09.07.2025 à 17:07
Souvent présentée sous son meilleur jour par les grandes entreprises et les figures politiques, l’intelligence artificielle (IA) est décrite comme une révolution technologique, une avancée sociale, une aide précieuse capable de répondre à tous les besoins. Derrière ce discours idéaliste, c’est pourtant bien à un monstre numérique que nous avons affaire, une pieuvre aux mille tentacules, qui s’immisce dans nos vies, nos foyers, nos travails, nos manières de penser et de débattre. L’IA fragilise les fondements de la démocratie, éloigne les citoyens du pouvoir, et influence les décisions des institutions, des entreprises aux services publics. En France, elle s’est installée sans bruit au cœur des administrations : Caisses d’Allocations, France Travail, plateformes d’orientation scolaire… Froids, impassibles, insensibles aux rapports qu’entretiennent les hommes et les femmes à l’intérieur d’une société, les algorithmes décident du sort de millions de personnes. Hubert Guillaud, qui publie Les algorithmes contre la société aux éditions La Fabrique, ouvre une brèche dans un monde qui paraît impénétrable et très technique. Le directeur de la revue « Dans les algorithmes » dénonce des modes de calculs faillibles et intéressés et appelle à penser une IA compatible avec la justice sociale et non au service d’une nouvelle forme d’exploitation des classes précaires par une infime partie de nos sociétés.
QG : Vous démontrez que l’essence d’Internet et de l’interconnexion des données – « renverser les inégalités, étendre la liberté d’expression », etc.. – a été détournée par des intérêts privés. Pourquoi parler de « dépossession » et de « privation » ?
Hubert Guillaud : Oui, Internet a représenté une forme de dépossession parce qu’à l’origine, il s’agissait d’un réseau conçu pour les chercheurs, pour les utilisateurs, pensé comme un outil d’échange d’informations et de liens. Ces liens deviendront d’ailleurs très rapidement l’une des ressources majeures des premiers réseaux. Cette dépossession s’est produite très vite : ce réseau de recherche a rapidement attiré d’autres enjeux, notamment militaires, qui sont eux aussi à l’origine du développement d’Internet. En effet, la création même de ce réseau s’explique par une commande militaire, avec l’idée de concevoir une infrastructure distribuée et résiliente (1). Mais la dépossession s’accentue lorsque des intérêts financiers s’en emparent, avec cette logique : “Que peut-on faire de ce réseau ? Comment le transformer en autre chose qu’un bien commun, pour lequel il avait pourtant été conçu ?” Le chercheur Ben Tarnoff l’explique très bien dans son livre Internet for the People (2). Il montre comment ce réseau, pensé comme un bien commun de l’humanité – ouvert, libre, décentralisé – a été très rapidement récupéré par des intérêts capitalistes, qui l’ont restructuré, doté d’une infrastructure propre, et refermé. Le symbole fort de cette dynamique, c’est le boom des années 2000, avec l’arrivée de nombreux services et outils marchands, qui façonnent aujourd’hui en profondeur notre rapport au réseau. À tel point qu’on pourrait presque cesser de parler “d’Internet” pour évoquer à la place les réseaux Google, Meta ou OpenAI. Dépossession et privatisation vont de pair.
QG : Une interconnexion des données et un échange s’effectuent dans le domaine privé mais également dans les organisations publiques. Quelles sont les administrations concernées par ces partages et quelles conséquences sur la population ?
Cela concerne les impôts, la CAF ou France Travail. Le cadre exact de ces échanges reste flou : s’agit-il simplement d’accès en consultation, ou bien de transferts de données que chaque administration peut ensuite exploiter librement ? Prenons l’exemple de FICOBA, le fichier des comptes bancaires. Selon les administrations, l’accès à ce fichier varie : certaines ne peuvent consulter que la liste des comptes à votre nom, d’autres ont accès aux relevés bancaires mensuels. Ce type de consultation étendue n’existait pas auparavant. Cela représente un vrai changement dans la manière dont fonctionnent les administrations publiques. Elles étaient auparavant très cloisonnées, indépendantes les unes des autres. Lorsqu’une administration avait besoin d’une information, elle devait la demander spécifiquement et individuellement. Il ne s’agissait pas de données massives sur l’ensemble des usagers. Aujourd’hui, ce cloisonnement a disparu. Les données échangées sont souvent personnelles ou sensibles : numéro de sécurité sociale, identité, composition du foyer, revenus. Les administrations peuvent effectuer des requêtes globales, des enquêtes croisées, des recoupements massifs. Et cela ouvre la voie à des dérives. Ce cloisonnement avait un rôle : il protégeait les citoyens d’éventuels abus administratifs, de contrôles qui se prolongent d’un service à l’autre sans limites. Ce n’est plus le cas. Et le risque de dérive, aujourd’hui, est très largement sous-estimé.
QG : Dans les système de recommandations (réseaux sociaux, plateformes) et depuis « l’âge de la souscription et la recommandation simple » , quels ont été les changements marquants pour arriver à ce que vous appelez “l’âge du cynisme et des distorsions de marchés” ?
À l’origine, les premiers échanges de données concernaient simplement le numéro de sécurité sociale, afin d’identifier correctement les individus, éviter les erreurs d’orthographe sur les noms. Mais à mesure que les bases de données se sont structurées, que les échanges entre services se sont organisés, les possibilités de croisements et de traitements se sont elles aussi complexifiées. Aujourd’hui, ces croisements permettent des analyses bien plus poussées. C’est un parallèle que je trace aussi avec les systèmes de recommandation sur les plateformes privées. Ce que j’appelle « l’âge du cynisme et des distorsions de marché« , c’est cette période actuelle où les algorithmes, qu’ils soient publics ou privés, fonctionnent souvent selon des logiques opaques, biaisées ou intéressées. C’est ce que l’on observe aujourd’hui, par exemple, avec les problèmes algorithmiques de Parcoursup, de France Travail ou encore de la CAF. On peut faire le parallèle avec Amazon, qui utilise ses algorithmes non pas pour vous faire économiser, mais pour maximiser ses profits, parfois au détriment de l’intérêt de l’usager ou du consommateur. On est entré dans un âge des algorithmes – ou de l’intelligence artificielle – où tout traitement semble possible, où l’on peut faire n’importe quoi avec les données… sans toujours se demander si on le doit vraiment.
QG : La politique austéritaire des gouvernements français successifs a été menée en parallèle du développement des outils numériques. À quel point ces derniers se sont immiscés dans nos sociétés et dans des enjeux collectifs essentiels ?
Aujourd’hui, ces systèmes de traitement numérique sont omniprésents. Ils se sont fortement développés dans le contexte politique des 15 ou 20 dernières années, marqué par une logique austéritaire. L’objectif a été de rendre les services publics les moins coûteux possible, tout en traitant un volume toujours plus important de demandes. Cela a entraîné une numérisation massive des services publics, en particulier dans le domaine de l’attribution des droits sociaux : places à l’université, en crèche, surveillance des allocations, gestion des aides, mais aussi systèmes de contrôle concernant diverses populations — de la détection de la maltraitance infantile jusqu’à la gestion des places pour les personnes sans-abri. Les travaux pionniers de Virginia Eubanks (3) aux États-Unis ont mis en lumière ces systèmes numérisés dans le champ social. Elle montre — et ce constat reste valable aujourd’hui — que ces outils sont souvent développés et mis en place non pas par les services publics eux-mêmes, mais par des entreprises privées, mandatées pour les concevoir et les gérer. Et ces outils obéissent à des logiques similaires: restreindre l’accès aux droits, réduire les montants versés, rationaliser les prestations. La logique néolibérale et austéritaire de réduction des coûts est inscrite directement dans les outils eux-mêmes. Beaucoup de ces systèmes sont conçus par les mêmes entreprises, qui les revendent d’un pays à l’autre. Résultat: toutes les politiques sociales sont aujourd’hui encadrées par des systèmes qui visent à minimiser l’accès aux droits, à restreindre les remboursements, à réduire les aides. Pour les usagers, cela se traduit par un sentiment d’impuissance. Ils se heurtent à des refus, à des calculs qu’ils ne comprennent pas, à des exclusions arbitraires.
QG : “Plus que de vous piquer votre job, l’IA risque surtout de vous empêcher d’être embauché”. L’IA s’est-elle imposée comme moteur et pilote de recrutement dans beaucoup d’entreprises privées ?
La numérisation et la dématérialisation sont aujourd’hui généralisées, elles sont partout. Désormais, lorsque vous postulez dans les grandes entreprises, votre CV et votre lettre de motivation ne sont plus analysés par des humains, mais par des robots. Toutes les enquêtes que j’ai pu lire sur le sujet sont catastrophiques, et ne montrent que des défaillances généralisées. Ces systèmes essaient de faire correspondre les mots d’un CV avec ceux d’une offre d’emploi, ou de les comparer à ceux des personnes déjà embauchées à un poste similaire. Mais concrètement, il manque souvent des dictionnaires de synonymes, et les critères sont tellement stricts que, par exemple, un trou de six mois dans un CV ou des dates manquantes entraînent un rejet automatique. C’est une analyse automatisée qui oublie l’humain, qui applique des règles d’exclusion rigides, et qui empêche toute forme de discussion normale et structurée. Aujourd’hui, l’intelligence artificielle empêche de nombreuses personnes d’accéder à un emploi. Si vous n’avez jamais été directeur, il devient très difficile de postuler à un poste de direction, même si vous en avez les compétences : le système privilégie ceux qui ont déjà occupé un poste équivalent. Nous sommes pris dans des logiques de calcul que l’on imagine objectives, fiables, fluides, alors qu’en réalité, elles sont souvent mal comprises, autant par ceux qui les utilisent que par ceux qui y sont soumis.
QG : On observe une numérisation croissante du management dans les entreprises. Comment ces outils transforment-ils concrètement les conditions de travail des salariés ?
Dans de plus en plus d’entreprises, les employés sont gérés via des applications. C’est quelque chose que tout le monde a déjà expérimenté, par exemple avec un chauffeur Uber ou un réparateur Darty. Le réparateur, lorsqu’il intervient chez vous, passe son temps sur son téléphone à renseigner ce qu’il fait, parce qu’il est soumis à des contraintes précises, avec des tâches à accomplir dans un temps donné. Cette forme de surveillance à distance des salariés se généralise, dans tous les secteurs, de la logistique au soin. Les infirmières, notamment celles qui travaillent à domicile, sont elles aussi surveillées. Aujourd’hui, nous sommes contrôlés par des machines qui imposent des règles à suivre, avec des moyennes de temps à respecter pour chaque service ou déplacement. Le risque, c’est que nous devenions tous soumis à ces outils, à ces contraintes, à ces moyennes qui résultent de la compétition entre les personnes exerçant le même métier.
QG : Le rôle de la publicité est considérable dans le traitement des données mais semble de moins en moins efficace. Comment marchent les ciblages publicitaires ?
Le web ne s’est développé qu’à travers la publicité. Les revenus de Meta, Google, Amazon, voire même d’Uber, sont de plus en plus publicitaires. Tout est donc fait pour exploiter, de quelque manière que ce soit, les données personnelles des utilisateurs, afin de les partager ou de les monnayer à des fins publicitaires. On nous vante alors une publicité “formidable”, ciblée, adaptée à nos envies, capable de nous proposer ce que nous voulons, au moment où nous le voulons. Mais c’est un mythe qu’il faut essayer de détruire. Sur ces réseaux ou applications, vous n’êtes pas individualisé mais massifié : votre profil est comparé à celui de tous les autres. On vous attribue des étiquettes publicitaires en fonction de ce que vous regardez, likez ou commentez. Les mots sont analysés, et vous pouvez vous retrouver classé dans une catégorie simplement parce que vous avez liké un contenu sur une grève des cheminots, par exemple. Résultat : vous recevrez de la publicité pour les trains Ouigo. Quand on comprend ça, on saisit la folie de ce monde. Tout repose sur des calculs statistiques complexes, destinés à vous vendre quelque chose dont vous ne voulez pas. Et le plus inquiétant, c’est qu’on ne se contente plus aujourd’hui de vous cibler avec de la publicité, mais qu’on cherche aussi à optimiser votre propension à dépenser.
QG : Avec le commerce en ligne, la question des prix personnalisés se pose de plus en plus. Quels risques posent ces pratiques pour l’équité entre les consommateurs ?
La question se pose sur des applications très courantes comme Temu. Avant, dans le monde physique, vous aviez un prix public, le même pour tout le monde, dans une région ou un magasin. Mais aujourd’hui, sur ces plateformes de fast-fashion ou de commerce en ligne, qu’est-ce qui vous garantit que vous payez le même prix que votre conjoint ou votre voisine ? Plus rien. Et c’est un vrai enjeu de société. Le risque est que cette pratique se généralise, que les tarifs soient optimisés sur ce que vous êtes capable et prêt à payer et non sur votre possibilité de le faire. Et quand on étudie ces systèmes de tarification algorithmique, on se rend compte qu’ils ne proposent pas des prix plus bas aux plus démunis. Au contraire, ils ont tendance à offrir de meilleures promotions à ceux qui ont justement les moyens de payer.
QG : La numérisation de nos vies s’est imposée très rapidement, souvent sans débat. Que dit cet essor de l’intelligence artificielle de la manière dont nous perdons peu à peu le contrôle sur notre rapport à l’information et à la connaissance ?
Tout au long de cette histoire, de cette rapide numérisation, nous n’avons jamais vraiment eu notre mot à dire. Et aujourd’hui, nous en sommes tous complètement dépendants. Très peu de gens paient encore en espèces, nous avons tous des cartes bancaires, des téléphones, des smartphones dans nos poches. Ces transformations se sont imposées très rapidement, sans que nous ayons véritablement donné notre avis, avec un consentement tacite, parce que cela nous a rendu beaucoup de services. Aujourd’hui, une nouvelle évolution d’Internet se profile : la disparition du web tel que nous le connaissons, au profit d’un Internet dominé par l’intelligence artificielle. Bientôt, nous n’irons plus simplement surfer sur des sites comme Mediapart ou QG, mais ce seront des robots conversationnels qui nous diront ce que pense Aude Lancelin, ce que pense Edwy Plenel. Mais n’aurait-on pas préféré pouvoir accéder directement à la source ? C’est précisément cela qui est en jeu : la disparition de l’idéal d’Internet tel qu’il a été fondé par des scientifiques, comme un moyen de diffuser la connaissance, de tisser des liens entre les savoirs, de relier un livre à un autre, une page à une autre, une citation à sa source. C’était une sorte de promesse des Lumières augmentées, un peu comme la révolution philosophique du XVIIIe siècle, où tout devenait soudain accessible. Et c’est ce modèle-là qui est menacé aujourd’hui, avec l’arrivée de l’IA. Le risque, d’une certaine manière, est que cela entraîne une forme de régression — une régression de la raison, de la compréhension, de l’intelligence elle-même.
QG : La course avec les Etats-Unis et la Chine est-elle encore possible pour nos autres Européens, notamment en contribuant à un développement et à une utilisation « éthique » de cette technologie ?
On voudrait bien faire la course avec les autres, mais on n’en a peut-être pas les capacités — fort heureusement. L’enjeu n’est pas d’entrer dans cette course sans nom, mais, au contraire, de mettre en place une régulation. Parce que la régulation est la protection de chacun d’entre nous, et non le contraire. Elle nous oblige à innover en pensant aux enjeux, aux valeurs, à l’intérêt général, et pas seulement aux intérêts privés de certains acteurs. Notre grand déficit démocratique — qui est en réalité un déficit démocratique de la technique depuis toujours —, c’est qu’on n’associe pas les gens, parce que c’est “trop compliqué pour eux” et il est facile de les exclure. À mesure que les systèmes se complexifient, se pacifient et deviennent plus puissants, nous avons justement encore plus besoin des gens, des utilisateurs, des bénéficiaires. Ce sont eux, et eux seuls, qui peuvent nous aider à montrer les limites, à les pointer, et à nous aider à les défier ou à les dépasser. Nous devons absolument faire entrer les usagers dans ces systèmes, pour que ceux qui en sont impactés puissent décider de leur orientation. Un vrai message est à adresser tant aux services publics qu’aux services privés : nous devons améliorer le niveau démocratique de ces outils, il n’y a pas d’autre solution.
(1) Une infrastructure distribuée et résiliente, aux débuts d’Internet, désigne un réseau sans centre, réparti entre de nombreux nœuds autonomes, capable de résister aux pannes ou attaques, en redirigeant les flux de données à travers des chemins alternatifs.
(2) Ben Tarnoff, Internet for the people, the fight for the future (Verso, 2022)
(3)Virginia Eubanks, Automating Inequality (St Martin’s Press, 2018
Interview par Thibaut Combe
Hubert Guillaud est journaliste et rédacteur en chef du média Dans les algorithmes. Il est spécialiste des systèmes techniques et numériques et de leurs impacts sur nos sociétés. Auteur, il publié notamment Coincés dans Zoom, à qui profite le télétravail ? (octobre 2022, Fyp édition), Les algorithmes contre la société (2025, La Fabrique)
08.07.2025 à 21:15
Nos sociétés occidentales sont passées maîtres dans l’inversion des repères moraux et la dissimulation de la violence systémique sous les apparences de la raison. La destruction – coloniale, capitaliste ou médiatique – se banalise, tandis que celles et ceux qui la dénoncent sont marginalisés, psychiatrisés, discrédités.
La santé mentale, présentée comme une cause universelle et bienveillante, devient un outil d’intégration dans l’ordre néolibéral. Le développement personnel se mue en culte de la performance, pendant que les voix dissidentes – féministes, minorités, queer – sont réduites au silence ou pathologisées. L’histoire se répète : hier, on enfermait les femmes qui réclamaient des droits ; aujourd’hui, on traite de « fous » celles et ceux qui aspirent à une société plus juste.
Le traitement du génocide à Gaza en est le reflet le plus glaçant. Silence des artistes, propagande médiatique, embrigadement des esprits : tout concourt à forger une perception tronquée, où la barbarie paraît rationnelle, et la lutte pour la vie, extrémiste ou menaçante.
Pour en parler, Bénédicte Martin a reçu ce mardi 8 juillet, Claire Touzard, journaliste, réalisatrice et auteure de « Folie et résistance » (éditions Divergences) dans lequel elle revient sur sa bipolarité et son engagement.
07.07.2025 à 12:05
Pendant que Laurent Wauquiez rêve de limiter l’accès au RSA à 2 ans, que Gabriel Attal s’obstine à « restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents » et que Gerald Darmanin, Garde des Sceaux, parle des mineurs en cinglant que « la répression est aussi une forme d’éducation », les mères seules sont, le plus souvent, dans une survie au quotidien. Leurs enfants sont pris à partie, on les rend responsables de tous les maux sociaux, notamment durant le soulèvement de juin 2023, à la suite de la mort de Nahel Merzouk, abattu à bout portant par un policier. La réalité est que ces mères isolées sont prises en étau entre leurs emplois bien trop précaires et l’éducation de leurs enfants, occupent en nombre important les métiers dits du care, de nettoyage et d’entretien (9,7 % d’entre elles sont agentes de services et nettoyeuses), représentent deux tiers des femmes bénéficiaires du RSA, et 41% des enfants élevées dans une famille monoparentale (à 82% une mère isolée) sont au dessous du seuil de pauvreté. Pour plaider leur cause, Selim Derkaoui publie Laisse pas traîner ton fils, aux éditions Les Liens qui Libèrent, et espère que son essai puisse éclairer la situation d’une frange de la population oubliée, et noyée sous les clichés des discours réactionnaires. Pour QG, le journaliste et auteur revient sur une situation qu’il connait bien, épaulé de témoignages précieux des protagonistes du sujet. Thibaut Combe l’a rencontré
QG : Pourquoi avez-vous choisi d’ouvrir votre livre par une forme de droit de réponse, face aux discours stigmatisants de la bourgeoisie médiatique et politique à l’égard des mères isolées ?
À travers des médias et des personnalités politiques, il y a des représentations et des préjugés qui sont diffusés dans la société de manière rabâchée. Par exemple, il y a des émissions télés sur l’allocation de rentrée scolaire (ARS) qui affirment que les mères dépensent cet argent n’importe comment. Ce sont des images tellement présentes dans nos têtes que, par conséquent, c’était plus intéressant pour moi de commencer mon livre par ces représentations péjoratives. Parfois, on parle des mères isolées de manière plus méloriative, quoique paternaliste : la mère célibataire, la “célibatante”, qui a plusieurs emplois en plus de s’occuper de ses enfants. Depuis peu, quand on parle des familles monoparentales — en particulier de mères isolées donc —, et à la suite de drames comme la mort de Nahel Marzouk (tué par un tir de police en juin 2023, NDLR), ou bien lors des Gilets Jaunes, c’est essentiellement de manière négative : on parle de parents défaillants, plutôt que de l’État qui est défaillant. Pour éviter de remettre en question la responsabilité étatique et gouvernementale, on va se concentrer sur la défaillance supposée des familles.
QG : Votre essai est entre l’enquête sociologique et le reportage autobiographique. Au milieu de nombreuses données et sources scientifiques, des témoignages bouleversants de mères isolées se mêlent à la narration. Pourquoi ce choix de récit ?
Pour moi, c’était important de partir de l’expérience vécue pour ensuite la politiser. Partir de son propre terrain pour en faire émerger des choses plus larges, plus politiques, et créer des liens avec d’autres personnes. Mon vécu, c’est celui de nombreux enfants des quartiers populaires, de mères ou de pères. Je trouve que c’est encore plus fort parce que ça permet d’ancrer le récit, d’avoir un fil rouge, une sorte de caisse de résonance. Et surtout, quand je fais intervenir ma mère, comme je fais intervenir d’autres mamans de quartiers populaires — comme l’ancienne députée LFI Rachel Keke —, j’essaie de montrer qu’elles ont de nombreux points communs entre elles, ainsi que leurs enfants, alors qu’au contraire, tout est fait pour qu’elles soient atomisées, isolées. Il fallait aussi faire en sorte que leurs propos soient sur le même niveau qu’un sociologue ou d’un chercheur, car au-delà du témoignage, elles auto-analysent leur situation. La dimension reportage-enquête vient appuyer cette approche : il y a une complémentarité entre le vécu, l’auto-analyse, les apports des sociologues et des chercheurs, et les données chiffrées qui étayent l’ensemble. Enfin, il fallait qu’il y ait de la chair, que ce ne soit pas seulement des témoignages dépersonnalisés de mamans : en faire des portraits pour ne pas les réduire à une fonction ou une case.
QG : Vous inscrivez votre ouvrage dans une perspective féministe et antiraciste, en montrant que les femmes sont particulièrement stigmatisées dès qu’elles deviennent mères — et d’autant plus lorsqu’elles sont issues de minorités. Selon vous, ces deux luttes sont-elles indissociables ?
Il est très important, dès le départ, d’avoir cette vision plurielle : la classe sociale, la dimension raciale et évidemment le genre. Le premier a priori qu’on peut avoir sur les mères isolées, c’est que c’est une thématique uniquement féministe. Pourtant, on se rend compte qu’il n’y a pas que ça, puisque les mères qui sont méprisées socialement et médiatiquement sont essentiellement les mères isolées issues des milieux populaires et, quand on creuse, ce sont surtout les mères des quartiers populaires qui sont le plus ciblées. Les mères seules issues de milieux plus favorisés ont plus de facilités économiques et sociales. Leurs salaires ne sont pas les mêmes. Il y a beaucoup de mères célibataires cadres qui ne se reconnaissent pas du tout dans les mères isolées des classes populaires, car elles n’appartiennent pas à la même classe sociale, ne vivent pas dans les mêmes quartiers, et ne subissent pas le racisme structurel. Il y a davantage de mères isolées dans les milieux populaires, car il y a plus de séparations dans ces milieux-là du fait des problématiques économiques et sociales. La dimension genrée, seule, n’est donc pas suffisante. Les mères issues de milieux bourgeois vont avoir des intérêts de classe parfois opposés à ceux de celles des quartiers populaires ou des milieux ruraux. Il existe des discriminations liées au genre, bien sûr, mais elles deviennent encore plus importantes et plus difficiles en fonction de la classe sociale et l’origine ethnique.
QG : Vous offrez aussi un reflet brut de la réalité des classes populaires: précarité économique, discriminations systémiques, violences sociales. En quoi le mouvement des Gilets Jaunes et les révoltes de juin 2023 sont-ils intimement liés au phénomène des mères seules?
C’est difficile pour les familles des milieux populaires de manière générale, mais encore plus pour les familles monoparentales. Par conséquent, ces conditions de vie produisent des contestations qui ne vont pas porter uniquement sur des mesures concernant spécifiquement les mères seules. Quand j’ai commencé à travailler sur ce sujet, deux moments m’ont particulièrement marqué : les Gilets Jaunes et les révoltes urbaines suite à la mort de Nahel Merzouk. Certes, les questions de la défiscalisation de la pension alimentaire et de la déconjugalisation de l’Allocation de Soutien Familial (ASF) sont très importantes, mais dans ces deux mouvements, les mères isolées parlaient aussi de la retraite, du rétablissement de l’ISF, de la redistribution des richesses, du temps de travail… Ce sont des questions qui les touchent directement et c’est aussi la raison pour laquelle il y avait autant de mères seules sur les ronds-points – une chose que l’on a pu observer également dans les cahiers des doléances. La question des mères isolées et de leurs enfants est donc un révélateur et un déclencheur. Lors de ces deux moments — les Gilets Jaunes et les révoltes urbaines de juin 2023 —, on a beaucoup plus parlé des mères isolées ou des familles monoparentales au sens large. Lors des révoltes de juin 2023, 60 % des mineurs interpellés vivaient dans une famille monoparentale. Ces deux révoltes, spontanées, ont fait trembler la bourgeoisie et la macronie car elles n’étaient pas prévues : elles sont le résultat d’un “trop plein” et ont ainsi été parmi les plus explosives. Quel est le plus gros point commun entre les Gilets jaunes et les révoltes urbaines (les deux plus importants mouvements insurrectionnels en France métropolitaine ces 20 dernières années) ? Les mères seules et leurs enfants.
QG : Vous dénoncez le racisme institutionnel à l’œuvre dans les services sociaux, dans le rapport à l’école et aux forces de l’ordre. Les quartiers populaires sont-ils une cible désormais considérée comme évidente et presque légitime ?
Aux États-Unis, la welfare queen, c’est la mère seule immigrée qui serait assistée et gavée d’aide sociale. On les accuse soit de voler le travail, soit de ne pas travailler du tout. Peu à peu, cette image raciste est utilisée pour légitimer des politiques de régression sociale qui finiront par s’appliquer ensuite à l’ensemble de la population. C’est dans ce contexte que le gouvernement impose les 15 heures hebdomadaires pour percevoir le RSA: un chantage à l’emploi et une forme de travail gratuit et dissimulé, qui vient compenser les suppressions de postes et les non-remplacements dans la fonction publique. Puisque deux femmes sur trois au RSA sont des mères seules, on teste le travail gratuit sur ces femmes. Car maintenant qu’on a ancré dans les esprits que ces femmes sont des assistées, il devient “normal” qu’elles doivent travailler 15 à 20 heures pour toucher un peu moins de 600 euros de RSA. L’idée de laboratoire est centrale ici, et elle dépasse largement le seul cadre du RSA. Dans les quartiers populaires, par exemple, on a expérimenté des techniques de surveillance policière, notamment lors des Jeux olympiques (comme en Seine-Saint-Denis, NDLR). Il y a cette idée qu’il faut sacrifier certaines populations, tester sur elles des dispositifs qui seront ensuite généralisés à l’ensemble de la population. C’est bien une guerre de classes menée contre les milieux populaires, et une guerre des sexes contre les femmes — en particulier contre les femmes immigrées. Il est donc essentiel de toujours articuler la question du genre avec celle de la classe sociale et de l’origine immigrée.
QG : L’État et ses institutions s’immiscent dans l’intimité des familles, dans la vie des mères seules pour les contrôler, leur faire justifier le moindre euro perçu. Comment cette pression, cette surveillance impactent-elles ces familles et crée une sorte de « prolo-anxiété » ?
Je prends l’exemple du concubinage, c’est-à-dire le fait de se remettre en couple, ce qui peut augmenter le quotient familial et faire baisser les prestations sociales. Car le simple fait d’avoir un nouvel homme dans sa vie est perçu, du point de vue de la CAF, comme une personne qui aurait des droits sur les enfants. On va ainsi surveiller ces mères pour savoir dans quelle mesure elles se remettent en couple : c’est une manière d’exercer un contrôle social, de faire en sorte que ces mères isolées culpabilisent de recevoir quelques maigres prestations sociales – quand elles y parviennent ! Parce qu’elles sont plus en difficulté, il sera plus difficile pour elles de se rebeller, de prendre le temps d’écrire des courriers administratifs pour contester des indus injustes, qui sont souvent des erreurs des organismes eux-mêmes. Elles vont être davantage à la merci de ces institutions, qui sont pensées par des hommes, bourgeois et blancs, qui n’ont aucune idée de ce qu’est leur vie au quotidien. Et vaut mieux faire des économies sur leur dos plutôt que sur le dos de leurs classes dominantes, bien entendu. Une fois de plus, plutôt que de responsabiliser l’État et les politiques gouvernementales néolibérales, on accuse les mamans et leurs enfants des milieux populaires, en sachant très bien qu’ils n’auront ni les moyens, ni les ressources pour se défendre ensuite. Et ces « aides”, qui sont des revenus de transfert par ailleurs, ne dépassent souvent pas la cinquantaine d’euros, parfois quelques centaines, qui viennent compenser le fait qu’elles sont souvent à mi-temps pour s’occuper des enfants et que les ex-conjoints ne payent pas ou peu la pension alimentaire. Il y a énormément de prestations qui ne sont même pas réclamées, et des millions d’euros qui sont perdus à cause de cette non-sollicitation. Plutôt que d’interroger le marché du travail — alors qu’on compte des millions de demandeurs-demandeuses d’emploi (si on additionne les catégories A, B, C), de personnes au RSA ou de personnes disposants de l’AAH, pour seulement une poignée de centaines de milliers d’emplois non pourvus en France, ces organismes préfèrent culpabiliser ces familles, et encore plus les mères isolées.
QG : Le rôle de l’école est primordial pour les enfants de mères isolés, et pour ces dernières, mais le service assuré par l’éducation nationale ne semble plus au niveau. Quel rapport ces quartiers populaires entretiennent avec cette institution ?
Les mères isolées se heurtent frontalement et violemment au fonctionnement caduque de l’institution scolaire. Le non-remplacement des enseignants, par exemple, pousse les jeunes à passer davantage de temps dehors. Il y a de moins en moins de structures et de services publics accessibles en dehors des heures de cours. Tout cela contribue à ce qu’ils se retrouvent davantage dans la rue — en particulier les garçons, qui disposent de plus d’espaces publics pour eux, et qui rencontrent plus fréquemment des difficultés scolaires. L’école n’est pas toujours adaptée pour ces familles, surtout dans un contexte de destruction progressive du service public éducatif : baisse du nombre d’enseignants, salaires gelés, raréfaction des personnels indispensables comme les assistants d’éducation (AED), les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), les infirmiers ou encore les psychologues. Ces défaillances ont des conséquences très concrètes sur ces familles monoparentales. Quand on parle de l’école, on se concentre souvent sur les enseignants en grève, mais beaucoup moins sur les AED (les surveillants), ou encore les AESH (personnel accompagnant les handicapés), qui jouent pourtant un rôle fondamental. Les AED, par exemple, assurent le lien extrascolaire, échangent avec les élèves dans les couloirs, s’intéressent à eux. Dans leur cellule familiale, ces enfants gagnent en maturité, ils ont plus de responsabilités. A contrario, l’école leur demande d’être scolaire et discipliné. Ces enfants ne sont pas forcément en adéquation avec une vision de l’école verticale, qui laisse peu de place à l’imagination, à la créativité, à l’autonomie.
QG : Les relations avec l’ex-conjoint sont souvent un enjeu quotidien pour les mères isolées et beaucoup hésitent à réclamer leurs droits ou à demander au père d’assumer ses responsabilités…
La mère doit composer avec un père démissionnaire, veiller à ne pas froisser son ego au sujet de la pension alimentaire, pour maintenir le lien avec les enfants — mais s’il est coupable de violences, il faut savoir mettre des distances, ce qui est très compliqué. Or, elles ne sont pas toujours aidées par le système juridique, qui tend parfois à favoriser le père, à vouloir à tout prix le réintégrer dans la cellule familiale. Elles doivent composer avec les hommes: les ex-conjoints, mais aussi les nouveaux. Il y a une forme de dépendance ultime, permanente, aux hommes, et c’est aussi ce que veulent les institutions. Au fur et à mesure, elles deviennent aussi dépendantes des institutions, de la CAF et du chantage à l’emploi, à la demande de prestations sociales, pour survivre. Elles le sont également sur le marché du travail, où elles n’ont souvent pas la possibilité de négocier leurs horaires, ni leur temps de travail. On se retrouve donc avec une triple dépendance : aux hommes, aux organismes sociaux et au marché du travail.
QG : Dès leur plus jeune âge, certaines filles endossent un rôle maternel et deviennent un pilier de leur famille. Cette responsabilisation précoce rend la reproduction sociale presque inévitable ?
Les mères vont s’identifier à leurs filles et inversement: il y a une forme de proximité entre elles, ce qui va aussi perpétuer la charge mentale féminine. On se reporte davantage sur les filles que sur les garçons. Il y a là une dynamique de genre, mais aussi une logique de sécurité et d’urgence: les filles sont moins turbulentes, donc on va spontanément davantage compter sur elles. La mère va instinctivement se rapprocher de ses filles pour gérer la cellule familiale, même si les garçons participent a minima, parce qu’ils n’ont pas vraiment le choix. Il y a souvent une forme de coparentalité qui s’installe entre la mère et la fille.
QG : Vous terminez l’essai en brossant un tableau de la situation d’isolement des mères en zones rurales: la honte d’être dépendantes des prestations sociales tout en assurant une solidarité géographique très importante. Qu’est-ce que ces territoires ont de différent par rapport aux quartiers populaires ?
L’État n’est pas défaillant parce qu’il le serait involontairement, mais bien parce que c’est une volonté, un choix politique délibéré. C’est ainsi que des associations et des collectifs voient le jour dans les milieux ruraux aussi, même s’il y en a encore trop peu. Par exemple, il y a l’association Solidarité Femme Beaujolais, pour venir en aide aux femmes victimes de violences, pour qu’elles deviennent justement des mères isolées. Bien sûr, il existe des points communs entre les mères isolées des milieux ruraux et celles des quartiers populaires, mais des différences existent. Par exemple, en Seine-Saint-Denis, il peut y avoir un tissu associatif un poil plus développé qu’en milieu rural. Mais dans les quartiers populaires, le racisme structurel est très présent : discriminations au logement et à l’embauche… Globalement, les situations sont néanmoins souvent similaires, notamment en ce qui concerne la précarité socio-économique, l’absence paternelle et la violence des institutions.
QG : Le logement reste un sujet prioritaire, selon vous, pour prendre à bras le corps la question des mères isolées. Pourquoi cette problématique est si urgente ?
La question du logement est extrêmement importante pour les mères isolées. Quand elles sont victimes de violences, il leur faut un logement le plus rapidement possible. C’est central, parce que c’est leur lieu de vie ! Les mères seules et les familles monoparentales vont se heurter à la question du logement, mais aussi à celle de la propriété lucrative. À Paris, par exemple, ce sont quelques propriétaires qui se partagent l’ensemble du parc locatif (58%, NDLR). La question du logement pour les mères isolées est également une question de classe sociale : le non-accès au logement, les nombreuses municipalités qui préfèrent payer des amendes plutôt que de construire plus de logements sociaux (113 millions d’euros ont ainsi été perçus sur tout le territoire en 2022). Ce sont des décisions politiques bourgeoises qui visent à marginaliser une partie de la population pour la rendre plus dépendante des propriétaires, comme on est dépendant d’un patron. Si on ne repense pas à la manière dont est pensée la propriété lucrative et les logements sociaux, on ne peut pas penser à la situation des mères isolées.
QG : Le statut de “mère isolé” n’existe pas. Pour autant, vous en faites un petit plaidoyer. A quoi servirait-il pour ces mères seules ?
C’est une proposition de l’association « Collective des Mères Isolées », pour faciliter l’accès aux droits, aux prestations sociales ou encore à un logement social de manière plus prioritaire. L’idée c’est que des municipalités délivrent un statut de “parents isolés” (pour éviter une discrimination de genre, on parle ainsi de “parent isolé”). Sur le plan parlementaire, la France Insoumise est aujourd’hui le seul parti qui se mobilise réellement sur la situation des mères isolées et de leurs enfants, notamment à travers l’engagement de Sarah Legrain. En parallèle, il y a le Mouvement des Mères Isolées qui fait en sorte d’imposer cette thématique centrale dans les combats féministes : lors de manifestations ou à travers des tribunes qu’elles publient. Il faut repenser leur vie dans sa globalité, sur plusieurs niveaux : municipal et pragmatique, associatif et militant, mais aussi politique.
Interview de Thibaut Combe
Selim Derkaoui est journaliste indépendant et auteur, collaborant régulièrement avec Le Monde diplomatique, ou Frustration. Il est notamment l’auteur de Rendre les coups : boxe et lutte des classes (Le Passager Clandestin, 2023), une exploration sociologique du noble art comme terrain de résistance populaire. Il a également co-écrit La guerre des mots (Le Passager Clandestin, 2020) avec Nicolas Framont