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24.06.2025 à 11:59

Inspirations pour l’été

L'Autre Quotidien
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Les enfants montrent des cicatrices comme des médailles. Les amants les utilisent comme des secrets à révéler. Une cicatrice est ce qui se passe quand le mot est fait chair. — Leonard Cohen
Texte intégral (1749 mots)

Jordi Colomer : En la pampa

Billie Holiday à l’Olympia, 1958.

Thomas Gosset - L’ordre moins le pouvoir

L'air du temps

PNL - Au DD

Le haïku de dés

Monde de rosée
Rosée du monde
Et pourtant

Kobayashi Issa

L'éternel proverbe

Il faut répondre au diable dans la langue du diable.

Proverbe sanskrit

Les mots qui parlent (1)

Un danseur danse parce que son sang danse dans ses veines.

Anna Pavlova

Anna Pavlova et Laurent Novikoff, photographie Carlo Leonetti

Les mots qui parlent (2)

Les enfants montrent des cicatrices comme des médailles. 
Les amants les utilisent comme des secrets à révéler. 
Une cicatrice est ce qui se passe quand le mot est fait chair. 

Leonard Cohen

Old Ideas, LLC

19.06.2025 à 19:03

Régressons dans la joie avec les Feelies !

L'Autre Quotidien
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Ce qui n'était au départ qu'un simple exercice numérique pour les rockeurs du New Jersey The Feelies est devenu une nouvelle compilation de certaines de leurs reprises les plus difficiles à trouver. Les héros du jangle pop sortent Rewind, un album de neuf titres comprenant des reprises de morceaux des Beatles (« She Said She Said », « Everybody's Got Something to Hide Except Me and My Monkey »), de Neil Young (« Barstool Blues », « Sedan Delivery »), de Bob Dylan (« Seven Days »), des Rolling Stones (« Paint It Black ») et bien d'autres.
Texte intégral (728 mots)

Ce qui n'était au départ qu'un simple exercice numérique pour les rockeurs du New Jersey The Feelies est devenu une nouvelle compilation de certaines de leurs reprises les plus difficiles à trouver. Les héros du jangle pop sortent Rewind, un album de neuf titres comprenant des reprises de morceaux des Beatles (« She Said She Said », « Everybody's Got Something to Hide Except Me and My Monkey »), de Neil Young (« Barstool Blues », « Sedan Delivery »), de Bob Dylan (« Seven Days »), des Rolling Stones (« Paint It Black ») et bien d'autres.

La plupart ont été enregistrées pendant l'apogée du groupe dans les années 80 et au début des années 90, bien que « Seven Days » et une version de « Take It As It Comes » des Doors aient été enregistrées en 2016 et publiées deux ans plus tard sur un EP Record Store Day.

Rewind s'ouvre sur la reprise par le groupe de « Dancing Barefoot » de Patti Smith, qui a été le moteur initial de l'album. Au départ, les Feelies voulaient simplement rendre ce morceau, sorti en face B en 1988, disponible en version numérique, mais ils ont finalement décidé de compiler d'autres reprises issues de leurs archives, qui figuraient pour la plupart en face B et sur des EP. (« Me and My Monkey », qui met en vedette une formation antérieure avec la section rythmique composée du bassiste Keith DeNunzio et du regretté Anton Fier à la batterie, figurait sur le premier album du groupe, Crazy Rhythms, sorti en 1980.)

Le succès culte des Feelies dans les années 80 et au début des années 90 a donné lieu à une série d'albums célèbres sur les labels Stiff, Twin/Tone et A&M, dont The Good Earth en 1986, coproduit par Peter Buck de R.E.M. Pilier de la scène club des trois États jusqu'à sa dissolution en 1991, la formation la plus connue du groupe (le chanteur Glenn Mercer, le guitariste Bill Million, la bassiste Brenda Sauter, le batteur Stan Demeski et le percussionniste Dave Weckerman) s'est reformée en 2008. Depuis, ils ont sorti deux albums originaux, ainsi qu'un album hommage en 2023 à l'un de leurs principales influences, The Velvet Underground. Donc régressons dans la joie et dandinons-nous de concert avec ces nouveaux et crazy rhythms !

Jean-Pierre Simard, le 23/06/0/2025
The Feelies - Rewind - Bar-None Recorfs

19.06.2025 à 18:23

Festival New Beat(nick) perché au Moulin Blanchard 2/2

L'Autre Quotidien
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Le Festival Moulin Blanchard hors les murs se tient à Perche en Nocé et alentours jusqu’au 15 juillet. “Ce lieu patrimonial vernaculaire singulier abrite le cœur du Champ des Impossibles, ambitieux projet de développement du territoire par l’art et la culture qui inclut un festival d’art contemporain, des expositions, des rencontres, des concerts, des ateliers de pratique artistique, une artothèque récemment ouverte, ainsi qu’un partenariat avec l’Ecole Nationale Supérieure du Paysage de Versailles pour l’aménagement des extérieurs.”
Texte intégral (2996 mots)

Le Festival Moulin Blanchard hors les murs se tient à Perche en Nocé et alentours jusqu’au 15 juillet. “Ce lieu patrimonial vernaculaire singulier abrite le cœur du Champ des Impossibles, ambitieux projet de développement du territoire par l’art et la culture qui inclut un festival d’art contemporain, des expositions, des rencontres, des concerts, des ateliers de pratique artistique, une artothèque récemment ouverte, ainsi qu’un partenariat avec l’Ecole Nationale Supérieure du Paysage de Versailles pour l’aménagement des extérieurs.”

HORS LES MURS

Le festival se poursuit HORS LES MURS, avec l’exposition SOUND TRACK au Manoir de COURBOYER, parc naturel régional du perche. Les peintures d’Anton Hirschfeld, représenté par la galerie Christian Berst Art Brut, expriment, sous forme de triptyques, des variations sur un thème modal, Anton peignant plusieurs toiles à la fois en écoutant le concerto d’Aranjuez, Round Midnight de Miles Davis, I Fall in love too easily , You and the night and the music de Chet Baker, Back to black de Amy Whitehouse, le Köln Concert de Keith Jarett, I put a spell on you de Nina Simone. La grande attractivité de son travail pictural est un dialogue avec ces morceaux de jazz sélectionnés où  les rythmes et la couleur jouent les formes, souvent très abstraites, comme des faisceaux de lumières ou des vitraux de cathédrale, quelque chose de très spécial a lieu entre la musique de Jazz et la peinture d’Anton, dans une sorte d’évènement, de happening, une réverbération d’un absolu revenu au centre des mouvements de l’âme, un langage commun s’articulant dans la physique même de la couleur et des formes autour de la vibration première de l’ Apollon sonore, source de la création…    Avec les peintures d’Anton Hirschfeld, pastelliste, on peut paraphraser ces vers si connus de Rimbaud en écrivant,   » c’est quoi l’éternité, c’est la musique de Miles et de Chet allée avec la peinture d’Anton... » quand quelque chose d’irrépressiblement haut s’exprime en retour des émotions vécues au plus profond de l’enchantement musical. Le travail D’Anton réjouit, réconforte, il s’anime à la lumière, imprégné du mouvement de cette physique de l’âme, inconnue et pourtant si vivante, ici, mouvements qui ont fait la joie des peintres les plus illustres tout au long de l’histoire de la peinture impressionniste et qui pétille ici dans les salles du manoir de Courboyer.

https://www.parc-naturel-perche.fr/le-parc-en-action/bienvenue-la-maison-du-parc/le-domaine-de-Courboyer

Un film a été réalisé sur son travail, Le Voyage d’Anton, diffusé récemment sur Arte, excellent film documentaire réalisé par Mariana Loupan.
 Frédérique Founès et Madame Hirschfield présentent le travail d’Anton.

Pierre Amourette céramiques exposition Notre Dame de Courthioust, photos ©pascalTherme2025

L’église NOTRE DAME DE COURTHIOUST accueille l’exposition des céramiques de PIERRE AMOURETTE. Celui-ci s’exprime très largement sur son histoire et cette production  enchanteresse, Art Singulier, Alchimie autour de la figure de la Reine, de la Vierge et l’enfant, des figures de la maternité, de la Grande Mère, GaÏa ou Isis, cette production est réjouissante et solaire même quand s’incarnent sous ses mains de terre des personnages ou des visions plus tourmentées. L’homme, instituteur hier, s’est vu entrainé dans cette aventure par une commande singulière, il y a plus de vingt ans. il se définit comme suit:

« je suis céramiste tripoteur de terre. Je travaille également d’autres matériaux: bois, pierre, fer, plâtre en fonction des projets qui me viennent à l’esprit ou des sollicitations. Si la terre s’est imposée à moi, c’est qu’elle me permet de travailler vite, d’aller directement à l’émotion. En effet, les céramiques créées se veulent être un média, une histoire que chacun peut interpréter à sa façon. »

« Depuis sa petite enfance, la nature l’attire ; escargots et lézards l’ont accompagné dans ses jeux favoris, aujourd’hui ce sont des animaux que l’on peut retrouver dans certaines de ses oeuvres. Dans la pierre d’abord, le bois ensuite et en ce moment à travers la céramique, il crée des personnages souvent ambivalents qui ne laissent pas indifférents. Une part importante de sa production porte sur la maternité, mais il crée également des jarres, assiettes, plats et parfois des animaux. Pour lui « ce n’est pas l’objet en lui-même qui est intéressant mais la mémoire d’un moment qu’il véhicule ». https://www.pierreamourette.fr/index.html

Son travail est régulièrement et largement exposé en France et en Europe.

Pierre Amourette s’explique Viva Voce de son œuvre en Notre Dame de Courthioust

Le Manoir de Lourmarin- Nocé reçoit deux expositions liées à l’Art Brut, dont les œuvres de Hubert Cherrey, né en Suisse, devenu ouvrier typographe, interné suite à une déception sentimentale irréparable, interné dans quatre établissements psychiatriques, dont Le Mans et Alençon. Dès qu’il fut interné, il ne cessa de s’exprimer, de dessiner et de peintre, …

Hubert Cherrey, Art Brut exposition du Manoir de Lormarin /Nocé. photos©PascalTherme2025

Le Manoir de Lourmarin- Nocé expose également une sélection d’œuvres des collections du Musée Saint Anne, assez remarquables. Faut-il rappeler que nous devons à Jean Dubuffet le terme d’ ART BRUT, regroupant les œuvres de personnes n’ayant aucune culture artistique, s’exprimant « naturellement ». Art libre, Art des fous, des marginaux, des reclus, bien souvent ces productions libres relatent une expérience plus directe, sans rapport esthétique revendiqué, dans un langage direct, dans une étroite relation avec la surface. Née de l’intuition de Jean Dubuffet, l’Art Brut bouscule les frontières de l’art conventionnel en valorisant les créations spontanées des marginaux, des autodidactes et des « fous », offrant ainsi une nouvelle perspective sur la beauté brute, détachée des normes académiques et sociales. La qualité esthétique des œuvres présentées est probante, magistrale, comme en témoignent les photographies ci-dessous.

collection du Muséee saint Anne au Manoir de Lormarin/Nocé, photos©pascalTherme2025

C’est également, par ce retour au prisme de la Beat Generation, en tant que tel, une mise en perspective de notre présent actuel inquiétant. Faut-il voir un message tout particulier dans cette programmation étoilée, ce retour du refoulé dans une actualité ô combien mortifère, une mise en exergue de ces Libertés et des mouvements culturels et artistiques qui en portent toujours l’éclat et la lumière; lampe d’Aladin, à frotter sans modération afin de faire surgir ce cantique quantique, baume de l’âme, de l’esprit et du corps en révolution, en rébellion, en recherche de ce qui compte vraiment créativement et collectivement, des productions qui se sont inscrites dans la chair du temps et qui continuent d’émettre au delà leurs fréquences rebelles, comme si, une radio encore branchée sur ces années continuait d’émettre ces slogans inscrits en filigrane des œuvres, ces injonctions à être, être libre, être soi même et s’insurger encore et toujours contre l’ordre établi quand il est porteur de guerres et d’injustices, du mensonge général de la soumission.

N’hésitez pas à passer une belle journée au cœur du Perche, avec la programmation étoilée du Moulin Blanchard IN et HORS les murs. Pour information les expositions hors les murs sont à moins d’un quart d’heure du Moulin Blanchard.

Quatre lieux d’expositions dans un petit rayon…

https://www.calameo.com/read/0073456241adc6e5a0bf9

https://www.fondation-patrimoine.org/les-projets/le-moulin-blanchard/74372

Pascal Therme, le 23/06/2025
Festival New Beat(nick) perché au Moulin Blanchard 2/2

19.06.2025 à 18:00

Pu$h Thru, l'expérience latino aux USA en version rococo d'Yvette Mayorga

L'Autre Quotidien
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Connue pour ses peintures acryliques délicieuses, fleuries et parfois inquiétantes, réalisées à l'aide d'ustensiles de boulangerie, Yvette Mayorga rend hommage à sa mère, qui travaillait comme boulangère, et fait référence à l'art baroque et rococo tout en examinant de manière critique la famille, la communauté et les notions de prospérité.
Texte intégral (1464 mots)

Connue pour ses peintures acryliques délicieuses, fleuries et parfois inquiétantes, réalisées à l'aide d'ustensiles de boulangerie, Yvette Mayorga rend hommage à sa mère, qui travaillait comme boulangère, et fait référence à l'art baroque et rococo tout en examinant de manière critique la famille, la communauté et les notions de prospérité.

La Ursupadora Not 4 Me” (2025), collage, textile, glitter, lamp shade, pen, electrical outlet, hoop earrings, shoes, jeans, marker, pastel, drawer handles, lampshade, ceramic, belt, felt, pastel, clock, stickers, gold flakes, gold foil, mirror, acrylic nails, textile, nail charms, TV control, and acrylic piping on canvas, 60 x 120 inches

Les œuvres de Mayorga sont « dominées par des nuances de rose afin d'examiner de manière critique le rêve américain et l'expérience latino-américaine, empruntant souvent des compositions à des photos personnelles et familiales ainsi qu'à l'histoire de l'art », explique la galerie Monique Meloche, qui présente une exposition solo de l'artiste.

Pu$h Thru, la première exposition de l'artiste avec la galerie et la première dans sa ville natale de Chicago depuis 2018, adopte une approche semi-autobiographique en réfléchissant à ses expériences au cours de la dernière décennie dans la ville. Au-delà de ses œuvres caractéristiques inspirées de la confiserie, elle a créé des compositions à grande échelle incorporant des objets trouvés tels que des abat-jours, des vêtements et des bijoux, ainsi que des morceaux de céramique, des pastels, des feuilles d'or, des ongles en acrylique, etc.

“W3 R TIR3D” (2025), collage, rhinestones, plastic butterflies, acrylic marker, pastel, silver foil, gold foil, pen, acrylic nails, car sticker, butterflies, glitter, gold flakes, silver flakes, textile, belt, rhinestones, nail charms and acrylic piping on canvas, 48 x 36 inches

Bon nombre de ces œuvres s'inspirent des souvenirs personnels de Mayorga, comme des instantanés de l'artiste enfant lors d'une fête d'anniversaire ou assise dans le salon familial. Convergeant avec l'esthétique et le style rococo romantique, comme les portraits inspirés d'Élisabeth Vigée Le Brun ou de Jean-Honoré Fragonard, l'artiste aborde le récit euro-centrique de l'histoire de l'art et son omission générale d'autres identités. Mayorga a même inventé un terme pour décrire son approche, Latinxoco , qui fusionne l'identité latinx avec l'esthétique rococo.

« Le rose, une couleur qui a une longue histoire dans la pratique de Mayorga, est utilisé comme une stratégie conceptuelle pour déstabiliser les idéaux occidentaux en matière de teint de peau, évoquant des questions de race, de classe et d'incarnation du genre, tout en faisant référence à l'esthétique cosmétique et domestique — une réappropriation ironique et radicale de la douceur comme force », explique la galerie.

Plus sur le site de l’artiste et son instagram

Kate Mothes pour Colossal, le 23/06/2025
Yvette Mayorga - Pu$h Thru -> 26/07/2025

“Self Portrait of the Artist After Élisabeth Louise Vigée Le Brun” (2025), textile, collage, stickers, gold flakes, silver flakes, pen, lace, buttons, acrylic nails, nail charms, and acrylic piping on canvas, 72 x 60 inches

19.06.2025 à 17:53

De l’éphémère durable, une vision pour faire barrage ?

L'Autre Quotidien
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Malgré les apparences, il ne faut pas désespérer de la politique. En témoigne un minuscule animal, l’éphémère, dont la présence sur la Seine est un signe de l’amélioration de la qualité de l’eau, ce qui tombe bien à l’heure où la baignade dans le fleuve est autorisée sur trois sites dès le 5 juillet 2025.
Texte intégral (1823 mots)

Malgré les apparences, il ne faut pas désespérer de la politique. En témoigne un minuscule animal, l’éphémère, dont la présence sur la Seine est un signe de l’amélioration de la qualité de l’eau, ce qui tombe bien à l’heure où la baignade dans le fleuve est autorisée sur trois sites dès le 5 juillet 2025.

C’est Le Parisien (13/06) qui rapporte l’évènement : pour la première depuis des lustres, ce petit insecte préhistorique, aussi appelé mouche de mai, a été repéré entre la cathédrale Notre-Dame et l’Île-Saint-Louis. Un miracle ? « La mouche de mai est une espèce extrêmement sensible à la pollution qui vit habituellement dans les rivières les plus propres », explique le biophysicien Bill François qui a fait la découverte. « Ce qui est encore plus rassurant est de savoir que cette mouche est bien née dans la Seine et qu’elle n’a pas été poussée par le vent », précise-t-il. L’occasion d’apprendre que la présence sur terre de cet insecte est attestée depuis 300 millions d’années avant les dinosaures et qu’il fut, pour tout dire, le tout premier animal à voler. « Partout en France, on voit les eaux se dégrader, la Seine est le seul contre-exemple », souligne le scientifique.

La naissance de cet éphémère n’est pas une anecdote. Il n’y a pas besoin de remonter très loin dans le temps pour se souvenir de la Seine comme d’un cloaque. Une situation si malodorante pour une ville lumière que Jacques Chirac, alors maire de Paris, promet en 1988 de rendre à nouveau le fleuve propre à la baignade et de le prouver en nageant dans la Seine. Une promesse non tenue ? Voire… Certes il ne s’y baigna jamais et il fallut près de quarante ans pour que quiconque s’y risquât, jusqu’aux jeux olympiques de 2024 et qu’une ministre et une maire tombe ou se jette à l’eau. Personne n’est mort. Donc, autorisée la baignade. Les pêcheurs s’en félicitent qui trouvent dans l’eau du bain 36 espèces de poissons en 2024 contre 14 en 1990.

En vérité, la boutade de Chirac a enclenché une dynamique conjointe de l’État et de la Ville de Paris à tel point que le credo fut ensuite repris sans discontinuer par les maires suivants, de Bertrand Delanoë à Anne Hidalgo. En 2002, le premier met en place l’opération Paris Plages, pas question donc de s’y asphyxier ou attraper des boutons…

En 2015, un grand plan d’amélioration de la qualité de l’eau de la Seine et de la Marne « pour atteindre les niveaux requis pour autoriser la baignade » est engagé par la seconde avec l’État et ses opérateurs, les collectivités franciliennes et les acteurs de l’assainissement. Quatre grandes priorités sont établies pour la baignade grand public : l’amélioration des processus de traitement des stations d’épuration pour renforcer encore la qualité des eaux rejetées dans le milieu naturel, la résorption des mauvais branchements, la réduction des rejets des eaux non traitées en cas de pluie et le raccordement des bateaux aux réseaux d’assainissements.

Rien de très sexy en apparence mais rien qui ne fasse du mal à la nature ou à l’économie, au contraire ! De fait, avec les Jeux olympiques en guise d’accélérateur des bonnes volontés, six ouvrages d’assainissement ou bassins de rétention ont été construits, dont le VL 8, un collecteur de grande capacité d’une longueur de 10 kilomètres situé entre Essonne et Val-de-Marne.

De plus, pour en arriver là – aller se baigner à Paris sans autre danger que la noyade – il a fallu pour l’État, la Ville de Paris et nombre de collectivités locales en amont et en aval engager des chantiers colossaux qui se comptent ensemble en milliards d’euros et se déploient bien au-delà du centre de Paris, qu’il s’agisse du traitement des eaux ou de leur gestion, en aval comme en amont.

En témoigne en amont le barrage mobile de Vives Eaux (Seine-et-Marne) qui régule depuis 1928 les niveaux amont et aval du fleuve pour assurer sa navigation.* Exemple parmi de nombreux autres des ouvrages qui concourent à l’amélioration de la qualité de l’eau, il a été entièrement reconstruit et modernisé en 2018 pour 40 M€. Destiné à la sécurité de la gestion hydraulique au service de la navigation fluviale, il a d’autres vertus quant à l’usage de l’eau (eau potable, industries…), tout en améliorant les conditions de travail des agents d’exploitation. L’ouvrage est équipé d’une passe à poissons et d’une nouvelle passerelle publique reliant les villages des deux rives de la Seine, un point de vue devenu très couru. Bref, un investissement qui a atteint son objectif pour les prochaines décades.

« Au-delà de sa finalité fonctionnelle et technique, la reconstruction de ce barrage a fourni l’occasion d’une requalification générale du site naturel sensible de la vallée de la Seine où il s’implante », souligne ainsi Luc Weizmann (LWA) qui en signe l’architecture. « De par son dessin-même, le nouvel équipement intègre une valeur symbolique et devient un ‘ouvrage d’art’ au sens noble du terme. La nouvelle circulation publique sur la passerelle, à l’aplomb de la chute d’eau, forme à ce titre un élément précieux de valorisation de l’environnement », poursuit l’architecte. Ecologie en tout point positive donc, même si le barrage est coulé en béton… Et preuve en est qu’il y a de la place pour l’architecture !

En témoigne en aval la capacité des unités de traitement biologiques de l’usine d’épuration d’Achères Seine-Aval (Yvelines). Réalisées par LWA et LELLI Architectes et mises en service en novembre 2017, leur débit est égal à la moitié de celui de la Marne. Le chantier, gigantesque, a compté jusqu’à 1 200 personnes en même temps et duré 50 mois pour un coût de 777 M€. Ecologie punitive, vraiment ?

Ces exemples parmi d’autre prouvent qu’avec une approche globale, c’est tout le territoire jusqu’à Rouen qui bénéficie aujourd’hui d’une eau de la Seine somme toute de bonne qualité, pas seulement les bobos baigneurs parisiens. Sans même parler ici des vastes bassins naturels désormais préservés pour anticiper les inondations dans la capitale et ailleurs.

Il convient toutefois de noter que tout cet effort, au-delà de ses vertus écologiques et républicaines – gouverner, c’est prévoir – semble avoir en l’occurrence été pensé pour un usage de loisirs. Pour espérer un océan propre et accepter l’investissement nécessaire au ménage, faut-il que toute la croisière s’amuse ?

Comme l’indique Bill François, le biophysicien, partout en France les eaux se dégradent, sauf pour la Seine. C’est qu’ailleurs, ça ne rigole pas ! Pourtant il est possible, d’évidence, d’améliorer la qualité des eaux de nos rivières et de l’environnement qui leur est attaché quasiment sans même que nous nous en apercevions !

En tout cas, quoi qu’en disent les politiciens sans imagination, investir pour le bien du pays, en respectant l’environnement, avec des résultats économiquement, socialement et écologiquement certifiés durables, c’est possible, certes sur le temps long. Cette réussite est visible également avec les toutes nouvelles stations de métro et gares du Grand Paris. Les J.O. en sont une nouvelle démonstration, qui ont rapporté plus qu’ils ont coûté ! Mener à bien des projets utiles, c’est possible !

Que manque-t-il donc aujourd’hui à ce pays qu’il se retrouve empêtré à ce point entre petites autoroutes mesquines et privées et grandes bassines pour faire sécher l’eau du sous-sol, le niveau zéro de la pensée à l’échelle du territoire ? Bonjour l’ambition ! Il y a pourtant la place pour d’autres perspectives… A moins évidemment qu’un costume trop grand…

Pour autant, il ne faut pas désespérer de la politique. Après tout, pour la baignade dans la Seine, il s’en est fallu, il y a quarante ans ou presque, d’une promesse en l’air de l’impétueux Jacques Chirac qui – fait rare – a engagé toutes celles et ceux qui l’ont reçue.

Christophe Leray, le 23/06/2025

*Lire Le barrage passerelle de Luc Weizmann ou l’élégance de l’ouvrage d’art

19.06.2025 à 17:43

Chez Catherine Putman on évoque le silence pour l'été

L'Autre Quotidien
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Si certaines œuvres sont évocatrices d’un silence synonyme de calme, de vide, ou de contemplation, on se plaît alors à leur trouver des correspondances visuelles. Entre apaisement et angoisse ; le silence est polysémique et par là même, ses symboliques et ses images deviennent multiples.
Texte intégral (975 mots)

Si certaines œuvres sont évocatrices d’un silence synonyme de calme, de vide, ou de contemplation, on se plaît alors à leur trouver des correspondances visuelles. Entre apaisement et angoisse ; le silence est polysémique et par là même, ses symboliques et ses images deviennent multiples.

photo de Rebecca Fanuele

Il évoque la concentration du créateur et se traduit par une forme d’épure et de radicalité dans l’œuvre qui en résulte. Il en va ainsi des abstractions bleutées de Geneviève Asse, d’une série de paysages des îles Féroés, saisis sur le vif à la pointe sèche sur zinc, par le danois Per Kirkeby, ou d’un ciel de papier teinté à l’indigo d’Éloïse Van der Heyden. Il devient onirique avec la machine à écouter le silence imaginée par Bernard Moninot dans son travail intitulé Silent Listen. Un blanc est un silence, il pourrait être sa couleur, comme l’illustre l’œuvre de Dana Cojbuc Trace de silence matérialisée dans l’image par une traînée de farine blanche dans un paysage carbonisé.

photo de Rebecca Fanuele

Le silence est dans le sommeil du Dormeur d’Éloïse Van der Heyden, ou dans la solitude de la silhouette qui s’aventure de nuit dans une eau marécageuse du dessin de Frédéric Poincelet. Il est l’absence de présence vivante dans une salle aux chaises vides dessinée par le même artiste ou sur le mur usé d’une maison de famille photographié par Sophie Ristelhueber.

Faire silence, c’est aussi se taire ou faire taire, Frédéric Malette a choisi pour titre d’une série de dessins Les Cris silencieux, pour traduire l’impuissance des cris de souffrance passés et présents.

JIm Pinceau-Velu le 23/06/2025
Collectif - Silence -> 11/07/2025

Galerie Catherine Putman 40, rue Quincampoix 75004 Pariis

19.06.2025 à 13:03

« J’essaie d’imaginer un énorme mensonge. C’est le départ de toutes mes histoires, mais il faut que le mensonge soit intéressant. » Naoki Urasawa invité d’honneur à Amiens

L'Autre Quotidien
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Le mangaka qui signe l’affiche de la 29e édition des rendez-vous de la bande dessinée d’Amiens est à l’honneur jusqu’au 22 juin avec deux expositions différentes accessibles gratuitement. On vous propose un triple entretien croisé avec Naoki Urasawa, mais aussi Anthony Pardi commissaire principal de l’expo « Naoki Urasawa auteur en série » et Stéphane Jarno, commissaire de l’expo « Naoki Urasawa, un talent monstre ».
Texte intégral (5261 mots)

Le mangaka qui signe l’affiche de la 29e édition des rendez-vous de la bande dessinée d’Amiens est à l’honneur jusqu’au 22 juin avec deux expositions différentes accessibles gratuitement. On vous propose un triple entretien croisé avec Naoki Urasawa, mais aussi Anthony Pardi commissaire principal de l’expo « Naoki Urasawa auteur en série » et Stéphane Jarno, commissaire de l’expo « Naoki Urasawa, un talent monstre ».

La semaine dernière, je vous ai proposé une interview de Sophie Mille, la directrice des rendez-vous de la bande dessinée d’Amiens pour découvrir les coulisses de ce festival qui court jusqu’à ce week-end du 21 & 22 juin. Aujourd’hui focus sur son invité d’honneur que j’ai pu rencontrer avec mes collègues dans un cadre intimiste avec nos questions collectives, une occasion de mieux comprendre son processus créatif, mais également son quotidien ou avoir une idée de ses futurs projets.

En parallèle, j’ai pu aller à la rencontre des deux commissaires d’exposition qui proposent deux lectures de l’œuvre de Naoki Urasawa pour la faire découvrir au plus grand nombre. Je vous propose quelques morceaux choisis. 

Quand on demande à Anthony Pardi, chargé de mission manga auprès du festival, depuis combien de temps ils prévoient cette exposition, il explique avec enthousiasme que « Ça fait quasiment 4 ans qu’on a commencé a entamé les premiers échanges avec Kana, mais c’est une idée qui est là depuis des années. » Mais aussi sur le choix de ce mangaka en particulier « C’est une icône dans le milieu du manga. À Amiens, on commence à peine à faire du manga, on a eu quelques projets comme Les Carnets de l’apothicaire, Blue Giant, Haikyu, mais c’était à la marge et on voulait taper un grand coup avec un auteur patrimonial.

C’est aussi parce que notre public n’est pas encore assez connaisseur de ce médium-là, on s’est dit autant faire quelqu’un qui est assez européen dans sa création, dans son découpage. C’est une très bonne porte d’entrée pour les personnes qui ont vraiment des stéréotypes en tête comme “le manga c’est de la baston et des gens qui crient”. Eh bien non ! C’est aussi pour ça qu’on a fait venir Naoki Urasawa : on amène doucement le public vers des expositions mangas chaque année. Et concrétiser cette expo avec en plus avec sa venue, c’est quelque chose d’assez fou, c’est un petit miracle, on va pas se mentir. »

Au coeur de l’expo Naoki Urasawa à la Maison de la Culture d’Amiens / Photo ©Thomas Mourier

Deux expositions ? 

La proposition est surprenante, deux expositions dans deux lieux différents autour d’un même auteur, mais quand on demande à Anthony Pardi si l’idée est de croiser les publics, il confirme « Exactement ! On travaille avec la Maison de la culture sur des expositions BD depuis 4-5 ans de mémoire et Laurent Dréano, le directeur de la Maison de la culture, qui a aussi une appétence pour le travail de Naoki Urasawa. Ils se sont très vite mis dans le projet et on a essayé de créer un lien entre eux et nous. »

L’exposition « Naoki Urasawa auteur en série » présente plusieurs œuvres dans une scénographie immersive, avec une pièce maîtresse autour d’Asadora! qui met en scène la créature, l’avion d’Asa pour présenter des reproductions de planches ou encore une double pièce dédiée à Monster avec un tableau de suspect géant. À la Maison de la culture, l’expo « Naoki Urasawa, un talent monstre » se concentre elle sur 2 œuvres 20th Century Boy et Monster dans une scénographie plus épurée qui présente des agrandissements de cases en regard des pages. 

Stéphane Jarno, commissaire de l’expo « Naoki Urasawa, un talent monstre », nous parle de la visite du dessinateur « Quand Naoki Urasawa a visité l’exposition hier soir, il était comme un enfant : quand on est dessinateur voir ses créations en 2D en volume devant soi, ça fait un choc. »  Le monstre sans nom en version physique ouvre l’exposition avant de passer aux agrandissements de cases, Stéphane Jarno poursuit « Pour le choix des visuels, l’idée était de trouver des scènes qui montrent des aspects de la personnalité de chaque personnage, mais aussi des scènes d’anthologie. »

Pourtant dans les deux cas, pas de planches originales. Anthony Pardi précise « La politique de Shôgakukan est très stricte sur la sortie d’originaux hors du Japon. Ce sont des trésors nationaux, surtout Naoki Urasawa, qui est considéré là-bas comme un des plus grands mangakas. 

On est un peu des bébés dans le manga game, pour parler très cru. Donc, forcément, on a moins la confiance que peuvent avoir Angoulême par exemple qui ont 3 expos manga avec des originaux. On n’est pas encore à leur niveau, mais on essaye petit à petit d’y arriver : ça va être des voyages au Japon dans le futur pour se présenter, montrer ce que l’on a fait et potentiellement négocier pour avoir des planches originales.

Tout Shôgakukan a vu l’exposition en 2D par échange de mail en amont. Du coup, on s’est lâché sur la scénographie, parce que c’est un peu ce qui nous caractérise en tant que festival et aussi parce sans originaux, on n’a pas la facilité de la planche. On a des reproductions qui sont certes magnifiques, mais c’est moins l’impact d’un original donc forcément, on s’acharne encore plus sur la scénographie pour rendre le truc très immersif. »

Au coeur de l’expo Naoki Urasawa à la Halle / Photo ©Thomas Mourier

L’instant où tout bascule… dans les coulisses d’une œuvre

Dans l’exposition Naoki Urasawa, un talent monstre », on rentre par les personnages, la scénographie dévoile les protagonistes de Monster et de 20th Century Boys comme points d’accroche. On y voit dès l’entrée, le combat entre Kenzō Tenma & Johann puis au loin un robot géant, sorti de 20th Century Boys

Interrogé sur les personnages, le mangaka explique que pour lui : « L’antagoniste est plus important que le protagoniste. Je suis en train d’explorer encore, mais je me dit que le personnage principal est peut-être le personnage le moins intéressant parmi tous —c’est peut-être pour cela que je n’aime pas le personnage de Tenma— en tout cas mes personnages secondaires ont plus de caractères et de personnalité. »

Pour Stéphane Jarno, 20th Century Boys marque un tournant dans son œuvre, un moment de bascule : « À partir de 20th Century Boys, il s’autorise des choses qu’il n’a pas pu faire dans Yawara, Pineapple Army ou Master Keaton. Dans ses témoignages 20th Century Boys ça né d’une vision : il s’endort dans son bain —c’est comme ça qu’il le raconte— et il a une vision d’une scène qu’il y a dans 20th Century Boys où Ami et ses sbires sont accueillis à l’ONU comme des amis de l’humanité. Il a ce flash et il envoie tout de suite un mot à son éditeur pour lui dire “j’ai une idée” alors qu’il voulait justement lever le pied parce qu’il avait trop bossé. C’est sans doute une césure dans son œuvre. »

Quand on demande à Stéphane Jarno pourquoi il y a peu de textes d’accompagnement dans l’exposition pour prolonger ces réflexions, il répond que Naoki Urasawa « se méfie beaucoup des commentaires et des analyses sur son œuvre » et du coup « ça faisait partie du cahier des charges. »

L’auteur s’est prêté en échange aux interviews et dévoile qu’il a « l’impression de faire des œuvres humoristiques, mais que les gens ne le croient pas. Je parle de drame humain, et l’humour en fait partie comme le mystère, le suspens et le polar. Je vends toujours Monster comme une œuvre d’humour et personne ne me croit. » 

Plutôt qu’un regard ou des interprétations sur son travail, le mangaka explique comment il travaille, expliquant pourquoi certaines œuvres sont plus complexes que ce qu’il avait imaginé à la base : « Quand je commence une histoire, j’ai déjà l’idée jusqu’à la fin, j’ai une image assez précise de la fin, mais au fur et à mesure que j’avance : la narration évolue, les personnages évoluent et moi-même en tant qu’auteur j’évolue aussi. Et c’est pour cela que l’intrigue évolue et que finalement la fin n’a rien à voir avec ce que j’avais conçu au début. » 

À propos de sa méthode de travail, il a expliqué comment il se documente et construit ses intrigues en prenant l’exemple d’Asadora!, sa série en cours : « Avant tout, j’essaie d’imaginer un énorme mensonge. C’est le départ de toutes mes histoires, mais il faut que le mensonge soit intéressant : je commence à ajouter des éléments de réalisme pour donner corps à ce mensonge.

Pour Asadora!, je voulais parler de l’histoire d’une pilote et je me suis renseigné et j’ai compris que c’est à l’âge de 17 ans que l’on peut avoir sa licence de pilote. À partir de cette idée, j’ai cherché quels sont les moments importants dans l’histoire du Japon et c’est là que j’ai trouvé le grand typhon de 1959 dans la baie de Ise — je suis né en 1960, donc cet événement a eu lieu 1 an avant ma naissance et quand j’étais petit ma mère me parlait de ce typhon dévastateur. Asa avait 12 ans en 1959, et je trouvais intéressant de raconter la vie de cette femme avec ce contexte historique. 

Je me suis aussi renseigné sur les façons de piloter les avions et j’ai même rencontré un pilote qui avait plus de 100 ans et j’ai beaucoup appris grâce à lui. J’ai rencontré un biologiste pour savoir si la chose pourrait exister réellement et il m’a confirmé que ce n’était pas possible.

Un artiste en haut de l’affiche

À Amiens, Naoki Urasawa a donné un concert dessiné où il a interprété ses chansons, dont certaines inédites, d’autres avec des paroles en français et en anglais, en s’accompagnant au dessin pour en illustrer les thèmes. En parallèle de ses mangas, il a sorti deux albums et se produit sur scène, seul ou avec son groupe. 

Dans l’exposition “Naoki Urasawa, un talent monstre”, on peut découvrir une partie dédiée à la musique, avec aussi bien ses disques que des planches dédiées aux musiciens, ses carnets de bords et ses chansons. Stéphane Jarno détaille “Quand il dessine, il peut avoir une idée musicale, il s’arrête, prend sa guitare et enregistre ou alors quand il joue, il a une image qui vient. Il y a parfois des allers-retours, il ne dissocie pas, dans sa création, le dessin et la musique.”

À ce propos, Naoki Urasawa revient sur cette distinction, “Dans 20th Century Boys, il y a la chanson Bob Lennon qui sert à la narration, mais je ne cherche pas à mettre des chansons dans mes mangas.” Les deux disciplines se répondent, mais ne parasitent pas. “Par contre, il ne dessine pas en musique, il est concentré” rajoute Stéphane Jarno.

Les rendez-vous de la bande dessinée d’Amiens lui ont confié la réalisation de l’affiche, une proposition qu’il a acceptée très vite, “ce qui est un peu fou” comme l’explique Anthony Pardi “Le fait qu’il ait représenté tout Amiens aussi est un peu fou, elle marche très bien. 

On fournit un cahier des charges aux auteurs, autrices pressenties pour faire l’affiche de la future édition et pour Urasawa sensei, on a fait la liste de tous les endroits d’Amiens qui peuvent être sur l’affiche. Et finalement il a fait un mix de tout ça pour nous faire une planche de BD avec tous les éléments cités dans le cahier des charges. 

On était assez surpris, mais assez heureux de se dire que cette affiche marche très bien, même pour la ville. En communication pure et dure, pour la ville, c’est cool de montrer plein de spots différents d’Amiens avec en plus des personnages iconiques d’Urasawa.

Au coeur de l’expo Naoki Urasawa à la Halle / Photo ©Thomas Mourier

Un auteur au sommet, qui a su prendre du recul

En fin d’entretien, Naoki Urasawa nous explique qu’il a “travaillé en parallèle sur 2 séries pendant 20 ans. Avec une série dans un magazine hebdomadaire et l’autre série qui sortait toutes les deux semaines. Et donc j’avais des deadlines 6 fois par mois, je dessinais entre 130 et 140 pages par mois. Quand je repense à cette période, je me dis que c’était un véritable enfer. 

Je vous invite à imaginer les conditions de cette vie, d’habitude on se dit je vais finir cette semaine et je vais me reposer. Pendant 20 ans, aucune pause, quand je regarde à l’horizon ce ne sont que des dates de rendu qui continuent éternellement et je me dis heureusement que j’ai pu survivre à cette période. 

À ce moment-là, je pensais à Osamu Tezuka qui dessinait entre 500 et 600 pages par mois, le chiffre était incomparable : moi 140 et lui 600 pages par mois. Sa vie a été courte, il est mort à l’âge de 60 ans et moi je me suis dit non, je ne vis pas comme ça.

À 65 ans le mangaka a pris du recul sur cette figure de mentor —après un très bel hommage Pluto— et explique son envie de traiter de nombreux sujets en manga, et dévoile qu’après Asadora ! [toujours en cours de publication] il aimerait “traiter le manga de samurai avec un angle et une approche nouvelle.” 

Et on sera au rendez-vous !
D’ici là, vous avez de quoi faire avec cette double expo mais également les dernières parutions comme Jigorô ou Asadora ! T9 qui viennent de sortir en juin.

Pour consulter le programme complet, rendez-vous sur le site de l’événement

💡 Infos pratiques
Festival Gratuit
Ouvert de 10h à 18h les 3 week-ends de juin :
7 & 8 JUIN WEEK-END D’OUVERTURE (70 artistes invités)
14 & 15 JUIN WEEK-END MUSÉAL
21 & 22 JUIN WEEK-END DE CLÔTURE (60 artistes invités)

📍 Halle Freyssinet, Rue de la Vallée, 80000 Amiens

-> les liens renvoient sur le site Bubble pour se procurer les ouvrages évoqués

Image principale : au cœur de l’expo Naoki Urasawa à la Maison de la Culture d’Amiens / Photo ©Thomas Mourier

Thomas Mourier, le 23/06/2025
Naoki Urasawa invité d’honneur à Amiens

Le mangaka en rencontre avec les journalistes / Photo ©Thomas Mourier

19.06.2025 à 12:58

Space opera en Acadie, fun à tout point de vue

L'Autre Quotidien
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Très drôle et formidablement rusée, une novella de space opera transhumaniste conduite à quelques trains d’enfer pour démontrer avec éclat qu’en matière de récit, tout est encore et toujours affaire de point de vue .
Texte intégral (3561 mots)

Très drôle et formidablement rusée, une novella de space opera transhumaniste conduite à quelques trains d’enfer pour démontrer avec éclat qu’en matière de récit, tout est encore et toujours affaire de point de vue.

Je hais la chute libre. Il a fallu au moins dix ans et plusieurs réglages minutieux de la part des Écrivains pour me faire surmonter la nausée et la terreur de m’écraser au sol, mais je n’arrive pas à m’y faire. Je déteste tout autant voler. Quand on regarde les Gamins, ça a l’air facile, élégant. Mais c’est en fait  bigrement corsé et je n’ai jamais pris le coup. Un de mes premiers gestes en tant que Président  a été d’inciter la Trésorerie à construire un monorail dans quelques-uns des habitats les plus vastes, et à légaliser les jet packs individuels dans chacun d’entre eux. Sauf que le conseil a opposé son veto. Je suis peut-être Président, mais le Conseil ne me prête aucune attention, à moins que quelque chose ne tourne mal.
L’hôtel de ville se situe près du centre de l’habitat, niché au cœur d’un énorme massif de kudzu. J’atterris tant bien que mal sur la terrasse couverte, retire ma combi et entre.
Comme à peu près tous les autres bâtiments de la Colonie, l’hôtel de ville est un polype de construction sphérique. C’est aussi la plus grosse et la plus ancienne structure du coin : une boule nacrée et noueuse de la taille d’un paquebot. Assez vaste pour faire office de pièce de survie pour toute la population de l’habitat en cas de désastre de très, très grande ampleur, elle n’en est pas moins pratiquement vide la plupart du temps, peuplée par des équipes d’administrateurs, d’ingénieurs et de techniciens réduites au minimum.
Elle abrite aussi mon bureau, et il n’y a pas de quoi se vanter. Je n’y ai passé plus de cinquante minutes depuis le début de mon mandat, huit mois plus tôt, et en toute honnêteté, je serais incapable d’y mener quiconque à travers les tunnels sinueux de l’hôtel de ville.
Fort heureusement, je ne me rends pas à mon bureau. Je vais au Bureau, plus facile à trouver, car bien plus grand et situé en plein cœur de la structure. Je constate en sortant du tunnel qu’il est rempli de gens visiblement nerveux discutant à voix basse devant leurs écrans, leurs plans de travail et les infofiches.
« Joyeux anniversaire ! me lance Connie alors que je flotte vers elle.
– Hum. Bon, qu’est-ce qu’on a ?
– Un appareil ennemi. » Elle désigne une grande infofiche à l’autre bout de la salle : on y voit un fond noir incommensurable au milieu duquel dérive une sonde. Celle-ci mesure environ quinze mètres de long pour cinq de large, un cylindre blanc cassé portant les lettres AC peintes sur un de ses flancs. À une extrémité, un bon gros bouclier antimétéores conique en glace centrifugée ; à l’autre, la mince cloche de la tuyère propulsive d’un réacteur à fission à haut rendement. Entre les deux, on aperçoit le paysage grumeleux et désordonné des radômes du moteur à hyperpropulsion, des nacelles de capteurs et des microtuyères à fusion. Concept relativement simple, fabrication peu onéreuse ; l’Agence de la Colonisation en assemble des centaines chaque année et les envoie en mission de survol rapide vers les systèmes planétaires inexplorés. Je sens mon cœur se serrer.
« Pas un rocher, donc, insiste Connie.
– Pas un rocher », je confirme avant de pousser un juron. « D’où vient cette image ? »
Elle me répond. Je jure de nouveau. Et pas qu’un peu.

Fondée par des scientifiques en rupture de ban d’États-Unis réactionnaires et théocratiques, la Colonie vit depuis cinq cents ans en secret, à bord de dizaines d’habitats spatiaux construits à partir du vaisseau de colonisation volé pour fuir la Terre et la colère des services spéciaux américains, installée loin, très loin, des routes spatiales commerciales et des missions coloniales d’exploration. Mais l’Agence Coloniale, qui a la mémoire longue, continue sa traque imperturbable, arrosant l’univers connu et inconnu de ses sondes automatisées. Bien que bénéficiant des technologies ultra-avancées développées au fil du temps par ses scientifiques d’origine (les « Écrivains ») et par leurs créations génétiques aux intelligences résolument hors normes (les « Gamins »), l’utopie réalisée hors des sentiers battus doit rester vigilante. Lorsqu’une sonde se présente par surprise quasiment aux portes de la Colonie, détectée beaucoup trop tardivement pour être neutralisée efficacement, c’est à Duke, le président élu par cette meute d’hédonistes surdoués et farceurs, élu précisément parce qu’il paraissait afficher, de toutes et tous, le plus de désintérêt pour la politique, qu’il revient de gérer la pire crise que cette population persécutée (le clin d’œil du titre à l’authentique Acadie canadienne vous éclairera a posteriori sur les nombreuses ruses malicieusement disséminées dans le choix des noms propres tout au long du texte) ait eu à gérer depuis sa création.

La Colonie ne possède pas de gouvernement en tant que tel. Chaque habitat élit annuellement le représentant d’une sorte de vague corps consultatif dont le but est de s’assurer que la machine fonctionne sans heurts. D’après le principe voulant qu’on ne peut décemment pas confier le pouvoir politique aux personnes qui le recherchent, les seuls membres admis au sein de ce collectif sont ceux qui ne désirent absolument pas en faire partie. Comme ça vaut pour à peu près tout le monde, les deux ou trois mois précédant les élections voient généralement s’orchestrer une avalanche de campagnes guignolesques à l’enthousiasme suffisant pour disqualifier le moindre candidat. J’ai moi-même mené de belles campagnes par le passé, et j’ai longtemps réussi à esquiver le tir, mais je me trouvais hors-système lors du dernier suffrage, occupé à ramener quelqu’un jusqu’à Nova California. Les autres y ont vu le signe d’un désintérêt envers la politique, et à mon retour, j’ai découvert que non seulement j’avais été élu, mais que les sales fourbes avaient interprété mon absence comme la preuve que je n’en avais vraiment rien à battre, aussi m’avaient-ils carrément nommé Président.
Ce mandat n’accorde en réalité que très peu de pouvoir. En revanche, il entraîne pas mal de responsabilités, notamment en cas de situation si problématique que tout le monde s’efforce de refiler la patate chaude au premier venu. Or le premier venu, c’est moi, et ce pour les trois ans et demi à venir environ. Président de la Colonie : le type qui se tape le boulot que personne d’autre n’a la volonté ou la patience de faire et prend les décisions merdiques que personne ne veut assumer.

Relativement peu connu en dehors des cercles d’initiées, et jamais traduit en français jusqu’ici, le Britannique Dave Hutchinson (qui, homme de goût s’il en est, confie en entretien que c’est le grand « Pavane » de Keith Roberts qui l’a le plus influencé dans la définition de ce qu’il souhaitait réaliser en tant qu’écrivain), mérite toute notre attention, au vu de cette novella de 2017, traduite par Mathieu Prioux en 2019 dans la collection Une Heure-Lumière du Bélial’. En dehors de ce qui a déjà été écrit plus haut, je me garderai bien d’éclairer la fin de cette novella construisant elle aussi (la parenté de sa thématique apparente avec celles familières aux lectrices et lecteurs d’Alastair Reynolds ne saurait être totalement fortuite) un espace de la révélation. En se laissant porter par un humour geek et même potache – qui n’a pourtant absolument rien de gratuit ici -, on découvrira dans les derniers mètres l’un de ces retournements dont la grande fiction peut avoir le secret, nous rappelant avec l’art mêlé d’un Henry James et d’un Iain Banks que petits récits et grande Histoire naissent d’abord et avant tout d’un point de vue – et que c’est à ses risques et périls (ou pour la profonde joie du twist) que la lectrice ou le lecteur l’ignoreraient.

Le Conseil est composé d’elfes, de nains, de hobbits, de gobelins et de Dieu seul sait quoi d’autre. Je n’ai pas lu les bons livres ni vu les bons films pour tous les reconnaître, mais j’aperçois aussi quantité de klingons. Assister à une réunion du Conseil revient à participer à un concours de cosplay. Après avoir fondé la Colonie, les Écrivains ont voulu s’amuser un peu… Et si pour ça il leur faut se réécrire en personnages de la culture populaire de la fin du vingtième siècle, je n’ai rien à y redire. En général, ils laissent la Colonie se gérer toute seule, du coup, mes contacts avec eux sont limités. Malheureusement, il y a parfois des cas où la décision finale leur revient ; après tout, ils restent les Fondateurs. Je suis venu ici à quatre ou cinq reprises durant ma présidence – bien que la situation n’ait jamais été si sérieuse -, et chaque fois c’était comme faire un exposé devant une salle remplie de toons.
Le stade où se tient l’assemblée est une vaste dépression herbeuse entourée d’arbres. Il y a d’un côté un petit monticule avec au sommet un podium rustique en bois et je suis planté là, une énorme infofiche dans mon dos pour l’aspect audiovisuel, à leur faire mon topo. Je leur montre les images de la sonde, leur raconte ce qu’Ernie a fait, l’échec apparent de la ligne d’alerte, ainsi que mon évaluation de la situation. J’expose mes arguments aussi clairement qu’il est possible de le faire devant une foule compacte d’elfes, de loups-garous, d’orcs, de vampires, de goules, de zombies, de Jedi, de plusieurs copies de Tom et Jerry, d’Itchy et Scratchy, de Bip-Bip et de Coyote, d’assortiments de super-héros, d’innombrables Darth Vador et d’au moins deux lions colossaux. Histoire de préserver ma santé mentale autant que ma dignité, je garde les yeux fixés au sol et parle rapidement.
« J’estime, dis-je pour conclure, que cette sonde représente un danger manifeste et immédiat. D’une façon ou d’une autre, elle a traversé la ligne d’alerte, donc soit celle-ci est défectueuse – et là-dessus, notre enquête est toujours en cours -, soit la sonde a été conçue pour infiltrer des systèmes dotés de périmètres de défense passifs, ce qui me donne à penser qu’elle était à notre recherche. » Je lève les yeux, me demande pour la énième fois qui pourrait bien se réécrire en zombie. Je prends une grande inspiration.
« Vous avez examiné la sonde ? » demande un Wolverine.
Je soupire. Il y en a toujours un… « Comme je l’ai déjà évoqué, rappelé-je au public, la sonde est une épave. Son réacteur principal l’a rendue prodigieusement radioactive. À tel point que, dans d’autres circonstances, je vous recommanderais de porter plainte contre l’Agence pour l’avoir balancée dans notre système. »
Silence… Exigeant comme public. Les Écrivains adorent les blagues, tant que ce sont eux qui les font.

Hugues Charybde, le 23/06/2025
Dave Hutchinson - Acadie - éditions Le Bélial

L’acheter chez Charybde, ici

15.06.2025 à 13:47

Mark Ernestus’ Ndagga Rhythm Force et son nouveau Khadim

L'Autre Quotidien
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Qui se souvient des boitiers en alu qui contenaient les productions de Basic Channel, le label berlinois de Moritz von Oswald et Mark Ernestus ? Ces pépites dub techno qui se brisaient au moindre effort d’ouverture forcée ? Quand vous arriviez à les ouvrir, le jeu consistait à découvrir le dub présent enfoui sous des tonnes de bruit et de crachements. Mais une fois l’oreille faite, c’était le nirvana. Aujourd’hui, entre Dakar et Berlin, Ernestus reconfigure le son autrement. Explications.
Texte intégral (1161 mots)

Qui se souvient des boitiers en alu qui contenaient les productions de Basic Channel, le label berlinois de Moritz von Oswald et Mark Ernestus ? Ces pépites dub techno qui se brisaient au moindre effort d’ouverture forcée ? Quand vous arriviez à les ouvrir, le jeu consistait à découvrir le dub présent enfoui sous des tonnes de bruit et de crachements. Mais une fois l’oreille faite, c’était le nirvana. Aujourd’hui, entre Dakar et Berlin, Ernestus reconfigure le son autrement. Explications.

Khadim est une reconfiguration époustouflante du son Ndagga Rhythm Force. L'instrumentation est radicalement réduite. La guitare a disparu, tout comme la concaténation des sabars et la batterie. Chacun des quatre morceaux se concentre sur un ou deux batteurs seulement ; sinon, le seul élément enregistré est le chant, tout le reste est programmé. Les synthés sont dialogiquement verrouillés dans le rythme de la batterie. De manière révélatrice, Ernestus a fait appel à son Prophet-5 bien-aimé, un instrument emblématique depuis l'époque de Basic Channel, il y a trente ans. Sur le plan textural, le son est plus dubwise, piquant d'effets. Il y a une nouvelle spatialité, annoncée dès le début par les sons ambiants de la vie urbaine à Dakar. Au micro, Mbene Diatta Seck se délecte de cette nouvelle ouverture : diva du mbalax, elle transforme avec émotion chacune des quatre chansons en un épisode dramatique distinct, en utilisant différents ensembles de techniques rhétoriques. La musique est tendue, groovy et complexe, comme auparavant, mais plus volatile, intuitive et accessible, avec une expressivité émotionnelle et spirituelle turbulente.

Cela ne veut pas dire que Khadim représente une rupture. Sa capacité de transformation trouve ses racines dans les centaines et centaines d'heures que le Rhythm Force a passées à jouer ensemble. Près d'une décennie s'est écoulée depuis Yermande, le précédent album du groupe. Chaque année pendant cette période, à l'exception des confinements, le groupe a effectué de nombreuses tournées en Europe, aux États-Unis et au Japon. L'improvisation étant au cœur de sa création musicale, chaque performance a été évolutive, menant finalement à Khadim. « Je ne voulais pas simplement continuer avec la même formule, explique Ernestus. Je préférais attendre une nouvelle approche. Après avoir joué tant de fois en live, je voulais capturer une partie de l'énergie et de la liberté de ces performances. » Bien que plusieurs membres de l'ensemble en tournée ne participent pas à cet enregistrement – les percussionnistes sabar, le batteur, le synthétiseur –, leur présence reste présente dans la structure et le swing de la musique.

Lamp Fall est un hommage à Cheikh Ibra Fall, fondateur de la communauté spirituelle Baye Fall. La mosquée de la ville de Touba est connue sous le nom de Lamp Fall, car sa tour principale ressemble à une lanterne. Soy duggu Touba, moom guey séen / Quand vous entrez à Touba, c'est lui qui vous accueille. Après un début rapide et incantatoire, Mbene chante avec un sérieux réfléchi. Sa voix tourbillonne avec une réverbération, sur une interaction serrée, funky et propulsive entre le synthé et la batterie, entrelacée de deux coups de basse. Cheikh Ibra Fall mi may way, mo diayndiou ré, la mu jëndé ko taalibe… Cheikh Ibra Fall amo morome, aboridial / Cheikh Ibra Fall montre la voie à suivre, il nous donne de la force, il rassemble ses disciples… Débordant de grâce, Cheikh Ibra Fall n'a pas d'égal.

Entrecroisée de proverbes wolofs, Dieuw Bakhul est une chanson accusatrice sur la trahison, le mensonge et la médisance. Sur des synthés maussades et tourbillonnants et une basse sinistre et épurée, Mbene lance des bribes de voix flottantes, comme si elle repassait de vieilles conversations dans sa tête. La musique accompagne son désespoir jusqu'au bord de la rupture, à un moment où elle semble si perdue dans ses pensées et ses souvenirs qu'elle menace de se désintégrer. Bayilene di wor seen xarit ak seen an da ndo... Dieuw bakhul, dieuw ñaw na / Arrête de juger tes amis et tes compagnons... Un mensonge n'est pas bon, un mensonge est laid.

Khadim est un morceau phare, actuellement la pièce maîtresse des concerts de Ndagga Rhythm Force. La chanson est dédiée à Cheikh Ahmadou Bamba, alias Khadim, fondateur de l'ordre soufi Mouride. Serigne Bamba mi may wayeu / Serigne Bamba est celui qui me fait chanter. Les couplets citent les noms de membres vénérés de sa famille et de sa confrérie, tels que Sokhna Diarra, Mame Thierno et Serigne Bara. Bien que l'islam soit pratiqué au Sénégal depuis un millénaire, ce n'est qu'au début du XXe siècle qu'il a commencé à imprégner profondément la société sénégalaise ordinaire, parallèlement à l'anticolonialisme. Les vers rappellent ici l'exil de Bamba par les Français au Gabon, puis en Mauritanie, à cette époque fondatrice. Pendant son exil, ses ravisseurs ont un jour introduit un lion dans sa cellule : gaïnde gua waf, dieba lu ci Cheikhoul Khadim / le lion ne bouge pas, il se soumet à Cheikh Khadim. Une basse profonde et puissante, une grosse caisse régulière et des accords simples et réverbérés sur le contre-temps confèrent à ce morceau l'atmosphère et l'élan du reggae steppers. Une flûte joue des bribes d'une mélodie traditionnelle Baye Fall ; le jeu de batterie polyrythmique éblouissant est signé Serigne Mamoune Seck. Mbene mêle de manière captivante vocalises percussives, suspense narratif, louanges exultantes, introspection et griefs.

Nimzat est un hommage dévotionnel à Cheikh Sadbou, un contemporain de Bamba, enterré dans un mausolée à Nizmat, dans le sud de la Mauritanie. Way nala, kagne nala... souma danana fata dale / Je t'appelle et je m'interroge sur toi... Si je suis submergé, viens à mon aide. La ville revêt une importance particulière pour le soufisme khadr. Un pèlerinage annuel y est organisé encore aujourd'hui. Le rythme est joyeusement funky ; l'ambiance est sombre, sobre, inquiétante. Ponctué par des coups de tonnerre, Mbene chante avec une révérence contenue et intense, d'une voix rauque et confidentielle, inébranlable. Nanu dem ba Nimz. Afrique future, techno future, à vous de voir. Mais à écouter en boucle(s) !

JP Samba africaine le 16/06/2025
Mark Ernestus’ Ndagga Rhythm Force - Khadim - Ndagga

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