23.06.2025 à 20:28
Samedi dernier, dans le cadre d’une grâce présidentielle, les autorités du Bélarus ont libéré 14 prisonniers qui étaient incarcérés à la suite de poursuites à caractère politique, et les ont transférés en Lituanie, pays voisin. Parmi les prisonniers libérés figurent l'éminent opposant politique Siarhei Tsikhanouski, ainsi que des activistes et des journalistes indépendants.
Parmi les personnes libérées, certaines détiennent des passeports de pays étrangers, dont les États-Unis, la Lettonie, l'Estonie, la Pologne, la Suède et le Japon.
Plus de 1 000 prisonniers politiques demeurent toutefois derrière les barreaux au Bélarus.
Siarhei Tsikhanouski, un blogueur populaire qui comptait se présenter comme candidat à l’élection présidentielle d’août 2020 au Bélarus, a été arrêté en mai 2020, quelques mois avant la tenue du scrutin. Son épouse, Sviatlana Tsikhanouskaya, s'est alors présentée à sa place à l’élection présidentielle, qu’elle aurait remportée selon de nombreux observateurs ; mais dans un contexte de trucage, le président Alexandre Loukachenko a été annoncé comme le vainqueur, réélu à son poste qu’il occupe depuis 1994. Depuis, Sviatlana Tsikhanouskaya, réfugiée en Lituanie, est devenue une dirigeante de l'opposition en exil et une fervente défenseure de son mari, qui fut condamné à 19 ans et 6 mois de prison sur la base d’accusations criminelles fallacieuses.
La libération des 14 prisonniers a été annoncée lors de la visite à Minsk, la capitale du Bélarus, de Keith Kellogg, Envoyé spécial des États-Unis pour l’Ukraine et la Russie ; cette libération a apparemment été négociée par Washington.
Une vidéo montrant l’embrassade entre Sviatlana et Sirhei après cinq ans de séparation est profondément émouvante. Mais les familles d'au moins 1 177 autres prisonniers politiques n'ont pas eu la chance de telles retrouvailles avec leurs proches, toujours incarcérés.
Depuis juillet 2024, Loukachenko a libéré 314 prisonniers politiques, apparemment dans l’espoir d’améliorer ses relations avec l'Union européenne et les États-Unis. Cependant, la répression politique se poursuit en Bélarus, où les prisonniers sont régulièrement victimes de mauvais traitements, et parfois de détention au secret.
Sirhei Tsikhanouski et d'autres prisonniers libérés ont évoqué l'isolement prolongé, les pressions psychologiques et d’autres traitements cruels subis dans les prisons biélorusses. Les enfants de Sirhei Tsikhanouski ne l'ont pas immédiatement reconnu en raison de son importante perte de poids, conséquence de la malnutrition derrière les barreaux.
Parmi les personnes toujours emprisonnées et isolées du monde figurent Ales Bialiatski, co-lauréat du prix Nobel de la paix et fondateur de l'organisation de défense des droits humains Viasna, l'opposante Maria Kalesnikava et le journaliste Ihar Losik. Certains prisonniers politiques sont morts derrière les barreaux, y compris en raison de la privation de soins médicaux adéquats.
Nous ignorons encore ce qu’Alexandre Loukachenko a reçu ou espère recevoir en échange de la libération de Sirhei Tsikhanouski et des 13 autres prisonniers. Mais la vie de personnes ne devrait pas être une monnaie d'échange pour des marchandages politiques. Les autorités biélorusses devraient libérer immédiatement toutes les personnes poursuivies simplement pour avoir exercé leurs droits humains, et tenté de faire valoir leurs libertés.
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20.06.2025 à 18:54
Plus de 100 ONG et syndicats appellent à la suspension partielle de cet accord, dont Israël viole l’Article 2 par le biais de ses actions à Gaza et en Cisjordanie
(Bruxelles, le 20 juin 2025) – L'Union européenne devrait immédiatement suspendre son accord commercial avec Israël tant que les crimes atroces commis par ce pays persisteront, selon une déclaration conjointe publiée le 19 juin par plus de 110 organisations, dont Human Rights Watch, et syndicats. Il s'agirait de la première mesure prise par l'UE au cours des deux dernières années afin de viser l'obligation de rendre des comptes pour les violations flagrantes commises par les autorités israéliennes à l'encontre des Palestiniens.
Lors de la réunion du Conseil européen prévue le 23 juin, les ministres des Affaires étrangères de l'UE devraient discuter de l'Accord d'association UE-Israël. Ils évalueront alors les résultats d’un examen portant sur le respect ou non par Israël de l'Article 2 du texte, selon lequel « le respect des droits de l'homme et des principes démocratiques », sur le plan des « politiques internes et internationales », constitue un « élément essentiel » de l'accord. Cet examen a été lancé le 20 mai, lorsque 17 des 27 ministres des Affaires étrangères de l'UE ont soutenu une proposition du gouvernement néerlandais à cet égard. L'UE est le principal partenaire commercial d'Israël, et la suspension du volet commercial de l'accord rétablirait les droits de douane sur les échanges bilatéraux.
« En tant qu’États parties à la Convention sur le génocide, tous les pays membres de l'UE sont tenus d'employer tous les moyens raisonnables pour mettre fin aux atrocités israéliennes ; mais plusieurs d’entre eux sont restés passifs et silencieux, risquant de se rendre complices de tels crimes », a déclaré Claudio Francavilla, directeur par intérim des relations avec UE à Human Rights Watch. « Les ministres européens des Affaires étrangères ne devraient pas laisser l'escalade des hostilités entre Israël et l'Iran détourner l’attention des actes d’extermination et d’apartheid à l’encontre des Palestiniens, qui se poursuivent ; ils devraient suspendre sans tarder le volet commercial de l'Accord d'association UE-Israël. »
L’examen de l'Accord UE-Israël a lieu alors que les autorités israéliennes poursuivent leurs opérations militaires à Gaza, au cours desquelles elles ont commis des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité et des actes de génocide. Les autorités israéliennes ont également bafoué trois ordonnances contraignantes émises (en janvier, en mars et en mai 2024) par la Cour internationale de Justice (CIJ), dans le cadre de l’affaire portée par l'Afrique du Sud, alléguant qu'Israël viole la Convention sur le génocide. Les ordonnances de la CIJ imposaient à Israël l'obligation de prendre des mesures pour prévenir des actes de génocide à l’encontre des Palestiniens de Gaza, notamment en permettant la fourniture d’aide humanitaire et de services de base, en agissant pour empêcher l'incitation au génocide, et en punissant une telle incitation.
Human Rights Watch appelle depuis longtemps les États à user de leur influence pour inciter Israël à mettre fin à ses abus et à respecter les ordonnances de la CIJ. En tant qu’États parties à la Convention de l’ONU pour la prévention et la répression du crime de génocide, tous les pays membres de l'UE ont l'obligation de « mettre en œuvre tous les moyens qui sont raisonnablement à leur disposition » pour prévenir un génocide. Cette obligation incombe à tout État qui a connaissance, ou qui aurait normalement dû avoir connaissance, d'un risque sérieux de génocide. Ceci ne nécessite pas d’attendre une détermination définitive qu'un génocide est déjà en cours, comme l'a indiqué Human Rights Watch dans une intervention auprès de la Haute Cour de Justice britannique en avril 2025 ; cette intervention contestait la délivrance par le gouvernement britannique de licences à des sociétés pour la vente à Israel d’équipements militaires utilisés par la suite à Gaza.
La capacité d'un État à influencer des acteurs risquant de commettre un génocide est un important facteur dans l’évaluation, par un tribunal, de son éventuelle responsabilité pour manquement à l'obligation de prévenir un génocide, selon le droit international. Il s’agit notamment de la proximité géographique, des liens politiques et d’autres types de relations, ainsi que des moyens dont dispose l'État pour exercer son influence. Concernant cette responsabilité, la CIJ a émis un arrêt indiquant qu’« [un] État est tenu, s’il dispose de moyens susceptibles d’avoir un effet dissuasif à l’égard des personnes soupçonnées de préparer un génocide, ou dont on peut raisonnablement craindre qu’ils nourrissent l’intention spécifique (dolus specialis), de mettre en œuvre ces moyens ... »
Les autorités israéliennes ont également manqué aux obligations découlant d'un avis consultatif historique émis par la CIJ en juillet 2024, et d'une résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies de septembre 2024 approuvant largement son contenu. La CIJ a jugé l'occupation par Israël du Territoire palestinien occupé illégale et entachée de graves violations – notamment l'apartheid et la ségrégation raciale – et a déclaré que cette occupation, ainsi que les colonies illégales israéliennes, devaient être démantelées. En mars 2025, un rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme a documenté une expansion significative des colonies israéliennes en Cisjordanie, où les forces israéliennes ont intensifié la répression, déplaçant des dizaines de milliers de Palestiniens à une échelle jamais vue depuis 1967 et tuant plus de 930 personnes depuis octobre 2023.
Dans son avis consultatif du 19 juillet 2024, la CIJ a également rappelé l'obligation de tous les États parties à la Quatrième Convention de Genève – y compris tous les États membres de l'UE –de « s’assurer qu’Israël respecte le droit international humanitaire tel que consacré par cette convention ». L'avis consultatif indiquait aussi que les États devraient prendre des mesures pour « empêcher les échanges commerciaux ou les investissements qui aident au maintien de la situation illicite créée par Israël dans le Territoire palestinien occupé ».
Pourtant, malgré de profondes divisions, l'UE n'a adopté aucune mesure pour faire pression sur les autorités israéliennes afin qu'elles respectent les lois de la guerre et préviennent le génocide.
Contrairement aux mesures qui requièrent l'unanimité – telles que les sanctions ciblées, un embargo sur les armes à l'échelle de l'UE ou la suspension de l'ensemble de l'Accord d'association UE-Israël – la suspension du volet commercial de l'Accord nécessiterait le soutien d'une majorité qualifiée des États membres de l'UE. Cette suspension, initialement demandée conjointement par l'Espagne et l'Irlande en février 2024, n'entraînerait pas une interdiction commerciale totale, mais rétablirait les droits de douane sur les échanges bilatéraux.
En novembre 2024, les ministres des Affaires étrangères de l'UE ont reçu un rapport d'Olof Skoog, Représentant spécial de l'UE pour les droits de l'homme ; ce rapport, qui a fait l’objet d’une fuite, compilant les conclusions d'organismes indépendants de l'ONU et de tribunaux internationaux sur les exactions commises par Israël dans l'ensemble du Territoire palestinien occupé. Peu après, la Cour pénale internationale a émis des mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et l’ex-ministre de la Défense Yoav Gallant, ainsi que contre Mohammed Diab Ibrahim al-Masri (« Mohammed Deif »), un dirigeant militaire du Hamas qui a été assassine par la suite.
Déjà durant cette période, les ministres des Affaires étrangères de l'UE auraient pu prendre des mesures concrètes, comme un examen de l'Accord d'association UE-Israël. Au lieu de cela, ils ont convoqué une réunion officielle du Conseil d'association UE-Israël avec leur homologue israélien, Gideon Saar.
Lors de cette réunion, tenue en février dans un contexte de cessez-le-feu fragile à Gaza, l'UE a déclaré que le gouvernement israélien devait prendre un certain nombre de mesures, notamment la mise en œuvre des décisions contraignantes de la CIJ afin de permettre l'acheminement sans entrave de l'aide humanitaire à grande échelle dans toute la bande de Gaza, et la fin de la politique de colonisation illégale d'Israël en Cisjordanie. Les autorités israéliennes se sont toutefois abstenues de prendre de telles mesures ; à l’inverse, elles ont imposé un siège total à Gaza, et ont approuvé l’expansion des colonies en Cisjordanie.
Une conférence des Nations Unies sur une solution à deux États et la paix au Moyen-Orient, prévue du 17 au 20 juin, a été reportée en raison de la poursuite des hostilités entre Israël et l'Iran. Dans une lettre du 5 juin, Human Rights Watch a exhorté les États membres de l'UE à saisir l'occasion de cette conférence pour aller au-delà des affirmations répétées de soutien aux droits humains et au droit international ; les États devraient adopter des mesures concrètes – telles que la suspension des transferts d'armes et des accords bilatéraux, et l'interdiction du commerce avec les colonies – et assorties de délais afin de garantir leur mise en œuvre.
En réalité, à l'exception d'initiatives notables prises par certains États membres et de sanctions ciblées visant certains colons israéliens violents, l'action de l'UE a été largement paralysée par la réticence de la Commission européenne à agir. Certains pays – principalement la Hongrie, la République tchèque, l'Allemagne, l'Italie et l'Autriche, mais aussi la Grèce, Chypre, la Croatie, la Lituanie, la Bulgarie et la Roumanie – ont aussi exprimé leur opposition à la prise de mesures fortes par l’UE, donnant ainsi aux autorités israéliennes un certain sentiment d'impunité.
L’actuel examen de l'Accord d'association UE-Israël est la mesure la plus proche que l'UE ait prise pour demander des comptes aux autorités israéliennes ; toutefois, cet examen n'aura que peu d'effet pratique s’il n’aboutit pas à la suspension du volet commercial de l’Accord, a déclaré Human Rights Watch.
« Depuis près de 21 mois, l'UE assiste à une escalade des atrocités contre les Palestiniens sans prendre aucune mesure concrète pour faire respecter le droit international », a conclu Claudio Francavilla. « L’examen et la suspension de l'Accord d'association UE-Israël permettraient à l'Union de démontrer la crédibilité de son engagement en faveur des droits humains et du droit international, et d'agir enfin pour répondre aux actes de génocide perpétrés par les autorités israéliennes. »
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Articles
Times of Israel (FR)
19.06.2025 à 06:01
(Paris) – Un projet de loi examiné à l’Assemblée nationale portant sur la reconstruction du département d’Outre-mer de Mayotte devrait inclure l’accès à l’éducation et aux autres droits économiques et sociaux fondamentaux des enfants, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
Située dans l’océan Indien, au nord-ouest de Madagascar, Mayotte est depuis longtemps délaissée par les autorités françaises. Son système éducatif est confronté depuis des années à un manque d’infrastructures scolaires, à des classes surpeuplées et à une pénurie d’enseignants. Les enfants de familles sans papiers et ceux vivant dans des bidonvilles rencontrent de manière disproportionnée des obstacles à leur scolarisation. La sécheresse a provoqué de fréquentes pénuries d’eau, et un cyclone dévastateur en décembre 2024 a entraîné des destructions importantes des habitations, des écoles et des infrastructures.
« L’éducation n’est pas seulement un droit pour tous les enfants, elle est obligatoire en France de 3 à 16 ans », a déclaré Elvire Fondacci, chargée de plaidoyer à Human Rights Watch. « Pourtant, à Mayotte, des milliers d’enfants – en raison de leur nationalité ou de leur statut migratoire – n’ont pas accès à l’éducation ni à d’autres services sociaux essentiels. »
Human Rights Watch s’est entretenu avec plus de 40 enfants et parents, ainsi qu’avec des organisations de la société civile, des institutions indépendantes, des enseignants, du personnel éducatif, et des représentants des autorités locales et nationales, lors d’une mission de recherche de 10 jours à Mayotte en mai 2025.
Mayotte est l’un des 13 départements et territoires français d’Outre-mer, hérités de son passé colonial. C’est le département le plus pauvre de France, et l’un des plus défavorisés de l’Union européenne. Plus de 75 % de sa population vit sous le seuil de pauvreté.
Près de la moitié de la population de l’archipel a moins de 18 ans, et 8 enfants sur 10 vivent dans la pauvreté. Le système éducatif était déjà sous pression bien avant le cyclone Chido, avec des écoles et des classes surchargées.
Une étude menée en 2023 par l’Université Paris-Nanterre a estimé que jusqu’à 9 % des enfants de Mayotte en âge d’aller à l’école n’étaient pas scolarisés. Le Défenseur des droits a signalé en octobre 2023 que jusqu’à 15 000 enfants n’avaient pas accès à une journée scolaire complète dans une école publique. Pourtant, selon la loi, l’instruction en France est gratuite, obligatoire de 3 à 16 ans, et devrait être accessible à tous les enfants, indépendamment de leur statut migratoire.
L’enseignement primaire relève principalement des municipalités, dont certaines imposent des exigences administratives supplémentaires pour l’inscription scolaire. Certaines demandent des documents délivrés récemment comme un acte de naissance ou une attestation de domicile sur lesquelles figurent l’adresse des enfants — des documents difficiles à fournir pour les familles vivant en habitat informel ou sans papiers.
Certaines collectivités sont également réticentes à construire de nouvelles écoles, perçues comme profitant avant tout aux enfants de familles immigrées, notamment originaires des Comores voisines, ou comme favorisant l’immigration. Priver des enfants de leurs droits fondamentaux, notamment celui à l’éducation, ne devrait jamais être utilisé comme moyen de dissuasion contre la migration, rappelle Human Rights Watch. Le Défenseur des droits a souligné début juin que les carences du système éducatif mahorais contribuent à exacerber et renforcer les inégalités existantes.
La crainte d’être arrêtés par la police aux frontières (PAF), notamment à proximité des écoles et des mairies, dissuade de nombreuses familles d’accompagner leurs enfants à l’école ou de recourir à des services publics essentiels comme la vaccination, et complique les démarches d’inscription scolaire.
Les politiques migratoires spécifiques à Mayotte sont de plus en plus restrictives —encore plus qu’en métropole— et ont entraîné une augmentation du nombre d’enfants qui se retrouvent sans papiers à 18 ans, quelle que soit la durée de leur présence ou même s’ils sont nés sur place. L'incertitude des enfants quant à leur avenir est une source d'angoisse et en conduit certains à abandonner l'école prématurément.
Un membre d’une association locale de soutien aux enfants non scolarisés témoigne : « À 13 ans, certains élèves se demandent déjà si cela vaut vraiment la peine de rester à l’école. »
Des milliers d’enfants à Mayotte vivent dans des bidonvilles, souvent dans des logements de fortune —appelés bangas— sans eau courante ni électricité. Certains étudient à la lumière d’une bougie ou du flash de leur téléphone ; d’autres laissent leurs cahiers à l’école pour éviter qu’ils ne soient abîmés en cas de pluie.
Les enfants vivant dans les bidonvilles souffrent souvent de malnutrition. Des enseignants rapportent que certains enfants s’endorment en classe ou n’arrivent pas à se concentrer parce qu’ils ont faim. À la différence de la métropole, où les élèves reçoivent un repas complet à midi, la plupart des écoles à Mayotte ne fournissent qu’une simple collation, qui constitue pour de nombreux élèves le seul repas de la journée.
« Depuis Chido, on n’a pas à manger. Mes parents ne trouvent plus de riz », témoigne une fille de 12 ans. « Un jour on mange, un jour on ne mange pas. C’est un jour sur deux. Je mange la collation au collège. »
Certains enfants, dont les familles ne peuvent pas payer le prix des collations —65 euros par an dans le primaire à Mamoudzou—, se retrouvent sans rien à manger. « C’est difficile de vivre dans un bidonville. Si on n’a pas payé la cantine, on ne peut pas manger. C’est très difficile d’aller à l’école quand on a faim », témoigne une élève de 15 ans.
Le français n’est pas la langue maternelle de nombreux enfants — y compris les enfants français nés à Mayotte, ceux vivant depuis longtemps à Mayotte sans avoir la nationalité française et les primo-arrivants— qui peuvent avoir une maîtrise limitée de la langue. Le manque de soutien adapté, de formation des enseignants, et de reconnaissance de la diversité linguistique entrent en contradiction avec les exigences nationales en matière d’éducation, rendent l’apprentissage extrêmement difficile pour les élèves et posent des défis majeurs aux enseignants.
Les enfants de demandeurs d’asile ou de migrants récemment arrivés d’Afrique centrale et orientale — notamment de République démocratique du Congo, du Rwanda, d’Érythrée ou de Somalie — vivent dans des conditions particulièrement désastreuses, dans des tentes délabrées, au sein d’un campement informel qui ne dispose pas de toilettes pour ses centaines d'habitants et n'offre aucun accès à l'éducation.
L’Assemblée nationale s’apprête à examiner un projet de loi qui définira les priorités et le cadre d’une politique publique spécifique pour la reconstruction de Mayotte.
Les députés devraient garantir aux enfants de Mayotte l’exercice de leurs droits fondamentaux, notamment le droit à l’éducation. Les autorités, nationales comme locales, devraient agir de toute urgence pour faire en sorte que les écoles soient à même de répondre aux besoins élémentaires des enfants (accès à l’eau potable, à l’assainissement, à une alimentation suffisante, à un environnement sûr) et mettre fin aux pratiques discriminatoires sans attendre de nouvelle législation, a déclaré Human Rights Watch.
« Le projet de loi en débat à l’Assemblée nationale est l’occasion de mettre fin à des décennies de sous-investissement, de mauvaise gestion et de manque persistant de volonté politique qui ont gravement compromis l’accès à l'éducation à Mayotte », a déclaré Elvire Fondacci. « Garantir le droit à l'éducation pour tous les enfants en France ne devrait pas être facultatif à Mayotte simplement parce qu'il s'agit d'un territoire d'Outre-mer. »