17.12.2025 à 13:10
(Bruxelles) – L’approbation par le Parlement européen, le 16 décembre 2025, des amendements finaux affaiblissant considérablement la législation phare de l’Union européenne en matière de responsabilité des entreprises compromet gravement la capacité de l’Union européenne à tenir les entreprises pour responsables des atteintes aux droits humains et à l’environnement, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
Le vote sur la directive relative au devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (Corporate Sustainability Due Diligence Directive, CSDDD) met un terme à huit mois de lobbying intense de l’industrie, à un processus décisionnel opaque et à des négociations chaotiques. Les amendements adoptés réduisent le nombre d’entreprises couvertes par la loi et suppriment l’obligation pour celles-ci de mettre en œuvre des plans de transition climatique.
« La loi pionnière de l’Union européenne sur la responsabilité des entreprises a été vidée de sa substance », a déclaré Hélène de Rengervé, responsable senior du plaidoyer sur la responsabilité des entreprises à Human Rights Watch. « Le texte final montre que les intérêts des entreprises sont désormais prioritaires par rapport aux droits des travailleurs, des communautés et à la protection de l’environnement. »
La version initiale de cette législation, adoptée en 2024 et qui devait entrer en vigueur en 2026, imposait aux grandes entreprises de plus de 1 000 employés, établies ou opérant dans l'UE, de prévenir et de s'attaquer aux violations des droits humains et aux dommages environnementaux tout au long de leurs chaînes d'approvisionnement mondiales.
Les institutions européennes ont désormais convenu de repousser à juillet 2028 l’obligation pour les États membres de transposer la directive en droit national, la loi ne devenant contraignante pour les entreprises qu’en juillet 2029.
La loi révisée a été adoptée à l’issue d’un processus politique profondément défaillant et non transparent, a déclaré Human Rights Watch. Ce processus a débuté le 8 novembre 2024, lorsque la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé une série de lois dites « Omnibus » visant à simplifier le Pacte vert pour l’Europe. Les modifications proposées, rendues publiques seulement en février 2025, ont affaibli des dispositions essentielles de la loi sur la responsabilité des entreprises, rendant plus difficile pour les victimes de violations des droits humains de poursuivre les entreprises en justice.
Le lobbying exercé par des entreprises européennes et américaines, en particulier du secteur des énergies fossiles, a fortement influencé les propositions de la Commission. Des entreprises américaines ont également obtenu que le président Donald Trump fasse pression pour affaiblir la directive dans le cadre des négociations commerciales entre les États-Unis et l’Union européenne.
La société civile a été largement exclue du processus. La Médiatrice européenne a estimé que la Commission européenne n’avait pas justifié de manière suffisante l’urgence invoquée, ni le choix d’introduire ces modifications sans garantir une préparation transparente, fondée sur des preuves et inclusive des propositions législatives. Cela constitue une violation des propres principes de bonne législation de la Commission et relève d’un cas de mauvaise administration. Ce qui s’est produit porte atteinte à la crédibilité de l’UE, a déclaré Human Rights Watch.
Human Rights Watch, aux côtés de 170 organisations de la société civile, ainsi que des dizaines d’entreprises et d’investisseurs, s’est opposé aux modifications introduites par la loi Omnibus. Malgré cela, de nombreux amendements ont été adoptés par les États membres et le Parlement européen, où les partis centristes se sont associés à l’extrême droite pour pouvoir les approuver.
La loi amendée conserve toutefois certaines exigences importantes, notamment l’obligation fondamentale pour les entreprises de mettre en place des processus de diligence raisonnable significatifs en matière de droits humains et d’environnement sur l’ensemble de leur chaîne d’approvisionnement. Une proposition visant à limiter cette obligation aux seuls fournisseurs directs a finalement été rejetée.
Les entreprises resteront aussi tenues de mettre en œuvre une approche fondée sur les risques, en donnant la priorité aux situations les plus graves, tout en ayant l’obligation de traiter l’ensemble des atteintes existantes ou potentielles identifiées dans leur chaîne d’approvisionnement.
En revanche, les entreprises ne seront plus obligées de mettre en œuvre des plans de transition climatique visant à surveiller et, à terme, à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre conformément à l'accord de Paris sur le climat, pourtant ratifié par l’ensemble des États membres de l’UE. Or, les plus grandes entreprises, désormais seules à être concernées par la loi, sont responsables de l’équivalent de près des deux tiers des émissions annuelles totales de dioxyde de carbone (CO₂) de l’UE, selon une étude récente.
Au total, les modifications adoptées ont réduit de 70 % le nombre de groupes d’entreprises de l’UE concernées par la directive, passant de 3 363 à 980. Elles ont également supprimé l’obligation pour les États membres de mettre en place un cadre harmonisé au niveau européen permettant de poursuivre les entreprises devant la justice pour des violations des droits humains, compliquant ainsi considérablement l’accès à la justice pour les victimes.
« La loi telle qu’amendée est très loin de l’ambition initiale d’une législation véritablement transformatrice en matière de responsabilité des entreprises », a conclu Hélène de Rengervé. « Mais les communautés, les travailleurs et les partenaires de la société civile doivent malgré tout s’appuyer sur ce qu’il en reste pour continuer à lutter en faveur de la justice pour les victimes d’abus commis par des entreprises à travers le monde. »
16.12.2025 à 22:00
(Washington) – Human Rights Watch a publié aujourd'hui un document « Questions-Réponses » détaillé, analysant les frappes menées par l'administration Trump contre des bateaux dans les Caraïbes et le Pacifique. À ce jour, 26 frappes signalées ont tué illégalement au moins 95 personnes, dont aucune n'a été identifiée par le gouvernement américain.
16 décembre 2025 Questions-réponses : Opérations militaires américaines dans les Caraïbes et le PacifiqueCe document vise à fournir des réponses pour mieux comprendre les implications juridiques et en matière de droits humains de cette campagne militaire menée par les États-Unis. Le document explique pourquoi ces frappes constituent des exécutions extrajudiciaires au regard du droit international des droits humains, et expose les failles de l’argumentation de l'administration Trump, qui affirme que les États-Unis sont engagés dans un conflit armé avec des « narco-terroristes ».
Le document décrit aussi diverses obligations qui incombent aux États-Unis, notamment d'enquêter sur les exécutions illégales, de traduire en justice les responsables et d'offrir des voies de recours efficaces aux familles des victimes. Enfin, le document « Questions-Réponses » identifie les mesures concrètes que le Congrès devrait prendre, notamment la tenue d'audiences publiques, la mise en place d'enquêtes indépendantes et la création d'une commission spéciale chargée d’examiner les décisions juridiques et opérationnelles liées à ces frappes.
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16.12.2025 à 14:52
Chaque année, Human Rights Watch fait le point sur les progrès réalisés en matière de droits des enfants dans le monde. De l'amélioration de l'accès à l'éducation au renforcement des protections en temps de guerre, voici quelques faits marquants de l'année 2025.
De nouvelles données de l'Organisation internationale du travail et de l'UNICEF ont révélé que le nombre d'enfants obligés de travailler avait diminué de 20 millions par rapport à 2020.Le Malawi et le Japon ont tous deux supprimé les frais de scolarité dans les écoles secondaires publiques. Le Vietnam a instauré la gratuité des frais de scolarité pour tous les élèves des écoles publiques, de la maternelle au secondaire.Le Brésil a adopté une loi historique pour protéger les droits des enfants en ligne, devenant ainsi le premier pays d'Amérique latine à adopter une loi spécifique en faveur des enfants.La Bolivie, la Grenade, le Burkina Faso, le Portugal et le Koweït ont tous relevé l'âge minimum légal du mariage à 18 ans. Aux États-Unis, les états du Maine, de l'Oregon et du Missouri ont interdit le mariage des enfants.En septembre, 92 pays se sont réunis pour la première fois afin d'examiner officiellement la possibilité d'un nouveau traité international pour garantir la gratuité de l'éducation pour tous les enfants, de la maternelle au secondaire. À ce jour, 60 pays se sont engagés à soutenir ce traité.La Thaïlande, la Tchéquie et la Suisse ont interdit toutes les formes de châtiments corporels infligés aux enfants, portant à 70 le nombre total de pays ayant adopté une telle interdiction.Les États-Unis et le Kosovo ont approuvé la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, un engagement politique visant à protéger l'éducation pendant les conflits armés, portant à 122 le nombre de pays ayant approuvé cette déclaration.La Chine a lancé un programme de subventions pour les familles ayant des enfants de moins de 3 ans, tandis que les Fidji, le Japon, le Maroc, la Turquie et la Tunisie ont augmenté les allocations pour les enfants, et le Royaume-Uni a annoncé qu'il supprimerait la « limite de deux enfants » pour les familles bénéficiant d'une aide sociale liée aux enfants. Ces mesures peuvent jouer un rôle important dans la réduction de la pauvreté infantile: rien qu'au Royaume-Uni, la suppression de la limite de deux enfants devrait permettre à environ 450 000 enfants de sortir de la pauvreté relative d'ici 2030.Le procureur de la Cour pénale internationale a demandé des mandats d'arrêt contre deux hauts dirigeants talibans pour des violations graves commises à l'encontre de femmes et de filles en Afghanistan, invoquant la persécution fondée sur le genre, un crime contre l'humanité.Le gouvernement de l'État d'Australie-Occidentale a annoncé un nouveau programme de réparation pour les « générations volées », des enfants autochtones qui ont été retirés de force à leurs familles dans le cadre de politiques racistes mises en place au début des années 1900 et qui ont perduré jusqu'aux années 1970.Partout dans le monde, les enfants continuent de faire face à de graves menaces pour leurs droits, mais ces exemples montrent que des améliorations réelles sont possibles.