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Jorja Smith : Rose Rouge
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Sublime est celui
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Bashô
Demain est souvent bien loin.
Proverbe lituanien
La raison est régulière comme un comptable.
La vie anarchique comme un artiste.
Georges Canguilhem
Varvara Rodchenko : Elapsed time
08.09.2025 à 11:23
Un festival de littérature au sens large mais qui met à l’honneur la bande dessinée partout, avec LEO en invité d’honneur, qui sera au programme des rencontres en plus de séances de dédicaces. Sa venue est en amont de la sortie d’un beau livre en novembre Le bestiaire des mondes d’Aldebaran, avec des dessins originaux de LEO et les commentaires de l’éthologue et chercheuse en neurosciences comportementales Olivia Le Moëne.
Dans un article précédent, je vous parlais des invité.e.s —avec pas mal d’artistes de bande dessinée— et le programme commence à se préciser. Le vendredi, Xavier Coste & Antoine de Caunes évoqueront leurs lectures fondatrices vis-à-vis de la création, autour de leur album commun. Le dimanche Audrey Audrey Alwett, Mini Ludvin & Norah Moretti seront sur scène pour échanger autour de la notion d’héros et héroïnes, d’hier et d’aujourd’hui, avec le fil rouge de leurs séries Princesse Sarah, Grimoire d’Elfie, Magic Charly. Et le samedi Marguerite Abouet, Hannelore Cayre et David Foenkinos parleront d’adapter à l’écran leurs propres récits mais laissons la parole à Phalène de La Valette qui vous en parle dans cette interview.
Avant de lancer le festival, Phalène de La Valette était journaliste et a été rédactrice-en-chef du Point Pop, la branche culture du magazine Le Point. En plus de son implication dans Cultissime depuis 2023, elle est également éditrice free-lance. Son œuvre cultissime : Le Seigneur des anneaux de J.R.R. Tolkien.
Côté programmation, vous mettez LEO en invité d’honneur (et l’an dernier c’était Jean Van Hamme), Marguerite Abouet et l’une des marraines de l’événement, il y a un lien très fort avec la bande dessinée à Cultissime ?
Phalène de La Valette : Oui, bien sûr !
À Cultissime, on pense sincèrement que ce qui compte avant tout, c’est le plaisir de lire. Et la bande dessinée est évidemment un grand plaisir de lecture, il n’y a qu’à voir les nombreuses œuvres cultes qu’il y a en bande dessinée. Donc forcément, on y accorde beaucoup de place dans la programmation de Cultissime.
Mais c’est valable pour tous les genres, on essaye d’équilibrer la programmation, justement pour que tous les goûts de lecture puissent s’y retrouver.
Tu es toi-même une grande lectrice de bande dessinée ? Est-ce que tu peux en profiter pour nous parler de ton rapport aux livres, à la culture ?
P. dlV. : Je suis une grande lectrice tout court et je dévore de la bande dessinée. Ce n’est pas un hasard si Jean Van Hamme était le premier invité d’honneur — je suis une grande fan de Thorgal et une grande partie de sa biblio. Et j’ai beaucoup lu LEO quand j’étais jeune aussi !
Mon rapport à la lecture est simple : j’ai eu la chance de tomber dedans quand j’étais petite. Et plus on lit, mieux on lit. Je fais partie de la génération Harry Potter. Des millions d’enfants —et d’adultes— qui d’un coup ont senti que la lecture était faite pour eux alors que ce n’était pas forcément le cas avant. Et depuis, se sont ouverts tout un tas d’horizons.
Et c’est vraiment l’objectif de Cultissime : de donner un maximum d’opportunités et de portes d’entrée vers la lecture. On croit profondément que la lecture, c’est ce qui permet —je dirais presque— à la société de fonctionner.
Justement quelle est votre position par rapport au discours ambiant — pas forcément tout le temps justifié— de dire que les Français, ou les jeunes, lisent moins ? Ou alors plus sur téléphone… Comment vous vous positionnez par rapport à ça ?
P. dlV. : Il y a un recul de la pratique de la lecture. Mais on parle souvent des jeunes, et on a tort, parce que ce ne sont pas que les jeunes qui lisent moins. Toute la société, même les gros lecteurs ont un temps de lecture moindre.
Certes il y a de la lecture sur smartphone, ou des lectures sur écran, mais si tu prends le temps de lecture plaisir —pas pour m’informer comme le journal, ni pour apprendre par exemple— juste la lecture plaisir : la lecture est souvent le dernier loisir vers lequel on se tourne. Quand tu as du temps, jeune ou moins jeune, quand tu dois choisir ce que tu vas faire de ce temps libre, on n’associe plus assez la lecture à l’idée de plaisir.
Il y a une idée d’éducation, d’information voire de corvée ou d’effort, mais pas assez de plaisir. C’est moins le cas dans la bande dessinée, heureusement, et elle est un énorme vecteur de lecture. Il ne faut pas penser que parce que ton gamin ne lit que la bande dessinée, il ne lira jamais rien d’autre. Ce n’est pas vrai du tout, au contraire. Je peux en témoigner, mon fils de 6 ans a eu le déclic de la lecture avec une BD (Le Grimoire d’Elfie) et après les avoir dévorés, c’était parti pour la lecture des bouquins.
En fait, il y a autant de profils de lecteurs que de lecteurs, il ne faut pas imposer une porte d’entrée, un style de littérature, un style de livres… Il faut multiplier les possibilités pour que les enfants puissent s’emparer de la porte qui leur convient et, ensuite, se laisser embarquer.
Tu parlais tout à l’heure d’un festival implanté dans la ville, est-ce que vous avez une programmation pour les scolaires aussi ?
P. dlV. : L’année dernière, on avait accueilli quasiment 400 élèves avec tout un programme, mais c’était énormément de logistique. Cette année, on propose une journée scolaire : on part sur 4 écoles du territoire avec deux auteurs jeunesse et un slameur. On a toute une programmation pour 8 classes de CM1-CM2.
Vous êtes 11 dans l’équipe, comment se prépare un tel festival ? C’est une organisation à l’année ?
P. dlV. : C’est très particulier cette année, parce que j’ai un peu l’impression de refaire une deuxième « première édition ». Parce qu’avec ce qui s’est passé, avec le retrait des subventions de la région Pays de la Loire, qui a coupé quasiment toutes les subventions culturelles dans la région —on n’est pas du tout les seuls touchés, sauf qu’on venait de se lancer ! Et ça a été très compliqué de relancer cette deuxième édition avec un budget grevé de 100 000 euros en moins.
On a dû revoir tous nos plans et budgets prévisionnels. Dans le budget prévisionnel, il était prévu que l’équipe, quasi 100% bénévole, puisse se rémunérer en année 2. Du coup, on a dû laisser tomber et on est restés bénévoles. Sauf pour quelques postes techniques où on a besoin d’employer des professionnels à 100% de leur temps.
Globalement, c’est un projet passionnel. Toute l’équipe croit à l’importance de la lecture et qu’il y a des choses à réinventer dans les salons. Ce qu’a dit LEO — « Cela fait longtemps que j’ ai mis fin à ma participation à des festivals, préférant garder mon énergie pour continuer à travailler mes BD à un rythme soutenu. Mais votre festival m’a semblé à part. »— ça m’a fait très plaisir, parce que c’est exactement ce qu’on essaye de faire. De faire différemment, pour réinventer un peu les choses.
La plupart des festivals —et je ne critique pas, c’est formidable aussi—sont thématisés, que ce soit en direction d’une catégorie d’âge, soit en direction d’un certain profil de lecteur ou d’un certain genre. On a fait le choix pour Cultissime de ne pas du tout avoir de catégories et de multiplier tous les genres. Même si tu regardes les prix Cultissime, il y a des choses très variées, et mises à égalité.
Comment définissez-vous la ligne éditoriale ? Et qu’est-ce qui change pour cette nouvelle édition ?
P. dlV. : Ce qui change, c’est que l’on est sur plusieurs lieux. Ça va être une configuration différente, cette année on est en plein centre-ville —dans des lieux iconiques comme le château d’Angers et la Collégiale Saint-Martin— ce sera un festival plus ancré au niveau de la ville.
Pour revenir à la question de la ligne éditoriale, le fil rouge est toujours les œuvres cultes. Et c’est quoi une œuvre culte ? Tu as à la fois une définition hyper universelle : ce sont les références partagées par tout le monde —même si tu n’aimes pas Alexandre Dumas, tu sais que Les Trois mousquetaires, c’est culte. Et puis après, tu as le côté hyper personnel : on a tous notre propre panthéon d’œuvres cultes —même si personne ne connait, ça peut être une œuvre culte pour toi et donc, ça a un impact. C’est ça qui nous permet de jouer la variation et d’accueillir tous les types de littérature, et demander les œuvres cultes des auteurs invités ça permet aussi de mettre des coups de projecteurs sur des œuvres oubliées ou au contraire universelles.
C’est pour ça que vous avez lancé les prix Cultissimes dès la 1ère édition ? Qu’est-ce que ces prix représentent ?
P. dlV. : C’est un pari. Ce qu’on ne voulait pas, c’est qu’on se dise que Cultissime « c’est un festival des œuvres du passé ». On est un festival de littérature vivante —on accorde une grande place aux littératures classiques parce qu’elle nourrit la littérature actuelle— mais on croit aussi que demain, tu peux avoir une œuvre culte qui naît d’un coup comme Harry Potter ou d’autres très récentes.
L’idée de ces prix, c’est donc d’essayer de repérer, parmi tout ce qui sort chaque année— et ça signifie à beaucoup de publications— les œuvres qui vont rester. Et qu’on trouvera encore en bibliothèque, en librairie dans 5,10,15 ans… Ça vaut la peine de mettre un coup de projecteur dessus, parfois c’est un choix évident, parfois c’est un gros pari et parfois ça ne marchera pas du tout.
J’ai présenté les invité.e.s dans un article précédent, il y a pas mal d’auteurices de bande dessinée, dont une exclue avec les auteurs de Wonder Woman & Harley Quinn – La Souffrance et le Don, Sylvain Runberg & Miki Montlló qui seront en dédicace le jour de la sortie de l’album. Comment choisissez-vous les invité.e.s ?
P. dlV. : D’abord par goût ! On a une équipe assez variée, avec leurs coups de cœur, leurs envies d’invité.e.s. Ensuite, on a évidemment essayé aussi d’être à l’écoute des éditeurs et des événements importants pour eux : comme quand Urban nous dit que c’est un de leurs enjeux de la rentrée parce que c’est la première fois que les personnages de Wonder Woman et d’ Harley Quinn sont traité par des français et espagnol directement —ça match avec nous et on les accueille. Et bien sûr, il y a les envies du public !
Il y a une spécificité aussi dans ce festival, c’est vous proposer des ateliers, des ateliers créatifs, des ateliers d’écriture, des ateliers de découverte, comment ça se passe ?
P. dlV. : C’est la même idée, d’offrir de multiples possibilités. Par exemple, si tu prends un enfant de n’importe quelle catégorie d’âge, l’idée est qu’il puisse trouver dans Cultissime la porte d’entrée qui lui convient. Et parfois, c’est une porte directe— l’auteur qu’il aime bien— et parfois ça va être complètement détourné : un spectacle, une initiation à l’escrime avec d’Artagnan et Cyrano, des jeux, des animations, etc. C’est pour ça qu’on a pas mal d’ateliers et d’animations à destination de tous les âges.
Y compris pour les adultes avec les ateliers d’écriture, qui sont vraiment des opportunités d’être coachés par des auteurs. Et ça plait pas mal. La démarche est toujours la même, c’est vraiment de donner la possibilité de passer un bon moment.
Si les festivals de bande dessinée sont assez festifs, l’image des festivals littéraires, c’est quand même quelque chose d’assez plan-plan, où tu fais la queue pour avoir une dédicace et puis écouter une conférence. L’idée c’est d’avoir ça aussi —parce que c’est important et qu’on aime ça aussi— mais d’avoir un côté très festif, très familial : comme tu pourrais passer une journée ou une après-midi à la fête foraine. Même si tu détestes lire, tu peux t’amuser à Cultissime.
Le programme est très riche, qu’est-ce que tu conseillerais aux festivaliers qui ne savent pas par quoi commencer ?
P. dlV. : De venir rencontrer LEO, parce qu’il va être de plus en plus rare qu’il se déplace et qu’il fasse des dédicaces —même son éditrice est étonnée. C’est un événement en tant que tel.
Une porte d’entrée intéressante est de regarder dans la librairie du festival : quelles sont les œuvres cultes des différents auteurs que j’apprécie. Les infos sont disponibles, et si tu aimes Marguerite Abouet par exemple, tu vas découvrir qu’est-ce qui la nourrit : parfois ce sont des choses que toi-même tu connais, et parfois pas du tout. Et c’est sympa de pouvoir découvrir quelque chose que ton auteur aime.
Et ce que j’aime bien aussi, c’est quand on a la possibilité de croiser des regards qui n’ont a priori rien à voir. Par exemple on a une table ronde sur « s’adapter soi-même au cinéma » avec Marguerite Abouet, David Foenkinos et Hannelore Cayre —trois profils littéraires qui ont rien à voir entre eux— qui ont le point commun d’avoir écrit le scénario de l’adaptation de leur propres livre ou BD. Ça donne souvent des trucs assez riches.
Rendez-vous dans moins d’un mois, les 26,27 et 28 septembre à Angers pour le festival. La billetterie est ouverte à cette adresse, pour le programme, c’est ici.
Thomas Mourier, le 8/09/2025
-> Les liens renvoient sur le site Bubble qui vend les ouvrages évoqués
08.09.2025 à 08:16
Soyons réalistes : tu es un auteur âgé, tu vis depuis longtemps en province, tu n’as pas de réseau parisien, tu publies relativement peu et tu vends très peu, alors qu’est-ce qui t’as poussé à créer ta structure éditoriale, La Culottée ?
Jean Songe : Eh bien, pour ces mêmes raisons que tu viens de citer, augmentées du fait que j’avais de plus en plus de difficultés relationnelles avec les maisons d’édition “officielles “ et de mon insatisfaction grandissante à leur égard à cause de leur manque de soutien dans la promotion de mes récit-enquêtes qu’elles acceptaient pourtant de publier et de leur refus de publier mes romans noirs ou un “ truc “ inclassable comme “ D10S, tangos pour Maradona “. Donc, quitte à vendre très peu, autant se faire plaisir, renouer avec une pratique “underground“, DIY, comme aux temps ancestraux de “Combo !“ et des Editions Black Mony que nous avions montés avec David Dufresne, car « la vie est un sport et un passe-temps rock’n’roll », et éditer mes textes inédits et ceux d’auteurs dont j’apprécie le taf.
En quoi La Culottée se démarque-t-elle des autres maisons d’édition ?
J.S. : Beaucoup de “ petits “ éditeurs soignent leurs ouvrages et La Culottée se place dans leur lignée. Un livre est un Tout. J’ai souffert du degré 0 d’inventivité graphique pour mes 2 derniers bouquins “ officiels “. Pour les couvertures de La Culottée, je voulais des belles illustrations et comme j’ai des amis qui sont de brillants artistes, comme Jean-Christophe Chauzy (et son fiston Etienne), j’ai fait appel à leurs talents, ou bien c’est l’auteur qui a sa petite idée visuelle (dans le cas de Francesco Pittau, il a sollicité Stéphane Oiry). Je souligne que les dessinateurs participent gracieusement à La Culottée (et chapeau à eux). Je pense que l’esthétique dessinée des couvertures de La Culottée tire l’œil du futur lecteur. Concernant les textes, en forçant un peu le trait, je pourrais citer Jana Cerna (qui mérite de figurer au panthéon des Lettres rien que pour son titre “ Pas dans le cul aujourd’hui “) qui encourage « Une œuvre qui ne sera pas aseptisée, à faire dégueuler et chier celui qui la consomme, à faire surgir en lui tout à la fois un sentiment de bonheur et d’horreur, une œuvre sans limites et qui ne se laissera imposer des limites par rien et à aucun moment. » Des livres conçus pour des personnes qui ne lisent pas ou qui ont perdu le goût de lire et pour les encourager je tiens à ce que le prix des ouvrages soit accessible, dans une fourchette de 5 à 15 euros maximum. Il faut rappeler que le livre est une espèce menacée, en voie de disparition, alors que c’est peut-être la plus belle invention humaine, celle qui te relie télépathiquement avec l’esprit de son créateur mort ou vivant, à une vitesse de lecture d’environ 200 millisecondes par mot.
Quelle est ta programmation pour les mois à venir ?
Début septembre, 3 titres très différents : “ Poèmes écrits dans ma voiture “, un recueil de poésie de Al Denton, déroutant et inclassable, “ Mala “ un court roman de Francesco Pittau (reconnu pour ses récits destinés à la jeunesse), que je qualifie de “ roman d’apprentissage contemporain “, qui est lisible dès un âge tendre et enfin la réédition de “ Bibi la Bibiste “, le plus court roman de la littérature paru en 1918, pré-Dada, iconoclaste. Ces 3 ouvrages représentent bien la diversité de La Culottée, et leur parution sera accompagnée par le numéro 1 de La Déculottée, une revue semestrielle qui met en valeur les auteurs présents et à venir (et des morts que je ressuscite, La Culottée a ce super-pouvoir). Dans les bien vivants à suivre, je peux citer Christian Casoni et son formidable roman noir “ Un méchant coup de pompe “, un mix de Simenon moderne et de Pierre Siniac (j’endosse l’entière responsabilité de la comparaison), ça sortira en décembre avec “ Le show du lapin “, un conte très déconnant d’une jeune autrice mystérieuse et, coup de tonnerre (scoop), un ouvrage d’“ intervention civique “, soit les dix meilleures interviews pratiquées en 2025 par mon complice et meilleur ami, David Dufresne, dans son médium audiovisuel Au Poste !; et ça va dépoter ! J’ai à peu près un an de visibilité pour les futurs bouquins, fiction, poésie, intervention civique, réédition (dont un Prix Nobel de littérature oublié aujourd’hui), et certainement des recueils d’images (Thierry Guitard pour en citer un). Je compte publier environ 9 titres par an, mais comme l’impression à la demande (le mode opératoire que j’ai choisi ) permet une très grande souplesse et rapidité d’exécution, absolument rien ne m’empêche de publier très vite un ouvrage pas prévu au programme (tiens comme le Flipbook qui sera offert pour une commande de 20 euros en septembre)…
Les livres sont à commander en ligne sur :
ou en s’adressant à : editions.laculottee@gmail.com