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27.10.2025 à 12:43

Reconstruire à l’identique ne sert à rien – les inondations, si elles sont venues reviendront – mais c’est évidemment un crève-cœur de rendre la parcelle à la nature et d’aller loger en appartement en ville, sur les hauteurs. Il serait certes imaginable de reconstruire son habitat sur pilotis et de regarder passer les inondations en buvant un jus de fruit sur sa terrasse surélevée mais cette nouvelle maison se révèle d’un pauvre secours face à la puissance des tempêtes à venir. Reconstruire sa maison en bois biosourcé – à grands frais car les assurances se fatiguent déjà de rembourser les dégâts liés au réchauffement climatique – pour voir son toit arraché par une tornade a de quoi désespérer de l’adaptation les meilleures volontés.
Heureusement, Chroniques d’architecture, s’appuyant sur des usages du passé, propose aux propriétaires désemparés et aux nouveaux acheteurs de maisons individuelles une solution parfaitement protectrice, peu onéreuse et durable, c’est-à-dire destinée à durer, laquelle s’inscrit parfaitement dans le futur prévisible : mieux que la taupinière, l’adobe en dôme de béton armé.
Voyons, imaginez une maison en forme d’igloo, un dôme constitué d’un mur de béton de 30 cm d’épaisseur. L’entrée se fait par le haut, via une écoutille semblable et aussi hermétique que celle d’un sous-marin (on sait les construire à Saint-Nazaire). Quelques fenêtres en hauteur, avec du vitrage pare-balles et dotées de volets étanches et voilà le travail : un sam’suffit qui résistera aux inondations et aux coulées de boue et qui, sans prise au vent, résistera également aux tempêtes extraordinaires et autres tornades – aucun risque de toit arraché et pas besoin de remplacer tuiles ou ardoises après chaque coup de vent. Un bâtiment qui résistera même aussi bien aux UV et au soleil incandescent qu’aux éclats d’obus ou aux tirs de kalachnikov ou à l’effondrement d’une grue ou la chute d’un arbre. Question sécurité, pour une famille, c’est encore mieux qu’une ‘panic room’. Et pour protéger ses bijoux de famille, c’est un intérieur inviolable, même avec une disqueuse ! La demeure pourra même à l’occasion restée submergée quelques jours pourquoi pas : il faut juste prévoir le périscope et des réserves de nourriture. Une terrasse sur le toit pour les beaux jours et en cas d’ouragan – on a généralement le temps de les voir venir – il suffit de ranger le mobilier de jardin pour ne pas le retrouver chez des voisins à dix kilomètres de là.
En plus, une fois l’inondation partie, il suffit d’un coup de Karcher pour nettoyer la façade et il n’y a aucune perte intérieure à déplorer, l’électroménager n’est pas à jeter et à remplacer, ce qui ne peut que faire plaisir aux assurances justement quand il s’agit de les convaincre de financer la reconstruction de son pavillon désormais moisi.
Vu l’état du monde et les dérèglements climatiques, personne ne sait à ce jour à quelle météo et à quels aléas l’homme devra faire face d’ici 20 ou 40 ans ou en 2100. Une certitude cependant, le dôme de béton a plus de chance de résister dans le temps que n’importe quelle maison de constructeur ou d’architecte. Voyez les bunkers allemands de la côte atlantique, toujours là 80 ans plus tard, sans aucun entretien ! Pour résister aux séismes, le béton est par ailleurs le meilleur des matériaux. Et si l’argile se rétracte à cause de la sécheresse, la maison sera peut-être provisoirement, en attendant la pluie, un peu penchée mais elle ne sera pas fissurée au point de la rendre inhabitable.
Quand à l’aspect énergétique, il suffit de quelques personnes vivantes pour réchauffer l’intérieur d’un dôme parfaitement étanche, là encore la preuve par l’igloo, plus sûrement la yourte d’ailleurs puisque pour l’igloo il faut de la neige et que de neige, il n’y en aura plus. De fait, les bureaux d’études devraient pouvoir calculer l’épaisseur du mur pour, comme dans un parking enterré, assurer une température à peu près constante toute l’année. D’ailleurs les Indiens Pueblo vivaient – vivent encore pour certains – dans des kiva leur permettant d’affronter des chaleurs torrides l’été et de très grands froids l’hiver. Et ils pénètrent dans leur kiva par le haut. Notons encore les Ksars du sud tunisien aux toits arrondis. Un tel habitat en adobe ne serait donc pas si nouveau pour les Français et sans doute une preuve d’adaptation efficace.
Ce d’autant plus qu’il suffisait d’un soldat sur un vélo pour fournir de l’électricité à 40 bonshommes dans un bunker. Un simple vélo d’appartement ultramoderne ferait donc l’affaire et permettrait, en attendant des jours meilleurs et que le réseau soit rétabli, de maintenir au frais denrées alimentaires et précieux appareils électroniques. Sur le temps long, une maison parfaitement écologique et économe en somme. Et à un coût de production industrialisé bien moindre que n’importe quelle maison de constructeur. Pour se différencier entre les anciens et les modernes, d’aucuns pourront peindre le béton de la couleur de leur choix, les autres privilégieront le béton brut. Enfin pour être tout à fait écolo, pour ceux qui tiennent aux signes extérieurs de richesses, il y a bien sûr le dôme en pierre de taille ou en basalte, mais c’est plus cher.
De fait, il serait ensuite possible d’imaginer des villages de ces maisons, comme les villages Pueblo par exemple, voire des quartiers entiers à l’architecture proliférante telle Habitat 67 de Moshe Safdie, mais avec des courbes qui font moins mal aux yeux que l’angle droit.
Sinon l’alternative est de se réfugier dans des habitats troglodytes, qu’il faudra creuser de plus en plus profondément pour garantir une température suffisamment confortable au fur et à mesure que la moitié de la planète deviendra un désert, soit à cause de la chaleur insoutenable, soit trempé de pluies diluviennes soit les deux en même temps avec un taux d’humidité de 80 %. En l’occurrence, il s’agirait toutefois pour l’humanité d’une marche inversée : au lieu de sortir de la caverne, nous y entrerions de plus en plus profondément et, dans 1 000 ans, d’espérer une nouvelle civilisation des taupes.
Christophe Leray, le 28/10/2025
L’ indestructible maison individuelle, durable pour le siècle qui vient
27.10.2025 à 12:07

Perseverance Flow est le dixième album de l’ensemble Natural Information Society (NIS) basé à Chicago. Après une trilogie de doubles albums vinyle enregistrés par une formation élargie du groupe, qui a débuté en 2018 avec Mandatory Reality et s'est poursuivie avec Since Time Is Gravity (sélectionné parmi les meilleurs albums jazz et expérimentaux de l'année par Pitchfork et classé n° 1 des albums underground de 2023 par Mojo), NIS revient à sa formation initiale composée de Lisa Alvarado à l'harmonium, Mikel Patrick Avery à la batterie, Jason Stein à la clarinette basse et le compositeur/multi-instrumentiste Joshua Abrams au guimbri pour une composition continue de 37 minutes sur un seul album.
L'une des réflexions profondes de cette “information naturelle (merci Bill Callahan)” est la grande diversité des sources d'inspiration dont s'inspire Abrams au cours des plus de 15 ans d'histoire du groupe : les idées issues du minimalisme, du jazz modal et des musiques traditionnelles sont régulièrement réinventées dans ces compositions. Le double album descension (Out of Our Constrictions) sorti en 2021, avec le soliste invité Evan Parker, reflète l'amour d'Abrams pour la musique festive, la house de Chicago et John Coltrane. Mais même les voyageurs chevronnés du NIS doivent se préparer au Perseverance Flow qui taquine les codes et s’amuse à les réverbérer sans sourciller jusqu’à l’hypnose du derviche tourneur , façon Terry Riley.
À propos de l'histoire et des inspirations derrière l'album, Abrams explique : « Nous avons joué ce morceau pendant un an en concert avant l'enregistrement. À Electrical (Audio Studios, Chicago), nous sommes arrivés à 11 heures et avons terminé à temps pour aller chercher nos enfants à l'école. » Abrams poursuit : « Dans un monde de référence, j'imagine Perseverance Flow comme une réalisation live prolongée d'un instrumental perdu de Jaylib remixé par Kevin Shields. Ou vice versa. Je pense également qu'il s'apparente à certaines musiques de danse plus complexes sur le plan rythmique, issues de Chicago et de Lisbonne. »
Le noyau de l'ensemble NIS que l'on entend sur Perseverance Flow aborde toujours les compositions d'Abrams avec la discipline des musiciens d'orchestre et la créativité des improvisateurs. Mais cette fois-ci, au lieu d'inviter des musiciens légendaires tels qu'Evan, William Parker ou Ari Brown à improviser librement sur les compositions, Abrams a invité le studio d'enregistrement lui-même à collaborer. Assis à la console avec l'ingénieur Greg Norman, Abrams a poussé les techniques de post-production, que l'on ne trouvait que sporadiquement sur les précédents albums de NIS, au cœur même de la musique, déformant et remodelant les instruments pour modifier subtilement, et parfois agressivement, le timbre, la texture, la couleur et le tempo.
En réfractant les enchaînements rythmiques hypnotiques caractéristiques du groupe à travers le prisme sonore du dub, Perseverance Flow est l'album le plus expérimental de NIS à ce jour - et un bonheur. Désormais, un univers sonore unique en son genre s'écoute lui-même, se console et s'amuse, et vous console et vous amuse. Un mythe de destruction et un mythe de création d'un univers sonore à la fois — « énergétiquement nutritif » (octobre 2025, numéro 500, The Wire) société de l'information surnaturelle.
Et, pour conchier les anti-woke qui croient que la culture n’est que celle des gagnants dont les vagues souvenirs s’étalent - avec grandiloquence, de Lagarde et Michard au Top 50 -, on pense )à la famille narkozy, sous sédatifs, et vous conseiile d’écouter en boucle le titre générique de l’album et toutes ses variantes studio. Croyez-moi, ça décalamine furieux les esgourdes. Les plus bouchées… Go for it ! D’autant que cela évoquera chez certains les drones du Velvet et les boucles des Spacemen Three.
Jean-Pierre Simard, le 28/10/2025
Natural Information Society - Perseverance Flow - Eremite
27.10.2025 à 11:29

Entre 1986 et 2025, il aura fallu quatre décennies pour que le rap du sud des États-Unis ne s’impose, prospère et devienne incontournable pour beaucoup d’auditeurs. De ces racines ancrées au coeur des traumatismes historiques de l’Amérique et de ces traditions culturelles et musicales atypiques, une nuée d’artistes a su s’élever et jouer des coudes face aux côtes Est et Ouest, par le truchement de labels locaux indépendants, de créateurs singuliers et d’innovations musicales remarquables. Dans cet ouvrage, le lecteur traversera ainsi le Miami de la bass music du milieu des années quatre-vingt, le Texas de Rap-A-Lot Records, de DJ Screw et d’UGK, mais aussi le Memphis de la révolution crunk, La Nouvelle-Orléans et ses grands empires bâtis sur le terreau fertile de la bounce music, de même que l’Atlanta de Laface Records jusqu’à l’avènement de la trap. Sexe, drogue, violence et matérialisme extrême s’inscrivent ici dans des contextes sociaux et culturels tout aussi radicaux, les textes et les productions déversés par milliers pendant quarante ans constituant dès lors un corpus musical foisonnant et sans équivalent dans l’histoire de la musique.
Alors, même si c’est lassant d’ingurgiter autant de références, de sons et d’aventures, il faut s’y référer. C’est un peu comme une bible sur le sujet. A piocher au hasard des nuits sans sommeil, le doigt sur Toi Tuyau pour écouter et se laisser surpendre. Chaudement recommandé aux professionnels de la profession, comme à l’illustre néophyte qui saura amuser ses amis avec beaucoup de trucs insensés. What else ?
Jean-Pierre Simard, le 28/10/2025
Ludovic Villard - Dirty South, une histoire du rap dans le. Sud des Etats Unis, THREE 6 MAFIA, UGK, OUTKAST, LIL WAYNE, GUCCI MANE & LES AUTRES… Le Mot et le Reste