20.10.2025 à 14:19
Lorsque les gouvernements se réuniront à Paris cette semaine pour une conférence sur la diplomatie féministe, les sujets à aborder ne manqueront pas. Dans sa description de l'événement, le gouvernement français déplore que les progrès vers l'égalité des genres « ne soient pas assez rapides ». C'est un énorme euphémisme.
Nous sommes en proie à une crise mondiale qui menace les droits des femmes et des filles. Les droits reproductifs sont remis en cause partout dans le monde. Aux Nations Unies et dans d'autres instances internationales, les gouvernements antiféministes, de plus en plus entraînés par les États-Unis, tentent de saper les droits des femmes, et l'espace pour se faire entendre se réduit. En Afghanistan, l'oppression perpétrée par les talibans pousse à réclamer la création d'un crime international d'apartheid de genre. On assiste même à des débats sur la question de savoir si les femmes devraient être autorisées à voter.
La misogynie est l'un des outils préférés des autocrates. Trop nombreux sont ceux qui leur cèdent du terrain. Les États-Unis et les pays européens, dont la France, ont réduit les montants de leur aide étrangère, ce qui porte préjudice au travail de nombreuses organisations de défense des droits des femmes dans le monde entier.
La diplomatie féministe est un terme inventé en Suède en 2014. Bien que la Suède ait ensuite fait marche arrière, en 2024, une douzaine d'autres pays d'Europe, d'Amérique latine et d'Afrique du Nord se sont engagés à mettre en œuvre une politique étrangère féministe. La France a publié sa propre stratégie en mars.
Les pays qui se réunissent à Paris devraient jouer un rôle de premier plan pour empêcher l'érosion des droits des femmes, en adoptant une approche intersectionnelle centrée sur la voix des femmes marginalisées, notamment celles qui sont en situation de handicap et en première ligne face à la crise climatique. Ils devraient reconnaître que le choix des mots est important, dans les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies et ailleurs. Les « solutions de contournement », telles que le fait d'éviter d'utiliser le terme « genre » dans les résolutions, compromettent les progrès réalisés.
Comme la France l'a également souligné, au rythme actuel, l'ONU prévoit que l'égalité des genres sera atteinte dans... 300 ans. Les pays qui mettent en œuvre une politique étrangère féministe devraient à la fois lutter contre les reculs et continuer à exiger des progrès.
Ils devraient faire pression pour que tous les pays financent la protection contre les violences sexuelles et sexistes et garantissent l'accès à la santé, à l'éducation et au logement.
Ils devraient insister pour que les défenseures des droits des femmes soient entenduess lors des débats du Conseil de sécurité, apporter leur soutien aux femmes soldats de la paix et faire pression pour que les femmes participent de manière équitable aux négociations de paix, à la rédaction des traités et à d'autres forums internationaux. Ils devraient soutenir une affaire devant la Cour internationale de justice concernant les violations de la convention sur les droits des femmes et créer un crime international d'apartheid de genre par le biais d'un traité des Nations unies sur les crimes contre l'humanité.
Espérons que la conférence de Paris suscitera un sentiment d'urgence, d'unité, de détermination et de volonté de lutter.
20.10.2025 à 06:00
(Beyrouth, 20 octobre 2025) – Trois femmes détenues dans la prison de Qarchak, une prison pour femmes située au sud de Téhéran, en Iran, et tristement célèbre pour ses conditions de détention abjectes, sont décédées entre le 16 et le 25 septembre après avoir été privées de soins médicaux, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch.
Les décès en détention de Soudabeh Asadi, de Jamile Azizi et de Somayeh Rashidi, une prisonnière politique âgée de 42 ans, mettent en lumière le problème de la violation par les autorités iraniennes du droit à la vie des personnes incarcérées : leur refus de fournir des soins médicaux est la cause de nombreux décès, ou y contribue. Ces cas reflètent la politique de longue date des autorités iraniennes consistant à refuser des soins médicaux aux prisonnier-ère-s, menée dans le contexte d’autres traitements brutaux qui mettent en danger la vie de ces personnes.
« Les prisons en Iran, en particulier celle de Qarchak, sont devenues des lieux de tourments et de mort où la dignité et les droits fondamentaux des personnes détenues sont systématiquement bafoués », a déclaré Michael Page, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Depuis des décennies, les autorités ont non seulement refusé d’améliorer les conditions de détention, mais elles ont délibérément utilisé le déni des droits fondamentaux, tels que l'accès aux soins médicaux, comme un outil de répression et de punition à l'encontre des personnes incarcérées. »
Selon les Règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (« Règles Nelson Mandela »), chaque État « a la responsabilité d’assurer des soins de santé » adéquats aux personnes détenues.
La prison de Shahr-e Rey, aussi appelée prison de Qarchak, est tristement célèbre pour ses conditions de détention inhumaines, notamment le manque d'hygiène, les cellules surpeuplées et l'accès insuffisant aux services de base et aux soins médicaux. La situation est si désastreuse que de nombreuses prisonnières ont entamé des grèves de la faim, en guise de protestation. La prison de Qarchak est devenue un sombre symbole de la violation continue par le gouvernement iranien des droits humains des personnes détenues.
Depuis des années, des organisations de défense des droits humains, des activistes, des experts et des organes des Nations Unies expriment leur inquiétude quant aux conditions de détention dans cette prison, et au refus des autorités d'y fournir des soins médicaux. En août 2025, Human Rights Watch a de nouveau tiré la sonnette d'alarme sur la situation désastreuse des prisonnières politiques iraniennes, notamment celle des détenues malades qui avaient été transférées de la prison d'Evin vers la section de quarantaine de la prison de Qarchak après l'attaque israélienne contre la prison d'Evin, menée le 23 juin.
Parmi ces prisonnières transférées vers Qarchak fin juin se trouvait Somayeh Rashidi, qui avait été arrêtée en avril 2025 pour avoir écrit des slogans de protestation à Téhéran, selon Human Rights Activists in Iran (HRANA), une organisation de défense des droits humains basée aux États-Unis. Selon HRANA, le 16 septembre, Somayeh Rashidi a subi une crise d'épilepsie dans la prison de Qarchak ; elle a été transportée à l'hôpital Mofatteh de Varamin, ou elle est décédée le 25 septembre. Plus tard le même jour, l'agence de presse officielle du pouvoir judiciaire iranien, Mizan, a confirmé le décès d'une prisonnière identifiée comme « S.R. ».
Des médecins ont indiqué que le retard pris dans l’hospitalisation de Somayeh Rashidi était la cause principale du déclin irréversible de son état de santé, a déclaré une source bien informée à HRANA. Selon HRANA, Somayeh Rashidi était parfois incapable de marcher ou de prendre soin d'elle-même lors de sa détention, en raison de ses problèmes de santé. Les autorités judiciaires et pénitentiaires, ainsi que le personnel médical de la prison de Qarchak, étaient informés du grave état de santé de Somayeh Rashidi, mais lui ont refusé des soins médicaux appropriés en temps opportun ; au lieu de cela, le personnel lui a administré des sédatifs et des médicaments psychiatriques qui ont aggravé ses symptômes, selon HRANA. Les responsables de la prison ont même accusé Somayeh Rashidi de simuler sa maladie lorsqu'elle est tombée si malade que d'autres prisonnières ont dû la porter jusqu'à la clinique de la prison le 15 septembre, ont déclaré des sources à Human Rights Watch.
Conformément à la tendance des autorités iraniennes à nier les faits, à déformer la réalité ou à éluder leur responsabilité dans de tels incidents, l’agence du pouvoir judiciaire iranien Mizan a affirmé quelques jours après la mort de Somayeh Rashidi qu'elle avait des antécédents de toxicomanie et de troubles neurologiques, et qu'elle avait reçu un traitement approprié en prison.
La mort de Somayeh Rashidi est survenue après les décès de deux autres détenues de la prison de Qarchak. Selon HRANA, Soudabeh Asadi, qui y était détenue pour des accusations de fraude financière, est décédée le 16 septembre, après que les autorités lui eurent refusé des soins médicaux et retardé son transfert à l'hôpital. Le 19 septembre, Jamile Azizi, qui était détenue pour des motifs dont Human Rights Watch n’a pas connaissance, a été emmenée à la clinique de la prison avec des symptômes de crise cardiaque. Après l'avoir examinée, les médecins lui ont dit qu'elle ne souffrait d’aucun trouble sérieux et devait retourner dans sa cellule ; elle y est décédée peu après, a déclaré une source à HRANA.
Une défenseure iranienne des droits humains précédemment détenue à Qarchak a déclaré à Human Rights Watch qu'elle y avait souffert d’intenses douleurs thoraciques ; toutefois, les responsables de la clinique de cette prison l'ont renvoyée dans sa cellule sans lui faire passer un examen. Même lorsque sa santé s’est dégradée, ces responsables ont délibérément retardé son transfert vers un hôpital. « Ils nous exposent toutes [les prisonnières] au risque de mort », a-t-elle affirmé.
Les récents décès des trois détenues iraniennes sont les derniers en date d'une longue série de cas documentés dans lesquels les autorités ont refusé à des personnes incarcérées l'accès aux soins de santé, parfois pour punir et réduire au silence des dissident-e-s. Dans un rapport publié en avril 2022, Amnesty International a détaillé les circonstances entourant la mort en détention de dizaines d'hommes et de femmes dans 30 prisons à travers l’Iran depuis 2010, à la suite d'un refus de soins médicaux. De nombreux cas de ce type, en particulier parmi les prisonniers détenus pour des délits mineurs et ceux issus de communautés marginalisées, ne sont même pas signalés. La crainte de représailles de la part des autorités entrave aussi la capacité de nombreuses familles à défendre les intérêts de leurs proches.
Le 9 octobre, les autorités ont transféré plusieurs prisonnières politiques qui étaient détenues à Qarchak vers le quartier 6 de la prison d'Evin. Des activistes et des organisations de défense des droits humains ont signalé qu'elles y étaient détenues dans de mauvaises conditions, sans accès aux produits de première nécessité. La situation des prisonnières renvoyées à la prison d'Evin est préoccupante, étant donné que les frappes aériennes israéliennes du 23 juin ont causé d'importants dégâts aux installations vitales de cette prison, notamment à la clinique et à la salle des visites.
Les autorités iraniennes continuent de refuser aux prisonnières politiques de Qarchak et d'Evin l'accès à des soins médicaux adéquats. Des sources ont indiqué à Human Rights Watch que Maryam Akbari Monfared, une femme âgée de 48 ans détenue à Qarchak, souffre de graves problèmes au niveau du dos et de la colonne vertébrale qui nécessiteraient une opération chirurgicale et un traitement spécialisé, sans lesquels elle risque la paralysie ; toutefois, son transfert provisoire vers un hôpital n’a toujours pas été autorisé. Maryam Akbari Monfared est emprisonnée à Qarchak depuis 15 ans, sur la base d'une accusation vague d'« inimitié envers Dieu » (« moharebeh »), sans avoir bénéficié d'un seul jour de permission.
Warisha Moradi, une activiste kurde détenue à la prison d'Evin et qui a été condamnée à mort, a également besoin de soins médicaux urgents pour plusieurs problèmes de santé, a déclaré une source à Human Rights Watch.
De nombreuses autres détenues souffrant de problèmes de santé dans diverses prisons en Iran, dont des prisonnières politiques telles que l’activiste kurde Zeynab Jalalian, sont également privées de soins médicaux.
En vertu du droit international, les États ont l'obligation de mener des enquêtes indépendantes, impartiales, transparentes, efficaces et approfondies sur les décès survenus dans des circonstances potentiellement illégales, y compris ceux survenus en détention. Toutefois, dans un contexte d'impunité de longue date, les autorités iraniennes ont systématiquement manqué à leur devoir de mener de telles enquêtes sur les décès de personnes détenues. Dans plusieurs cas, les autorités ont simplement nié les allégations selon lesquelles elles auraient intentionnellement privé ces personnes de soins médicaux adéquats, lors de déclarations faites quelques heures après le décès ; dans d’autre cas, les autorités ont qualifié des décès de « suicides », ou de conséquence de la toxicomanie.
Les autorités iraniennes devraient immédiatement fournir en temps opportun des soins médicaux appropriés – y compris l’autorisation de traitements spécialisés en dehors des prisons – à toutes les personnes détenues en ayant besoin, a déclaré Human Rights Watch.
« La communauté internationale devrait exercer une forte pression sur les autorités iraniennes afin qu'elles remédient aux conditions déplorables auxquelles les prisonnières et prisonniers sont soumises dans tout le pays, y compris à Qarchak, et qu'elles leur fournissent l’accès à des soins médicaux appropriés », a conclu Michael Page.
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16.10.2025 à 22:37
(Séoul, 16 octobre 2025) – Depuis 2024, les autorités chinoises ont renvoyé de force au moins 406 personnes en Corée du Nord, malgré le grave risque de persécution et de mauvais traitements auquel ces retours les ont exposées, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch.
Le renvoi forcé de Nord-Coréens par le gouvernement chinois les expose à un risque élevé de torture, d'emprisonnement abusif, de violences sexuelles, de travail forcé et d'exécution potentielle, en violation du droit international relatif aux droits humains. Les responsables chinois chargés de ces expulsions illégales s'exposent à des poursuites pénales pour avoir facilité des crimes commis sous le régime totalitaire du dirigeant nord-coréen Kim Jong Un.
« Les autorités chinoises ont renvoyé des centaines de Nord-Coréens vers leur pays, tout en sachant qu’elles risquent d’y être sévèrement persécutées », a déclaré Lina Yoon, chercheuse senior sur la Corée à Human Rights Watch. « Pékin devrait immédiatement autoriser le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés à accéder à toutes les personnes menacées de renvoi forcé vers la Corée du Nord, et publier des données sur tous les Nord-Coréens détenus en Chine ou déjà expulsés. »
Les 406 cas sont basés sur des informations fournies par Stephen Kim, pseudonyme d'une personne disposant de nombreux contacts en Corée du Nord et en Chine. Human Rights Watch considère depuis longtemps les rapports de son réseau sur les rapatriements forcés comme crédibles. Ce nouveau chiffre porte à au moins 1 070 le nombre total de retours forcés depuis 2020. Aucune donnée officielle n'est disponible.
En 2014, un rapport publié par la Commission d'enquête des Nations Unies sur les droits humains en Corée du Nord, avait conclu que les Nord-Coréens « rapatriés de force » sont « systématiquement » soumis à des actes constituant des crimes contre l'humanité, notamment la torture, les violences sexuelles, le travail forcé, les disparitions forcées et des conditions de détention inhumaines. La Commission avait alors averti que la coopération de la Chine dans l'identification et le rapatriement des fugitifs nord-coréens pourrait constituer une complicité dans ces crimes.
En mai 2024, des experts des droits humains de l'ONU ont réitéré leurs préoccupations concernant les retours forcés en Corée du Nord. En septembre 2025, le Haut-Commissariat aux droits de l'homme des Nations Unies a publié au sujet de ce pays un rapport constatant que « tout au long de la dernière décennie, les personnes rapatriées ont été victimes de graves violations des droits humains, notamment de détentions arbitraires, de tortures, de mauvais traitements, de disparitions forcées et de violences sexuelles et sexistes ». Le rapport rappelle que tous les États doivent « respecter pleinement le principe de non-refoulement », selon lequel une personne ne peut être renvoyée vers un pays où elle risque d'être maltraitée, et « s'abstenir systématiquement de procéder à des rapatriements forcés, compte tenu du risque réel de violations graves des droits humains ».
En novembre 2024, plusieurs experts des droits humains des Nations Unies ont adressé aux gouvernements de la Corée du Nord et de la Chine un courrier exprimant leur inquiétude concernant les informations selon lesquelles, en août 2024, la Corée du Nord avait exécuté deux femmes qui faisaient partie des personnes rapatriées de force en octobre 2023. Les experts se sont aussi enquis du sort des autres personnes soumises à des rapatriements forcés, mais n’ont reçu aucune réponse.
Déjà en juillet 2023, dans le cadre de l'Examen périodique universel de la Chine au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HRC) avait exhorté ce pays à reconnaître que de nombreux Nord-Coréens ont besoin d'une protection internationale en raison des traitements sévères infligés à ceux qui sont renvoyés vers leur pays. Le HCR avait appelé Pékin à leur garantir l'accès aux procédures d'asile et aux documents qui leur permettraient de résider légalement en Chine.
Human Rights Watch a vérifié de nombreux cas de retours forcés depuis 2024, sans toutefois pouvoir obtenir des informations précises sur la situation actuelle de ces personnes, ni sur le lieu où elles se trouvent.
Parmi ces personnes figurent 108 travailleurs nord-coréens qui résidaient dans la ville de Helong, dans la province de Jilin en Chine ; ils ont été renvoyés en Corée du Nord en janvier 2024, après qu'une manifestation pour réclamer le versement de leurs salaires impayés a dégénéré en violences. Suite à leur retour en Corée du Nord, ils auraient été transférés vers des prisons où sont détenus des prisonniers politiques.
En avril 2024, 60 Nord-Coréens qui vivaient dans les provinces chinoises de Jilin et de Liaoning ont été renvoyés vers leur pays. Au cours de l'année 2024, 212 femmes nord-coréennes qui avaient été victimes du trafic de personnes, puis détenues en Chine dans les villes de Kunming (province du Yunnan), Nanning (province du Guangxi) et Pinxiang (province du Jiangxi) ont été renvoyées vers la Corée du Nord. Début 2025, un Nord-Coréen âgé de 36 ans et accusé de piratage informatique a été expulsé vers son pays. Vers la mi-2025, cinq femmes qui avaient été soumises à des mariages forcés dans les provinces chinoises de Jilin et Heilongjiang ont été renvoyées vers la Corée du Nord.
Entre décembre 2024 et juillet 2025, les autorités chinoises ont également renvoyé de force 20 femmes nord-coréennes, parmi 22 femmes détenues en Mongolie intérieure. Les deux femmes qui n'ont pas été renvoyées de force vers la Corée du Nord avaient été victimes de traite à des fins de mariage forcé en Chine, et étaient enceintes. Elles ont été contraintes de retourner dans les domiciles des deux hommes chinois qui avaient payé des trafiquants afin de les épouser.
Les femmes qui tombent enceintes lors de relations coercitives avec des hommes chinois sont soumises à un traitement particulièrement sévère en cas de retour en Corée du Nord, ont déclaré trois anciens responsables du gouvernement nord-coréen à Human Rights Watch. La Commission d'enquête de 2014 avait constaté que les autorités nord-coréennes soumettaient systématiquement ces femmes à des avortements forcés, voire même des infanticides de nourrissons. Selon le rapport, ces graves abus sont dus à une « attitude raciste à l’égard des enfants coréens d’origine mixte », perçus par le gouvernement comme une menace pour la soi-disant pureté du peuple nord-coréen.
Au mois de juillet 2025, plus d'une centaine de femmes nord-coréennes étaient toujours détenues dans des centres de détention des provinces du sud de la Chine. Elles avaient été victimes de traite à des fins de mariage forcé, avaient eu des enfants et tentaient de rejoindre un pays tiers sûr. Les autorités chinoises prévoyaient de les renvoyer chez les hommes auxquels elles avaient été « vendues », avant la visite du dirigeant nord-coréen Kim Jong Un à Pékin, début septembre. Human Rights Watch a appris qu'au moins 28 de ces femmes ont en effet été renvoyées auprès de ces hommes, en Chine.
Le gouvernement chinois continue de qualifier de nombreux Nord-Coréens sans papiers de « migrants économiques » illégaux, et de les renvoyer de force vers leur pays, en vertu d'un protocole frontalier de 1986. Sous le président Xi Jinping, la surveillance de masse en Chine, exercée dans un contexte de répression croissante, a facilité le repérage systématique de personnes nord-coréennes et leur renvoi forcé vers leur pays.
Pékin a rejeté les appels internationaux visant à mettre fin à ces retours forcés. En 2024, lors de l'Examen périodique universel de la Chine au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, la délégation chinoise a explicitement rejeté les recommandations appelant à la cessation des expulsions de Nord-Coréens vers leur pays.
En tant qu'État partie à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et à son Protocole de 1967, ainsi qu'à la Convention de 1984 contre la torture, la Chine est légalement tenue de ne renvoyer de force aucune personne vers un pays où elle risque réellement d'être persécutée ou torturée. Cette interdiction, en vertu du principe de non-refoulement, est également contraignante pour la Chine en vertu du droit international coutumier.
En 2010, le ministère nord-coréen de la Sécurité publique a adopté un décret faisant de la défection un crime de « trahison contre la nation », passible de la peine de mort. En vertu du droit international, les Nord-Coréens ayant quitté leur pays sans autorisation et qui risquent d'être rapatriés de force sont considérés comme des « réfugiés sur place », c'est-à-dire des personnes qui deviennent réfugiées, quelles que soient les raisons de leur départ ou les persécutions antérieures.
Le gouvernement chinois devrait immédiatement mettre fin aux renvois forcés de Nord-Coréens, accorder l'asile aux réfugiés nord-coréens et leur permettre de s'intégrer pleinement en Chine s'ils le souhaitent ; ou de manière alternative, il devrait leur permettre de demander la réinstallation dans un pays tiers, ou de traverser en toute sécurité le territoire chinois pour se rendre dans un pays tiers. Les autres gouvernements et les donateurs devraient accroître leur soutien aux organisations qui viennent en aide aux fugitifs, en particulier celles qui offrent une protection tenant compte des spécificités de genre aux femmes et aux enfants exposés au risque de traite ou de rapatriement.
« Le gouvernement chinois devrait cesser de renvoyer de force des Nord-Coréens, et demander plutôt à Pyongyang de mettre fin aux conditions oppressives qui poussent les gens à fuir la Corée du Nord », a conclu Lina Yoon. « Les autres gouvernements devraient exhorter la Corée du Nord à permettre à des personnes de partir librement, et ils devraient apporter un soutien durable aux organisations qui protègent les fugitifs nord-coréens. »
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