15.12.2025 à 15:01
Human Rights Watch
(Nairobi) – Les forces rwandaises et le groupe armé M23 qui ont pris le contrôle de la ville d’Uvira dans la province du Sud-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo, le 10 décembre 2025, exposent les civils à de graves risques d’abus, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Ces forces, ainsi que l’armée congolaise et ses alliés, devraient faciliter le passage en toute sécurité des civils fuyant les combats et veiller à ce que l’aide humanitaire parvienne à toutes les personnes qui en ont besoin.
Tard dans la journée du 9 décembre, le M23 et les forces rwandaises sont entrés dans Uvira après une semaine de combats qui ont repoussé les forces militaires congolaises et burundaises et une coalition de milices connue sous le nom de Wazalendo. L’utilisation de drones d’attaque, d’artillerie de gros calibre et d’autres armes a fait au moins 74 morts parmi les civils et 83 blessés, selon les Nations Unies et les reportages des médias. L’ONU a indiqué qu’environ 200 000 personnes ont fui les combats, dont plus de 30 000 ont franchi la frontière vers le Burundi.
« Les accords de Washington visant à résoudre la situation dans l’est de la RD Congo n’ont pas permis d’améliorer la sécurité ou l’accès à l’aide humanitaire pour les civils aux environs d’Uvira dans le Sud-Kivu », a déclaré Clémentine de Montjoye, chercheuse senior sur la région des Grands Lacs à Human Rights Watch. « Les parties belligérantes continuent de commettre des atrocités et d’entraver l’aide humanitaire et devraient être amenées à rendre des comptes. »
La situation humanitaire à Uvira et dans ses environs est désastreuse. Les hôpitaux et les centres de santé sont débordés à un moment où l’aide humanitaire a fortement diminué en raison d’un manque d’accès et de financement. Des réfugiés au Burundi ont dit à Human Rights Watch qu’ils ne recevaient que peu ou pas d’assistance. Le Programme alimentaire mondial des Nations Unies a suspendu son assistance dans le Sud-Kivu. Les autorités rwandaises et les leaders du M23 devraient garantir l’accès aux produits essentiels à la survie de la population, tels que l’eau, la nourriture et les médicaments.
Des sources onusiennes et militaires ont indiqué à Human Rights Watch que plusieurs milliers de soldats rwandais, y compris des forces spéciales, ont traversé la frontière pour entrer en RD Congo au cours des dernières semaines.
Durant la première semaine de décembre, les forces rwandaises et du M23 ont pris le contrôle des villes et des villages sur la route d’Uvira, notamment Luvungi, Mutarule et Sange. Des sources ont signalé le recours à des tirs d’artillerie, des drones d’attaque, et d’autres armes explosives pendant l’offensive. Le 12 décembre, les États-Unis ont déclaré au Conseil de sécurité des Nations Unies que « le Rwanda a [récemment] déployé plusieurs missiles sol-air et d’autres armes lourdes et sophistiquées dans le Nord et le Sud-Kivu pour aider le M23. »
« Les drones ont largué des bombes sur la population et les maisons », a témoigné un homme de 60 ans originaire de Luvungi qui a fui au Burundi. « J'ai vu des gens qui tentaient de fuir les combats ou qui se cachaient dans leurs maisons se faire tuer, y compris des enfants à Mutarule. »
Plusieurs explosions dans le centre-ville de Sange ont tué au moins 36 personnes, dont des civils, d’après des vidéos vérifiées par Human Rights Watch, un défenseur des droits humains local et des reportages dans les médias. Des sources de l’ONU et locales ont indiqué à Human Rights Watch que les explosions étaient liées à des attaques de drones et aux combats internes entre l’armée congolaise et la coalition Wazalendo.
Une vidéo filmée le 7 décembre montre plus de 20 corps disséminés dans une rue proche de l’intersection principale. Certains sont en uniforme militaire, mais la plupart portent des vêtements civils, et certains semblent être des enfants. Une source de la société civile a déclaré qu’une famille de cinq personnes a été tuée dans une explosion, y compris des enfants âgés de 13 et 15 ans. Trois vidéos filmées le 9 décembre montrent des bénévoles creusant des tombes au bord de la route principale à environ 30 mètres du lieu où les corps ont été retrouvés.
Le 9 décembre, un journaliste de radio, Janvier Lwesho Nyakirigo, et son frère ont été tués dans une explosion à leur domicile à Kiliba, à 11 kilomètres au nord d’Uvira, selon deux sources locales.
Les préoccupations concernant la sécurité des civils dans le Sud-Kivu ont été accentuées par la montée des tensions et les graves violations du droit international humanitaire perpétrées par les parties au conflit. Après s’être emparés de Goma et de Bukavu, les capitales provinciales du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, au début de l’année 2025, les combattants du M23 ont commis des abus généralisés, notamment des exécutions sommaires, des campagnes de recrutement forcé et des violences sexuelles. Le M23 a également transféré illégalement des citoyens congolais et des réfugiés rwandais au Rwanda.
Plusieurs défenseurs des droits humains et journalistes à Uvira et dans les territoires nouvellement occupés ont fait part à Human Rights Watch de leur inquiétude quant aux représailles qu’ils subiront en raison de leur travail, comme ce fut le cas d’autres activistes et journalistes après la prise de Goma et de Bukavu.
Après que le M23 a pris le contrôle d’Uvira le 10 décembre, ses combattants ont commis des abus. Le 10 décembre, dans le quartier de Kasenga, des combattants du M23 ont abattu deux hommes de 25 ans portant des vêtements civils après les avoir accusés d’être des combattants Wazalendo, ont raconté des proches et des témoins. Les combattants du M23 ont également arrêté puis exécuté un homme de 57 ans après qu’il a refusé de leur remettre son téléphone, ont décrit un proche et un témoin.
Les 11 et 12 décembre, les combattants du M23 ont continué à exécuter des jeunes hommes et des combattants Wazalendo présumés, y compris des personnes apparemment non armées vêtues en civil, d’après plusieurs rapports de résidents et des médias. Quand un proche d’un homme tué est allé chercher son corps dans le quartier de Kavimvira, il a indiqué avoir vu des dizaines de corps sur place, ce qu’une source de l’ONU a confirmé.
Tout au long de l’année 2025, des soldats congolais et des combattants Wazalendo ont aussi commis des exécutions sommaires et des violences sexuelles à l’encontre de civils. À Uvira, les combattants Wazalendo ont également harcelé, menacé et enlevé des membres de la communauté banyamulenge, qui sont des Tutsis congolais du Sud-Kivu, et ont restreint leur accès aux services essentiels, les accusant de soutenir le M23.
Quatre habitants d’Uvira ont raconté que des soldats congolais et des combattants Wazalendo ont harcelé des civils et pillé des maisons alors qu’ils se retiraient de la ville. Le 10 décembre, des combattants Wazalendo ont exécuté sommairement un membre de la communauté banyamulenge, le lieutenant de l’armée congolaise Munyakuru Mushambaro, dans le quartier de Kabindula, selon des sources militaires et un voisin. « Ils se sont mis à tirer sur la porte ; il a essayé de s’échapper, mais ils lui ont tiré dessus et l’ont tué sur-le-champ », a décrit le témoin. « Ils ont entonné des chants anti-tutsis, qui disaient “maintenant un Rwandais est mort, il a eu ce qu’il méritait”. »
L’offensive contre Uvira a eu lieu quelques jours après la cérémonie de signature des accords de Washington négociés par les États-Unis le 4 décembre. Alors que l’accord et son cadre économique prévoient la mise en place de certaines mesures de maintien de la paix, telles que le retrait des troupes rwandaises de la RD Congo, les engagements généraux de l’accord doivent être appliqués, a déclaré Human Rights Watch.
Les États-Unis, l’Union européenne et l’Union africaine devraient augmenter l’assistance humanitaire et faire pression sur les gouvernements du Burundi, de la RD Congo et du Rwanda pour qu’ils accordent la priorité à la protection des civils et garantissent l’accès à l’aide humanitaire et un passage sûr aux civils qui cherchent à fuir les combats. Les États-Unis et l’UE devraient adopter de toute urgence de nouvelles sanctions ciblées contre les dirigeants rwandais responsables ou complices de violations du droit international, tout en réexaminant rapidement leur coopération avec le Rwanda – y compris dans les secteurs de la sécurité et des minéraux – pour veiller à ce qu’ils n’alimentent pas de nouveaux abus.
Les gouvernements devraient également faire pression sur les pays de la région pour faciliter l’accès à la nouvelle Commission d’enquête des Nations Unies sur l’est de la RD Congo afin de procéder à la collecte et à la documentation de preuves. Ils devraient appeler à la fin de l’impunité et prendre des mesures pour que les commandants et les dirigeants responsables de violations graves des droits humains soient traduits en justice.
Le 12 décembre, le Conseil de sécurité de l’ONU a tenu une réunion d’urgence pour discuter de la dernière escalade du conflit. La délégation américaine a accusé le Rwanda d’être « intimement impliqué » dans la planification et l’exécution du conflit et a déclaré que le Rwanda comptait au moins 5 000 à 7 000 soldats dans l’est de la RD Congo avant le début de cette dernière offensive, malgré les démentis du Rwanda.
Les garants des accords de Washington devraient aller au-delà de la condamnation et adopter des mesures fortes pour faire respecter le droit international humanitaire et les droits humains, a déclaré Human Rights Watch.
« La situation à laquelle sont confrontés les civils du Sud-Kivu est de plus en plus périlleuse et les besoins humanitaires sont considérables », a conclu Clémentine de Montjoye. « À moins que les responsables des abus ne soient amenés à répondre pleinement de leurs actes, compte tenu des événements de l’année écoulée, le pire est peut-être encore à venir. »
15.12.2025 à 06:00
Human Rights Watch
(Beyrouth) – Les attaques répétées menées par l'armée israélienne contre des équipements liés à la reconstruction et contre d'autres installations civiles dans le sud du Liban durant l'année 2025 ont violé les lois de la guerre et constitué des crimes de guerre apparents, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch.
Des habitants et des autorités municipales locales ont déclaré à Human Rights Watch que ces attaques ont entravé les efforts de reconstruction dans le sud du Liban, et ont empêché des dizaines de milliers de personnes déplacées de retourner dans leurs foyers. Plus de 10 000 bâtiments ont été gravement endommagés ou détruits dans cette région, entre octobre 2023 et janvier 2025.
« Malgré le cessez-le-feu, les forces israéliennes ont mené des attaques qui visaient illégalement des installations et des équipements liés à la reconstruction dans le sud du Liban », a déclaré Ramzi Kaiss, chercheur sur le Liban à Human Rights Watch. « Après avoir réduit en ruines plusieurs villes frontalières de cette région, l'armée israélienne rend désormais beaucoup plus difficile la situation de dizaines de milliers d'habitants qui souhaitent retourner dans leurs villes et y reconstruire leurs maisons détruites. »
Human Rights Watch a enquêté sur quatre attaques israéliennes menées dans le sud du Liban contre des sites contenant des équipements liés à la reconstruction de la région. Trois attaques menées dans les villes de Deir Seryan, Msayleh et Ansariyeh visaient six sites où des bulldozers, des excavatrices et des engins lourds étaient garés à l’extérieur, ainsi que des installations de maintenance. La quatrième attaque visait une usine de ciment et d'asphalte à Sinay. Ces frappes ont été menées entre août et octobre 2025, soit plusieurs mois après l’instauration du cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah ; elles ont tué trois civils, et blessé au moins onze personnes.
Les chercheurs se sont rendus sur les sites et ont mené des entretiens avec 13 personnes, dont des propriétaires d’installations de stockage et d'entretien, des maires des villes concernées, un responsable de l'usine de ciment et d'asphalte, un entrepreneur disposant d’un contrat avec le gouvernement et deux personnes travaillant pour une organisation non gouvernementale internationale qui fournit de l'aide dans le sud du Liban. Human Rights Watch a également examiné des documents d'inventaire et des contrats montrés par trois propriétaires d’entrepôts.
Ces quatre attaques ont détruit plus de 360 engins lourds, dont des bulldozers et des excavatrices, ainsi que l’usine de ciment et d'asphalte. Les propriétaires des entrepôts d’équipements de chantier ont expliqué qu’ils vendaient ou louaient des engins à des clients dans différentes régions du Liban, y compris pour des travaux de reconstruction civile, notamment le déblaiement de décombres.
« Nous ne pouvons même pas déblayer les décombres parce que nous craignons que si nous le faisons, les machines que nous utilisons pour le déblaiement soient également frappées », a déclaré Ibrahim Karim, propriétaire d'un entrepôt d’engins à Deir Seryan. « Donc ici, nous avons déblayé les décombres manuellement. »
Peu après chacune de ces attaques, l’armée israélienne a émis une déclaration affirmant que les équipements et matériaux ciblés étaient utilisés par le Hezbollah (ou que leur utilisation était « autorisée » ou « planifiée »), afin de « reconstruire » ou « rétablir » ses « infrastructures » (ou « actifs » ou « activités ») dans la région. Aucune déclaration de l’armée israélienne n’a toutefois fourni d’informations plus détaillées.
Human Rights Watch n'a trouvé aucune preuve de la présence de cibles militaires sur ces sites, ou dans les environs. Les chercheurs ont pu vérifier que certaines machines et fournitures étaient utilisées à des fins civiles. Les chercheurs n'ont pas été en mesure de vérifier les conditions d’utilisation de toutes les machines et de tous les matériaux qui ont été attaqués, mais n'ont trouvé aucune preuve de leur utilisation à des fins militaires par le Hezbollah.
Les propriétaires et les employés ont tous déclaré ne pas savoir si leurs clients travaillaient avec la branche militaire du Hezbollah. Ils ont ajouié qu'ils ne demandaient généralement pas à leurs clients leur affiliation politique, et qu'ils vendaient et réparaient des machines lourdes à tout client qui sollicitait leurs services.
Le Hezbollah est constitué d’une part d’une branche armée nommée « Al-Muqawama al-Islamiyya » (« Résistance islamique ») et d’autre part d’un parti politique ainsi que d’autres organisations non militaires dont des établissements de santé et des organismes d'aide sociale. À l'instar d'autres partis politiques libanais, le Hezbollah compte des milliers de membres qui ne participent activement à aucun aspect de ses opérations militaires.
Cependant, même dans les cas où des équipements civils étaient vendus à des personnes liées au Hezbollah, ou entretenus pour leur compte, cela ne signifiait pas que ces engins ou entrepôts devenaient des cibles militaires légitimes.
D'après les preuves recueillies par Human Rights Watch, les contributions potentielles des machines et des sites attaqués à la capacité militaire du Hezbollah étaient trop vagues ou trop ténues pour que ces objets puissent être considérés comme des cibles militaires légitimes. Autoriser de telles attaques reviendrait à faire de toutes les machines lourdes et de toutes les usines produisant des matériaux de construction des objectifs militaires susceptibles d'être attaqués.
Les forces israéliennes ont aussi mené à plusieurs reprises dans le Territoire palestinien occupé des attaques illégales contre des machines lourdes destinées à la reconstruction et d'autres infrastructures civiles vitales, entravant ainsi les efforts de reconstruction à Gaza.
Le 3 décembre, Human Rights Watch a transmis à l'armée israélienne une lettre résumant ses conclusions au sujet de ses recherches au Liban, et comprenant plusieurs questions. L'armée israélienne a répondu en posant elle-même une question à Human Rights Watch, à laquelle l’organisation a répondu ; toutefois, l'armée israélienne n'a ensuite répondu à aucune des questions initialement posées.
Selon le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), dont l’analyse des lois coutumières de la guerre fait autorité, les parties belligérantes ne peuvent cibler que des objectifs militaires légitimes, définis comme « des biens qui, par leur nature, leur emplacement, leur destination ou leur utilisation apportent une contribution effective à l’action militaire ». Il s’agit de biens « dont la destruction totale ou partielle, la capture ou la neutralisation », au moment de ces actes, « offre […] un avantage militaire précis ».
La simple possibilité que des équipements puissent être utilisés de manière indéterminée dans le futur à des fins militaires, par exemple pour construire des fortifications, ne suffit pas pour les considérer comme une cible militaire légitime. Les personnes qui ordonnent des attaques délibérées contre des biens et des infrastructures civils sont responsables de crimes de guerre.
Les principaux alliés d'Israël, notamment les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Allemagne, devraient d’urgence faire pression sur Israël afin que ce pays cesse d’attaquer des biens civils et les efforts de reconstruction au Liban. Ces pays devraient immédiatement suspendre leurs ventes d'armes à Israël et d’autres formes de soutien militaire, et imposer des sanctions ciblées aux responsables israéliens impliqués de manière crédible dans des crimes graves.
Les autorités judiciaires libanaises devraient ouvrir des enquêtes sur les crimes internationaux graves commis dans le pays. Le gouvernement devrait entreprendre un processus d’adhésion du Liban au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, accompagné d’une déclaration acceptant la compétence de la CPI avant la future date d'adhésion, depuis au moins le 7 octobre 2023.
« Le retour de dizaines de milliers de résidents déplacés du Liban dans leurs foyers et leurs villages dépend de la capacité des autres gouvernements à faire pression sur Israël pour que ce pays cesse d’attaquer les efforts de reconstruction », a conclu Ramzi Kaiss. « Ces autres pays devraient immédiatement suspendre les ventes d'armes à Israël et imposer des sanctions ciblées aux responsables impliqués de manière crédible dans les crimes graves qui se poursuivent. »
Suite détaillée en anglais.
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Articles
OLJ
12.12.2025 à 16:15
Human Rights Watch
Le 9 décembre, CIVICUS Monitor, un réseau international d’organisations de la société civile qui évalue les libertés civiques à l'échelle mondiale, a rétrogradé l'espace civique français de « réduit » à « obstrué ».
Cette dégradation est le résultat d'années d'attaques contre l'espace civique, marquées par «l’escalade des violences policières, les pratiques de surveillance, les arrestations de manifestants, le ciblage des journalistes et les restrictions persistantes des droits fondamentaux », selon CIVICUS. Le gouvernement français recourt également de plus en plus à des mesures administratives sévères pour faire taire la contestation légitime, une tendance que confirme mon travail au sein de Human Rights Watch sur les restrictions pesant sur la société civile.
La « loi sur le séparatisme » de 2021 confère au gouvernement des pouvoirs étendus pour dissoudre des organisations non gouvernementales par décret ministériel et oblige les organisations à signer un « contrat d’engagement républicain » assorti d'exigences vagues (par exemple, « s'abstenir de toute action portant atteinte à l'ordre public ») comme condition pour bénéficier de subventions et d'autres aides de l'État. La formulation vague du « contrat » donne aux autorités une grande marge d'interprétation, ce qui favorise des décisions arbitraires pour sanctionner les organisations concernées. Ces deux instruments ont créé un climat de pression et d'autocensure au sein de la société civile.
Un autre facteur clé qui a conduit à cette dégradation sont les abus des forces de l'ordre à l'encontre de manifestants pacifiques. Depuis des années, des organisations non gouvernementales, dont Human Rights Watch, documentent l'usage excessif de la force par la police lors de manifestations, notamment l'utilisation d'armes dangereuses pour le contrôle des foules. Dans ses observations finales sur la France publiées en mai 2025, le Comité des Nations Unies contre la torture a exprimé sa profonde préoccupation face aux nombreuses allégations d'usage excessif de la force, y compris de la force létale, et de mauvais traitements infligés par les forces de l'ordre, soulignant que ces abus touchent de manière disproportionnée les minorités. Selon CIVICUS, les organisations de solidarité avec la Palestine ont également subi des restrictions.
Le gouvernement français devrait prendre en compte de toute urgence cette dégradation, ainsi que des graves préoccupations soulevées par les organismes de défense des droits humains, et rétablir le respect de l'espace civique conformément à ses obligations internationales et européennes en matière de droits fondamentaux, et en vertu de la Convention européenne des droits de l'homme. La Commission européenne, en tant que gardienne des traités de l'UE, devrait utiliser son rapport annuel sur l'état de droit pour émettre des recommandations fermes afin de remédier au recul de l'état de droit en France.
Les organisations de défense des droits humains et les autres organisations de la société civile devraient pouvoir exercer leurs droits à la liberté d'expression, d'association et de réunion pacifique sans craindre de représailles arbitraires.