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02.05.2024 à 17:09

« C ce soir », ou quand la bourgeoisie chic organise sa propre cécité

Maxime Cochelin

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Reprise d'un texte paru sur Blast.

- Débats télévisés / ,
Texte intégral (3975 mots)

Nous publions, avec leur accord et sous forme de tribune [1], ce texte paru sur Blast le 28 avril 2024. (Acrimed)

Lancée en janvier 2021, l'émission « C ce soir » s'est inscrite sous une devise signée par le physicien Etienne Klein « Débattre, c'est argumenter pour ne pas se battre ». Portée par l'animateur Karim Rissouli, la proposition a vite suscité les émules d'une partie des autres médias. Dès février de la même année, pour France Inter, Redwane Telha titre sa chronique : « "C ce soir" est-elle déjà la meilleure émission de la télévision française ? ». En l'espace d'un mois, le rendez-vous serait déjà devenu « incontournable ». Même ambiance à Libération, en novembre 2022, où Jonathan Bouchet-Petersen (souvent invité de l'émission, par ailleurs) analyse « C ce soir » comme à « contre-courant de l'hanounisation du paysage médiatique ». Ou encore le journal Causette, en décembre 2023, qui encense une contre-proposition, un « pari de l'intelligence » face à « la télé poubelle ».

L'opération semble réussie. À en croire les mots de son animateur phare, c'est dans cette perspective que l'émission s'est construite. Contre les sbires de Bolloré, contre le « clash » et les petites phrases, et pour le « débat d'idées ». Un ton qui se veut « apaisé », une discussion qui se propose de « faire varier les registres de parole » pour contribuer à « réparer la société ». Une philosophie dans laquelle semble s'inscrire Camille Diao, présentatrice elle aussi, qui appuie sur la nécessité d'avoir « des voix issus d'autres milieux sociaux à la télé ». « C ce soir » serait ainsi une émission de rupture, qui, au cœur de la dérive des médias mainstream, incarnerait une tentative de lutte. Une sorte d'interstice de la machine où la complexité du réel aurait la place de se déployer. Vraiment ?

1. Le débat est mort, vive le débat !

Commençons par la forme : du débat. Ça commence mal, tant cette « proposition » ne cesse d'être mise en place partout. Sur France Inter, par exemple, la transformation a été impulsée par la direction. Portée par le diagnostic d'une société « fracturée », motivée par l'objectif d'avoir un « regard neutre » et toucher le plus de personnes possibles, la station a dû construire des débats sur des débats. C'était d'abord une émission d'été, « Le débat de midi », que l'auteur de ces lignes a programmé. Puis des billets d'humeur dans la matinale, pour représenter toutes les sensibilités (même l'extrême droite, qu'importe les oppositions de la rédaction). Le débat éco du vendredi, entre Thomas Piketty et Dominique Seux, et puis maintenant, une case de plus de 10 minutes chaque matin, animée par Léa Salamé, qui oppose des « débatteurs ». Créer de l'opposition pour, avec « objectivité », rendre compte du « réel ». Persuadés que c'est bien de ça dont il est question dans notre chère époque : réconcilier les avis divergents, « réparer ». En gros, jouer sur les mêmes plates-bandes que le reste du paysage.

Lorsque « C ce soir » débarque en 2021, l'émission s'inscrit dans ces mutations du service public audiovisuel : reprendre la forme surreprésentée dans les médias de droite ou d'extrême droite pour, supposément, le faire « mieux » qu'eux. Les débats, en effet, sont aujourd'hui surtout une affaire d'Hanouna, de Pascal Praud, et autres Grandes Gueules, qui ne cessent de poser des questions sur des questions, appuyées sur des chroniqueurs qui jouent les « pour » et les « contre ». C'est eux les premiers de cordée du dispositif, qui, à force de faire grandir leurs audiences, ont fini par imposer leur forme. Le meilleur moyen de faire passer des idées de manière « souterraine » : ça s'embrouille, ça fait du bruit, ça s'oppose un peu, et on finit par en oublier l'inanité du cadrage préalable. Et c'est pour essayer de la conquérir, cette audience-là, que le service public a reproduit la formule, à sa sauce. « C ce soir » s'inscrit dans cet élan, davantage mimétique qu'antagonique, au cœur d'une vague que l'émission prétend surplomber.

Pourtant, les invités sont globalement les mêmes que partout. La volonté d'offrir une tribune à « d'autres milieux sociaux » est (très) loin d'être flagrante. Des personnalités que l'on peut entendre dans bien d'autres endroits se succèdent, celles qui représentantes de ci ou de ça, rattachées à telle ou telle institution, ont réussi à accumuler un gros capital médiatique. Des Thomas Legrand, Olivier Babeau, Pierre-Henri Tavoillot, Charles Consigny, Pablo Pillaud-Vivien, des gens pour qui les médias sont devenus un fonds de commerce tant ils en maîtrisent les codes. Ils savent rebondir, réagir, faire passer leurs idées en un temps record et, pour la plupart, se connaissent. Aucune entorse n'est faite à l'espace de respectabilité bourgeoise habituelle du paysage médiatique, et quand tel est le cas, forcé par « l'actu », le mépris de classe se déchaîne. Quand des personnalités osent sortir du cadre, on retourne l'émission pour leur expliquer qu'il faut mieux se tenir, et puis, in fine, on ne les invite plus jamais (cf. Rima Hassan). Laure Adler, chroniqueuse permanente, forte d'une carrière de quarante ans à Radio France, complète chacun des tableaux d'invités. Pas non plus des plus populo. Les mêmes gens qui font la même chose qu'ailleurs, c'est-à-dire débattre entre eux : la supposée rupture n'est définitivement pas des plus évidentes. Une affaire de « ton », peut-être ?

2. Lumières tamisées, réel oublié

À « C ce soir », l'éclairage est doux, le grand écran habituel des plateaux télés est remplacé par une belle baie vitrée, et les invités ne sont pas derrière une table mais, jambes croisées, sur de belles chaises à cuir rouge. De raffinés guéridons sont disposés au centre. C'est le débat d'apéro, mais certainement pas celle du camping. Rangez le Ricard, place au joli verre de vin. On discute entre gens respectables, de manière posée, sous l'œil avisé de Karim Rissouli qui ne manquera pas de faire redescendre les envolées colériques. Le plateau ne doit pas « ressembler à l'hémicycle de l'Assemblée nationale ou du Sénat », il ne faut pas « échanger avec des gants de boxe » et garder une boussole en tête : maintenir son « rôle de médiation ». Bien obligé de reconnaître que l'ambiance dénote, en effet, des émissions bolloréennes.

Chaque édition est structurée à partir d'une question. Pour se limiter à la Saison 4, quelques-unes d'entre elles : « Privé-Public : la nouvelle guerre scolaire » ; « Dette, chômage : faut-il remettre les Français au travail » ; « Rwanda : la France a-t-elle laissé faire ? » ; « Violences entre jeunes : un manque d'autorité ? ». De manière plutôt transparente, le cadrage de « C ce soir » ne semble en rien dénoter des autres productions médiatiques. La colonne vertébrale à partir de laquelle l'équipe choisit ses questions et pose le centre de gravité du futur « débat » s'inscrit dans une « actualité » des plus classiques, rythmée par les agissements politiciens et les fausses polémiques. Par exemple, quand bien même les travaux sociologiques [2], les retours associatifs et les témoignages divers attestent du contraire, on se demandera quand même si la violence des jeunes est liée à un manque d'autorité. Pourquoi ? Parce que le gouvernement le dit. Donc ça mérite d'être débattu, même si ça tourne dans le vide.

« C ce soir » construit ainsi, comme la plupart de ses concurrents, des échanges en dehors du réel. « La France a-t-elle laissé faire au Rwanda ? » La réponse est oui, et tous les gens sérieux sont d'accord. Alors, comment faire pour malgré tout en faire un débat ? D'abord, trouver un méchant. Dénicher quelqu'un, avec un soupçon de respectabilité (faut pas faire n'importe quoi non plus), capable d'apporter la contradiction. Pour le Rwanda, ce méchant, c'était Jean Glavany, ancien ministre dont tout le monde avait oublié l'existence. Son rôle était clair : créer le débat là où il n'y en a pas. Ce qu'il a fait, en racontant n'importe quoi, dans une confusion affligeante, sans être rectifié par Camille Diao, à la présentation ce jour-là. Et ce jusqu'à provoquer la colère (en retenue) de Vincent Duclerc, historien mandaté par Macron, sur une ligne tout à fait raisonnable dans cette affaire. Une contre-réalité sort de terre : Glavany d'un côté, qui nie catégoriquement la responsabilité de la France dans un élan quasi conspirationniste, un ventre mollasson au milieu, et puis Duclerc, qui devient l'autre opposée, parce que lui, historien, accable la France mitterandienne. Deux personnalités avec une compétence diamétralement opposée mises au même niveau par le dispositif, présentées comme deux « avis » sur un même sujet, et puis libre aux spectateurs de trancher. C'est la « médiation » façon « C ce soir », avec une formule reproduite sur la plupart des sujets.

3. Cascade de dépolitisation

Ce mardi 23 avril, l'émission s'interroge : « Palestine : le débat interdit ? ». Avant d'embrayer, le lendemain « Débat public : l'impossible nuance ? », et le pompon, le surlendemain : « Emmanuel Macron : seul rempart contre les populistes ? ». Un exercice dont « C ce soir » est devenu spécialiste : dénoncer la violence, les oppositions, pour se poser en solution apaisée et raisonnable. Pour ce qui est de la situation à Gaza, les invités, globalement tous d'accord, se sont adonnés à une série de poncifs sur le manque de complexité des échanges, la polarisation des positions, la formation de deux camps qui ne se parlent plus. Énième validation de la thèse bourdieusienne [3] : les goûts sont avant tout des dégoûts. Là, ça transpire. Dégoût pour les gens qui s'énervent, les gens qui expriment leur souffrance un peu trop fort, qui brandissent leur désaccord. La vérité, le réel, se trouve plutôt chez eux, réunis en cercle comme des sages, adeptes de la mesure. Dans cette ambiance feutrée, rien n'empêche ainsi Joann Sfar de déclarer qu'il n'y a pas d'apartheid en Israël, ou encore que, en France, nous utilisons les « populations du Moyen-Orient pour régler notre propre psychanalyse » vis-à-vis de la guerre d'Algérie. Et ça passe. C'est même publié sur les réseaux sociaux. Comme le terrain a été préparé en amont, comme il a été convenu qu'on était entre gens respectables, ça glisse.

Rissouli et son équipe sont probablement honnêtes dans leur démarche. C'est sans doute porté par une croyance très habermassienne dans la délibération [4], dans la formation d'un espace public libre, que les débats menés par « C ce soir » sont organisés. À y regarder de près, par le refus de l'expression d'une conflictualité consistante (et donc par la mise à l'écart de toute une série d'invités potentiels), l'émission dénote par sa grande dépolitisation. Le dispositif met en scène des micro-confrontations entre gens d'une même classe sociale, articulées sur l'espace médiatique dominant, et passe la plupart du temps à côté des véritables points de tensions. Il arrive, et c'est le cas en ce moment, que l'histoire s'accélère, se déploie dans sa dimension tragique, se déchaîne. Dans ces configurations, certains tiennent la digue, d'autres l'oublient. Face à une situation génocidaire, il n'est pas affaire de nuances : on se serre les coudes pour faire arrêter cette ignominie. Face à un gouvernement qui sombre de plus en plus dans le fascisme, il n'est pas affaire de nuances : on se serre les coudes, là aussi, pour s'insurger et faire front. Par leur refus de regarder le réel en face, « C ce soir » s'inscrit dans ceux qui, artisans de la troisième voie, ont poussé vers « La République du centre » [5], persuadés d'assister à la fin de l'histoire. Une sorte de conservatisme chic et intello : le futur n'est plus affaire de renversements, mais de rectifications. Avec un peu de discussion apaisée, de pédagogie, la démocratie triomphera et avec elle l'émancipation collective. Malheureusement, (spoiler alert), le néolibéralisme n'a jamais fonctionné comme ça [6].

Le constat est peut-être dur, mais il est nécessaire de le porter. Tous les instruments par lesquels la rationalité néolibérale porte atteinte au corps politique, et à l'idée même de démocratie [7], ont aussi cours sur le plateau de « C ce soir » : violence de classe, détestation du conflit, séparation entre un camp de la raison et les autres. Représentation presque parfaite de l'incapacité de notre « démocratie » contemporaine à intégrer les différents antagonismes dans une optique de progrès social. Il aurait fallu sortir des cours de Sciences Po pour creuser un peu plus loin qu'Habermas, par exemple jusqu'à Rancière [8]. C'est justement parce que la partie supérieure du corps social est passée à l'offensive devant la remise en cause grandissante de leurs positions que la société s'est « fracturée ». Encore une fois, même si Rissouli semble l'avoir raté, le diagnostic a été fait [9], corroboré par une série d'événements univoques. Lorsque « C ce soir » crée des débats à partir des éléments de langage politiciens, l'équipe ne fait que jouer une chorégraphie hors-sol, une mise en scène de ce qui « oppose », en surface, les membres d'un même bloc : le bloc bourgeois. On reproduit la même mélodie qu'ailleurs, LFI c'est l'extrême, la NUPES sûrement aussi, le Printemps Républicain c'est de gauche, et ainsi de suite. Comment ne pas y voir une tentative (peut-être inconsciente) de camouflage, qui, par une fausse complexité, positionne les discussions en dehors de ce qui compte vraiment, c'est à dire la radicalisation d'une classe dirigeante sans socle, sans légitimité, poussée dans ses retranchements ?

Conclusion : la meilleure émission de télé ?

Malgré ces critiques, sommes-nous en mesure de réfuter Redwane Telha lorsqu'il déclare que « C ce soir » est « la meilleure émission de la télé » ? Malheureusement, peut-être pas. Même si l'émission ne réinvente rien, elle reste parfois, dans quelques cas, une légère bullette d'air frais. Parce que les invités sont loin d'être tous inconsistants, et que certains, avec habileté, parviennent à contourner quelque peu un dispositif qui n'est pas des plus restrictifs. De fait, Camille Diao, Karim Rissouli et Laure Adler apportent une tonalité particulière et peuvent, parfois, laisser passer des idées pertinentes qui seraient censurées ailleurs.

Dans un paysage médiatique des plus sclérosés, où l'extrême droite a fait son nid et torpille les réfractaires, « C ce soir » apparaît peut-être comme le moins pire. Sur les ruines de « l'illusion » d'un tripartisme progressiste [10], l'émission tente, comme un baroud d'honneur, de rappeler au bloc bourgeois qu'il existe une alternative au destin fasciste qui se profile : mieux vaut le néolibéralisme que l'extrême droite. Intention louable ? Sans doute, pour les quelques-uns qui auraient oublié l'interpénétration structurelle de ces deux mouvements [11]. Cher Karim, chère Camille, chère Laure, votre plaidoirie est anachronique : le bloc bourgeois a déjà viré à tribord. Et c'était parfaitement prévisible. Vous avez raté le wagon de l'histoire et maintenant, par votre résistance au diagnostic, vous vous rendez complices de ceux que vous pensez combattre. Organiser sa propre cécité sous un vernis « critique » pour maintenir un statu quo impossible, n'est-ce pas là le meilleur allié des pires dérives ? Voilà un débat qui, lui, mériterait d'être mené.

Maxime Cochelin


[1] Les articles publiés sous forme de « tribune » n'engagent pas collectivement l'association Acrimed, mais seulement leurs auteurs dont nous ne partageons pas nécessairement toutes les positions.

[2] Sans aucune exhaustivité : Mohammed Marwan, « Y'a embrouille ». Sociologie des rivalités de quartier, Stock, Paris, 2023 // Coquard Benoît, Ceux qui restent. Faire sa vie dans les campagnes en déclin, La Découverte, Paris, 2019 // Peugny Camille, Pour une politique de la jeunesse, Seuil, Paris, 2022.

[3] Bourdieu Pierre, La distinction. Critique sociale du jugement, Éditions de minuit, Paris, 1979.

[4] Habermas Jürgen, L'espace public, Payot, Paris, 1988.

[5] Furet François, Jacques Julliard et Pierre Rosanvallon, La République du centre. La fin de l'exception française, Calmann-Lévy, Paris, 1994.

[6] Laval Christian, Haud Guéguen, Pierre Dardot et Pierre Sauvêtre, Le choix de la guerre civile. Une autre histoire du néolibéralisme, Lux, Montréal, 2021.

[7] Brown Wendy, Défaire le démos. Le néolibéralisme, une révolution furtive, Amsterdam, Paris, 2018.

[8] Rancière Jacques, La haine de la démocratie, La Fabrique, Paris, 2005.

[9] Denord François et Lagneau-Ymonet Paul, Le concert des puissants, Raisons d'agir, Paris, 2016.

[10] Amable Bruno et Stefano Palombarini, L'illusion du bloc bourgeois. Alliances sociales et avenir du modèle français, Raisons d'agir, Paris, 2018.

[11] Chamayou Grégoire, La société ingouvernable. Une généalogie du libéralisme autoritaire, La Fabrique, Paris, 2018.

30.04.2024 à 11:00

Sortie de Médiacritiques n°50 : Journalisme politique

Acrimed

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Parution le 19 avril.

- Médiacritiques
Lire plus (362 mots)

Le Médiacritiques n°50 est sorti de l'imprimerie le 19 avril. À commander dès maintenant sur notre site ou à retrouver en librairie. Et surtout, abonnez-vous !

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26.04.2024 à 10:38

TV5 Monde, « Télématin », « C à vous » et compagnie : revue de presse de la semaine

Elvis Bruneaux

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Texte intégral (1461 mots)

Critique des médias : une revue de presse hebdomadaire. Si ce n'est exhaustive, au moins indicative [1]. Au programme : du 19/04/2024 au 25/04/2024.

Critique des médias

« "Vous pouvez rejoindre le Hamas si vous voulez" – Mon (éphémère) expérience de chroniqueur sur BFM TV », Frustration, 25/04.

« "Tsahal" dans votre salon », Le Monde diplomatique, mai 2024.

« Orientalisme, impérialisme et couverture des médias dominants de la Palestine », Contretemps, 19/04.

« Mineurs délinquants : foire à la répression sur les chaînes info et chez Hanouna », Samuel Gontier, Télérama, 19/04 [article complet réservé aux abonnés].

« L'émission "Télématin" sur France 2 a-t-elle diffusé un "publireportage" sur Jordan Bardella en Isère ? », Libération, 25/04 [article complet réservé aux abonnés].

« "Soirée continue" : France 2 trie les bons et les mauvais autistes », Arrêt sur images, 22/04.

« Européennes, sondage et RN : la bourde de Franceinfo », Arrêt sur images, 19/04 [article complet réservé aux abonnés].

« Médias et quartiers populaires peuvent-ils se comprendre ? », Le Monde, 20/04 [article complet réservé aux abonnés].

« Les quartiers populaires, mal aimés des médias ? », Le Monde, 22/04.

Économie des médias

« Les titres de l'éditeur du magazine "Têtu" vendus à plusieurs acquéreurs », Le Monde, 19/04 [article complet réservé aux abonnés].

« TV5Monde en discussion pour ouvrir son capital à plusieurs pays africains critiqués pour la liberté de la presse », Le Monde, 24/04 [article complet réservé aux abonnés].

« Qui pour prendre la tête de TV5 Monde ? », La Lettre, 22/04 [article complet réservé aux abonnés].

« Le média en ligne "Factuel" est en cessation de paiement », Le Monde, 22/04.

« Rachat de Lagardère : Vivendi gagne une bataille devant la Cour de justice européenne », L'Informé, 19/04, [article complet réservé aux abonnés].

« Médias : qui veut se payer Marianne ? », L'Humanité, 21/04 [article complet réservé aux abonnés].

« Devant les salariés de "Marianne", Denis Olivennes confirme la recherche d'un repreneur », Le Monde, 22/04 [article complet réservé aux abonnés].

« Nicolas de Tavernost s'en va après trente-sept ans à la tête de M6, remplacé par David Larramendy, Le Monde, 23/04 [article complet réservé aux abonnés].

« Groupe Le Monde : communiqués du Pôle d'indépendance et du Fonds pour l'indépendance de la presse, Le Monde, 23/04.

« Audiovisuel public : une réforme en mal d'objectif défini », Le Monde, 19/04, [article complet réservé aux abonnés].

« Réforme de l'audiovisuel public : pour Rachida Dati, un dossier bouclé en main », Libération, 23/04 [article complet réservé aux abonnés].

Dans les rédactions

« Aux "Echos", la nomination de Christophe Jakubyszyn validée par la rédaction », Libération, 25/04 [article complet réservé aux abonnés].

« Les journalistes de La Voix du Nord saisissent le médiateur sur la question des droits voisins », La Lettre, 24/04 [article complet réservé aux abonnés].

« Le Canard enchaîné lance un dernier assaut pour écarter le journaliste Christophe Nobili », La Lettre, 19/04 [article complet réservé aux abonnés].

« Canard enchaîné : mais que se passe-t-il chez le palmipède ? », Blast, 24/04.

À signaler, aussi

« L'Arcom met en garde France 5 après le passage de Xavier Niel dans "C à vous" », La Lettre, 25/04 [article complet réservé aux abonnés].

« Le pluralisme, un travail de pros », Les Jours, 23/04 [article complet réservé aux abonnés].

« "Charlie Hebdo" relaxé en appel pour diffamation envers une école musulmane de Valence », Le Monde, 23/04 [article complet réservé aux abonnés].

« La plainte visant Guillaume Meurice après son sketch sur Benyamin Nétanyahou classée sans suite », Le Monde, 22/04.

« L'AFP gagne contre Marine Le Pen en cassation », La Lettre, 22/04 [article complet réservé aux abonnés].

Et aussi, dans le monde : Italie, Hong Kong, Tchad, Afghanistan...

Parution

« Journalisme politique », Médiacritiques n°50, avril-juin 2024.

Retrouver toutes les revues de presse ici.


[1] Précisons-le : référencer un article dans cette revue de presse ne signifie pas forcément que nous y souscrivons sans réserve.

19.04.2024 à 12:18

Marianne, Jean-François Achilli, élections et compagnie : revue de presse de la semaine

Elvis Bruneaux

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Texte intégral (1204 mots)

Critique des médias : une revue de presse hebdomadaire. Si ce n'est exhaustive, au moins indicative [1]. Au programme : du 12/04/2024 au 18/04/2024.

Critique des médias

« Arnacœurs, princes charmants et perfidie : M6 réhabilite la télé trash », Samuel Gontier, Télérama, 12/04 [article complet réservé aux abonnés].

« Quotidien : pourquoi l'extrême droite attaque Yann Barthès », Blast, 14/04.

« Alain Minc et Jacques Attali, l'éternel retour des duettistes médiatiques », Acrimed, 18/04.

« Fact-checking, quand les médias n'écoutent pas les faits », Arrêt sur images, 17/04 [article complet réservé aux abonnés].

« CHU de Rennes : la double casquette de l'avocat de "Ouest-France", Arrêt sur images, 16/04 [article complet réservé aux abonnés].

« "Mariés au premier regard" (et divorcés juste après) : le roman-photo stéréotypé de M6 », Arrêt sur images, 14/04.

Économie des médias

« Daniel Kretinsky envisage de céder l'hebdomadaire "Marianne", Le Monde, 15/04 [article complet réservé aux abonnés].

L'hebdomadaire "Marianne" lâché par Daniel Kretinsky », Libération, 16/04, [article complet réservé aux abonnés].

« Rachat d'Euronews : le Syndicat national des journalistes réclame une enquête parlementaire », Le Monde, 13/04.

« Le groupe Centre France-La Montagne sonne l'alarme sur sa situation financière », La Lettre, 18/04 [article complet réservé aux abonnés].

« Audiovisuel public : le grand regroupement ? », Le Monde, 15/04.

« Renforcer l'audiovisuel public ne se fera pas avec des "fusions-suppressions", SNJ France-Télévisions, 16/04.

« Jean-Noël Jeanneney, historien : "La fusion de l'audiovisuel public nous ramènerait au temps antédiluvien du gargantuesque ORTF", Le Monde, 13/04.

Dans les rédactions

« La première société des journalistes de l'histoire de Nice-Matin voit le jour », La Lettre, 12/04, [article complet réservé aux abonnés].

« La rédaction de "Marianne" dénonce "la brutalité des méthodes" de Daniel Kretinsky », Le Monde, 17/04.

« De l'affaire Cahuzac au livre de Bardella, l'étrange vie "professionnelle personnelle" de Jean-François Achilli, journaliste phare de France Info », Libération, 17/04 [article complet réservé aux abonnés].

« Jean-François Achilli, un journaliste "pro" et "complexe" rattrapé par ses liens avec les politiques, Télérama, 18/04 [article complet réservé aux abonnés].

« A Radio France, tolérance zéro avec les journalistes qui font bons "ménages" avec la com », Libération, 17/04 [article complet réservé aux abonnés].

« Simon Collin accusé de viol : la plainte qui secoue "Playboy" », Arrêt sur images, 15/04 [article complet réservé aux abonnés].

À signaler, aussi

« Elections européennes : ce qu'il faut savoir sur le décompte du temps de parole des candidats et de leurs soutiens », Le Monde, 15/04.

« Élections européennes 2024 : les règles fixées par l'Arcom », Arcom, 15/04.

« Concentration des médias, indépendance des rédactions… Faut-il croire les journalistes ? », L'Humanité, 18/04.

« "Nous implorons les gouvernements, les organisations internationales et toutes les bonnes volontés à se mobiliser pour garantir l'évacuation sûre des journalistes palestiniens de Gaza" », Le Monde, 13/04.

Et aussi, dans le monde : Grande-Bretagne, Italie, Russie, Togo, Haïti, Chine...

Retrouver toutes les revues de presse ici.


[1] Précisons-le : référencer un article dans cette revue de presse ne signifie pas forcément que nous y souscrivons sans réserve.

18.04.2024 à 10:20

Alain Minc et Jacques Attali, l'éternel retour des duettistes médiatiques

Thibault Roques

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Texte intégral (1582 mots)

Un article tiré du Médiacritiques n°50 (parution le 19 avril).

Nous sommes en 1984. Alors que l'émission « Vive la crise » présentée par Yves Montand sur Antenne 2 rencontre un franc succès, Bernard Pivot décide à son tour de mettre à l'honneur sur la chaîne du service public le libéralisme économique en invitant simultanément deux sémillants penseurs, Alain Minc et Jacques Attali, tout acquis à la rigueur budgétaire désormais prônée par les hiérarques socialistes. Quarante ans plus tard, ô surprise, revoici nos deux compères dans les studios de France Inter, invités par Léa Salamé et Nicolas Demorand dans « le débat du 7/10 » (11 mars 2024). Au menu, « Faut-il augmenter les impôts ? ». L'occasion rêvée de revenir sur une improbable longévité médiatique.

Une amitié complice

Avant leur passage dans la matinale de France Inter, Léa Salamé, aussi audacieuse qu'inventive dans ses choix d'invités, avait déjà accueilli fin décembre nos deux complices dans son émission « Quelle époque », toujours sur le service public. Nos deux amis sont inséparables, c'est un fait. Depuis 45 ans au moins, ils murmurent à l'oreille des puissants – patrons et politiques de tous bords –, pondent des livres comme des rapports à intervalles réguliers (du rapport Nora-Minc sur « l'informatisation de la société » de 1977 au rapport Attali pour « la libération de la croissance française » de 2008), dirigent des entreprises et autres cabinets de conseil florissants, sans jamais négliger leurs passages dans les médias dominants, innombrables.

Éloge de l'entre-soi et de la domination

Rompus l'un comme l'autre aux marathons promotionnels, ils ne ratent jamais une occasion de dire tout le bien qu'ils pensent des œuvres de leur homologue ; par exemple, dans L'Express du 18 janvier 2007, Jacques Attali ne tarit pas d'éloge sur la biographie de J. M. Keynes que vient de publier Alain Minc : « Avec force détails, Alain Minc révèle bien des aspects méconnus de l'homme qui révolutionna la pensée économique. [...] Dans sa passionnante biographie, Alain Minc nous fait partager, minutieusement, presque jour après jour, les méandres de la vie de ce géant du XXe siècle. » Émouvant témoignage d'amitié, en effet, venant de celui qui, auteur d'une biographie de Marx à la même époque, attendait sans doute un compte rendu flatteur en retour… car au sein du club d'admiration mutuelle qu'ils partagent avec quelques autres éditorialistes, tous les renvois d'ascenseur sont permis.

Jadis membres des dîners du « Siècle » et fervents promoteurs du capitalisme dans sa version pure et parfaite, ils n'ont de cesse de vanter les vertus du libéralisme économique ; lors de leur récent passage sur France Inter, Léa Salamé, goguenarde, ose rappeler à Alain Minc, chantre de « la mondialisation heureuse » qu'« il n'est pas le plus grand ennemi de l'économie de marché » tandis que Jacques Attali, convaincu pour sa part que marché et démocratie vont de pair, souligne qu'« il faut évidemment réduire les dépenses ».

Duel ou duo ?

Le numéro semble tellement bien rôdé qu'il serait plus juste de se figurer nos deux éditocrates, souvent présentés comme adversaires, côte-à-côte que face-à-face. À l'instar d'un Jacques Julliard « opposé » à Luc Ferry (voir la séquence qui leur est consacrée dans « Les Nouveaux Chiens de garde »), ou d'un Franz-Olivier Giesbert « confronté » à Laurent Joffrin, force est d'admettre que nos deux essayistes se confortent plus qu'ils ne se confrontent. En témoignent les extraits du « débat » radiophonique du 11 mars dernier :

- Alain Minc : Jacques Attali a parfaitement raison.

- Jacques Attali : Et Alain… Minc a tout à fait raison. [J. Attali semble oublier un instant qu'il doit feindre une certaine distance avec son interlocuteur…]

- Alain Minc : Non, mais je suis tout à fait d'accord avec ce qu'a dit Jacques Attali. […] Mais surtout il a dit une chose qui est très claire. [Et de poursuivre, sourire complice aux lèvres, au sujet de la taxation sur le capital :] Je sais que nous avons une vraie divergence – enfin – avec Jacques Attali.

Comme le disait si joliment Jacques Julliard à Luc Ferry au sujet de leur propre proximité, Minc et Attali sont deux intellectuels « qui n'arrivent pas à être en désaccord ». De quoi s'interroger sur l'impérieuse nécessité de faire dialoguer des gens que rien ou presque ne sépare. Un beau numéro de duettistes – plutôt que de duellistes – en tout état de cause.

Vrais-faux experts

Que ces vrais-faux débats soient animés par de vrais-faux experts est somme toute logique. Comment pourrait-il en être autrement, d'ailleurs ? Pour occuper de façon continue depuis un demi-siècle une telle surface médiatique, il fallait en effet que nos deux hommes fussent spécialistes de tout… et de rien. Cultivant le transformisme, Minc et Attali cumulent volontiers les casquettes : écrivains, essayistes, économistes, enseignants, hommes d'affaires, conseiller des princes, artistes même… Sans parler de la variété des sujets sur lesquels ils se sentent légitimes à s'exprimer qui vont bien au-delà de l'économie. Être toutologue est en effet la condition sine qua non d'une survie médiatique durable. C'est bien parce que nos deux personnages se sont progressivement mués en experts de l'expertise capables de parler de tout et de rien, de disserter sur les sujets les plus divers, qu'ils continuent d'avoir leur rond de serviette dans les médias dominants. Sans jamais craindre l'erreur ni le ridicule.

Entre incompétence et arrogance

Et pourtant…S'il faut assurément une bonne dose de confiance en soi – ou d'inconscience – pour intervenir si souvent sur des sujets si vastes et si nombreux, leur longue expérience médiatique aurait dû les inciter à la prudence voire à la contrition. Mais non. Quand l'un – Attali – glose sur la victoire de la droite espagnole… alors que la gauche vient de l'emporter aux élections législatives de 2004, l'autre est convaincu à la veille de la présidentielle américaine de 2016 finalement remportée par Donald Trump que « Mme Clinton sera élue – Dieu merci ». Il n'y eut cependant pas que les ratés et les prophéties hasardeuses (celle de Minc à la veille de la crise des subprimes restant un modèle du genre). Il y eut aussi les plagiats ; Minc, condamné multirécidiviste, est orfèvre en la matière. Mais son acolyte n'est pas en reste, aussi très capable de savants tripatouillages qui lui furent aussitôt pardonnés puisque « les guillemets avaient sauté ». Il faut dire que nos intellectuels de plateau livrent en moyenne un ouvrage par an. Dur métier que celui d'éditorialiste multicarte…

La prime à l'imposture

Étonnamment, alors que leur incompétence avérée et répétée aurait dû les disqualifier depuis longtemps, le système médiatique n'a jamais cessé de les accueillir à bras ouverts. Comment peuvent-ils continuer de sévir sur les plateaux, dans les studios et à longueur de chroniques ? Au fond, ce sont de « bons clients » pour les médias dominants, jamais avares de leurs lumières, plutôt heureux d'être là, assez dociles pour ne pas remettre en cause un système qui les nourrit si bien – ou assez habiles pour le faire de manière si convenue et distanciée qu'ils ont la garantie d'être réinvités. S'ils sont indéniablement amis des puissants, y compris médiatiques, il faut leur reconnaître une certaine souplesse dans le jugement qui les autorise à dire aujourd'hui le contraire de ce qu'ils soutenaient hier, sans que quiconque y trouve à redire ; entendre Jacques Attali, pilote de PlaNet Finance, affirmer en 2024 que « l'important, c'est évidemment tout ce qui pourra créer les conditions de la mobilité sociale et de l'accès de tous aux richesses » ne manque pas de sel. De même, il est cocasse d'entendre Alain Minc défendre les hausses d'impôt et une certaine régulation de l'économie quand il les combattait naguère avec la dernière vigueur. On est contorsionniste ou on ne l'est pas…

S'il est une leçon à tirer de l'omniprésence persistante de ces bateleurs médiatiques, c'est que l'amnésie journalistique a de beaux jours devant elle ; car pour nos deux hérauts de la pensée, le meilleur moyen de faire oublier leurs errements, c'est encore d'occuper le terrain. Comme le rappelait Jacques Bouveresse citant Karl Kraus, le problème est sans doute moins le mal que l'accoutumance au mal. Pendant combien de temps encore les plagiaires avérés, faussaires de la pensée et fossoyeurs du progrès pourront-ils tenir le haut du pavé médiatique ?

Thibault Roques

12.04.2024 à 12:00

Licenciements, proposition de loi, France Télévisions et compagnie : revue de presse de la semaine

Elvis Bruneaux

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Texte intégral (1215 mots)

Critique des médias : une revue de presse hebdomadaire. Si ce n'est exhaustive, au moins indicative [1]. Au programme : du 05/04/2024 au 11/04/2024.

Critique des médias

« Nathalie Saint-Cricq dans Libération : une "pointure" et beaucoup de cirage », Acrimed, 11/04.

« Ossements du petit Émile : la piste des charognards n'est pas écartée », Samuel Gontier, Télérama, 5/04.

« Pascal Praud, l'heure des cibles », Mediapart, 8/04 [article complet réservé aux abonnés].

« Sur CNews et C8, l'évangile selon saint Vincent Bolloré », Télérama, 9/04, [article complet réservé aux abonnés].

« Révélations de "Mediapart", Christine Kelly tombe des nues », Arrêt sur images, 6/04 [article complet réservé aux abonnés].

Économie des médias

« Distribution : comment le gouvernement veut masquer les subventions offertes à la presse des milliardaires », Marianne, 5/04 [article complet réservé aux abonnés].

« BFMTV rachetée par le milliardaire préféré de Macron : qui est R.Saadé ? », Blast, 7/04.

« La loi "JDD", sacrifiée par la Macronie à l'Assemblée », Les Jours, 8/04 [article complet réservé aux abonnés].

« Delphine Ernotte au Figaro : "Le projet de fusion de l'audiovisuel public, c'est le choix de la responsabilité" », Le Figaro, 5/04 [article complet réservé aux abonnés].

Dans les rédactions

« Pourquoi l'AFP a-t-elle viré le photojournaliste Bülent Kılıç ? », Arrêt sur images, 7/04 [article complet réservé aux abonnés].

« "Vert de rage" : France Télévisions coupe court à son "Cash investigation" écolo », Télérama, 9/04 [article complet réservé aux abonnés].

« Canard enchaîné : le ministère du travail s'oppose au licenciement de Christophe Nobili », 10/04, La Lettre, [article complet réservé aux abonnés].

« Sexisme et violences : la face sombre du journalisme », Blast, 9/04.

« France 3 Occitanie vire un chroniqueur pas assez pro-ésotérisme », Arrêt sur images, 3/04 [article complet réservé aux abonnés].

« A69 et droit d'informer, France 3 en première ligne », Arrêt sur images, 8/04 [article complet réservé aux abonnés]

« "Le Parisien" poursuivi pour avoir détaillé des plaintes pour viols », Arrêt sur images, 9/04 [article complet réservé aux abonnés].

À signaler, aussi

« Derrière le cas de CNews, le consensus néolibéral contre le pluralisme réel », Nikos Smyrnaios, Acrimed, 8/04.

« Jean-Luc Hees a démissionné du comité d'éthique d'Europe 1 après avoir écouté la radio : "J'ai commencé à avoir des boutons" », Libération, 7/04 [article complet réservé aux abonnés].

« Society, Arrêt sur images, BFM Alsace, BFM TV : le CDJM publie cinq nouveaux avis », CDJM, 5/04.

« Audiences : Quel bilan pour "Bonjour !" avec Bruce Toussaint trois mois après son lancement sur TF1 ?, Pure Médias, 9/04.

« France : RSF dénonce une campagne de cyberharcèlement contre les journalistes de Conspiracy Watch à la suite des propos infondés du député Nicolas Dupont-Aignan », RSF, 10/04.

« Policiers et journalistes corrompus, agents doubles : comment la Russie nous infiltre », Blast, 8/04.

« Politiques, milliardaires, grands médias : à qui servent vraiment les sondages ? », Le Média, 9/04.

« Pour la liberté d'informer à Gaza », Le Monde, 5/04.

« En Israël, la chaîne 13 axe la plupart de ses programmes sur la sécurité dans le pays et le retour des otages », Le Monde, 6/04 [article complet réservé aux abonnés].

Et aussi, dans le monde : Jordanie, Turquie, Ukraine, Pérou...

Retrouver toutes les revues de presse ici.


[1] Précisons-le : référencer un article dans cette revue de presse ne signifie pas forcément que nous y souscrivons sans réserve.

11.04.2024 à 12:06

Nathalie Saint-Cricq dans Libération : une « pointure » et beaucoup de cirage

Olivier Poche

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« Nathalie Saint-Cricq vote », et Libération vote Saint-Cricq.

- L'art du portrait / , ,
Texte intégral (1383 mots)

On le sait depuis l'édito signé Jonathan Bouchet-Petersen, et intitulé « Les insoumis sont pénibles, ils nous obligent à défendre Nathalie Saint-Cricq et, pire, Pascal Praud », Libération a fort peu goûté la campagne de LFI pour l'inscription sur les listes électorales qui avait suscité une tempête de désapprobation comme le petit monde médiatique outragé sait si bien les orchestrer. Nouvelle pièce fournie par la défense de l'éditocrate du service public : un portrait, dégoulinant de complaisance, publié dans l'édition du 4 avril. Un papier de ceux dont on se demande si quelqu'un l'a relu et validé avant publication, sans trop savoir quelle réponse espérer.

Comme l'indique clairement le chapô, c'est bien le conflit ouvert par les affiches de LFI et la « polémique » qui s'en est suivie qui justifient ce portrait : « Membre de la famille Duhamel, la journaliste télé au caractère bien trempé ne se laisse pas déstabiliser par les accusations de connivence et de macronisme lancées par LFI. » Et pour cause : l'autrice du portrait, Virginie Bloch-Lainé, membre d'une autre grande « famille » française et appartenant sensiblement au même monde que notre « journaliste télé », va s'efforcer de la défendre, et de délégitimer ces « accusations ». À cet égard, le premier paragraphe est un chef d'œuvre du genre :

A l'antenne, elle est mordante. Physiquement, elle ne vacille pas, mais par la parole, elle balance et balaie la poussière. En raison de ces qualités, sa discrétion lors du débat entre Macron et Le Pen avant le second tour de la présidentielle de 2017 avait été moquée. Alors que voulez-vous, qu'elle se taise ou qu'elle l'ouvre ? C'est le sort d'une excellente journaliste de provoquer une myriade de fantasmes. Nathalie Saint-Cricq serait très riche, terriblement macroniste et peut-être d'autres choses encore. Épouse de Patrice Duhamel, ancien directeur général de France Télévisions, belle-sœur d'Alain Duhamel et mère du journaliste de BFM TV Benjamin Duhamel, elle concentrerait entre ses mains l'information des citoyens.

D'un côté, une « excellente journaliste », bourrée de « qualités ». De l'autre, une « myriade de fantasmes » [1], des injonctions contradictoires (« qu'elle se taise ou qu'elle l'ouvre ? »), et des accusations ridicules : « elle concentrerait entre ses mains l'information des citoyens ». Personne n'a jamais prétendu cela, mais c'est une constante des plaidoiries médiatiques pro domo : on caricature sans complexe le discours des opposants, ce qui a le double mérite de leur enlever tout crédit et d'éviter de répondre à leurs critiques et arguments.

D'ailleurs, les opposants n'auront pas leur mot à dire : on y lira surtout des citations de Nathalie Saint-Cricq [2]. Les deux autres sources de Virginie Bloch-Lainé sont Arlette Chabot, qui trouve sa consœur « généreuse et attentive aux autres. Elle est exceptionnelle, et je ne dis pas ça pour être gentille », et Ali Baddou, qui la trouve pour sa part « exigeante et bienveillante ». Et… c'est tout.

C'est presque tout : le portrait assemble des bribes d'information sur son parcours, son salaire (et sa transparence) [3], ses deux premiers romans, ses vacances en Corse, sa rencontre amoureuse avec « Patrice », ses grands-parents résistants, son frère qui dirige le journal fondé par le grand-père, aventure résumée ainsi par Nathalie (la sœur) – et par elle seule : « C'est un processus qui peut sembler dynastique mais on ne possède pas le journal. C'est une coopérative ouvrière. »

Bref, un ramassis d'éléments biographiques, qui paraissent d'autant plus anecdotiques qu'aucune idée directrice ne semble présider à leur sélection, sinon la volonté de montrer l'« excellente journaliste » sous son meilleur jour – sans exclure des messages annexes : « La journaliste est intransigeante sur deux points : les atteintes à la laïcité et à l'antisémitisme, qui souvent se maquille en antisionisme. »

On retrace à (très) grands traits sa vie de « reporter, en Israël pendant la guerre du Golfe, en Roumanie pendant la révolution de 1989 », son éloignement « du terrain », son retour « à l'écran », son renvoi dans la « charrette » de Sarkozy. On cite les avis (comblés) de ses amis Arlette et Ali. On évoque la « polémique AOC » en invitant Nathalie – et elle seule – à dire « franco de port ce qu'elle pense de cette affaire ». Et Nathalie de faire une révélation pleine de courage : « À sa place, j'aurais démissionné rapidement. » Nathalie, à sa place d'éditocrate, s'était surtout abstenue de toute déclaration compromettante, en prétendant se « mettre en retrait » selon des modalités baroques qui avaient « agacé à France Télés » et fait « jaser en interne », comme le révélait un article de… Libération. Mais des motifs de cet « agacement », du contenu de ces « jaseries », on ne saura rien – même pas leur existence. De même qu'on ne saura rien des critiques précises et argumentées, qu'on a pu formuler, ici même par exemple, à l'encontre de cette éditocrate et du tort qu'elle et ses pairs font au débat public, à la démocratie en général, et à la gauche en particulier.

Pour finir, on apprendra que « Nathalie Saint-Cricq n'a pas demandé à relire ses propos avant la publication du portrait » : la précision s'imposait en effet ! Pourtant, « de plus petites pointures l'exigent », glisse Bloch-Lainé dans un ultime coup de brosse. Une « pointure » – le mot dit bien ce que Virginie voit en Nathalie : voilà son point de vue, qui explique son portrait, en tout point conforme aux attentes de cette dernière. Et de Libération ?

Olivier Poche


[1] En effet délirants : Saint-Cricq serait riche et macroniste !

[2] Qui pourra par exemple déplorer « toute la méchanceté dont [les gens de LFI] sont capables ».

[3] « Parce qu'elle sait que les imaginaires s'emballent, elle nous montre son salaire, sur son smartphone, au bas de sa fiche de paie : 5 789 euros net, treizième mois compris. »

08.04.2024 à 07:00

Derrière le cas de CNews, le consensus néolibéral contre le pluralisme réel

Nikos Smyrnaios

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Un texte de Nikos Smyrnaios.

- « Pluralisme » ? /
Texte intégral (3142 mots)

Nous publions ci-dessous, sous forme de tribune [1], un texte du chercheur en sciences de l'information et communication Nikos Smyrnaios.

Une récente intervention du Conseil d'État a remis sur le devant du débat politique la question du pluralisme des médias. Il s'agit d'un problème qui préoccupe depuis longtemps l'opinion publique. En effet, la transformation de l'espace public ces dernières décennies, sous les effets conjugués des mutations technologiques et de la dérégulation néolibérale, a exacerbé la crise des médias. La confiance du public ne cesse de se dégrader et le métier de journaliste d'être déconsidéré depuis des nombreuses années. Une majorité du public pense que les journalistes ne sont pas indépendants par rapport au pouvoir politique et économique et qu'ils ne laissent pas tous les points de vue s'exprimer de manière équitable.

L'un des symptômes de cette crise est l'apparition des médias partisans qui promeuvent une idéologie réactionnaire à l'image de CNews. Suite au recours déposé par l'association Reporters sans frontières (RSF) à ce sujet, le Conseil d'État a jugé insuffisantes les mesures prises par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) afin de s'assurer du respect du pluralisme et de l'indépendance de l'information par cette chaîne. Il a accordé ainsi un délai de six mois à l'Arcom pour réévaluer les moyens mis en œuvre pour assurer le respect de la loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication, qui prévoit que les chaînes de télévision doivent « assurer l'honnêteté, le pluralisme et l'indépendance de l'information ».

CNews, symptôme de la crise d'un système

Cette affaire est mise en relief par le déroulement dans la même période des auditions des dirigeants de Canal+ et de CNews, dont Vincent Bolloré et Cyril Hanouna, par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, qui cherche à faire la lumière sur l'attribution et le contrôle des autorisations de fréquences sur la TNT. Le débat à ce sujet s'est focalisé sur la méthode de décompte du temps de parole politique tel qu'il est effectué par l'Arcom. Celui-ci se limite actuellement aux personnalités politiques qui ont une affiliation partisane claire. Or, CNews fait appel à de nombreux intervenants extérieurs, qui expriment des idées de droite, voire d'extrême droite, sans être pris en compte dans la répartition du temps de parole politique.

Le Conseil d'État a jugé que le contrôle du pluralisme s'applique à tous les participants aux programmes diffusés, « y compris les chroniqueurs, animateurs et invités ». Par ailleurs, aujourd'hui le temps de parole n'est pas mis en rapport avec la part d'audience potentiellement touchée. Ainsi, des décomptes indépendants, comme celui fait par la chercheuse Claire Sécail, montrent que dans certaines émissions populaires de prime time, comme « Touche pas à mon poste » (C8), la grande majorité des invités sont affiliés directement ou indirectement à la droite et l'extrême droite. Dans le même temps, la parole de la gauche est reléguée dans des rediffusions au milieu de la nuit. Ces pratiques n'ont pas cessé malgré les nombreux rappels à l'ordre de l'Arcom. Et les provocations sur l'antenne de CNews, qui font partie intégrante de la ligne éditoriale de la chaîne, continuent malgré les amendes et même les condamnations des intervenants sur la chaîne comme Éric Zemmour pour propos racistes.

Il semble alors que l'Arcom soit incapable d'arrêter la dérive de CNews et, de manière plus générale, de faire respecter les obligations de pluralisme réel des médias audiovisuels. Se pose alors plusieurs questions : pourquoi réguler le pluralisme politique sur les chaînes de télévision ? Est-il légitime de chercher à définir le positionnement politique de tous leurs intervenants afin de comptabiliser leur temps de parole ? Et si oui, comment le faire d'un point de vue méthodologique ? On peut aussi se demander si une telle mesure serait suffisante pour garantir le pluralisme politique d'une chaîne comme CNews et plus généralement du paysage médiatique. Sinon, que faire d'autre ?

L'invention de la régulation du pluralisme

L'une des promesses les plus fortes du libéralisme politique est l'idée que les processus discursifs et délibératifs qui se déroulent dans l'espace public permettent de définir puis de défendre l'intérêt général, qui serait une synthèse juste des intérêts particuliers, avec l'emploi du minimum de contrainte nécessaire. Autrement dit, dans une démocratie, la communication raisonnée est censée remplacer la violence. C'est cette vision normative qui est au cœur de la théorie démocratique moderne et inspire la régulation du pluralisme dans les médias.

L'introduction de l'obligation de pluralisme pour les médias audiovisuels privés vient des États-Unis. La doctrine de l'équité (fairness doctrine) a été introduite en 1949 par la Federal Communication Commission et confirmée à plusieurs reprises par la Cour suprême. Elle consistait à exiger des détenteurs de licences de radiodiffusion qu'ils présentent des questions politiques controversées en reflétant équitablement les différents points de vue. La doctrine n'imposait pas un temps de parole égal pour les opinions opposées, mais exigeait que des points de vue contrastés soient présentés. À des nombreuses reprises la fairness doctrine avait été utilisée pour encadrer ou carrément priver de licence de diffusion des médias aux discours extrémistes, notamment racistes, qui proliféraient dans le sud des États-Unis.

En France, c'est par l'ordonnance du 23 mars 1945 que le Conseil national de la résistance a révoqué les autorisations accordées aux radios privées. À cette époque l'État républicain est considéré de manière consensuelle et transpartisane comme le mieux à même de garantir le pluralisme démocratique et le contrôle par le peuple de l'usage qui est fait des fréquences. L'instauration du monopole vise à mettre l'audiovisuel à l'abri de l'emprise des grands capitalistes, ayant pris le contrôle de la presse et de la radio dans l'entre-deux-guerres et collaboré pendant l'occupation. Comme le résume Henri Noguères, journaliste socialiste et résistant, qui a participé à la rédaction de l'ordonnance en 1945, « les puissances d'argent avaient accaparé les ondes, favorisant leur détournement par des hommes politiques comme Laval. Nous voulions rendre la radio à la nation ». Ainsi, la justification de la régulation du pluralisme par l'État en France comme aux États-Unis est à la fois technique et politique : les ondes hertziennes étant un bien public rare, leur utilisation implique le respect d'un certain nombre de principes démocratiques, dont celle du pluralisme.

La mise en cause néolibérale de la régulation publique

Le mise en cause du système de régulation du pluralisme par la doctrine de l'équité aux États-Unis et par le monopole public en France advient dans les années 1980. Si elle trouve son origine dans le mouvement contre-culturel de gauche des années 1970 – qui en France proteste à juste titre contre l'usage propagandiste de la télévision publique sous de Gaulle – c'est bien la révolution néolibérale qui met définitivement à bas l'interventionnisme public. La fairness doctrine est abolie en 1985 par Mark Fowler, le directeur de la FCC installé par Reagan. Selon lui, la doctrine viole le droit à la liberté d'expression garanti par le premier amendement de la Constitution. L'un des arguments utilisés est que, en raison du développement du câble et du satellite, la doctrine n'est plus nécessaire car le public peut facilement trouver des points de vue contradictoires sur des sujets controversés parmi différents médias disponibles. Le pluralisme interne exigé par la doctrine de l'équité (à l'intérieur du même média) est ainsi remplacé par un pluralisme externe potentiel (dans l'ensemble de l'offre médiatique disponible).

Du point de vue néolibéral, le marché, dérégulé et financiarisé, peut ainsi mieux garantir le pluralisme démocratique de l'espace public que l'intervention du gouvernement en proposant une multitude de canaux même s'ils sont partisans. Peu importe finalement le contenu précis de ces médias, c'est le mécanisme de l'offre et de la demande, libéré des contraintes règlementaires, qui peux assurer la diversité politique. L'abrogation de la doctrine de l'équité permet l'essor des talk-show « sans filtre » d'abord à la radio puis à la télévision. Ce type d'émission au discours populiste et virulent, qui aurait été sanctionnée par la fairness doctrine, prolifère alors librement sur les ondes et connaît un grand succès d'audience avant de gagner la télévision et notamment Fox News. Se forme ainsi une chambre d'écho réactionnaire dans les médias audiovisuels qui participe à la montée en puissance du courant ultra-conservateur aux États-Unis.

En France, l'abrogation du monopole public en 1981 par François Mitterrand est suivie d'un processus rapide de dérégulation et de privatisation de l'audiovisuel qui fait l'objet d'un enchevêtrement d'intérêts entre pouvoirs politique et économique. C'est sous l'impulsion de François Léotard, ministre du gouvernement Chirac aux idées fortement teintées de reaganisme, que le Parlement adopte la loi dite « relative à la liberté de communication » de septembre 1986 qui définit pour l'essentiel le cadre règlementaire régissant les médias audiovisuels privés jusqu'à aujourd'hui. Son objectif est de contraindre le moins possible le fonctionnement des médias privés tout en préservant les prérogatives politiques des partis établis. C'est ainsi que, tout au long des années 1990 et 2000, la concentration de la propriété des médias ne cesse de s'aggraver jusqu'à la situation actuelle ou quelques familles de milliardaires en contrôlent l'essentiel.

Les insuffisances de l'Arcom

C'est le Conseil Supérieur de l'audiovisuel (CSA devenu Arcom) qui, en théorie, « assure le respect de l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion dans les programmes des services de radio et de télévision » prévu par la loi de 1986. Or, le mode de désignation de ses membres est très politique : le président de l'Arcom est nommé directement par le président de la République. Les six autres membres du Collège sont nommés par les présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale. Par comparaison, les membres de l'Ofcom, l'organe équivalent au Royaume-Uni, sont désignés par une commission indépendante après un processus de candidature ouverte. Quant à l'Allemagne, la régulation des médias est du ressort des Länder qui mettent en place des conseils de supervision composés de représentants de la société civile (associations, syndicats, universités, églises etc.).

Historiquement, le caractère très politique de l'Arcom, comme de ses prédécesseurs, le rend vulnérable aux pressions et susceptible d'effecteur des arbitrages dans le but de maintenir la « paix civile » entre pouvoir politique et propriétaires des médias. Cette fragilité se double d'une adhésion idéologique au principe d'un interventionnisme minimal dans le fonctionnement du marché médiatique. C'est la raison qui explique que la régulation du pluralisme, pourtant une exigence constitutionnelle, se limite essentiellement à un système de décompte quantitatif du temps de parole à la télévision et à la radio dont les règles précises sont définies par une délibération de 2017. Ce système offre des faibles garanties du pluralisme réel car il est fondé sur la répartition formelle de la parole entre partis politiques reconnus par les institutions. Autrement dit, l'Arcom assimile le pluralisme dans les médias à la représentation équitable du système partisan, ce dernier apparaissant ainsi comme le seul terrain d'expression légitime du débat démocratique. La place centrale accordée aux partis politiques explique le fait qu'aucun gouvernement n'a voulu réformer ce système, malgré les transformations du paysage médiatique.

Pourtant, dans ce dispositif il n'y a pour ainsi dire aucune prise en compte d'un pluralisme fondé sur la diversité des idées et des visions du monde qui échapperait à l'expression partisane ou sur la représentation des groupes et classes sociales aux intérêts antagonistes. Depuis 2009, il existe bien un « baromètre de la représentation de la société française » effectué annuellement par l'Arcom. Celui-ci constate les déséquilibres flagrants dans la présence des différentes catégories sociales à la télévision, qui tendent parfois à s'aggraver comme le montre le dernier baromètre concernant la sous-représentation des personnes perçues comme non blanches. Mais aucune mesure contraignante n'est prévue pour corriger ces asymétries.

Peut-on faire autrement ?

La décision du Conseil d'État ouvre une brèche dans ce système bien rodé, qui arrange les intérêts des forces politiques institutionnalisées et des groupes médiatiques, mais qui ne remplit pas son rôle démocratique. En enjoignant l'Arcom à comptabiliser le temps de parole de l'ensemble des intervenants sur les plateaux de télévision, il pose à la fois un problème pratique et un problème politique. Le problème pratique est en réalité un faux problème. Les moyens techniques et scientifiques existent aujourd'hui pour faire un tel classement. L'emploi de méthodes d'analyse de réseaux et d'analyse textométrique peut de manière simple, objective et transparente attribuer une étiquette politique à des personnalités publiques à partir de leur expression en ligne. Ces méthodes peuvent également objectiver l'agenda dont ils sont porteurs : l'invité d'une émission parle davantage d'immigration ou d'écologie sur les réseaux sociaux ? En effet, leur activité en ligne peut révéler les points de vue des intervenants sur les plateaux de télévision par rapport aux différentes questions en débat et leur connexion éventuelle avec des formations politiques ou des milieux militants. Il s'agit bien d'expressions publiques libres et non pas de données personnelles qui sont utilisées, comme dans l'exemple de cette recherche d'envergure menée lors de l'élection présidentielle de 2017.

Les difficultés pratiques évoquées et les cris d'orfraie au sujet de la supposée violation de la vie privée et de la liberté d'expression cachent mal le problème politique que soulèverait une telle démarche : si elle était menée à bien, elle révèlerait les inégalités flagrantes dans la distribution de la parole que cache le système de mesure actuel. Pire, elle montrerait qu'une grande partie de la classe politique converge sur de nombreux sujets, malgré les divisions partisanes. Celles-ci apparaîtraient pour ce qu'elles sont : des positionnements tactiques sur le marché politique sans réelle différence sur le fond.

Les impasses du libéralisme

Par conséquent, cette affaire révèle un problème encore plus profond des démocraties libérales : le décalage entre la théorie et la pratique. En effet, si le système politique se targue de garantir une égalité formelle, il n'en est rien de l'égalité réelle. Ce constat est vrai pour la question sociale, comme pour la question culturelle. En dictant l'agenda et le cadrage des faits sociaux, les industries culturelles sous l'emprise du grand capital et des appareils politiques demeurent des appareils idéologiques majoritairement au service de l'ordre établi. C'est précisément cette contradiction fondamentale qui sape la confiance du public aux institutions démocratiques et ouvre la voie à l'extrême droite.

Or, dans le contexte actuel de montée en puissance des idées réactionnaires, il est urgent de rééquilibrer le fonctionnement de l'espace public médiatique en redistribuant les ressources communicationnelles, comme la parole publique et l'influence dans l'opinion, de manière plus égalitaire. Ceci est aujourd'hui possible si on s'appuie sur les progrès de la recherche et de la technique. Mais il faudrait accompagner une telle transformation avec des mesures beaucoup plus strictes contre la concentration et la marchandisation des médias. Il faudrait également garantir l'indépendance des rédactions de manière structurelle à travers des réformes profondes de leur gouvernance où les publics et les journalistes auraient le rôle principal. Ce type de changement radical implique une volonté politique forte pour se confronter à la classe politique établie et aux puissants propriétaires des médias. Elle nécessiterait alors l'appui d'un mouvement social d'ampleur.

Nikos Smyrnaios


[1] Les articles publiés sous forme de « tribune » n'engagent pas collectivement l'association Acrimed, mais seulement leurs auteurs dont nous ne partageons pas nécessairement toutes les positions.

10 / 10

 

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