que l’ONU apporte un soutien aux forces de sécurité et aux programmes non onusiens pour accompagner ceux qui choisissent de quitter les groupes criminels et pour aider les autorités haïtiennes à enquêter, poursuivre et détenir les personnes à haut risque arrêtées par la MMAS.

Le 13 avril, alors que des informations faisaient état de tentatives de prise du pouvoir par certains groupes criminels, la Communauté des Caraïbes (CARICOM) a exhorté la communauté internationale à prendre des mesures d’urgence pour soutenir les autorités haïtiennes. Peu de temps après, le Département d’État américain a apporté son soutien à la CARICOM et aux efforts déployés par la MMAS pour rétablir la paix et la stabilité. Le même jour, le gouvernement de transition d’Haïti a réitéré son appel au Conseil de sécurité des Nations Unies pour qu’il examine d’urgence « des propositions d’un renforcement significatif de l’appui international à la cause de la restauration de la sécurité en Haïti ».

Jusqu’à présent, aucune mesure concrète n’a été prise pour accroître le soutien international à la MMAS, mettre en œuvre les recommandations du Secrétaire général de l’ONU ou déployer d’autres efforts pour améliorer la sécurité en Haïti, a déclaré Human Rights Watch. Le gouvernement des États-Unis, qui était le principal bailleur de fonds de la MMAS à sa création en 2023, n’a pas fait preuve d’un leadership ou d’une approche fondée sur des principes, et les diplomates étrangers ont largement perçu cette carence comme un facteur clé expliquant le retard persistant dans les importantes discussions et décisions à prendre.

« L’inaction représenterait un échec catastrophique pour la politique étrangère, après des années d’engagement et les centaines de millions de dollars investis », a déclaré par téléphone Pierre Espérance, un défenseur haïtien des droits humains, à Human Rights Watch le 16 avril. « Le renforcement immédiat des capacités de la police haïtienne et de la MMAS en effectifs, hélicoptères et moyens est essentiel. Sans soutien international, les Haïtiens sont à l’agonie. »

Le 21 avril, le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) doit faire le point sur la situation en Haïti devant le Conseil de sécurité des Nations Unies. Il est essentiel que les membres du Conseil de sécurité discutent de la nécessité pour les États membres de l’ONU de fournir plus de personnel, de financement et d’équipement à la MMAS, a déclaré Human Rights Watch.

Les États-Unis, l’Union européenne, le Canada et d’autres gouvernements concernés en Amérique latine et au-delà devraient fournir de toute urgence du personnel et des moyens pour soutenir la MMAS, a déclaré Human Rights Watch. Ces pays devraient également s’engager en faveur d’une stratégie à moyen et long terme qui intègre les recommandations du Secrétaire général de l’ONU, dans le but de transformer la MMAS en une mission robuste de l’ONU mandatée pour protéger les civils et aider à restaurer la stabilité et l’État de droit en Haïti.

« L’ONU dispose de l’expertise nécessaire pour soutenir les efforts haïtiens en vue de rétablir des conditions de sécurité élémentaires et de commencer à reconstruire le pays, tout en faisant respecter les droits humains et en répondant aux besoins urgents de millions de personnes », a conclu Nathalye Cotrino. « Mais la fenêtre pour agir est en train de se refermer. »

16.04.2025 à 06:00

Tunisie : La détention arbitraire écrase la dissidence

Human Rights Watch
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Click to expand Image Manifestation du Front de salut national dans le centre de Tunis (Tunisie), le 5 mars 2023, pour protester contre l’arrestation de plusieurs personnalités publiques, dont des dirigeants de cette coalition d'opposition.  © 2023 Sipa via AP Images Le gouvernement tunisien a fait de la détention arbitraire une pierre angulaire de sa politique répressive visant à priver les personnes de leurs droits civiques et politiques.Depuis que le président Kais Saied a pris le contrôle des institutions de l’État tunisien le 25 juillet 2021, les autorités ont fortement accru leur répression de la dissidence.Les autorités tunisiennes devraient immédiatement libérer toutes les personnes arbitrairement détenues et cesser de poursuivre des personnes en justice pour avoir exercé leurs droits humains. Les partenaires internationaux de la Tunisie devraient appeler le gouvernement à mettre fin à sa politique de répression.

(Beyrouth) – Le gouvernement tunisien a fait de la détention arbitraire une pierre angulaire de sa politique répressive visant à priver les personnes de leurs droits civiques et politiques, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui. Les autorités devraient cesser de réprimer les personnes considérées comme critiques et libérer toutes celles qui sont encore arbitrairement détenues, pour la plupart uniquement pour avoir exercé leurs droits humains.

16 avril 2025 « Tous des comploteurs »

Le rapport de 46 pages, intitulé « “Tous des comploteurs” : Comment la Tunisie se sert de la détention arbitraire pour écraser la dissidence », documente le recours accru des autorités à la détention arbitraire et aux poursuites judiciaires politiquement motivées afin d’intimider, punir et réduire au silence ceux qui les critiquent. Human Rights Watch a documenté les cas de 22 personnes incarcérées sur la base d’accusations abusives, y compris de terrorisme, en lien avec leurs déclarations publiques ou leurs activités politiques. Parmi elles se trouvent des avocats, des opposants politiques, des militants, des journalistes, des utilisateurs des réseaux sociaux et une défenseure des droits humains. Au moins 14 personnes détenues risqueraient la peine capitale si elles étaient reconnues coupables. En janvier 2025, plus de 50 personnes étaient incarcérées pour des motifs politiques ou pour avoir exercé leurs droits.

« Les autorités tunisiennes ne s’étaient pas livrées à une telle répression depuis la révolution de 2011 », a déclaré Bassam Khawaja, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Le gouvernement du président Kais Saied a fait replonger le pays dans une ère de prisonniers politiques, dérobant au peuple tunisien les libertés civiques qu’il avait arrachées de haute lutte. »

Depuis que le président Saied a pris le contrôle des institutions de l’État tunisien le 25 juillet 2021, les autorités ont fortement accru leur répression de la dissidence. Depuis début 2023, elles ont multiplié les arrestations et détentions arbitraires de personnes considérées comme critiques du gouvernement, ciblant des opposants de tous bords politiques.

Le président Saied attise le ciblage par les forces de sécurité et les autorités judiciaires de la dissidence, a constaté Human Rights Watch. Il a souvent accusé les personnes critiquant le gouvernement et ses adversaires politiques – sans les nommer – d’être des « traîtres » et même des « terroristes ».

Les autorités ont incarcéré les principaux adversaires politiques du président Saied, dont des figures connues de l’opposition, comme Abir Moussi, présidente du Parti destourien libre (PDL), ou Rached Ghannouchi, ancien président du parti d’opposition Ennahda et ancien président du Parlement. D’autres personnalités comme l’avocate Sonia Dahmani ou le journaliste Mohamed Boughalleb ont également été détenues pour avoir critiqué les autorités.

.show-case-card .card__content { background-image: linear-gradient(180deg,transparent 10%,rgba(0,0,0,.5) 80%,rgba(0,0,0,.6)); } .show-case-card .card__title { color: #fff; } .show-case-card .card__content { text-align: left; margin-top: -3rem; } .show-case__column.p-2 { padding: 0; } Lazhar Akremi Click to expand Image Lazhar Akremi. © 2023 FETHI BELAID/AFP via Getty Images

L’avocat et ancien ministre Lazhar Akremi a été arrêté le 13 février 2023, dans le cadre de la fameuse affaire dite « de complot », après que des agents des forces antiterroristes ont pris d’assaut et fouillé son domicile. Dans cette affaire, un juge d’instruction de Tunis a inculpé des avocats, des opposants politiques, des militants et des hommes d’affaires de conspiration pour renverser l’autorité du président Saied en déstabilisant le pays. Le 13 juillet 2023, un juge a libéré Akremi provisoirement, mais lui a interdit de voyager et d’apparaître en public. Cette dernière interdiction a finalement été levée.

Le 2 mai 2024, 40 des 52 personnes initialement accusées, dont Akremi, ont été inculpées et déférées devant le tribunal en vertu de nombreux articles du Code pénal et de la loi antiterrorisme de 2015, dont certains passibles de la peine de mort. Human Rights Watch a consulté les 140 pages de l’ordonnance de clôture du juge d’instruction – clôturant l’instruction et renvoyant l’affaire renvoyée devant le tribunal –, qui indique que ces graves accusations paraissent sans objet et semblent fondées sur des éléments de preuve insuffisants. Les prétendues preuves se réduisent aux dépositions anonymes d’un « témoin » et d’un « informateur », à l’origine de l’enquête, ainsi qu’à des conversations privées sur des applications de messagerie entre militants, diplomates étrangers, journalistes et chercheurs. Le procès s’est ouvert le 4 mars 2025.

Le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a publié en août 2024 un avis au sujet de l’incarcération d’Akremi et de sept autres personnes poursuivies dans cette affaire, confirmant qu’elles étaient bien détenues de façon arbitraire. Le Groupe de travail a appelé les autorités tunisiennes à les libérer immédiatement, à garantir leur droit à réparation et à enquêter sur les circonstances entourant leur arrestation et détention arbitraires.

Akremi est également poursuivi en raison d'une plainte déposée par la ministre de la Justice pour avoir critiqué la révocation arbitraire par le président Kais Saied de 57 magistrats en 2022, en lien avec une vidéo qu’il avait publiée sur Facebook. S’il est reconnu coupable, il risque jusqu’à quatre ans de prison au total, en vertu de l’article 128 du Code pénal, pour avoir « imputé à un fonctionnaire public des faits illégaux, sans en établir la véracité », et en vertu du code de l’article 86 du Code des télécommunications, pour avoir « nui aux tiers ou perturbé leur quiétude à travers les réseaux publics des télécommunications ».

Ridha Belhaj Click to expand Image Ridha Belhadj. © Privé

L’avocat et politicien Ridha Belhaj, 63 ans, a été arrêté le 24 février 2023, dans le cadre de la fameuse affaire dite « de complot ». Dans cette affaire, un juge d’instruction de Tunis a inculpé des avocats, des opposants politiques, des militants et des hommes d’affaires de complot visant à renverser l’autorité du président Saied en déstabilisant le pays. Le lendemain, un juge d’instruction du pôle antiterroriste du Tribunal de première instance de Tunis l’a interrogé sur ses liens et activités politiques avant de le placer en détention.

Le 2 mai 2024, 40 des 52 personnes initialement accusées, dont Belhaj, ont été inculpées et déférées devant le tribunal en vertu de nombreux articles du Code pénal et de la loi antiterrorisme de 2015, dont certains passibles de la peine de mort. Belhaj, qui n’a été entendu qu’une fois par le juge d’instruction, a été accusé d’avoir rencontré ou d’avoir eu des contacts avec des militants de l’opposition et des diplomates. Il était détenu depuis 24 mois au moment de la rédaction de ce rapport, dépassant la limite de 14 mois de détention provisoire prévue en droit tunisien.

Human Rights Watch a consulté les 140 pages de l’ordonnance de clôture du juge d’instruction – clôturant l’instruction est close et renvoyant l’affaire devant le tribunal –, qui indique que ces graves accusations paraissent sans objet et semblent fondées sur des éléments de preuve insuffisants. Les prétendues preuves se réduisent aux dépositions anonymes d’un « témoin » et d’un « informateur », à l’origine de l’enquête, ainsi qu’à des conversations privées sur des applications de messagerie entre militants, diplomates étrangers, journalistes et chercheurs. Le procès s’est ouvert le 4 mars 2025.

Le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a publié en août 2024 un avis au sujet de l’incarcération de Belhaj et de sept autres personnes poursuivies dans cette affaire, confirmant qu’elles étaient bien détenues de façon arbitraire. Le Groupe de travail a appelé les autorités tunisiennes à les libérer immédiatement, à garantir leur droit à réparation et à enquêter sur les circonstances entourant leur arrestation et détention arbitraires.

Jaouhar Ben Mbarek Click to expand Image Jawherben Mbarek. © Privé

Le militant politique Ben Mbarek, qui a 56 ans, a été arrêté par des agents des forces de sécurité à son domicile de Tunis, le 23 février 2023 dans le cadre de la fameuse affaire dite « de complot ». Dans cette affaire, un juge d’instruction de Tunis a inculpé des avocats, des opposants politiques, des militants et des hommes d’affaires de complot visant à renverser l’autorité du président Saied en déstabilisant le pays.

Le 2 mai 2024, 40 des 52 personnes initialement accusées, dont Ben Mbarek, ont été inculpées et déférées devant le tribunal en vertu de nombreux articles du Code pénal et de la loi antiterrorisme de 2015, dont certains passibles de la peine de mort. Ben Mbarek, qui n’a été entendu qu’une fois par le juge d’instruction, a été accusé d’avoir rencontré ou d’avoir eu des contacts avec des militants de l’opposition et des diplomates. Le juge d’instruction l’a accusé de « constituer un lien entre des parties étrangères et les suspects » et d’« offense contre le président », pour avoir supposément qualifié le président Saied de « fou » pendant une manifestation.

Human Rights Watch a consulté les 140 pages de l’ordonnance de clôture du juge d’instruction – clôturant l’instruction est close et renvoyant l’affaire devant le tribunal –, qui indique que ces graves accusations paraissent sans objet et semblent fondées sur des éléments de preuve insuffisants. Les prétendues preuves se réduisent aux dépositions anonymes d’un « témoin » et d’un « informateur », à l’origine de l’enquête, ainsi qu’à des conversations privées sur des applications de messagerie entre militants, diplomates étrangers, journalistes et chercheurs. Le procès s’est ouvert le 4 mars 2025.

Le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a publié en août 2024 un avis au sujet de l’incarcération de Ben Mbarek et de sept autres personnes poursuivies dans cette affaire, confirmant qu’elles étaient bien détenues de façon arbitraire. Le Groupe de travail a appelé les autorités tunisiennes à les libérer immédiatement, à garantir leur droit à réparation et à enquêter sur les circonstances entourant leur arrestation et détention arbitraires.

Le 22 février 2024, Jaouhar Ben Mbarek a été condamné par contumace à six mois d’emprisonnement, en vertu du décret-loi 54 sur la cybercriminalité, pour avoir déclaré à la radio, le 11 janvier 2023, que les élections législatives de 2022 étaient une « comédie ». La plainte originelle a été déposée par le président de l’instance électorale tunisienne, que le président Saied a restructurée en avril 2022 pour la placer sous son contrôle, d’après la sœur de Ben Mbarek, Dalila. 

Sihem Bensedrine Click to expand Image Sihem Bensedrine. © 2018 NICOLAS MAETERLINCK/AFP via Getty Images

Sihem Bensedrine, 74 ans, est une défenseure des droits humains de premier plan. Elle est également l’ancienne présidente de l’Instance Vérité et Dignité, qui était chargée de révéler les violations des droits humains commises entre 1955 et 2013 et de proposer des mesures pour établir la responsabilité de l’État dans celles-ci et demander aux responsables de rendre compte de leurs actes, ainsi que des mesures de réparations et de réhabilitation. Elle a œuvré pendant près de quarante ans pour dénoncer les violations des droits humains en Tunisie. Le 1er août 2024, un juge a ordonné sa détention pour « abus de pouvoir afin de procurer des avantages injustifiés à elle-même ou un tiers », ainsi que de « fraude » et « falsification » en lien avec le rapport final de l’Instance.

Bensedrine semble avoir été poursuivie en représailles contre son travail de lutte pour mettre fin à l’impunité des atteintes aux droits humains commises pendant des décennies. Elle a sévèrement critiqué le président Saied et ses « attaques incessantes contre la démocratie ». Le 8 août 2024, trois experts de l’ONU ont déclaré que l’arrestation de Bensedrine « pourrait s’apparenter à un harcèlement judiciaire [...] pour le travail qu’elle a entrepris » en tant que présidente de l’Instance. Elle est également poursuivie dans quatre autres affaires judiciaires liées à ce travail.

Le procureur du Tribunal de première instance de Tunis a ouvert une enquête contre Bensedrine en février 2023, à la suite d’une plainte déposée en mai 2020 par un ancien membre de l’Instance, affirmant que Bensedrine auraait falsifié le rapport officiel de l’Instance sur le sujet de la corruption présumée du système bancaire. La plaignante soutenait que le rapport final publié au Journal officiel n’était pas le même qu’une version précédente présentée à l’ancien président Béji Caïd Essebsi le 31 décembre 2018. Or, la version datant de 2018 était inachevée et les membres de l’Instance étaient tenus de réviser cette version préliminaire en janvier 2019, comme le confirme un procès-verbal de l’Instance consulté par Human Rights Watch. Selon les avocats de Bensedrine, sa détention se fonde uniquement sur cette plainte.

Le 14 janvier 2025, Bensedrine a entamé une grève de la faim pour protester contre son incarcération à la prison de la Manouba. Le 26 janvier, elle a été transférée dans un hôpital, où elle n’a pas été autorisée à recevoir de visites de sa famille. Le 28 janvier, un juge a prolongé sa détention de quatre mois. Elle a mis fin à sa grève de la faim le 30 janvier, en raison de graves risques pour sa santé.

Le 19 février, un juge a ordonné la mise en liberté de Bensedrine en attendant son procès, mais lui a imposé une interdiction de voyager.

Riadh Bettaieb Click to expand Image Riadh Bettaieb. © Privé

Riadh Bettaieb, âgé de 64 ans et de double nationalité tunisienne et française, ancien ministre de l’Investissement et de la Coopération internationale et membre du parti Ennahda, purge une peine de huit ans de prison pour « tentative de changer la forme du gouvernement » et « complot contre la sûreté extérieure de l’État ». Bettaieb, incarcéré depuis le 23 février 2023, n’a pas de liens avec Instalingo, selon une source proche du dossier.

La police a arrêté Bettaieb, sans présenter de mandat d’arrêt, à l’aéroport international de Tunis, alors qu'il allait embarquer à bord d’un avion pour la France. Bettaieb n’a été informé des accusations contre lui que plusieurs heures plus tard, lorsque des agents de la brigade d’investigation sur les crimes financiers complexes de la Garde nationale l’ont interrogé à la caserne d’El Gorjani.

Bettaieb a été entendu par un juge d’instruction le 27 février 2023 au Tribunal de première instance de Sousse 2, qui l’a interrogé au sujet du parti Ennahda et d’un chèque datant de 2014 d’un montant de 75 000 dinars tunisiens (24 000 USD) versé à un autre prévenu de l’affaire. Une source proche du dossier a expliqué à Human Rights Watch que les avocats de la défense de Bettaieb avaient fourni la preuve qu’il s’agissait du remboursement d’un emprunt fait plusieurs mois auparavant. Malgré tout, le juge a émis un mandat de dépôt. Bettaïeb a aussi été accusé d’« introduction illégale de liquidités en provenance de Turquie et du Qatar » en Tunisie, dans le cadre d’une « association de malfaiteurs », en se basant essentiellement sur des photos trouvées dans le téléphone d’un autre prévenu, qui montrent Bettaieb en compagnie d’un haut fonctionnaire turc, ce qui ne constitue pas une preuve crédible.

Le 20 juillet 2023, Bettaïeb a été inculpé de tentative de « changer la forme du gouvernement », d’« atteinte à la sûreté extérieure de l’État », d’« offense contre le président » et de blanchiment d’argent.

L’administration pénitentiaire de la prison de Messadine a parfois confisqué les médicaments que la famille de Bettaïeb lui apportait de France pour traiter les symptômes de son diabète de type 2, a déclaré sa famille à Human Rights Watch. Par ailleurs, elle n’a pas fourni à Bettaieb son dossier médical suite à son admission à l’hôpital à deux reprises, entre 2023 et 2024, après des urgences médicales.

Noureddine Bhiri Click to expand Image Noureddine Bhiri. © 2011 AP Photo/Hassene Dridi

Ancien ministre de la Justice et dirigeant du parti Ennahda âgé de 66 ans, Noureddine Bhiri a été arrêté le 13 février 2023, chez lui à Tunis. Un juge d’instruction l’a entendu et écroué le lendemain, en lien avec une publication Facebook où il aurait prétendument exhorté les Tunisiens à manifester contre le président Saied le 14 janvier 2023. Deux de ses avocats ont déclaré à Human Rights Watch que l’accusation n’avait jamais fourni de preuve de l’existence de la publication présumée. Le 18 octobre 2024, un tribunal de Tunis a condamné Bhiri à dix ans de prison dans cette affaire.

Bhiri a par ailleurs été inculpé dans le cadre de la fameuse « affaire de complot » de février 2023. Dans cette affaire, un procureur de Tunis a inculpé des avocats, des opposants politiques, des militants et des hommes d’affaires de complot visant à renverser l’autorité du président Saied en déstabilisant le pays, en s’appuyant sur de nombreux articles du Code pénal et de la loi antiterrorisme de 2015. Les prétendues preuves se réduisent à deux dépositions anonymes ainsi qu’à des conversations privées sur des applications de messagerie entre militants, diplomates étrangers, journalistes et chercheurs. Le procès s’est ouvert le 4 mars 2025.

Depuis décembre 2023, Bhiri est également détenu dans le cadre d’une autre affaire, qui lui avait déjà valu d’être détenu illégalement début 2022, et fait l’objet d’une enquête dans au moins une autre affaire de conspiration. 

Mohamed Boughalleb Click to expand Image Mohamed Boughalleb. © Privé

Le journaliste d’investigation Mohamed Boughalleb a été détenu du 22 mars 2024 au 20 février 2025 pour avoir enquêté sur des abus de fonds publics et avoir interrogé la gestion des dépenses publiques par les autorités.

Boughalleb a été arrêté devant l’école primaire de son fils à Tunis par des agents de la Garde nationale. Ces derniers l’ont emmené à la caserne de L’Aouina, a déclaré un de ses avocats à Human Rights Watch, où la brigade de lutte contre les crimes liés aux technologies de l’information et de la communication l’a interrogé sur des commentaires critiques publiés sur sa page Facebook personnelle, d’autres qu’il avait faits sur la chaîne de télévision Carthage+ et sur la station de radio Cap FM, sur la taille des délégations du ministre des Affaires religieuses au cours de déplacements à l’étranger. La plainte initiale avait été déposée par un fonctionnaire du ministère des Affaires religieuses, d’après la même source.

Boughalleb a passé quatre jours en garde à vue avant que le procureur n’ordonne sa détention le 26 mars 2024. Le 17 avril, il a été condamné à six mois de prison pour avoir « imputé à un fonctionnaire public des faits illégaux en rapport avec ses fonctions, sans en établir la véracité ». Le 28 juin 2024, la Cour d’appel de Tunis a alourdi la peine de Boughalleb, la faisant passer à huit mois de prison.

Depuis le 5 avril 2024, Boughalleb est également en détention dans le cadre d’une affaire distincte, elle aussi liée à des déclarations publiques. Le journaliste fait l’objet d’une enquête basée sur au moins une autre plainte déposée par l’ancien ministre des Affaires religieuses, Ibrahim Chaibi, sur lequel le journaliste enquêtait, le soupçonnant de corruption.

D’après son frère Jameleddine qui est aussi son avocat, l’état de santé de Mohamed Boughalleb s’est fortement dégradé en détention, où il a souffert de mauvaises conditions d’incarcération et d’un manque de soins médicaux adéquats. Sa vue et son audition ont été affectées et il a développé des problèmes cardiaques.

Le 20 février, un juge a ordonné la mise en liberté de Boughalleb en attendant son procès, mais lui a imposé une interdiction de voyager.

Ghazi Chaouachi Click to expand Image Ghazi Chaouachi. © Privé

Ghazi Chaouachi, un avocat de 62 ans, ancien ministre et membre du Parlement, a été arrêté le 24 février 2023, dans le cadre de la fameuse affaire dite « de complot ». Dans cette affaire, un juge d’instruction de Tunis a inculpé des avocats, des opposants politiques, des militants et des hommes d’affaires de complot visant à renverser l’autorité du président Saied en déstabilisant le pays. Le lendemain, un juge d’instruction du pôle antiterroriste du Tribunal de première instance de Tunis l’a interrogé sur ses liens et activités politiques avant de le placer en détention.

Le 2 mai 2024, 40 des 52 personnes initialement accusées, dont Chaouachi, ont été inculpées et déférées devant le tribunal en vertu de nombreux articles du Code pénal et de la loi antiterrorisme de 2015, dont certains passibles de la peine de mort. Chaouachi, qui n’a été entendu qu’une fois par le juge d’instruction, a été accusé d’avoir rencontré ou d’avoir eu des contacts avec des militants de l’opposition et des diplomates, ainsi que d’avoir « offensé le président » dans des messages privés. Il était détenu depuis 24 mois au moment de la rédaction de ce rapport, dépassant la limite de 14 mois de détention provisoire prévue en droit tunisien.

Human Rights Watch a consulté les 140 pages de l’ordonnance de clôture du juge d’instruction – clôturant l’instruction est close et renvoyant l’affaire devant le tribunal –, qui indique que ces graves accusations paraissent sans objet et semblent fondées sur des éléments de preuve insuffisants. Les prétendues preuves se réduisent aux dépositions anonymes d’un « témoin » et d’un « informateur », à l’origine de l’enquête, ainsi qu’à des conversations privées sur des applications de messagerie entre militants, diplomates étrangers, journalistes et chercheurs. Le procès s’est ouvert le 4 mars 2025.

Le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a publié en août 2024 un avis au sujet de l’incarcération de Chaouachi et de sept autres personnes poursuivies dans cette affaire, confirmant qu’elles étaient bien détenues de façon arbitraire. Le Groupe de travail a appelé les autorités tunisiennes à les libérer immédiatement, à garantir leur droit à réparation et à enquêter sur les circonstances entourant leur arrestation et détention arbitraires.

Ghazi Chaouachi est aussi accusé – sur la base d’une plainte déposée par la ministre de la Justice Leïla Jaffel – de diffuser des « fausses nouvelles », d’après la loi sur la cybercriminalité et le Code pénal, pour avoir affirmé le 18 novembre 2022 que le ministère de la Justice avait monté de toutes pièces des dossiers contre l’opposition et harcelé les juges révoqués par le président Saied le 1er juin 2022. Il risque jusqu’à douze ans de prison. Le 29 janvier 2024, un tribunal de Tunis a condamné par contumace le fils de Chaouachi, Elyes, pour avoir dénoncé publiquement les conditions de détention de son père.

Issam Chebbi Click to expand Image Issam Chebbi. © Privé

L’avocat et politicien Issam Chebbi, 67 ans, a été arrêté le 22 février 2023, dans la rue à Tunis, par les forces antiterroristes, dans le cadre de la fameuse affaire dite « de complot ». Dans cette affaire, un juge d’instruction de Tunis a inculpé des avocats, des opposants politiques, des militants et des hommes d’affaires de complot visant à renverser l’autorité du président Saied en déstabilisant le pays. Les agents ne lui ont pas présenté de mandat d’arrêt, a déclaré aux médias son épouse Faiza.

Le 2 mai 2024, 40 des 52 personnes initialement accusées, dont Chebbi, ont été inculpées et déférées devant le tribunal en vertu de nombreux articles du Code pénal et de la loi antiterrorisme de 2015, dont certains passibles de la peine de mort. Chebbi, qui n’a été entendu qu’une fois par le juge d’instruction, a été accusé d’avoir rencontré ou d’avoir eu des contacts avec des militants de l’opposition et des diplomates. Il était détenu depuis 24 mois au moment de la rédaction de ce rapport, dépassant la limite de 14 mois de détention provisoire prévue en droit tunisien.

Human Rights Watch a consulté les 140 pages de l’ordonnance de clôture du juge d’instruction – clôturant l’instruction est close et renvoyant l’affaire devant le tribunal –, qui indique que ces graves accusations paraissent sans objet et semblent fondées sur des éléments de preuve insuffisants. Les prétendues preuves se réduisent aux dépositions anonymes d’un « témoin » et d’un « informateur », à l’origine de l’enquête, ainsi qu’à des conversations privées sur des applications de messagerie entre militants, diplomates étrangers, journalistes et chercheurs. Le procès s’est ouvert le 4 mars 2025.

Le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a publié en août 2024 un avis au sujet de l’incarcération de Chebbi et de sept autres personnes poursuivies dans cette affaire, confirmant qu’elles étaient bien détenues de façon arbitraire. Le Groupe de travail a appelé les autorités tunisiennes à les libérer immédiatement, à garantir leur droit à réparation et à enquêter sur les circonstances entourant leur arrestation et détention arbitraires.

Sonia Dahmani Click to expand Image Sonia Dahmai. © Private

Avocate et chroniqueuse de premier plan, Sonia Dahmani a été arrêtée le 11 mai 2024 par des agents forces de sécurité encagoulés et habillés en civil qui ont brusquement pris d’assaut le siège de l’Ordre national des avocats de Tunisie. Son arrestation est survenue après qu’elle a fait des commentaires sarcastiques sur la chaîne de télévision Carthage+, qui remettaient en question l’idée, soutenue par le président Saied, selon laquelle des migrants africains cherchaient à s’installer en Tunisie.

Le 6 juillet 2024, le Tribunal de première instance de Tunis a condamné Dahmani à un an de prison pour ses déclarations, en vertu du décret-loi 54 sur la cybercriminalité. Sa peine a par la suite été réduite à huit mois en appel. Mais le 24 octobre, elle a été condamnée, dans une autre affaire sur la base du même décret, à deux ans de prison pour des déclarations sur le racisme en Tunisie. Le 24 janvier 2025, sa peine a été réduite à un an et demi en appel. Selon un avocat de Dahmani, elle est toujours poursuivie dans le cadre de trois autres affaires liées à ses déclarations pacifiques.

En août 2024, Dahmani a déposé plainte pour actes de torture et viol à la prison de la Manouba, contre le directeur de la prison et une gardienne, suite à des violations de ses droits commises le 20 août 2024. Ce jour-là, Dahmani a subi « une fouille à nu intrusive qui a violé son intégrité physique et l’a affectée psychologiquement », a déclaré sa sœur à Human Rights Watch.

Bien que certains établissements pénitentiaires et institutions étatiques peuvent parfois avancer que les fouilles corporelles avec pénétration, ou comportant un aspect humiliant, sont une nécessité du point de vue de la sécurité, ces pratiques sont souvent employées abusivement et avant tout dans le but d’intimider ou de punir les prisonniers. Elles peuvent même constituer des actes de viol, de torture et des traitements dégradants, ce qui en fait alors de graves violations des droits humains.

Said Ferjani Click to expand Image Saied Ferjani. © Privé

Ancien dirigeant du parti Ennahda et ancien député âgé de 70 ans, Said Ferjani est détenu depuis le 27 février 2023 dans le cadre de l’affaire Instalingo. Selon ses avocats et sa famille, Ferjani n’a aucun lien avec la société Instalingo. Le 4 février, il a été condamné à treize ans de prison pour « complot contre la sûreté de l’État » et tentative de « changer la forme du gouvernement ». Un juge d’instruction du Tribunal de première instance de Sousse 2 l’a entendu et écroué le 1er mars 2023.

Le procureur avait accusé Ferjani, en se basant sur la déposition d’un « témoin », d’avoir fait chanter un fonctionnaire à l’aide d’une sextape – dont l’existence n’a jamais été prouvée – et de « tenter d’influencer les nominations au sein du ministère de l’Intérieur » au bénéfice d’Ennahda, avec l’aide de « parties intérieures et étrangères ». Ferjani a été inculpé de tentative de « changer la forme du gouvernement », d’« atteinte à la sûreté extérieure de l’État », d’« offense contre le président » et de blanchiment d’argent.

Par ailleurs, dans la fameuse « affaire de complot » de février 2023, Ferjani fait l’objet d’accusations infondées d’activités en lien avec le terrorisme et le « complot ». Il a été inculpé de recrutement de personnes influentes en vue de mener à bien la propagande des comploteurs .

Rached Ghannouchi Click to expand Image Rached Ghannouchi. © 2019 AP Photo/Hassene Dridi, File

Depuis le 25 juillet 2021, Rached Ghannouchi, 83 ans, ex-président du parti d’opposition Ennahda et ancien président du Parlement, a été l’un des opposants principaux du pouvoir autocratique du président Saied. Détenu depuis avril 2023 à la prison de Mornaguia à Tunis, Ghannouchi purge plusieurs peines et fait l’objet d’enquêtes et d’inculpations dans plus d’une dizaine d’affaires, dont certaines directement liées à l’exercice de sa liberté d’expression.

Le 17 avril 2023, Ghannouchi a été arrêté chez lui par des agents en civil qui n’ont pas montré de mandat d’arrêt, selon l’un de ses avocats. Le 20 avril, un juge d’instruction a émis un mandat de dépôt à son encontre sur la base des chefs d’inculpation de tentative de « changer la forme du gouvernement » et de « complot contre la sûreté intérieure de l’État ». Ces accusations portent prétendument sur les déclarations qu’il avait faites lors d’une réunion, le 15 avril, lorsqu’il avait averti que le fait d’éradiquer les mouvements politiques d’opposition, dont Ennahda et « la gauche », était un « projet de guerre civile ». Le 18 avril, la police a fermé le siège d’Ennahda sans ordonnance judiciaire. Ghannouchi n’a toujours pas été jugé dans cette affaire.

Ghannouchi a aussi été poursuivi dans une affaire distincte pour « apologie du terrorisme », après une plainte déposée par un ancien dirigeant du syndicat des forces de sécurité, selon lequel, lors des funérailles d’un membre du parti Ennahda, Ghannouchi avait déclaré que le défunt ne craignait pas les « tyrans ». Le 15 mai 2023, un tribunal de Tunis l’a condamné à un an de prison et une amende de 1 000 dinars (320 USD). Le 30 octobre 2023, la Cour d’appel de Tunis a augmenté sa peine à quinze mois de prison.

Le 1er février 2024, un tribunal de Tunis a condamné Ghannouchi à trois ans de prison après que son parti a été reconnu coupable d’avoir reçu des financements étrangers, ce qui est interdit par la loi tunisienne. Le 4 février 2025, un tribunal de Tunis l’a condamné en première instance à 22 ans de prison, une amende de 80 000 dinars (25 200 USD) et une inéligibilité de cinq ans, outre la saisie de d’actifs et de biens immobiliers, pour avoir prétendument comploté pour changer la forme du gouvernement et contre la sûreté extérieure de l’État, ainsi que pour offense contre le président et pour blanchiment d’argent, dans le cadre de l’affaire Instalingo.

Avant son emprisonnement, Ghannouchi présentait des symptômes de la maladie de Parkinson à la main gauche, et suivait un traitement pour ralentir sa progression. Pendant sa détention, durant laquelle il n’a pas reçu de traitement adéquat, le mal a gagné sa main droite et nettement impacté sa vie quotidienne, y compris sa capacité à écrire. Selon sa famille, les autorités ne lui ont accordé que quelques séances de kinésithérapie, rejeté ses demandes de traitement régulier et refusé de donner à sa famille accès à son dossier médical en lien avec ses problèmes de thyroïde.

Chadha Hadj Mbarek Click to expand Image Chadha Hadj Mbarek. © Privé

Journaliste et employée d’Instalingo, Chadha Hadj Mbarek, 39 ans, purge une peine de prison de cinq ans pour tentative de « changer la forme du gouvernement ». Elle est placée en détention depuis le 22 juillet 2023, uniquement en raison de son travail comme journaliste au sein de l’entreprise, selon toute apparence.

Selon son avocat, la fonction de Hadj Mbarek était de produire du contenu de type « art de vivre » pour une page Facebook gérée par Instalingo et d’assurer la révision d’autres contenus. Elle a d’abord été arrêtée par des agents des forces de sécurité en civil, au siège d’Instalingo dans la banlieue de Sousse, puis emmenée en garde à vue, le 10 septembre 2021. Un juge d’instruction du Tribunal de première instance de Sousse 2 a entendu Hadj Mbarek le 17 septembre 2021, avant d’ordonner sa libération pendant la durée de l’enquête. Toutefois, le procureur de la République a fait appel de la décision du juge et un mandat de dépôt a été émis à son encontre en novembre 2021. Le juge d’instruction a décidé de clore l’enquête judiciaire et d’abandonner toutes les poursuites contre elle et d’autres suspects le 16 juin 2023.

Pourtant, le procureur a de nouveau fait appel de la décision du juge. Le 20 juillet 2023, la chambre d’accusations a formellement inculpé Hadj Mbarek d « atteinte à la sûreté extérieure de l’État » et ordonné son placement immédiat en détention. Quelques heures plus tard, des véhicules de la Garde nationale encerclaient la maison familiale de Hadj Mbarek à Kelibia et des agents arrêtaient la journaliste, selon son frère Amen Hadj Mbarek.

Hadj Mbarek a subi de mauvaises conditions de détention ainsi qu’un manque d’aménagements et d’aide adaptés à son handicap. En effet, elle présente un handicap auditif reconnu par l’État et faute de conditions de détention adaptées à ce handicap dans la prison de Messadine, celui-ci s’est depuis lors aggravé. Son frère Amen a déclaré à Human Rights Watch que bien qu’ils peinaient à se comprendre à travers la vitre au cours des visites familiales, l'administration de la prison ne leur fournissaient ni papier ni stylos pour leur permettre de communiquer.

Depuis les procédures judiciaires injustes qu’elle subit et sa première arrestation, Hadj Mbarek est entrée endépression et prenait des antidépresseurs sur ordonnance. « Elle a perdu son moyen de subsistance et le fait qu'on l’associe à un complot et au terrorisme lui donne le sentiment d’être une paria », a déclaré Amen. Pour autant, les autorités pénitentiaires ont toujours refuser de lui donner accès à ces médicaments, selon son frère, et ses co-détenues l’ont « ostracisée », traitée de « terroriste » et frappée deux fois. Depuis ces incidents, l’administration de la prison a transféré Hadj Mbarek dans une autre cellule.

Rayan Hamzaoui Click to expand Image Rayan Hamzaoui. © Privé

Ancien maire indépendant d’Ezzahra, dans la banlieue sud de Tunis, Rayan Hamzaoui, âgé de 36 ans, est en détention depuis le 18 mai 2023. Des agents masqués de la brigade antiterroriste de la Garde nationale l’ont arrêté chez lui, à Ezzahra, à la suite d’une enquête portant sur des suspicions d’infractions liées au terrorisme et à un « complot » contre la sûreté de l’État. Les agents l'ont emmené à la caserne d’El Aouina où ils l’ont interrogé.

L’enquête, qui concerne 21 suspects, dont plusieurs personnalités de l’opposition politique et d’anciens hauts responsables, est basée sur une accusation rédigée par un informateur anonyme. Celui-ci a affirmé que l’ancienne directrice du cabinet présidentiel, Nadia Akacha, consignait tous les déplacements du président pendant qu’elle occupait ce poste, et envoyait les informations à Hamzaoui, qui les aurait à son tour envoyées à d’autres suspects en vue d’assassiner le président. Selon un avocat de Hamzaoui toutefois, les autorités n’ont fourni aucune preuve de communication entre Hamzaoui et ne serait-ce qu’un seul des autres suspects.

Le 1er juin 2023, un juge d’instruction du pôle antiterroriste du Tribunal de première instance de Tunis a interrogé Hamzaoui sur ses liens éventuels avec d’autres suspects de l’affaire, notamment Akacha. En mars 2025, Hamzaoui n’avait toujours pas eu de nouvelle audience.

Ayant consulté la décision du procureur de la République d’ouvrir une information judiciaire, Human Rights Watch a constaté que Hamzaoui était accusé de plusieurs crimes liés au terrorisme et de blanchiment d’argent, de « complot » contre la sûreté de l’État intérieure et extérieure, de « complot criminel » ainsi que d’« offense contre le président ». S’il était reconnu coupable, il risquerait la peine de mort en vertu de plusieurs dispositions législatives.

Chaima Issa Click to expand Image Chaima Issa. © 2023 AP Photo/Hassene Dridi

Chaima Issa est l’une des figures de proue de la coalition d’opposition Front de salut national. Elle a été arrêtée le 22 février 2023, et placée en détention dans le cadre de la fameuse affaire dite « de complot », dans laquelle un juge d’instruction de Tunis a inculpé des avocats, des opposants politiques, des militants et des hommes d’affaires de complot visant à renverser l’autorité du président Saied en déstabilisant le pays. Le 13 juillet 2023, un juge a libéré Issa provisoirement, mais lui a interdit de voyager et d’apparaître dans les lieux publics. Cette dernière interdiction a finalement été levée.

Le 2 mai 2024, 40 des 52 personnes initialement accusées, dont Issa, ont été inculpées et déférées devant le tribunal en vertu de nombreux articles du Code pénal et de la loi antiterrorisme de 2015, dont certains passibles de la peine de mort. Human Rights Watch a consulté les 140 pages de l’ordonnance de clôture du juge d’instruction – clôturant l’instruction est close et renvoyant l’affaire devant un tribunal –, qui indique que ces graves accusations paraissent sans objet et semblent fondées sur des éléments de preuve insuffisants. Les prétendues preuves se réduisent aux dépositions anonymes d’un « témoin » et d’un « informateur », à l’origine de l’enquête, ainsi qu’à des conversations privées sur des applications de messagerie entre militants, diplomates étrangers, journalistes et chercheurs. Le procès s’est ouvert le 4 mars 2025.

Le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a publié en août 2024 un avis au sujet de l’incarcération d’Issa et de sept autres personnes poursuivies dans cette affaire, confirmant qu’elles étaient bien détenues de façon arbitraire. Le Groupe de travail a appelé les autorités tunisiennes à les libérer immédiatement, à garantir leur droit à réparation et à enquêter sur les circonstances entourant leur arrestation et détention arbitraires.

Dans une affaire distincte, le 10 octobre 2024, la Cour d’appel militaire de Tunis a condamné Issa à une peine de six mois avec sursis pour des commentaires qu’elle avait faits lors d’une interview radiophonique à propos du rôle joué par l’armée lors des élections législatives de 2022. Elle avait été condamnée en première instance, le 13 décembre 2023, à un an de prison avec sursis en vertu du décret-loi 54, du Code de la justice militaire et du Code pénal.

Abdelhamid Jelassi Click to expand Image Abdelhamid Jelassi. © Privé

Abdelhamid Jelassi, un militant politique de 64 ans, ancien membre du parti Ennahda, a été arrêté le 11 février 2023 dans le cadre de la fameuse affaire dite « de complot ». Dans cette affaire, un juge d’instruction de Tunis a inculpé des avocats, des opposants politiques, des militants et des hommes d’affaires de conspiration pour renverser l’autorité du président Saied en déstabilisant le pays.

Le 2 mai 2024, 40 des 52 personnes initialement accusées, dont Jelassi, ont été inculpées et déférées devant le tribunal en vertu de nombreux articles du Code pénal et de la loi antiterrorisme de 2015, dont certains passibles de la peine de mort. Jelassi, qui n’a été entendu qu’une fois par le juge d’instruction, fait l’objet de chefs d’inculpation liées au terrorisme et à la conspiration, pour avoir publié des articles critiquant la confiscation du pouvoir par le président Saied, l’avoir qualifiée de « coup d’État » à la radio, et pour avoir communiqué avec des opposants politiques et des ressortissants étrangers sur les moyens de dialoguer avec d’autres nations au sujet de la situation politique de la Tunisie. Il était détenu depuis 24 mois au moment de la rédaction de ce rapport, dépassant la limite de 14 mois de détention provisoire prévue en droit tunisien.

Human Rights Watch a consulté les 140 pages de l’ordonnance de clôture du juge d’instruction – clôturant l’instruction est close et renvoyant l’affaire renvoyée devant le tribunal –, qui indique que ces graves accusations paraissent sans objet et semblent fondées sur des éléments de preuve insuffisants. Les prétendues preuves se réduisent aux dépositions anonymes d’un « témoin » et d’un « informateur », à l’origine de l’enquête, ainsi qu’à des conversations privées sur des applications de messagerie entre militants, diplomates étrangers, journalistes et chercheurs. Le procès s’est ouvert le 4 mars 2025.

Jelassi, atteint d’un cancer de la gorge et d’autres problèmes de santé, a besoin de soins hospitaliers réguliers. Depuis son emprisonnement, il a développé des difficultés respiratoires et n’a pas reçu les soins nécessaires.

Le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a publié en août 2024 un avis au sujet de l’incarcération de Jelassi et de sept autres personnes poursuivies dans cette affaire, confirmant qu’elles étaient bien détenues de façon arbitraire. Le Groupe de travail a appelé les autorités tunisiennes à les libérer immédiatement, à garantir leur droit à réparation et à enquêter sur les circonstances entourant leur arrestation et détention arbitraires.

Rached Khiari Click to expand Image Rached Khiari. © Privé

Journaliste et ancien député de la coalition islamiste Al-Karama, Rached Khiari, 42 ans, a été poursuivi à plusieurs reprises depuis 2021 pour avoir critiqué les autorités. Il a passé plus de deux ans en prison pour des délits d’expression, dont deux condamnations prononcées par des tribunaux militaires, a expliqué son avocat Samir Ben Amor à Human Rights Watch.

Un juge d’instruction du Tribunal militaire de première instance de Tunis a émis un mandat d’arrêt contre Khiari en 2021, après qu’il avait affirmé publiquement que le président Saied avait reçu des fonds des États-Unis pour sa campagne présidentielle, a rapporté Ben Amor.Il a été arrêté le 3 août 2022. Le Tribunal militaire de première instance de Tunis s’était au départ déclaré incompétent, au profit de la justice civile, le 17 janvier 2023. Pourtant, le 2 mars 2023, la Cour d’appel militaire de Tunis a cassé cette décision et a condamné Khiari à six mois de prison pour « complot contre la sûreté de l’État » et « actes de nature à affaiblir la discipline militaire, l’obéissance et le respect dû au président, ou critiques sur l’action du commandement supérieur ou des responsables de l’armée portant atteinte à leur dignité ».

Le 8 décembre 2022, alors qu’il était en détention, Khiari a écopé d’une peine de trois mois de prison, dans une affaire distincte en vertu du Code de justice militaire, pour avoir soi-disant divulgué des informations sur la présence militaire des États-Unis en Tunisie dans une publication Facebook de 2016. Pourtant, selon Ben Amor, ces publications ont été postées par quelqu’un d’autre. Khiari a été libéré le 29 août 2024 après avoir purgé sa peine.

Khiari a néanmoins été de nouveau arrêté le 28 septembre 2024, le lendemain de sa condamnation par la Cour d’appel de Tunis à six mois de prison pour « atteinte à la dignité du président » et pour l’avoir qualifié de « traître » sur Facebook et dans une interview à la radio en 2021. Un tribunal de Tunis l’avait auparavant condamné par contumace à huit mois d’emprisonnement dans cette affaire, le 3 octobre 2022.

Le 10 septembre 2024, Khiari a annoncé qu’il avait quitté la politique et les médias pour se concentrer sur sa santé. Avant son emprisonnement, il était traité pour une tumeur bénigne, qui a depuis évolué en cancer du poumon, avec plusieurs tumeurs protubérantes. Son avocat a déclaré que la négligence, l’absence de diagnostic médical précis et ses mauvaises conditions de détention au sein de la prison de Mornaguia étaient autant de facteurs de l’aggravation de sa maladie.

Ahmed Laamari Click to expand Image Ahmed Laamari. © Privé

Ancien député et membre du parti Ennahda, Ahmed Laamari, 73 ans, a été arrêté le 3 mars 2023 et a passé plus de six mois en détention provisoire au titre d’accusations douteuses de « constitution d’une organisation en vue de préparer et commettre le crime de sortie clandestine du territoire tunisien ». Le 25 septembre 2023, le Tribunal de première instance de Gabès a ordonné sa libération, mais lui a interdit de quitter le gouvernorat de Gabès, dans le sud du pays, en attendant son procès.

Le parquet a ouvert une enquête contre Laamari après qu’un détenu de la prison de Messadine l’a accusé de comploter contre le président Saied et d’envoyer des notes à ce sujet à un autre prisonnier – l’ancien député, ancien ministre et homme d’affaires Mehdi Ben Gharbia – qui était lui-même détenu depuis octobre 2021. Bien que cet informateur se soit rétracté par écrit quelques semaines après le placement en détention de Laamari, le juge a poursuivi les procédures.

Laamari a été arrêté de nouveau le 1er décembre 2023, à son domicile de Gabès, par des agents de la brigade antiterroriste de la Garde nationale. Le 14 décembre 2023, un juge d’instruction du pôle antiterroriste du Tribunal de première instance de Tunis l’a interrogé et écroué, a indiqué son avocat à Human Rights Watch. Il reste accusé de chercher à « changer la forme du gouvernement », d’« atteinte à la sûreté extérieure de l’État », d’ « offense contre le président » et d’association criminelle. Il est par ailleurs poursuivi pour d’autres chefs d’inculpation en vertu de douze articles de la loi antiterrorisme de 2015, risquant la peine capitale en cas de condamnation. Laamari a été libéré le 25 décembre 2024. Dès le lendemain, il a été réarrêté et brièvement détenu dans sa ville natale de Ben Guerdane, et un tribunal de Gabès l’a condamné à trois mois et demi d’emprisonnement avec sursis, le 27 décembre, pour avoir bravé son interdiction de quitter le gouvernorat de Gabès. Au moment de la rédaction de ce rapport, l’ouverture de son procès pour « complot » était fixée au 25 avril 2025.

Laamari, dont la vue s’est détériorée à cause d’une cataracte (due au diabète) qui avait mal été soignée durant les premiers mois de sa détention arbitraire de 2023, devait subir une opération de chirurgie oculaire autour de son arrestation de mars 2023, puis à nouveau en décembre de la même année. Malgré cela, il n’a pas été autorisé à consulter un spécialiste régulièrement dans la prison de Mornaguia et il a failli perdre l’usage d’un œil. Laamari avait déjà été emprisonné pendant plus de neuf ans, entre 1987 et 2011, pour son appartenance à Ennahda.

Ali Laarayedh Click to expand Image Ali Laarayedh. © 2014 Sipa via AP Images

Âgé de 69 ans, Ali Laareyedh est un ancien ministre de l’Intérieur, ancien Premier ministre et vice-président du parti Ennahda. Il est en détention provisoire depuis le 19 décembre 2022 sur la base d’accusations liées au terrorisme, sans preuves crédibles. Ses chefs d’inculpation liés au terrorisme se fondent sur une loi de 2015 promulguée après que Laareyedh a quitté ses fonctions.

Or, selon le droit international relatif aux droits humains, « nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui ne constituaient pas un acte délictueux d’après le droit national ou international au moment où elles ont été commises ».

Le placement en détention de Laareyedh est survenu dans le cadre d’une enquête plus large sur la façon dont des milliers de Tunisiens ont pu quitter le pays et rejoindre l‘État islamique (aussi connu sous l’acronyme EI) ainsi que d’autres groupes islamistes armés en Syrie, en Irak et en Libye après 2011, date à laquelle le dirigeant autoritaire Zine el-Abidine Ben Ali avait été évincé après une longue période au pouvoir. Le procès s’est ouvert le 28 octobre 2024.

D’après le mandat de dépôt consulté par Human Rights Watch, Laareyedh est accusé de ne pas avoir endigué la propagation du salafisme, une branche de l’islam sunnite prônant le retour aux valeurs fondamentales de la religion, ni l’ascension du groupe armé islamiste Ansar al-Charia, lorsqu'il était ministre. Le juge a justifié le mandat de dépôt par des décisions de Laarayedh et sa mise en œuvre ou non de certaines politiques adoptées lorsqu’il était au pouvoir, y compris en matière de nominations au sein de son ministère, et non pas par des actes criminels précis. Laareyedh n’a été entendu par un juge d’instruction qu’une seule fois, le 19 décembre 2022, au cours de ses plus de 25 mois de détention provisoire. Les avocats de Laareyedh ont déposé plainte contre la police qu’ils soupçonnent d’avoir falsifié des documents clés du dossier de l’affaire. La plainte n’a toujours pas été traitée.

Dans une affaire distincte, Laareyedh a également été inculpé de chercher à « changer la forme du gouvernement », d’« atteinte à la sûreté extérieure de l’État » et d’« offense contre le président », ainsi que d’autres chefs d’inculpation, dont certains liés au terrorisme, a déclaré un de ses avocats à Human Rights Watch. Il encourrait la peine de mort s’il était reconnu coupable. D’autres personnalités publiques, parmi lesquels des partisans comme des opposants du président Saied, ont été poursuivies dans cette affaire.

Laareyedh a été l’un des prisonniers politiques restés le plus longtemps derrière les barreaux sous la présidence de Zine El Abidine Ben Ali. Torturé, il a passé plus de 11 ans, sur ses 15 ans d’emprisonnement, à l’isolement.

Abir Moussi Click to expand Image Abir Moussi. © 2019 AP Photo/File

Âgée de 50 ans, Abir Moussi est avocate et présidente de l’un des principaux partis d’opposition tunisiens, le Parti destourien libre (PDL). Elle était également députée du Parlement de 2019, dissous par le président Saied en mars 2022. Le 28 septembre 2023, le PDL a annoncé officiellement la candidature de Moussi à l’élection présidentielle de 2024. Quelques jours plus tard, le 3 octobre 2023, les forces de sécurité ont arrêté Moussi devant un bâtiment administratif proche du palais présidentiel de Carthage.

Le jour de son arrestation, Moussi avait tenté de déposer un recours contre des décrets présidentiels redessinant les circonscriptions électorales et organisant les élections locales. Des fonctionnaires avaient arbitrairement refusé d’enregistrer son recours. Moussi a alors décidé de protester contre cette décision en diffusant sur Facebook une vidéo en direct, filmée devant le bâtiment administratif, avant d’être arrêtée, a rapporté son avocat Nafaa Laribi. Moussi s’est vue refuser de voir ses avocats jusqu’à son audience avec un juge d’instruction, qui a ordonné son placement en détention le 5 octobre 2023.

Moussi est accusée d’avoir cherché à « changer la forme du gouvernement, inciter les gens à s’armer les uns contre les autres ou provoquer le désordre » et d’avoir « incité [des fonctionnaires], par violences, voies de fait, menaces ou manœuvres frauduleuses, à une cessation individuelle ou collective de travail », ainsi que de chefs d’inculpation liés au traitement de données personnelles sans consentement. Elle risquerait la peine de mort si elle était reconnue coupable.

D’après Laribi, les forces de sécurité ont fait usage d’une force excessive lors de l’arrestation de Moussi, au point de lui causer des blessures physiques, et l’ont privée d’accès à des soins médicaux, ce qui lui a valu des complications de santé et un transfert à l’hôpital le 3 octobre 2024.

Moussi fait l’objet de plusieurs autres poursuites judiciaires, notamment en vertu du décret-loi 54 sur la cybercriminalité.

Entre décembre 2022 et mars 2023, l’instance électorale a déposé quatre plaintes fondées sur ce texte de loi à l’encontre de Moussi, dont deux au moins sont liées à des critiques du processus électoral qu’elle avait publiquement exprimées, à l’instar d’une lettre ouverte au président Saied dénonçant le manque de légitimité de l’instance.En février 2024, Moussi a été placée en détention dans le cadre de deux enquêtes sur la base de l’article 24 du décret-loi 54 sur la cybercriminalité à la suite de deux des plaintes de l’Instance. Le 5 août 2024, le Tribunal de première instance de Tunis l’a condamnée à deux ans de prison pour ses commentaires sur les élections législatives. Le 22 novembre 2024, la peine de Moussi a été réduite en appel à seize mois de prison. Au moment de la rédaction de ce rapport, elle attend toujours d’être jugée pour une deuxième affaire basée sur le décret 54. 

Rached Tamboura

Étudiant en calligraphie, artiste de rue et graphiste indépendant âgé de 28 ans, Rached Tamboura est incarcéré depuis le 18 juillet 2023 pour des graffiti dénonçant la politique du président Saied vis-à-vis des migrants ressortissants de pays africains et l’accord sur la migration passé entre la Tunisie et l’Union européenne.

Ce jour-là, des agents de police ont arrêté Tamboura dans la rue, dans sa ville de Monastir, au sud-est de Tunis, et l’ont interrogé sur des publications sur les réseaux sociaux affichant une image d’un pochoir sur le mur d’un bâtiment administratif de la délégation de Monastir, a indiqué à Human Rights Watch un de ses avocats. L’image, qui a circulé sur Internet, est composée d’un petit portrait de Saied, assorti des mots « raciste, vassal, cupide, fasciste », à côté d’une esquisse du continent africain.

Le procureur de la République a accusé Tamboura d’« offense contre le président » et d’utiliser les réseaux de communication en vue de « produire, répandre, diffuser [...] de fausses nouvelles, de fausses données [et] des rumeurs » dans le but de « diffamer un agent public, porter atteinte à sa réputation, lui nuire financièrement ou moralement », d’« inciter au discours de haine », de « porter atteinte à [ses] droits » et de « porter préjudice à la sûreté publique ou à la défense nationale ou de semer la terreur parmi la population ». Tamboura a été placé en détention provisoire le 20 juillet 2023, après une unique audience avec un juge d’instruction, a rapporté son avocat.

Le 4 décembre 2023, le Tribunal de première instance de Monastir a condamné Tamboura à deux ans de prison, selon le jugement consulté par Human Rights Watch. Le 31 janvier, la Cour d’appel de Monastir a abandonné l‘accusation d’« offense contre le président », tout en confirmant la condamnation initiale, selon l’avocat. 

Khayam Turki Click to expand Image Khayem Turki. © Privé

L’homme politique Khayam Turki, qui a 59 ans, a été arrêté le 11 février 2023, à son domicile de Tunis par des agents de la brigade antiterroriste de la Garde nationale, dans le cadre de la fameuse affaire dite « de complot ». Dans cette affaire, un juge d’investigation? a inculpé des avocats, des opposants politiques, des militants et des hommes d’affaires de complot visant à renverser l’autorité du président Saied en déstabilisant le pays.

Le 2 mai 2024, 40 des 52 personnes initialement accusées, dont Turki, ont été inculpées et déférées devant le tribunal en vertu de nombreux articles du Code pénal et de la loi antiterrorisme de 2015, dont certains passibles de la peine de mort. Khayam a été inculpé d’« atteinte à la sécurité alimentaire et à l’environnement, de façon à compromettre l’équilibre des systèmes alimentaire et environnemental », de financement d’une organisation « terroriste » et de complot contre la sûreté intérieure et extérieure de l’État. Il était détenu depuis 24 mois au moment de la rédaction de ce rapport, dépassant la limite de 14 mois de détention provisoire prévue en droit tunisien.

Human Rights Watch a consulté les 140 pages de l’ordonnance de clôture du juge d’instruction – clôturant l’instruction et renvoyant l’affaire devant le tribunal –, qui indiquent que ces graves accusations paraissent sans objet et semblent fondées sur des éléments de preuve insuffisants. Les prétendues preuves se réduisent aux dépositions anonymes d’un « témoin » et d’un « informateur », à l’origine de l’enquête, ainsi qu’à des conversations privées sur des applications de messagerie entre militants, diplomates étrangers, journalistes et chercheurs. Le procès s’est ouvert le 4 mars 2025.

Le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a publié en août 2024 un avis au sujet de l’incarcération de Turki et de sept autres personnes poursuivies dans cette affaire, confirmant qu’elles étaient bien détenues de façon arbitraire. Le Groupe de travail a appelé les autorités tunisiennes à les libérer immédiatement, à garantir leur droit à réparation et à enquêter sur les circonstances entourant leur arrestation et détention arbitraires.

Les autorités se sont appuyées sur un arsenal juridique agressif, notamment sur des accusations infondées liées à la sécurité et au terrorisme en vertu du code pénal ainsi que sur la loi antiterrorisme de 2015, qui confère aux forces de sécurité des pouvoirs étendus de surveillance, autorise à retenir un suspect jusqu’à 15 jours en garde à vue et permet aux informateurs et aux témoins de demeurer anonymes. Les autorités ont aussi eu recours à des lois qui violent les droits à la liberté d’expression et à la vie privée, notamment à certaines dispositions du code pénal et du code des télécommunications, ainsi qu’au décret-loi 54 sur la cybercriminalité. De nombreuses personnes détenues dont le cas est documenté dans ce rapport ont été inculpées de « tentative de changer la forme du gouvernement », qui est passible de la peine de mort.

Les autorités tunisiennes ont maintenu de nombreuses personnes les ayant critiquées en détention provisoire pendant plus de 14 mois, ce qui est pourtant le délai maximal autorisé par le droit tunisien. Par ailleurs, les autorités judiciaires ont régulièrement amené de nouvelles inculpations ou émis de nouveaux mandats de dépôt afin de garder certaines personnalités derrière les barreaux, parfois sans même les faire comparaître devant un juge, a constaté Human Rights Watch. 

Les attaques répétées des autorités contre la justice, en particulier le démantèlement du Conseil supérieur de la magistrature par le président Saied, ont gravement sapé son indépendance et porté atteinte au droit des Tunisiens à un procès équitable. Les autorités ont également ciblé des avocats de la défense, à travers un harcèlement judiciaire, des poursuites pénales et des interdictions de voyager, pour avoir légitimement exercé leur profession. Enfin, les autorités tunisiennes ont poursuivi, condamné, et détenu des civils jugés critiques des autorités devant les tribunaux militaires, qui ne devraient pourtant pas être compétents pour juger des civils.

Human Rights Watch a constaté que les personnes détenues subissaient souvent des conditions d’incarcération très dures et que les autorités n’avaient pas fourni de soins médicaux adéquats à plusieurs personnes en détention pour l’expression pacifique de leurs opinions ou leurs activités politiques. Dans certains cas, elles sont exposées 24 heures sur 24 à une surveillance vidéo et à une lumière artificielle, ou subissent des fouilles à nu.

La journaliste Chadha Hadj Mbarek, qui a un handicap auditif, et qui purge une peine de cinq ans pour « tentative de changer la forme du gouvernement », fait face à de mauvaises conditions de détention et un manque d’aménagements et d’aide raisonnables. Alors qu’elle rencontre des difficultés pour entendre ses proches lors des visites familiales, en raison de la configuration des parloirs, elle ne reçoit aucun soutien pour pouvoir communiquer. De plus, l’administration pénitentiaire l’a empêchée d’accéder à ses médicaments, a témoigné son frère Amen à Human Rights Watch.

« Elle a perdu son moyen de subsistance et le fait qu’on l’associe à un complot et au terrorisme lui donne le sentiment d’être une paria », a-t-il déclaré.

La Tunisie est un État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, qui garantissent le droit à la liberté d’expression et de réunion, à un procès équitable et à ne pas subir d’arrestation ou de détention arbitraires.

Les autorités tunisiennes devraient immédiatement libérer toutes les personnes arbitrairement détenues, retirer les inculpations abusives à leur encontre et cesser de poursuivre des individus en justice pour l’exercice de leurs droits humains. Les partenaires internationaux de la Tunisie devraient exhorter le gouvernement à mettre fin à sa répression et à préserver un espace de liberté d’expression, d’association et de réunion.

L’Union européenne et ses États membres, qui jusqu’ici, ont dans l’ensemble failli à s’exprimer sur la situation désastreuse des droits humains, devraient exprimer publiquement leur inquiétude sur le recul des droits en Tunisie et réexaminer toute coopération avec le pays pour veiller à ce qu’elle soit conditionnée au respect de ses obligations internationales vis-à-vis des droits humains. La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples devrait presser la Tunisie de se conformer immédiatement aux jugements contraignants de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.

« Les partenaires internationaux de la Tunisie ont persisté à ignorer la détérioration de la situation des droits humains en Tunisie, alors même que des opposants politiques et des personnes critiques écopent coup après coup de lourdes peines de prison », a conclu Bassam Khawaja. « La communauté internationale a l’urgente responsabilité de faire tout son possible pour obtenir la libération de toutes les personnes injustement incarcérées. »

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15.04.2025 à 19:53

En Tanzanie, l'arrestation du chef de l'opposition jette une ombre sur la prochaine élection présidentielle

Human Rights Watch
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Click to expand Image Le leader de l'opposition tanzanienne Tundu Lissu, chef du parti Chadema, s’apprêtait à comparaître devant un juge au Tribunal d'instance de Kisutu à Dar es Salaam, en Tanzanie, le 10 avril 2025, au lendemain de son arrestation à Mbinga, dans le sud-ouest du pays.  © 2025 Emmanuel Herman/Reuters

La semaine dernière, les autorités tanzaniennes ont arrêté le principal candidat de l'opposition à la prochaine élection présidentielle, Tundu Lissu, sur la base d'accusations infondées. Elles ont ensuite utilisé les appels de son parti à des réformes électorales comme prétexte pour exclure sa candidature. Ceci fait suite à de précédentes actions du gouvernement de la présidente Samia Suluhu Hassan, visant à réprimer l'opposition politique et les voix critiques.

Les autorités ont inculpé Tundu Lissu de trahison et de « publication de fausses informations » en ligne, et l'ont placé en détention ; elle l’ont aussi accusé d'inciter le public à faire obstruction aux élections prévues en octobre, son parti, le Chadema (abréviation de « Chama Cha Demokrasia na Maendeleo », Parti pour la démocratie et le développement), ayant appelé à un éventuel boycott du scrutin. Le Chadema a appelé le gouvernement à entreprendre des « réformes électorales fondamentales » dans le cadre de sa campagne « Pas de réformes, pas d'élections » (« No Reform, No Election »).

En Tanzanie, la trahison est passible de la peine de mort, et les personnes accusées de ce délit ne peuvent pas bénéficier d’une libération sous caution.

Le 12 avril, la Commission électorale nationale indépendante (INEC), l'organisme électoral tanzanien, a disqualifié Chadema de la participation aux élections après que des responsables de ce parti ont refusé de signer le Code de déontologie électorale de 2025. Chadema avait indiqué que le parti ne signerait pas ce code tant que le gouvernement n'aurait pas entrepris de réformes électorales. Gaston Garubindi, directeur des affaires juridiques et des droits humains de Chadema, a déclaré à Human Rights Watch qu'il pensait que le gouvernement ciblait délibérément Tundu Lissu afin de faire dérailler la campagne pro-réformes du parti.

Des gouvernements tanzaniens successifs ont réprimé l'opposition politique lors des précédentes élections. Avant les élections de 2020, le gouvernement de l'ancien président John Magufuli avait arrêté arbitrairement de nombreux dirigeants, responsables et sympathisants de partis d'opposition, dont Lissu. Il avait également suspendu des médias, censuré les communications mobiles et bloqué les réseaux sociaux.

Avant les élections locales de novembre 2024, le gouvernement de la présidente Suluhu, arrivée au pouvoir après la mort de Magufuli en 2021, a arrêté arbitrairement des centaines de partisans du Chadema, imposé des restrictions d'accès aux réseaux sociaux et interdit des médias indépendants. Les autorités ont été impliquées dans l'enlèvement et l'exécution extrajudiciaire d'au moins huit détracteurs du gouvernement. Le Chadema a déclaré que des milliers de ses candidats avaient été disqualifiés.

La situation semble tout aussi préoccupante pour les élections prévues plus tard cette année.

Les gouvernements préoccupés devraient exhorter la présidente Suluhu à mettre fin à ces mesures répressives, et à garantir le respect des droits fondamentaux et des libertés en Tanzanie, afin que les citoyens puissent bénéficier des élections libres et équitables auxquelles ils ont droit.

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14.04.2025 à 18:09

Soudan : Après deux ans de guerre, une action internationale est requise

Human Rights Watch
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Click to expand Image La carcasse d’un véhicule était immobilisée non loin de l'Hôpital universitaire Al-Shaab, partiellement détruit lors de violents affrontements entre les Forces de l’armée soudanaise (FAS) et les Forces de soutien rapide (FSR) à Khartoum, au Soudan, le 29 mars 2025.  ©2025 Mohammed Nzar Awad/Anadolu via Getty Images

(Nairobi, 14 avril 2025) – Alors que le conflit au Soudan entre dans sa troisième année, les dirigeants réunis à Londres devraient s'efforcer d’urgence de protéger les civils et de garantir un acheminement de l'aide humanitaire sûr et sans entrave, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. La conférence, coorganisée par le Royaume-Uni, l'Union européenne, la France et l'Allemagne, se tient alors que les civils à travers le Soudan continuent d'être victimes d'abus flagrants et de violences délibérées.

Les Forces de soutien rapide (FSR, ou RSF en anglais) et les Forces armées soudanaises (FAS, ou SAF en anglais) ont commis des exactions généralisées, notamment des exécutions extrajudiciaires, des violences sexuelles, des pillages généralisés et la destruction d'infrastructures civiles depuis le début du conflit le 15 avril 2023. Les FSR et les milices alliées ont commis des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité dans le cadre d'une campagne de nettoyage ethnique au Darfour occidental. Des dizaines de milliers de personnes ont été tuées et d'autres blessées. On estime que 12,9 millions de personnes ont fui leur foyer ; La moitié de la population soudanaise souffre de faim aiguë, et la famine se propage.

« Depuis deux ans, les belligérants soudanais soumettent la population à d'horribles exactions et souffrances, et bloquent l'aide humanitaire, plongeant le pays dans l'une des pires catastrophes humanitaires au monde », a déclaré Mohamed Osman, chercheur sur le Soudan à Human Rights Watch. « Les dirigeants internationaux devraient veiller à ce que les discussions visant à améliorer la situation humanitaire s'accompagnent d'engagements au plus haut niveau en faveur de la protection des civils. »

Le Royaume-Uni, en tant que pays co-organisateur de la conférence, devrait s'appuyer sur les efforts déployés par le passé au Conseil de sécurité des Nations Unies pour faire avancer le débat sur la protection des civils. Les participants devraient veiller à ce que d’autres pays, notamment ceux d'Afrique et du Moyen-Orient, prennent des engagements concrets en faveur de la protection des civils soudanais, par exemple en formant une coalition de pays déterminée à agir dans ce sens en envisageant des options telles que le déploiement d'une mission de protection des civils, a déclaré Human Rights Watch.

Soudan, deux ans de conflit Plus d'infos

Les pays participant à la conférence de Londres devraient également reconnaître publiquement le rôle vital des secouristes locaux et des professionnels de santé, s'engager à leur apporter soutien et protection, et indiquer clairement que les crimes de guerre tels que les attaques contre les installations et le personnel médicaux auront des conséquences.

Ces dernières semaines, les FAS ont repris le contrôle de zones auparavant sous le contrôle des FSR. Le 27 mars 2025, le lieutenant-général Abdel Fattah al-Burhan, commandant des FAS, a annoncé que ses forces avaient repoussé les FSR hors de la capitale, Khartoum, largement sous leur contrôle depuis le début du conflit. Le 20 mars, l'ONU a signalé que des dizaines de civils, dont des travailleurs humanitaires locaux, avaient été tués par des bombardements aériens et des tirs d’artillerie, que les FSR avaient exécuté sommairement des personnes à leur domicile, et que les forces des deux camps avaient pillé des biens civils et des fournitures d'aide humanitaire.

Trois volontaires à Khartoum ont déclaré à Human Rights Watch que, dans les mois précédant leur expulsion des FSR par les FAS, celles-ci avaient ciblé des cantines communautaires dans les zones sous leur contrôle, arrêtant plusieurs volontaires, pillant des réserves de nourriture et imposant des « frais de protection ». Les FAS ont également intimidé et arrêté des volontaires dans les zones sous leur contrôle.

Le 3 avril, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Volker Türk, s’est déclaré « consterné par les informations faisant état d’exécutions extrajudiciaires généralisées de civils à Khartoum après sa reprise par les Forces armées soudanaises le 26 mars ».

Alors que les personnes déplacées commencent à rentrer à Khartoum, des images confirment la destruction massive d'infrastructures civiles et le pillage de biens. Des médias internationaux ont rapporté la découverte d'un centre de détention géré par les FSR et d’une fosse commune contenant plus de 500 corps, ce nombre pouvant atteindre 550 ; d'anciens détenus ont parlé de torture et de famine sur ce site.

« À notre retour à Khartoum, nous avons trouvé la ville en ruines », a déclaré à Human Rights Watch une femme de 51 ans rentrée chez elle à Bahri, ville jumelée à Khartoum. « Dans notre quartier, tout le monde a perdu un proche ou un voisin à cause des combats. Certains de nos voisins sont portés disparus depuis des mois. Nous avons découvert que des gens utilisaient une aire de jeux à proximité comme cimetière, faute de pouvoir enterrer leurs proches correctement dans le cimetière. »

Les civils sont toujours la cible d'attaques dans les zones où les hostilités se poursuivent. Depuis près d'un an, les combats incessants à El Fasher, capitale du Darfour-Nord, ont fait d'innombrables victimes et contraint nombre d'entre eux à fuir vers Zamzam, un camp de déplacés situé à 15 kilomètres de là, où la famine a été déclarée pour la première fois en août 2024 et que les FSR ont attaqué à plusieurs reprises en 2025. En janvier 2025, une frappe de drone présumée sur un hôpital d'El Fasher a tué des dizaines de personnes. Ces attaques ont contraint le Programme alimentaire mondial des Nations Unies à suspendre la distribution de nourriture en février. Selon l'ONU, au moins 70 enfants ont été tués ou blessés à El Fasher au cours des trois derniers mois. Les dirigeants réunis à Londres devraient exhorter les parties belligérantes à El Fasher et dans ses environs à protéger les civils, à autoriser la circulation des personnes et à acheminer l'aide humanitaire en toute sécurité, conformément à leurs obligations en vertu du droit international humanitaire et à la résolution du Conseil de sécurité adoptée en juin 2024.

Pendant l'offensive des FAS visant à reconquérir l'État de Gezira, largement sous contrôle des RSF, entre décembre 2023 et février 2025, les FAS et les milices alliées ont attaqué des civils dans la capitale régionale, Madani, et aux alentours. Human Rights Watch a constaté que le Bouclier du Soudan, un groupe armé combattant aux côtés des FAS, a intentionnellement pris pour cible des civils et leurs biens lors d'une attaque contre le village de Tayba le 10 janvier 2025, tuant au moins 26 personnes. Les FSR, qui ont commis des exécutions sommaires, des viols et des pillages à grande échelle dans la Gezira alors que cet État était sous leur contrôle, ont aussi continué d'attaquer certaines parties de l'État, tuant au moins 18 personnes en mars 2025.

Les bombardements aériens menés par les FAS se poursuivent ; en mars, une attaque contre un marché bondé à Tora, au Darfour-Nord, aurait tué et blessé des dizaines de personnes.

Les deux camps entravent l'acheminement de l'aide et continuent de cibler les intervenants locaux, tandis que les coupes budgétaires dans l'aide humanitaire, notamment celles imposées par l'administration Trump, ont encore davantage compromis les opérations humanitaires, notamment la capacité opérationnelle des intervenants locaux. Des experts de l'ONU ont déclaré en juin 2024 que les deux parties utilisaient la famine comme arme de guerre. Le 14 mars 2025, le Secrétaire général de Médecins sans frontières (MSF) s'adressant au Conseil de sécurité des Nations Unies, a souligné que « la violence contre les civils attise les besoins humanitaires ».

L'impunité pour les crimes commis au Soudan enhardit les forces responsables des exactions, a déclaré Human Rights Watch. Le 18 février 2025, Volker Türk a déclaré que « l’obligation de rendre des comptes, quels que soient le rang et l'affiliation des auteurs des violations, est essentielle pour briser le cycle récurrent de la violence et de l'impunité au Soudan ».

Les gouvernements réunis à Londres devraient également s'engager à mettre fin à l'impunité, notamment en garantissant le soutien politique et financier nécessaire aux enquêtes en cours, notamment celles menées par la Cour pénale internationale, la Mission d'établissement des faits de l'ONU et la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, et en incitant les parties belligérantes à autoriser l'accès au Soudan à des observateurs et enquêteurs indépendants.

Un autre facteur clé qui alimente la violence et encourage les parties belligérantes est le flux incessant d'armes provenant d'acteurs extérieurs. En septembre 2024, Human Rights Watch a documenté l'utilisation d'équipements apparemment nouvellement acquis de fabrication étrangère dans des régions du Soudan, notamment au Darfour, bien qu’un embargo sur les armes imposé par l'ONU y soit toujours en vigueur.

Les dirigeants réunis à Londres devraient condamner les violations de l'embargo sur les armes, notamment par les Émirats arabes unis, et s'engager à étendre cet embargo et le régime de sanctions de l'ONU, ainsi qu'à empêcher la vente d'armes susceptibles de tomber entre les mains des belligérants soudanais.

« Les dirigeants mondiaux ont l'occasion de prendre des mesures plus fermes pour empêcher les belligérants au Soudan de commettre davantage d’atrocités contre les civils, et pour insister sur l'acheminement d’aide humanitaire aux personnes qui en ont le plus besoin », a conclu Mohamed Osman. « Les dirigeants devraient fournir une aide vitale, apporter un soutien financier et politique aux intervenants locaux, appuyer les efforts de justice et soutenir la création d'une mission internationale de protection des civils. »

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Articles

Mediapart  France24  RFI  

BBC Afrique 

 

Radio 

RFI (itw J.-B. Gallopin)  

 

11.04.2025 à 06:00

États-Unis/Salvador : Les Vénézuéliens expulsés ont subi une disparition forcée

Human Rights Watch
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Des proches de migrants vénézuéliens expulsés des États-Unis vers le Salvador, où ils ont été transférés dans une prison de haute sécurité, participaient à une veillée aux chandelles en guise de protestation silencieuse devant l'ambassade du Salvador à Caracas, au Venezuela, le 2 avril 2025. © 2025 Juan Barreto /AFP via Getty Images

(Washington, 11 avril 2025) – Les gouvernements des États-Unis et du Salvador ont soumis plus de 200 ressortissants vénézuéliens à des disparitions forcées et à des détentions arbitraires, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.

Le 15 mars 2025, le gouvernement américain a expulsé 238 Vénézuéliens vers le Salvador, où ils ont été immédiatement transférés vers le Centre de confinement du terrorisme (Centro de Confinamiento del Terrorismo, CECOT), une gigantesque prison connue pour ses conditions de détention abusives.

Depuis lors, les Vénézuéliens sont détenus au secret. Les autorités américaines et salvadoriennes n'ont pas divulgué la liste des personnes expulsées, mais la chaîne de télévision CBS News a publié une liste de noms qui a fait l’objet d’une fuite. Des proches de personnes apparemment transférées au Salvador ont déclaré à Human Rights Watch que les autorités américaines avaient déclaré ne pouvoir leur communiquer aucune information sur la situation de ces personnes, et les autorités salvadoriennes ne leur ont apporté aucune réponse non plus.

« Ces disparitions forcées constituent une grave violation du droit international relatif aux droits humains », a déclaré Juanita Goebertus, directrice de la division Amériques à Human Rights Watch. « La cruauté des gouvernements américain et salvadorien a privé ces personnes de la protection de la loi, et a causé une immense douleur à leurs familles. »

Les autorités américaines devraient rendre publique l'identité des Vénézuéliens expulsés vers le Salvador. Le gouvernement salvadorien devrait confirmer leur emplacement actuel, préciser si leur détention est légalement fondée, et les autoriser à communiquer avec le monde extérieur.

Human Rights Watch a mené des entretiens avec 40 proches de personnes apparemment expulsées vers le Salvador. Human Rights Watch a adressé une lettre aux autorités salvadoriennes le 5 avril, leur demandant des informations sur l'identité des personnes détenues, leurs conditions de détention au CECOT et le fondement juridique de leur détention. À ce jour, le gouvernement salvadorien n'a pas répondu à ce courrier.

Tous les membres des familles interrogés par Human Rights Watch ont déclaré que les autorités américaines de l'immigration avaient initialement informé leurs proches, qui se trouvaient dans des centres de rétention aux États-Unis, qu'ils seraient renvoyés au Venezuela. Aucun des détenus n'a été informé par avance de son transfert au Salvador, ont indiqué leurs familles.

Le 17 mars, la Maison-Blanche a annoncé que 238 Vénézuéliens avaient été expulsés vers le Salvador. Le gouvernement salvadorien a publié une vidéo montrant les visages de certains d'entre eux, mais aucun des deux gouvernements n'a publié la liste des personnes expulsées et détenues au CECOT, ni expliqué le fondement juridique, le cas échéant, de leur détention. Le même jour, la porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt, a déclaré que 137 personnes avaient été expulsées en vertu de la loi « Alien Enemies Act » de 1798, une loi archaïque et rarement utilisée qui permet au président des États-Unis d'ordonner l'arrestation et l'expulsion de personnes ayant des liens avec « une nation ou un gouvernement hostile ». Karoline Leavitt a ajouté que 101 autres personnes avaient été expulsées en vertu du programme « Titre 8 » (« Title 8 »), conformément aux procédures d'immigration habituelles.

L'administration Trump a invoqué la loi Alien Enemies Act contre un groupe criminel organisé vénézuélien connu sous le nom de « Tren de Aragua », afin de justifier les expulsions. Pourtant, le gouvernement américain n'a présenté aucune preuve établissant que les personnes expulsées étaient affiliées au Tren de Aragua. Un agent du département Immigration et contrôle des douanes des États-Unis (Immigration and Customs Enforcement, ICE) a déclaré que « de nombreux membres du TdA expulsés […] n'ont pas de casier judiciaire aux États-Unis ».

Plusieurs proches de personnes expulsées au Salvador ont aussi montré aux chercheurs de Human Rights Watch des documents gouvernementaux indiquant que ces personnes n'avaient « aucun casier judiciaire » au Venezuela, ni dans d'autres pays d'Amérique latine où elles ont vécu ces dernières années.

L'agence ICE dispose d’un système en ligne de localisation des détenus (Online Detainee Locator System, ODLS), que les avocats et les familles utilisent pour retrouver les personnes détenues aux États-Unis pendant les procédures d'immigration. a recoupé En utilisant les numéros de dossier de certaines personnes expulsées, Human Rights Watch a confirmé qu'elles avaient été radiées du système ODLS. L'agence ICE indique sur son site web, mis à jour le 7 avril, que « l'ODLS ne dispose d'informations que sur les étrangers détenus actuellement sous la garde de l'ICE ou qui ont été libérés de cette garde au cours des 60 derniers jours ». Cela semble indiquer que les noms des proches des Vénézuéliens interrogés par Human Rights Watch ont été supprimés de la liste plus tôt que ne le prévoit la pratique habituelle de l'ICE.

Certains proches de Vénézuéliens expulsés ont déclaré que lorsqu'ils ont appelé les centres de détention américains ou les bureaux de l'ICE pour demander où se trouvaient ces personnes, les autorités leur ont répondu qu'ils ne pouvaient fournir aucune information, que ces personnes n'apparaissaient plus dans le système de localisation ou que leur localisation était inconnue. Dans quelques cas, les autorités les ont informés que leurs proches avaient été expulsés des États-Unis, mais sans préciser où ils avaient été envoyés.

Le 20 mars, CBS News a obtenu et publié une liste interne du gouvernement américain contenant les noms, sans numéro d'identification, de personnes envoyées au Salvador. Ni les autorités salvadoriennes ni les autorités américaines n'ont confirmé l'authenticité de cette liste, bien que Human Rights Watch y ait trouvé tous les noms des cas que l’organisation a documentés.

Plusieurs personnes ont déclaré à Human Rights Watch qu’elles ne connaissaient pas le système judiciaire salvadorien, ni la manière de contacter les autorités compétentes pour obtenir des informations sur leurs proches.

Certaines personnes ont indiqué avoir envoyé un courriel a Andrés Guzman, Haut-commissaire salvadorien aux droits humains et à la liberté d'expression, mais n'avoir reçu qu'un accusé de réception automatique ou une réponse indiquant que leur demande avait été transmise aux « institutions compétentes ». Un avocat salvadorien représentant plusieurs détenus a déclaré à Human Rights Watch qu'il n'avait pas été autorisé à rencontrer ses clients, ni à s'entretenir avec eux.

Plusieurs personnes ont déclaré qu'elles pensaient que leurs proches se trouvaient au Salvador, sur la base de certains indices. Certaines personnes ont identifié le visage ou des parties du corps de leurs proches dans une vidéo publiée par les autorités salvadoriennes. D'autres ont découvert que le nom de leur proche avait été supprimé de la base de données de localisation de l'ICE le 16 mars ou aux alentours de cette date, ou ont trouvé le nom de leur proche sur la liste de CBS News.

Le gouvernement salvadorien n'a invoqué aucun fondement juridique pour la détention des Vénézuéliens expulsés des États-Unis, et n'a fourni aucune indication quant à la date, le cas échéant, de leur libération. Il semble donc que leur détention est totalement arbitraire et potentiellement indéfinie, ce qui constitue une grave violation des obligations du Salvador en matière de droits humains, a déclaré Human Rights Watch.

En vertu de droit international, une disparition forcée survient lorsque les autorités privent une personne de sa liberté et refusent ensuite de révéler son sort ou le lieu où elle se trouve. Cette violation est particulièrement grave car elle soustrait des personnes à la protection de la loi, ce qui accroît le risque de nouveaux abus.

« Personne ne devrait être contraint de rassembler des bribes d’informations provenant des médias ou d’interpréter le silence des autorités pour pouvoir apprendre où ses proches sont détenus », a conclu Juanita Goebertus. « Les autorités salvadoriennes devraient d’urgence divulguer les noms de tous les détenus transférés par les États-Unis, confirmer leur lieu de détention et leur permettre de contacter leurs familles. »

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Articles

7sur7.be/AFP  Humanité.fr  Le Dauphiné

10.04.2025 à 18:22

Chine/Vietnam : Mort suspecte d'un lama tibétain

Human Rights Watch
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Click to expand Image Humkar Dorjé Rinpoché (photo non datée).  © 2025 Tibet.net

(Taipei, 10 avril 2025) – Le gouvernement vietnamien devrait enquêter sur la mort dans des circonstances suspectes d'un haut lama tibétain, Humkar Dorje Rinpoché, à Hô-Chi-Minh-Ville le 29 mars, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.

Humkar Dorje, 56 ans, est décédé après des mois d'inquiétude au sein de la communauté tibétaine quant à son sort et à son bien-être. Ses fidèles en Inde, où de nombreux Tibétains vivent en exil, affirment que les autorités vietnamiennes et chinoises l'ont arrêté au Vietnam après sa fuite du Tibet. Son monastère en Chine, sous tutelle officielle, a au contraire affirmé qu'il était mort d’une maladie lors d'une retraite monastique.

« La mort d'Humkar Dorje Rinpoché au Vietnam est particulièrement préoccupante, compte tenu de la répression sévère exercée par le gouvernement chinois contre les Tibétains et des précédents enlèvements de Tibétains au Vietnam », a déclaré Maya Wang, directrice adjointe pour la Chine à Human Rights Watch. « Les autorités vietnamiennes devraient enquêter de manière crédible et impartiale sur ces allégations et prendre les mesures appropriées, notamment en communiquant les résultats de l'autopsie à la famille d'Humkar Dorje. »

Le haut lama Humkar Dorje dirigeait le monastère de Lung Ngon, dans le comté de Gabde, situé dans la préfecture autonome tibétaine de Golok qui fait partie de la province du Qinghai en Chine. Il comptait des milliers de fidèles en Chine et à l'étranger, notamment au Vietnam. Éducateur de renom, il avait fondé, avec l'autorisation et la supervision des autorités chinoises, une école professionnelle et plus de dix autres écoles dans la province du Qinghai, où il parrainait l'éducation d’enfants de la région.

La disparition et le décès d'Humkar Dorje sont survenus dans le contexte de la répression exercée par le gouvernement chinois contre d'éminents éducateurs tibétains et les écoles qu'ils dirigent, qui promeuvent la langue et la culture tibétaines, au Tibet ainsi que dans des zones à l'est de cette région, dont la préfecture de Golok.

Humkar Dorje était porté disparu depuis au moins le mois de novembre 2024, selon les médias tibétains en exil. Lorsque des habitants du comté de Gabde ont exprimé leur inquiétude à son sujet en décembre, les autorités locales auraient interdit toute discussion publique à son sujet. Ce silence a pris fin le 1er avril, lorsque les autorités du comté de Gabde ont montré aux représentants du monastère un certificat de décès délivré par un hôpital de Hô-Chi-Minh-Ville.

Le 3 avril, des moines du monastère de Lung Ngon ont publié une déclaration publique officielle, affirmant que Humkar Dorje avait « présenté des signes de mauvaise santé », était « parti seul vers un lieu inconnu » à une date non précisée pour une retraite religieuse, et était « mort subitement d’une maladie » au Vietnam le 29 mars, sans donner plus de détails.

Le 5 avril, des disciples de Humkar Dorje vivant en Inde ont toutefois contredit ces affirmations ; ils ont indiqué que le haut lama avait fui vers le Vietnam, après avoir été convoqué par la police chinoise pour un interrogatoire en septembre 2024. Ils ont affirmé que la police vietnamienne, agissant manifestement de concert avec des agents du ministère chinois de la Sécurité d'État, l'avait arrêté le 25 mars. Humkar Dorje est décédé quatre jours plus tard.

La déclaration du monastère est incomplète et pourrait avoir été rédigée sous la contrainte, a déclaré Human Rights Watch, compte tenu du contrôle strict exercé par les autorités chinoises sur la gestion des monastères tibétains.

Les lamas tibétains partent souvent en retraite pour de longues périodes, mais il semble très improbable que les moines du monastère de Lung Ngon aient ignoré où se trouvait le haut lama Humkar Dorje ou s’il avait voyagé à l’étranger, ou qu’ils aient dissimulé des informations pendant plusieurs mois. De plus, si le haut lama était parti en retraite ou avait été malade, les autorités n'auraient aucune raison d'interdire toute discussion sur sa situation.

Des fidèles de Humkar Dorje en Inde ont déclaré qu'il avait fui son monastère fin septembre 2024, après avoir été interrogé à Gabde par des représentants du gouvernement et des forces de sécurité locales. Un article de presse officiel chinois paru le 15 octobre 2024 décrivait la visite d'un haut fonctionnaire du comté au monastère de Lung Ngon pour « inspecter la gestion du temple » ; mais l'article ne mentionnait pas Humkar Dorje, ce qui était inhabituel.

Précédemment, Humkar Dorje était apparemment en bons termes avec les autorités chinoises depuis longtemps. Diplômé en 2001 de l'école nationale chinoise des lamas bouddhistes tibétains, il occupait un poste prestigieux au sein de l'Assemblée populaire du comté, où il était président adjoint du comité permanent du Congrès. Il était également président de la branche de l'Association bouddhique de Chine au comté de Gabde, ce qui en faisait la plus haute figure religieuse de ce comté.

En juillet 2024, Humkar Dorje avait présidé une importante cérémonie religieuse publique au monastère de Lung Ngon, ce qui aurait nécessité une autorisation officielle. En août, des articles de presse officiels l'ont présenté comme l'un des chefs d'une délégation gouvernementale visitant un autre monastère local. En septembre, les médias officiels ont montré un responsable national et des membres d'une délégation provinciale partageant un repas avec Humkar Dorje à son monastère, affirmant que « les divers travaux menés par le temple de Longen [Lung Ngon] ces dernières années ont été pleinement approuvés par les services à tous les niveaux de la province, de la préfecture et du district ».

Les mentions de Humkar Dorje dans des publications officielles chinoises ont cessé fin septembre ; c’est vers cette date qu’il aurait fui au Vietnam, selon ses fidèles qui vivent en exil en Inde.

Les autorités chinoises exercent depuis longtemps une répression transnationale – des violations des droits humains commises au-delà des frontières d'un pays pour réprimer la dissidence – notamment contre les Tibétains vivant à l'étranger, ciblant ceux qui critiquent le gouvernement chinois ou participent à des activités considérées comme menaçantes pour le gouvernement.

Des informations non confirmées émanant d'autres fidèles d'Humkar Dorje indiquent que certains membres du monastère de Lung Ngon qui se trouvaient avec lui au Vietnam pourraient avoir aussi été détenus par les autorités vietnamiennes et remis à la Chine, malgré les risques importants de torture et autres mauvais traitements dans ce pays.

Le gouvernement vietnamien est tenu de respecter le principe de non-refoulement qui est inscrit dans le droit international ; ce principe interdit aux pays de renvoyer une personne vers un autres pays où elle serait exposée à un risque réel de persécution.

En 2022, le gouvernement chinois a précédemment rapatrié, avec la coopération des autorités vietnamiennes, au moins deux dissidents politiques chinois qui avaient fui au Vietnam –  Dong Guangping et Wang Bingzhang – avant d’y être arrêtés.

Conformément au Protocole du Minnesota concernant les enquêtes sur les décès potentiellement illégaux, le gouvernement vietnamien devrait mener une enquête impartiale sur les circonstances du décès de Humkar Dorje, notamment sur le rôle des services de sécurité vietnamiens et sur toute implication éventuelle des services de sécurité chinois ou d’autres responsables de ce pays. Cette enquête devrait inclure une autopsie visant à établir les causes du décès, devant être fournie à la famille lors de la restitution du corps. Le Protocole du Minnesota définit ainsi cette obligation : « En cas d’homicide résultant potentiellement d’un acte illégal, les familles ont le droit, au moins, d’obtenir des informations sur les circonstances de la disparition du défunt, le lieu où se trouve le corps et l’état de la dépouille ainsi que, pour autant qu’elles aient été établies, la cause et le type du décès. »

« Les gouvernements étrangers devraient faire pression sur le gouvernement vietnamien pour obtenir des réponses sur la mort de Humkar Dorjé Rinpoché », a conclu Maya Wang. « Ils devraient tenir les responsables vietnamiens rendent des comptes pour toute complicité dans les pratiques abusives de la Chine au Vietnam, et prendre des mesures pour empêcher qu'elles ne se reproduisent. »

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10.04.2025 à 05:00

Soudan du Sud : Des bombes incendiaires ont tué et brûlé des civils

Human Rights Watch
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Click to expand Image Décombres d'un « tukul » (hutte avec un toit de chaume) dans le village de Mathiang, au Soudan du Sud, suite à une attaque menée par l’armée avec des munitions incendiaires, le 16 mars 2025. De nombreux autres tukuls et biens civils ont été incendiés lors d’attaques menées avec ces armes.  © 2025 Privé

(Nairobi) – L'utilisation par le Soudan du Sud d'armes incendiaires improvisées larguées par voie aérienne a tué des dizaines de personnes, dont des enfants, dans l'État du Haut-Nil, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui ; ces attaques ont aussi infligé d’atroces brûlures à d’autres habitants, et détruit des infrastructures civiles. L'utilisation de ces armes par le gouvernement dans des zones peuplées pourrait constituer une série de crimes de guerre.

Des personnes ont décrit à Human Rights Watch l'utilisation d'armes incendiaires improvisées lors d'au moins quatre attaques dans les comtés de Nasir, de Longechuk et d’Ulang, dans l'État sud-soudanais du Haut-Nil ; ces attaques ont fait au moins 58 morts, et gravement brûlé d'autres personnes. La Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS, ou UNMISS en anglais), dotée d'un mandat solide de protection des civils, devrait établir des bases opérationnelles temporaires dans les zones à haut risque et réagir de manière proactive à la détérioration de la situation. Les membres du Conseil de sécurité de l'ONU devraient exhorter le Soudan du Sud à cesser ses attaques illégales, et exiger le déploiement urgent de forces de maintien de la paix dans les zones touchées.

« Ces armes incendiaires ont tué des dizaines de personnes, dont des enfants, et ont infligé à des survivants de graves brûlures qui risquent d’entraîner des séquelles durables », a déclaré Nyagoah Tut Pur, chercheuse sur le Soudan du Sud à Human Rights Watch. « Le gouvernement devrait immédiatement cesser d'utiliser de manière indiscriminée des armes incendiaires contre des communautés et faciliter l'accès sécurisé à l'aide humanitaire ; l'ONU devrait déployer d'urgence des forces de maintien de la paix dans les zones touchées. »

Les bombardements aériens menés par le gouvernement se sont intensifiés à partir du 16 mars, en réponse à deux attaques : une attaque menée le 4 mars par le groupe armé « White Army » (« Armée blanche », composé surtout de jeunes membres de l’ethnie Nuer) contre une base militaire gouvernementale à Nasir, et une autre attaque menée le 7 mars par des hommes armés contre un hélicoptère de l'ONU, qui a tué un membre d'équipage de l'ONU et plus d'une vingtaine de soldats sud-soudanais.

Carte de l'État du Haut-Nil (Soudan du Sud)

Click to expand Image Lieux des attaques documentées par Human Rights Watch dans le Haut-Nil, au Soudan du Sud, en mars 2025. Ces attaques ont été menées à Mathlang, à Kuich, et à Nasir. © 2025 Human Rights Watch

Le 17 mars, le ministre de l'Information du Soudan du Sud a déclaré que l’Armée de l'air avait bombardé des « zones de la soi-disant Armée blanche », et a insinué à tort que les civils qui ne quittaient pas ces zones pouvaient être légalement pris pour cible. Il a aussi indiqué que l'Ouganda fournissait un soutien technique aux Forces de défense du peuple du Soudan du Sud (South Sudan People’s Defence Forces, SSPDF), ce que l'Ouganda a également confirmé.

Un porte-parole des forces ougandaises (Uganda Peoples’ Defence Forces, UPDF) a déclaré à Human Rights Watch que le soutien apporté par l’UPDF ne comprenait pas d'attaques aériennes ou terrestres, mais qu'il pouvait être envisagé, si le gouvernement sud-soudanais le demandait ou le jugeait nécessaire. L’UPDF a précédemment réfuté les allégations selon lesquelles ses forces auraient ciblé des civils et des biens civils, ou utilisé des « armes chimiques et des barils d'explosifs ».

Les armes incendiaires infligent de terribles brûlures et d’autres blessures physiques, qui peuvent entraîner des dommages psychologiques, des cicatrices et des handicaps à vie, et donc une exclusion sociale et économique. Elles provoquent également des incendies susceptibles de détruire de manière indiscriminée des biens civils. L'utilisation de ces armes dans des zones peuplées viole le droit international humanitaire et, si elle est commise avec une intention criminelle, constitue un crime de guerre.

Le Protocole III à la Convention sur certaines armes classiques interdit explicitement l'utilisation d'armes larguées par voie aérienne conçues pour incendier et brûler des personnes dans des zones comprenant des « concentrations de civils ». Bien que le Soudan du Sud ne soit pas un État partie à ce Protocole, son utilisation de ces armes souligne la nécessité de renforcer le droit international qui les régit.

Image satellite 1 : Mathiang

Click to expand Image Image satellite du 30 mars 2025 montrant des tukuls (maisons) incendiées à Mathiang, au Soudan du Sud, après l’attaque du 16 mars. Les petits cercles blancs correspondent aux structures brûlées. © 2025 Planet Labs PBC (image satellite) / HRW (graphisme).

Human Rights Watch a mené des entretiens avec huit personnes dont des témoins, des secouristes locaux et deux représentants du gouvernement, au sujet de l'attaque du 16 mars à Mathiang, dans le comté de Longechuk.

Des témoins ont décrit des « barils » – des armes incendiaires improvisées – largués depuis ce qui semblait être un avion multimoteur. Une femme de 39 ans a déclaré : « [Le baril] est tombé vers nous, j'ai cru qu'il allait s'abattre sur notre propriété… Puis nous avons vu [l’avion] larguer d’autres barils. En tombant, [ils ont pris feu].»

Une autre femme, âgée de 40 ans, s'est réveillée en sentant « la terre trembler » et a couru dehors. Elle a alors « vu le village en feu ». Elle a ensuite vu les corps calcinés de son voisin, Khor Ruach Kerjiok, de sa femme et de leurs deux enfants âgés de moins de 10 ans. Une autre habitante a déclaré que les corps calcinés de deux femmes, Nyedier Kuach et Nyeget Kier, avaient été retrouvés dans le domicile qu’elles partageaient ; l’une avait 60 ans, l’autre était plus âgée.

Un haut responsable des services de santé a déclaré qu'au moins 21 personnes avaient été tuées, dont trois lors de leur transport vers l'Éthiopie pour y être soignées. Des agents de santé, intervenant avec des ressources très limitées, ont indiqué que les victimes souffraient de brûlures importantes. L'un d'eux a indiqué que les brûlures continuaient de se propager sur les corps des patients, indiquant qu'une substance causant des brûlures avait été utilisée lors de l'attaque.

Les témoignages des personnes sur ce qu’elles ont vu et senti lorsque les armes incendiaires improvisées ont été larguées indiquent que plusieurs types de substances inflammables ont été utilisées comme agents incendiaires.

Un secouriste a expliqué que « la zone où la [substance inflammable] a atterri a brûlé pendant plusieurs jours, avec des crépitements ». La pluie a finalement éteint les incendies, « mais ça sent toujours… pas l'essence ou le kérosène », a-t-il ajouté.

Plusieurs complexes résidentiels ont été incendiés, ainsi qu'une partie du marché et deux pompes à eau, selon un secouriste.

Une vidéo publiée sur les réseaux sociaux le 17 mars montre une fissure dans le sol avec un feu actif visible à l'intérieur. La vidéo révèle une vaste zone brûlée, comprenant plusieurs « tukuls » (petites maisons traditionnelles). Des images satellite montrent une trace de brûlure apparue entre le 16 et le 17 mars, ainsi que des tukuls incendiés à 100 mètres au nord-est du marché.

Deux témoins ont déclaré qu'au moins trois femmes ont fait des fausses couches ou ont donné naissance à des enfants mort-nés à la suite du bombardement.

Image satellite 2 : Nasir

Click to expand Image Image satellite du 25 mars 2025 montrant les séquelles des attaques du 16 et 19 mars à Nasir, au Soudan du Sud. © 2025 Planet Labs PBC (image satellite) / HRW (graphisme).

Des armes incendiaires improvisées larguées par avion ont également été utilisées dans la ville de Nasir les 16 et 19 mars. Deux responsables ont déclaré qu'au moins 22 personnes avaient été tuées et des dizaines de maisons incendiées. Human Rights Watch a également examiné des images satellite montrant des traces de brûlures et des structures incendiées, notamment un ancien site de la MINUSS et des dizaines de structures le long de la route principale, entre le 16 et le 20 mars.

Image satellite 3 : Kuich

Click to expand Image Image satellite du 25 mars 2025 montrant les séquelles des attaques du 21 mars à Kuich, au Soudan du Sud. © 2025 Planet Labs PBC (image satellite) / HRW (graphisme).

Les témoignages recueillis et les photographies suggèrent qu'une arme incendiaire a également été larguée à Kuich, dans le comté d'Ulang, le 21 mars. Trois témoins ont dit avoir vu ce qui semblait être un avion à hélice larguer des barils remplis de substances incendiaires.

« [L'avion] a largué quelque chose qui était en feu et il y a eu une forte explosion [lorsqu'il a touché le sol], et immédiatement tout ce qui était autour a pris feu », a déclaré une personne. « Tout le monde s'est mis à courir dans diverses directions. » Après son retour, il a appris que « des gens [avaient été] tués sur le coup et de nombreuses personnes grièvement blessées ».

Quatre témoins ont déclaré que cette attaque avait tué 15 personnes, dont 3 enfants, et gravement brûlé 17 autres personnes. Un secouriste à Ulang a décrit les victimes, la plupart brûlées : « Leur peau noircie se détachait. Un homme décédé à l'hôpital avait même les dents brûlées. J'ai aussi vu une femme âgée de 70 ans, elle avait de grosses cloques. » Au 30 mars, sept personnes survivantes étaient toujours dans un état critique.

Parmi les structures civiles incendiées figuraient un centre de nutrition et un dispensaire. Un garde, Duop Bichiok Diew, âgé d'une cinquantaine d'années, est décédé des suites de brûlures. Des abris et un marché ont également été détruits.

Des photos publiées sur les réseaux sociaux le 24 mars montrent plusieurs structures réduites en cendres près de la rivière Sobat, à Kuich. À proximité du centre de nutrition, des sites d'impact visibles brûlaient encore. Des images satellite ont confirmé qu'au moins une douzaine de structures avaient brûlé entre le 21 et le 22 mars.

Les attaques menées par le gouvernement contre des zones peuplées des trois comtés, notamment par des tirs d'hélicoptères et des tirs de munitions, se poursuivent, mettant davantage en danger les civils et aggravant la situation humanitaire, déjà marquée par une épidémie de choléra.

Des dizaines de milliers de personnes ont fui le Soudan du Sud, notamment vers l’Éthiopie. L'accès humanitaire reste fortement limité, les organisations humanitaires étant confrontées à la violence et aux restrictions bureaucratiques.

Le Soudan du Sud reste soumis à un embargo sur les armes imposé par l'ONU, interdisant tout soutien militaire extérieur aux parties belligérantes. La participation des forces ougandaises aux opérations constitue une violation de l'embargo. Le Conseil de sécurité devrait dénoncer les violations commises par l'Ouganda et garantir le renouvellement de l'embargo afin de protéger les civils contre les violences illégales, a déclaré Human Rights Watch. Le Conseil devrait aussi faire pression sur le Soudan du Sud pour qu'il garantisse la sécurité des opérations de la mission de l'ONU, et approuve toute demande de renforts onusiens.

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« Le gouvernement du Soudan du Sud continue de faire preuve d'un mépris affligeant envers les civils, en larguant des barils enflammés par voie aérienne », a conclu Nyagoah Tut Pur. « La communauté internationale devrait faire pression sur le gouvernement pour qu'il mette fin à ces attaques illégales, et pour qu’il prenne plutôt des mesures concrètes pour protéger la vie des civils. »

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LaLibre.be

09.04.2025 à 22:13

Iran : Des prisonniers menacés d’amputation des doigts

Human Rights Watch
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Click to expand Image Hadi Rostami. © Kurdistan Human Rights Newtork

(Beyrouth, 9 avril 2025) – Les autorités iraniennes s’apprêtent à exécuter des sentences d’amputation de doigts, dès le 11 avril, à l’encontre de trois hommes emprisonnés pour vol après des procès manifestement iniques, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Tous les États membres des Nations Unies devraient demander d’urgence à l’Iran de respecter ses obligations en matière de droits humains, et de révoquer immédiatement ces peines.

Une source bien informée a déclaré à Human Rights Watch que le 13 mars, le bureau chargé de l’exécution des peines dans la prison centrale d’Oroumieh dans la province iranienne d’Azerbaïdjan-Occidental a convoqué les trois prisonniers. Les trois hommes – Hadi Rostami (38 ans), Mehdi Sharifian (42 ans) et Mehdi Shahivand (29 ans) – ont chacun reçu une lettre du bureau du procureur les informant que leurs peines seraient exécutées dès le 11 avril.

« L’amputation est une forme de torture, tout simplement. Pourtant, l’Iran persiste à infliger des peines cruelles et inhumaines qui vont à l’encontre de ses obligations en matière de droits humains », a déclaré Bahar Saba, chercheuse senior sur l’Iran à Human Rights Watch. « Tous les individus responsables d’ordonner et d’exécuter des actes de torture, comme une amputation, y compris les professionnels de la santé qui y participent, seraient passibles de poursuites pénales en vertu du droit international. »

Les autorités ont prévu que chacun des trois prisonniers subisse une amputation de quatre doigts. Ceci fait suite à l’horrible amputation des doigts de deux frères, Mehrdad Teimouri et Shahab Teimouri, également dans la prison centrale d’Oroumieh, en octobre 2024. Au moins deux autres détenus de la même prison risquent de subir de telles amputations. En vertu des lois iraniennes, les amputations sont en principe effectuées sans anesthésie.

Les autorités iraniennes ont arrêté les trois hommes en août 2017, et les ont accusés d’avoir fait irruption dans plusieurs maisons et volé des coffres-forts. En novembre 2019, à la suite d’un procès d'une iniquité flagrante, la Section 1 du Tribunal pénal de la province d’Azerbaïdjan-Occidental a reconnu les hommes coupables de vol. La cour a condamné les trois à l’amputation de quatre doigts de leur main droite d’une manière telle qu’il ne reste « que la paume et le pouce ».

Les éléments de preuve suggèrent fortement que le procès était entaché d’une iniquité flagrante. Selon les éléments du dossier examinés par Human Rights Watch et des sources bien informées, les hommes n’ont pas eu accès à des avocats pendant la phase d’enquête et n’ont vu un avocat que deux fois : une fois lorsqu’ils ont signé les documents concernant leur détention, et une fois lors d’une audience au tribunal. Les hommes ont également déclaré que les autorités les avaient torturés et maltraités lorsqu’ils étaient détenus par l’unité d’enquête de la police (« Agahi ») à Oroumieh. Les sources indiquent que les autorités ont forcé les hommes à faire des déclarations en guise d’aveux en les battant, en les fouettant et en les suspendant par les mains et les poignets. Les trois hommes ont par la suite rétracté leurs aveux, mais le tribunal s’est fondé sur les déclarations auto-incriminantes faites sous la torture, pour les condamner.

Hadi Rostami a déposé des plaintes pour torture à plusieurs reprises auprès de hauts responsables judiciaires. Human Rights Watch a examiné deux lettres qu’il a écrites, adressées en septembre 2020 et décembre 2022 respectivement aux chefs de la magistrature iranienne et du département de la justice dans la province d’Azerbaïdjan-Occidental.

Hadi Rostami a déclaré dans ses lettres qu’il avait d’abord réfuté les accusations, mais que des policiers l’ont torturé et lui ont infligé d’autres mauvais traitements dont des passages à tabac. Il a ajouté qu’ils l’ont ensuite forcé à signer une feuille blanche qui a par la suite contenu des déclarations incriminantes, qui lui ont été attribuées lorsqu’il a été présenté aux fonctionnaires du ministère public.

Les autorités ont rejeté toutes ces plaintes et n’ont pas mené d’enquêtes promptes, indépendantes, transparentes et approfondies comme l’exige le droit international. La Cour suprême iranienne, dans un verdict examiné par Human Rights Watch, a reconnu que Rostami avait fait des allégations de torture et informé les autorités judiciaires que ses déclarations auto-incriminantes avaient été obtenues sous la torture ; la Cour a néanmoins confirmé les peines d’amputation, sans ordonner une enquête sur les allégations.

Selon Amnesty International, les autorités ont également soumis Hadi Rostami à des tortures en février 2021 en lui infligeant une peine de 60 coups de fouet pour avoir « perturbé l’ordre dans la prison », en entamant une grève de la faim.

Les trois hommes ont passé huit ans en prison, en devant écouter des menaces répétées selon lesquelles les autorités procéderaient aux amputations ; ces menaces constituent en soi une forme de torture ou d’autres mauvais traitements. Dans une lettre de novembre 2024, les hommes ont décrit l’angoisse mentale qu’ils avaient vécue, tout comme leurs familles, comme un « cauchemar horrible qui pourrait devenir réalité à tout moment ». Dans une lettre publiée en mars 2025 par le Réseau des droits humains du Kurdistan (Kurdistan Human Rights Network), Hadi Rostami a de nouveau lancé un appel à la communauté internationale et aux organisations de défense des droits humains pour qu’elles prennent des mesures urgentes afin de mettre fin à ces châtiments inhumains et cruels.

Au moins deux autres détenus de la prison centrale d’Urmia, Kasra Karami et Morteza Esmaeilian, ont été condamnés a des peines d’amputation des doigts.

L’Iran reste parmi la poignée de pays qui maintiennent, imposent et appliquent des peines corporelles. En vertu du droit international, les châtiments cruels et inhumains tels que la flagellation et l’amputation sont strictement interdits. Tous les États parties à la Convention contre la torture sont tenus de poursuivre ou d’extrader toute personne soupçonnée de torture sur leur territoire, a déclaré Human Rights Watch.

La législation iranienne régissant l’exécution des peines de mort et des châtiments corporels exige la présence de professionnels de la santé sur le lieu où les amputations sont effectuées. Les amputations, en vertu de la loi, sont effectuées sans anesthésie, sauf s’il est estimé que leur mise en œuvre sans anesthésie locale ou générale entraînerait des lésions excessives par rapport à ce qui a été ordonné par le juge.

En vertu des codes d’éthique pour les professionnels de la santé, y compris la Déclaration de Tokyo de l’Association médicale mondiale, publiée en 1975, il est interdit aux médecins et autres praticiens médicaux d’approuver, de tolérer ou de participer à la torture et à d’autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants. Un médecin « ne devra jamais fournir les locaux, instruments, substances, ou faire état de ses connaissances pour faciliter l’emploi de la torture ou autre procédé cruel, inhumain ou dégradant » ni être présent lors de tels actes. Tout comme des fonctionnaires impliqués dans des actes de torture, les médecins qui participent à ces actes peuvent être tenus pénalement responsables.

Tous les États membres de l’ONU devraient condamner fermement les peines d’amputation et autres formes de châtiments corporels et prendre des mesures pour les empêcher, a déclaré Human Rights Watch. Les pays qui reconnaissent le principe de compétence universelle devraient enquêter sur toute personne soupçonnée d’avoir commis des actes de torture, y compris ceux qui sont autorisés par le système judiciaire iranien, comme les amputations et les flagellations, et engager des poursuites pénales contre ces personnes.

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09.04.2025 à 21:58

Thaïlande : Arrestation d’un universitaire américain accusé de lèse-majesté

Human Rights Watch
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Click to expand Image L’universitaire américain Paul Chambers, enseignant à l'Université Naresuan, dans la province de Phitsanulok en Thaïlande, en avril 2025. © 2025 Thai Lawyers for Human Rights (TLHR)

(Bangkok) – Les autorités thaïlandaises devraient immédiatement libérer Paul Chambers, éminent spécialiste des études thaïlandaises, et abandonner les accusations infondées portées contre lui, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.

Le 8 avril, Paul Chambers a été arrêté par la police de la province de Phitsanulok, en vertu d'un mandat d'arrêt daté du 31 mars et basé sur des accusations de lèse-majesté (insulte envers la monarchie) et de cybercriminalité. Le tribunal provincial de Phitsanulok a rejeté sa demande de libération sous caution, invoquant le risque accru de fuite, en raison de sa citoyenneté américaine et le fait que les infractions présumées sont passibles de lourdes peines. Chambers est actuellement en détention provisoire à la prison provinciale de Phitsanulok.

« Les autorités thaïlandaises utilisent depuis longtemps la loi sur le crime de lèse-majesté de manière abusive contre les citoyens thaïlandais, mais semblent désormais prêtes à violer aussi les droits des étrangers », a déclaré Elaine Pearson, directrice de la division Asie à Human Rights Watch. « Les poursuites infondées contre Paul Chambers constituent une grave menace pour la liberté académique et la liberté d'expression en Thaïlande. »

Paul Chambers est réputé pour ses recherches sur les relations entre les autorités civiles et militaires en Thaïlande et au-delà, en Asie du Sud-Est. Il enseigne au Centre d'études communautaires de l’Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) à l'Université Naresuan, dans la province de Phitsanulok.

Les poursuites contre Paul Chambers font suite à une plainte déposée par l'armée thaïlandaise, l'accusant d'être responsable d'un texte publicitaire annonçant un webinaire universitaire sur les forces de sécurité thaïlandaises en octobre 2024 ; l'armée accusait ce texte de critiquer la monarchie. Chambers était l'intervenant lors de ce webinaire, organisé par l'Institut d'études de l'Asie du Sud-Est de Singapour. Il est également accusé d'avoir porté atteinte à la sécurité nationale en diffusant des informations déformées ou fausses en ligne.

Paul Chambers a nié toutes les accusations, affirmant n'avoir ni rédigé ni publié ce texte.

Des groupes royalistes et ultraconservateurs ciblent Paul Chambers depuis de nombreuses années, notamment en diffusant des campagnes de désinformation et de haine en ligne, et en faisant pression sur les autorités thaïlandaises pour qu'elles révoquent son visa et le fassent expulser de l'université.

L'article 112 du Code pénal thaïlandais, relatif au crime de lèse-majesté, prévoit une peine pouvant aller jusqu'à 15 ans de prison. L'article 14 de la Loi sur la cybercriminalité de 2007 (Computer Crime Act) prévoit une peine pouvant aller jusqu'à cinq ans de prison.

Le nombre d’affaires relative au crime de lèse-majesté en Thaïlande est en forte augmentation. Ces dernières années, les autorités thaïlandaises ont poursuivi au moins 272 personnes accusées du crime de lèse-majesté. Les personnes arrêtées, dont beaucoup pour avoir écrit ou republié des informations sur les réseaux sociaux, ont souvent été maintenues en détention prolongée sans possibilité de libération sous caution. En mai 2024, l’activiste antimonarchique Netiporn Sanesangkhom, 28 ans, est décédé des suites d'un arrêt cardiaque, alors qu’il était en détention provisoire après avoir été accusé du crime de lèse-majesté.


Le recours accru à la loi sur le crime de lèse-majesté a rendu plus difficile pour la police, les procureurs, les juges et les autres autorités de remettre en question le bien-fondé des allégations de lèse-majesté, de crainte d'être eux-mêmes accusés de déloyauté envers la monarchie, a déclaré Human Rights Watch.

À ce jour, la Première ministre Paetongtarn Shinawatra n'a pas encore concrétisé sa promesse, faite lors de sa campagne électorale de 2023, d’engager un débat parlementaire sur des mesures visant à empêcher l'utilisation des accusations du crime de lèse-majesté comme outil politique, et à libérer sous caution les activistes et dissidents pro-démocratie détenus dans ce contexte.

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), ratifié par la Thaïlande, protège le droit à la liberté d'expression. L'Observation générale n° 34 du Comité des droits de l'homme des Nations Unies, l'organe international d'experts chargé de surveiller le respect de ce pacte, indique que les lois telles que celles relatives au « crime de lèse-majesté », parmi d’autres, « ne [doivent] pas prévoir des peines plus sévères uniquement en raison de l’identité de la personne qui peut avoir été visée » et que les gouvernements « ne devraient pas interdire la critique des institutions ». En outre, « [les] États parties ne doivent pas interdire la critique à l’égard d’institutions … »

En octobre 2011, Frank La Rue, alors Rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté d'expression, a déclaré : « La menace d'une longue peine de prison et le caractère vague de l'expression de propos diffamants, d'insultes ou de menaces contre la monarchie, encouragent l'autocensure et étouffent d'importants débats d'intérêts public, mettant en danger la liberté d'expression et d'opinion. »

« Les gouvernements préoccupés et les agences des Nations Unies devraient faire comprendre aux autorités thaïlandaises que poursuivre des universitaires s'exprimant sur des sujets d'actualité aurait un impact extrêmement négatif sur la réputation de la Thaïlande », a conclu Elaine Pearson. « En tant que nouveau membre du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, le gouvernement thaïlandais devrait prendre des mesures concrètes pour promouvoir les droits humains plutôt que de les compromettre. »

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08.04.2025 à 15:36

L'UE devrait défendre la CPI

Human Rights Watch
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Mise à jour : La liste des signataires a été actualisée le mardi 8 avril. 

(Bruxelles) – L’Union européenne devrait défendre la Cour pénale internationale, dont le mandat et la mission sont gravement attaqués ont déclaré 58 organisations non gouvernementales. Ces attaques pourraient compromettre la justice pour les victimes des crimes internationaux les plus graves dans le monde entier, rendant d’autant plus urgente une réaction de l'UE pour défendre l'ordre international.

La CPI est la pierre angulaire d'un système plus large de justice, agissant comme un tribunal de dernier recours lorsque les voies de recours nationales sont bloquées. La récente arrestation de l'ancien président philippin Rodrigo Duterte et son transfert devant la CPI pour répondre d'accusations de crimes contre l'humanité réaffirment la pertinence de la Cour et soulignent son importance pour garantir que les crimes les plus graves ne restent pas impunis.

L'UE et ses États membres sont depuis longtemps de fervents défenseurs de la CPI et ont pris des engagements juridiquement contraignants pour promouvoir l'universalité et l'intégrité du Statut de Rome, le traité fondateur de la Cour. L'UE s'est engagée à soutenir l'indépendance de la CPI et à coopérer avec la Cour ainsi qu’à assurer la mise en œuvre du principe de complémentarité, qui garantit que la CPI n'agit que lorsque les autorités nationales n'enquêtent pas véritablement sur les crimes internationaux et ne les poursuivent pas. Ce soutien ferme a été essentiel au fonctionnement de la CPI depuis sa création il y a plus de 20 ans.

Le président américain, Donald Trump, a publié un décret le 6 février 2025, autorisant le recours au gel des avoirs et aux interdictions d'entrée sur le territoire à l'encontre des fonctionnaires de la CPI et d'autres personnes soutenant son travail. Ces sanctions américaines sont un affront aux victimes et à leurs familles. Les procureurs, les juges et les autres personnes qui s’efforcent de rendre une justice indépendante et impartiale pour les crimes internationaux les plus graves ne devraient jamais être soumis à des sanctions.

Les États-Unis ont imposé des sanctions au procureur de la CPI, Karim Khan, via l'ordonnance du 6 février et pourraient imposer d'autres sanctions dans le but de saper les enquêtes de la CPI auxquelles ils s'opposent. Les sanctions financières américaines ont des effets graves qui vont bien au-delà des personnes visées et pourraient empêcher la Cour d’accéder aux services indispensables à l’exercice de ses fonctions. L'ordonnance semble conçue non seulement pour intimider les fonctionnaires et le personnel de la Cour qui participent à ses enquêtes cruciales, mais aussi pour avoir un effet dissuasif sur la coopération plus large avec la CPI, y compris par les organisations de la société civile qui soutiennent les victimes.

Si la plupart des États membres de l'UE ont condamné les sanctions américaines dans des déclarations nationales et conjointes, l'UE n’a elle-même pas encore exprimé son opposition dans une déclaration officielle, ce qui contraste fortement avec ses positions claires après l'imposition de sanctions similaires par la première administration Trump en 2020. L'expression d'un soutien au mandat de la CPI est la bienvenue, mais l'UE devrait également dénoncer clairement les sanctions américaines contre la Cour, signaler qu'elles ne resteront pas sans conséquences et appeler les États-Unis à annuler le décret.

L'UE devrait, sans plus tarder, recourir à la loi de blocage (Blocking Statute) pour contrer les sanctions américaines. Cet instrument vise à protéger les opérateurs européens des effets des sanctions extraterritoriales ; il pourrait contribuer à garantir que le travail de la Cour puisse se poursuivre sans être affecté. La Commission européenne, le Service européen pour l'action extérieure et les États membres de l'UE devraient également élaborer d'autres mesures pour atténuer l'impact des sanctions sur la CPI. La Cour, le Parlement européen, un certain nombre d'États membres de l'UE et des organisations de la société civile ont déjà demandé à la Commission européenne d'activer la loi de blocage.

Cela ne représente qu'une partie des nombreuses menaces qui pèsent sur la CPI, ainsi que sur les défenseurs des droits humains qui plaident pour la justice devant la Cour. Les fonctionnaires de la CPI font l'objet de mandats d'arrêt émis par la Fédération de Russie en représailles à la décision de la Cour d'émettre un mandat d'arrêt à l'encontre du président Vladimir Poutine pour des crimes de guerre présumés en Ukraine. Une législation criminalisant la coopération avec la Cour a déjà été adoptée en Russie et est en cours d'examen par les autorités israéliennes. En outre, la Cour doit encore faire face aux conséquences d'une cyberattaque sophistiquée qui a eu lieu en 2023 et il y a des allégations selon lesquelles Israël a mené une campagne d'espionnage de neuf ans à l'encontre de la Cour.

Pour surmonter ces menaces à la justice, les États membres de l'UE doivent également montrer qu'ils sont déterminés à respecter leurs propres obligations en vertu du Statut de Rome, ont déclaré les organisations signataires. En septembre, l'UE a condamné à juste titre la violation par la Mongolie de son obligation d'arrêter M. Poutine en tant que pays membre de la CPI.

Le 2 avril, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a entamé une visite en Hongrie à l'invitation du Premier ministre hongrois. Le gouvernement hongrois a annoncé le lendemain qu'il chercherait à entamer le processus législatif pour retirer le pays de la CPI. À la date du 4 avril, la Hongrie n'avait pas arrêté ni remis M. Netanyahu à la CPI, au mépris d'un mandat d'arrêt de la CPI à son encontre pour des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité présumés commis à Gaza et des obligations qui incombent à la CPI.

Malheureusement, des représentants des gouvernements de plusieurs autres États membres de l'Union européenne, dont la France, la Pologne, l'Italie, la Roumanie et l'Allemagne, ont récemment déclaré explicitement qu'ils ne respecteraient pas leurs obligations ou ne se sont pas engagés à exécuter le mandat d'arrêt de la Cour. L'Italie a également renvoyé un fugitif de la CPI en Libye, faisant apparemment fi de son obligation de l'arrêter et de le remettre à la CPI.

Sans coopération et sans arrestations, il ne peut y avoir de justice devant la CPI. Les signaux ambivalents, voire négatifs, concernant la validité des décisions de la CPI portent atteinte à la législation, aux pratiques et à l'engagement de l'UE en faveur de la justice internationale et mettent en évidence une regrettable sélectivité, envoyant le message que l'État de droit est pour certains, mais pas pour tous. Les organisations ont appelé les acteurs de l'UE à prendre des mesures décisives pour réaffirmer leur engagement en faveur de l'État de droit international et de sa protection :

Les dirigeants de l'UE, notamment la présidente de la Commission, Mme von der Leyen, la haute représentante, Mme Kallas, et le président du Conseil, M. Costa, devraient exhorter les gouvernements de l'UE à respecter la position de l'UE sur la CPI, notamment en ce qui concerne la coopération, l'universalité du Statut de Rome et la sauvegarde de l'indépendance de la Cour, et à respecter leurs obligations de protéger, de faire respecter et d'appliquer les décisions de la Cour.L'UE, en particulier par l'intermédiaire de la Haute Représentante Kallas, ainsi que le Conseil de l'UE devraient condamner publiquement les sanctions américaines contre la CPI, réaffirmer leur soutien indéfectible à la Cour et à son indépendance et exhorter les États-Unis à annuler le décret autorisant les sanctions.La Commission européenne devrait également faire rapidement usage de la loi de blocage de l'UE en y ajoutant le décret américain autorisant les sanctions liées à la CPI et élaborer toute mesure supplémentaire visant à protéger la Cour et à contrer l'effet dissuasif des sanctions sur les personnes qui coopèrent avec la Cour.Les États membres de l'UE devraient affirmer sans équivoque qu'ils s'acquitteront de toutes les obligations juridiques qui leur incombent en vertu du Statut de Rome, y compris l'exécution de tous les mandats d'arrêt de la CPI, dans toutes les situations portées devant la Cour. Les dirigeants de l'UE doivent rappeler avec fermeté aux États membres leurs obligations légales de coopérer avec la CPI, et agir pour prévenir et répondre à tout cas de non-coopération avec la CPI.

Organisations signataires :

11.11.11

ACT Alliance EU

Adala For All

Advocates for the Future

Africa Legal Aid (AFLA)

Al Mezan Center for Human Rights

Al-Haq

Al-Haq Europe

Aman Against Discrimination - AAD

Amnesty International

Armanshahr|OPEN ASIA

Avocats Sans Frontières

Bir Duino Kyrgyzstan

Broederlijk Delen

B’Tselem

Cairo Institute for Human Rights Studies (CIHRS)

CCFD-Terre Solidaire

Center for Constitutional Rights

CIDSE (Coopération internationale pour le développement et la solidarité)

Civil Rights Defenders

CNCD-11.11.11

Coalition française pour la Cour pénale internationale (CFCPI)

Committee on the Administration of Justice (CAJ)

Committee to Protect Journalists

Croatian Helsinki Committee

DIGNITY - Danish Institute Against Torture

Egyptian Initiative for Personal Rights (EIPR)

Entraide et Fraternité

EuroMed Rights

European Center for Constitutional and Human Rights (ECCHR)

Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH)

Finnish League for Human Rights (FLHR)

Foundation Sunflowers

Fundación Chile Sin Ecocidio

Fundación Internacional Baltasar Garzón (FIBGAR)

Global Initiative Against Impunity for International Crimes and Serious Human Rights Violations

Global Legal Action Network

Human Rights House Foundation

Human Rights Watch

Human Rights Without Frontiers

Institute for Environmental Security

International Commission of Jurists

International Service for Human Rights (ISHR)

Lebanese Center for Human Rights (CLDH)

MEDEL (Magistrats Européens pour la Démocratie et les libertés)

Netherlands Helsinki Committee

No Peace Without Justice

Nürnberger Menschenrechtszentrum

Organisation mondiale contre la torture (OMCT)

Parliamentarians for Global Action

Pax Christi International

Physicians for Human Rights Israel

Platform for Peace and Humanity

Protection International

REDRESS

Reporters Sans Frontières (RSF)

Sadaka - the Ireland Palestine Alliance

SOLIDAR

Stichting Stop Ecocide NL

Stop Ecocide Foundation

Swedish Peace and Arbitration Society

Syndicat de la magistrature

Synergy for Justice Stichting

United Against Inhumanity (UAI)

United Nations Association of Sweden

Women’s Initiatives for Gender Justice

Young European Federalists - JEF Europe

08.04.2025 à 06:00

Syrie : Les mines terrestres et les restes explosifs tuent et blessent des civils

Human Rights Watch
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Click to expand Image Nidal Ahmad, propriétaire d’une oliveraie à Alep, en Syrie, photographié le 4 mars 2025. L’emplacement de son verger, près d'un ancien camp militaire de l'armée syrienne, l'a empêché de procéder à des récoltes pendant les années de guerre. En décembre 2024, lorsqu’il est retourné afin de vérifier l'état de son terrain, il a marché sur une mine terrestre enfouie dans le sol, dont l'explosion lui a arraché un pied. © 2025 Hibatullah Barakat, Middle East Images via AFP via Getty Images Depuis décembre 2024, plus de 600 personnes, dont des enfants, ont été tuées ou blessées par des mines terrestres et des restes explosifs de la guerre en Syrie.La vaste contamination de la Syrie par ces mines antipersonnel et divers restes explosifs expose les civils à des risques mortels lorsqu’ils rentrent chez eux, que ce soit en zone urbaine ou en zone rurale.Le gouvernement de transition syrien, en coopération avec les donateurs internationaux, devrait mettre en place des structures, des politiques, des procédures et des programmes visant à recenser et éliminer les mines terrestres et les restes explosifs de la guerre, et à sécuriser les stocks d’armes.

(Damas, le 8 avril 2025) — Après plus d’une décennie de conflit, la Syrie est aujourd’hui fortement contaminée par des mines terrestres et des restes explosifs de guerre, ce qui constitue un obstacle majeur au retour en toute sécurité des civils et aux efforts de reconstruction, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Depuis le 8 décembre 2024, la contamination causée par les armes utilisées lors des 14 années de conflit a tué au moins 249 personnes dont 60 enfants, et a blessé 379 autres personnes selon l’INSO, une organisation internationale œuvrant à améliorer la sécurité du personnel humanitaire.

Le nombre mensuel de victimes enregistré par l’INSO à la suite de ces incidents a considérablement augmenté après le 8 décembre; des organisations internationales et des démineurs volontaires ont indiqué à Human Rights Watch que cette hausse semble être due à l’augmentation des déplacements de personnes qui rentrent chez elles. Le gouvernement de transition de la Syrie devrait agir d’urgence pour recenser les mines terrestres et les restes explosifs de guerre. Les stocks d’armes détenus par l’ancien gouvernement devraient être sécurisés et maintenus sous haute surveillance, afin d’éviter des décès ou blessures supplémentaires.

« Pour la première fois depuis plus d’une décennie, la Syrie a l’occasion d’aborder de façon systématique le problème de la contamination massive du pays par des mines terrestres et des restes explosifs de guerre, en procédant à des opérations de déminage », a déclaré Richard Weir, chercheur senior auprès de la division Crises, conflits et armes à Human Rights Watch. « Sans action urgente de déminage à l’échelle nationale, il y aura encore plus de blessés et de tués parmi les civils qui rentrent chez eux avec l'espoir de revendiquer leurs droits essentiels et de retrouver leur vie antérieure, leurs moyens de subsistance et leurs terres. »

En février 2025, lors d’une visite en Syrie, Human Rights Watch a mené des entretiens avec 18 personnes, dont des victimes, des parents d’enfants blessés et des personnes issues de communautés par des mines terrestres non éliminées et des restes explosifs de guerre, dans des régions du nord, du centre et du sud du pays. Les chercheurs se sont également entretenus avec des représentants des Nations Unies, trois démineurs et des membres de neuf organisations internationales et locales chargées de recenser et d’éliminer les mines terrestres et des restes explosifs de guerre sur l’ensemble du territoire syrien.

La nuit du 27 janvier, Raneem Abulhakim Masalma a été réveillée par une forte explosion survenue à l’intérieur de sa maison. La veille, son fils de 16 ans, Bachar, avait ramené une arme trouvée dans une base militaire non sécurisée située à 100 mètres de là. L’explosion s’est produite vers minuit, alors que Bachar était en train de manipuler l’arme dans sa chambre. La mère et la nièce de 7 ans de Raneem ont été tuées ; Raneem et 11 autres membres de sa famille ont été blessés. Bachar a été blessé par fragment métallique aux deux jambes, et l’incendie causé par l’explosion a ravagé la plus grande partie de la maison. « J’ignorais totalement le danger », a déclaré Raneem.

Aucune des victimes et aucun des témoins interrogés, qui étaient nombreux, depuis le 8 décembre, à avoir eu des proches blessés ou tués par des munitions non explosées, ne savait comment signaler aux autorités la présence éventuelle de restes explosifs de guerre. Tous ont déclaré n’avoir reçu aucune information sur les dangers des munitions non explosées dans leur région, et ont estimé que ce manque d’information était l’une des principales raisons pour lesquelles leurs proches avaient été blessés ou tués.

Entre 2011 et décembre 2024, les forces gouvernementales syriennes, leurs alliés et les groupes armés d’opposition ont utilisé à grande échelle des mines antipersonnel, des armes à sous-munition et d’autres armes explosives, ce qui a causé la contamination de vastes étendues du pays, dont certaines ne sont devenues accessibles que depuis la chute du gouvernement de Bachar al-Assad, le 8 décembre 2024. Déjà avant sa fuite, ce jour-là, il arrivait fréquemment que des civils rentrant chez eux ou accédant à leurs terres agricoles soient blessés ou tués par des mines terrestres et des restes explosifs de guerre.

Plusieurs facteurs, tels que le manque d’information structurée, de coordination et d’institutions et organes nationaux, ainsi que des obstacles réglementaires entravent la capacité à agir face à l’énorme ampleur de la contamination, ont déclaré des membres de la communauté de l’action contre les mines et des représentants des Nations Unies.

Fahad Walid Al-Ghajar, 35 ans, ingénieur et enseignant originaire d’Idlib, dans le nord-ouest de la Syrie, s’est joint à une équipe de démineurs volontaires pour aider ses voisins à rentrer chez eux. Son frère a déclaré que le 21 février, Fahad était en train de participer au déminage de terres agricoles au sud-ouest d’Idlib lorsqu’une munition qu’il essayait de retirer a explosé, le tuant. Depuis lors, son épouse et ses quatre enfants n’ont reçu aucune aide.

Non seulement les mines et les restes explosifs de guerre causent la perte directe de vie ou des blessures graves pouvant entraîner un handicap ou des blessures irréversibles, mais ils engendrent également des traumatismes psychologiques, ainsi que d’autres répercussions préjudiciables qui portent atteinte aux droits humains fondamentaux. Parmi ces effets figurent la perte de biens, le déplacement de personnes, ainsi que la dégradation du niveau de vie et de l’accès au logement, aux soins de santé, à l’éducation et aux services de base tels que l’électricité. Les survivants ont souvent besoin d’une aide médicale de longue durée et des traitements spécialisés, ainsi que d’un soutien psychosocial et en matière de santé mentale.

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Le gouvernement de transition syrien et les donateurs internationaux devraient donner la priorité au recensement des mines terrestres et des restes explosifs de guerre, à leur élimination et aux actions de sensibilisation visant à informer les civils sur les risques, a déclaré Human Rights Watch. Le gouvernement de transition devrait instituer d’urgence une autorité et un centre nationaux d’action contre les mines dirigés par des civils, en collaborant étroitement avec le Service de la lutte antimines des Nations Unies (UNMAS). Le but serait de coordonner les efforts de lutte antimines existants dans tout le pays, d’élaborer des normes et de réviser les accords d’enregistrement actuellement applicables aux organisations humanitaires de lutte antimines afin de faciliter le travail vital qu’elles mènent. Le gouvernement de transition syrien et les donateurs devraient également s’assurer que les activités de déminage soient adéquatement financées, et que les victimes soient correctement indemnisées. 

« Les restes explosifs de guerre doivent être éliminés pour que les gens puissent rentrer chez eux, vivre en toute sécurité dans leurs communautés et reprendre des activités essentielles en tant que moyens de subsistance, telles que l’agriculture », a conclu Richard Weir. « Le gouvernement de transition syrien devrait collaborer avec les donateurs et les organisations humanitaires pour faciliter cette action urgente et vitale. »

Human Rights Watch a cofondé la Campagne internationale pour l’interdiction des mines antipersonnel (International Campaign to Ban Landmines, ICBL), co-lauréate du prix Nobel de la paix en 1997, ainsi que la Coalition contre les armes à sous-munitions (Cluster Munition Coalition, CMC). Human Rights Watch contribue aux rapports annuels des deux organisations, au sujet de ces deux types d’armes.

Suite en anglais, comprenant des informations plus détaillées sur le problème des mines terrestres et des restes explosifs de guerre en Syrie.

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Articles

La Croix  Libération

Mines antipersonnel :

France Inter (itw B. Jeannerod)

FranceTVInfo

07.04.2025 à 20:29

Des journalistes burkinabè précédemment « disparus » auraient été illégalement conscrits

Human Rights Watch
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Click to expand Image Guezouma Sanogo (à gauche) et Boukari Ouoba. © Privé

Une vidéo a circulé sur les réseaux sociaux le 2 avril 2025 montrant trois journalistes burkinabè en uniforme militaire. Guezouma Sanogo, Boukari Ouoba et Luc Pagbelguem avaient été soumis à une disparition forcée pendant 10 jours, et leur réapparition a suscité des inquiétudes quant à leur enrôlement potentiellement illégal par la junte militaire du pays. 

 

Human Rights Watch n'a pas été en mesure de vérifier la vidéo, mais des collègues des journalistes, des organisations non gouvernementales et des médias ont déclaré avoir reconnu les trois hommes. Dans la vidéo, ils sont interviewés près de ce qui semble être une base militaire. « Ce que vous faites est merveilleux », dit Luc Pagbelguem dans la vidéo, faisant référence à une opération militaire apparemment réussie. 

 

Le 24 mars, les autorités ont arrêté Guezouma Sanogo et Boukari Ouoba, respectivement le président et vice-président de l'Association des journalistes du Burkina (AJB), ainsi que Luc Pagbelguem, journaliste travaillant pour la chaîne de télévision privée BF1, pour avoir prétendument dénoncé les restrictions à la liberté d'expression imposées par la junte. Les demandes d'information des avocats et des familles des journalistes sont restées sans réponse. 

 

« Au moins, ils sont encore en vie », a déclaré un journaliste burkinabè en exil. « Mais cela ne nous libère pas de la crainte qu'ils aient été torturés et qu'ils participent activement à des opérations de sécurité risquées. » 

 

Ce n'est pas la première fois que des vidéos montrant des individus enrôlés illégalement surgissent au Burkina Faso. Le 18 février 2024, l’opposant politique Ablassé Ouédraogo et l'éminent activiste des droits humains Daouda Diallo, tous deux enlevés en décembre 2023, sont apparus sur des images vidéos, portant des uniformes de camouflage, tenant des fusils d'assaut de type kalachnikov et participant à des exercices militaires, vraisemblablement dans une zone de conflit. Ils ont été libérés depuis.  

 

Human Rights Watch a documenté le fait que les autorités du Burkina Faso ont utilisé une loi d'urgence de vaste portée et un décret de « mobilisation générale » dans le cadre de leur stratégie de lutte contre les groupes armés islamistes pour enrôler dans l'armée des détracteurs de la junte, des journalistes, des activistes de la société civile et des magistrats et les a réduit au silence. 

 

Si les gouvernements sont habilités à enrôler des civils adultes pour la défense nationale, la conscription ne devrait pas avoir lieu si elle n'a pas été autorisée et si elle n'est pas conforme au droit national. La conscription doit être effectuée de manière à ce que le conscrit potentiel soit informé de la durée du service militaire et qu'il ait la possibilité de contester l'obligation de servir à ce moment-là. 

 

Les autorités burkinabè devraient libérer immédiatement les trois journalistes et cesser d'utiliser la conscription pour réprimer les médias et la dissidence. 

07.04.2025 à 06:00

Arabie saoudite : Des dizaines de détenus libérés, mais les arrestations se poursuivent

Human Rights Watch
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Click to expand Image Quatre activistes saoudiens, dont trois ont été libérés de prison en janvier et février 2025. De gauche à droite : Mohammed al-Qahtani, cofondateur de l'Association saoudienne des droits civils et politiques, libéré de prison en janvier 2025 ; Mohammed al-Ghamdi, enseignant saoudien à la retraite qui était toujours emprisonné en avril 2025 ; son frère Asaad al-Ghamdi, libéré en février 2005 ; et la doctorante Salma al-Chehab, également libérée en février 2025.  © Privé

(Beyrouth, 7 avril 2025) – Les autorités saoudiennes ont libéré des dizaines de personnes qui avaient été condamnées à de longues peines de prison pour avoir exercé pacifiquement leurs droits, mais continuent d'emprisonner et de détenir arbitrairement de nombreuses autres personnes, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.

Entre décembre 2024 et février 2025, les autorités saoudiennes ont libéré au moins 44 prisonniers, selon des proches et des organisations de défense des droits humains. Parmi ces personnes figurent Mohammed al-Qahtani, un militant des droits humains âgé de 59 ans ; Salma al-Chehab, doctorante à l'Université de Leeds, au Royaume-Uni  ; et Asaad al-Ghamdi, frère d'un militant des droits humains bien connu vivant en exil. Le gouvernement saoudien devrait mettre fin à sa répression généralisée de la liberté d'association, d'expression et de croyance.

« La libération de dizaines de prisonniers est une évolution positive, mais le gouvernement saoudien devrait aussi libérer toutes les autres personnes détenues arbitrairement », a déclaré Joey Shea, chercheuse sur l'Arabie saoudite à Human Rights Watch. « Ce geste positif ne saurait se substituer à la cessation des politiques répressives dans le pays. »

Les prisonniers libérés continuent de faire l'objet de restrictions, telles que des interdictions arbitraires de voyager et le port obligatoire d'un bracelet électronique. Ceux qui sont toujours détenus pour avoir exercé leurs droits fondamentaux continuent de subir des violations systématiques de leur droit à une procédure régulière et à un procès équitable, selon les témoignages de leurs familles et de leurs avocats. Les autorités saoudiennes continuent de détenir et d'emprisonner des individus au motif de la liberté d'expression, de réunion, d'association et de croyance. Parmi les détenus de renom qui sont toujours emprisonnés figurent Salman al-Odah, un éminent dignitaire et érudit religieux ; Waleed Abu al-Khair, un avocat et défenseur des droits humains saoudien dont le travail a été récompensé par plusieurs prix ; et Abdulrahman al-Sadhan, un travailleur humanitaire,

Il y a donc peu d'indications que les récentes libérations signalent un changement politique fondamental, a déclaré Human Rights Watch, uisque de nombreuses autres personnes restent emprisonnées pour avoir exercé pacifiquement leurs droits.

Mohammed Al-Qahtani, cofondateur de l'Association saoudienne des droits civils et politiques, a été libéré le 7 janvier. Le 9 mars 2013, les autorités saoudiennes l'avaient reconnu coupable de « création d'une organisation non autorisée » et de « diffusion de fausses informations à des groupes étrangers », et l'avaient condamné à une peine de dix ans de prison, assortie d'une interdiction de voyager de dix ans. Al-Qahtani, qui avait été arrêté en 2012, devait être libéré en 2022, mais il a été détenu au-delà de sa date de libération prévue pendant deux ans et dix jours, a rapporté ALQST, une organisation saoudienne de défense des droits humains ; il s’est agi d’une forme de disparition forcée.

Les autorités saoudiennes ont arrêté Salma al-Chehab en 2021 et l'ont condamnée en 2022 à 34 ans de prison, uniquement en raison de son activité pacifique sur les réseaux sociaux en lien avec les droits des femmes dans le pays. En 2023, un tribunal saoudien a réduit sa peine de prison à 27 ans en 2023, puis à 4 ans en septembre 2024. Les autorités saoudiennes ont libéré Salma al-Chehab en février 2025.

En mai 2024, le Tribunal pénal spécialisé, chargé de juger des affaires liées au terrorisme et tristement célèbre en Arabie saoudite, avait condamné Asaad al-Ghamdi à 20 ans de prison pour terrorisme, en raison de ses activités pacifiques sur les réseaux sociaux. Des proches ont indiqué qu'il a été libéré en février.

Les autorités saoudiennes n'ont pas publié la liste des prisonniers libérés ni précisé leurs conditions de libération.

Le 2 mars, Abdulaziz al-Howairini, chef de la Présidence de la Sûreté de l'État saoudienne, une agence de sécurité responsable de violations répétées des droits humains, a invité les dissidents en exil à rentrer en Arabie saoudite sans crainte de conséquences, dans le cadre d'une offre d'amnistie proposée par le prince héritier Mohammed ben Salmane.

Abdulaziz Al-Howairini a déclaré aux médias d'État que « le royaume accueille favorablement le retour de ceux qui se disent opposants à l'étranger ». Cependant, il a adressé cette invitation « à ceux qui ont été trompés et manipulés pour des motifs inavoués », au lieu d'indiquer un changement de politique gouvernementale vers la tolérance à l'égard des libertés d'expression, de réunion, d'association et de croyance.

De nombreuses personnes sont toujours emprisonnées en Arabie saoudite sur la base d'accusations qui ne constituent pas des crimes reconnus par le droit international. Parmi elles figurent des personnes comme Sabri Shalabi, un psychiatre faussement accusé de terrorisme, des défenseurs des droits humains de renom comme Waleed Abu al-Khair et Manahel al-Otaibi, et des proches de dissidents politiques comme al-Ghamdi.

Dans certains cas, les autorités saoudiennes ont redoublé d'efforts et multiplié les violations contre les défenseurs des droits humains. Parmi les personnes toujours détenues figure al-Otaibi, une monitrice de fitness saoudienne, victime d'une disparition forcée le 15 décembre. Elle a été autorisée à appeler sa sœur le 16 mars, a déclaré un proche à Human Rights Watch. Elle avait été arrêtée à Riyad en novembre 2022 en vertu de la loi saoudienne contre la cybercriminalité pour avoir soutenu les droits des femmes sur X, anciennement Twitter, et publié des photos d'elle sans abaya, une longue robe ample portée par les femmes musulmanes, sur Snapchat, a précisé ce proche.

L’un des frères d'Asaad al-Ghamdi, Mohammed al-Ghamdi, est un enseignant à la retraite qui a été arrêté en juin 2022 et accusé de terrorisme en raison de ses activités pacifiques sur X et YouTube ; il a été condamné à mort en juillet 2023, et est toujours en prison.

Un autre frère d'Asaad al-Ghamdi, Saïd ben Nasser al-Ghamdi, est un érudit musulman qui vit en exil au Royaume-Uni, et qui est connu pour avoir ouvertement critiqué le gouvernement saoudien. Afin de contraindre des dissidents qui vivent à l'étranger de rentrer en Arabie saoudite, le gouvernement saoudien exerce souvent des représailles contre leurs familles qui vivent au royaume, en tant que moyen de pression.

En août 2022, Sabri Shalabi a été initialement condamné à 20 ans de prison, sur la base de fausses accusations de terrorisme ; en décembre 2022, cette peine a été réduite à 10 ans de prison. Son état de santé s'est détérioré et il s'est vu refuser à plusieurs reprises des soins médicaux spécialisés.

Les autorités saoudiennes continuent de cibler et d'arrêter arbitrairement les personnes perçues comme critiques du gouvernement ou celles ayant des liens présumés avec des détracteurs du gouvernement.

Le 31 août 2024, les autorités saoudiennes ont arrêté Ahmed al-Doush, ressortissant britannique et père de quatre enfants, à l'aéroport de Riyad alors qu'il rentrait au Royaume-Uni ; c’est ce qu’a expliqué un membre de sa famille à Human Rights Watch. Son arrestation semble avoir été liée à ses activités sur les réseaux sociaux. Le consulat britannique a indiqué à la famille d'Ahmed al-Doush qu'il avait été interrogé au sujet de ses publications sur X.

Ahmed al-Doush a été détenu à l'isolement pendant deux semaines avant d'être autorisé à appeler son beau-frère en Arabie saoudite pour lui annoncer sa détention, mais sans être autorisé à préciser le lieu de sa détention ni le motif, a indiqué le membre de sa famille. Ahmed al-Doush n'a pu téléphoner plus longuement à sa femme que deux mois plus tard, le 17 novembre.

Les autorités saoudiennes ont détenu Ahmed al-Doush sans inculpation pendant plus de cinq mois, au cours desquels il a été interrogé à plusieurs reprises sans avocat. Le 27 janvier, le juge a informé al-Doush des accusations portées contre lui lors de sa première audience. Toutefois, cette audience a été fixée sans préavis et Ahmed al-Doush n'était pas représenté par un avocat, a déclaré un membre de sa famille. Ahmed al-Doush a alors appris que les accusations reposaient en partie sur des posts qu’il avait publiés sur son compte X six ans auparavant, avant de les supprimer par la suite ; les accusations visant al-Doush étaient aussi liées à son association présumée avec un individu non identifié au Royaume-Uni qui critiquait l'Arabie saoudite, a déclaré son avocat britannique à Human Rights Watch.

Human Rights Watch continue de documenter les abus généralisés au sein du système de justice pénale saoudien, notamment les longues périodes de détention sans inculpation ni procès, le refus d'assistance juridique, le recours à des aveux entachés par la torture comme base unique d’une condamnation, et d'autres violations systématiques des droits à une procédure régulière et à un procès équitable.

L'Arabie saoudite ne dispose pas d'un code pénal officiel ; le projet de code pénal qui serait en cours d’élaboration devrait être pleinement conforme aux normes internationales en matière de droits humains, a déclaré Human Rights Watch. Les autorités saoudiennes utilisent des dispositions trop générales et vagues de la loi antiterroriste pour museler la dissidence et persécuter les minorités religieuses. Cette loi viole les droits à une procédure régulière et à un procès équitable, en accordant aux autorités de larges pouvoirs pour arrêter et détenir des personnes sans contrôle judiciaire.

« Les pays alliés de l'Arabie saoudite et la communauté internationale ne devraient pas se faire de fausses idées sur la base des récentes libérations de détenus », a conclu Joey Shea. « Les autorités saoudiennes devraient s'engager véritablement à réformer leur système judiciaire en mettant fin aux abus systématiques et en libérant toutes les personnes emprisonnées pour avoir simplement tenté d’exercer leurs droits. »

……….

04.04.2025 à 23:47

La mort solitaire d’un général rwandais

Human Rights Watch
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Click to expand Image Le général de brigade Frank Rusagara arrive au tribunal pour faire appel de sa condamnation de 2016 comprenant entre autre d'avoir terni l'image du gouvernement et incité à l'insurrection, à Kigali, au Rwanda, le 27 décembre 2019. © 2019 Clement Uwiringiyimana/Reuters

Le général de brigade retraité Frank Rusagara est décédé la semaine dernière au Rwanda. Il avait passé 11 ans en prison, sans être autorisé à parler à sa femme, décédée au Royaume-Uni en 2016. Sa famille a entendu sa voix pour la dernière fois en 2014, dans les jours qui ont précédé son arrestation. Après sa mort, sa famille a appris qu'il était atteint d'un cancer.

Frank Rusagara a été contraint de prendre sa retraite en 2013, dans un contexte de répression croissante de la part du parti au pouvoir au Rwanda. Il a été arrêté en août 2014 avec son beau-frère, le colonel Tom Byabagamba, ancien chef de la garde présidentielle. Leurs arrestations s'inscrivaient dans un schéma de répression gouvernementale, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays, à l'encontre de personnes critiques du gouvernement rwandais ou soupçonnées d'avoir des liens avec des groupes d'opposition.

Quelques jours avant l'arrestation de Frank Rusagara, un responsable militaire de haut rang l'a accusé, lors d'une réunion privée, d'avoir des liens avec un groupe d'opposition en exil et d'inciter à l'insurrection. Au cours de son procès, l'accusation a soutenu qu'il avait critiqué le président Paul Kagame et qu’il s'était plaint de l'absence de liberté d'expression et de progrès économique au Rwanda, ayant prétendument qualifié le pays d'« État policier » et de « république bananière ».

Dans une correspondance privée avec des amis et des membres de sa famille, Frank Rusagara a affirmé que son arrestation découlait également d'autres fois où il avait critiqué les politiques de l'État, notamment lorsqu'il avait déclaré que la rébellion du M23 en République démocratique du Congo en 2012 et 2013 était en fait coordonnée par l'armée rwandaise.

Frank Rusagara et Tom Byabagamba ont été condamnés à l'issue d'un procès entaché d'irrégularités en 2016, malgré de graves allégations de torture et de subornation de témoins. Tom Byabagamba est toujours en détention. En 2017, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a conclu que la détention des deux hommes était arbitraire.

Le groupe rebelle dont Frank Rusagara a osé parler il y a plus de 10 ans, le M23, a de nouveau fait des ravages dans l'est de la RD Congo, une fois de plus avec le soutien logistique et armé du Rwanda, provoquant une crise humanitaire. Selon les recherches de l'ONU et de Human Rights Watch, des milliers de soldats rwandais aident le M23 à s'emparer de territoires, y compris de grandes villes.

La mort de Frank Rusagara devrait rappeler le lourd tribut payé par ceux qui, à l'intérieur du système, osent contester les actions du gouvernement. Alors que les partenaires réévaluent l'aide bilatérale au Rwanda à la lumière de son soutien au M23, ils ne doivent pas oublier ceux qui ont tenté de contester les actions de l'État et qui en ont payé le prix.

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