11.07.2025 à 17:46
(New York) – Des manifestants arrêtés pour avoir participé aux manifestations pacifiques de juillet 2021 à Cuba ont été victimes de graves abus en prison, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Un accord conclu en janvier 2025 a conduit à la libération de nombreux prisonniers, mais des centaines d’autres personnes sont toujours en détention.
D'anciens détenus libérés en janvier, à la suite de négociations menées principalement avec le Vatican, ont déclaré à Human Rights Watch avoir été battus lors de leur détention, et parfois placés à l'isolement en guise de puntion. Ils ont décrit des conditions de détention insalubres et dangereuses pour leur santé, y compris l’insuffisance de l’alimentation et de l’accès à l’eau. Ils ont indiqué qu'ils restent sous surveillance constante, et sont soumis à des conditions strictes, dont certaines semblent avoir été imposées de manière informelle. Nombre d'entre eux craignent d'être renvoyés en prison, et au moins trois des personnes libérées ont été de nouveau arrêtées.
« Il y a quatre ans, le gouvernement cubain a déclenché une vague de répression contre des milliers de Cubains qui sont descendus pacifiquement dans la rue pour réclamer leurs droits et leurs libertés », a déclaré Juanita Goebertus, directrice de la division Amériques à Human Rights Watch. « Aujourd'hui, des centaines de personnes sont toujours derrière les barreaux dans des conditions déplorables. »
Entre mars et mai 2025, Human Rights Watch a mené des entretiens téléphoniques avec 17 anciens détenus cubains. Parmi eux figuraient des hommes qui avaient été détenus dans six prisons pour hommes (Alto Río de Guanajay, Boniato, Cerámica Roja, Mar Verde, Valle Grande et Unidad 1580) ainsi que des femmes qui avaient été incarcérées dans deux prisons pour femmes (centres de Guamajal et de Matanzas). Plusieurs personnes ont déclaré avoir été transférées dans des camps pénitentiaires ou d’autres établissements avec des normes sécuritaires moins strictes au cours de leur détention. Trois organisations indépendantes de défense des droits humains – Cubalex, Justicia 11J et Prisoners Defenders – ont facilité le contact avec certains ex-détenus. En raison du risque de représailles, Human Rights Watch s’abstient de divulguer l'identité de la plupart des personnes interrogées.
De nombreux anciens détenus ont décrit des violences physiques infligées par des gardiens de prison. Ils ont déclaré avoir été battus par des gardiens pour avoir crié des slogans antigouvernementaux ou protesté contre les conditions de détention. Nombre d'entre eux ont déclaré avoir été soumis à des positions pénibles, comme celle de la « bicyclette » (« la bicicleta ») parfois aussi appelée position de la « brouette » (« la carretilla »), lors de laquelle les prisonniers sont contraints de courir, menottés, les bras levés au-dessus de la tête.
D'anciens détenus ont systématiquement décrit la surpopulation des cellules et le manque d'accès à la nourriture et à l'eau potable, tant pour les prisonniers politiques que pour les prisonniers de droit commun. « Si ta famille ne t'apporte pas à manger, tu meurs », a déclaré un ancien détenu. « La nourriture qu'ils te donnaient était immangeable. Il y avait des vers dedans », a ajouté un autre.
Les anciens détenus ont décrit des épidémies de gale, de tuberculose, de dengue et de Covid-19, qui, selon eux, n'étaient pas traitées. Ils ont indiqué que les autorités pénitentiaires ignoraient régulièrement les préoccupations médicales et, dans de nombreux cas, punissaient les détenus qui s'inquiétaient de l'insalubrité ou des pénuries alimentaires. Ceux qui protestaient ont déclaré qu'ils étaient fréquemment placés à l'isolement ou privés de visites, d'appels ou d'accès aux colis envoyés par leurs proches.
En janvier 2025, les autorités cubaines ont annoncé la libération de 553 prisonniers à la suite de négociations entre le gouvernement cubain, le Vatican et les États-Unis. Des organisations indépendantes de défense des droits humains, dont Cubalex, Justicia 11J, et Prisoners Defenders, estiment qu'environ 200 des personnes libérées étaient des prisonniers politiques, les autres étant des prisonniers de droit commun.
Le 14 janvier 2025, peu après l’annonce par le gouvernement cubain concernant la libération des prisonniers, l'administration Biden a retiré Cuba de la liste américaine des pays soutenant le terrorisme ; les pays figurant sur cette liste sont soumis à des restrictions portant sur l'aide fournie par les États-Unis, et sur les liens commerciaux. Toutefois, le 20 janvier, premier jour de son deuxième mandat, le président Donald Trump a révoqué cette mesure de l’administration Biden, et a à nouveau rajouté Cuba à cette liste.
De nombreux manifestants libérés ont déclaré être tenus d'accepter des emplois assignés par l'État, de se présenter régulièrement aux agents de sécurité et de demander l'autorisation de quitter leur municipalité. Plusieurs ont également déclaré qu'il leur était interdit de participer à des manifestations publiques, de s'associer à des groupes d'opposition et de publier sur les réseaux sociaux. Dans certains cas au moins, ces conditions semblent avoir été imposées de manière informelle et arbitraire, car elles ne figurent ni dans un ordre écrit ni dans les conditions de libération imposées par un tribunal.
Des membres des services de renseignement, connus sous le nom de « sécurité de l'État », ont suivi les personnes libérées dans la rue et se sont rendus à leur domicile, ont déclaré d'anciens détenus, pour les menacer, les surveiller et leur remettre des convocations écrites ou verbales à comparaître devant un tribunal ou un commissariat. « Bien que libéré de prison, je suis toujours prisonnier », a déclaré l'un d'eux. « C'est comme être un prisonnier dans la rue. »
En avril, les autorités ont de nouveau arrêté José Daniel Ferrer, leader de l'Union patriotique cubaine (Unión Patriótica Cubana, UNPACU), mouvement d'opposition, et Félix Navarro, fondateur du Parti pour la démocratie Pedro Luis Boitel (Partido por la Democracia Pedro Luis Boitel), qui avaient été libérés en janvier. En mai, les autorités ont de nouveau arrêté Donaida Pérez Paseiro, présidente de l'Association des Yorubas libres de Cuba (Asociación Yoruba Libre de Cuba), après qu'elle eut fait campagne sur les réseaux sociaux pour la libération de son mari. Ce dernier est toujours emprisonné en lien avec les manifestations de 2021.
Les Cubains continuent de subir une grave crise économique et sont confrontés à de graves pénuries de nourriture et de médicaments, un facteur important qui les a poussés à descendre dans la rue en juillet 2021. Une enquête menée en 2024 par l'Observatoire cubain des droits humains auprès de plus de 1 100 personnes a révélé que 7 Cubains sur 10 sautent un repas chaque jour et que 61 % d'entre eux peinent à subvenir à leurs besoins essentiels. Dans tout le pays, la population est également confrontée à des coupures de courant quotidiennes allant de 4 à 20 heures.
En raison de la pauvreté et de la répression politique, les Cubains ont quitté le pays en grand nombre. Dix pour cent de la population cubaine, soit plus d'un million de personnes, ont quitté le pays entre 2022 et 2023, selon le directeur de l'Office national des statistiques du pays. Des rapports indépendants indiquent que ce chiffre total pourrait être bien plus élevé.
Les gouvernements d'Amérique latine, du Canada et de l'Union européenne devraient condamner la détention arbitraire et le harcèlement par le gouvernement cubain de manifestants, de journalistes et d’activistes, et exprimer leurs inquiétudes quant aux violations des droits humains et à la grave situation humanitaire dans le pays, a déclaré Human Rights Watch. Les gouvernements devraient également accroître leur soutien aux groupes indépendants de défense des droits humains et aux journalistes à Cuba.
Suite en anglais, comprenant des témoignages d’ex-détenus.
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AgenziaNova
10.07.2025 à 18:58
Le 9 juillet, le gouvernement des États-Unis a imposé des sanctions à Francesca Albanese, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, poste auquel elle avait été nommée par le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies ; ces sanctions ont été imposées dans le cadre d’un décret précédemment émis par le président Donald Trump en février 2025.
Réagissant à l’annonce des sanctions, Liz Evenson, directrice du programme Justice internationale à Human Rights Watch, a fait la déclaration suivante :
« La décision du gouvernement américain de sanctionner Francesca Albanese pour avoir cherché à obtenir justice à travers la Cour pénale internationale vise en réalité à réduire au silence une experte de l'ONU qui fait son travail, dénonce les violations commises par Israël à l’encontre des Palestiniens, et appelle les gouvernements et les entreprises à ne pas se rendre complices de ces violations. Les États-Unis cherchent à démanteler les normes et les institutions sur lesquelles s’appuient les survivants de graves abus. Les pays membres de l'ONU et de la CPI devraient fermement résister aux efforts éhontés du gouvernement américain visant à bloquer la justice pour les crimes les plus graves au monde, et condamner les sanctions scandaleuses prises à l’encontre de Francesca Albanese. »
Autres communiqués de HRW sur Israël et la Palestine :
https://www.hrw.org/fr/moyen-orient/afrique-du-nord/israel/palestine
Autres communiqués de HRW sur la justice internationale :
https://www.hrw.org/fr/topic/justice-internationale
09.07.2025 à 06:00
(Nairobi) – Les autorités militaires guinéennes devraient mener une enquête crédible sur les disparitions de deux activistes politiques, divulguer leur lieu de détention, et soit les inculper, soit les libérer immédiatement, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch.
Il y a un an, les forces de sécurité ont arrêté arbitrairement trois membres de la coalition d'opposition Front national pour la Défense de la Constitution (FNDC), Oumar Sylla (connu sous le nom de Foniké Menguè), Mamadou Billo Bah et Mohamed Cissé, à Conakry, la capitale guinéenne, et les ont transférés vers un lieu non identifié. Human Rights Watch a reçu des informations crédibles, confirmées par des médias nationaux et internationaux, selon lesquelles les forces de sécurité auraient torturé les trois hommes. Mohamed Cissé a été libéré le 10 juillet 2024, tandis qu’Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah sont toujours portés disparus.
« Cela fait un an qu’Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah ont disparu, et les autorités guinéennes n'ont toujours pas mené d'enquête crédible », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur le Sahel à Human Rights Watch. « Les autorités guinéennes devraient mener une enquête approfondie et indépendante sur ces disparitions et poursuivre les responsables. »
Les autorités ont ouvert une enquête sur la disparition des trois hommes. Mais elles ont nié toute responsabilité et n'ont pas reconnu la détention des hommes ni révélé où ils se trouvaient, malgré les demandes d'informations de leurs avocats et d’organisations nationales et internationales de défense des droits humains.
Le 9 juillet 2024, des dizaines de soldats, de gendarmes et d'hommes armés en civil ont fait irruption au domicile d’Oumar Sylla et l’ont arrêté arbitrairement, ainsi que les deux autres hommes. Les forces de sécurité ont frappé à plusieurs reprises les trois militants politiques, puis les ont emmenés au quartier général de la gendarmerie à Conakry, avant de les transférer dans un camp militaire sur l'île de Kassa, au large de de la capitale.
Le FNDC appelle au rétablissement de la démocratie en Guinée depuis le coup d'État militaire de septembre 2021. En août 2022, la junte guinéenne, dirigée par le général Mamady Doumbouya, a dissous le FNDC pour des raisons politiques, mais celui-ci a poursuivi ses activités.
Le matin de sa disparition, Oumar Sylla, qui est le coordinateur du FNDC, avait exhorté ses partisans à manifester le 11 juillet 2024 contre la fermeture des médias par les autorités et le coût élevé de la vie.
Oumar Sylla faisait partie des personnes arrêtées en 2022 pour « manifestation illicite [et] destruction d’édifice public et privé » à la suite des manifestations violentes ayant eu lieu à Conakry au cours desquelles au moins cinq personnes ont été tuées. Mamadou Billo Bah, le coordinateur de la communication du FNDC, avait déjà été arrêté en janvier 2023 pour « complicité de destruction d’édifices publics et privés, coups et blessures volontaires » pour avoir participé à des manifestations. Tous deux ont été libérés en mai 2023 et innocentés de toute accusation.
Depuis sa prise de pouvoir, la junte a suspendu les médias indépendants et procédé à des arrestations arbitraires et à des disparitions forcées de journalistes et d'opposants politiques. Les forces de sécurité ont fait un usage excessif de la force, notamment de gaz lacrymogènes et de tirs à balles réelles, pour disperser des manifestants pacifiques, causant la mort de dizaines de personnes depuis janvier 2024.
Le 21 juin, des hommes armés ont enlevé et torturé Mohamed Traoré, un éminent avocat et ancien président du barreau, en représailles apparentes à sa décision de démissionner du Conseil national de transition, le principal organe de transition de la junte.
Les autorités militaires ont promis d'organiser des élections avant la fin de 2024, mais n'ont pas respecté ce délai, ce qui a déclenché des manifestations menées par l'opposition à Conakry en janvier. À la suite de ces manifestations, les autorités ont annoncé un nouveau calendrier électoral. Le général Mamady Doumbouya a fixé la date du référendum constitutionnel au 21 septembre, et le Premier ministre Amadou Oury Bah a annoncé en mai que les élections présidentielles auraient lieu en décembre.
« Après quatre ans de régime militaire, la répression des droits et libertés n'a fait que s'intensifier », a déclaré un éminent membre du FNDC qui est entré dans la clandestinité. « Le gouvernement a étouffé la liberté d'expression et de réunion ; il a neutralisé l'opposition politique par des arrestations arbitraires, des disparitions forcées, du harcèlement et des intimidations. Trop c’est trop. »
Selon le droit international, une disparition forcée survient lorsque des personnes agissant au nom du gouvernement arrêtent, détiennent ou enlèvent des personnes. puis refusent de reconnaître cet acte ou dissimulent leur lieu de détention ou ce qui leur est arrivé. Le droit international interdit les disparitions forcées, qui violent les droits fondamentaux à la liberté et à la sécurité, ainsi que le droit de ne pas être soumis à la torture ou à des traitements cruels, inhumains et dégradants.
La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées stipule que « nul ne sera soumis à une disparition forcée » et impose une interdiction absolue de la détention en secret. Elle exige également des pays qu'ils mettent fin aux pratiques abusives qui facilitent les disparitions forcées, notamment la détention arbitraire au secret, la torture et les exécutions extrajudiciaires.
La Guinée n'est pas un État partie à ce traité, mais est tenue de respecter le droit international relatif aux droits humains qui interdit les arrestations illégales, les enlèvements, les détentions arbitraires, les mauvais traitements infligés aux détenus et autres violations de procédure. Elle garantit aux victimes d'abus le droit à un recours effectif.
« Lorsque les autorités nient avoir connaissance des détentions, elles privent les détenus de toute protection et les exposent à des crimes encore plus graves, comme la torture », a déclaré Ilaria Allegrozzi. « Les autorités devraient prendre des mesures immédiates et concrètes en menant une enquête crédible sur les disparitions des deux activistes, et en ratifiant la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. »
09.07.2025 à 00:00
(Séoul, 9 juillet 2025) – Les lois et les politiques sud-coréennes en matière d’emploi qui sont fondées sur l’âge discriminent les travailleurs âgés, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui. L’insuffisance du système de sécurité sociale aggrave les difficultés que rencontrent les personnes âgées.
Le rapport de 72 pages, intitulé « Punished for Getting Older: South Korea’s Age-based Policies and Older Workers’ Rights » (« Punis pour avoir vieilli : Politiques sud-coréennes fondées sur l’âge et droits des travailleurs âgés »), décrit comment trois lois ou politiques fondées sur l’âge – la fixation de l’âge de retraite obligatoire à 60 ans ou plus, le système de « pic salarial » et les politiques de réemploi – portent préjudice aux travailleurs âgés, et en quoi les programmes insuffisants de sécurité sociale aggravent leur situation.
8 juillet 2025 Punished For Getting Older« Les lois et les politiques sud-coréennes qui devraient protéger les travailleurs âgés contre la discrimination liée à l’âge produisent l’effet inverse», a déclaré Bridget Sleap, chercheuse senior sur les droits des personnes âgées auprès de Human Rights Watch. « Elles privent ces personnes de l’opportunité de continuer à travailler dans leur emploi principal, conduisent à une rémunération inferieure et les poussent vers des travaux moins bien payés et précaires, uniquement à cause de leur âge. Le gouvernement devrait cesser de punir des travailleurs simplement parce qu’ils prennent de l’âge. »
Entre février et septembre 2024, Human Rights Watch a mené des entretiens avec 34 travailleurs sud-coréens, âgés de 42 à 72 ans, ayant été employés dans les secteurs public et privé à Séoul, ainsi qu’avec 41 autres personnes : des chercheurs, des syndicalistes sud-coréens, des représentants d’organisations non gouvernementales et un journaliste. Human Rights Watch a également examiné la législation nationale et des rapports en coréen et en anglais émis par le gouvernement, des universitaires, des syndicats, des médias et des institutions internationales.
La loi sud-coréenne interdisant la discrimination fondée sur l’âge dans le monde du travail (en anglais « Act on Prohibition of Age Discrimination in Employment and Elderly Employment Promotion »), autorise les employeurs des secteurs public et privé à fixer un âge obligatoire de retraite à 60 ans ou davantage, quelles que soient les compétences professionnelles de l’employé-e. Cette pratique est particulièrement répandue dans le secteur public sud-coréen, et dans les grandes entreprises de plus de 300 employés.
Human Rights Watch a constaté que le système de « pic salarial » (« peak wage »), qui permet aux employeurs de réduire les salaires des travailleurs les plus âgés au cours des trois à cinq ans qui précèdent leur retraite obligatoire, représente un préjudice financier et mental, et qu’il est fondé sur des stéréotypes âgistes. Ce système peut également affecter d’autres bénéfices auxquels ont droit les travailleurs, comme les contributions à la retraite, les indemnités de licenciement ou les allocations chômage.
Un homme âgé de 59 ans a expliqué à Human Rights Watch que son employeur l’a ainsi prévenu qu’il serait obligé de prendre sa retraite dans un an. Mais lors de sa dernière année professionnelle, il ne touchera que 52 % de ce qu’il gagnait à 55 ans. « C’est de la discrimination, puisque notre revenu n’a été réduit qu’en raison de notre âge », a-t-il déclaré. « Ce n’est pas justifié. »
Human Rights Watch a constaté que le fait d’être forcé à prendre sa retraite affectait par ailleurs les travailleurs les plus âgés sur le plan de leur santé mentale et de leur bien-être.
Une infirmière de 59 ans, qui sera obligée de prendre sa retraite à 60 ans, après avoir travaillé pendant 36 ans, a témoigné : « Je ne peux pas m’imaginer en dehors de cette organisation. J’aurais l’impression de me retrouver toute seule au bord d’une route balayée par le vent. »
D’après le droit international relatif aux droits humains, le fait de traiter les personnes différemment en se fondant sur un motif prohibé, comme l’âge, doit répondre à un critère de justification afin de veiller à ce que ce traitement ait un objectif légitime et soit à la fois proportionnel et nécessaire. Mais dans le droit sud-coréen, le fait de fixer un âge de retraite obligatoire ne nécessite aucune justification et les travailleurs plus âgés ne peuvent pas le remettre en question comme discriminatoire.
Human Rights Watch a constaté que les lois et politiques sud-coréennes fondées sur l’âge constituaient bien une discrimination. Les objectifs respectifs de l’âge obligatoire de retraite et du système de pic salarial sont de maintenir les travailleurs âgés dans leur emploi principal jusqu’à l’âge de 60 ans au moins, et de financer l’emploi de jeunes travailleurs. Cependant, le préjudice causé aux travailleurs les plus âgés pèse davantage dans la balance que les avantages éventuels.
Le gouvernement pourrait employer des méthodes moins nocives pour atteindre ces objectifs, notamment le développement des compétences professionnelles des travailleurs plus âgés et des subventions incitant les employeurs à recruter de jeunes travailleurs. Même si ces politiques affectent tous les travailleurs âgés, elles ont un impact disproportionné sur les femmes, qui ont souvent moins d’opportunités, au cours de leur carrière, d’obtenir des postes importants, des salaires élevés et des économies ou des retraites confortables.
D’après la loi nationale interdisant la discrimination fondée sur l’âge dans le monde du travail, les gouvernements locaux ainsi que l’État ont la responsabilité de soutenir le réemploi des travailleurs âgés après que ceux-ci ont pris leur retraite de leur emploi principal. Toutefois, Human Rights Watch a constaté que ce n’était pas une solution, puisque les programmes existants de réemploi forcent les travailleurs âgés à accepter du travail moins bien payé et plus précaire.
En moyenne, les travailleurs ayant 60 ans et plus gagnent 29 % de moins que ceux qui sont plus jeunes, d’après des données issues du gouvernement. De plus, les travailleurs âgés réemployés se concentrent dans les activités mal payées, comme celles d’agent de sécurité ou de soin aux personnes, dont les travailleurs plus jeunes ne veulent pas. Une telle « ségrégation professionnelle » fondée sur l’âge est une forme de discrimination.
Ces problèmes sont exacerbés par un système de sécurité sociale insuffisant, qui ne répond pas aux normes relatives aux droits humains, a déclaré Human Rights Watch. Les personnes forcées à prendre leur retraite à 60 ans n’ont droit qu’à une allocation chômage de maximum 270 jours. Elles peuvent attendre jusqu’à cinq ans pour être éligibles à la « pension nationale du troisième âge » ou à la pension de base. En 2023, seules 40 % des personnes de plus de 60 ans recevaient une pension nationale du troisième âge.
La Corée du Sud a l’obligation, en vertu du droit international relatif aux droits humains, de veiller à ce que tout le monde puisse jouir de ses droits à la non-discrimination, au travail et à la sécurité sociale, quel que soit son âge. Le gouvernement sud-coréen devrait abolir la possibilité de fixer un âge de retraite obligatoire à 60 ans ou davantage, ainsi que le système de pic salarial. Il devrait également réformer les programmes de réemploi et de sécurité sociale afin de garantir que les personnes âgées aient le même accès à des opportunités d’emploi équitables, favorables et significatives, et qu’elles reçoivent au moins un revenu permettant de vivre.
« Les lois et politiques sud-coréennes en matière d’emploi fondées sur l’âge discriminent les personnes âgées et les générations futures », a conclu Bridget Sleap. « Le gouvernement devrait adopter une loi anti-discrimination de vaste portée pour lutter contre toutes les formes de discrimination, y compris celle fondée sur l’âge et les préjugés âgistes. »
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08.07.2025 à 18:37
(New York, 8 juillet 2025) – Le 8 juillet, dans le cadre de son enquête sur l’Afghanistan, la Cour pénale internationale (CPI) a émis des mandats d’arrêt contre deux hauts dirigeants talibans ; ces deux mandats sont actuellement sous scellés.
Réagissant à cette annonce, Liz Evenson, directrice du programme Justice internationale à Human Rights Watch, a fait la déclaration suivante :
« Deux hauts dirigeants talibans sont désormais recherchés par la Cour pénale internationale en raison de leur persécution présumée de femmes et de filles afghanes, et de personnes non conformes en matière de genre. La communauté internationale devrait soutenir pleinement le travail crucial de la CPI portant sur l’Afghanistan, y compris par le biais d’efforts concertés à l’échelle mondiale pour faire exécuter les mandats d’arrêt de la Cour. Les arrestations prennent du temps, mais le transfert à la CPI de l’ex-président philippin Rodrigo Duterte pour répondre d’accusations d’exécutions extrajudiciaires présumées montre que lorsque la justice est soutenue, les victimes peuvent être entendues. Le Bureau du Procureur de la CPI devrait poursuivre ses enquêtes afin d’offrir un espoir de justice aux victimes d’autres exactions commises par les talibans, ainsi qu’aux victimes d’abus commis par les forces de l’État islamique de la Province du Khorassan, par les anciennes forces de sécurité afghanes, et par des membres des forces américaines. Pour mettre fin aux cycles de violence et d’impunité en Afghanistan, il est essentiel de garantir un accès égalitaire à la justice à toutes les victimes, quels que soient les auteurs des abus. »
Précédent communiqué du 23/01/25 :
https://www.hrw.org/fr/news/2025/01/23/afghanistan-le-procureur-de-la-cpi-requiert-des-poursuites-pour-persecution-liee-au
08.07.2025 à 07:00
(Lima, 8 juillet 2025) – Le Congrès péruvien porte atteinte à l’indépendance des juges et des procureurs et à leur capacité à lutter contre le crime organisé, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui.
8 juillet 2025 Congress in CahootsLe rapport de 43 pages, intitulé « Congress in Cahoots: How Peru’s Legislature is Allowing Organized Crime to Thrive » (« Le Congrès complice : Comment le parlement péruvien permet l’essor du crime organisé »), détaille comment les récentes mesures législatives et décisions prises par le Congrès ont entravé les efforts déployés pour enquêter sur les réseaux criminels et engager des poursuites en justice, érodé l’autonomie d’institutions publiques clés et réduit les protections environnementales. L’administration de la présidente Dina Boluarte a souvent facilité la mise en œuvre de cette approche, tout en s’appuyant largement sur des déclarations d’« état d’urgence » – suspendant provisoirement les droits constitutionnels – comme principal outil de lutte contre la criminalité.
« L’attaque du Congrès contre l’état de droit a exposé des millions de Péruviens à davantage de menaces liées au crime organisé », a déclaré Juanita Goebertus, directrice de la division Amériques de Human Rights Watch. « Le Congrès et l’administration de la présidente Dina Boluarte devraient d’urgence changer de cap et prendre des mesures efficaces pour protéger les droits de tous les Péruviens. »
Entre septembre 2023 et décembre 2024, Human Rights Watch a mené des entretiens avec 125 procureurs, juges, policiers, défenseurs de l’environnement, dirigeants autochtones, journalistes et responsables au sein du gouvernement. Des chercheurs se sont rendus à Lima, Puerto Maldonado, Pucallpa et Trujillo, et ont passé en revue 34 lois, projets de loi et décisions législatives adoptés par le Congrès, ainsi que 54 décrets présidentiels publiés depuis 2023.
La situation sécuritaire au Pérou s’est détériorée ces dernières années. Selon les données fournies par la police, le nombre annuel d’homicides a augmenté de près de 137 % entre 2018 et 2024, et les chiffres provisoires pour 2025 laissent présager une nouvelle année record. Selon la police, plus de la moitié des homicides commis en 2024 l’ont été par des tueurs à gages. Les plaintes pour extorsion, qui touchent particulièrement les zones urbaines et le transport de marchandises, ont atteint un pic en 2023. Elles sont restées élevées en 2024 et pourraient atteindre un nouveau pic en 2025.
Hausse du nombre d'homicides au Pérou (2018-2024) Click to expand Image Tableau montrant la forte hausse du nombre d’homicides officiellement enregistrés au Pérou entre 2018 (1 076 homicides) et 2024 (2 552 homicides). © 2025 Human Rights WatchLe Congrès, dont plus de la moitié des députés font l’objet d’enquêtes pour corruption ou autres crimes, a pris des mesures qui sapent l’indépendance et les pouvoirs des tribunaux et des procureurs. Il a fortement limité la capacité des procureurs à réunir des preuves et poursuivre des pistes d’enquête auprès des accusés disposés à coopérer, portant un coup dur aux efforts de démantèlement des groupes criminels et de détection des liens avec des responsables accusés de corruption. Le Congrès a par ailleurs modifié la définition du « crime organisé » dans le code pénal en vue d’exclure de nombreux délits de corruption, tout en créant des obstacles aux perquisitions menées dans le cadre des enquêtes. De plus, les députés ont arbitrairement démis de leurs fonctions des juges et des procureurs de haut rang, le plus souvent dans le but de bloquer les enquêtes sur la corruption.
« Une politique de sécurité effective et respectueuse des droits au Pérou implique de renforcer, et non d’affaiblir, les outils dont disposent les experts médico-légaux, les procureurs et les juges pour rendre justice aux victimes du crime organisé », a déclaré Juanita Goebertus.
Le Congrès a également adopté des lois qui nuisent à la protection de l’environnement, notamment en légalisant rétroactivement la déforestation illégale de vastes superficies et en protégeant de facto les mineurs illégaux contre les poursuites judiciaires. L’exploitation minière illégale, principalement celle de l’or à petite échelle, a connu une forte augmentation ces dernières années et constitue la principale infraction permettant le blanchiment d’argent, selon des données fournies par le gouvernement.
Si l’exploitation minière à petite échelle peut constituer une source importante de revenus pour les populations pauvres, elle comporte également des risques considérables pour l’environnement, la santé et les droits du travail lorsqu’elle n’est pas soumise à une réglementation et à une surveillance rigoureuses. Près de la moitié des attaques contre des défenseurs de l’environnement et des leaders autochtones entre 2020 et 2023 étaient liées à l’exploitation minière illégale, selon le Bureau du médiateur.
« Le nombre d’hectares touchés par l’exploitation minière illégale continue d’augmenter d’année en année, sans aucune réaction de la part de l’État, entraînant une recrudescence, dans ces régions, de crimes liés à cette activité, tels que le trafic, les viols et les homicides », a déclaré à Human Rights Watch un procureur de haut rang travaillant en Amazonie péruvienne.
Pour lutter contre la criminalité, la présidente Dina Boluarte a de plus en plus recours à la mise en place d’états d’urgence qui entraînent la suspension des droits constitutionnels dans les zones où ils sont décrétés. Ces mesures n’ont cependant pas permis de réduire le niveau de la violence.
De récentes mesures législatives menacent également de restreindre considérablement le travail des journalistes indépendants et des organisations de la société civile au Pérou. En mars 2025, le Congrès a adopté un projet de loi qui augmente fortement les pouvoirs du gouvernement en matière de contrôle des journalistes et des organisations non gouvernementales qui reçoivent des financements étrangers.
Le Pérou est actuellement candidat à l’adhésion à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui regroupe principalement des pays à revenu élevé et promeut des politiques visant à améliorer le bien-être économique et social des populations à travers le monde. Plus d’une douzaine de comités de l’OCDE examinent actuellement la conformité du Pérou aux normes applicables en matière de gouvernance publique, de politique environnementale et d’état de droit.
« L’OCDE devrait insister pour que les autorités péruviennes s’engagent à lever les obstacles à la lutte contre le crime organisé, la destruction de l’environnement et la corruption, et à garantir la séparation des pouvoirs », a affirmé Juanita Goebertus.
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